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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 21 décembre 1869

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1869-1870)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 269) M. de Vrintsµ fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Dethuin lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Vrintsµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Les sieurs Otto de Nieulant, Breydel et autres membres du comice agricole de l'arrondissement de Bruges appellent l'attention de la Chambre sur la nécessité d'adopter un système de défense efficace contre les envahissements de la mer depuis Heyst jusqu'à Wenduyne. »

M. de Vrièreµ. - Je proposerai à la Chambre de renvoyer cette requête à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport. Elle a un caractère d'urgence incontestable. »

- Cette proposition est adoptée.


« Des habitants de Sart-Bernard demandent la séparation de ce hameau de la commune de Wierde et son érection en commune distincte. »

M. Lelièvreµ. - Cette pétition a un caractère d'urgence. Elle est, du reste, fondée sur les motifs les plus légitimes. Je demande qu'elle soit renvoyée à la commission, avec prière de faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur Raimon, décoré de la croix de Fer demande une loi accordant aux décorés de la croix de Fer une pension annuelle de 2,000 francs au lieu du subside dont ils jouissent actuellement. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

Vérification des pouvoirs

Arrondissement de Mons

« Par dépêche du 18 décembre, M. le ministre de l'intérieur transmet, avec les pièces à l'appui, les procès-verbaux des opérations qui ont eu lieu à Mons, le 16 de ce mois, pour l'élection d'un représentant en remplacement de M. Lange, décédé. »

- Il est procédé au tirage au sort d'une commission de sept membres pour la vérification des pouvoirs. La commission se compose de MM. de Muelenaere, T'Serstevens, de Kerchove de Denterghem, de Borchgrave, Lelièvre, Vermeire et Lefebvre.

MpDµ. - Je prie la commission de vouloir bien s'occuper de son travail séance tenante.

- La commission se retire pour délibérer.

M. de Breyne-Dubois, dont l'admission a été prononcée dans la séance précédente, prête serment.

Proposition de loi relative aux voies de recours en matière fiscale

Retrait

M. Lelièvreµ. - M. Guillery et moi nous avions déposé un projet de loi concernant la réduction du droit d'enregistrement en matière d'appel et de cassation. Ce projet se rattachant à un système général de réduction des frais de justice et en présence de la présentation du projet de loi concernant le code de procédure révisé, nous retirons, pour le moment, notre proposition, sauf à la reproduire lors de la discussion du projet de loi relatif à la procédure. '

MpDµ. - Il est donné acte à M. Lelièvre du retrait de la proposition.

Motion d’ordre

M. Lelièvreµ. - Comme il importe de déblayer ce qu'on considère à tort comme l'arriéré de la Chambre, je pense que l'on peut faire disparaître des projets dont la Chambre est saisie, la poursuite de l’action civile résultant du crime ou du délit commis par un ministre hors de l'exercice de ses fonctions (article 7). En effet, cet article se rapporte à une loi du 10 juin 1865 qui, aux termes de l'article 10 de cette disposition législative, a cessé aujourd'hui d'être en vigueur, attendu qu'elle n'avait plus d'existence après une année. Il est donc évident qu'on ne peut plus s'occuper de l'article 7, alors que la loi principale a cessé d'exister.

Je pense donc qu'on peut rayer le projet dont il s'agit du nombre de ceux dont la Chambre doit s'occuper.

MpDµ. - Il faudrait que la proposition fût faite par les auteurs du projet de loi.

M. Lelièvreµ. - S'il y a le moindre inconvénient à faire droit à ma demande, je n'insiste pas, mais il est évident que l'examen d'un article se référant à une loi qui n'existe plus est devenu sans objet.

Projet de loi relatif à la cession et au démantèlement de la citadelle du sud à Anvers

Discussion des articles

Article premier

«Art. 1er. La convention conclue le 14 octobre 1869 entre le gouvernement belge et le docteur Berthel-Henry Strousberg et qui a pour objet la cession, au prix de quatorze millions de francs, des propriétés du domaine de la guerre de la place d'Anvers que le démantèlement de la citadelle du Sud doit rendre disponibles, sortira son plein et entier effet. »

M. Janssensµ. - Messieurs, il est assez dans les habitudes de la Chambre de permettre, à l'occasion de la discussion de l'article premier d'un projet de loi, de présenter certaines considérations ayant un caractère général. Je demande donc à pouvoir dire, en peu de mots, les motifs qui m'obligeront à m'abstenir.

Je voterais volontiers la loi qui assure la démolition d'une citadelle à laquelle, pour la première de nos villes de commerce, s'attachent de douloureux souvenirs et des craintes non moins pénibles.

Je voudrais voter encore le projet de loi puisqu'il assure l'exécution de travaux considérables et que je considère comme étant d'un haut intérêt, Je voudrais le voter, enfin, parce que je n'hésite pas à reconnaître que le gouvernement a eu la main heureuse dans les négociations dont il nous apporte les résultats.

Je considère les conditions et le prix du marché comme étant très avantageux.

Ce que je ne puis approuver, c'est l'emploi que l'on veut faire des fonds à provenir de cette vente. Ils seront consacrés à continuer le système de fortifications qui entoure la ville d'Anvers.

J'ai voté contre ce système dans son ensemble et je m'en félicite tous les jours davantage.

Je ne puis donc, à aucun point de vue, consentir à consacrer une nouvelle somme à l'achèvement de ces vastes travaux de fortifications. On nous dit que le complément qu'on nous présente aujourd'hui était nécessaire, qu'il pourvoit à la défense d'un endroit faible que présente la place du côté du fleuve. C'est ce que j'ai toujours cru, bien que cela ait été contesté à l'époque où le projet a été discuté. Les hommes spéciaux n'ont avoué cette faiblesse qu'au moment où ils avaient besoin de ressources pour y parvenir.

Je crains qu'il n'en soit encore plus d'une fois ainsi et que ceux de nos honorables collègues qui ont voté les fortifications d'Anvers avec une répugnance provenant soit de l'importance des sacrifices qu'on leur demandait, soit des contradictions des défenseurs du système et qui ont cru, chaque fois qu'ils votaient des fonds, que c'étaient les derniers, auront encore plus d'un mécompte.

Je pense, messieurs, que l'on a exagéré les avantages que le projet peut présenter au point de vue des intérêts des territoires qui ce trouvent sur la rive gauche de l'Escaut.

(page 270) Effectivement, d'après les dispositions nouvelles qui sont prises, on peut éviter l'inondation des terrains compris entre la ville d'Anvers et la ligne de défende s'étendant de Burght à Calloo. Il est à remarquer cependant que si cette ligne était percée, on aurait encore recours à l'inondation de ces terrains pour protéger la ville.

Mais ce qu'on perd trop de vue, c'est qu'en dehors de la ligne défensive que je viens d'indiquer, il s'étend une surface de terrains inondables de 7,000 à 8,000 hectares.

Je ne vois pas jusqu'ici ce qu'on a fait afin de diminuer pour ces terrains les désastres de l'inondation.

Il serait possible cependant de les limiter en traçant autour des ouvrages militaires, à une distance qui serait reconnue convenable pour protéger ceux-ci, des digues qui borneraient les inondations. Si l'on adoptait cette disposition, il faudrait incontestablement créer pour les deux zones des voies distinctes pour l'écoulement des eaux, afin que les terres dont l'inondation n'est pas nécessaire puissent en tout temps jouir librement de leurs canaux de décharge, même lorsque la zone inondable serait sous eau.

II me paraît non moins évident que si ces travaux pour l'écoulement des eaux doivent se faire, ils doivent être mis à charge de l'Etat parce qu'ils sont la conséquence d'une situation que l'Etat a créée dans un intérêt général.

Ce principe est aujourd'hui méconnu. La principale voie de décharge que les polders ont établie à leurs frais, le Melkader, se jette dans l'Escaut à Calloo à travers les terrains militaires compris dans le fort Sainte-Marie. Il est donc évident que les polders ne jouissent pas en pleine liberté de voies d'écoulement dont ils doivent pouvoir user toujours.

Messieurs, je ne veux pas traiter à fond cette question de l'assèchement des polders ; la Chambre serait sans doute peu disposée à entendre une discussion détaillée sur ce point.

Je me permettrai cependant de rappeler très brièvement trois déclarations que le gouvernement a faites à ce sujet.

Il a dit d'abord qu'il espérait que les travaux qui vont être exécutés lui fourniront l'occasion de favoriser l'écoulement des eaux des polders.

Je désire que cette promesse soit largement tenue et qu'en l'accomplissant, le gouvernement veuille bien tenir compte des observations que je viens de faire.

Le gouvernement vous a dit, en second lieu, qu'une commission allait être nommée immédiatement pour s'occuper de l'examen de la grave question de l'écoulement des eaux des polders ; je désire qu'elle le soit sans retard et qu'elle prenne connaissance des différents intérêts qui sont engagés dans cette question.

M. le ministre des finances nous à dit ensuite qu'il lui semblait qu'une association générale entre les différentes wateringues était nécessaire pour mener cette question à une solution satisfaisante.

J'ai toujours pensé qu'une espèce de fédération de polders pourrait être très utile pour coordonner les différents intérêts qui sont engagés et aussi pour les défendre avec plus d'ensemble et plus d'énergie. Mais j'ai cru comprendre que, dans la pensée de M. le ministre des finances, il y a ici un double intérêt : un intérêt sanitaire auquel il appartient à l'Etat de pourvoir et un intérêt agricole qu'il appartient aux propriétaires intéressés de sauvegarder.

Cette théorie peut être parfaitement vraie et plus que tout autre je serais disposé à l'appuyer.

J'ai eu assez souvent occasion de dire ici que je suis peu partisan de l'extension des attributions de l'Etat, mais je tiens à faire remarquer cependant que ce système a été peu suivi dans d'autres circonstances et pour d'autres localités.

Bien des travaux ont été exécutés aux frais de l'Etat qui assuraient aussi de grands avantages à certaines industries.

Et pour ne parler que des travaux qui ont une certaine analogie avec ceux-ci, n'avons-nous pas pris à charge de l'Etat des travaux considérables pour distribuer régulièrement aux fabriques de Verviers les eaux de la Vesdre qui tantôt formaient un torrent impétueux et tantôt laissaient le lit de la rivière à sec.

Je n'ai point critiqué cette dépense faite en faveur d'une industrie importante ; mais je crois que les mêmes motifs sur lesquels on s'est appuyé pour faire les travaux peuvent justifier ceux que je réclame.

Il y a ici de nombreux intérêts en jeu, plus fractionnés peut-être, mais assurément très sérieux. Le problème à résoudre présente tous les caractères d'une question d'intérêt général et par l'étendue des localités qu'elle concerne et par la diversité même des intérêts, agricoles, sanitaires et autres, qui s'y rattachent et par le nombre considérable et la condition différente des personnes qui y sont intéressées,

Je crois donc que le gouvernement pourrait prendre à sa charge les travaux à faire dans le but indiqué.

En nous vantant les avantages que les travaux projetés sur la rive gauche pourraient présenter, je crois qu'on a exagéré la sécurité qui en résultera pour toute celle partie du pays.

Il est peut-être vrai, messieurs, que du côté du fleuve la place d'Anvers présente un endroit faible qui pourrait déterminer l'attaque par le pays de Waes. Mais je me demande si la démolition promise de la citadelle de Gand ne va pas rendre plus facile l'envahissement de cette partie du pays. Si, d'un côté, on diminue l'intérêt que l'ennemi pourrait avoir à occuper ce terrain, d'un autre côté, on ne lui rend pas cette occupation moins dangereuse. Dans tous les cas, si la place d'Anvers était attaquée, les contrées qui l'entourent seraient plus exposées aux calamités de la guerre que le reste du pays. Les désavantages et les dangers de cette position doivent constituer à elles seules un titre la sympathie toute particulière du gouvernement.

Parmi les besoins de la Flandre qui pourront trouver satisfaction par l'exécution des travaux qui se rattachent au projet, on peut ranger celui de communications faciles entre cette province et la ville d'Anvers, au moyen de l'établissement d'un pont sur l'Escaut. Personne ne contestera l'importance d'un pareil travail. Il présente même un intérêt stratégique de premier ordre, et j'engage M. le ministre de la guerre à saisir l'occasion si rare qui lui est offerte aujourd'hui de faire un travail qui serait si utile en cas de guerre et qui offrirait de si grands avantages en temps de paix.

Quelles que soient les intentions du gouvernement à cet égard, je désire savoir si, en se réservant une certaine partie des terrains de la citadelle du Sud pour y établir une station de chemin de. fer et ses dépendances, il entend y comprendre les accès du pont, de manière à faciliter le raccordement des voies ferrées de la Flandre avec la nouvelle station d'Anvers.

Vérification des pouvoirs

Arrondissement de Mons

M. Lelièvreµ. Messieurs, la commission a examiné les opérations électorales de l'arrondissement de Mons.

Le nombre des suffrages valables a été de 939. La majorité absolue était donc de 470.

M. Charles Sainctelette a obtenu 928 suffrages sur 11 donnés à divers.

M. Sainctelette a, en outre, justifié de la condition d'âge et de la qualité de Belge.

Il est né à Bruxelles, le 7 janvier 1825, de parents étrangers ; mais, indépendamment qu'aux termes de la loi fondamentale de 1815, il doit être considéré comme Belge, il a surabondamment, dans l'année de sa majorité, réclamé la qualité de Belge, conformément à l'article 9 du code civil.

En conséquence, la commission propose l'admission de M. Sainctelette comme membre de la Chambre des représentants.

- Les conclusions du rapport sont adoptées.

MpDµ. - M. Ch. Sainctelette exerçait les fonctions de secrétaire de la chambre de commerce ; l'honorable élu de l'arrondissement de Mons, s'appliquant, à ce titre, la disposition de la loi du 28 mai 1848, article premier, m'a fait parvenir la lettre suivante :

« Monsieur le président,

« J'ai l'honneur de vous informer que, secrétaire de la chambre de commerce de Mons, j'opte pour le mandat parlementaire qui m'a été conféré par le collège électoral de Mons et qu'en conséquence j'adresse au Roi ma démission de ces premières fonctions.

« Veuillez, monsieur le président, agréer l'expression de ma plus haute considération. .

« (Signé) Charles Sainctelette.

« Mons, le 20 décembre 1869. »

MpDµ. - En conséquence, M. Sainctelette peut être admis à prêter serment.

Projet de loi relatif à la cession et au démantèlement de la citadelle du sud à Anvers

Discussion des articles

Article premier

MgRµ. - Je désire, messieurs, répondre quelques mots à l'honorable député de Saint-Nicolas, relativement à la question des inondations de la rive gauche de l'Escaut.

Je dois dégager d'abord le département de la guerre du reproche qui lui est fait au sujet des écluses du Melk-Ader.

Lors de la discussion du dernier budget des travaux publics, les honorables MM. Lippens et Verwilghen ont représenté les travaux projetés sur la rive gauche comme devant exercer une fâcheuse influence sur l'écoulement des eaux de cette rive ; ils prétendaient même que le génie militaire s'était emparé des écluses du Melk-Ader et que cette occupation était nuisible au régime des polders. Cette assertion n'est pas exacte.

Non seulement nous ne nous sommes pas emparés des écluses du (page 271) dont nous n'avons nul besoin ; mais encore nos travaux, loin de nuire à l'écoulement des eaux, pourront leur devenir, au contraire, favorables. Les forts Sainte-Marie et la Perle se trouvent chacun à une assez grande distance des écluses et ils n'ont pas par eux-mêmes plus d'influence sur le régime du Melk-Ader que n'en auraient sur le régime de la Senne des bâtiments situés à l'Allée verte ou au Jardin botanique.

Jusqu'à présent donc l'influence des travaux exécutés par le génie militaire a été nulle ; elle pourra devenir salutaire si l'on veut tirer parti de ces travaux comme je l'expliquerai tout a l'heure.

La question des inondations du Melk-Ader a été traitée, il y a cinq ou six ans, par un ingénieur distingué, et si j'ai bonne souvenance, une commission spéciale composée de notables habitants de Saint-Nicolas avait adhéré complètement, à cette époque, à la manière de voir de cet ingénieur qui proposait d'élargir le lit du Melk-Ader et de construire une troisième écluse a son débouché.

L'agrandissement du lit du Melk-Ader a pour objet de former un bassin destiné à recevoir les eaux surabondantes qui ne peuvent s'écouler dans l'intervalle des marées. Cet élargissement comprenait une superficie de moins de 3 hectares.

Or, afin de se procurer des terres pour la construction du fort Sainte-Marie, le génie a fait creuser aux abords de ce fort un bassin d'une superficie de 6 hectares qui pourra également servir de réservoir si on le met en communication avec le Melk-Ader. Voilà donc un véritable service rendu à la localité par l'autorité militaire. Un service tout aussi grand lui sera rendu par la construction de la digue défensive projetée.

En effet, les fossés qui longeront cette digue constitueront un troisième réservoir non moins efficace que les deux premiers.

Ces faits, messieurs, sont positifs et le bénéfice en sera acquis, indépendamment des nouveaux moyens d'évacuation dont la commission à nommer proposera l'emploi.

L'honorable M. Janssens m'a demandé si l'on ne pouvait restreindre, dans une limite de 500 à 600 mètres, la largeur des inondations défensives des forts, afin de ne pas être obligé de mettre sous eau, en cas d'attaque, de vastes étendues de territoire.

Je ne pense pas, messieurs, que ce système soit utilement praticable. Il a été étudié du reste par une commission mixte composée d'un ingénieur des ponts et chaussées, d'un officier du génie et d'un membre civil, et rejeté par elle.

Si l'on rétrécit le bassin d'inondation autour des forts, il faudra prendre, pour le remplir, les eaux de l'Escaut à marée haute. Mais l'ennemi, lorsqu'il atteindra les digues qui le circonscrivent, s'empressera de les rompre pour vider le bassin.

Les défenseurs ne manqueront pas de remplacer l'eau écoulée par de nouvelles éclusées faites à marée haute, et il en résultera que le pays tout entier finirait par être inondé comme en 1830 et au lieu de l'être par de l'eau douce, il le sera par de l'eau de mer, ce qui donnera lieu à des dommages incomparablement plus grands.

Messieurs, je crois que si l'honorable membre se rendait un compte exact des travaux proposés, il pourrait se convaincre que ce ne serait qu'à la dernière extrémité, dans le cas peu probable d'un siège en règle, que nous aurions besoin de tendre les inondations.

Les forts projetés sur la rive gauche nous dispenseront jusqu'au dernier moment de l'obligation de noyer les campagnes de cette rive. Si, au contraire, ces ouvrages ne sont pas exécutés, au moindre danger nous serons obligés d'inonder toute cette partie du pays. En un mot, nous nous verrons forcés de procéder, à la première menace sérieuse, comme on l'a toujours fait à Anvers, à toutes les époques, en cas de guerre.

L'inondation dont a parlé l'honorable M. Janssens n'aura pas, du reste, l'étendue qu'il lui suppose. S'il veut bien jeter un coup d'œil sur la carte, il verra qu'il suffit, pour protéger la droite de la position sur la rive gauche, d'inonder le terrain compris entre la digue de Melsele à Calloo et la digue défensive projetée.

- M. Sainctelette prête serment. »

M. Bouvierµ. - Messieurs, depuis mon entrée dans cette assemblée chaque fois qu'il s'est agi de la question d'Anvers nous avons assisté au spectacle le plus étrange : d'une part, le gouvernement s'efforçant de satisfaire l'insatiable appétit de la ville d'Anvers... (interruption) et les Anversois, d'autre part, mesurant leur ingratitude à la hauteur des largesses qu'on leur faisait. (Interruption.)

Jusqu'à présent, messieurs, je n'ai entendu que des récriminations contre le gouvernement, de la part de MM. les députés d'Anvers.

Mais jamais, dans cette enceinte, on n'a essayé de dresser le bilan, le compte de la ville d'Anvers, et d'indiquer les immenses sacrifices que le pays s'est imposés pour elle.

Dans une des précédentes séances, l'honorable M. d'Hane soutenait cette thèse que : « les bons comptes font les bons amis ».

Eh bien, messieurs, je suis parfaitement de son avis, et nous allons, puisqu'il s'agit d'une ville commerciale, dresser sa situation financière par doit et avoir et nous laisserons au pays le soin de faire la balance du passif.

Premier poste : 49 millions pour la substitution de la grande à la petite enceinte.

Les Anversois étouffaient dans ce cercle étroit ; il a fallu leur donner de l'air.

Second poste : affranchissement de l'Escaut qui a coûté au pays au moins une quinzaine de millions.

M. Rogierµ. - Non !

M. Bouvierµ. - S'il y a un million ou deux à rabattre, j'y consens, je les laisse sur la conscience des Anversois, qui en rendront compte à Dieu. Nous en trouverons d'ailleurs bien d'autres en compensation. (Interruption.)

Troisième poste : Abolition du droit de tonnage qu'on peut évaluer au moins à un million.

M. Rogierµ. - C'est beaucoup.

M. Bouvierµ. - C'est beaucoup. Combien ? Un million ?

MfFOµ. - Un million par an. Il faut capitaliser.

M. Bouvierµ. - En effet, en capitalisant, nous trouvons un chiffre énorme. Cela équivaut à vingt millions. Voilà mes millions, en compensation de l'affranchissement, tout trouvés : 20,000,000 fr.

Quatrième poste : Abaissement du droit de pilotage, pour mémoire. Je ne pourrais pas indiquer le chiffre.

Je ne parle également que pour mémoire de la loi abolissant les droits différentiels ; nécessairement la disparition de ceux-ci a procuré au port d'Anvers des arrivages considérables.

L'abaissement des tarifs sur une masse d'articles a été une bonne fortune pour notre métropole, et si je n'avais peur de rencontrer sur mon chemin l'honorable M. Dumortier, je dirais que le système de libre échange inauguré par le gouvernement a singulièrement influé sur les ressources et la prospérité de la ville d'Anvers. J'indique ce poste pour mémoire sans établir de chiffre.

Le projet de loi fait à la ville d'Anvers un cadeau magnifique, admirable.

En effet, la convention porte que le gouvernement cède à M. le docteur Strousberg 98 hectares pour la somme de 14,000,000. Mais il faut en défalquer, pour les établissements maritimes, les docks, l'entrepôt franc, les rues à ouvrir, les places à créer, les bassins à creuser...

M. Allardµ. - La station.

M. Bouvierµ. - Nous arriverons à la station. C'est un poste à ajouter aux autres ; j'en tiendrai compte, soyez-en convaincu, M. Allard.

Je m'efforcerai d'en oublier le moins possible ; il faut loyalement établir le compte de ces messieurs-là.

Nous disons donc que le docteur Strousberg a à verser entre les mains de l'Etat 14 millions, dont 7 millions au profit de la ville d'Anvers, que je dois en stricte justice porter à son passif.

M. le docteur Strousberg va nécessairement dépenser au moins 25 à 30 millions pour les constructions et les établissements auxquels il est tenu par son contrat, pour construire cet entrepôt franc qu'Anvers devait créer en vertu de la loi et aux obligations de laquelle elle s'est toujours soustraite ; eh bien, l'entrepôt franc, les bassins, les docks, etc., coûteront au moins 25 millions. (Interruption.) L'honorable M. David, qui se trouve près de moi, me souffle que je suis au-dessous de la vérité.

J'arrive maintenant, messieurs, au poste auquel l'interruption de M. Allard se rapporte. Je veux parler de l'établissement de la station se développant sur une étendue de 10 hectares, et comme l'honorable ministre des travaux publics est à son banc, je lui demanderai si un projet de loi relatif à cet objet et qu'il nous présentera probablement dans un temps peu éloigné, ne se traduira pas en une dépense d'au moins 3 millions. Y a-t-il de l'exagération dans ce chiffre, M. le ministre ?

- MtpJµ fait un signe négatif.

M. Bouvierµ. — En présence de votre signe, il est constant que le pays payera encore 3 millions, toujours pour être agréable à ces bons et excellents amis d'Anvers.

- Un membre. - 5 millions.

M. Bouvierµ. - Encore 2 millions de plus que je ne comptais. C'est effrayant ! Qu'il est donc large et généreux pour Anvers le trésor public !

Je passe, messieurs, bien d'autres millions, Ceux que je viens d'accuser (page 272) montent déjà à des chiffres considérables dont je vous prie, afin de ne pas m'y perdre, de faire l'addition,

Maintenant, messieurs, que je vous ai fait connaître grosso modo le passif de la situation d'Anvers, voyons un peu ce que cette ville qui récrimine, grinche et maugrée toujours, en un mot n'est jamais satisfaite, examinons ce qu'elle a fait pour l'industrie et le commerce du pays, et hâtons-nous de rencontrer son actif. (Interruption.) Oh ! ne vous récrie ? pas ; il est léger, très léger et frise la faillite.

Au 31 décembre 1866, le chiffre de navires que possédait Anvers, y compris Boom et Malines, le chiffre de ses navires portant pavillon national, s'élevait à 62, jaugeant ensemble 20,542 tonnes.

Vous allez croire, messieurs, qu'à la suite de l'affranchissement de l'Escaut, des immenses bienfaits répandus sur Anvers, que sa marine va se relever, qu'elle armera des navires ou en nationalisera et qu'elle va répondre aux sacrifices nombreux que le pays s'est imposés pour elle ? Détrompez-vous, messieurs, je suis presque honteux de le proclamer : la marine d'Anvers décline, et au 31 décembre 1868, c'est-à-dire deux ans après, le nombre des navires n'est plus que de 45, jaugeant 22,534 tonnes ; en d'autres termes, le chiffre des navires a diminué de 17, avec une réduction de tonnage de 6,008 tonnes.

Oh ! vous vous récriez ! Vous n'oseriez pas soutenir, messieurs les Anversois, que ces chiffres ne sont pas de la dernière exactitude. (Interruption.)

Ainsi, M. Delaet déclare qu'ils sont exacts.

Eh bien, je n'en fais pas compliment aux défenseurs de la ville d'Anvers.

En 1867, messieurs, il y avait une ligne de bateaux à vapeur entre Anvers et New-York. cette ligne a disparu.

Les nombreux émigrants qui se rendent en Amérique ne font plus que passer par Anvers ; ils prennent les steamers de Liverpool.

Mais, me dira-t-on, l'exposé des motifs accuse un mouvement de la navigation qui en 1857 n'était que de 479,174, tonnes à l'entrée et de 474,802 à la sortie ; en 1868, il a pris un accroissement, qui le porte à 1,135,228 tonnes à l'entrée et 1,133,685 tonnes à la sortie.

Mais, messieurs, il ne faut pas se tromper sur la nature et le résultat de cette augmentation, laquelle provient en grande partie d'une plus grande importation et exportation de marchandises destinées au transit, due, non pas à l'activité et à l'initiative du commerce d'Anvers, mais à l'affranchissement de l'Escaut, à notre admirable réseau de chemins de fer, qui en forme en quelque sorte le prolongement et au tarif différentiel établi sur notre railway pour favoriser le transit international, car Anvers ne figure dans ce mouvement que pour 6 p. c. sur les 2,500 navires qu'elle reçoit dans son port avec une jauge de plus de onze cent mille tonnes.

Tandis que nous voyons la ville de Hambourg posséder 600 navires arborant son pavillon, son commerce maritime valant à lui seul quatre fois celui de la Belgique, Anvers n'en possède que 45, parmi lesquels 7 bateaux à vapeur.

Messieurs, cette comparaison fait mal et nos industriels pour paraître sur les vastes marchés coloniaux étrangers, sont forcés de s'adresser au commerce allemand, anglais, français et hollandais.

En présence de tant et de si nombreux sacrifices, je demande aux Anversois : Où sont vos comptoirs ? où sont vos correspondants ? où sont vos lignes transatlantiques ? II en existe encore une, il est vrai, c'est celle qui dessert les Etats du Sud, mais elle est entre les mains des étrangers et soutenue par des capitaux étrangers.

Jamais, messieurs, vous ne voyez le commerce d'Anvers s'arranger avec des villes manufacturières telles que Verviers, Charleroi, Gand, pour transporter au loin des cargaisons de marchandises, soit de compte à demi, soit de compte à tiers, soit de compte à quart.

Il n'y a à Anvers que des commissionnaires ; mais de véritables négociants exposant quelques capitaux pour favoriser l'industrie belge, vous n'en rencontrez pas.

Et chose singulière ! quand alors nous entendons les discours des honorables députés d'Anvers, nous remarquons une véritable contradiction entre leur langage et leurs actes. Nous voyons, d'une part, l'honorable M. d'Hane trouver la convention que nous sommes appelés à approuver très satisfaisante, magnifique, admirable, le gouvernement ayant fait une chose excellente pour Anvers.

M. Coomansµ. - Non !

M. Bouvierµ. - Pas à votre point de vue, M. Coomans ; mais soyez convaincu que l'immense majorité de cette Chambre donnera son approbation au projet de loi devant procurer de brillantes destinées à la ville d'Anvers. Vous pensez donc que M. d'Hane trouvant le projet magnifique, admirable, va y donner son acquiescement ?

Erreur, messieurs, l'honorable M. d'Hane s'abstiendra de le voter.

M. Jacobs tient un langage semblable à celui de M. d'Hane, un langage plus éloquent, plus mielleux peut-être, mais il déclare également s'abstenir.

Et c'est ainsi, messieurs, que vous prétendez défendre les intérêts de la ville d'Anvers ! Si vous aviez réellement à cœur les intérêts de cette ville, vous devriez non seulement applaudir à la convention qui nous est soumise, mais la voter par acclamation. Mais ce ne sont pas les intérêts d'Anvers que vous venez défendre dans cette enceinte ; vous venez défendre ici les principes de l'Encyclique. (Interruption.)

Ah ! vous vous récriez, mais je me répète : Vous venez défendre ici les principes de l'Encyclique et du Syllabus et les mandements des évêques afin que ceux-ci, au moment des élections, au moment solennel, transformant leurs cohortes, leurs saintes milices en agents électoraux, vous viennent en aide pour vous ouvrir les portes de cette enceinte. (Interruption.)

MpDµ. - M. Bouvier, restons dans le projet, je vous prie.

M. Bouvier. — Mais, M. le président, je crois qu'il m'est bien permis d'indiquer l'attitude des Anversois.

M. de Borchgraveµ. - C'est très amusant.

M. Bouvierµ. - Pour vous sans doute ; je sais bien que mon langage n'est pas tout à fait agréable à MM. les Anversois, mais je le tiens pour vrai.

Quant à moi, je félicite le gouvernement de nous avoir présenté ce projet de loi, que je voterai des deux mains.

J'ai voulu établir qu'Anvers a énormément obtenu du pays et qu'il lui a bien peu rendu.

J'ai voulu protester par mon langage contre la conduite des représentants d'Anvers et établir succinctement qu'un gouvernement honnête et loyal sait répandre le bien sans acception de personnes ni de partis, sans prendre souci si ses bienfaits profitent à des amis ou à des adversaires politiques, et j'espère que la tâche que je me suis imposée, je l'ai menée à bonne fin.

M. Verwilghenµ. - Le discours qu'a prononcé mon honorable ami M. Janssens au commencement de cette séance a singulièrement facilité ma tâche. Aussi me bornerai-je, messieurs, à motiver en quelques mots les votes que je me propose d'émettre sur les articles et sur l'ensemble du projet de loi soumis en ce moment à nos délibérations.

il y a certes unanimité sur tous les bancs de la Chambre, et dans le pays entier, pour applaudir le gouvernement qui propose la démolition et la suppression de la citadelle du Sud à Anvers et personne ne s'avisera de prétendre, qu'on pourrait donner une destination meilleure et plus utile aux vastes terrains occupés aujourd'hui par cette redoutable forteresse, qu'en élevant sur ses ruines cet entrepôt franc, vainement attendu par le pays depuis plus de vingt ans. A la place de l'arsenal militaire, un superbe développement de quais nouveaux, les fossés des remparts remplacés par de larges bassins, les bastions transformés en magasins et une station de chemin de fer se développant le long des glacis et pénétrant jusqu'au cœur de la place, assurément tous ces projets sont grandioses, et méritent d'être accueillis avec la plus chaleureuse approbation.

Mais il n'en est pas de même du second article du projet de loi. Le prix de quatorze millions, moyennant lequel a été consentie l'aliénation de cet important domaine national, est destiné tout entier à donner des extensions nouvelles et considérables aux interminables fortifications de notre métropole commerciale. Or, messieurs, je me suis prononcé dès le principe contre le système inefficace et dangereux, que le gouvernement a fait prévaloir en concentrant dans une seule place de guerre, située à l'une des extrémités du royaume, presque toutes les ressources défensives du pays.

Chaque fois que l'on a sollicité des crédits nouveaux applicables aux fortifications d'Anvers et à leurs nombreuses dépendances, je les ai repoussées, et aujourd'hui encore, je ne saurais consentir à prendre sur moi une part de la responsabilité qui pèse sur les partisans d'un système défensif que je n'ai cessé de condamner.

Je crois me conformer aux désirs de la Chambre, en m'abstenant aujourd'hui de présenter encore des considérations au sujet des travaux d'assainissement à exécuter dans les polders de la rive gauche de l'Escaut, attendu qu'ils ne se rattachent qu'indirectement au projet de loi tel que le gouvernement nous l'a proposé, ces observations trouveront leur place naturelle dans la prochaine discussion du budget des travaux publics.

Toutefois, j'ai hâte de m'acquitter d'une dette de reconnaissance envers l'honorable M. Vleminckx ; au nom de ces milliers d'habitants exposés aux terribles ravages des fièvres paludéennes, je le remercie vivement d'avoir défendu avec tant d'énergie et de conviction des intérêts si graves et si longtemps méconnus ; je le remercie d'avoir mis sa longue expérience personnelle et son irrécusable compétence au service de cette belle cause.

(page 273) Avant de me rasseoir, qu'il me soit permis de donner une courte réplique aux observations que l'honorable général Renard a faites en répondant au discours de mon honorable ami, M. Janssens. Si mes souvenirs ne me trompent pas, le général Chazal, prédécesseur de l'honorable ministre au département de la guerre, avait positivement reconnu que, dans les polders qui entourent la ville d'Anvers, il était raisonnable et convenable de circonscrire l'étendue des inondations dans les strictes limites des nécessités de la défense. Un rayon d'inondations de 800 à 1,000 métrés autour des forts Sainte-Marie et la Perle suffisait amplement pour les mettre à l'abri d'une attaque. Il faut bien en convenir, une inondation ainsi circonscrite retiendrait déjà l'assaillant à une distance très respectueuse.

Mais à supposer qu'il voulût prendre position dans les polders, je ne saurais admettre qu'il s'aviserait jamais de rompre la digue qui empêche les eaux de s'étendre sur toute la surface des polders voisins, car tous ses travaux d'approche seraient inondés du même coup, ses tranchées, ses canons et tout son matériel de guerre serait submergé et perdu en quelques heures de temps.

Il me semble que le gouvernement perd quelque peu de vue la lourde responsabilité que les lois existantes font peser sur lui, lorsqu'il a recours aux inondations pour renforcer la valeur défensive de ses places fortes.

Est-il besoin d'appeler son attention sur certaines dispositions formelles et impérieuses d'un décret du 10 juillet 1791, concernant la conservation des places de guerre et postes militaires ? Voici en effet ce que j'y trouve :

« Art. 35. Les écluses dépendant des fortifications soit dedans, soit dehors des places de guerre ne pourront être manœuvrées que par les ordres de l'autorité militaire, laquelle, dans l’état de paix, sera ténue de se concerter avec les municipalités ou les directoires des corps administratifs pour diriger les effets desdites écluses de la manière la plus utile au bien public.

« Art. 36. Lorsqu'une place sera en état de guerre, les inondations qui servent à sa défense ne pourront être tendues ou mises à sec, sans un ordre exprès du Roi... Cette disposition sera suivie pour toutes les opérations, qui pourraient porter préjudice aux propriétés et jouissances particulières.

« Art. 37. Dans le cas d'urgente nécessité qui ne permettrait pas d'attendre les ordres du Roi, le commandant des troupes assemblera le conseil de guerre, à l'effet de délibérer sur l'état de la place et la défense de ses environs et d'autoriser la prompte exécution des dispositions nécessaires à sa défense.

« Art. 38. Dans les cas prévus par les articles 35, 36 et 37, les particuliers dont les propriétés auront été endommagées seront indemnisés aux frais du trésor public... »

Tels sont les principes consacrés par le législateur de 1791, et chaque fois que les tribunaux belges ont eu à les appliquer, ils leur ont donné l'interprétation la plus large et la plus étendue.

Je me bornerai, messieurs, à vous citer deux arrêts de la cour de Bruxelles du 4 août 1836 ; le premier décide que la « distinction entre les pertes qui résultent de l'attaque et celles qui naissent de la défense, entre les pertes qui résultent des guerres défensives et étrangères et celles qui sont nées des guerres intestines, des commotions politiques, des révolutions, n'est pas admissible.

« On ne peut admettre non plus une distinction entre les guerres où la nation a triomphé et dont elle a recueilli les avantages et celles où elle a succombé. »

Un autre arrêt de la même date décide, que l'Etat doit réparation pour les dommages causés, en temps de guerre, par des inondations effectuées sur d'autres territoires qu'aux alentours des places fortes, si ces inondations n'ont eu lieu que par simple mesure de prévoyance, sans que le péril fût imminent et en vertu d'ordres émanés des chefs des autorités militaires investis des pouvoirs les plus illimités.

Pour mettre sous les yeux de la Chambre et du gouvernement quelle peut être l'étendue des ravages exercés par l'inondation des polders, et quelle serait par conséquent l'importance des indemnités à supporter par le trésor public, il me suffira de rappeler, en terminant, deux faits empruntés à l'histoire contemporaine.

En 1869, vers le milieu du mois d'août, une flotte redoutable fut envoyée par l'Angleterre, ayant pour mission de remonter l’Escaut jusqu'à la place d'Anvers, de s'emparer de celle-ci, d'y brûler la flotte française et d'anéantir les chantiers et les bassins, que l'empereur Napoléon y avait fait construire.

A peine les Anglais avaient-ils débarqué dans l'île de Walcheren que le roi Louis de Hollande transmit au général Fauconnet l'ordre de mettre au plus tôt en œuvre tous les moyens de défense propres à entraver les entreprises de l'ennemi.

Une des premières mesures auxquelles les autorités militaires eurent alors recours, ce fut l'inondation de trois polders sur la rive droite et de trois autres sur la rive gauche du fleuve. On invita les cultivateurs à faire rentrer à grand renfort de bras toutes les moissons qui étaient encore sur pied, on fit estimer la valeur des récoltes qui, n'étant point parvenues à leur maturité, allaient être détruites par l'inondation.

Après quelques jours d'hésitations et de tentatives infructueuses pour remonter l'Escaut, les Anglais désespérèrent du succès de leur coup de main et se décidèrent à regagner leur pays.

Une commission officielle d'experts ayant constaté les dommages causés par cette inondation de quelques jours, arriva, pour les polders de la rive droite seule, au chiffre de 3,000,000 de francs, de sorte que tous les cultivateurs intéressés furent loyalement indemnisés par le gouvernement impérial des pertes qu'ils avaient subies.

En 1814, le général Carnot qui avait reçu de l'empereur l'ordre de défendre à outrance la position d'Anvers contre toutes les entreprises des alliés,, recourut, à son tour, à l'inondation des polders sur les deux rives de l'Escaut. Celle fois les autorités s'abstinrent d'intervenir dans l'évaluation des dommages causés et ce furent les directions des polders qui eurent à les apprécier et à les expertiser. En 1822, le gouvernement hollandais, qui avait succédé, au régime impérial, reconnut la légitimité des réclamations que, pendant une période de huit ans, les administrations des polders n'avaient cessé de reproduire.

Il prit à la charge du trésor public et remboursa intégralement le montant des pertes subies en 1814 et qui dépassaient 1,000,000 de francs. Il respecta même toutes les évaluations faites par des administrations, dont les membres avaient été personnellement compromis dans les désastres causés par l'inondation.

Voilà quels sont les enseignements du passé. J'engage vivement l'honorable ministre de la guerre à ne pas les perdre de vue.

-La discussion est close.

- Plusieurs membres. - L'appel nominal !

- Il est procédé à cette opération.

96 membres y prennent part.

94 répondent oui.

2 s'abstiennent.

En conséquence, la Chambre adopte.

Ont voté pour :

MM, Jacobs, Janssens, Jacquemyns, Jamar, Jouret, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Lambert, Landeloos, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Lelièvre, Lesoinne, Magherman, Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Mulle de Terschueren, Nélis, Notelteirs, Nothomb, Orban, Rogier, Sabatier, Sainctelette, Schollaert, Tack, Tesch, Thienpont, T' Serstevens, Van Cromphaut, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Merris, Van Overloop, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Visart, Vleminckx, Warocqué, Watteeu, Wouters, Allard, Ansiau, Anspach, Bara, Beeckman, Beke, Bieswal, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Broustin, Bruneau, Carlier, Castilhon, Coremans, Couvreur, Crombez, David, de Borchgrave, de Brouckere, De Breyne-Dubois, de Clercq, De Fré, de Haerne, de Kerchove de Denterghem, Delaet, Delcour, De Lexhy, d'Elhoungne, de Maere, de Muelenaere, de Naeyer, de Rongé, de Rossius, Descamps, de Theux, Dethuin, de Vrière, de Vrints, de Zerezo de Tejada, d'Hane-Steenhuyse, Dumortier, Dupont, Elias, Frère-Orban, Gerrits, Guillery, Hagemans et Dolez.

Se sont abstenus : MM. Coomans et Eugène de Kerckhove.

M. Coomansµ. - Messieurs, mon vote n'a pas été négatif à cause que j'approuve fort la disparition de. la citadelle du Sud. Il n'a pu être affirmatif pour les deux motifs que voici : parce que je n'approuve pas l'emploi du prix de la vente et parce que je n'ai pas trouvé dans la convention Strousberg une clause formelle portant qu'en aucun cas la Belgique ne pourra être rendue financièrement responsable des dommages occasionnés, par la guerre, aux entrepôts et aux marchandises d'une compagnie étrangère, d'une compagnie prussienne.

M. E. de Kerckhoveµ. - Je n'ai pas voulu voter contre le projet, de loi, parce qu'en principe j'applaudis à la démolition de toute citadelle.

Je n'ai pas voulu voter pour, parce que, je l'avoue, je redoute les conséquences de l'établissement d'une colonie prussienne à Anvers.

Article 2

« Art. 2. La somme de 14 millions de francs, constituant le prix de vente des propriétés mentionnées à l'article premier, sera entièrement affectée aux dépenses des travaux nécessaires pour compléter l'enceinte de la place d'Anvers et pour construire les forts de Merxem, de Burght, de Zwyndrecht, ainsi qu'une digue défensive entre ce dernier fort, le fort de Sainte-Marie et l'Escaut. En conséquence, un crédit spécial de pareille somme est ouvert au ministère de la guerre pour l'exécution de ces travaux. »

MpDµ. - A cet article M. Le Hardy de Beaulieu présente l'amendement suivant :

« La somme de 14 millions de francs, constituant le prix de vente des propriétés mentionnées à l'article premier, sera affectée comme suit :

« 1° Six millions à l'exécution des travaux nécessaires pour drainer et assainir les deux rives de l'Escaut, depuis le Rupel jusqu'à la frontière hollandaise, avec le concours des wateringues et des autorités locales ;

« 2° Un million pour la part contributive de l'Etat dans la construction d'un pont sur l'Escaut ;

« 3° Sept millions pour la construction d'ouvrages de défense, tant pour compléter l'enceinte de la place d'Anvers que pour construire des lunettes ou batteries en terrassements à Merxem, Burgh et Zwyndrecht.

« En conséquence, un crédit de 7 millions est ouvert au ministère des travaux publics pour l'exécution des travaux repris aux n°1 et 2° et un crédit de pareille somme est ouvert au ministère de la guerre pour l'exécution de ceux repris au n°3. »

La parole est à M. Le Hardy pour développer son amendement.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Messieurs, je pourrai développer en très peu de mots les motifs qui m'ont guidé en présentant l'amendement dont vous venez d'entendre la lecture.

Le département de la guerre, comme vous l'avez vu , en lisant le projet de loi, nous demande fort peu de chose : rien que toute la somme provenant de la vente d'environ cent hectares de terrain, compris dans l'enceinte fortifiée d'une ville de l'importance d'Anvers.

Il est même probable que si le prix de la vente s'était élevé à 24 millions au lieu de 14, le département de la guerre aurait encore tout demandé, et si ce prix s'était élevé à un chiffre plus considérable encore, il n'eût pas trouvé que ce fût trop pour ses besoins toujours croissants. Je ne sais, messieurs, jusqu'à quel point nous devons suivre le département de la guerre dans ses velléités insatiables de dépense.

J'ai dit dans la discussion générale les motifs qui me forçaient à ne pas voter la seconde partie du projet de loi et, certainement, si j'étais certain de trouver dans cette Chambre une majorité suffisante pour ne pas accorder au ministre de la guerre un seul centime des 14,000,000 provenant de la vente de la citadelle, je n'hésiterais pas un instant à proposer un amendement conçu dans ce sens.

Mais je ne puis demander à la Chambre, telle qu'elle est composée, plus qu'elle ne peut me donner et, par conséquent, je suis obligé de faire la part du feu.

C'est pourquoi je diviserai la somme à provenir de la vente en deux portions, dont l'une à appliquer à des objets dont tout le monde reconnaît l'urgente nécessité, c'est-à-dire l'assainissement des rives de l'Escaut. Vous avez sur ces rives une population qui depuis toujours, je pourrais dire, a contribué à toutes les charges publiques et à laquelle on propose aujourd'hui d'en imposer de nouvelles, c'est-à-dire de lui imposer à perpétuité un régime militaire qui, selon toute apparence, ne servira jamais à rien, mais qu'elle devra supporter jusqu'à ce qu'on ait enfin reconnu la folie du maintien de ces fortifications, leur complète inutilité

Je demande donc que la somme à provenir de la vente de la citadelle soit appliquée pour une forte part à l'assainissement d'un pays insalubre, et rendu plus insalubre par les travaux de défense qui y ont été établis depuis des siècles.

Il y a là, me semble-t-il, pour nous, un devoir de justice à remplir vis-à-vis de ces populations, et c'est pour cela que je vous propose, messieurs, d'affecter 6 millions à l'assainissement de ces terrains marécageux où règnent les fièvres des polders.

Un second point de mon amendement, c'est l'établissement d'un pont sur l'Escaut. Je n'ai pas de données certaines sur le coût d'un pareil travail mais j'en connais parfaitement l'utilité, et comme je le disais l'autre jour, je crains fort que l'exécution des travaux que l'on projette sur la rive gauche ne devienne un obstacle à l'exécution de cette œuvre, non parce qu'un pont dérangerait la défense d'Anvers, au contraire, il y aiderait peut-être dans une grande mesure ; mais c'est qu'après avoir dépensé tant de millions à faire des forts, des bastions et autres travaux défensifs, la Chambre se refusera peut-être à dépenser des millions pour cc travail utile ; et dans le cas où les travaux défensifs que l'on se propose de faire sur la rive gauche seraient exécutés, il est bien évident qu'aucun établissement commercial ou industriel n'ira se fixer sur la rive gauche, et que, par conséquent, l’intérêt privé ne pourra en aucune façon contribuer à ces travaux.

Je propose donc que, comme premier fonds, un million soit affecté comme part contributive du gouvernement, sauf à s'entendre soit avec les provinces intéressées, soit avec les communes, soit avec l'intérêt privé, sur la part contributive qu'ils y prendraient.

Je demande donc qu'un million serve de premier fonds à ce travail d'utilité, non pas locale, mais je dirai nationale.

Enfin, comme je le disais tantôt, j'ai été obligé de faire la part du feu. Je propose d'accorder au département de la guerre, pour faire des terrassements qui, très probablement, ne serviront jamais de rien, je le reconnais, j'en suis certain pour ma part ; mais enfin, pour ne pas demander à cette Chambre de se· déjuger immédiatement, car j'en suis certain, elle devra se déjuger sur cette question avant longtemps ; mais enfin, pour ménager cette transition difficile, je propose de n'allouer que 7 millions au lieu des 14 demandés au ministre de la guerre pour compléter, d'une part, sur la rive droite, la ligne de défense qui resterait interrompue par la démolition de la citadelle et faire, sur la rive gauche, les terrassements suffisants pour que l'ennemi ne puisse pas arriver, de but en blanc, à la gorge de la position d'Anvers.

M. Bouvierµ. - M. Strousberg acceptera-t-il votre amendement?

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Ce n'est pas l'affaire de M. Strousberg ; il n'y est intéressé en rien ; par conséquent, je n'ai pas à m'occuper de lui.

Messieurs, quelque incompétent que je me reconnaisse dans ces matières de guerre, je vais justifier, autant qu'il dépendra de moi, la proposition que j'ai l'honneur de vous faire. Il s'agit de construire trois forts, dont un sur la rive droite pour compléter le chapelet des huit qui existent déjà et déclarés complets il y a cinq ans, et deux sur la rive gauche. Ce sont de véritables forteresses fermées de toutes parts ; or, j'ai entendu dire, par des gens que j'ai lieu de croire des plus compétents, que la prise d'un seul de ces forts paralyserait tous les autres et même toute la position d'Anvers ; de plus, car je suis avec une très grande attention tout ce qui a trait aux questions militaires qui absorbent une si notable portion de nos ressources, j'ai lu dans les rapports sur les expériences qui se font continuellement en Angleterre, depuis plusieurs années sur les effets de l'artillerie, j'ai lu notamment dans les derniers rapports publiés sur les expériences de Shoeburyness, qu'on possède maintenant des pièces d'artillerie contre lesquelles aucune maçonnerie, de quelques matériaux qu'on la construise, ne pourrait résister.

Dans la maçonnerie de briques, un boulet creux pénètre de plusieurs mètres et la réduit en poussière. Le granit, les grès, le porphyre même ne peuvent offrir de résistance à ces projectiles terribles. Dans les remparts de terre, un seul de ces boulets ouvre une brèche qu'on dirait être faite par une mine.

Autrefois, dans un siège, il fallait pour ouvrir la brèche, après avoir cheminé par de longs travaux d'approche, établir la batterie de brèche de 40 ou 50 mètres au plus de distance de l'enceinte. Aujourd'hui à 2,000 mètres on peut obtenir des effets plus forts et aussi certains.

En un mot, le génie militaire anglais, qui a dépensé beaucoup plus de millions que nous pour les travaux de défense des différents points de la côte d'Angleterre, en est aujourd'hui à regretter complètement ces dépenses et à reconnaitre qu'elles ne pourraient résister à l'attaque de l'artillerie nouvelle et qu'il faudra, si l'on veut résister à ces nouveaux moyens d'attaque inventés depuis que les travaux ont été construits (et notez qu'ils étaient contemporains des fortifications d'Anvers), qu'il faudra employer de tout nouveaux moyens de défense et, dans ce moment même, les ingénieurs anglais sont obligés de rechercher quelles seraient les revêtements capables de garantir, pendant quelque temps, les batteries des fortifications contre les boulets, les bombes et autres projectiles inventés dans ces derniers temps en Angleterre, en France, en Allemagne et en Amérique.

En présence de ces faits, connus de tout le monde, je me dis qu'il est complètement inutile d'établir, sur la rive gauche de l'Escaut, des fortifications complètes, coûteuses, et ruineuses comme celles que l'on nous propose dans le projet de loi.

Pour compléter l'enceinte actuelle, il me semble qu'il suffirait de continuer le rempart en terrassement sans établir de coûteuses maçonneries dans des terrains aussi marécageux, aussi peu solides que ceux qui bordent l'Escaut à droite ou à gauche. J'en trouve une raison péremptoire dans ce qui se passe dans des terrains analogues sur la rive gauche. En effet, les fortifications de la Tête de Flandre, tout le monde le sait, s'effondrent, se lézardent, s'enfoncent dans le sol et si l'on devait un jour s'en servir, il est très probable qu'elles disparaitraient d'elles-mêmes sous le poids de leur armement.

Je ne vois, par conséquent, aucune utilité, aucune nécessité de faire (page 275) autre chose que de fermer l'enceinte actuelle jusqu'à l'Escaut. D'autre part, il est aujourd'hui reconnu, par les mêmes ingénieurs qui ont construit la grande enceinte, que la rive gauche est un point vulnérable, ce que tout le monde savait depuis très longtemps. Mais enfin, puisqu'ils le reconnaissent maintenant et qu'ils sont infaillibles, je veux bien accorder les fonds strictement nécessaires pour qu'on puisse établir des moyens de défense contre une attaque imprévue ou très rapide, mais je ne puis cependant consentir à ce qu'on établisse sur ce point de véritables forteresses d'un entretien très dispendieux et qui, en définitive, si elles devaient jamais servir, auraient à répondre à l'artillerie dont je vous ai fait la description, et ne pourraient résister longtemps à son action destructive.

Je puis me borner, je pense, à ce simple exposé. En résumé, je partage les fonds à provenir de la vente de la citadelle du Sud en deux parts : l'une consacrée à des travaux d'une utilité publique reconnue incontestable et incontestée ; l'autre sacrifiée aux préjugés militaires qui ont encore le malheur de dominer dans ce moment.

Je demanderai qu'un vote de la Chambre statue sur cet amendement.

- L'amendement est appuyé. Il fait partie de la discussion.

MfFOµ. - Il est à peu près inutile, je pense, de faire remarquer à la Chambre que l'amendement proposé par l'honorable membre n'est ni plus ni moins que le renversement du projet de loi.

Le département de la guerre consent à l'aliénation de la citadelle du Sud, à condition de recevoir, comme compensation, les travaux énoncés dans le projet et qui sont jugés nécessaires, si les citadelles sont supprimées, pour assurer la défense de la position d'Anvers.

Ces travaux, l'honorable M. Le Hardy les condamne. M. Le Hardy cependant, une fois, par exception, sacrifie aux faux dieux ; M. Le Hardy, qui est l'adversaire absolu des fortifications, qui n'en veut à aucun prix, qui demande qu'on démolisse les fortifications d'Anvers, consent cependant, par grâce toute spéciale, à ce qu'on exécute certains petits travaux qu'il indique et qu'il trouve, lui, parfaitement suffisants.

Eh bien, je pense, messieurs, que la Chambre doit avoir plus de confiance, en cette matière, dans les connaissances pratiques du génie militaire que dans les affirmations très hasardées de M. Le Hardy.

M. Le Hardy, qui n'a fait aucune espèce d'étude préalable, déclare de son autorité privée, et sans donner aucune justification, sans détails, sans plans et sans devis, qu'une somme de 7 millions est suffisante pour les travaux militaires qu'il veut bien consentir à laisser exécuter ; qu'avec cette somme on pourra clore l'enceinte et exécuter en outre quelques travaux de terrassement à Merxem, à Burght et à Zwyndrecht.

Mais, messieurs, y a-t-il la moindre raison de croire que cette somme, ainsi arbitrairement fixée par l'honorable membre, suffira pour mettre la place dans un état de défense convenable, après la démolition de la citadelle du Sud ? Evidemment il n'y en a aucune.

Voilà pour ce qui regarde les travaux militaires. Quant aux travaux civils, l'honorable M. Le Hardy leur attribue également une part de sept millions, déterminée encore par le seul caprice de son imagination.

D'ordinaire, lorsqu'un projet de travaux publics quelconque est soumis à la Chambre, M. Le Hardy réclame, et il a raison, des devis, des études, des plans, afin.de pouvoir contrôler les assertions du gouvernement. Or, au lieu de s'appliquer un peu à lui-même ces règles d'ailleurs fort sages qu'il impose aux autres, l'honorable membre trouve plus commode de décider, ex cathedra, qu'on emploiera 6 millions pour assainir les terrains de la rive droite de l'Escaut. Mais pourquoi 6 millions ? Pourquoi pas 5, pourquoi pas 12 ? Comment est-il prouvé qu'il faut 6 millions ?

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Comme il est prouvé qu'il en faut 14 pour les travaux d'Anvers.

MfFOµ. - L'emploi des 14 millions est parfaitement justifié. Aucune critique n'a pu être dirigée contre le projet à ce point de vue. M. Le Hardy a réclamé des plans, ils sont là ; des devis, ils sont là. Le travaux énoncés dans le projet sont donc complètement justifiés, et jusqu'à présent, je le répète, on n'a pas entendu la moindre critique à ce sujet. Mais quant aux 6 millions destinés dans la pensée de M. Le Hardy aux travaux d'assainissement des polders, c'est de l'arbitraire le plus pur.

En outre, un pont sur l'Escaut lui paraît convenable ; nous ne le trouverions pas mal placé là non plus. Mais M. Le Hardy ne sait pas ce qu'il faut pour construire ce pont, il n'a pas la moindre idée de la somme à laquelle s'élèvera la dépense ; il propose d'y affecter provisoirement un million. On s'entendra ensuite, dit-il, avec les provinces, les communes et même les particuliers ; on verra ultérieurement ce qu'il y aura à faire !

Messieurs, je ne pense pas que je doive insister pour demander à la Chambre de ne pas se rallier aux propositions qui lui sont soumises, dans de pareils termes, par l'honorable membre.

Mais les amendements soumis à la Chambre ne se bornent pas à cela. L'honorable membre a aussi proposé un article 3 ainsi conçu...

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Je ne l'ai pas encore développé.

MpDµ. - C'est aussi ce que j'allais faire remarquer. L'amendement dont parle M. le ministre se rapportant à l'article 3, je pense qu'il serait préférable d'en attendre le développement avant de le discuter.

MfFOµ. - Dans le but d'abréger, j'avais cru pouvoir me prononcer immédiatement sur cet amendement qui forme avec les autres un système diamétralement opposé à celui du projet de loi. Si l'on pense qu'il vaut mieux attendre que nous soyons à l'article 3 pour s'expliquer sur cette disposition, je me conformerai bien volontiers au désir de la Chambre.

M. de Maereµ. -J'avais demandé la parole avant M. le ministre des finances ; je puis y renoncer après ce qu'il vient de dire au sujet de l'établissement d'un pont sur l'Escaut.

Je comptais demander à la Chambre d'ajourner toutes les questions qui se rattachent à cet objet ; ces questions ne sont pas connexes avec le projet de loi qui nous est soumis, et d'ailleurs la proposition du gouvernement est déjà assez complète en elle-même pour qu'il puisse paraître au moins superflu de greffer ainsi l'une discussion sur l'autre.

L'idée de construire un pont sur l'Escaut soulève un grand nombre de difficultés : celle de l'emplacement et du genre d'ouvrage qu'il y aura lieu d'adopter ; celle de la nécessité peut être d'un canal de dérivation, etc. Je crois donc que les honorables membres qui ont l'intention de discuter tous ces points feraient chose utile de se donner rendez-vous à une autre date, au budget des travaux publics, par exemple, pour les examiner d'une manière approfondie.

M, Coomansµ. - Je désire, messieurs, vous soumettre deux ou trois observations avant l'interpellation que je me propose d'adresser au gouvernement.

M. le ministre des finances vient de faire un grand éloge de notre génie militaire ; il a même proposé, comme question préalable en quelque sorte à l'amendement de l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, l'infaillibilité plus ou moins reconnue de notre génie militaire. Il m'est impossible de laisser passer un pareil argument sans montrer en peu de mots qu'il est insoutenable.

Je n'ai, pour ma part, aucune confiance dans notre génie politico-militaire et la longue expérience, la cruelle expérience que la Chambre et le pays en ont faite suffit assez pour justifier mon sentiment.

Notre génie militaire n'a pas laissé passer une année, je dirai presque un semestre sans prouver qu'il n'a jamais eu d'idée raisonnée, je ne dis pas raisonnable, mais seulement raisonnée, sur les fortifications d'Anvers. Tour à tour, il est venu nous dire des choses absolument contraires. Il nous à soutenu, par l'organe du ministre de la guerre, et d'autres ministres ont soutenu pendant plusieurs années que les deux grandes citadelles d'Anvers étaient indispensables au salut d'Anvers et du pays.

Et pour démontrer qu'il en était ainsi, qu'a fait le génie militaire ? Il nous faisait voter, il n'y a pas longtemps, de nouvelles dépenses pour la citadelle du Sud, où l'on a fait divers travaux pour la rendre habitable ? Et que fait-on maintenant ? On nous propose de supprimer cette même citadelle du Sud et, par conséquent, tous les travaux de caserne et autres que nous avons payés.

La citadelle du Nord a coûté deux millions ou peu s'en faut ; il y a même des personnes compétentes qui m'ont affirmé qu'elle a coûté davantage.

Mais admettons 1,500,000 francs, chiffre avoué par le gouvernement, n'est-ce pas énorme ?

Si le génie militaire savait, il y a quelques années, que cette citadelle n'était pas indispensable, pourquoi nous la faire voter, pourquoi nous l'escamoter devant cette assemblée ? Car j'ajouterai que cette citadelle du Nord a été véritablement escamotée devant cette Chambre.

Eh bien, cette citadelle qu'on déclarait indispensable il y a quelques années, on nous offre de la démolir aujourd'hui, à nos frais, il est vrai ; vous voulez que nous payions vos sottises. J'espère que les Anversois n'en feront rien.

La citadelle du Sud, une des deux colonnes de l'indépendance nationale, disparaît aussi ; mais le génie militaire est quelquefois ingénieux pour excuser ses bévues. Mais, dit le génie militaire, nous faisons des fortifications nouvelles sur la rive gauche, seulement parce que la citadelle du Sud vient à disparaître.

(page 276) Messieurs, cela n'est pas vrai. Le fort de Merxem, qui sera une grande citadelle aussi, on le fait sur la rive droite, et pourtant on a déclaré longtemps qu'il n'était pas nécessaire, et je demande alors comment il peut l'être davantage aujourd'hui.

La vérité, c'est qu'on a toujours marché piano et dans l'ombre. On avait un but, je veux bien l'admettre : c'était de dépenser une centaine de millions dans ce gouffre des fortifications d'Anvers.

Dans ce but, on a commencé par nous faire voter 49 millions, nous assurant que c'était tout ; et plus tard, peu à peu, en laissant quelque intervalle entre les demandes, on est venu nous arracher d'autres millions. Aujourd'hui encore, voilà 14 millions qu'on se propose de faire passer dans ce gouffre des citadelles anversoises, et le génie militaire dit : « Si nous avions obtenu du docteur Strousberg 3,900,000 francs, il aurait fallu ajouter encore 100,000 francs ! » et il se trouve que les calculs du génie militaire coïncident exactement avec le produit du contrat passé avec le docteur Strousberg et avec ses calculs financiers.

Cela me paraît suspect et je dis, avec mon honorable ami, M. Le Hardy de Beaulieu, que si l'on avait pu obtenir 20 millions de la citadelle du Sud, on leur aurait donné la même destination, c'est-à-dire cette indispensable et lamentable destination dont je me plains chaque année.

Je sais que ce discours n'aura pas plus de succès que les précédents et c'est le principal motif pour lequel je l'abrège. J'en viens à mon interpellation.

Je constate d'abord que la Belgique, condamnée au bienfait d'une neutralité perpétuelle, est aujourd'hui le seul pays d'Europe où l'on se livre à de nouveaux armements.

Je prie MM. les ministres, particulièrement l'honorable ministre des affaires étrangères, de me dire si notre diplomatie à l'étranger a eu quelque nouvelle d'un fait très grave annoncé comme certain par les premiers organes de la publicité dans les deux mondes, si elle est allée aux renseignements sur un point qui intéresse la Belgique plus que tout autre pays, sur ce point-ci : l'empereur Napoléon III a-t-il réellement donné des suites nouvelles à la généreuse pensée qu'il a si noblement exprimée le 5 novembre 1863 : le désarmement de l'Europe ? Est-il vrai, comme le disent le Times et d'autres journaux, qui ont à leur service une diplomatie au moins aussi bien informée que l'est la nôtre, est-il vrai que des démarches nouvelles aient été faites par l'empereur des Français pour obtenir un désarmement général ?

Messieurs, la question peut paraître indiscrète à MM. les ministres, mais elle nous intéresse énormément, car s'il y avait une réponse affirmative, c'est-à-dire, si le gouvernement belge avait lieu de croire que tout au moins on discute à cette heure, dans les hauts parages européens, le magnifique problème du désarmement, je serais bien venu, je pense, à proposer un sous-amendement, à l'excellent amendement présenté par mon honorable ami à M. Le Hardy de Beaulieu, c'est-à-dire, à proposer la suppression ou tout au moins l'ajournement des 6 millions qu'il veut bien allouer pour de nouvelles fortifications autour d'Anvers.

Donc, si nous avons quelque espoir de voir réaliser les généreuses aspirations de Napoléon III et de beaucoup d'autres hommes distingués qui désirent le désarmement, si nous avons quelque espoir de voir se réaliser leurs aspirations dans cet ordre d'idées, nous ferons bien d'ajourner un peu l'exécution de nos folles velléités militaires.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Messieurs, l'honorable ministre des finances a opposé à mon amendement deux objections.

La première a trait à la première partie de cet amendement.

Quand je demande d'affecter aux travaux d'assainissement de l'Escaut une somme de six millions, et au pont sur l'Escaut devant Anvers la somme d'un million, l'honorable ministre des finances me dit : Mais vous êtes sans éléments d'appréciation ; comment pouvez-vous proposer des travaux sur lesquels vous déclarez vous-même n'avoir fait aucun plan, aucune étude ?

J'ai l'honneur de faire remarquer à l'honorable ministre que je suis armé du droit d'amendement et que cela me suffit amplement, que je n'ai pas besoin d'autre justification. (Interruption.)

Je n'ai pas, comme le gouvernement, des ingénieurs à ma disposition, c'est le gouvernement seul qui possède ces éléments d'étude et d'appréciation.

Pour moi, j'ai mon droit d'amendement et j'en use : c'est la seule justification à laquelle je sois tenu. Mais, messieurs, remarquez bien ceci : c'est que, si après les études faites par ceux qui devront les faire dans tous les cas et que la nation paye pour les faire, il était reconnu qu'il y a trop d'argent, rien ne nous force à épuiser le crédit voté. Si, au contraire, il est reconnu que le crédit serait insuffisant, nous serons toujours libres de majorer le crédit. C'est donc une simple proposition que je fais, opposée à une proposition du gouvernement et ayant la même valeur. Assez, messieurs, sur ce premier point.

Sur le second, l'honorable ministre me fait remarquer que moi, l'adversaire déterminé des dépenses militaires, je propose, sans le justifier en aucune façon, d'appliquer sept millions à compléter l'enceinte d'Anvers d'une part, et de construire certains travaux sur la gauche de l'Escaut de l'autre.

Je ferai remarquer à l'honorable ministre que l'exposé des motifs vous dit dans ses développements qu'il faudra, pour compléter l'enceinte d'Anvers, 5,800,000 francs et le restant pour la rive gauche.

Or, je n'avais pas besoin de faire des calculs très nombreux, ni très longs, pour arriver à cette conclusion qu'avec 7 millions on pourra certainement achever, même en supposant qu'on ne changeât rien du tout aux plans du génie militaire, les travaux de la rive droite de l'Escaut et qu'il restera encore un million et demi pour faire des terrassements très considérables sur la rive gauche.

L'honorable ministre me fait remarquer, et il s'appuie surtout là-dessus, que je suis incompétent pour juger de cette question.

Je demanderai si notre génie militaire est plus compétent que moi. Où a-t-il acquis l'expérience ? Que sait-il des choses qu'il avance ? Il n'en sait certainement pas plus que moi. Ce n'est qu'à la guerre qu'on acquiert l'expérience des choses de guerre. Dans le cabinet on se croit très fort, très compétent, car on a appris dans des livres ; sur le terrain c'est tout autre chose. Moi aussi j'ai lu beaucoup de choses. Si je venais m'appuyer sur ce que j'ai lu, sur ce que j'ai appris dans les écoles pour vous proposer le résultat de mes lectures et de mes leçons, vous me renverriez certainement, messieurs, et avec beaucoup de raison, à l'expérience et aux faits. Les auteurs du plan d'Anvers croient que cette place est capable de résister à tous les chocs. Nous n'en savons rien, absolument rien. Personne ne peut rien affirmer à cet égard et je puis tout aussi bien avoir raison que M. le ministre de la guerre quand je pense qu'elle ne servira jamais à rien.

C'est là une question d'expérience. Par conséquent, quand je propose de ne consacrer à cette expérience que le moins d'argent possible, je reste dans la plus stricte logique ; et, je le répète, en terminant, si je ne suivais que mon sentiment, si j'étais certain de trouver dans cette Chambre une majorité aussi convaincue que moi-même, je n'hésiterais pas un seul instant à proposer non seulement de ne plus employer un centime à ces fortifications, mais j'en proposerais le nivellement immédiat.

Par conséquent, je vous prie, messieurs, de ne pas vous arrêter aux deux objections que M. le ministre des finances m'a faites et je vous convie plus fortement que jamais à voter l'amendement que j'ai eu l'honneur de vous proposer.

M. le présidentµ. - La parole est à M, Delaet.

M. Delaetµ. - S'il y a encore quelque orateur qui désire s'occuper de l'amendement de l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, je lui céderai mon tour de parole ; je parlerai ensuite.

MgRµ. - Je répondrai quelques mois à l'honorable M, Coomans et à l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu.

L'honorable M. Coomans, toujours très gracieux quand il parle de ses adversaires, a trouvé bon de traîner aux gémonies nos ingénieurs militaires. Il s'est trompé d'adresse. Ce n'est pas le génie qui formule les systèmes de défense. Ce soin est réservé à des commissions spéciales composées d'officiers de toutes armes. Le génie se borne à exécuter les plans proposés par ces commissions et approuvés par le gouvernement.

Ce sont les travaux de fortifications proprement dits qui sont du ressort du génie militaire ; or, tous ceux qui ont vu les ouvrages d'Anvers en ont fait le plus grand éloge, et les imputations de l'honorable M. Coomans n'amoindriront pas l'honneur qui en revient à nos officiers.

L'honorable M. Coomans ne comprend pas qu'après avoir jadis attribué une grande importance aux deux citadelles Sud et Nord, on en soit venu à ne plus leur accorder de valeur.

A mon tour, je ne comprends pas cette nouvelle plainte de la part de l'honorable membre, qui a formulé tant de récriminations contre les citadelles. Elle me prouve qu'il ne se rend pas compte de la nouvelle situation qui sera créée par l'exécution des forts projetés sur la rive gauche.

Les personnes qui lisent les journaux et se tiennent au courant de ce qui se rapporte à la guerre, savent que les grandes puissances possèdent de petites embarcations qu'on peut démonter, transporter sur des charrettes et lancer sur les fleuves ou dans les inondations.

En l'absence de moyens de défense sur la rive gauche, il serait donc possible de traverser les inondations de la Tête de Flandre et l'Escaut et de venir attaquer la ville par la gorge restée ouverte.

(page 277) Dans cette situation, les deux citadelles étaient indispensables. C'étaient deux points d'appui parfaitement établis pour repousser les attaques dirigées contre la rade d'Anvers.

II est de règle, messieurs, de défendre, du côté du fleuve, la partie des villes fortes placée sur les cours d'eau.

Rappelez-vous Anvers au XVIème siècle ; la ville était fermée du côté de l'Escaut par de hautes murailles crénelées et par des tours. Dans les places du Rhin, que tous sans doute vous avez visitées, vous avez pu voir des murs de gorge. Eh bien, quand les murs de gorge d'Anvers ont disparu, il a fallu les remplacer par des ouvrages ayant vue sur le fleuve. Tel a été le rôle de la citadelle du Sud, des batteries Impériale, Saint-Michel, Saint-Laurent, des forts de la Tête de Flandre, de Burght et d'Austruweel. Tel sera encore le rôle de la citadelle actuelle du Nord, de la batterie des Anguilles.

Aujourd'hui, que nous nous proposons de fortifier la rive gauche, nous ne nous trouverons plus dans la même situation. L'accès des digues devant Anvers étant pour ainsi dire impraticable, les premiers ouvrages que je viens d'énumérer ont perdu évidemment de leur importance.

L'honorable M. Le Hardy de Beaulieu prétend que nous ne sommes pas compétents en matière de fortifications parce que nous n'avons pas l'expérience de la guerre.

L'honorable membre en est encore à croire que la haute science de la guerre s'acquiert sur le champ de bataille. C'est une erreur, messieurs ; sur les champs de bataille, on acquiert l'expérience de la petite guerre, on apprend a braver la mort, mais on n'y apprend pas l'art de la guerre ; c'est en méditant profondément sur l'histoire des campagnes, en suivant l'enchaînement des faits, en recherchant les causes des revers et des victoires qu'on pénètre les secrets de l'art et qu'on peut assigner les règles de la science militaire.

Frédéric II, dont on ne récusera pas la compétence en pareille matière, disait avec beaucoup de raison que si le mulet du prince Eugène avait assisté à dix batailles, il n'en serait pas moins resté un mulet.

Ainsi donc, parce que nous n'avons pas fait la guerre, nous ne pourrions pas construire de fortifications ! Mais ne dirait-on vraiment pas qu'il nous a été interdit de jeter les yeux sur ce qui se fait dans le monde ! Les Prussiens, les Autrichiens, les Français n'ont-ils pas fait, de nos jours, d'immenses travaux de fortifications ? N'avons-nous pas pu voir, étudier et comparer leurs systèmes ? Ne sommes-nous donc pas en état de les comprendre ?

C'est en étudiant ce qui se fait à l'étranger, ce qui s'est passé dans les sièges, que nos officiers du génie sont arrivés à faire des ouvrages qui, je le répète, reçoivent l'approbation des étrangers qui les visitent.

L'honorable M. Le Hardy de Beaulieu prétend que les fortifications sont devenues inutiles parce qu'il est prouvé, dit-il, par les expériences de Shoeburyness que ni les maçonneries, ni les blindages en fer ne résistent à la puissance de l'artillerie actuelle,

Si l'honorable membre avait suivi les expériences que nous faisons à Brasschaet, il saurait que si les boulets détruisent parfaitement les maçonneries, ils ne parviennent pas à raser les parapets et les remparts en terre sablonneuse. Le boulet peut pénétrer jusqu'à 4 ou 5 mètres dans le sable, mais alors sa force est épuisée, il dévie de sa direction première et s'arrête après s'être quelquefois retourné sur lui-même.

Les terrassements peuvent parfaitement braver l'artillerie la plus puissante ; mais cela ne dispense pas d'avoir des abris voûtés. (Interruption.) Comment abriterez-vous les soldats ? Est-ce qu'il ne faut pas des casemates où les défenseurs puissent jouir de quelque repos, abriter les vivres, les munitions ?

- Un membre. - Sébastopol.

MgRµ. - C'est précisément l'absence de nombreux abris près des remparts qui a été la principale cause de la prise de Sébastopol.

Lorsque le 8 septembre, à midi sonnant, les armées françaises et anglaises ont donné l'assaut général, c'est parce qu'il y avait très peu de monde dans l'ouvrage de Malakoff, et que les réserves russes étaient fort loin que les Français y ont pénétré sans coup férir.

Chose étrange, ce sont les Français qui se sont défendus dans Malakoff contre les réserves russes accourues trop tard.

Les choses se seraient passées autrement, si ces réserves, décimées par les feux courbes de l'assiégeant, n'avaient pas dû être tenues à l'écart.

La puissance des feux courbes est telle aujourd'hui, messieurs, qu'on peut dire que des fortifications, sans abris voûtés, ne sont plus tenables.

Quant aux fortifications élevées à Anvers, elles résisteront parfaitement à' l'artillerie, parce qu'elles constituent d'énormes massifs en terre ; elles résisteront à l'attaque de vive force, ce que n'a pu faire Sébastopol, parce qu'elles sont précédées de vastes fossés pleins d'eau. Enfin, la garnison les défendra avec énergie parce qu'elle pourra prendre du repos dans les nombreux abris voûtés qu'on a eu la précaution de construire.

M. Couvreurµ. - Mon intention, messieurs, était de me borner à motiver, à propos de l'article 2, le vote que je compte émettre sur le projet de loi. Mais la tournure que vient de prendre le débat, les explications, à mon avis insuffisantes, que le gouvernement a données en réponse à l'amendement déposé par mon honorable ami M. Le Hardy de Beaulieu, la question de politique intérieure, posée par l'honorable M. Coomans, toutes ces causes ont assez d'importance à mes yeux pour changer ma résolution. Si donc la Chambre n'y voit pas d'inconvénient, au risque de prolonger ses délibérations, je lui demanderai la permission de toucher d'abord à quelques points de l'objet actuellement en discussion. Il convient de bien préciser la question telle qu'elle se présente par l'amendement formulé par mon honorable ami.

L'article 2 du projet de loi demande à la Chambre de faire application de la somme de 14 millions à deux natures de travaux : 6 millions pour remplacer la citadelle du Sud, établir des casernes, un arsenal, une fonderie, une boucherie et autres locaux accessoires dont le génie militaire déclare avoir besoin pour les services de la place, puis toute une autre série de travaux à exécuter, les uns sur la rive gauche, les autres, le fort ou plutôt la citadelle de Merxem, sur la rive droite.

M. de. Brouckereµ. - Merxem n'y est pas compris.

M. Couvreurµ. - Je m'étonne de l'interruption dans la bouche de l'honorable rapporteur du projet de loi.

Voici ce que porte l'exposé des motifs :

1° Nouveau front 11-12 formant le prolongement de l'enceinte jusqu'à l'Escaut, y compris une. manutention, un arsenal, une fonderie de projectiles et une boucherie, 3,846,000 fr.

2° Casernes, 817,000 fr.

3° Fort de Merxem, 2,061,000 fr.

4° Fort de Burght, 1,586,000 fr.

5° Fort de Zwyndrecht, 2,940,000 fr.

6° Digue défensive entre les forts de Zwyndrecht et de Sainte-Marie, 750,000 fr.

Total, 14,000,000 fr.

C'est-à-dire que cette somme, de 14 millions se. décompose comme suit :

6 à 7 millions applicables à des travaux destinés à remplacer la citadelle du Sud, 7 millions réclamés pour construire trois forts sur la rive gauche, plus le fort de Merxem sur la rive droite. Voilà ce que je disais lorsque j'ai été interrompu et ce qu'établit l'exposé des motifs.

Aucun de nous n'ignore, messieurs, que dans tout le cours des délibérations antérieures, l'honorable général Chazal, prédécesseur de l'honorable ministre de la guerre actuel, n'a cessé d'affirmer que les travaux réclamés alors sur la rive gauche de l'Escaut étaient complètement inutiles à la défense de la place d'Anvers, bien que, déjà, à cette époque, il prévît l'éventualité, la possibilité de la vente de la citadelle du Sud.

Je veux bien reconnaître que le général Chazal, de même que le général Renard aujourd'hui, reconnaissait qu'il eût pu être utile de faire des fortifications sur la rive gauche ; mais ces fortifications ne lui paraissaient pas indispensables.

Il a été dit alors et répété plusieurs fois par lui dans cette enceinte, que jamais l'ennemi envahissant la Belgique ne s'aventurerait dans le pays de Waes et que s'il le faisait, il trouverait devant lui le fleuve et les inondations ; que la Tête de Flandre et l'Escaut étaient suffisamment protégés par les batteries des citadelles du Nord et du Sud et j'ajoute par les batteries des remparts, qui, dans le projet actuel, doivent remplacer la citadelle du Sud,

Il a été dit encore, à cette époque, que la citadelle du Nord était, mieux que la rive gauche, le véritable et suprême refuge des défenseurs de la ville d'Anvers ; que là devait se trouver le dernier réduit de la défense ; que cette citadelle enfin, si indispensable à l'armée, ne devait inspirer aucune inquiétude à la population anversoise.

Quant au fort de Merxem, le projet de loi qui nous fut soumis en 1864 le jugea également inutile.

MfFOµ. - En 1864 ?

M. Couvreurµ. - En 1864. (Interruption.)

MfFOµ. - Il n'y a pas eu de projet en 1864.

M. Couvreurµ. - Les crédits supplémentaires, si vous voulez, que (page 278) nous votâmes en 1864 ont pu être limités à six millions parce que, à cette époque, il fut décidé que l’on pourrait ne pas exécuter le fort de Merxem, sauf à le remplacer par des inondations et des travaux de circonvallations à élever au moment du siège. Ces travaux furent déclarés, par M. le général Chazal, suffisants pour mettre Anvers a l'abri de tout danger sérieux.

MgRµ. - Il doit y avoir erreur.

M. Couvreurµ. - Il l'a déclaré sur sa parole d'honneur comme homme et comme officier.

La Chambre eut confiance dans cette déclaration ; elle avait déjà, d'ailleurs, avant cette époque, voté un ordre du jour, repoussant la demande faite par les représentants d'Anvers, de dépenser encore 14 à 15 millions précisément pour effectuer les travaux qu'on nous demande d'approuver aujourd'hui.

MfFOµ. - Mais pas du tout.

M. Couvreurµ. - Comment, pas du lotit ?

L'ordre du jour proposé par MM. Dolez, Orts et de Brouckere, déclarant irrévocablement close l'ère des dépenses pour Anvers, fut déposé et voté en réponse aux propositions des nouveaux députés de cette ville.

Plus tard, surgit le programme de l'honorable M. Dechamps, le plan auquel celui qu'on nous soumet aujourd'hui ressemble beaucoup, sinon dans les détails, au moins dans ses lignes principales, à savoir : l'utilité de trois forts et d'une ligne de défense sur la rive gauche, moyennant la vente de la citadelle du Sud.

L'honorable ministre des finances fit observer alors, avec beaucoup de raison, que prendre l'argent dans le trésor public ou le prendre dans la vente d'un domaine national était absolument la même chose (interruption), et que, quant à lui, il ne pourrait donner son assentiment à ce programme qu'à la condition de substituer à cette citadelle du Sud d'autres travaux destinés à reporter cette citadelle plus loin, c'est-à-dire, si ma mémoire ne me trompe pas, qu'on pouvait vendre la citadelle du Sud, mais que le produit de la vente ne pouvait servir qu'à rectifier la ligne d'enceinte sur la rive droite de l'Escaut. (Interruption de M. le ministre des finances.) Vous expliquerez votre pensée, M. le ministre.

MfFOµ. - Elle est très claire ; vous la tronquez complètement.

M. Couvreurµ. - C'est ainsi que j'ai cru la comprendre ou du moins qu'elle est restée gravée dans mon esprit.

Lorsque en 1864 le gouvernement nous demanda un crédit de 6,000,000 pour achever les travaux entrepris à Anvers, l'opposition ne manqua pas d'invoquer, contre cette demande, le vote rendu antérieurement contre les propositions de la députation anversoise pour limiter à un chiffre définitivement arrêté déjà les sacrifices du pays.

Qui répondit alors au nom des ailleurs de cet ordre du jour motivé ? Ce fut l'honorable M. Dolez.

Il fit observer, avec beaucoup de raison, selon moi, qu'il n'y avait pas d'incompatibilité entre cet ordre du jour et le crédit supplémentaire demandé. L'ordre du jour, sainement interprété, ne devait s'appliquer qu'à des travaux nouveaux, à ceux qu'on pourrait proposer ultérieurement à Anvers, mais non pas à des travaux décrétés, sanctionnés par la Chambre, en voie d'exécution et qu'il n'y avait lieu ni d'interrompre ni de laisser inachevés.

Que résulte-t-il de là, messieurs ? Soyons sincères. De ces rétroactes, il résulte qu'à cette époque, en 1864, dans la pensée de la Chambre, dans la pensée des auteurs de l'ordre du jour motivé, dans la pensée du département de la guerre, dans la pensée du gouvernement lui-même, Anvers était achevé, qu'il n'y avait plus d'argent à demander pour développer on compléter les fortifications.

Tout au plus, était-il sous-entendu que si le gouvernement trouvait moyen de vendre la citadelle du Sud, dans l'intérêt exclusif d'Anvers et pour lui permettre de se développer le long des rives de l'Escaut, le produit de cette vente pourrait être appliqué non pas à de nouveaux travaux, mais aux travaux qui deviendraient alors indispensables pour remplacer la citadelle abattue et rétablir des remparts sur la même ligne que la grande enceinte.

Mais alors il ne fut question ni du fort de Merxem, ni de nouveaux forts à bâtir sur la rive gauche de l'Escaut. De ce côté, tout était parfait.

Le projet qui nous est soumis, messieurs, reste-t-il fidèle à cette pensée ? Evidemment non. Ce projet n'est-il pas condamné en partie par l'ordre du jour motivé que j'ai rappelé tantôt ? Pour moi, cela résulte des documents mêmes soumis à notre examen. En effet, sur 14 millions qui vont entrer dans les caisses du trésor, je vous l'ai montré tantôt, il y a 6 à 7 millions qui s'appliquent au remplacement de la citadelle du Sud, et en plus, contrairement à toutes les déclarations antérieures, 7 millions de dépenses nouvelles qui doivent aller s'engloutir dans les forts de Merxem, de Burght, de Zwyndrecht et dans la ligne défensive de la rive gauche.

Ce sont ces nouveaux travaux que l'amendement de l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu dégage ; c'est à ces travaux qu'il demande d'en substituer d'autres plus nécessaires, plus utiles ; ce sont ces travaux dont il demande la non-exécution en se basant sur les résolutions antérieures de la Chambre et du gouvernement.

Pourquoi le gouvernement, aujourd'hui, a-t-il changé d'avis ? Où est la démonstration, je ne dis pas de l'utilité, car j'admets que M. le ministre de la guerre considère ces travaux comme très utiles, mais du caractère indispensable de cette dépense nouvelle de sept millions ? Qu'est-ce qui justifie cet appétit extraordinaire du département de la guerre ? Je veux bien que l'honorable général Renard ne partage pas les opinions de son prédécesseur ; qu'il juge nécessaire, indispensable ce que M. Chazal déclarait être du superflu. Mais, encore une fois, où est la démonstration qui doit nous faire changer d'avis ?

Je sais que nous avons été saisis, au mois de janvier de l'année dernière, d'une note dans laquelle ces travaux étaient indiqués ; mais je n'appelle pas cela une justification suffisante pour éclairer la Chambre et le pays. Si nous devons voler de nouvelles dépenses, nous ne devons les voter qu'à bon escient ; c'est un devoir pour tous et particulièrement pour ceux d'entre nous qui sont liés par la promesse formelle faite au pays de ne plus dépenser un sou à Anvers, peu importe que ce soit au prix de sept millions, sortant des poches des contribuables ou de sept millions provenant des terrains de la citadelle du Sud.

Si nous devons voter de nouvelles dépenses, si nous devons aller à l'encontre de tous les engagements pris jusqu'à présent, des ordres du jour motivés, votés par cette assemblée ; si cela est nécessaire, nous ne devons à mon avis, voter ces propositions supplémentaires qu'après avoir reçu la preuve péremptoire, ou que le général Chazal s'est trompé, ou que son successeur ne se trompe pas aujourd'hui.

Je suis contrarié de devoir ainsi préciser la question. J'ai la plus grande estime pour l'honorable général Renard, j'approuve une foule de choses qui se font dans son département. Mais si son honorable prédécesseur a pu, jadis, s'engager à pourvoir à la défense d'Anvers avec les fortifications telles qu'elles existent aujourd'hui, nous ferions une excellente économie en le rappelant au pouvoir et en reversant au trésor 7 millions que M. le général Renard réclame pour achever une œuvre que son prédécesseur considérait comme terminée, au moins dans des conditions suffisantes pour les services qu'elle devait nous rendre.

Et, lorsque le général Chazal faisait ces déclarations, il s'appuyait non seulement sur ses études personnelles, mais encore sur les connaissances spéciales des officiers du génie qui l'entouraient.

Si le corps du génie n'avait pas partagé sa manière de voir, il aurait dû nous en prévenir, il aurait été de son devoir de le déclarer au pays, de le préparer au mécompte qui se produit aujourd'hui.

Or, où sont les nouvelles études qui doivent annuler les déclarations de l'ancien ministre de la guerre ? Où sont les nouvelles délibérations des hommes compétents, délibérations destinées à rassurer la conscience de ceux qui ont voté les crédits supplémentaires pour Anvers, sous la réserve formelle que ce seraient les derniers, qu'ils ne donneraient plus un centime pour de nouveaux travaux ? Aujourd'hui ces centimes se chiffrent par 7 millions !

Lorsqu'un homme qui aime sa profession s'est engagé dans une grande affaire, il agit quelquefois en artiste : je crains fort qu'ayant trouvé des fonds en abondance, M. le ministre de la guerre ne veuille faire les choses en artiste militaire. Cela l'honore, mais je demande que nous ne le suivions pas dans cette voie, et qu'au lieu de faire de l'art en matière de fortifications, nous faisions de la bonne et sévère administration.

Me dira-t-on que ces sept millions doivent être dépensés pour donner satisfaction aux exigences de la ville d'Anvers ? ou bien encore, comme le disait tantôt l'honorable M. Bouvier, pour respecter les conventions faites avec M. le docteur Strousberg ?

Mais il me semble que la ville d'Anvers peut se tenir pour très satisfaite du déplacement de la citadelle du Sud, et l'accueil qu'elle fait à vos concessions n'est pas tel, qu'il doive vous engager à lui imposer encore d'autres et de trop coûteux bienfaits dont elle ne se soucie guère. Qu'avez vous besoin de lui sacrifier la citadelle du Nord et de vouloir établir un refuge sur la rive gauche de l'Escaut ? On nous a si bien répété qu'elle était indispensable au.point de vue militaire et inoffensive au point de vue des intérêts civils, que nous avons bien le droit de nous en tenir à vos premiers dires.

Quant au docteur Strousberg, je doute qu'il tienne beaucoup au fort de Merxem et aux forts de la rive gauche. Il est industriel, et comme tout (page 279) industriel et tout économiste, il doit considérer les fortifications comme un danger plutôt que comme une protection pour les établissements qu'elles abritent. Donnez-lui la libre circulation avec la Tête de Flandre, la perspective d'y voir bâtir une ville nouvelle ; démolissez pour lui toutes les fortifications : plus vous ferez d'Anvers un port exclusivement commercial, plus il se félicitera d'avoir traité avec vous.

Restent les réclamations des représentants du pays de Waes, appuyées par mon honorable collègue M. Vleminckx, au sujet de l'assainissement des polders. Mais l'amendement du député de Nivelles y donne bien mieux satisfaction que le projet de loi. Il fait de l'assainissement la chose principale et non l'accessoire. Que veut-on de plus ? La somme de six millions n'est pas suffisante ? La question n'est pas assez étudiée ? Eh bien, messieurs, étudions-la avant de gaspiller notre argent dans de nouvelles folies militaires. Rien ne presse, me semble-t-il.

Ce que nous avons de mieux à faire, quant à présent au moins, et jusqu'à ce que le gouvernement nous ait prouvé que cette somme de sept millions pour les travaux de la rive gauche est, contrairement à des déclarations antérieures, indispensable, ce que nous avons de mieux, de plus sage, de plus utile à faire, c'est de tenir provisoirement ces sept millions en réserve. Nous verrons ce que nous en ferons ultérieurement, soit que nous l'appliquions aux fortifications de la rive gauche, s'il le faut absolument et quand le besoin s'en fera sentir, soit que nous les consacrions d'abord, et dans une proportion à déterminer, à l'assainissement ou à l'exécution d'une station qui nous coûtera trois millions, ou à tels autres travaux indispensables pour relier les centres industriels du pays avec Anvers, avec les rives de l'Escaut, avec les nouveaux établissements projetés sur l'emplacement de la citadelle du Sud.

Voilà, messieurs, ce que j'avais à dire sur la proposition de mon honorable ami.

Je ne l'eusse pas formulée, mais puisqu'elle est posée, j'ai cru qu'on pourrait y rattacher une proposition d'ajournement de la dépense des sept millions applicables aux forts de la rive gauche et au fort de Merxem.

J'arrive maintenant, messieurs, aux motifs qui me déterminent personnellement à voter contre le projet de loi ; ces motifs, qui plaident également en faveur d'un ajournement, l'honorable M. Coomans y a déjà fait allusion. D'autres faits que j'aurai l'honneur de faire connaître à la Chambre les appuient et me donnent, à moi, la conviction que nous marchons vers une ère de longues années de paix en Europe. (Interruption.)

Messieurs, je suis aux ordres de la Chambre.

- Voix nombreuses. Il est cinq heures ; à demain !

MpDµ. - On me dit, messieurs, que M. Couvreur en a encore au moins pour trois quarts d'heure ; la Chambre me paraît désirer remettre à demain la suite de la discussion. II en sera ainsi.

M. Coomans vient de faire parvenir au bureau un amendement qui consiste à supprimer dans l'énuméré le mot « Merxem ». Je demande à la Chambre d'ordonner l'impression de cet amendement ainsi que de ceux de M. Le Hardy de Beaulieu.

- Adopté.

La séance est levée à 5 heures.