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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 27 avril 1870

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1869-1870)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 767) M. de Vrintsµ procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Dethuinµ donne lecture du procès-verbal de la précédente séance ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Vrintsµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Croiset, se plaignant d'avoir été condamné par les tribunaux sans avoir été entendu et sur le témoignage de faux témoins, prie la Chambre de faire assigner des individus qu'il dénonce. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Wesphael présente des observations relatives à la distribution de la correspondance dans les communes et les hameaux. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur la taxe des lettres simples.


« Le sieur Crick, notaire à Assche, demande que le projet de loi relatif à l’abaissement de la taxe des lettres contienne une disposition assimilant, pour la taxe, aux affiches imprimées, les affiches manuscrites qui annoncent des ventes ou autres opérations publiques et qui émanent d'un fonctionnaire ayant qualité pour y procéder. »

- Même disposition.


« Le sieur Clermont présente des observations sur les propositions relatives à l'abaissement de la taxe de la lettre simple et à l'établissement de cartes-correspondances. »

- Même disposition.


« Des habitants de Bastoup demandent que le projet de loi portant abolition du droit sur le sel supprime la disposition de la loi du 26 août 1822, qui exige une autorisation pour l'établissement de nouveaux débits de sel dans le rayon de la douane. »

- Dépôt sur le bureau pendant ln discussion du projet de loi.


« Les membres du conseil communal de Viane prient la Chambre d'adopter, avant la fin de la session, la proposition de loi sur le domicile de secours. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi.


« Le sieur Verschrage, milicien de 1855, réformé pour infirmité contractée au service, demande la continuation de la pension dont il a joui jusqu'en 1868. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


MpDµ. - Messieurs, un de nos collègues, M. de Terbecq, obéissant à l'injonction de ses médecins, vous demande un congé réclamé par l'état de sa santé. La Chambre, qui connaît le zèle de notre honorable collègue, n'hésitera pas à accueillir sa demande.

- Accordé.

Projet de loi allouant un crédit au budget du ministère de la justice

Rapport de la section centrale

M. Guilleryµ. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la section centrale sur une demande de crédit supplémentaire au département de la justice pour les exercices 1869 et 1870.

- Ce rapport sera imprimé et distribué et l'objet qu'il concerne mis à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi abolissant les droits sur le sel et le poisson, abaissant la taxe des lettres et augmentant les droits sur les eaux-de-vie

Discussion générale

M. Visartµ. - Messieurs, j'aurais approuvé presque sans réserve le projet qui nous est soumis, à cause de ses bons effets immédiats, si le gouvernement avait consenti traiter les raffineurs de sel avec un peu de rigueur. Je ne suis pas protectionniste, il s'en faut de beaucoup ; mais je considère comme un devoir d'équité d’adoucir et de faciliter autant qu'il le peut le passage pénible de la protection à la liberté. Je pense que jamais aucune industrie en Belgique n'a été traitée avec aussi peu de ménagement, d'une manière aussi dure que va l’être celle des sauniers.

Jamais vous n’avez fait passer une grande et florissante industrie, sans transition et sans avertissement, du régime de la prohibition au libre échange absolu. C’est ce que vous allez faire cependant pour le raffinage du sel. Cette fabrication, où aujourd'hui des capitaux considérables sont engagés, s'est établie en Belgique uniquement à cause de l'énorme protection qui lui été accordée depuis très longtemps et à laquelle la loi de 1844 a donné une nouvelle consécration. Je crois qu’il n’y a aucun autre objet de consommation qui, outre un droit d'accise de 300 p. c., ait été frappé d'un droit de douane de 350 p. c. Dans ces conditions tout à fait artificielles, la raffinerie indigène a pris nécessairement une grande extension malgré son infériorité irrémédiable vis-à-vis des fabricants anglais et français.

C'est donc uniquement et exclusivement parce que le gouvernement l'a voulu que les capitaux et l'activité des industriels se sont engagés dans cette direction.

Remarquez, messieurs, que rien n'a averti les sauniers du sort qui les attendait ; que tout a été fait, au contraire, pour prolonger leurs illusions jusqu'au moment de la catastrophe qui les atteint aujourd'hui.

Sans critiquer la réforme qui nous est proposée, on peut dire qu'elle est véritablement improvisée ; car dans toutes les déclarations faites par le gouvernement depuis dix ans, il n'y a pas eu un mot qui pût faire prévoir qu'il n'attendait qu'une occasion pour abolir d'un seul coup le droit d'accise sur le sel brut et le droit de douane sur le sel raffiné.

Bien au contraire, toutes les fois que l'on a demandé l'abolition de la gabelle, l'honorable ministre des finances a renouvelé et renforcé les déclarations catégoriques qu'il avait faites le 9 décembre 1862.

Tout le monde sait que l’honorable ministre ne modifie pas ses opinions à la légère, et qu'il est tort difficile de faire prévaloir une idée opposée à la sienne.

Les réponses qu'il a faites, il y a quelques années, à MM. de Naeyer, Royer de Behr et aux autres membres de cette Chambre qui réclamaient l'abolition de l'impôt du sel, ont convaincu les sauniers que leur industrie jouirait indéfiniment de la position actuelle.

Aussi depuis quelques années a-t-on notablement augmenté le capital de cette industrie et vendu à grand prix beaucoup d’usines bien achalandées. Ce sont surtout ces nouveaux acquéreurs qui sont à plaindre aujourd'hui, car ils n'ont eu aucune compensation à la perte de leur capital.

Si le gouvernement avait depuis plusieurs années l'intention d'abolir l'impôt du sel dès que l'état de nos finances ou la possibilité de le remplacer permettrait cette mesure radicale, je n’hésite pas à dire qu'il a manqué de justice et de sollicitude envers l'industrie des sauniers en ne les avertissant pas, par l'abaissement progressif des droits de douane. Si graduellement la prohibition avait fait place à la protection et protection au droit de balance, la liberté complète ne serait pas aujourd'hui un coup de (page 768) mort pour des gens avertis et mis peu à peu en mesure d'employer toutes leurs ressources contre la concurrence étrangère.

Le gouvernement pouvait faire cela sans aucune difficulté, car l'abolition de la protection douanière laissait absolument intact le produit du droit d'accise.

Aujourd'hui, deux cents industriels sont rudement atteints et accuseront le gouvernement de n'avoir eu aucun souci de leurs intérêts, si leur position n'est pas sauvegardée par des dispositions transitoires ou par une juste compensation.

Hier, messieurs, l'honorable M. Lambert vous a soumis un amendement par lequel il maintient un droit de douane de 2 francs aux 100 kilos sur le sel raffiné.

Cette proposition soulève deux objections assez graves.

Ne serait-ce pas, d'une part, compromettre les effets de la réforme projetée, et, d'autre part, manquer à l'observation littérale du traité de commerce de 1861 ?

La section centrale a cru que cés deux objections étaient péremptoires ; mais après mûr examen, je suis obligé de dire que cette double difficulté ne m'a pas paru très sérieuse.

L'honorable M. Lambert a très bien démontré hier que le maintien d'un droit de douane ne compromettrait ni n'amoindrirait en aucune façon la réforme, puisque la libre entrée du sel brut est l'affaire capitale pour tous les usages industriels et agricoles et que c'est surtout à ce point de vue que l'affranchissement complet du sel est si vivement réclamé. Je n'examinerai donc, messieurs, que la seconde objection, la prétendue violation du traité.

Voici, messieurs, le texte de l'article 8 du traité de commerce conclu avec la France le 1er mai 1861 : « Le sel raffiné d'origine française sera admis en exemption de droits d'entrée pour les usages auxquels la législation belge accorde l'exemption du droit d’accise sur le sel brut.

Je crois que cette disposition est de droit commun aujourd'hui pour tous les pays avec lesquels nous avons des traités de commerce.

A première vue, ce texte un peu ambigu a fait croire à plusieurs personnes que le sel raffiné étranger pourrait entrer librement pour tous les usages, si le sel brut était exempté du droit d'accise également pour tous les usages.

Il n'en est rien, messieurs ; le traité de 1891 a uniquement en vue la législation de cette époque et s'est servi de ces expressions « pour les usages auxquels la législation belge accorde l'exemption du droit d'accise sur le sel brut » simplement pour ne pas allonger le texte très inutilement en énumérant les usages bien déterminés et bien connus l'exemption s'appliquait. Bien certainement aucun des deux contractants ne songeait alors à la suppression complète du droit d'accise. Le mot même d'exemption qu'on a employé le démontre ; car il n'est plus question d'exemption ni de faveur exceptionnelle pour un droit d'accise qui n'existe pas.

Le texte même de l'article suppose l'existence du droit d'accise. Il est donc clair qu'il n'est pas rédigé en vue de la situation que nous allons établir. Si maintenant nous n’enlevons aux raffineurs français aucun des avantages dont ils jouissent en Belgique, si nous leur en accordons même de nouveaux, le gouvernement français n'aura ni raison ni nous faire des remontrances.

Je crois, messieurs, que le gouvernement partage mon opinion sur ce point ; car dans l'exposé des motifs l'honorable ministre des finances s'exprime comme si nous avions parfaitement la faculté d'établir un droit de douane sur le sel raffiné.

Cependant, messieurs, je ne me rallierai pas purement et simplement à l'amendement de l'honorable M. Lambert. Je le trouve sujet à un reproche sérieux. Le droit de douane sur le sel raffiné, que l'honorable membre propose de conserver, s'élèverait à 2 francs, c'est-à-dire à 40 p. c. au moins de la valeur de la marchandise. Cela est beaucoup trop pour un droit normal et définitif sur une denrée de première nécessité. ce serait rendre un mauvais service aux sauniers que de leur accorder une protection excessive. Ce privilège ne tarderait pas à donner lieu aux plus vives réclamations ; infailliblement il serait supprimé dans un avenir peu éloigné et leur industrie retomberait de nouveau dans la plus triste situation. Je pense, messieurs, que nous avons un autre devoir remplir vis-à-vis des raffineurs de sel et que nous pouvons mieux défendre leurs intérêts. Ce qui est désastreux pour eux, c'est le passage brusque et imprévu d'une situation tout à fait protégée et privilégiée à une liberté absolue qui, dans conditions actuelles, ne leur permettra pas de lutter un seul jour contre leurs concurrents anglais et français.

Tout le monde en convient : jamais industrie en Belgique n’aura subi une pareille exécution.

J'espère donc avoir l'appui de beaucoup de mes collègues en vous proposant une mesure transitoire semblable à celles que vous avez souvent adoptées dans des cas analogues et à celle que la section centrale vous propose pour la fabrication du carbonate de soude.

C'est pourquoi, messieurs, j'aurai l'honneur de déposer un amendement par lequel il serait accordé au sel raffiné une protection transitoire de 3 francs par 100 kilogrammes qui irait décroissant de 50 centimes par an, et deviendrait un droit de balance définitif de 50 centimes le 1er janvier 1875.

Un droit de 50 centimes sur le sel raffiné, c'est à peine 12 p. c. de la valeur.

L'étude de nos tarifs de douane dénote l'intention évidente de laisser entrer librement tout ce qu'on peut considérer comme matière première ou instrument de travail et d'accorder, sous le nom de droit de balance ou de droit compensateur, une protection très modérée à presque tous nos produits manufacturés.

Il serait logique de faire de même aujourd’hui en donnant la libre entrée au sel brut, vraie matière première, et d'abaisser graduellement le droit de douane sur le sel raffiné à un taux très modéré.

Je crains que cette mesure ne soit considérée comme insuffisante par les raffineurs de sel ; mais en présence des dispositions de la Chambre et du gouvernement, il serait peu pratique de demander davantage.

Peut-être, messieurs, fera-t-on à mon amendement comme à celui de l'honorable M. Lambert une objection assez grave.

On dira que nous obligeons le gouvernement à maintenir tout l'appareil des formalités et des entraves fiscales pour contrôler l'emploi du sel raffiné français, libre à l'entrée, dans les fabriques de sulfate de soude.

J'avoue que c'est là un inconvénient du maintien d'un droit de douane quelconque. Je rappellerai cependant que l'honorable ministre des finances a démontré il y a quelques années que l'exercice était pour les fabricants de produits chimiques plutôt un agrément et un secours qu'une entrave. Les agents du fisc qui surveillent les dosages sont souvent des contremaîtres gratuits et excellents. Du reste, l'emploi du sel raffiné français dans l'industrie n'est pas aussi considérable qu'on pourrait le croire. Si je ne me trompe, la fabrication des produits chimiques emploie infiniment plus de sel brut que de sel raffiné étranger.

En 1869, il n'a été introduit de ce dernier qu'environ 2 millions de kilogrammes en franchise de droit.

Quoi qu'il en soit, on peut bien maintenir, pendant quelques années encore, un système de contrôle un peu compliqué, mais qui n'a pas donné lieu à beaucoup de plaintes, pour sauver d'une ruine immédiate une grande industrie.

Je me réserverais, messieurs, si mon amendement n'était pas adopté, de proposer avec quelques-uns de mes collègues un amendement subsidiaire dans l'intérêt des sauniers.

MpDµ. - L'amendement de M. Visart est appuyé ; il fait partie de la discussion.

M. Vermeireµ. - Messieurs, chaque fois que le gouvernement propose des modifications aux lois économiques du pays, les intérêts qui se croient lésés par ces changements de législation se remuent et font valoir les justes griefs qu'ils ont à produire contre les propositions de loi qui nous sont présentées.

Le projet de loi qui nous est soumis en ce moment a fait l'objet d'un examen très approfondi.

Il l'a surtout été parce que, protégées par des droits de douane et des droits d'accise, des industries se sont fondées qui voient aujourd'hui leurs intérêts tellement compromis, qu'il est impossible qu'elles continuent à subsister dans l'avenir, si le projet de loi passe comme il nous a été présenté.

La question est donc de savoir s'il est de l'intérêt général que ces industries succombent. Voilà, je crois, la seule question qu'il s'agit de bien examiner. C'est ce que je vais tâcher de faire d'une manière aussi succincte que possible ; et pour ne pas m'égarer dans la discussion, je vous lirai quelques considérations que m'a suggérées le projet de loi.

La tâche que je m'étais proposée, dans l'examen du projet de loi en discussion, a été bien facilitée par les discours d'honorables collègues qui avaient déjà pris la parole dans cette discussion.

A côté des divers changements que la loi propose à l'assiette de certains impôts, l'abolition de l'impôt sur le sel, ainsi que celle du droit d'entrée sur sel raffiné est la plus importante parce qu’elle touche à des intérêts de diverse nature et que celle-ci aura pour effet, personne ne le conteste, de supprimer une industrie importante qui s’était surtout implanté dans les Flandres, où elle alimentait un commerce et une industrie fort importante. (page 769) L'honorable M. Lambert vous a cité les chiffres : ceux-ci, d’après les renseignements que j’ai pris à bonne source, seraient plutôt moindres que plus élevés.

250 établissements, valeur estimée à 6,000,000 de francs.

Capital roulant, 4,000,000 de francs.

Production annuelle, 30.000,000 de kilogrammes de sel.

Consommation annuelle par personne, 5 kilogrammes.

Ajoutez à cela le commerce de transport auquel ce trafic donne lieu, et vous resterez convaincus, messieurs, que la suppression d'une industrie aussi importante doit laisser un vide qui pourra difficilement être comblé.

Le gouvernement, dans son exposé des motifs, justifie l'abolition de l'impôt sur le sel, ce condiment indispensable à la vie, par cette considération que, depuis l'abolition des octrois, l'impôt sur le sel est, pour ainsi dire, le seul qui pèse encore sur tous, tandis que les autres taxes indirectes sont d'un usage plus ou moins facultatif et qui augmente avec le degré d'aisance.

Mais c'est là une erreur évidente, et, pour le prouver, je n'ai qu'à citer les céréales étrangères, les farines, les bières, et tant d'autres articles dont l'énumération trop loin.

Si, maintenant, je compare l'impôt individuel de la consommation du sel avec celui de la consommation du pain, je trouve pour le sel une consommation annuelle, par individu, de 5 kilogrammes à 18 centimes, soit 90 centimes, tandis que, pour la farine, en calculant la consommation annuelle par individu à 300 kilogrammes, l'impôt payé sera de 3 fr. 20 c. Ces chiffres, que je crois être exacts, sont encore empruntés au discours de l'honorable M. Lambert, et j'y ajoute cette considération très juste, qu'il a déjà fait valoir, qu'il ne faut point examiner la question sous le point de vue de la valeur intrinsèque, mais bien sous celui de la quantité qui est consommée.

Or, si, comme l’enseigne la théorie, les réformes économiques doivent avoir pour but d'améliorer les conditions d'existence des classes laborieuses, ce n'était point par l'abolition du droit sur le sel qu'on aurait dû commencer, mais bien par celle des droits sur les céréales, sur les farines et sur toutes les denrées indistinctement, droits qui augmentent, dans une proportion démesurée, le budget économique des classes ouvrières.

Il résulte des calculs qui ont été présentés et dans les discours d'honorables préopinants et dans les mémoires qui nous ont été communiqués par les intéressés, qu'il n'y a qu'un seul moyen de conserver l'industrie du raffinage du sel en Belgique, c'est d'imposer au sel étranger, tant brut que raffiné, un droit qui permette sa coexistence avec l'industrie étrangère.

Les uns avaient fixé la quotité de ce droit à 3 francs. L'honorable M. Lambert, dans son amendement, propose de le fixer à 2 francs. En ce qui me concerne, je me rallie à cet amendement. qui me paraît être d'autant plus juste qu'il dégrève déjà l'impôt de huit neuvièmes ou de16 centimes au kilogramme et que, d'autre part, le maintien d'un droit aussi faible ne peut, en aucune façon, exercer la moindre influence onéreuse sur le prix du sel.

Si l'amendement de la section centrale, concernant la mise à exécution de la loi, en ce qui concerne le sel, au 1er janvier prochain, et auquel le gouvernement s'est rallié, est adopté, il y aura une certaine atténuation à l'effet rigoureux de la loi ; mais, si le gouvernement continue à ne point vouloir admettre le recensement au 31 décembre prochain, la remise de 12 p. c. qu'on accordera aux sauniers, sur le montant des termes de crédit non échus, devrait être augmentée dans une proportion assez considérable pour que le travail dans les sauneries puisse être continué.

C'est assez vous dire, messieurs, que je ne saurais me rallier aux observations qui été faites contre cette partie de la loi par l'honorable M. de Macar.

En effet, l'honorable membre, en se prononçant pour la mise à exécution immédiate de la loi concernant le sel et en demandant à tergiverser pour les boissons alcooliques, ne pose-t-il pas deux mesures qui sont opposées l’une à l'autre ? Certes, dans un pays comme le nôtre, où l'on a l'habitude de traiter avec modération et paternellement, pour me sertir de ses propres expressions, toutes les questions dont la solution pourrait jeter la perturbation dans l'industrie, on doit appliquer ces sages mesures à l'une comme à l'autre de ces questions.

On a parlé hier de certains privilèges dont jouiraient les distilleries agricoles. Ces privilèges n'existent pas, car toutes les distilleries qui se trouvent dans les conditions déterminées par la loi, sut traitées de la même manière.

Tout le monde peut devenir distillateur agricole, en se soumettant aux prescriptions légales. Il n'y aurait de l'injustice que quand deux personnes qui se trouvent dans une situation identique seraient traités différemment ; que l’une serait traités plus favorablement que l’autre.

Mais, en fait. le nombre des petites distilleries dites agricoles n'augmentant pas, les soi-disant faveurs dont elles jouiraient ne doivent guère être assez importantes pour qu'on veuille encore modifier la loi à leur égard.

Il me sera donc impossible d'accepter l'amendement proposé par l'honorable M. Thonissen.

En ce qui concerne les distilleries, il y a une question qui devra être réglée par le gouvernement : c'est celle qui concerne le cautionnement. Comment évaluera-t-on le nouveau cautionnement qui devra être fourni ? Prendra-t-on la valeur vénale des propriétés servant de cautionnement, ou bien se servira-t-on, pour en déterminer plus facilement la valeur, du multiplicateur qui est aujourd'hui employé, lorsqu’il s'agit de faire les déclarations de succession ?

J'appelle à cet égard l’attention de l'honorable ministre des finances.

Messieurs, pour en revenir à l'impôt sur le sel, je crois avoir établi que le droit de 2 centimes ne peut, en aucune façon, grever le budget économique des ouvriers.

Il serait bien plus important, comme je l'ai établi, de faire disparaitre les droits sur les céréales, de faire disparaître les droits sur toutes les matières qui servent d'aliments aux ouvriers ; et que, si une réforme dans l'intérêt des classes ouvrières avait dû être tentée, ce serait par celle que je viens d'indiquer qu'il aurait fallu commencer ; mais il ne fallait pas faire tomber une industrie qui s'exerce dans les Flandres, provinces déjà malheureusement trop éprouvées.

M. Julliotµ. - Messieurs, tous les discours entendus jusqu'à présent ne sont que des plaidoyers en faveur des producteurs de l'industrie ; tous se plaignent de ne pas assez gagner. A entendre ces honorables membres, on dirait vraiment que les consommateurs sont des mites invisibles l'œil nu et qu'ils n'existent que dans l'imagination de quelques cerveaux malades et on en fait foin.

M. Vermeireµ. - Je demande la parole.

MpDµ. - Cette observation ne s'adresse pas à vous, M. Vermeire.

M. Julliotµ. - En France, on fait en ce moment une enquête économique, on y a nommé quatre commissions composées de tous intéressés à la production, délibérant sur leurs propres intérêts. Eh bien, M. Jules Duval a proposé une cinquième commission, composée exclusivement de consommateurs. en disant que si un million de Français industriels avaient quatre commissions pour protéger les producteurs, les 35 millions de consommateurs français n'auraient pas trop d'une commission pour se défendre contre la rapacité de ces grands producteurs, et M. Duval développe cette idée avec autant de lucidité que de talent, ce qu'on peut lire au Journal des Débats du 26 mars.

Messieurs, le projet de loi dans son ensemble a du bon, je le reconnais ; mais la partie qui a le moins mes sympathies, c'est la réduction du timbre postal. En effet, si le sel et le poisson sont consommés par la généralité des Belges, le timbre-poste à 20 centimes n'intéresse qu'une minime fraction de la population.

D'après un aperçu aussi approximatif que possible et basé sur la statistique, je trouve que le taux de 20 centimes est indifférent aux quatorze vingtièmes de la population, que deux vingtièmes y ont fort peu d'intérêt, que deux vingtièmes en ont un peu plus, et que les deux vingtièmes restants en retireront tout le profit : ce sont les grands établissements financiers et industriels.

On nous propose de porter l'eau à la mer, et pour preuve j’affirme qu’un de nos honorables collègues m'a dit qu'après avoir fait son petit compte, il trouvait que la loi lui jetait annuellement six mille francs d'économie à la tête, sans l'avoir demandé.

Jugez donc, messieurs, du cadeau que nous allons faire aux actionnaires de la Banque Nationale et autres de l'espèce.

Ce projet a la prétention d'être démocratique et il l'est en partie, mais il quitte ce caractère dans la question de la poste. Ici il devient aristocratique, et si c'était français, je dirais qu'il est « bancocratique », car ce sont les hommes d'argent qui sont les aristocrates du jour.

Et pour remplir ce vide, on augmente l'impôt sur le genièvre ; or, cela il n'y a pas de mal.

Mais l'impôt en général est une atteinte légitime à la propriété, il est forcé, c’est une violence consacrée par la loi.

Tandis que le prix d'un service rendu, au contraire, est un acte libre dont on use ou dont on se passe, selon l'intérêt ou le goût de celui qui y a recours.

Et je dis qu’un Etat qui pourrait trouver de assez de ressources dans le prix des services rendus pour faire son ménage, serait malhonnête s’il donnait la préférence à l’impôt.

(page 770) Le cadeau que nous faisons par la poste s’adresse à l’opulence et aux grands capitaux. Or, si l'Etat peut se passer de ce revenu, je connais moyen d'en faire profiter la généralité : c’est d’abandonner les dix centimes que l'on veut supprimer au fonds communal, car celui-ci aussi recevra moins de la poste par la réduction proposée.

L'honorable ministre des finances a fait des réformes courageuses, diversement interprétées.

Nous avons l'abolition des octrois et des barrières et M. le ministre des finances a pris à cœur d'indemniser les communes des impôts payés par les habitants sur les trois bases que vous savez, opération qui n'a pu se faire que d'une manière irrégulière, et pour preuve, comparez la situation de la ville d'Anvers à celle de Liége et vous serez de mon avis.

Eh bien, messieurs, l'occasion est belle, conservons le taux actuel du transport des lettres et disons que les dix centimes des vingt payés au port de plus de trente kilomètres, seront perçus au profit du fonds communal ; ce serait le moyen d'arriver le plus tôt possible au but qu'on s’est proposé lors des premières réformes.

Tous, nous sommes intéressés ce que nos réformes profitent à la généralité et non pas la portion la plus opulente de la société, et comme nous sommes beaucoup plus les tuteurs de nos communes que de nos grandes industries, je proposerais un amendement dans ce sens, si quelques-uns de mes collègues se déclaraient de mon avis. Je le sais, je serais combattu par le « Cicero pro domo » s’il s'en trouve parmi nous par hasard, mais je leur conseille de ne pas me quereller à cet égard pour que je n'en disc pas davantage.

Les cartes-circulaires profiteront à la généralité, mais la réduction des dix centimes est pour les gros bonnets.

Messieurs, un orateur nous a dit hier que cette loi nous donnerait de suite trois millions au fonds communal, et l'honorable M. Frère-Orban a laissé dire sans interrompre ; mais d'après mon nous sommes loin de là.

Je trouve que, pour les six mois à courir, nous aurons de cinq à six cent mille francs.

L'année prochaine, de quinze à dix-sept cent mille francs.

Et dans quatre ans, nous arriverons aux trois millions, si rien ne vient troubler la situation.

Je pense donc que les dix centimes dont l'Etat veut faire le sacrifice seraient beaucoup mieux appliqués au fonds communal qu'aux grands établissements qui seuls en profiteront.

M. Maghermanµ. - A l'occasion du projet de loi qui est en discussion, je crois utile d'appeler l'attention du gouvernement sur la base vicieuse qui sert à la perception des droits sur les matières distillées. Cette base est à la fois un obstacle au perfectionnement de la fabrication des alcools et une source de fraudes, que j'appellerai légales, puisque, en se conformant à la loi, elles ont pour résultat de soustraire à l’impôt une grande quantité de produits fabriqués, contrairement à l'intention du législateur.

D'après notre législation, le droit est perçu selon la durée du travail et la capacité des vaisseaux employés. Il en résulte que nos distillateurs ont intérêt à accélérer les opérations préparatoires les plus essentielles et desquelles dépend le rendement en alcool. La législation leur ayant mesuré le temps pour les accomplir, ainsi que le matériel qu'ils emploient, ils rencontrent plus d'avantage à perdre quelques litres d'alcool et à réduire le droit d'accise en surchargeant de farines leurs cuves imposées ; ils obtiennent ainsi un rendement plus considérable et notablement supérieur au rendement supposé, qui a servi de base a la fixation de l'impôt.

Cette situation est obstative au progrès de la fabrication ; car, pour échapper à une majoration de droits, les distillateurs sont empêchés de tirer de leurs matières premières tout le produit qu'ils obtiendraient si la loi ne leur imposait pas une limite de temps pour le travail et une limite de capacité pour les instruments de ce travail. En cette matière, c'est la liberté qu'il faudrait, et ici la liberté, comme en beaucoup d'autres choses, serait essentiellement favorable au progrès.

C'est cette législation vicieuse qui est la cause que nos distilleries agricoles, malgré la faveur de 15 p. c. que la loi leur accorde, luttent péniblement contre les distilleries urbaines, et que nous voyons leur nombre décroître chaque année.

En effet, il est reconnu, en principe, que l'opération si essentielle de la fermentation s'opère plus favorablement et produit plus d'alcool dans de grandes cuves que dans de petites ; or. de par la loi, le distillateur agricole ne faire emploi pour cette opération de récipients d'une capacité de plus de 4 à 5 hectolitres ; car la capacité des vases et instruments est nécessairement proportionnée à l’importance de l’usine, la loi limitant leurs matières macérées à la quantité de 20 hectolitres.

Ces circonstances, et beaucoup d'autres qui les favorisent, permettent aux grandes distilleries de produire, dans un temps donné, des quantités supérieures et de meilleure qualité. En excédant le rendement légal, ce qu'elles font facilement, elles peuvent livrer à la consommation une partie de leurs produits exempts d'impôt ; et si elles exportent. on leur paye une prime sous forme de restitution de droit qui pas été perçu.

Les produits fabriqués qui échappent ainsi à l'impôt sont considérables ; et si le projet de loi est voté, un homme compétent n'estime pas à moins 5,239,583 fr. les droits qui échapperont à l'Etat. Et il estime que les droits à rembourser à l'exportation sans avoir payé l'impôt, s'élèveront à 3,390,295 fr., ce qui constituerait le trésor en perte de 8,629,880 fr.

Quand même cette évaluation serait exagérée de moitié, il y aurait là encore sérieuse matière à réflexion, tant au point de des intérêts du trésor qu'au point de vue de situation faite aux distilleries agricoles qui ne profitent pas de ces avantages.

Les grandes distilleries, presque toutes situées dans les filles, ont un avantage : c'est qu'elles se trouvent dans des conditions beaucoup plus favorables pour l'écoulement de leurs produits de toute nature. Pour le placement des alcools, un grand centre d'affaires est toujours favorable ; et quant à leurs résidus, ils sont très recherchés par les maraîchers des environs, qui se les disputent avec avidité.

Si cette législation est favorable à nos grandes distilleries comparativement à leurs modestes rivales des campagnes, elle leur est défavorable, à certains égards, vis-à-vis de leurs concurrents de l'étranger, notamment de la Hollande et de la France, tout au moins en ce qui concerne la qualité de leurs produits. Il est généralement reconnu que les produits de ces pays sont bien supérieurs aux nôtres et qu'ils se placent à des prix notablement plus élevés. Dans ces pays, ce n'est pas la capacité des cuves matières, base incertaine et variable, mais le produit réel, base certaine et éminemment juste, qui sert d'assiette à l'impôt.

Cette base présente l'avantage de laisser à l'industriel toute liberté dans son travail, de permettre d'introduire toute espèce de modifications et de perfectionnements, d'employer toute espèce de matières, de ne gêner en rien son industrie, pourvu qu'il tienne compte à l'Etat du rendement obtenu.

On objecte des difficultés d'application, la nécessité d'une surveillance vexatoire contraire à nos habitudes. Mais ce qui ne donne lieu à aucune plainte en Angleterre, pays classique de la liberté, en Hollande et en France, pourquoi ne serait-il pas praticable chez nous ? Pourquoi les distilleries né pourraient-elles pas se soumettre à la surveillance comme les fabriques de sucre ? Mais déjà sous le régime actuel, les distilleries sont-elles pas assujetties en tout temps aux visites des employés des accises ?

Mais il y a plus : depuis nombre d'années déjà, il existe un instrument à l'aide duquel on constate à la fois la quantité d'alcool produit et le degré de sa force. En introduisant l'usage de cet instrument dans les distilleries, on rendrait la surveillance très facile. On affirme que cet instrument est employé avec succès en Autriche. Si toutefois cet appareil n'avait encore atteint toute la perfection désirable, je suis convaincu qu'en faisant un appel à la science, en promettant une prime sérieuse à l'inventeur, cet appareil ne tarderait pas de recevoir la perfection nécessaire pour rendre son usage général et en rendre l'emploi légalement obligatoire.

Je conclus :

Dans la situation actuelle de notre législation, la faveur accordée aux distilleries agricoles doit être maintenue ; elle est à peine suffisante à leur existence, puisque nous les voyons successivement disparaître d'année en année.

A la vérité, on objecte que si elles ont diminué en nombre, elles ont augmenté en importance. Mais cette objection même, faite par les distilleries industrielles, est la preuve la plus évidente de l'avantage qu'il y a d'opérer en grand, puisque les distilleries agricoles les plus importantes, c'est-à-dire celles qui ont atteint l'extrême limite fixée par la loi pour rester agricoles, seules ont pu résister à leurs rivales non limitées.

J'engage sérieusement le gouvernement à examiner s'il n'y a pas lieu de modifier l'assiette de l'impôt, d'introduire ici ce qui existe chez nos voisins. Et alors toutes les usines, grandes et petites, jouissant d'une liberté entière dans leurs moyens de production, les distilleries agricoles, si elles (page 771) ne peuvent se passer de toute protection, pourront du moins se contenter d'un régime qui les rapprocherait considérablement de l'égalité.

Je termine en exprimant l'opinion que le gouvernement a trop élevé le droit sur le produit des distilleries. Au lieu de se contenter de remplacer la perte qu'il subit en abolissant le droit d'accise sur sel, le droit d'entrée sur le poisson venant de l'étranger et en réduisant la taxe postale, le gouvernement veut se créer, aux dépens de nos distilleries, des ressources nouvelles dont il n'a nullement besoin. L'ensemble de notre situation financière est satisfaisant ; c'est à dégrever les contribuables qu'il faut viser plutôt qu'à leur imposer de nouvelles charges.

M. Coremansµ. - Messieurs, l'abolition d’un impôt est chose si rare dans notre vieux monde civilisé ; elle constitue une bonne fortune si grande pour le représentant qui y prend part, surtout à la veille des élections, que, certes, il n'y aura personne parmi nous qui ne vote avec bonheur les propositions du gouvernement à cet égard. On peut donc dire, sans crainte de se tromper, que l'impôt du sel va disparaître, que les droits sur les poissons vont être abolis, que la taxe de vingt centimes pour l'affranchissement des lettres simples à l'intérieur du pays va être abaissée dix centimes.

Incontestablement, ces trois mesures sont excellentes et emporteront l'approbation du pays.

Mais où l'accord sera moins unanime, c'est sur la création des nouvelles ressources que l'honorable M. Frère-Orban déclare nécessaires pour prévenir, ainsi qu'il est dit dans l'exposé des motifs, un déficit dans les recettes.

Les abolitions proposées entraînent pour le trésor, fonds communal compris, une diminution de recettes de 4,700,000 francs. Cette diminution sans remplacement doit-elle entraîner un déficit, c'est-à-dire rendre impossible la balance du budget des voies et moyens avec le budget de nos dépenses ?

A en croire les magnifiques déclarations, si souvent et avec orgueil, reproduites dans cette Chambre, ces budgets, depuis 12 ans, clôturent avec un boni moyen de plus de dix millions par an.

Il paraîtrait donc que la situation du trésor est telle, qu'une diminution de 7,400,000 francs dans les recettes pourrait s'opérer, sans devoir entraîner un déficit, sans nous mettre dans l'impossibilité d'équilibrer nos recettes avec nos dépenses.

Mais, à supposer qu'il faille, comme conséquence des abolitions projetées, renoncer à tout ou partie des excédants auxquels le système fiscal de l'honorable M. Frère nous a habitués ; à supposer que ces diminutions d'impôts doivent entraîner un déficit : où serait le grand mal ?

La fortune publique, le bien-être général ne s'accroîtraient-ils pas d'autant et de plus ?

Tous ceux, et s'ils sont nombreux dans cette Chambre, ils sont innombrables dans le pays, tous ceux qui veulent la réduction des dépenses publiques, la diminution de notre effectif militaire, n'auront-ils pas ainsi trouvé le véritable moyen, le seul efficace de forcer le gouvernement à entrer dans la voie des réformes, à réaliser des économies, à supprimer les dépenses excessives ou inutiles ?

Ceci d'une manière générale, sans égard au caractère des impôts nouveaux qui nous sont proposés.

Mais au point de vue spécial des propositions que nous fait l'honorable ministre des finances ; au point de vue de la nature de l'impôt qu'il veut nous faire voter, de sa justice, de ses caractères essentiels : que de motifs n'y a-t-il pas pour rejeter la création des ressources indiquées par l'honorable M. Frère !

Vous supprimez 7,400,000 francs d'impôts, dont 6,000,000 de francs environ frappaient indistinctement, d'une manière égale, sans proportionnalité, le riche et le pauvre ; et dont 1,500,000 francs frappaient, d'une manière presque exclusive, la Banque, le haut commerce, les gens riches ou aisés : le pauvre, en effet, n'écrit guère de lettres.

Pour compenser cette suppression de 7,400,000 francs, vous établissez pour 10,420,000 francs d'impôts nouveaux qui atteignent et frappent les classes ouvrières dans des proportions bien plus considérables que ne le faisaient les impôts supprimés.

Peut-être y aurait-il du courage de la part du gouvernement qui fait ces propositions, et de celle de la majorité qui les votera, si nous vivions sous le régime du suffrage universel ; si ceux que vous imposez ainsi avaient à se prononcer sur vos actes ; s'ils pouvaient vous blâmer et, au besoin, vous renverser par les voies légales.

Mais où est le courage à dégrever les banques, le haut commerce, les grands électeurs, pour imposer plus lourdement que jamais les classes déshéritées, les classes ouvrières, qui n'ont sur vous aucune action légale ?

Il y a dix ans, vous avez frappé d’impôts considérables (4 centimes par litre) les bières, cette boisson à la fois hygiénique et populaire.

Depuis lors, nos brasseries ont fabriqué des bières de qualité inférieure peu nutritive, qui fait que l'ouvrier laisse là une boisson où il ne trouve plus le stimulant nécessaire à ses rudes travaux et qu'il préfère l'eau-de vie, dont l'abus est si désastreux.

En présence du maintien de vos droits d'accise sur les bières, vous ne pouvez raisonnablement compter sur une diminution de l'usage des eaux-de-vie.

Aussi, le gouvernement n'y compte guère ; tout au plus, exprime-t-on le vœu platonique que cette diminution se réalise au point de vue de la moralisation des classes ouvrières. Ce but moral que vous indiquez de loin comme recherché par vous, mais qui ne me semble ici qu'un prétexte bien trouvé pour rallier votre projet de loi le plus possible d'adhésions, ce but moral votre fiscalité actuelle ne saurait l'atteindre.

Messieurs, il est plus aisé de prêcher la tempérance à ceux qui n'ont rien, que de pratiquer à leur égard les prescriptions de la justice.

La majorité votera, je doute guère, les propositions de M. le ministre des finances. L'opposition qui pourrait se produire dans cette Chambre, l'honorable M. Frère en triomphera sans trop d'effort : sa majorité ne lui fera pas défaut. Mais l'opposition sourde du pays, mais le mécontent ment des masses, mais leurs plaintes, mais le froissement de leurs instincts de justice, l'honorable M. Frère n'en triomphera point ! Peut-être le dédaigne-t-il ! Mais cependant c'est là qu'est le danger ! c'est là qu'il faudrait agir, qu'il faudrait pourvoir et remédier !

« Tout ce qui se fait sans vous est illégitime, disait hier l'empereur Napoléon III en s'adressant au suffrage universel ; ce qui se fait sans vous est illégitime. »

Nous, messieurs, qui ne sommes pas issus du suffrage universel, nous devons nous montrer d'autant plus circonspects et nous garder d'abuser de la puissance législative, surtout envers ceux qui ne nous ont confié aucun mandat.

Comme, à mes yeux, l'impôt proposé par l'honorable M. Frère constitue une injustice considérable, mon vote sera négatif.

M. de Vrièreµ. - Messieurs, je viens me joindre à ceux des honorables préopinants qui ont appelé l'attention de la Chambre sur la situation périlleuse que va faire la loi à une industrie qui a droit, comme les autres branches du travail, à toute votre sollicitude.

Cependant je ne me rallierai pas aux amendements qui ont été proposés par d'honorables préopinants.

Je suis pas de l’avis de l'honorable M. Visart, quant à la liberté que nous laisseraient, selon lui, les traités internationaux de frapper le sel raffiné d'un droit de douane ; je crois, au contraire, que le traité français de 1861 est un obstacle radical à l'établissement d’un pareil droit. Et si cet obstacle n'existait pas à mes yeux, je croirais pas moins devoir repousser l'amendement proposé par l'honorable M, Lambert et que l'honorable M. Vermeire a appuyé tout à l'heure.

Cet amendement maintient, d'une manière indéfinie, un impôt encore considérable sur le sel ; or, je ne pense pas que la Chambre soit plus que moi disposée entrer dans cette voie, et je crois aussi, messieurs, que le gouvernement s'y opposerait énergiquement. D'un autre coté, je ne puis non plus appuyer l'amendement qui a été proposé par mon honorable collègue M. Visart.

Cet amendement, messieurs, qui maintiendrait un droit pendant deux ou trois ans, aurait pour effet seulement de retarder pour un temps très court la ruine certaine de l'industrie des sauniers. Or, messieurs, je crois qu'un résultat aussi minime ne justifierait pas la conservation de toute une armée d'employés qui serait, comme maintenant, nécessaire pour surveiller la fabrication.

Cependant, messieurs, je crois qu'il y a quelque chose faire : je crois que nous devons pas sacrifier l'industrie des sauniers sans leur accorder une indemnité quelconque, et je pense que la Chambre sera disposée à accueillir une mesure qui, sans présenter les inconvénients que je viens de signaler, accorderait à ces industriels une certaine compensation. Déjà dans ce but, le gouvernement, d'accord avec la section centrale, a proposé un amendement qui alloue aux sauniers une décharge de 12 p. c. sur le montant de leurs crédits non échus au moment de la mise à exécution de la loi ; mais cette décharge ne leur est accordée qu'afin de les préserver de la perte certaine qu'ils feront en acquittant les droits d'accise sur les quantités de sels en cours de raffinage au 1er janvier 1871.

Je reconnais que, de ce côté, les sauniers seront indemnisés de toutes pertes. Mais est-ce là le seul préjudice auquel la loi les expose ? Malheureusement non ; car, à partir du 1er janvier 1871, leur industrie (page 772) sera morte ; à partir du 1er janvier 1871, cette industrie, qui n'est pas sans importance, on vous l'a démontré tout l'heure, aura été expropriée au profit de l'intérêt général, et il n'en restera qu'un matériel sans valeur et des propriétés dépréciées.

Voilà le sort qui l'attend.

On a pu, messieurs, contester, en d'autres circonstances, que des modifications au régime fiscal dussent avoir pour conséquence la ruine de certaines industries ou seulement une altération notable dans leurs conditions d'existence. L'expérience, en effet, a souvent démontré que les doléances des industriels, qui avaient soulevé de longues discussions dans cette Chambre. étaient ou non fondées ou fortement exagérées ; mais, ici, le doute même n'est pas possible, car personne ne viendra soutenir que l'industrie du raffinage puisse exister Belgique avec l'entrée libre du sel étranger.

Voilà donc plus de 200 établissements industriels, plus de 200 familles et je ne sais quel nombre de familles ouvrières, qui sont sacrifiées à un grand intérêt public, et l'on espère ne pas être injuste et inhumain en se persuadant que toute cette classe industrielle trouvera des ressources nouvelles dans les proportions plus grandes que va prendre le commerce du sel.

Messieurs, laissez-moi vous rappeler que, dans toutes les circonstances où nous avons modifié fortement nos lois économiques, chaque fois que le pays a fait un pas pour sortir du régime prohibitif et se rapprocher du régime des droits modérés et du libre-échange, la Chambre, d'accord avec le gouvernement, a eu le plus grand égard pour les industriels et pour les intérêts industriels que la loi nouvelle allait sacrifier.

Ainsi, messieurs, lorsque nous avons fait nos grands traités avec France et l'Angleterre, ces grands traités qui ont si profondément modifié notre organisation économique, qu'avons-nous fait ? Nous avons établi une gradation dans la diminution des droits afin d'éviter des perturbations trop brusques dans la situation de quelques-unes de nos industries ; tout le monde a admis ces justes ménagements et ceux-là même de nos honorables collègues qui font profession d'une grande rigidité en matière de principes économiques n'ont pas critiqué ce tempérament. Qu'avons-nous fait dans un autre ordre d'idées ? Lorsque dans cette Chambre nous avons décidé la suppression des jeux de Spa, pourquoi avons-nous admis des délais ? N'était-ce pas aussi pour préserver les intérêts qui allaient être sacrifiés par l'adoption de la loi ?

Eh bien, les intérêts pécuniaires de trois ou quatre de nos communes sont-ils plus respectables, méritent-ils à un plus haut degré la sollicitude de la Chambre que l'intérêt de 200 familles, que l'intérêt de 200 établissements industriels que la loi nouvelle va immoler fatalement à l’intérêt public ?

De tous temps, messieurs, la Chambre a eu de pareils ménagements ; quelques dans tous les temps et dans tous les pays, chaque fois qu'une grande mesure économique était prise, on a eu des ménagements envers les intérêts industriels qui s'étaient fondés sous l'égide de la législation ancienne et que le besoin d'une législation nouvelle forçait à sacrifier.

Je vous ai dit, messieurs, que je ne me rallierais pas aux amendements qui ont été proposés. Je voudrais trouver une mesure transitoire ; mais j'avoue que je n'en trouve pas. Cependant je crois qu'il y a une mesure possible. Je crois que la Chambre peut admettre ce que je vais l'honneur de lui proposer, parce que cette mesure ne porterait atteinte à aucun principe économique et qu'elle ne fausserait en rien ni les bases, ni la portée de la loi.

Cette mesure, messieurs, consisterait à augmenter dans une certaine proportion la décharge que l'amendement de la section centrale accorde aux sauniers. Cette mesure, je le sais bien, ne les préserverait pas de la ruine ; cette ruine, selon moi, est inévitable. Seulement elle serait un acte de justice, elle serait un acte d'équité envers une classe d'industriels qui va être complètement sacrifiée, parce qu'elle la préserverait non seulement de certaines pertes que l'amendement de la section centrale prévoit, mais qu'elle les indemniserait, au moins en partie aussi, de la perte de leurs usines et de leur matériel.

Vous savez, messieurs, que la décharge qui a été accordée par l'amendement de la section centrale a été calculée avec une rigueur mathématique. Je voudrais que le chiffre de cette décharge fût un peu moins rigide ; je voudrais qu'il fût un peu plus humain, un peu plus conforme à ces traditions d’équité et de modération que j’ai eu l'honneur de rappeler tout à l'heure à la Chambre.

Veuillez remarquer, messieurs, que l'amendement de la section centrale, en prolongeant de sept mois la mise à exécution de la loi en ce qui concerne le sel, permettra au gouvernement de continuer à percevoir, pendant le même espace de temps, les droits de douane et les droits sur cette denrée. Il en résulte que l'amendement de la section centrale, tout en faisant une concession aux sauniers, présente en définitive un avantage beaucoup plus considérable pour le trésor. Or, je demande que la Chambre soit un peu moins généreuse pour le trésor, qui n'a pas besoin, heureusement, de nos largesses, et un peu plus bienveillante pour des industriels que nous immolons à l'intérêt public. Je demande qu'une faible partie de cette recette soit appliquée à les préserver de la ruine qui les attend.

Je proposerai donc, par amendement, de porter la décharge accordée aux sauniers de 12 à 25 p. c.

J'espère que la Chambre voudra bien se rallier à cet amendement. Vous ferez, en l'adoptant, messieurs, ce que vous avez fait bien des fois dans d'autres circonstances et sous une autre forme.

Lorsque vous avez maintenu pendant un certain temps des droits plus élevés en faveur de certains industriels, droits que vous reconnaissiez cependant devoir immédiatement être abaissés, qu'avez-vous fait ? Vous avez permis à l'Etat de percevoir un impôt au profit exclusif de ces industriels.

Eh bien, une mesure pareille, exceptionnelle, commandée par une nécessité impérieuse, commandée par l'humanité, dirai-je, une mesure pareille ne peut blesser aucun principe économique, et je conjure M. le ministre des finances d'ajouter à l'éclat nouveau que va jeter sur sa féconde administration une belle et grande réforme économique, la satisfaction d’avoir élevé ce monument sans mettre en péril l'existence de personne.

MfFOµ. - Messieurs, je répondrai très brièvement aux considérations qui ont été présentées, dans la séance d’hier et dans celle d'aujourd'hui, sur le projet de loi soumis vos délibérations. Je pense pouvoir être assez bref parce que, si nous avons entendu un assez grand nombre d'orateurs, on doit reconnaître que les uns et les autres se sont rencontrés pour produire des objections à peu près identiques.

Au fond, messieurs, le projet, dans son ensemble, a été généralement accueilli d'une manière favorable ; personne ne le critique dans ses bases essentielles. Il a pour objet de réaliser certaines réformes qui depuis longtemps étaient réclamées et dans cette Chambre et dans le pays.

J'ai appris seulement aujourd'hui, à mon grand étonnement, nous avons du tort, en proposant ces réformes, de chercher le moyen d’empêcher qu'il n'y eût un déficit dans le trésor ! Nous eussions dû, tout au contraire, d'après un orateur que vous avez entendu, pratiquer une politique financière absolument différente, et combiner les choses de manière qu'au lieu d'excédants nous eussions eu des déficits. (Interruption)

Mais oui ! les déficit auraient eu un côté très favorable, toujours la théorie de ce même membre : ils auraient fourni un thème excellent à quelques orateurs dont la spécialité consiste à critiquer sans cesse certaines catégories de dépenses, et particulièrement celles qui s'appliquent à la défense du pays.

Eh bien, messieurs, nous ne sommes pas le moins du monde d'avis de mettre en pratique une pareille théorie, un tel paradoxe financier ; nous ne pensons pas non plus que ce soit l'avis, je ne dirai pas de la majorité, mais de la presque unanimité de la Chambre : je crois que la presque majorité de la Chambre est d'avis qu'il est de l'intérêt du pays qu'il y ait bonne situation financière, et que tous les services publics dont la nécessité est reconnue, soient administrés économiquement, mais dotés de manière à pouvoir atteindre efficacement le but en vue duquel ils sont respectivement organisés.

Appréciant à sa manière la proposition qui vous est faite d'augmenter les droits sur l'eau-de-vie, le même orateur s'est placé à un point de vue tout particulier. L'impôt sur l'eau-de-vie, dit-il, atteint en grande partie les classes les plus nombreuses de la société, les classes ouvrières, et dès lors il ne fallait pas proposer d'accroitre la taxe qui frappe cette boisson populaire.

Mais, vraiment, messieurs, dans cet ordre d'idées, il y aurait beaucoup mieux à faire que de s'abstenir d'augmenter l'impôt, et je m'étonne beaucoup que l'orateur qui a produit ce principe ne soit pas arrivé à le formuler en proposition. (Interruption.) Pour être conséquent avec lui-même, il devait proposer une réduction de droits sur le genièvre, afin de mettre « cette liqueur salutaire » à la disposition des classes ouvrières au meilleur marché possible. Cela eût été logique, car enfin l’impôt actuel pèse également sur elles. (Interruption.)

A part ces considérations générales, messieurs, des objections de détail ont été présentées sur le projet de loi.

D’abord on s'est occupé des distilleries.

(page 773) D’honorables membres ont prétendu que les distilleries agricoles jouissent d'une position privilégiée et présentent les plus sérieux inconvénients, par la concurrence très redoutable qu'elles font aux industriels qui ne jouissent pas de la déduction de 15 p. c. qui leur est garantie. Il y a là, dit-on, une situation injuste, qu'il importe de faire disparaître ou, tout au moins, d'amoindrir.

Messieurs, je n'entends pas examiner actuellement dans ses principes le système de législation qui existe depuis un très grand nombre d'années, et qui a créé une situation particulière pour les distilleries agricoles.

Je prends les faits tels qu'ils sont, et je demande si, en réalité, la situation créée par la législation a eu réellement pour résultat de nuire aux distilleries non agricoles.

Voici, à ce propos, une remarque qui ne manque pas d'opportunité. Chaque fois qu'une augmentation de droits sur les distilleries a été proposée et, pour ma part, j'en ai proposé en 1851 et en 1860 comme j'en propose en 1870, chaque fois j'ai entendu formuler les mêmes objections ; chaque fois j'ai entendu répéter que l'augmentation des droits, avec le maintien du même taux de déduction en faveur des distilleries agricoles, tendait à accroître notablement l'avantage dont elles jouissaient, ce qui menaçait les autres industriels.

Nous avons toujours pensé que ces craintes étaient purement chimériques, et jusqu'à présent les faits nous ont donné complètement raison.

Voici en deux mots la situation :

Le nombre des distilleries non agricoles était, en 1843, de 282 ; en 1868, il était réduit à 117. Ainsi, en nombre, réduction de 58 p. c.

Mais les quantités imposables, qui sont seules à considérer, étaient, en 1843, de 3,122,815 hectolitres ; en 1868, elles étaient de 4,544,247 hectolitres ; ce qui fait que l'accroissement a été de 1,421,432 hectolitres, soit de 45 p. c.

Voilà pour les distilleries non agricoles.

Quelle est la situation des distilleries agricoles, de celles qui jouissent de la déduction de 15 p. c. et que l'on prétend faire une concurrence ruineuse aux autres distilleries ?

Le nombre des distilleries agricoles était, en 1843 de 455. En 1868 il était de 299. Diminution de 156, soit 34 p. c.

Les quantités imposables étaient en 1843 de 849,494 hectolitres. En 1868 de 681,274 hectolitres. Diminution de 168,220 hectolitres, ou 20 p. c.

Ainsi, malgré l'accroissement notable de droit décrété en 1860, qui a augmenté dans une proportion considérable l'avantage qui résulte de la déduction de 15 p. c., le nombre des distilleries non agricoles a diminué de 34 p. c., et les quantités imposables ont été également réduites de 20 p. c.

Il est donc absolument impossible de soutenir, en présence de faits aussi péremptoires, que cette législation n'a pas tenu réellement compte des conditions réelles de la production.

Les avantages qui sont faits aux distilleries agricoles sont fondés, à part l'intérêt agricole lui-même, sur ce qu'une distillerie, établie dans les conditions spéciales déterminées pour qu'elle puisse avoir droit la déduction, obtient un rendement moindre que les grandes distilleries qui opèrent tout à fait industriellement.

C'est là un fait parfaitement démontré, et que l'on ne peut sérieusement contester.

Maintenant, les conditions relatives des deux catégories de distilleries vont-elles se trouver modifiées par suite de l'accroissement de droit que nous proposons ?

Je ne le crois pas. Mais si la situation se modifiait, s'il était établi que la déduction de 15 p. c. ne serait plus justifiée par les faits, le législateur aurait à aviser.

Mais le législateur n'a pas à se préoccuper de craintes vaines, toujours renouvelées à chaque changement de législation ; les faits sont venus prouver qu'elles étaient chimériques. Il est vraisemblable que l'avenir démontrera qu'elles n'ont pas plus de valeur actuellement qu'elles n'en ont eu auparavant. S'il en était autrement, alors seulement les plaintes seraient justifiées.

Vous le savez, messieurs, les distilleries agricoles ne peuvent travailler qu'avec des cuves de 20 hectolitres, et voici quelles sont les quantités utilisées. Les contenances imposables ont été en moyenne générale, en 1868, de 9 hectolitres 37 litres par jour de travail.

Ainsi, sur le premier point, je ne pense pas qu'il y ait lieu de prendre en considération les observations présentées, et encore moins d'accueillir l'amendement de M. de Maere tendant à réduire de 15 à 10 p. c. la déduction dont jouissent les distilleries agricoles.

L'honorable M. Thonissen a parlé des fraudes qui sont à craindre, par suite des changements que nous proposons d'introduire dans la législation. Je crois que l'honorable membre s'est exagéré ces dangers ; au moyen des mesures administratives prises jusqu'à présent, et dont M. Thonissen a reconnu l'efficacité, on peut aisément, je pense, se prémunir contre la fraude. L'honorable membre suppose qu'à l'aide d'une petite quantité de mélasse, mélangée avec des jus de betteraves mis en fermentation, on obtiendrait facilement un excès de rendement considérable. Mais, pour parvenir à réaliser un bénéfice de 33 francs environ, il faudrait utiliser 100 kilogrammes de mélasse ; pour réaliser 350 francs, il faudrait en employer 1,000 kilogrammes. Or, on s'exposerait dans ce cas à des amendes de 9,000 à 10,000 francs !

Je crois que l'appât du bénéfice n'est pas assez considérable pour que l'on tente une fraude qui aurait de pareilles conséquences. D'ailleurs, il faudrait emmagasiner ces mélasses qu'il s'agirait d'introduire frauduleusement dans les matières en fermentation ; il faudrait les emmagasiner bien chez soi, secrètement, ce qui serait fort difficile, ou bien dans une maison voisine, les introduire clandestinement dans les distilleries. ce qui serait tout aussi dangereux.

Je ne crois donc pas que la fraude signalée par l'honorable membre soit à redouter.

D'honorables membres ont demandé que la quantité exigée pour jouir de la décharge à l'exportation fût réduite de dix hectolitres à cinq ; c'est M. de Maere qui a fait cette proposition ; je ne vois pas de difficulté à l'accueillir et je déposerai un amendement pour y faire droit.

L'honorable M. de Macar a insisté sur deux points : la distillation du marc de raisin et le cautionnement. Pour la distillation du marc de raisin, c'est une affaire tout à fait insignifiante, ne présentant aucune espèce d'intérêt, et pour laquelle je ne crois pas qu'il y ait lieu d'insérer une disposition dans la législation.

Autrefois la distillation du marc de raisin était facultative ; on n'a pas usé de la faculté qui était laissée. On a fait des tentatives qui ont été infructueuses, et on a renoncé à pratiquer cette distillation ; on ne la pratiquerait pas davantage aujourd'hui. Un seul a réclamé, et je crois que sa réclamation est fondée sur une erreur, sur l'ignorance des résultats réels qu'on peut obtenir. Il n'y a donc pas lieu de s'arrêter à cette demande.

En ce qui concerne les cautionnements, je dirai à l'honorable membre que l'administration est disposée à faire tout ce qui est possible pour donner aux contribuables toutes les facilités compatibles avec les intérêts du trésor, et avec ceux des receveurs, qui ont la responsabilité des cautionnements qu'ils ont acceptés.

Vient enfin la grande question des sauniers. C'est celle-là qui paraît préoccuper plus particulièrement l'assemblée, et en faveur de laquelle d'honorables membres ont fait valoir d'éloquentes considérations.

Messieurs, je dois dire que je ne suis pas aussi touché qu'eux des plaintes qui se sont produites. J'ai de bonnes raisons de les croire assez peu sérieuses, et je pense qu'il ne me sera pas difficile de faire mes convictions cet égard.

Les sauniers se divisent en trois catégories.

Une première catégorie, et ceci va déjà jeter quelque lumière sur le débat, une première catégorie demande l'application immédiate de la loi. (Interruption.) L'honorable M. de Macar s'est fait déjà l'organe de quelques-uns de ces sauniers.

M. Declercqµ. - Ce sont de grands sauniers.

MfFOµ. - Il y en a de grands et de petits qui sont du même avis.

Il y a donc une catégorie de sauniers qui, se rendant parfaitement compte de la situation, disent : Appliquez la loi immédiatement ; ne faites aucune des concessions qu'on vous demande.

Voici ce que m'écrit un des plus grands sauniers du pays :

« Les sauniers des Flandres principalement, et ceux de Tamise et Rupelmonde, ont pris dernièrement l'initiative d'une réunion de tous leurs confrères de Belgique.

« Cette réunion était provoquée par le projet de loi que vous avez bien voulu présenter à la Chambre.

« Un grand nombre de sauniers s'y étaient donné rendez-vous ; une pétition aux représentants a été signée par la plupart des membres présents, et, nous ne craignons pas de le dire, beaucoup ont signé pour faire (page 774) nombre et sans se douter que l'abolition des droits leur était au contraire favorable, puisque au lieu de vendre le sel à 22 ou 24 francs les cent kilogrammes, droit compris, ils le vendront maintenant huit à dix francs, différence à leur profit de 4 à 6 francs pour cent kilogrammes ; ils ne seront plus en outre assujettis à ces mille formalités des accises lors de la réception de leur sel.

« Les grandes usines ont, depuis quelques années déjà, fait une énorme concurrence par la vente de leurs produits à prix réduits, et ces prix ne pouvaient être obtenus que par l'emploi d'eau salée, et souvent aussi par l'addition de matières étrangères non assujetties à l'accise ; sans cela, comment aurait-on pu vendre le sel raffiné à 21 francs les 100 kilogrammes, la matière première coûtant déjà près de 3 francs et l'accise 18 ? Il est vrai que le raffinage donne 5 à 6 p. c. d'excédant. Mais cette minime compensation suffit-elle ? Veuillez examiner la liste des sauniers il y a dix ans, et vous verrez que le nombre en est bien diminué, surtout dans les campagnes.

« L'agriculture sera heureuse de trouver, sans formalité préalable et au fur et à mesure de ses besoins, le sel qui lui sera nécessaire, tant pour l'amendement des terres que pour le bétail.

« Il est vraiment fâcheux que l'intérêt particulier domine toujours l'intérêt général.

« Le projet de loi est appelé à rendre de grands bienfaits, mais dans toutes choses n'y a-t-il pas d'exception ?

« Quelques grandes usines produiront moins, mais d'autres reprendront leur ancienne activité.

« Quoique habitant la frontière, nous vous demandons de ne pas mettre de droits sur le sel raffiné tant français qu'anglais. L'abolition des droits est demandée depuis de longues années et il ne faut pas revenir sur votre première impulsion ; donc, libre entrée.

« Les raffineurs étrangers ne pourront jamais nous laisser le sel raffiné en dessous de six francs les 100 kilogrammes ; ils ont, il est vrai, la matière première sur place, mais il leur faut faire venir à grands frais le charbon qui leur est nécessaire.

« De plus, le sel brut est tarifé à la troisième classe et celui raffiné à la deuxième classe. Quant aux diverses demandes des sauniers, il est une chose qui serait peut être équitable, ce serait le recensement du sel brut existant dans les magasins de crédit à termes, mais dans l'intérêt du trésor, il ne peut nullement être question de la même faveur pour le raffiné et la saumure, car l'un et l'autre prêteraient à la fraude, tant par le mélange des matières étrangères que par l'augmentation du rendement que donne le raffinage.

« L'époque du 31 décembre prochain est trop éloignée, aucun saunier belge n'a de provision pour huit mois, surtout que les approvisionnements vont seulement se faire l'hiver, le fret étant à prix trop élevé.

« Prolongez d'un mois l’époque que vous avez primitivement fixée et vous satisferez la généralité des sauniers.

« Vous serez sans doute surpris, M. le ministre, qu'un saunier vous parle dans ces termes, mais liberté complète, telle est la devise du commerce et c'est celle que nous désirons voir triompher. »

Comme vous le voyez, messieurs, un particulier qui s'y connaît, qui a un grand intérêt dans l'affaire et qui écrit en ces termes, est une autorité qui doit vous donner la conviction que les plaintes formulées aujourd’hui n’ont guère de fondement.

Une seconde catégorie de sauniers demandent les amendements que nous avons introduits et qui ont été accueillis par la section centrale ; ils trouvent que, moyennant la prolongation du délai dans lequel ils pourront écouler les marchandises qu'ils ont en magasin, et moyennant encore la réduction de 12 p. c. sur les termes de crédit, une satisfaction complète leur sera donnée.

Enfin une troisième catégorie se déclare non satisfaite. Et cependant, subsidiairement, ces sauniers admettraient bien ce que nous avons proposé. C'est assez vous dire, messieurs, que si vous adoptez nos propositions, elles ne rencontreront pas une opposition réelle, sérieuse, parmi ces adversaires-là. Voici, pour cette dernière catégorie de sauniers, les résolutions qu'ils ont adoptées. J'ai sous les yeux le procès-verbal de leur réunion. Il porte ce qui suit :

« Après une discussion sérieuse du rapport de la section centrale, rapport qui, nous devons le constater avec un profond regret, est conçu en termes très sévères et fait litière sans façon des intérêts si compromis de l'industrie du raffinage, la résolution suivante est adoptée à l'unanimité.

« Chaque saunier du pays doit agir personnellement et énergiquement sur les députés de sa province afin d'obtenir :

« 1° Un droit de douane de deux francs au minimum sur le sel raffiné étranger ;

« 2° Le recensement des magasins de crédit à termes quelle que soit l'époque de la mise en vigueur de la loi. Chaque intéressé doit demander aux représentants de sa province l'appui énergique de cette double demande très légitime, la seule capable de sauver l'industrie saunière d'un désastre irréparable en lui permettant de lutter avec les sels raffinés étrangers. Ensuite, mais seulement subsidiairement et pour le cas où cette double demande serait rejetée par la Chambre des représentants, obtenir des députés qu'un amendement sera déposé dans la discussion des articles demandant, comme dernière fiche de consolation, la mise en vigueur de la loi au 31 décembre prochain et une remise de 50 p. c. sur les termes dus par les sauniers au trésor à cette époque.

« Cette résolution sera transmise confidentiellement à tous les sauniers en les engageant à ne donner aucune publicité à la chose. Il faut que chacun agisse auprès de MM. les représentants pour obtenir l'une ou l'autre de ces deux propositions, la dernière, pour autant que le droit de douane et le recensement ne seraient pas accordés. »

La Chambre a maintenant une connaissance parfaite de la position de ces industriels. Voilà comment ils se décomposent, d'après la manière dont ils apprécient le projet de loi.

Messieurs, est-il vrai que l'industrie qu'on appelle l'industrie des sauniers va être supprimée à la suite de l'abolition complète du droit d'accise et du droit de douane sur le sel ? Rien ne le prouve, mais je fais, pour le moment, une concession, et je demande ce que c'est, en définitive, que cette industrie des sauniers ?

Mais, messieurs, ce n'est pas en réalité une industrie ; c'est un commerce. L'industrie des sauniers consiste à avoir une chaudière ou ils font fondre le sel, quelques poêles pour faire sécher, et un ouvrier pour faire cette simple opération : voilà ce qui constitue ce qu'on appelle l'industrie des sauniers. Il s'agit d'une production obtenue de la manière la plus simple, la plus élémentaire, pour laquelle on n'immobilise que très peu de capitaux, pour laquelle il n'y a pas de main-d'œuvre. Eh bien, cela ne s'appelle pas une industrie.

J'ai été étonné, messieurs, d'entendre un honorable membre, qui s'est toujours montré très rigoureux dans l'application de ses principes économiques, lorsqu'il s'agissait de véritables industries, prendre aujourd’hui la défense de ce qu'il appelle l'industrie des sauniers.

Que va-t-il donc arriver ? Une chose bien simple et qui ne changera pas la position de ces personnes : au lieu de raffiner le sel elles-mêmes, elles le recevront tout raffiné : et leur commerce continuera de marcher comme par le passé. On ne comprend donc pas que, dans une pareille situation, on puisse se lamenter sur cette industrie que l'on considère, à tort, comme mise en péril par le projet de loi, alors que les conditions seront à peu près les mêmes qu'aujourd'hui, à supposer qu'ils ne continuent pas l'opération industrielle, si extraordinaire et si importante, que l'on appelle le raffinage du sel.

Cependant d’honorables membres ont demandé qu'on établît un droit d'entrée sur le sel raffiné. En supposant que nous ayons affaire à une industrie, il ne s'agit plus ici ni de droits protecteurs, ni de droits compensateurs, comme on dit aujourd'hui : il s'agit purement et simplement d'un droit prohibitif, d'un droit qui répond à 100 p. c. de la valeur de la marchandise.

Or, messieurs, en supposant même, par impossible, qu'il entre dans l'intention de la Chambre d'établir un pareil droit, pouvons-nous le décréter ?

Non, messieurs, le traité conclu avec la France ne le permet pas. Il ne peut donc pas en être question. C'est, d'ailleurs, ce que l'honorable M. de Vrière a reconnu, et, ne pouvant s'appuyer sur la possibilité d'un droit à imposer sur l'importation du sel raffiné, il a proposé, non pas ce que demandaient les sauniers dans la réunion dont je vous ai lu le procès verbal, non pas d'aller jusqu'à une réduction de 50 p. c. des droits qui seraient dus, mais d'en accorder la moitié, soit 25 p. c.

Et pourquoi accorder ces 25 p. c. ? Quel motif de justice et d'équité il y a-t-il à le faire ?

Voici la situation. Au moment de la présentation du projet de loi, les sauniers avaient des quantités plus ou moins considérables de sel à leur disposition. C'est précisément pour ce motif que nous avons proposé de ne mettre la loi en vigueur qu'au 1er juin ; c'était dire aux intéressés : Prenez vos dispositions ; épuisez vos stocks.

Maintenant, on peut admettre qu'au moment où la loi sera mise en vigueur, il ne leur restera pas assez de temps pour retirer des saumures le sel qui s'y trouve et qui a acquitté les droits.

Eh bien, sur ce point, je dis : Faisons une appréciation juste et équitable (page 775) de la situation ; et je crois que l'administration a été très large en proposant de leur allouer de ce chef une décharge de 12 p. c.

Messieurs, on poursuit un seul but en cette matière ; il ne faut pas se faire illusion ; on poursuit ce but d'obtenir que les sommes qui sont dues au trésor restent en fraction plus ou moins considérable entre les mains des sauniers.

Vous entendez dire à chaque instant par les sauniers : Qu'on recense nos magasins de crédit à termes. Pour les magasins de crédits permanents, il n'y a pas de difficultés ; mais il n'y a pas de magasins de crédits à termes. ouverts aux sauniers, et pas autre chose. Voici ce que cela signifie : les sauniers jouissent de cet avantage que, lorsqu'ils prennent du sel, ils n'ont à acquitter les droits qu'à une certaine époque ; le trésor leur accorde un crédit ; mais ils ont les sels à leur disposition, et ils peuvent les écouler, ils peuvent les vendre.

Ces sels sont donc répandus dans tout le pays et les sauniers restent débiteurs du trésor. L'ensemble des sauniers est à l'heure qu'il est redevable envers le trésor d'une somme de 2 millions de francs, qui ne pas encore acquittés pour des sels qu'ils ont eus à leur disposition, et qui sont probablement en grande partie consommés.

Eh bien, on est tenté de retenir la plus forte partie de cette somme. Nous consentons, et nous croyons être très larges. à donner 12 p. c. de ces crédits non échus au moment de la mise en vigueur de la loi, et je ne pense pas qu'on serait juste en allant au delà.

On a parlé d'industries qui se seraient trouvées supprimées en vue d'un intérêt général et auxquelles on aurait accordé des indemnités. Mais à quelle époque et dans quelles circonstances la Chambre et le gouvernement sont-ils entrés dans cette voie d'accorder des indemnités pour des industries qui, par l'effet même des lois douanières, seraient venues à disparaître ?

Est-ce que, lorsqu'on a supprimé la contrefaçon, on a donné des indemnités aux imprimeurs ? C'était bien autre chose que la prétendue industrie du raffinage. On n'en a rien fait cependant.

M. de Vrièreµ. - Les imprimeurs peuvent rester imprimeurs.

MfFOµ. - Qui vous dit que les sauniers ne resteront pas sauniers ? Il est possible qu'ils ne raffinent plus, mais l'importance de leurs affaires, c'cst le commerce du sel. Le raffinage n'est qu'une affaire accessoire, une affaire sans importance. Leurs magasins leur restent. Ils y mettaient du sel qu'ils raffinaient ; ils y mettront du sel raffiné.

M. de Vrièreµ. - Et leurs ustensiles

MfFOµ. - Leurs ustensiles, qu'est-ce que c'est ?

M. de Vrièreµ. - Cela représente une somme quelconque.

MfFOµ. - Cela représente une somme insignifiante. Cela représente une somme quelconque, je le veux bien. Mais n’y avait-il pas une somme quelconque engagée dans les ateliers et magasins des imprimeurs qui avaient vécu à l'abri de la législation qui permettait de réimprimer les livres étrangers ? Il y avait là de bien autres capitaux engagés. Et lorsqu'on a proclamé la liberté du courtage, avons-nous accordé des indemnités aux courtiers ? Avons-nous accordé des indemnités aux agents de change ? Est-ce que nous allons accorder des indemnités aux huissiers, lorsqu'on réduira les frais de protêt ? Ils seront tous plus ou moins atteints.

M. de Vrièreµ. - Ils conservent leur état.

MfFOµ. - Mais s'ils conservent leur état et ne peuvent en user, c'est bien pire que les sauniers, qui continueront à faire leur commerce de sel.

M. de Vrièreµ. - Ils ne seront plus privilégiés, voilà tout.

MfFOµ. - Il est impossible d'entrer dans cette voie pour des dommages non constants, non acquis, mais présumés, supposés, comme conséquence de la suppression de droits de douane.

Remarquez que toutes les fois que l'on décrète des suppressions de droit, des industries se déclarent atteintes, déclarent subir des dommages considérables pour lesquels il faudrait accorder des indemnités. S'il fallait faire droit à ces plaintes, toujours exagérées, le trésor public tout entier n'y suffirait pas.

Messieurs, lorsque récemment le gouvernement anglais a diminué les droits sur les sucres dans une très forte proportion, dans une proportion de moitié, il a causé aussi un grand préjudice aux raffineurs de sucre. Eh bien, il leur a donné trois semaines, pas davantage, pour disposer de leur stock et après cela la législation nouvelle a sorti son effet.

Nous sommes beaucoup plus tolérants, beaucoup plus larges, Je dirai beaucoup plus généreux. Au lieu d'appliquer immédiatement la loi, nous en ajournons l'exécution de quelques mois, donnant ainsi parfaitement le temps aux industriels de trouver un emploi meilleur de leurs capitaux, si en réalité ils ne peuvent plus les employer dans l'industrie dont nous nous occupons.

Restent encore deux observations, je pense, de l'honorable M. Kervyn, l'une quant à la bière et l'autre quant à l'atténuation de recettes qui peut affecter le fonds communal, ce qui empêcherait les communes d'avoir à leur disposition les sommes qui leur ont été annoncées pour la voirie vicinale, un crédit ; éventualité qui engagera l'honorable membre, lorsque nous nous occuperons du projet des travaux publics, à solliciter un crédit spécial pour cet objet.

En ce qui touche la bière, messieurs, j'ai fait l'autre jour, en interrompant l’honorable M. Kervyn, cette observation que toutes les quantités produites n’avaient pas été atteintes par l’augmentation du droit d’accise ; une partie seulement, environ la moitié des quantités produites, a été atteinte. Mais ce n'est pas assez de considérer les choses à ce point de vue ; il faut se demander quelle était la situation industrielle autrefois et ce qu'elle est aujourd'hui, quelle était la quantité de bière que l'on parvenait à extraire d'une cuve-matière imposée au droit d'accise de 2 fr. 6 c. et quelle est la quantité qu'on en retire aujourd'hui sous l'empire du droit de 4 francs.

Eh bien, je donnerai à l'honorable membre quelques indications qui lui démontreront que l'augmentation supposée du droit est bien plus faible qu’il ne le croit

De 1844 à 1857 ont obtenait 1 hectolitre et 75 litres ; en 1858-1859 1 h. et 88 l., en 1869 1 h. et 94 l., en 1861-1862 1 h. 99 l, en 1863 2 h. et 02 l., en 1864 2 h. et 07 l., en 1865 2 h. et 08 l., en 1866 2 h. et 10 l., en 1867 2 h. et 16 l., en 1868 2 h. et 19 l.

De telle sorte que le droit de 4 francs par hectolitre de cuve-matière, qui répondait en 1860 à 2 fr. 11 c. par hectolitre de bière fabriquée, ne correspond plus aujourd'hui, grâce à l'accroissement continu du rendement, qu'à un taux de 1 fr. 82c. par hectolitre de bière, soit en réalité une diminution d'impôt de 29 centimes, où plus de 13 p. c. (Interruption.)

On objecte la diminution de qualité des bières fabriquées. Je crois que la concurrence est là pour corriger ce vice. Je crois que si des brasseurs ne livraient que de la bière de mauvaise qualité, on irait chez ceux qui en feraient de bonne et que selon toutes les règlements économiques, il y aurait une bière de qualité supérieure, que l'on vendrait plus cher peut-être, mais dont le prix serait d'ailleurs en rapport avec la valeur réelle du produit.

Mais ce ne sont pas les conditions dans lesquelles se trouve actuellement le commerce des bières.

Quant au fonds communal, nous prendrons des mesures pour que les résultats que craint l'honorable membre ne viennent pas à se réaliser. Il est vrai que, par suite de l'annonce d'une élévation des droits sur les alcools, des importations plus considérables se font en ce moment, et nous sommes assurés, comme nous l'avons d'ailleurs prévu, d'un ralentissement dans la perception du droit nouveau ; mais nous aurons, par contre, une perception de droits énorme cette année-ci, tant sur les quantités produites que sur les quantités importées. Elle sera tellement considérable, que je crois qu'il serait fort imprudent de la laisser dans son intégralité à la disposition du fonds communal. C'est pourquoi je proposerai, à l'article 12, un amendement ainsi conçu :

« Si le montant des sommes à allouer aux communes en 1870, conformément à l'article 3 de la loi du 18 juillet 1860 (Moniteur, n°204) dépasse dix-neuf millions de francs, l’excédant sera provisoirement déposé à la réserve du fonds communal, pour être réparti entre les communes pendant les années suivantes. Toutefois, la part d’une année ne pourra, du chef de cette dernière répartition, être supérieure de plus de 5 p. c. à celle qui aurait été calculée d'après la même progression pour l'année précédente. »

Nous éviterons ainsi d'avoir des sommes tout à fait extraordinaires, réellement exorbitantes, à attribuer au ronds communal cette année, pour retomber, l'année prochaine, à des sommes infiniment moindres.

(page 776) Dans cet ordre d'idées, nous aurons la progression suivante :

Le minimum à répartir a été : En 1869 de 18,615,000 francs,

Il serait : en 1870 de 19,000,000 de francs, en 1871 de 19,950,000 francs, en 1872 de 21,930,000 francs, en 1873 de 22,420,000 francs, en 1874 de 23,095,000 francs et en 1875 de 23,635,000 francs.

Je pense que ces résultats sont de nature à satisfaire l'honorable M. Kervyn, et qu'il renoncera ainsi à l'amendement qu'il nous avait fait pressentir et pour lequel les fonds n'existent pas, car nous avons non seulement épuisé tout le disponible, mais même escompté, pour les travaux publics, l'excédant probable de 1870.

Maintenant, messieurs, j'appelle, en terminant, la très sérieuse attention de la Chambre sur les amendements qui lui sont soumis ou qui lui sont annoncés.

Si ces amendements venaient à être adoptés dans cette assemblée, il se pourrait qu'ils ne le fussent point par le Sénat ; il se pourrait aussi que le gouvernement ne pût s'y rallier. Dans cette situation, messieurs, les réformes aujourd'hui proposées subiraient forcément un ajournement. Mais ce serait là le moindre inconvénient peut-être. Le grand inconvénient serait pour les distillateurs engagés aujourd'hui dans des spéculations très considérables en prévision de l'adoption prochaine de la loi. Il pourrait en résulter pour eux de graves préjudices, et je crois qu'il faut y prendre garde. Il ne faut pas, par des amendements téméraires, suggérés par les intéressés eux-mêmes, que l'on fasse naître une situation que beaucoup pourraient regretter.

M. Vermeireµ. - Messieurs, j'ai demandé la parole lorsque mon honorable voisin, M. Julliot, m'a pour ainsi dire taxé de cerveau malade, à raison du discours que j'avais prononcé.

Je pourrais rétorquer l'argument de l'honorable membre, mais je ne le ferai pas.

Je me bornerai à lui dire que son discours renferme beaucoup plus d'excentricités que le mien.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Je désire appeler l'attention de la Chambre sur un point qui, indiqué dans le discours de l'honorable M. Julliot, et un peu développé, mais pas suffisamment à mon avis, par l'honorable député d'Anvers, appelle un examen sérieux et approfondi.

Je veux parler de l'intérêt des consommateurs dans la loi qui nous est soumise.

D'abord, messieurs, je commence par déclarer ce qui ne vous étonnera en aucune façon, que j'ai accueilli avec le plus vif plaisir la suppression des droits sur le sel et le poisson et la réduction du port des lettres.

Depuis longtemps j'étais de ceux qui ont réclamé ces réformes à cette tribune et par la presse, il est donc naturel que, les voyant enfin arriver au moment on ne les attendait pour ainsi dire plus, je les ai accueillies avec bonheur.

Mais une chose m'a étonné, c'est que cette réforme tant désirée par tous ait été l'occasion pour quelques-uns de reproduire toute la série des arguments protectionnistes que nous nous étions attachés depuis tant d'années à combattre, que nous croyions relégués enfin dans les magasins aux rebuts. Oui, on est venu nous parler du monopole de l'étranger, d'inondation de produits, de ruine de l'industrie, précisément comme si nous étions encore en 1846, et comme si l'expérience des réformes accomplies n'avait apporté sur ces questions aucune lumière.

Je dirai donc, pour rassurer les honorables membres qui ont évoqué ces vieux fantômes, que l'industrie mise en présence d'un changement quelconque se montre toujours effrayée qu'elle se croit toujours victime ; qu'est-ce que cela lui coûte ? mais qu’une fois aux prises avec la nécessité qui, dit le proverbe, est mère de l'industrie, elle trouve toujours moyen de tirer un bon parti de la position qu'elle croyait à jamais perdue et même de l'améliorer et de l'agrandir. Ainsi en sera-t-il de l'industrie saunière.

Les sauniers, aujourd'hui protégés par des droits considérables, se croient perdus parce qu'ils vont aux prises avec la liberté. Mais ils oublient que la liberté va créer des conditions tout à fait différentes, non seulement au point de vue de la consommation, mais aussi de la production et que là où aujourd'hui on ne consomme qu'un kilogramme de sel on en consommera d'ici quelque temps trois ou quatre.

M. Jacquemynsµ. - Dites dix à douze.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Je parle ici de la consommation personnelle.

Mais l'agriculture, qui était privé de ce fertilisant, va en employer des quantités considérables ; l'industrie, de son côté, en user largement, de telle sorte que la perte minime qui sera le résultat de la suppression de l'impôt, sera amplement compensée et en peu de temps.

Ceci dit, pour répondre aux appréhensions de deux de mes collègues, je vais entrer dans l'examen de la loi au point de vue de la consommation.

L'abolition du droit sur le sel va produire pour la population générale du pays une économie de 5 millions de francs. Cette population se compose de deux grandes fractions : celle qui vit exclusivement des produits de son travail manuel et celle qui vit soit de son travail manuel, soit du travail intellectuel, soit de ses capitaux.

Toute cette population va partager à peu près également, comme il a été dit dans plusieurs discours, les bénéfices qui résulteront de la réforme. Or, d'après la statistique, la population qui vit de son travail comporte plus des 4/5 de la population totale ; c'est donc 4 millions d'impôt dont la population ouvrière va être dégrevée. Or, 4 millions représentent à peu près 2 millions de journées de travail à raison de deux francs en moyenne pour une journée.

La population ouvrière va donc pouvoir consacrer cette valeur de deux millions de journées de travail à l'amélioration de ses conditions d'existence.

N'y eût-il que cela dans la réforme proposée que ce serait déjà un avantage considérable accordé à cette partie de la population et je m'en applaudirais de tout cœur.

La réforme postale ne profitera pour la grosse part actuellement qu'à la partie de la population la plus aisée, celle qui peut le mieux supporter les impôts.

Cependant, je m'y rallie de la façon la plus complète, parce que je vois dans cette réforme le moyen de mettre la poste à la portée de la classe la plus nombreuse de la société, ce qui lui était dénié jusqu’aujourd'hui ; et c'est précisément parce que cette classe nombreuse et puissante pourra en profiter que je prédis dès maintenant que la réforme postale, après une diminution momentanée des recettes, produira bientôt un revenu égal, sinon supérieur à celui que nous percevons aujourd'hui.

Je n'en veux d'autre preuve que celle-ci : c'est que la poste ne coûte à chaque Belge que 80 centimes par an, tandis que chaque Anglais paye 4 francs pour le même service. Or, il est évident que si les Anglais se servent autant de la poste, c'est que toutes les classes de la société peuvent, depuis la réforme, envoyer, pour le même prix, une lettre d'un bout du pays à l'autre.

Messieurs, la réforme, en ce qui concerne le poisson, sera favorable, je n'en doute pas, à la généralité de la population. Je l'accueille avec le plus grand plaisir, parce que, par suite de la suppression des entraves qui existent aujourd'hui pour la perception des droits sur l'entrée des poissons, cette denrée sera mise à la disposition de la généralité des habitants.

J'arrive maintenant à la seconde partie du projet de loi : l'augmentation des droits sur les alcools.

Comme vous l'a dit tout à l'heure l’honorable ministre des finances, le gouvernement anglais vient de faire à peu près la même opération que celle qui nous est proposée. Il se trouvait en présence d'un excédant de recettes de 4,487,000 livres sterling (115 millions de francs environ) et, ne sachant que faire de ce boni (interruption), il a proposé, quoi ? Une diminution de certains impôts ?

Mais a-t-il proposé, en même temps, da nouveaux impôts, devant produire la même somme ? Nullement. Le gouvernement anglais propose de réduire l'income-tax c'est-à-dire la taxe sur le revenu de 1,250,000 livres ; le droit sur les sucres, qui, en Angleterre, était déjà infiniment plus bas qu'en Belgique, puisque, chez nous, il est de 45 francs tandis qu'en Angleterre il n'était que de 20 à 25 francs ; le gouvernement anglais, dis-je, propose de le réduire de moitié, c'est-à-dire, d'une somme qui, si la consommation reste la même, diminuera le revenu de 2,330,000 liv. st.

Enfin, il propose de diminuer certaines petites taxes, entre autres les patentes qui frappaient les commerçants ambulants, les colporteurs, le débit de certaines denrées et autres taxes minimes ; il propose de les diminuer de façon que le revenu subira une réduction de 366,000 liv. st., à peu près 10 millions de francs.

Pourquoi le gouvernement anglais peut-il en agir ainsi ? Parce qu’il ne s'est pas créé de charges, toujours croissantes, toujours sollicitées, du chef de travaux dits d'utilité publique. J'ai déjà dit et Je répète aujourd'hui que le moment viendra où le gouvernement sera rendu impossible dans notre pays, s'il persiste dans la même voie.

(page 777) Si le revenu est toujours insuffisant, si chaque fois que nous opérons une diminution dans les impôts, nous sommes obligés, à titre de compensation, d'en créer des nouveaux, il est évident qu'à un moment donné les charges excéderont les forces de la nation.

Voyons maintenant sur qui va peser l'impôt doublé sur les eaux-de-vie.

Je puis dire immédiatement qu'il ne pèsera en aucune façon ou du moins qu'il ne pèsera que très légèrement sur toutes les classes de la population dont le revenu est fixe ou peu près et qui ont un budget ; celles-là, si l'on frappe un des articles de leur consommation, diminuent à l'instant même cette consommation, de manière à maintenir l'équilibre entre leurs recettes et leurs dépenses.

Les parties de la population qui peuvent ne pas faire attention à ce petit détail, sont si peu nombreuses, si peu importantes, qu'elles ne prendront qu'une part très faible dans l'accroissement des dix millions que le gouvernement réclame au genièvre.

Il est élident, dès lors, que cette augmentation, pour la presque totalité, frappera les classes ouvrières. Oh ! si l'impôt avait pour effet de diminuer les consommation de moitié, le produit de la taxe restant le même, je voterais immédiatement la réforme et j'y applaudirais de toutes mes forces. Mais ce n'est pas ce qu’attend le gouvernement. Il est évident que s'il avait prévu, soupçonné même ce résultat, il ne nous aurait pas proposé la réforme.

Le gouvernement déclare de la manière la plus formelle qu'il a besoin de tout son revenu ; et c'est seulement parce qu'il espère que le genièvre produira les dix millions d'augmentation réclamés par lui qu'il nous fait voter la réforme.

MfFOµ. - Nous avons calculé qu’il y aurait une diminution dans la consommation.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Vous n’y comptez pas, au contraire, ainsi que le prouve votre amendement.

Il résulte de là, messieurs, les conséquences que je signale. Les classes ouvrières, du chef de l'abolition de l'impôt sur le sel, seront dégrevées de 4 millions de francs, soit 2 millions de journées à 2 francs, mais elles seront augmentées de près de 10 millions de francs sur le genièvre, c'est-à-dire de 5 millions de journées de travail, soit une différence, à leur détriment, de 3 millions de journées de travail à 2 francs l'une. Je pose simplement cette question, et je la pose à tous, je demande si le moment est bien venu, s'il est bien choisi pour demander aux classes ouvrières ce nouveau sacrifice. Je demande si les effets de cette réforme seront favorables à la population des campagnes, qui, pour la même consommation, car je ne suppose pas qu'elle augmentera, devra donner 3 millions de journées de travail pour sa consommation de genièvre, et je demande si cette contribution ne viendra pas grever d'une façon très notable, surtout dans les campagnes, la position déjà si peu brillante des classes ouvrières ?

Je dois dire que, pour ma part, je ne saurais accepter cette charge nouvelle pour cette partie si importante et si intéressante de la population. Je ne saurais l'accepter surtout en présence de la conviction où je suis qu'il est très inutile et surtout très impolitique d'imposer cette charge nouvelle aux masses, et que si, contrairement à ce que je pense, il était nécessaire de créer de nouveaux revenus, c'était d'un autre côté qu'il fallait s'adresser. Je me trouve donc en face d’une loi dont je dois accepter la moitié avec le plus grand plaisir, mais dont je dois repousser l'autre moitié.

M. le ministre des finances nous disait tantôt que les services publics devaient être assurés et que la grande majorité de cette Chambre, la presque unanimité, selon lui, était d'avis que les budgets ne sont pas trop élevés et qu'il n'y a aucune réforme à faire sous le rapport des dépenses. Je ne puis, messieurs, partager son avis ; il m'est impossible d’acquiescer par mon silence à cette proposition.

Je suis convaincu que nous pouvons diminuer nos dépenses sans compromettre aucun public dans une mesure très considérable.

Depuis que je suis assis sur les bancs de cette Chambre, j’ai déjà fait quelques efforts pour arriver à la diminution de la partie de ces dépenses qui me paraît la plus inutile. Mais malheureusement jusqu'à présent, je n'ai pas réussi. Je ne désespère pas cependant que le pays arrivera bientôt à la même conviction que moi, et alors je suis certain que nous pourrons dégrever les classes auxquelles je viens de faire allusion d'une grande partie des charges qui pèsent sur elles, et, comme conséquence, sur l'industrie nationale et la nation tout entière.

Je dis même plus, et en ceci je répète ce que j'ai déjà dit depuis longtemps, c’est que ceux qui se préoccupent des intérêts de l'industrie dans l'avenir seront forcément et bientôt amenés à partager mes convictions. Il sera impossible, avant longtemps, à l'industrie de résister aux diminutions et aux suppressions successives des charges qui pèsent sur le travail dans les pays voisins, si nous persistons à maintenir les droits qui frappent le0 travail et la main-d'œuvre dans notre propre pays. Aujourd'hui, c'est de 100 millions de francs que le gouvernement anglais propose de dégrever les consommateurs de l'Angleterre. (Interruption.) Le sucre est consommé par tout le monde aussi bien chez nous qu’en Angleterre ; mais il est consommé dans une plus grande proportion en Angleterre que chez nous, parce que l'impôt a rendu, pour nous, le sucre un article de luxe, tandis qu'en Angleterre il est entré depuis longtemps dans la consommation populaire. En Angleterre on consomme 25 livres de sucre par tête, tandis que dans notre pays on n'en consomme que 5 livres et nos populations perdent, par suite de ce défaut de consommation, non seulement tous les bénéfices qu'elles eussent retirés au point de vue hygiénique et alimentaire, mais aussi les bénéfices que produisent un grand commerce, de grands échanges avec les pays étrangers.

Messieurs, je me résume en deux mots, je voterai des deux mains l'abolition du droit sur le sel, la réduction du port des lettres à 10 centimes pour toutes les distances, l’abolition des droits qui frappent encore l'entrée du poisson en Belgique, mais je ne pourrai accorder mon vote approbatif à l'augmentation des droits sur le genièvre.

M. Lefebvreµ. - Je viens appeler la bienveillante attention de la Chambre et du gouvernement sur les réclamations d'une industrie qui, depuis quelque temps, a pris une assez grande importance ; c'est celle des liquoristes ou fabricants de liqueurs dites de table.

A la suite des expositions de Paris, du Havre, d'Amsterdam, où ces industriels ont obtenu un assez grand nombre de récompenses qui, pour l'exposition de Paris seule, s'élèvent à environ dix médailles ou mentions honorables, l'exportation de leurs produits a pris un développement qui va en progressant d'année en année.

Par suite de l'augmentation des droits sur l'eau-de-vie base de leurs fabricats, ils craignent, à bon droit, de ne pouvoir plus continuer à lutter avec l'étranger et de ne plus pouvoir y envoyer leurs produits, s'ils n'obtiennent des remises ou décompte à l'exportation, à la sortie du pays.

D'après la nouvelle loi, leurs produits seront grevés d'un droit équivalent à 48 centimes au litre. Les pays voisins accordent des dégrèvements aux produits similaires à l'exportation. La France et la Hollande en agissent de cette manière et la remise, dans les Pays-Bas, s'élève à environ 42 centimes au litre.

Il ne peut y avoir aucun préjudice pour le trésor à accorder à ces industriels leur demande, et il y a tout intérêt à favoriser une industrie prospère.

Dans une pétition adressée à la Chambre, les liquoristes indiquent les moyens d'arriver au but qu'ils désirent obtenir sans préjudicier au trésor et en prévenant toute fraude. Je n'examinerai pas ces moyens, me confiant à l'équité et au bon vouloir du ministre et du gouvernement. Je suis convaincu que ce qui est possible à l'étranger est possible ici et que le gouvernement sera favorable à la demande de ces industriels.

MpDµ. - M. Hayez demande un congé.

- Ce congé est accordé.

La séance est levée à quatre heures trois quarts.