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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 30 avril 1870

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1869-1870)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 805) M. Reynaertµ procède à l’appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Dethuinµ donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Reynaertµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Des instituteurs de l'arrondissement d'Audenarde demandent qu'il soit pris des mesures en faveur du développement de l'instruction primaire et de la position des instituteurs. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal d'Arlon prie la Chambre d'allouer au gouvernement la somme nécessaire pour construire dans cette ville des locaux suffisants pour les services de la poste. »

- Même décision.


« La direction des polders de Saint-Gilles, Roodemoer, Turfbanken et Zalighem prie la Chambre d'introduire, dans le projet de loi relatif des travaux publics, le crédit nécessaire pour les travaux d'assainissement et d'écoulement des eaux des polders de la Flandre orientale et particulièrement du pays de Waes.

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces à l'appui, la demande de naturalisation du sieur Kempeneers. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« Des habitants de Kain demandent le redressement de la route à l'entrée de la ville de Tournai par le raccourcissement de la station projetée de cette ville. »

M. Dumortierµ. - Je demande le renvoi à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport.

- Adopté.


« M. de Borchgrave, obligé de s'absenter pour affaires urgentes, demande un congé. »

Ordre des travaux de la chambre

MtpJµ. - Le projet que j'ai eu l'honneur de déposer hier sur le bureau de la Chambre et les annexes qui l'accompagnent seront distribués ce soir. Je viens prier la Chambre de décider que ce projet sera examiné par les sections dès la rentrée de la Chambre, la semaine prochaine, c'est-à-dire mardi.

MpDµ. - Mardi, ce sera fort difficile, M. le ministre.

MtpJµ. - On pourrait dès lors fixer l'examen à mercredi si la Chambre y consent.

MpDµ. - Les sections seront convoquées pour mercredi.

Projet de loi abolissant les droits sur le sel et le poisson, abaissant la taxe des lettres et augmentant les droits sur les eaux-de-vie

Discussion des articles

Article 4

MpDµ. - Nous en sommes arrivés à l'article 4 et aux amendements qui s'y rattachent.

MtpJµ - J'ai déclaré à M. Tack, à la fin de la séance d'hier, que je n'hésiterais pas à me rallier à la disposition qu'il proposait, si d'ailleurs il admettait comme corollaire à cette disposition la suppression de l'envoi sous bande des cartes de visite affranchies moyennant un centime.

L'honorable M. Tack et ses amis n'admettent pas cette proposition ; dès lors je déclare, quant à moi, que je dois combattre l'amendement de M. Tack, car cet amendement ne se justifie en aucune façon.

Il n'y a pas là une exagération de taxe, puisque en définitive les personnes supposeront que leur position sociale les empêche de profiter du mode démocratique de l'envoi des cartes sous bande peuvent parfaitement payer 10 centimes la satisfaction de vanité de les adresser sous enveloppe.

Je déclare donc que je ne saurais me rallier à l'amendement et que je le combats d'autant plus que c'est une sorte de prime à l'existence d'un préjugé que tout le monde condamne et dont, malheureusement, peu de gens ont le courage de s'affranchir.

M. Dumortierµ. - Je suis tout à fait de l'avis de M. le ministre des travaux publics et je pense, comme lui, qu'en adoptant l'amendement de M. Tack, il faudrait en même temps supprimer l'autorisation de transporter les cartes de visite au prix d'un centime.

Si la faculté d'expédier sur tous les points du pays une carte de visite au prix d'un centime n'occasionnait pas, au commencement de chaque année, un encombrement extrême et les plus grands embarras à l'administration des postes, je le concevrais. Mais, messieurs, l'usage de l'envoi des cartes de visite par la poste au prix d'un centime impose tellement de besogne à certains moments de l'année que les employés sont littéralement accablés de travail.

Cet usage n'a guère commencé à s'établir que depuis trois ans et déjà il s'est tellement propagé, que le service de la poste en est sérieusement entravé à certaines époques. Il serait donc extrêmement utile de remédier à cet état de choses et j'approuve infiniment les observations que M. le ministre des travaux publics a présentées à ce sujet. Il ne s'agit pas ici de causer un préjudice à qui que ce soit ; quand nous en viendrions à supprimer en partie cette manie de l'envoi des cartes de visite, je ne vois vraiment pas où serait le mal, et il en résulterait pour l'administration des postes de très grands avantages.

Aussi, messieurs, serais-je tout disposé à voter une proposition qui tendrait à supprimer la faculté de faire transporter les cartes de visite par la poste au prix d'un centime.

M. Tackµ. - Messieurs, en proposant mon amendement, comme l'a dit l'honorable ministre des travaux publics, je n'ai pas eu l'intention de demander la suppression de l'envoi des cartes de visite sous bande au taux d'un centime ; j'ai voulu introduire dans les habitudes l'envoi des cartes sous enveloppe ouverte ; c'est faciliter la distribution des cartes ; c'est, en outre, augmenter le revenu postal. Jusqu'à présent, il est de fait qu'on envoie peu de cartes sous enveloppe, probablement par la raison que beaucoup de personnes jugent que la différence entre la taxe postale de 20 centimes et celle de 10 centimes est encore trop grande pour qu'ils ne préfèrent pas envoyer leurs cartes sous bande un centime.

Quant la suppression de l'envoi des cartes sous bande, moyennant la taxe d'un centime, je ne me suis pas préoccupé de cette question.

Je n'ai pas eu à examiner le mérite de cette question.

Car, qu'on maintienne ou qu'on ne maintienne pas la taxe à un centime pour l'envoi des cartes sous bande, qu'importe ma proposition ?

La question est de savoir si ma proposition est utile en elle-même, oui ou non.

(page 806) Or, elle devient une nécessité du moment que vous supprimez la taxe à un centime ; et elle est utile alors même que vous conservez cette taxe.

On parle, messieurs, de l'encombrement produit à l'époque de la nouvelle année par l'envoi des cartes de visite. Cet encombrement, en effet, doit être considérable et faire le désespoir des petits employés et des facteurs de la poste ; je suis le premier à le reconnaître ; mais ma proposition n'aggrave en rien cette situation ; au contraire, elle l'améliore.

L'honorable M. Dumortier s'élève contre l’habitude qu'on a prise d'envoyer les cartes sous bande, mais il ne propose pas la suppression de la taxe à un centime.

Je le répète, avant de terminer, que ma proposition n'a rien de commun au fond avec l'idée de la suppression de la taxe à un centime.

Je la maintiens donc dans les termes où je l'ai faite, et si quelqu'un a l'intention de proposer l'abolition de la taxe à un centime, qu'il le fasse, qu'il sous-amende ma proposition ; pour ce qui me concerne, je n'entends pas m'en charger.

M. Coomansµ. - M. le président, y a-t-il une proposition de supprimer l'envoi à un centime ?

MpDµ. - Non, M. Coomans.

M. Dumortierµ. - Pardon, M. le président, je rédige une proposition dans ce sens.

M. Coomansµ. - Dans l'éventualité du dépôt de cette proposition, je prends la parole pour la combattre.

Ainsi que M. Tack vient de le dire, il n'y a pas de corrélation entre la suppression du port d'un centime pour la carte de visite et la faculté donnée à l'expéditeur de mettre sous enveloppe cette même carte de visite.

Quant à moi, je tiens très peu à la proposition de l'honorable M. Tack. Si l'enveloppe ne doit pas être fermée, il résultera de cette mesure beaucoup plus d'inconvénients que d'avantages. Toutefois je ne m'y opposerai pas ; le gouvernement et la Chambre apprécieront s'il y a lieu de l'adopter.

Mais il faut maintenir l'expédition de la carte de visite à un centime ; voici pourquoi.

MpDµ. - M. Coomans, on m’annonce qu'il aura pas de proposition.

M. Coomansµ. - Dans ce cas, on me rend le service de pouvoir supprimer mon discours.

MpDµ. - Je mets aux voix l'article 4 est ainsi conçu :

« L'administration des postes est autorisée à émettre des cartes correspondance pouvant recevoir des communications écrites. Elles porteront un timbre d'affranchissement de cinq centimes.

« La circulation de ces cartes s'étendra aux localités desservies par un bureau de poste formant un canton postal.

« Lorsque plusieurs bureaux de poste se trouvent établis dans une même commune ou dans ses faubourgs, ils seront considérés comme ne formant qu'un canton postal.

« Ces cartes seront émises dans les six mois qui suivront la publication de la loi. »

- Cet article est adopté.

L'amendement de M. Tack est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

Article 4bis (nouveau)

« Art 4bis. Les livres cartonnés ou reliés, originaires et à destination de l'intérieur du royaume, pourront être expédiés par la poste au prix d'un centime par 30 grammes ou fraction de 30 grammes, à la condition d'être complètement affranchis, d'être placés sous bande ou de manière à pouvoir être aisément vérifiés.

« Les dispositions pénates comminées par les lois en matière de fraude postale seront applicables aux objets désignés dans le présent article. »

- Adopté.

Article 5

« Art. 5. Le gouvernement est autorisé à régler provisoirement les tarifs et les conditions de transport des valeurs déclarées et envois d'argent, dont il est fait mention aux articles et 22 de la loi du 29 avril 1869. »

- Adopté.

Article 6

« Art. 6. § 1er. Le droit d'accise établi sur la fabrication des eaux-de-vie par la loi du 27 juin 1842, modifiée (Moniteur de 1853, n°227), est fixé à 4 fr. 55 c. par hectolitre de contenance des vaisseaux imposables.

« § 2. Ce droit est porté, savoir :

« 1° A 5 tr. 20 c., lorsqu'il est fait usage de jus de betterave ;

« 2°0 A 7 Tr. 80 c., lorsqu'il est fait usage de fruits secs, mélasses, sirops ou sucres ;

« 3° A 9 fr. 10 c.. lorsqu'il est fait usage de jus de betterave et d'une ou de plusieurs des substances mentionnées au n°2. »

MpDµ. - C'est à cet article que se rattache la proposition MM. de Theux et Jacobs, ainsi conçue :

« § 1er, devant précéder l’article du projet de loi :

« Le droit de débit en détail des boissons alcooliques est aboli. »

M. de Theuxµ. - Le droit de débit de boissons alcooliques est une innovation dans notre législation financière. Cette innovation a été intro duite en 1838 pour deux motifs. Le premier, c'est qu'on considérait qu'il était impossible d'augmenter le droit sur la fabrication ; le second, c'est qu'en supposait que ce droit diminuerait le nombre de débits d'une boisson que l'on considère comme peu morale.

Ces deux motifs n'existent plus. En effet, depuis 1838 le droit à la fabrication est considérablement augmenté ; il a été doublé par des lois successives, et on propose de le doubler encore aujourd'hui. Il sera donc quadruplé. C'est la preuve manifeste qu'en 1838 on était dans l'erreur quand on affirmait que ce droit ne pouvait plus être augmenté.

La diminution du nombre de débitants, qui était le second motif, a également disparu par la loi de 1849 qui a aggravé le mal que celle de 1838 avait voulu diminuer ; en effet, d'une loi d'impôt on a fait une loi politique, à tel point que, depuis 1849, le nombre de débitants est considérablement augmenté.

Cet impôt sert à créer des électeurs, contrairement à l'esprit de notre Constitution qui suppose le droit électoral fondé sur la fortune, contrairement à la loi provinciale et à la loi communale qui admettent la même base.

On sait que, pour donner ouverture au droit de débit, il suffit de quelques bouteilles de liqueurs et de quelques verres, ce qui certainement ne constitue pas une fortune.

De plus un très grand nombre de ces débitants n'existent que par le patronage et l'intervention matérielle de partis politiques : on paye pour eux leurs frais d'établissement ou leur droit de débit, et ils deviennent ainsi les vassaux de partis politiques.

L'homme qui ne paye pas lui-même ses contributions est nécessairement dans la dépendance de celui qui les paye pour lui ; il abdique son indépendance et s'engage à obéir à la volonté de celui dont il dépend. Voilà la vérité. Aussi ai-je le droit de dire que, dans ses résultats, la loi qui a établi le droit de débit des boissons distillées est celle qui prêle le plus à la fraude et aux abus.

Chose étrange, messieurs, le gouvernement et les Chambres se sont préoccupés bien souvent des moyens de réprimer les fraudes électorales pratiquées même dans de petites proportions ; et, ici, on tolère une fraude manifeste qui s'exerce sur la plus vaste échelle et qui froisse de la manière la plus fâcheuse l'esprit de notre Constitution et de nos lois.

D'un autre côté, messieurs, il y a aujourd'hui une tendance manifeste à l'extension du droit de suffrage, soit en admettant la capacité, soit en supprimant complètement tout cens électoral, soit en l'abaissant dans une certaine mesure.

Quelque système que l'on adopte sous ce rapport, il n'a aucun caractère frauduleux. Le citoyen, dans ce système, est électeur en vertu de sa qualité et de son droit de citoyen ou de censitaire. Or, je le demande, peut-il entrer sérieusement dans l'esprit de ceux qui veulent conférer le droit électoral à tout citoyen possédant un certain degré d'instruction, de considérer le débitant de boissons comme un homme suffisamment instruit ? Cela n'est pas possible ; cela serait absurde ; car il y a des milliers de citoyens, ayant plus d'instruction que les débitants de boissons alcooliques, qui ne sont pas électeurs.

Ainsi aucun de ceux qui veulent une réforme électorale ne doit vouloir le maintien de la législation actuelle sur les débits de boissons.

Pour nous, messieurs, nous ne demandons qu'une chose par notre amendement ; c'est que les débitants de boissons alcooliques rentrent dans le droit commun. Si vous persistez à conserver le droit électoral aux débitants de boissons en tant que débitants, c'est-à-dire à raison de leur profession, n'y aurait-il pas lieu d'accorder aussi le droit électoral à infinité d'autres professions bien plus respectables que celle-là ?

Cependant si je ne puis pas admettre que cette catégorie de citoyens jouisse d’un privilège, je ne demande pas non plus qu'ils soient frappés d'un impôt exceptionnel qu'ils considèrent comme odieux. Nous ne pensons pas qu'il existe en Europe un seul pays qui admette une semblable disposition dans son système électoral ; pour moi, je n'en connais aucun. Je vois bien abaisser le cens, je le vois bien supprimer ; je vois bien accorder certains privilèges, mais à coup sûr dans aucun pays du monde on n'accorde aux débitants de boissons alcooliques un privilège tel qu'il existe en Belgique.

Nous ne demandons aucune exclusion ; j'aime que le débitant de (page 807) boissons qui paye une patente assez élevée et justifie de sa fortune par le bénéfice qu'il réalise, jouisse du droit ; mais si, par le bénéfice qu'il retire de son débit, il ne peut s’élever à la hauteur du cens qu'on exige pour la jouissance du droit électoral, il n'a absolument aucun titre.

On nous objectera peut-être que notre amendement fera un vide dans le trésor. Cette objection ne serait pas sérieuse. En effet, de quoi s'agit-il ? D'un produit d'environ 1,500,000 francs.

Or, le revenu public augmente tellement, que le gouvernement nous propose aujourd'hui la suppression d’impôts très anciens sur le sel, sur la poste et sur le poisson, mesures que j'approuve très volontiers.

Mais il faut convenir que lorsque le gouvernement, dans ses exposés de la situation financière, nous assure que le revenu public suit une voie progressive constante, il ne nous fera pas accroire qu’une somme de 1,500,000 francs, qui peut facilement être remplacée grâce à l'accroissement ultérieur du produit de notre système d'impôt, constitue une nécessité de maintenir cet impôt qui altère gravement notre système électorat.

Que doivent penser une foule de citoyens qui, possédant une certaine fortune. une fortune assurément plus considérable que celle des débitants de liqueurs, sont cependant exclus du droit de voter, alors qu'ils voient à leurs côtés un homme, ne possédant rien ou presque rien, pour qui l'on paye l'impôt, se présenter au collège électoral avec droit de vote ?

Et les personnes qui, malgré une profession des plus honorables, malgré leur état d'aisance, sont exclues du droit de vote, doivent souffrir moralement et politiquement de se voir préférer des électeurs factices.

Messieurs, nous vantons souvent notre système politique, et s’il est une vérité clairement démontrée, c'est que le système politique repose essentiellement sur le droit électoral dans les pays constitutionnels. C’est par le droit électoral que la nation exprime sa volonté. Or, peut-on considérer comme une volonté réelle, sensée, complète, celle qui s'exprime de la manière dont elle s'exprime en Belgique ? Assurément non. Si un pareil système existait dans d'autres pays, et s'il n'existait pas dans le notre, nous serions les premiers à le critiquer.

Je dis, messieurs, que la situation actuelle ne peut se perpétuer. Il faut de toute nécessité supprimer l'impôt, puisque M. le ministre des finances ne consent pas à le laisser sur le pied où il était organisé en 1838.

Les vices du système de la loi de 1849 sont consacrés par une expérience assez longue et tellement complète, qu'il n’est plus possible de se les dissimuler.

M. le ministre des finances ne peut soutenir qu'il soit incapable de diminuer les dépenses de 1,500,000 francs ou de trouver des ressources équivalentes par d'autres moyens fiscaux.

Ce serait lui faire injure que de le croire impuissant à remédier au mal.

La loi, telle qu'elle existe, jure évidemment avec le système de la représentation nationale, qui est l'émanation de la volonté nationale, c'est-à-dire d'un corps électoral parfaitement organisé.

On nous objectera peut-être la diminution du nombre des électeurs. Mais, messieurs, ce n'est pas ce que nous demandons. Du reste, que le gouvernement propose une diminution de cens équivalente au nombre d’électeurs que fera tomber la proposition que nous vous soumettons, M. Jacobs et moi.

On nous objectera peut-être la Constitution et on dira que nous sommes arrivés au minimum qu'elle détermine. injure à la Constitution que de croire qu'elle eût permis au législateur futur d'employer un moyen aussi frauduleux que l'impôt sur le débit de bois. Sons pour éluder complètement sa pensée.

Mais, messieurs, nous ne demandons pas de retirer aux débitants de boissons le droit électoral : nous proposons purement et simplement de supprimer le droit sur les débits de boissons, et je suis du reste persuadé, pour ma part, que si l'on allait demander à chaque débitant de boissons alcooliques s'il préfère conserver le droit d'être électeur, en continuant de payer le droit de début, il répondrait non.

Je conclus donc, messieurs, à l’adoption de l’amendement que j’ai proposé avec mon honorable ami, M. Jacobs. Cette question, messieurs, sera perpétuellement agitée, aussi longtemps que la loi de 1847 sera maintenue et je crois qu'il n'est pas difficile de prévoir qu’à chaque budget le même amendement sera présenté jusqu'à ce qu'enfin justice soit rendue au corps électoral, justice soit rendue à la Constitution.

MpDµ. - L’amendement est appuyé, il fait partie de la discussion.

MfFOµ. - Messieurs, la Chambre comprendra que je ne suis pas disposé à discuter de nouveau la sempiternelle question des cabaretiers. J'ai eu l'occasion de m'en expliquer bien des fois.

Je veux seulement faire remarquer à l'honorable M. Theux, qui poursuit la suppression de l'impôt sur le débit des boissons alcooliques, sous prétexte qu'il donne lieu des fraudes électorales, que, de tous nos impôts directs, à l'exception de l'impôt foncier, c'est celui qui prête encore le moins à ces fraudes.

Il est constaté que les fraudes à l'aide des patentes ou à l'aide des contributions personnelles se pratiquent dans une proportion plus considérable que par le moyen du droit de débit. C'est une observation que j'ai déjà produite à plusieurs reprises, et dont j'ai les moyens de prouver la parfaite exactitude. Mais comme le moment me paraît pas venu d'examiner à fond cette question, je ne veux pas, ainsi que je l'ai dit en commençant, entrer plus avant dans l'examen de ses détails.

Je me borne à dire que la mesure qui vous est proposée n'est pas un amendement au projet de loi qui occupe la Chambre : c'est une proposition principale, tout à fait étrangère à ce projet. Ni par son texte, ni par son esprit, elle ne s'y rattache. La proposition qu'on vous fait est une proposition électorale. Tous les développements auxquels vient de se livrer l'honorable. M. de Theux le prouvent surabondamment. Ce n'est pas au point de vue de l'impôt qu'il formule sa proposition ; il ne s'en préoccupe en aucune façon ; il poursuit uniquement par ce moyen un but électoral.

Eh bien, le règlement s'oppose formellement à ce que l'on introduise, sous prétexte d'amendement, une proposition principale de ce genre dans une loi qui a un autre objet. Il n'y a pas de raison pour qu'on soit autorisé à y introduire, sous prétexte d'amendement, toute autre proposition quelconque relative à nos lois électorales. Or, si on le pouvait quant au droit de débit, on le pourrait évidemment au même titre pour la contribution personnelle, on le pourrait pour l'impôt des patentes. C’est ce que personne n'oserait soutenir.

La proposition, sous forme d'amendement, n'est donc pas admissible. Elle l'est d'autant moins qu'une proposition identique a été faite par l’honorable M. Delcour.

M. Delcourµ. - Je n'ai pas proposé la suppression du droit.

MfFOµ. - Vous avez proposé de supprimer...

M. Delcourµ. - Non, j'ai proposé de ne pas compter le droit de débit dans le cens électoral ; mais je n'ai pas demandé la suppression du droit.

MfFOµ. - Mais les conséquences ne sont-elles pas les mêmes ? N'est-ce pas le même but que poursuit l'honorable M. de Theux ? L'honorable M. de Theux ne s'occupe que d'une seule chose, de faire disparaître cet élément du cens électoral. Evidemment, l'honorable membre n'a pas l'intention de supprimer cette recette pour l’unique plaisir d'avoir provoqué cette suppression. ce qu'il veut, le seul but qu'il poursuit, c'est de faire disparaître cet impôt comme base du cens électoral, absolument comme l'honorable M. Delcour le demande par la proposition qu'il a soumise. Il emploie simplement un autre moyen pour arriver au même but.

M. Delcourµ. - Je laisse subsister l'impôt.

MfFOµ. - Oui, sans doute, mais c’est au fond la même chose. Si vous pensiez ne pouvoir arriver à votre but, c'est-à-dire à votre but électoral, par le moyen que vous indiquez, vous adopteriez celui que propose l'honorable M. de Theux, qui est de supprimer l'impôt afinn de supprimer du même coup le droit électoral qui en dérive.

C’est donc au fond une seule et même proposition. Celle de l'honorable M. Delcour a été examinée par les sections, elle a fait l'objet d’un rapport de l'honorable M. Sabatier ; elle est à l'ordre du jour. Eh bien, lorsque cette proposition viendra en discussion, nous l'examinerons, elle sera nécessairement soumise la Chambre. Ce n'est donc pas pour échapper à cette discussion que je repousse la proposition de M. de Theux, mais c’est parce que cette proposition n'est pas opportune, parce qu’elle n’est pas à sa place. Elle n’a aucun rapport quelconque avec le projet de loi.

Mais je n’entends nullement me soustraire à la discussion de cette question, et lorsque le moment sera venu, o verra que je n’ai aucun motif de chercher à l’éviter.

(page 808) Je fais remarquer seulement dès à présent que la question est très mal posée. Ceux que vous poursuivez en leur qualité d'électeurs, ce sont les cabaretiers, mais vous les laissez dans le corps électoral à titre de patentables ; et sous prétexte de débit de boissons. vous excluez du droit électoral, par votre proposition comme par celle de l'honorable M. Delcour, toute une catégorie de personnes qui évidemment et à tous les titres, doivent y être maintenues, bien qu'elles acquittent la taxe du débit de boissons : ce sont entre autres les hôteliers, les confiseurs, les liquoristes, les pâtissiers, certains droguistes, etc. Ils sont certainement dans le corps électoral à un titre légitime par les divers impôts qu’ils acquittent, et il s'en trouve incontestablement un nombre plus ou moins considérable qui ne sont électeurs qu'à l'aide du droit sur les débits de boissons.

Ce que vous devez faire, c'est poser autrement votre question : proposez donc nettement l'exclusion des cabaretiers du corps électoral.

M. de Theuxµ. - Non ! non !

MfFOµ. - Mais c'est là ce que vous devez faire, parce que c'est eux que vous poursuivez. (Non ! non !) Evidemment, c’est ce que vous voulez.

M. de Theuxµ. - Mais non !

MfFOµ. - Vous dénoncez les cabaretiers comme étant des corrupteurs et des corrompus. comme étant de faux électeurs, comme ne possédant pas les bases du cens électoral et comme ne pouvant pas, dès lors, exercer légitimement le droit électoral. C'est donc bien le cabaretier que vous poursuivez, c'est lui que vous prétendez proscrire. (Interruption.) C'est sur ces malheureux cabaretiers qu'ont porté constamment toutes vos plaintes, toutes vos récriminations. Vous avez sans cesse dénoncé les cabarets comme des lieux de réunion où l'on va se pervertir. N'est-ce pas la thèse qui a été soutenue, et avec raison, je le reconnais, pour certaines localités industrielles ?

M. Delcourµ. - C'est ma proposition.

MfFOµ. - C'est donc bien le cabaretier que vous poursuivez.

M. Thonissenµ. - Le faux cabaretier.

MfFOµ. - Ah ! le faux cabaretier. Mais qui fera la distinction ? Et d'ailleurs je l'ai déjà dit et démontré : on fait plus de faux électeurs à l'aide de la contribution personnelle (les faits sont là qui l'établissent d'une manière évidente) qu'à l'aide de l'impôt sur le débit des boissons distillées. Arrière donc tous ces prétextes ! ce que vous voulez. c'est l'exclusion des cabaretiers du corps électoral.

Eh bien, il faut le dire ouvertement, loyalement ; mais il ne faut pas exclure du corps électoral des personnes qui ont des titres très légitimes à y figurer.

Je ne veux pas, messieurs, discuter davantage le fond de la question, je me borne à poser cette fin de non-recevoir : la proposition n'est pas un amendement, c'est une proposition principale que l'on peut renvoyer à la discussion du projet de loi déposé par l'honorable M. Delcour, ou dont on peut faire une loi spéciale, mais qui ne peut, sous aucun rapport. être considéré comme un amendement à la loi que la Chambre discute en ce moment. Je lui oppose donc la question préalable.

M. Coomansµ. - Messieurs, je viens démontrer qu'il n'y a pas lieu de poser la question préalable.

L'amendement de l'honorable M. de Theux nous place devant la plaie vive, mortelle de notre régime électoral. L'honorable ministre en parle fort à la légère. Il s'oppose à l'amendement parce que la question n'est pas mûre, dit-il. Moi, je dis qu'elle est plus que mûre, elle est pourrie. (Interruption.)

Comment ! la question n'est pas mûre, lorsque les penseurs de toutes les opinions, lorsque tous les hommes impartiaux reconnaissent que le point le moins excusable de notre législation électorale est le privilège scandaleux et odieux dont jouissent les petits cabaretiers.

Mais, dit M. le ministre des finances, pourquoi vous acharner contre la taxe du débit des boissons ? Cette taxe-là donne lieu à des fraudes, je le veux bien, mais tous les autres impôts, hormis l'impôt foncier, donnent lieu à des fraudes beaucoup plus nombreuses encore.

Voilà la thèse de M. le ministre. Mais moi, adversaire du cens, de l'argent comme base des droits politiques, n'ai-je pas le droit de tirer de cette affirmation de M. le ministre la conclusion que tout notre régime électoral ne vaut rien ?

Si vous parveniez à me convaincre que les autres bases d'impôt direct sont encore plus frauduleuses que celle de l'impôt sur le débit des boissons fortes, eh bien. je redoublerais d'efforts dans la guerre que je fais à notre régime électoral.

Vous déshonorez notre régime électoral en soutenant qu'il y a encore plus de fraudes pour l'impôt personnel et pour les patentes régulières que pour le débit de boissons.

L'honorable M. de Theux vous a présenté très froidement des observations très sensées.

L'honorable ministre des finances déclare qu'il n'y répondra pas.

Je sais bien pourquoi. C'est parce que la réponse est impossible. Et M. le ministre se hâte de passionner au lieu de raisonner. Il sait bien que c'est la condition principale de son existence ministérielle et politique.

J'avoue qu'il en est ainsi et il faut que l’honorable ministre soit bien convaincu qu'il se trompait il y a un an ou deux lorsqu'il affirmait que la plupart des cabaretiers étaient des électeurs cléricaux et que l'opinion cléricale était ingrate lorsqu'elle voulait les rayer des listes électorales ; il faut, dis-je, que l'honorable ministre soit bien convaincu que ce qu'il affirmait alors n'était pas vrai, puisqu'il vient aujourd'hui insister encore pour le maintien d'un pareil état de choses.

La vérité est que ce que j'appelle le parti ministériel, je le distingue du parti libéral et je voudrais pouvoir l'en distinguer davantage encore, a besoin des 11,000 faux électeurs cabaretiers, et que, sans eux, son existence devient impossible.

Mais, messieurs, cette raison, qui serait déjà suffisante pour justifier notre opposition à l'état actuel des choses, cette raison n'est que secondaire.

La vraie raison qui nous fait agir, c'est le scandale intolérable qui résulte de l'état actuel des choses.

M. le ministre, avec son habileté habituelle, voudrait induire l'honorable M. de Theux et ses amis en un amendement qui aurait, je l'avoue, beaucoup moins de chances de succès encore que celui qui vous est présenté. D'après l'honorable ministre, nous devrions demander tout simplement l'exclusion des cabaretiers du corps électoral.

Eh bien, nous ne ferons pas cela, non pas seulement parce que cela ne serait pas habile, mais parce que cela ne serait pas tout à fait juste an point de vue des droits acquis. D'après l'honorable ministre, cela ne serait pas même constitutionnel, parce que, selon lui, le droit de débit est une base constitutionnelle du droit électoral.

Donc, M. le ministre nous convie à violer la Constitution. Nous ne répondons pas à l'invitation. Nous lui laissons le privilège de la violation de la loi fondamentale.

Messieurs, pourquoi n'avons-nous pas demandé le retour à la loi de 1838 qui excluait des bases du cens le droit de débit des boissons fortes ? Parce que M. le ministre, et je crois, la plupart de ses amis sont trop engagés sur cette question pour reconnaître l'erreur qu'ils ont commise en 1849. Ils n'avoueront pas qu'ils se sont trompés et que le droit de débit est un simple droit de consommation.

J'avoue qu'an point de vue du décorum, il est difficile qu'on s'accuse ainsi et que l'on prêche noir après avoir longtemps prêché blanc.

Bien mieux vaut-il supprimer net l'impôt. Qui aura à s'en plaindre ? Ce ne sont pas les cabaretiers, on n'exclura personne. Vous ferez entrer dans votre corps électoral tous les citoyens qui payeront l'impôt direct de 42 fr. 32 c.

Les cabaretiers à qui on aura fait grâce de l'impôt que la plupart ne payent pas avec enthousiasme ne se plaindront certainement pas ; beaucoup se trouveront rayés des listes électorales mais beaucoup aussi seront contents d'en être rayés à cause de la pression excessive que leur double clientèle exerce sur leur conscience.

Je pourrais ne pas parler de la conscience de la catégorie des faux électeurs à qui je fais allusion, car je ne reconnais pas comme un citoyen consciencieux celui qui vend son vote.

Permettez-moi de vous rappeler que si à diverses reprises, depuis de longues années, j'ai proposé une augmentation de l'accise sur les eaux-de vie, je ne l'ai jamais fait qu'en vue d'obtenir la suppression du droit de débit. Je me suis expliqué soigneusement à ce sujet, car, pas plus alors qu'aujourd'hui, je n'étais partisan d'une augmentation quelconque des impôts de consommation.

Mais j'ai dit et redit à M. le ministre des finances : Cette taxe supplémentaire de consommation vous rapporte 1.500,000 francs environ ; eh bien, reprenez ces 1,500,000 francs sur l'accise, élevez l'accise au chiffre nécessaire pour que le trésor ait la compensation que vous désirez.

Vous le voyez, messieurs, j’admettais, dans cette hypothèse, à cause du grand but politique et moral que je voulais atteindre, une augmentation de (page 809) 1,500,000 francs de l'accise sur les eaux-de-vie qui rapportaient de 13 à 14 millions.

Que me répondit chaque fois M. le ministre des finances ? Que cette évolution fiscale était impossible, parce qu'il était très difficile d'augmenter l'impôt sur les eaux-de-vie.

En vain lui disais-je qu'en Hollande et ailleurs cet impôt était plus élevé que chez nous, il affirmait toujours que la réforme que je demandais n'était pas possible, et pourtant elle se réduisait à une augmentation de 1,500,000 francs, chiffre bien éloigné de celui de 10 millions, que M. le ministre nous propose aujourd'hui.

Comme je n’ai consenti à à une augmentation des droits d'accise qu'à la condition de supprimer la taxe supplémentaire des cabaretiers, je suis pleinement en droit, à ce point de vue-là seul, de refuser aujourd'hui l'augmentation demandée par M. le ministre des finances et je n'y manquerai pas.

M. de Theux vient de vous le rappeler, si vos propositions passent, vous aurez quadruplé l’impôt sur le genièvre.

Quadrupler un impôt, c'est beaucoup, surtout lorsqu'on a soutenu longtemps qu'on ne pouvait pas l'augmenter, même dans des proportions infimes.

Mais, messieurs, il y a encore quelque chose de plus singulier, c'est le caractère libéral qu'on veut attribuer à l'ensemble du projet de loi que nous discutons. On le qualifie de réduction d'impôts. Eh ! messieurs, il constitue en réalité une très grande aggravation de l'impôt. D'une main, M. le ministre des finances lâche six millions, mais de l'autre il en prend dix. Il faut convenir que c'est là une singulière opération quand on se place au point de vue libéral. Quant à moi, je ne suis pas dupe de cette façon de faire.

J'admets les réductions d'impôts proposées ; je les vote très volontiers ; mais je n'admets aucune augmentation d'impôts ; je suis obligé de n'accorder des recettes qu'en proportion des dépenses que j'approuve. Or, messieurs, comme il y avait un moyen très simple de réaliser les libéralités fiscales proposées aujourd'hui sans compensation, moyen qui consistait à réduire nos dépenses, je renvoie M. le ministre à l'époque où il sera disposé à faire des économies.

Messieurs, on peut repousser un impôt pour deux raisons : d'abord, quand l'assiette en est mauvaise et ensuite quand il est inutile ou excessif. C'est le cas aujourd'hui. On ne peut faire à l'amendement du comte de Theux qu'une seule objection qui me touche : c'est qu'il en résultera une diminution du nombre des électeurs.

En effet, il est prouvé aujourd'hui que le droit sur les débits de boissons fortes a créé 11,000 électeurs législatifs qui, sans ce droit, n'auraient pas figuré sur les listes électorales. Voilà, je l'avoue, une réduction assez notable que subirait notre corps électoral.

Je pourrais dire avec d'autres que cette objection n'est pas de nature à nous arrêter, attendu que s’il importe d'avoir un corps électoral très nombreux, le plus nombreux possible puisque je suis disposé à aller jusqu'au suffrage universel, il importe encore davantage d'avoir un corps électoral respectable et respecté.

Je suis convaincu que la suppression des onze mille faux électeurs cabaretiers ne nuirait en rien à la considération de notre corps électoral. Mais, moi, qui suis partisan d'une large extension du droit électoral, voire même du suffrage électoral, je ne me contente pas de cette réponse-là. En voici une autre que je fais à M. le ministre des finances.

Vous jugez convenable de compenser la perte que le corps électoral essuiera par suite de l'adoption de l'amendement de l'honorable comte de Theux. Soit ! Faites des propositions. Si vous n'en trouvez pas, je veux vous venir en aide ; en voici une...

Je ne la considère pas comme quelque chose d'idéal, de parfaitement juste et équitable, mais c'est un remède salutaire, quoique désagréable. Je consens à ce que vous éleviez de dix pour cent la contribution personnelle.

Cette idée, messieurs, je ne l'improvise pas ; j'y ai réfléchi depuis longtemps, faute de mieux ; je me suis entouré des renseignements que peut se procurer un simple représentant qui ne fouille pas dans les portefeuilles ministériels et autres ; et je suis arrivé à cette conclusion très approximativement juste que si l'on élevait demain de 10 p. c. les contributions personnelles on obtiendrait peut-être quinze mille électeurs en plus, y compris un certain nombre de ceux qui ne seraient plus sur les listes après l'adoption de l'amendement de l'honorable M. de Theux.

Les 10 p. c. prélevés en plus sur la contribution personnelle donneraient des résultats électoraux numériques dans une proportion plus forte que ces 10 p. c.

Je veux prouver à M. le ministre des finances que nous ne sommes pas intraitables au point de vue des scrupules que lui donne une diminution du corps électoral.

On nous traite quelquefois d'ennemi de notre régime électoral ; je suis tellement partisan d'un corps électoral bien composé, que je veux l'élargir autant que possible ; et comme je sais que la grande majorité du pays veut une réforme, je n'hésiterais pas à introduire dans le corps électoral quelques éléments douteux, parce que j’ai la conviction qu'ils se trouveraient noyés dans la masse.

Messieurs, voulez-vous savoir où sont les ennemis de notre régime électoral, c'est-à-dire de tout l'avenir de notre patrie ? C'est sur les bancs ministériels, où l'on s'obstine à maintenir notre régime électoral, repoussé par la raison, par l'équité, par le bon sens, par l'opinion publique presque tout entière ; voilà où sont les ennemis de notre régime électoral. Je leur laisse toute la responsabilité des conséquences de leur fatale obstination.

MpDµ. - Je ferai remarquer que la question préalable a été proposée, et il serait convenable qu'elle fût discutée.

M. Jacobsµ. - Messieurs, si M. le ministre des finances n'avait opposé la question préalable qu'aux considérations morales, électorales et politiques développées par les honorables MM. de Theux et Coomans, je l'aurais peut-être compris ; j'aurais compris qu'il demandât l'ajournement de cette discussion à une autre époque ; mais opposer la question préalable à notre proposition, dans les termes où elle est conçue, j'avoue que je ne le conçois pas.

Déjà, il y a quelques années, la section centrale chargée de l'examen du budget des voies et moyens de l'exercice 1868, dont l'honorable M. Sabatier était le rapporteur, a émis le vœu de voir examiner par le gouvernement s'il n'y avait pas lieu d'abolir le droit de débit sur les boissons et de le reporter sur l'accise.

C'est cette idée que nous reproduisons.

Il s'agit, aujourd'hui, de déterminer ce que l'alcool payera en Belgique ; il paye sous deux formes ; l'accise chez le distillateur, soit d'après le projet du gouvernement, 24,400,000 francs ; et il paye chez le débitant de boissons 1,500,000 francs ; soit en tout environ 26,000,000 de francs.

Nous demandons que les deux droits soient fusionnés en un seul ; nous demandons, en outre, que ce droit unique ne s'élève, en aucun cas, à plus de 24,400.000 francs.

La proposition se rattache donc directement au projet de loi ; il s'agit de savoir ce que payera l'alcool, combien il payera et s'il payera sous une forme ou sous deux formes.

La proposition est évidemment un amendement ; on peut le rejeter, on ne peut lui opposer la question préalable. Ce qui le démontre, c'est que la question a été examinée par les sections et par la section centrale, comme elle l’est par la Chambre aujourd'hui, et dans ces deux examens préalables il n'est venu à personne l'idée d'opposer la question préalable.

Il y a lieu d'examiner la question en un point de vue fiscal. au point des impositions. en faisant abstraction de toutes les considérations, si puissantes cependant, présentées par d'honorables préopinants à d'autres points de vue. Eh bien, lorsqu’on envisage cet impôt lui-même, une considération frappe ; c'est qu'il est unique en son genre. C'est le seul impôt qui frappe le petit plus fort que les grands : c'est le seul impôt par lequel le commerce en détail est frappé infiniment plus que le commerce en gros.

C'est là une anomalie qui n'existe nulle part ailleurs dans notre législation financière. Au premier abord, cela choque : c'est une anomalie. et il faut des raisons puissantes, des raisons exceptionnelles, pour maintenir une anomalie de ce genre dans nos lois.

Aussi, lorsque l'impôt a été établi en 1838, lorsqu'il a été transformé en 1849, on n'a pas dissimulé son caractère exceptionnel, mais on a prétendu qu'il existait des raisons puissantes qui, dans l’espèce, légitimaient cette exception faite aux principes en matière d'impôts.

On invoquait deux raisons que l'honorable M. de Theux vous a relatées.

Ces deux seules raisons n'existent plus.

On ne croyait pas que les agents du fisc pussent surveiller efficacement les distillateurs, fussent à même d'empêcher la fraude, si l'accise était plus élevée. C'est ce qui a fait augmenter l'accise en déguisant l’augmentation sous la forme du droit d'abonnement pour débit de boissons. Aujourd'hui l'on reconnaît qu'on peut frapper beaucoup plus l'alcool ; en Belgique on élève le droit de 35 centimes à 65 centimes ; en Hollande il est le double ; en Angleterre il est quatre fois plus fort, et cependant la surveillance existe ce qui démontre que la première raison invoquée en 1838 fait complètement défaut aujourd’hui.

On en invoquait une seconde, messieurs. Celle-là d'ordre moral est (page 810) plus puissante que la première. On voulait frapper exceptionnellement les débits de boissons en détail, quoique, en règle générale, le petit commerce doive être frappé moins que le grand. On voulait décourager, diminuer les débits en détail, on résolut de le frapper fort pour le restreindre dans son développement puisqu’on pouvait le faire disparaître.

Il résulte de la statistique renseignée dans le rapport de la section centrale que je citais en commençant et dans le rapport de M. Sabatier sur la proposition de Delcour, qu'on a atteint le résultat absolument opposé à celui qu'on avait en vue.

Voici, messieurs, quelques chiffres :

Pendant la période de 1838 à 1848, la première période décennale qui a suivi l'établissement de l'impôt, l'augmentation du nombre des débits a été de 6,000 et la consommation moyenne était de 6 litres et 6/10 par tête ; pendant la période de 1848 à 1857, le nombre des débits de boissons augmente non plus de six mille, mais de onze mille, et cependant la consommation décroît ; elle était de 6 litres et 6/10 dans la période précédente, elle tombe à 5 litres 7/10 environ par tête.

Pendant la troisième période de 1858 à 1867, le nombre des débits augmente de 34,000 et la consommation s'élève à 7 litres 3/4 par tête.

De sorte que. lorsqu'on prend la période trentenaire, on voit que le nombre des débits, qui était de 45,000 en 1838, est, au bout de la période, de 90,000, c'est-à-dire qu'il a augmenté de 100 p. c. ; tandis que l'on constate que la consommation de l'alcool n'a augmenté que de 6 litres 6/10 à 7 litres 3/4, c'est-à-dire d'environ 20 p. c.

Il n'y a donc aucun rapport entre l'augmentation de la consommation de l'alcool et celle du nombre des débits.

Les débits ont augmenté quand la consommation diminuait ; quand, plus tard, elle a augmenté, ils ne se sout plus multipliés en proportion de l'augmentation de la consommation. Il y a donc une autre raison à cette multiplication des débits, celle qu'on a dévoilée à tout l'heure : le droit électoral résultant du débit. C'est parce que le débit conduit au droit électoral qu'en dehors de toute augmentation de la consommation, le nombre des débits s'est multiplié à ce point qu'aujourd'hui, il y a environ 100,000 débits en Belgique.

Pendant la période de 1840 à 1850, alors que le droit de débit ne comptait pas dans le cens électoral, l'augmentation moyenne a été de 900 débits par an ; à partir de 1850, lorsque le droit de débit s'est trouvé faire partie du cens électoral, l'augmentation moyenne a été de 2,350 débits par an.

Ce que prétendent les auteurs de la proposition, c'est que l'augmentation des débits, qui a eu lieu contrairement à toutes les prévisions, résulte de causes absolument indépendantes de la consommation et que le droit de débit n'a pas atteint son but.

Vous vous rappelez la loi que nous avons été contraints de faire il y a quelques années, pour assurer le payement effectif du cens électoral. C’est l’impôt qui nous occupe qui en a été cause.

MfFOµ. - Ce n'est pas seulement pour cet impôt qu'a été faite la loi ; la contribution personnelle, les patentes étaient dans ce cas.

M. Jacobsµ. - Je sais que la loi porte sur tous les impôts. Mais c'est surtout à cause des fraudes signalées propos des débits de boisson que la loi a été présentée par l’initiative de quelques membres du Sénat et votée.

Je signale ce fait à l'attention de la Chambre. Le nombre des débits de boissons a augmenté énormément depuis qu'il confère le droit électoral. Qu'en est-il résulté ? C'est que. le nombre des débits augmentant, la consommation a progressé par voie de conséquence. C'étaient de faux débits dans l'origine ; mais le jour où il s'est trouvé devant une fenêtre quelques flacons de liqueur, des verres, une table et des chaises, l'occasion faisant le larron, les faux débits établis dans un but électoral sont devenus peu à peu de vrais débits, de sorte que le droit électoral attaché au droit de débit de boissons a été une nouvelle cause de la multiplication de ces débits.

Vous le voyez donc, les deux raisons qui ont existé autrefois pour justifier l'anomalie que constitue dans notre législation fiscale le droit de débit, l'intention de diminuer le nombre de ces débits et l'impossibilité d'augmenter directement l'accise, ces deux raisons n'existent plus aujourd'hui.

L'expérience a prouvé que le but qu'on poursuivait n'était pas atteint, qu'on atteignait même le but contraire. Il est certain aussi que l'on peut désormais frapper directement l’alcool. Dès lors, il faut revenir sur la loi de 1838, supprimer le droit de débit en détail des boissons alcooliques et se contenter du droit d'accise qui frappe proportionnellement tous les consommateurs d'alcool.

M. Delcourµ. - Une grande partie des observations que je voulais présenter viennent de l’être par l’honorable M. Jacobs. Je me bornerai à redresser l'erreur dans laquelle est tombé l’honorable ministre des finances en appréciant la proposition que j'ai eu l’honneur de faire, dont la Chambre est saisie et sur laquelle une section centrale a fait son rapport.

Il est aisé de comprendre que ma proposition ne pouvait avoir le but que lui a assigné l’honorable ministre des finances.

L'honorable ministre a dit : Au fond, votre proposition est la même que celle de l'honorable M. de Theux. Non, messieurs, lorsque ma proposition a apparu au sein de la Chambre, nous nous trouvions dans une situation différente de celle qui existe aujourd'hui. Il ne s'agissait pas alors de la suppression du droit ; il s'agissait uniquement d'attirer l'attention du gouvernement sur un fait qui avait été reconnu par tout le monde, sur les nombreuses fraudes électorales qui avaient été commises et surtout sur ce qu'à l'aide de ces fraudes on exerçait sur les communes des pressions que nous étions unanimes à regretter.

Ma proposition avait seulement pour but d'écarter du corps électoral un certain nombre de personnes qui exerçaient une influence de nature à nuire aux véritables intérêts des communes.

Messieurs, je tiens à rappeler à la Chambre dans quelles circonstances ma proposition s'est produite.

Nous discutions le budget des voies et moyens je me suis rallié aux critiques dom cet impôt avait été l'objet.

J'insistai sur les inconvénients auxquels il donne lieu et surtout sur le danger qu'il y a à le conserver pour la formation du cens provincial et communal.

L'honorable ministre des finances n'a pas combattu la proposition au fond ; sans s'engager, il a reconnu qu'il y avait quelque chose à faire, et que l'intervention des cabaretiers dans les élections communales pouvait ne pas être sans inconvénients.

Mais il fit remarquer en même temps que la question ne pouvait être introduite dans le vote du budget et qu'il serait préférable d'en faire l'objet d'un projet de loi spécial.

L’observation était juste, et je m'y suis rallié.

Je ne poursuivais donc pas l'exclusion des cabaretiers ; ce n'est pas une proposition dirigée contre eux. Mais, en présence des fraudes auxquelles l'impôt sur le débit de boissons donne lieu, je ne voulais pas maintenir dans les communes une influence condamnée au point de vue de la police communale.

Il est inutile de répéter, messieurs, que sous l'empire de la loi de 1838, qui a créé l'impôt sur les débits de boissons, une disposition expresse déclarait qu'il ne serait point compté pour former le cens électoral ; c'était le côté moral de la loi de 1838.

La loi de 1849 1'a fait disparaître ; à partir de ce moment, l'impôt a été considéré comme direct et compris dans la formation du cens électoral.

La Constitution ayant adopté comme base du cens le payement des contributions directes, l'honorable ministre des finances a constamment prétendu qu’il serait inconstitutionnel de ne pas comprendre dans la formation du cens l’impôt dont il s'agit. Sans vouloir adopter cette interprétation du gouvernement, j’ai pensé que nous pourrions nous entendre avec M. le ministre sur le terrain communal et provincial ; tel a été le motif qui m'a engagé a restreindre ma proposition dans ce sens.

Ici nous n'étions plus arrêtés par la question constitutionnelle.

Du reste, la Chambre avait été saisie déjà de cette question par l’honorable M. Sabatier qui, en qualité de rapporteur du budget des voies et moyens de 1868, l'avait signalée à l'attention du gouvernement et du pays.

Ma proposition est donc essentiellement différente de cette de mes honorables amis, M. de Theux et M. Jacobs. Jamais je n'ai demandé la suppression du droit, quoique je l'eusse désirée.

Non, ce point n'a pas fait l'objet de l'examen de la section centrale ; la Chambre s’en assurera en jetant les yeux sur le remarquable rapport de l'honorable M. Sabatier.

Je n'ai pas à m’expliquer aujourd'hui sur le fond de ma proposition ; je m'en réfère au rapport de la section centrale qui l'a justifiée, en termes éloquents, par des faits qui méritent toute votre attention.

Que l'impôt sur le débit des boissons alcooliques soit devenu la source de nombreuses fraudes électorales, c'est ce que personne ne peut contester.

Depuis 1857. époque ou nos luttes politiques sont devenues si vives, 35,000 déclarations nouvelles de débits de boissons ont été faites sans que la consommation du genièvre ait augmenté dans une proportion égale.

Permettez-moi maintenant, messieurs, de vous dire un mot de la proposition de mes honorables amis.

(page 811) Est-elle fondée ? pouvait-elle se produire dans la discussion du projet de loi qui nous occupe ?

Mes honorables amis l'ont pensé avec raison. Les motifs qui ont fait décréter la loi de 1838 n'existent plus.

L'honorable comte de Theux a dit sa haute autorité que 24 millions demandés à la fabrication des eaux-de-vie est un impôt plus que suffisant, et qu'il serait inouï de conserver dans notre législation financière et électorale un principe qui n'est admis par aucun autre peuple de l'Europe.

Je n'insiste pas là-dessus, mais je tiens à répéter avant de finir, que ce n'est point dans une pensée d'exclusion que ma proposition a été faite. J'ai cru qu'il y a un danger réel pour la société et les communes à conserver parmi les éléments du cens un impôt qui amène dans le corps électoral des hommes qui sont honorables, sans doute, mais qui acquièrent une prépondérance souvent nuisible à la bonne direction des communes.

S'il y a des professions à encourager, ce n'est certainement pas celle de cabaretier.

MfFOµ. - Toute la discussion à laquelle on se livre prouve manifestement, pas un seul orateur ne peut échapper à cette observation, qu'il s'agit d'une question électorale. (Interruption.) Il ne s'agit pas d'autre chose ! On fera autant de subtilités que l'on voudra, on y mettra toutes les finesses possibles, on essayera par tous les moyens imaginables de persuader que c'est uniquement à cause de l'augmentation du droit sur les eaux-de-vie que l'on propose de réduire l'impôt qui grève les débitants de boissons alcooliques ; vains efforts ! Personne n'y croira, ni dans cette Chambre ni au dehors.

Comment persuadera-t-on un homme sensé que l'on préconise, d'une part, l'augmentation du droit sur l'eau-de-vie, afin d'en réduire, s'il se peut, la consommation ; alors que, d'autre part, on vient proposer, en même temps, la suppression d'une fraction de ce droit qui frappe plus directement les cabaretiers ? Evidemment ce sont là des idées contradictoires.

Vous ne convaincrez personne que vous voulez sérieusement, sincèrement faire prévaloir, en même temps, ces deux moyens, qui sont en opposition directe entre eux.

Il faut donc être franc. C'est le cabaretier que l'on poursuit, et c'est la question électorale que l'on veut introduire dans le débat. Eh bien, c'est à cette question que j'oppose la question préalable et j'y suis autorisé.

Je répète encore que je n'agis nullement ainsi dans la pensée de déserter le débat. Cette discussion se présentera nécessairement lorsque nous examinerons la proposition de l'honorable M. Delcour.

En vain, cet honorable membre nous dit-il que sa proposition diffère de celle de l'honorable M. de Theux, ce que personne ne peut méconnaître, quand on ne considère que la forme sous laquelle chacune d'elles a été produite ; mais il doit avouer aussi qu'elles ont au fond le même but : celui d'éliminer du corps électoral certains éléments, soit pour les élections générales, soit pour les élections provinciales et communales.

Nous pouvons donc attendre la discussion de cette proposition. Lors qu'elle aura lieu, j'aurai l'occasion de rencontrer les diverses observations qui viennent d'être présentées.

Je démontrerai à l'honorable M. Jacobs et l'honorable rapporteur de la section centrale que l'on s'est trompé dans l'observation des faits, que les conséquences auxquelles on aboutirait ne sont pas celles que l'on espéré obtenir ; que l'on s'écarte beaucoup du but que l'on a compté atteindre. Mais le moment n'est pas opportun de faire actuellement cette démonstration.

Je ne recule donc pas devant ce débat et je suis prêt, si on le désire, à le fixer à un terme très rapproché ; mais ce n'est pas à l'occasion de la loi que nous discutons qu'il faut l'aborder.

M. Coomansµ. - J'ai deux mots à répondre à l'honorable ministre, ne fût-ce que pour rectifier une assertion complètement inexacte.

L'honorable ministre croit que c'est uniquement au point de vue électoral que je me place. Il se trompe.

Il est vrai que c'est là une des considérations les plus graves que nous ayons à faire valoir contre le droit de débit. Mais, comme je l'ai déclaré, il y a une demi-heure, je trouve que votre augmentation du droit sur le genièvre est très exagérée. Je n'en veux pas et, comme moyen accessoire d'atteindre le but que j'ai en vue, j'ai demandé la suppression des 1,500,000 francs qui continueront de peser sur la consommation.

Ne vous le dissimulez pas, votre prétendue réforme n'est pas démocratique du tout. C'est dans la poche des classes populaires que vous allez prendre vos 10 millions en plus.

Vous en prenez 21 par l'accise et 1 1/2 par le droit de débit.

Voilà 26 millions.

C’est une taxe très exagérée au point de vue des intérêts des classes laborieuses, au point de vue, plus important encore, de la justice sociale.

Je repousse votre augmentation ; je vous ai demandé pourquoi, sous prétexte de supprimer 6 ou 7 millions au plus, vous en preniez 10 ? Et, en définitive, qui favoriserez-vous par votre réforme ? Principalement les classes électorales ; nous autres, nous gagnerons tous à la réforme postale ; mais je demande ce que les ouvriers y gagneront ? Rien. M. le ministre des finances a démontré lui-même, à plusieurs reprises et très suffisamment selon lui, que la suppression de la taxe du sel ne profiterait point au peuple proprement dit, que la suppression du droit d'entrée sur les poissons aurait des résultats complètement insignifiants ; il doit donc reconnaître que ces mesures ne sont pas prises dans un intérêt populaire.

Quant à prétendre que votre réduction de la taxe postale est faite dans un intérêt populaire, vous ne l'oserez pas. J'ai le courage de mes opinions et je déclare que je suis l’adversaire décidé de toute augmentation des droits d' consommation et que jamais je n'ai eu l'intention de voter une augmentation sur l'accise des alcools ; ainsi que je l'ai dit tout à l'heure, j'ai consenti une augmentation de 1,500,0000 francs, mais comme compensation de la suppression de la taxe supplémentaire.

Deux mots encore. Eu égard au but que j'ai en vue, je dois poser cette question à M. le ministre : Est-ce que notre traité avec la Hollande lui permet de faire voter l'article 11 du projet de loi ? Je demande formellement que M. le ministre s'explique à cet égard ; je lui demande s’il est arrivé oui ou non des réclamations de La Haye.

Des journaux qu'on dit bien informés ont dit oui ; je n'en sais rien et c'est parce que je n'en sais rien que je pose la question.

Je ne reculerai pas devant le reproche qui pourrait m'être adressé de prendre le parti de l'étranger. Ce reproche saurait jamais m'atteindre. Dans l'affaire du barrage des deux bras de l’Escaut. on m'a reproché de prendre le parti de l'étranger contre ma patrie. Mais on doit reconnaître aujourd'hui que j'ai eu raison d'émettre des doutes sur la convenance de l'opposition très inutile, très fâcheuse et presque insensée qu'on a faite à cet excellent travail, pour lequel la Belgique devrait payer des millions s’il n'était pas fait.

Dans la question qui nous occupe, ce reproche ne me sera probablement pas fait puisque M. le ministre, dans la question des sauniers, a pris d'avance le parti de la diplomatie du gouvernement français contre ceux de mes amis qui demandaient qu'on sauvât l'industrie de la saunerie.

MfFOµ. - Si, dans la question des sauneries, nous avons reconnu que le traité avec la France, dont, au surplus, ce que l'on a oublié, les dispositions ont été rendues d'application générale par la loi de 1865, était obstatif à l'établissement d'un droit d'entrée, c'est parce que le texte et l'esprit du traité me paraissaient conformes à cette interprétation. Si, en ce qui touche l'élévation du droit d'entrée sur les alcools, nous avions eu l'ombre d'un doute quant à notre droit, nous n'eussions pas proposé la mesure qui est soumise à la Chambre. Mais nous n'avons aucun doute à cet égard : notre droit nous paraît incontestable. Nous avons en conséquence fait la proposition qui est maintenant soumise à la Chambre.

M. Rogierµ. - Je demande à expliquer mon vote qui sera contraire à la proposition des honorables MM. de Theux et Jacobs.

Je m'étonne que des hommes aussi sérieux que l'honorable comte de Theux et son jeune collègue aient donné leur nom à cette proposition.

Quelle est, messieurs, l'origine du droit de débit de boisson qui occupe une si grande place dans nos discussions depuis des années ? A l'origine, ce droit avait un but moral plus encore que fiscal ; il s'agissait de restreindre par des moyens aussi énergiques que possible la consommation, l'abus des liqueurs fortes dans les classes populaires.

A cette époque, il y avait dans cette Chambre un assez grand nombre de représentants qui défendaient unguibus et rostro toute élévation de droits sur les distilleries. Au lieu de relever le droit d'accise, on trouva donc le moyen transactionnel de frapper les boissons distillées à la consommation et l'on établit le droit de débit.

Plus tard, et plusieurs reprises, le droit d'accise. fut relevé et personne, à cette occasion, ne demanda la suppression du droit de débit.

Aujourd'hui, ceux qui représentent les cabarets comme une source d'immoralité, et les débitants comme des hommes indignes de figurer sur les listes des électeurs, que viennent-ils nous proposer ? Que viennent vous proposer ceux mêmes qui veulent, en principe, augmenter le nombre des électeurs ? Ils viennent, en réalité, vous proposer, d'une part, d'augmenter le nombre des cabarets en supprimant le droit de débit, et, d'autre part, réduire le nombre des électeurs en supprimant les bases d'un droit direct, reconnu comme tel par le législateur depuis 1849.

(page 812) Voilà donc en deux mots la conséquence de la proposition de MM. de Theux et Jacobs : diminution du nombre des électeurs et augmentation des cabaretiers. Tel est, messieurs, le côté moral de la proposition.

Mais, si je ne me trompe, messieurs, l'abus des liqueurs fortes ne provient-il pas en grande partie du grand nombre de cabarets ? Ce qu'il faudrait tâcher de restreindre, ce serait, si je puis ainsi dire, ces attractions, ces amorces qui se multiplient dans nos villes et surtout dans nos villages. Un seul cabaret attirerait un certain nombre de buveurs, mais dix cabarets les attirent dix fois : il est d'usage et de bon ton à certains jours, dans certaines communes rurales, de fréquenter successivement tous les cabarets de la commune. (Interruption.)

Eh bien, loin de concourir à augmenter le nombre de ces établissements en les exonérant, je voterais plutôt une proposition qui tendrait à le diminuer.

Je crois, messieurs, que M. le ministre des finances a parfaitement qualifié la proposition de MM. de Theux et Jacobs, en disant que c'est une proposition politique. Je tiens que ce n'est pas autre chose. A ce point de vue, elle viendra naturellement à sa place dans la discussion du projet sur la formation du cens communal et provincial, donc l'honorable M. Sabatier est rapporteur, et qui figure à notre ordre du jour.

D’après le projet pour les élections communales, le droit de débit n'est pas compté pour former le cens électoral. Eh bien, ceux qui ne veulent pas que le droit de débit concoure à la formation du droit électoral trouveront une satisfaction au moins partielle ; ceux qui en même temps veulent conserver cette ressource au trésor, trouveront également satisfaction ; enfin, il en sera de même de ceux qui pensent qu'en restreignant, par un impôt quelconque, le débit des boissons distillées, on diminuera aussi les occasions de boire ; la restriction introduite en 1838 sera maintenue.

Messieurs, sans vouloir prendre ici sous mon patronage les débitants de boissons, je trouve qu'on les traite de manière un peu dure. Si l'on fait la guerre en principe à ceux qui débitent les boissons distillées, ne faudrait-il pas d'abord attaquer ceux qui les produisent ; s'il n'y avait pas de distillateurs, il n'y aurait pas de débitants !

Il y a certainement, parmi les débitants de boissons, des gens qui n'ont pas beaucoup d'instruction ; mais il y a d'autres catégories d'industriels électeurs qui ne sont pas beaucoup plus relevés que ces citoyens-là.

Quoi qu'il en soit, je consentirais volontiers à me rallier à la proposition de l'honorable M. Sabatier, qui consisterait à ne pas comprendre dans le cens électoral communal le droit de débit, la condition qu'il y ait une compensation par l'introduction d'éléments nouveaux pour la formation du cens électoral.

Je déclare, dès à présent, que je ne donnerai la main à aucune mesure qui aurait pour but de réduire le nombre des électeurs ; nous devons tendre, au contraire, à en accroître le nombre, et je repousserai toute proposition de suppression d'impôt direct dont l'effet serait de restreindre le nombre des électeurs, sans compensation.

- La clôture est demandée.

M. Dumortierµ (contre la clôture). - Je demande la Chambre de ne pas clore la discussion ; j'ai quelques observations à présenter. Je ne serai pas long.

- Des membres. - Aux voix !

MpDµ. - La clôture est demandée. Je dois la mettre aux voix.

M. Dumortierµ. - J'ai à présenter en peu de mots l'objection principale contre la proposition de M. le ministre des finances.

MpDµ. - C'est le fond ; vous ne pouvez parler que contre la clôture.

M. Dumortierµ. - Je dois bien dire pourquoi je désire que la discussion ne soit pas close : vous m'avez accordé la parole contre la clôture et vous ne me laissez pas parler.

MpDµ. - Je ne puis pas vous laisser parler sur le fond.

M. Dumortierµ. - Je veux démontrer à la Chambre...

- Des membres. - Aux voix !

M. Dumortierµ. - Vous voulez frapper les cabaretiers par deux côtés...

- De toutes parts. - Aux voix !

M. Dumortierµ. - Jamais proposition n'a été plus à sa place que celle de l'honorable M. de Theux...

MpDµ. - Vous rentrez dans le fond.

M. Dumortierµ. - Je me rassieds, puisqu'on ne veut pas me laisser parler.

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

MpDµ. - Je dois d'abord mettre aux la question préalable proposée par M. le ministre des finances sur la proposition de MM. de Theux et Jacobs.

- Voix nombreuses. - L'appel nominal !

- Il est procédé à l'appel nominal.

100 membres y prennent part.

63 répondent oui.

37 répondent non.

En conséquence la question préalable est adoptée.

Ont répondu oui :

MM. de Breyne-Dubois, de Brouckere, De Fré, de Kerchove de Denterghem, De Lexhy, d'Elhoungne, de Macar, de Maere, de Rongé, de Rossius, Descamps, Dethuin, de Vrière, de Vrints, Dewandre. Elias, Frère-Orban, Funck, Guillery, Hagemans, Hymans, Jacquemyns. Jamar, Jonet, Jouret, Le Hardy de Beaulieu, Lippens, Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Orban, Orts, Pirmez, Preud'homme, Rogier, Sabatier, Sainctelette, Tesch, T'Serstevens, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Merris, Vleminckx, Warocqué, Watteeu, Ansiau, Anspach, Bara, Beke, Bricoult, Broustin, Bruneau, Castilhon, Couvreur, Crombez, David, de Baillet- Latour et Dolez.

Ont répondu non :

MM. Declercq, Eugène de Kerckhove, Delaet, Delcour, de Montblanc, de Muelenaere, de Naeyer•, de Terbecq, de Theux, de Zerezo de Tejada, Dumortier, Gerrits, Hayez, Jacobs, Janssens, Julliot, Kervyn de Lettenhove. Lefebvre, Liénart, Magherman, Moncheur, Mulle de Terschueren, Reynaert, Royer de Behr, Schollaert. Tack, Thienpont, Thonissen, Vander Donckt, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Visart, Wasseige, Wouters, Coomans et Coremans.

MpDµ. - Nous passons maintenant à la discussion de l'article 6.

La parole est à M. Vleminckx. (Interruption.)

M. Vleminckxµ. - La Chambre paraissant pressée d'en finir, je renonce à la parole.

M. Maghermanµ. - Messieurs, dans la séance du 28, l'honorable M. Vander Donckt s'est constitué l'interprète des doléances des distillateurs de jus de betteraves et s'est plaint de l'élévation des droits que le projet de loi veut leur imposer. Le rendement légal de leur industrie est porté de 7 à 8 litres d'alcool 50 degrés, d'après des expériences faites par les agents du fisc. Les intéressés contestent l'exactitude de ces expériences. Ils disent et avec une grande vérité que le rendement de la betterave varie d'année en année, que tantôt elle est riche en matière saccharine, tantôt elle est relativement pauvre ; le rendement des betteraves récoltées la même année peut même considérablement différer d'après le sol qui les a produites et le mode de culture auquel elles ont été soumises.

Ils prétendent que les expériences faites par les agents du fisc doivent l'avoir été dans des conditions exceptionnellement favorables pour obtenir un pareil rendement, mais que le résultat constaté ne présente rien de normal. En conséquence ils réclament de nouvelles expériences.

Je demanderai à l'honorable ministre des finances s'il ne pourrait pas consentir à ce que le rendement légal des distilleries de betteraves soit maintenu à l'ancien taux jusqu'au 31 décembre prochain.

On sait que la distillation du jus de betteraves ne commence qu'au mois d'octobre et ne se prolonge que pendant quelques mois. On pourrait mettre à profit la prochaine campagne pour faire de nouvelles expériences, et d'après le résultat de ces expériences, le rendement légal pourrait être maintenu à 7 ou porté à 8.

Si le gouvernement consent à cette proposition, le droit à percevoir sur les eaux-de-vie provenant de la distillation des betteraves serait provisoirement fixé à 4 fr. 55 c. par hectolitre de contenance des vaisseaux imposables, comme on propose de le faire pour les distilleries l'on opère sur le seigle.

La distillerie des betteraves est une industrie nouvelle, récemment introduite dans le pays ; elle mérite toutes nos sympathies, car elle opère sur une matière qui ne sert pas de nourriture à l'homme ; son développement ne peut donc pas contribuer au renchérissement des denrées alimentaires des classes ouvrières comme celui des autres distilleries, et elle est très avantageuse à l'engraissement du bétail.

Il serait extrêmement regrettable que les distillateurs de betteraves dussent cesser leur industrie comme ils en expriment la crainte et semblent en avoir la certitude, à la suite des nouveaux droits qui vont les frapper. Quelques-uns ont engagé des capitaux considérables dans cette industrie (les usines que je connais fonctionnent à l’aide de machines à vapeur) et (page 813) leur existence est trop récente pour que les bénéfices réalisés aient pu les indemniser des sacrifices faits. Je conjure donc le gouvernement de consentir à cette nouvelle épreuve.

Si, ainsi que je l'ai dit dans une autre séance, le gouvernement se décidait à prendre pour base de l'impôt, non un rendement supposé d'après la capacité des vaisseaux, mais le produit même des distilleries, il préviendrait toutes ces contestations et récriminations entre les divers intéressés. Chacun payerait d'après ce qu'il produit en réalité et le progrès de la fabrication ne serait gêné par aucune entrave.

Je n'insiste pas sur cette idée, parce que, pour le moment, elle me paraît pas avoir de chance de succès. Mais je demeure convaincu qu'on en reviendra à ce système, qui fonctionne avec succès en Hollande, en France et en Angleterre.

MfFOµ. - Les rendements indiqués dans le projet de loi ont été déterminés par des expériences qui ont été faites par les soins de l'administration.

Maintenant il s'agit là de faits qui peuvent être plus ou moins variables, qui ne sont pas irrévocables, définitifs et devant subsister quand même. En ce qui concerne la déduction de 15 p. c. accordée aux distilleries agricoles, nous avons constaté que l'état des faits actuels ne permet point d'accueillir une proposition qui aurait pour effet d'abaisser le taux de cette déduction. Rien ne la justifie. Si des faits ultérieurs viennent démontrer qu'il y a lieu d'opérer quelques changements, ces changements seront proposés. De même quant aux rendements qui ont été admis comme résultant de la distillation des céréales, des jus de betterave, des mélasses, etc.

Si des expériences ultérieures venaient à constater qu'il y a lieu de modifier les bases adoptées, des propositions seraient faites à la Chambre.

Il est à remarquer, messieurs, que l'administration n'a en cela aucun intérêt. Elle doit chercher à être juste, à maintenir un équitable rapport entre les produits présumés de chacune des matières soumises à la distillation. Voilà son devoir. Eh bien, ce devoir, elle doit toujours et constamment le remplir. Si l'on en venait, d'un autre côté, à constater, sur l'ensemble des productions, des excédants de rendement qui devinssent un peu notables, ils se manifesteraient, aux yeux de l'administration et du public, par une exportation qui deviendrait beaucoup plus considérable. Très vraisemblablement il en serait ainsi, et alors le trésor lui-même serait très intéressé à ce que des propositions nouvelles fussent soumises à la Chambre pour empêcher son revenu d'être détourné de sa destination. Nous aurions éventuellement à proposer, par exemple, la diminution de la décharge accordée à l'exportation.

Alors seulement, il y aurait lieu d'introduire dans la loi des modifications que l'expérience aurait justifiées. Celles que l'on propose actuellement n'ont aucunement ce caractère.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Dans la discussion générale, j'ai annoncé que je voterais contre l'augmentation du droit sur les eaux-de-vie.

Quelques-uns de mes amis ont paru comprendre que j'étais partisan de l'extension de la consommation des eaux-de-vie. Ce n'est pas du tout à ce point de vue que je me suis placé. J'ai voulu protester contre ce fait que la loi qui est soumise à nos délibérations aura pour effet de décharger les classes aisées d'environ 2 millions d'impôt, de les reporter avec un accroissement de 3 millions exclusivement sur la classe laborieuse.

Voilà pourquoi j'ai annoncé l'intention de voter contre l'article 6.

Cependant, je déclare que je voterai l'ensemble de la loi. Mais je me réserve, lors de la discussion du budget des voies et moyens, de proposer de réduire l'accise sur la bière de façon à amener, pour les classes qui sont frappées par le présent projet de loi, une ample compensation. Si je n'obtiens pas cette compensation sur la bière, la proposerai sur d'autres articles.

Je tenais à faire ces observations pour qu'on ne se méprît pas sur mes intentions.

MpDµ. - Je mets l'article aux voix.

M. Dumortierµ. - Ne peut-on plus parler ?

MpDµ. - Vous n'avez pas demandé la parole. Si vous la désirez, je vous l’accorderai.

M. Dumortierµ. - Puisque j'ai maintenant la parole, je dirai ce que je voulais dire tout à l'heure.

MpDµ. - Ne vous éloignez pas de l'article, sinon, je devrai vous rappeler à la question.

M. Dumortierµ. - C'est ce que je fais, M. le président. Vous ne savez pas encore ce que vais dire.

La loi, telle qu'elle est présentée, et privée de l'amendement qu'avait formulé mon honorable ami le comte de Theux, offre ce résultat déplorable, qu'elle frappe une seconde fois une industrie. La loi a frappé une première fois cette industrie en établissant sur elle un impôt spécial. Elle frappe maintenant cette industrie en la forçant à réduire sa consommation.

Je ne prétends pas que cette réduction de la consommation soit un mal ; mais précisément dans le moment où l'on réduit cette consommation, il me semble fort injuste de vouloir maintenir envers et contre tous, dans un but électoral, un impôt spécial sur cette même industrie que l'on frappe.

Je dis donc que c'est une chose injuste et qu'il ne m'est pas possible de voter une chose injuste. D'un autre côté, le privilège dont vont jouir les distilleries agricoles va s'accroître considérablement par le fait de l'augmentation du droit. (Interruption.) Ventre affamé n'a pas d'oreilles ; je n'en dirai donc pas davantage.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Article 7

« Art. 7. La quotité de l'accise établie par la loi du 27 juin 1842 modifiée, sur la macération, la fermentation et la distillation des fruits à pépins et noyaux, sans mélange d'autres matières produisant de l'alcool, est portée à 3 fr. 45 c. par hectolitre. »

- Adopté.

Article additionnel (nouveau)

MpDµ. - M. Thonissen a proposé le paragraphe additionnel suivant :

« La déduction de 15 p. c., accordée par l'article 5 de la loi du 27 juin -1842 modifiée (Moniteur de 1853, n°227), est réduite à 10 p. c. »

- Cette proposition est mise aux voix ; elle n’est pas adoptée.

Article 8

« Art. 8. Le taux de la décharge est fixé 65 francs par hectolitre d'eau-de-vie à 50° Gay-Lussac, à la température de 15° centigrades.

M. le ministre des finances a proposé d'ajouter la disposition suivante :

« § 2. Par modification au paragraphe premier de l'article 22 de la loi du 27 juin 1842 modifiée, le minimum des quantités d'eau-de-vie admises à l'exportation est abaissé de 10 à 5 hectolitres. »

- L'article primitif es le paragraphe nouveau, proposé par M. le ministre des finances, sont successivement mis aux voix et adoptés.

Articles 9 à 11

« Art. 9. Si un distillateur travaille sans avoir payé ou cautionné les droits, ou s'il est constitué en contravention pour un fait tombant sous l'application du paragraphe 16 de l'article 32 de la loi du 27 juin 1842 modifiée, l'administration peut, si elle le juge nécessaire pour la sûreté du payement des droits dus et des amendes encourues, saisir et faire enlever tous les ustensiles et vaisseaux de l'usine, en vertu d'une ordonnance du président du tribunal. »

- Adopté.


« Art. 10. § 1er. Le paragraphe premier de l'article 16 de la loi du 18 juillet 1860 (Moniteur, n°201) est applicable à la perception des droits fixés par les articles 6 et 7 ci-dessus.

« § 2. Les contraventions aux mesures prises en exécution du 12ème alinéa nouveau de l'article de la loi du 27 juin 1842 modifiée et de l'articl16 e de la loi du 18 juillet 1860, sont punies d'une amende égale au décuple de l'accise calculée à raison d'un renouvellement de matières opéré dans les vaisseaux imposables compris dans la déclaration de travail. »

- Adopté.


« Art. 11. Les droits d'entrée sur les boissons distillées sont fixés par hectolitre comme il suit :

« Eaux-de-vie de toute espèce :

« en cercle à 50° ou moins, de fabrication néerlandaise : 77 fr. 50.

« en cercle à 50° ou moins, autre fabrication : 72 fr. 50.

« en cercle, pour chaque degré au-dessus de 50, de fabrication néerlandaise : 1 fr. 55.

« en cercle, pour chaque degré au-dessus de 50, autre fabrication : 1 fr. 45.

« en bouteilles et liqueurs sans distinction de degré : 145 fr.

« Autres liquides alcooliques : 102 fr. »

- Adopté.

Article 12 (nouveau)

MpDµ. - Ici vient l'article 12 nouveau, proposé par M. le ministre des finances.

Il est ainsi conçu :

« Si le montant des sommes à allouer aux communes en 1870, conformément à l'article 3 de la loi du 18 juillet 1860 (Moniteur, n°201) (page 814) dépasse de 19,000,000 de francs, l'excédant sera provisoirement déposé à la réserve du fonds communal pour être réparti entre les communes pendant les années suivantes ; toutefois, la part d'une année ne pourra, du chef de cette dernière répartition, être supérieure de plus de 5 p. c. à celle qui aurait été calculée d'après la même progression pour l'année précédente. »

M. Tackµ. - Je désire demander une explication à M. le ministre des finances à propos de l'amendement à l'article 12 :

Le fonds communal, d'après les calculs de M. le ministre, va recevoir un accroissement de 3,000,000 de francs par suite de l'application de la loi en discussion.

C'est un résultat auquel j'applaudis et qui aura cette double conséquence de hâter le moment où toutes les communes seront placées sur le pied de l'égalité au point de vue de la répartition du fonds communal et ensuite de permettre à beaucoup de villes de maintenir plus facilement leur équilibre financier.

Il est donc désirable que les trois millions dont vous a parlé le ministre profitent le plus tôt que faire se pourra au fonds communal.

Des quantités considérables d'eau-de-vie seront importées dans le pays ou fabriquées avant le 1er juin prochain.

La recette sera donc plus importante que pour une année ordinaire et, partant, la part du fonds communal sera très élevée ; à tout considérer, cette augmentation appartient autant aux exercices futurs qu'à l'année 1870.

Elle forme une anticipation sur le revenu des années subséquentes ; aussi je comprends qu'on restreigne pour 1870 le fonds communal au chiffre de 19 millions, d'autant plus que d'après la prévision du budget de 1870 la part du fonds communal ne devait s'élever qu'à 17,639,000 francs ; et j'approuve la création d'une réserve formée au moyen de l'excédant et la distribution de cette réserve au fonds communal pendant les années subséquentes. Mais Je ne vois pas trop, par la rédaction de l'amendement, comment se fera la répartition, quelle règle on suivra ; texte de l'amendement me paraît obscur. Je demande que la distribution de la réserve ait lieu de manière à faire progresser le plus rapidement possible le fonds attribué aux communes.

En tout cas, il doit être entendu que la réserve ne peut être prélevée que sur l'excédant du produit en 1870, et que rien ne puisse être distrait du produit afférent aux années suivantes ; en telle sorte que, dès 1871, le fonds communal recueille complètement le bénéfice à résulter de l’augmentation du droit d'accise sur les eaux-de-vie.

En un mot, j'interprète l'amendement en ce sens que le fonds communal profitera, dès 1871, de l'augmentation du droit et, en outre, recevra un supplément pris sur l'excédant de 1870 ; si tel est le sens de l'amendement, j'y adhère complètement.

MfFOµ. - Comme l'a fort bien dit l'honorable membre, il s'agit d'empêcher que les sommes considérables qui seront obtenues cette année soient immédiatement distribuées aux communes.

L'article proposé a pour objet de ne les laisser répartir que successivement, afin de maintenir une certaine uniformité dans les sommes attribuées annuellement au fonds communal. Les produits ordinaires de ce fonds ne seront pas le moins du monde affectés par suite de cette mesure ; il continuera à progresser, et la totalité en reviendra aux communes.

- L'article 12 (nouveau) est adopté.

Article 12

« Art. 12. Sont abrogés :

« Le 5ème alinéa nouveau paragraphe 18 de l'article 32 de la loi du 27 juin 1842 modifiée (Moniteur de 1833, n°227) ;

« La loi du 5 janvier 1844 (Bulletin officiel, n°5) ;

« La loi du 2 janvier 1847 (Moniteur, n°170) ;

« Les articles 5, 6, 7 et 16, paragraphe 2, de la loi du 18 juillet 1860 (Moniteur, n°201) ;

« L'article 5 de la loi du 27 mai 1861 (Moniteur, n°148), en ce qui concerne les eaux-de-vie étrangères ;

« Et l'article 4 de la loi budgétaire du 20 décembre 1862 (Moniteur, n°357). »

- Adopté.

Article 13

« Art. 13. § 1er. La décharge des droits sera accordée aux sauniers, négociants, fabricants et armateurs, pour les quantités de sel constatées par recensement dans les magasins de crédit permanent, le 31 décembre 1870.

« § 2. De même, il sera accordé aux sauniers décharge de 12 p. c. du montant des termes de crédit non échus, inscrits ledit jour à leur compte. Le reliquat de ce compte sera apuré par payement.

« § 3. Les dispositions des litteras A et B du paragraphe premier et le paragraphe 3 de l'article 15 de la loi du 18 juillet 1860 sont applicables aux droits et décharges fixés sur les eaux-de-vie par les articles 6, 7, 8 et 11 ci-dessus. »

MpDµ. - C'est ici que se présente l'amendement de M. de Vrière, qui consiste à substituer le chiffre 25 au chiffre 12.

M. Coomansµ. - Je ne puis adhérer à l'amendement que la section centrale introduit dans le projet du gouvernement. D'après ce dernier, le bénéfice de la suppression de tout impôt sur le sel était acquis aux consommateurs à partir du 1er juin ; la section centrale l'ajourne au 31 décembre ; c'est là un tort considérable fait aux consommateurs. L'impôt sur le sel, qui ne saurait être trop abimé dans ce débat, serait maintenu encore pendant sept mois, et pourquoi ? L'honorable ministre des finances nous a déclaré l'autre jour que nous n'avions à nous préoccuper que de l'intérêt des consommateurs, que l'intérêt des industriels n'était pas à prendre en considération quand il n'était pas d'accord avec les premiers.

Or, il est évident que c'est ici le seul intérêt des sauniers qui a dicté l'amendement de la section centrale, c'est-à-dire un supplément de charge de plus de 3 millions de francs. Je trouve cela inique.

Je veux bien l'indemnité pour les sauniers, car je reconnais que le traitement qu'ils subissent est injuste, mais j'aimerais mieux leur accorder 25 p. c. que de faire peser encore 3 millions sur le peuple.

Je proteste contre cette façon d'agir et j'y vois un motif de plus de repousser le projet.

M. Preud'hommeµ. - M’inspirant des considérations présentées par M, Coomans, j'avais préparé l'amendement suivant que j'ai l'honneur de déposer sur bureau :

« Le soussigné a l'honneur de proposer la suppression de l'amendement formulé par la section centrale à l'article 14 du projet de loi et l'adoption du texte primitif du gouvernement. »

MpDµ. - C'est donc par amendement que ces messieurs proposent de reprendre le texte primitif du projet de loi.

MfFOµ. - Le gouvernement avait pensé qu'en annonçant, lors du dépôt de la loi le 10 mars dernier, qu'elle serait mise à exécution 1e 1er juin, on satisferait à la raison d'équité qu'il y avait de ne pas surprendre les sauniers par une trop brusque mesure.

Des observations ont été présentées à ce sujet, des réclamations ont été adressées à la Chambre et au gouvernement. On a pensé que le terme était trop court. J'ai moi-même renseigné la Chambre à cet égard. J'avais reçu, de la part de quelques sauniers, le vœu de voir maintenir la disposition proposée primitivement par le gouvernement et dont ils se sont déclarés satisfaits. Mais d'autres, en plus grand nombre, pensent que le terme est trop court.

La section centrale, après avoir examiné leur réclamation, a reconnu qu'en fixant au 31 décembre l'expiration de la loi actuelle en ce qui concerne le sel, on satisfaisait aux légitimes désirs du plus grand nombre. La Chambre appréciera.

Parmi les sauniers qui m'ont fait connaître leurs appréciations sur le projet, il en est un dont j'ai lu à la Chambre une lettre qu'il m'avait adressée. C'est celui que l'honorable M. de Vrière a traité de caractère antique, parce qu'il se montrait disposé à accepter immédiatement le sacrifice que la loi va imposer à ce qu'on a appelé l'industrie du sel.

L'honorable M. de Vrière a été, sans le vouloir, tout à fait injuste à l'égard de ce saunier : il a supposé qu'il avait signé la pétition adressée la Chambre dans l'intérêt des sauniers et qu'il avait ainsi commis un acte empreint d'une certaine duplicité, en venant ensuite s'adresser au ministre des finances pour réclamer une chose contraire à ce que demandaient les pétitionnaires.

Ce saunier, messieurs, m'a écrit immédiatement pour me prier de rectifier cette erreur. Il n'a signé aucune pétition et est resté parfaitement conséquent dans les diverses phases de cette affaire.

Je tenais à faire cette rectification, bien qu'elle ne porte que sur une erreur assurément involontaire de l'honorable membre, erreur d'autant plus compréhensible qu'il a pu ne pas saisir complètement, à une simple lecture, le sens réel de la lettre dont j'ai donné communication à la Chambre.

M. de Vrièreµ (pour un fait personnel). - La Chambre voudra bien se souvenir que M. le ministre des finances a lu, avec une extrême rapidité, la lettre à laquelle j'ai fait allusion ; c'est ce qui explique comment j'ai pu mal comprendre un passage de cette lettre. J'ajoute que la Chambre entière a dû entendre imparfaitement cette lecture, puisque aucun de mes honorables collègues ne m'a fait remarquer que j'avais mal compris.

(page 815) MfFOµ. - Moi-même je n'y avais pas pris garde.

M. de Vrièreµ. - Maintenant le discours de l’honorable ministre n'avait pas encore aux Annales lorsque j'y ai répondu ; et je dois dire que je ne l'ai pas lu le lendemain. Mais la Chambre peut être bien convaincue que si, d'une manière quelconque, j’avais pu être averti que j'avais commis une erreur, je me serais empressé de le déclarer à la Chambre ; je n'aurais pas attendu qu'une réclamation émanât de l'intéressé.

M. Coomansµ. - On ne répond pas à l'observation fort grave que j'ai présentée, que, pour indemniser très incomplètement les sauniers, on impose aux consommateurs une charge de plus de 3 millions de francs jusqu'au 1er janvier prochain.

J'ai reconnu qu'il fallait faire quelque chose pour les sauniers et j'ai dit que j'accepterais le chiffre de 25 p. c. ; j'irais même jusqu'à 30 p. c. ; mais je ne puis pas admettre...

MfFOµ. - Eh bien, votez contre.

M. Coomansµ. - Cela me suffit pas ; je tiens à parler ; je trouve que cela est plus efficace.

Messieurs, je m'étonne vraiment de la grave inconséquence que commet M. le ministre en cette circonstance ; il a déclaré ne vouloir rien faire pour l'industrie et vouloir tout faire pour les consommateurs, et voilà qu'il impose à ceux-ci une charge de trois millions pour diminuer un peu les pertes des sauniers.

Mieux vaudrait les indemniser loyalement, ouvertement et leur reprendre tous leurs ustensiles moyennant une indemnité convenable comme en matière d'expropriation.

L'inconséquence du ministre ne peut s'expliquer que d'une seule façon : c'est qu'il veut rattraper au moyen du sel ce qu'il a perdu imprudemment avec les distillateurs.

Il a permis aux distillateurs de faire des spéculations très considérables et c'est sous l'impression de ce fait que l'on nous convie à voter la loi.

L'honorable ministre a fait entendre clairement que les distillateurs seraient ruinés si le projet de loi était rejeté.

Le trésor a perdu de grosses sommes parce qu'il a laissé trop tôt s'approvisionner le marché pour très longtemps. Il y a des personnes qui évaluent la perte qui doit en résulter à 5, 6 et même 7 millions.

C'est pour rattraper en partie cette somme qu'il continue à imposer le sel, contrairement à tout ce qu'il a dit de ce système.

MfFOµ. - Messieurs, il serait fort désirable que, lorsqu'on parle d'une question, on se donnât la peine de l'étudier et de la comprendre.

Or, le préopinant n'a ni étudié, ni compris la question. On propose de maintenir jusqu'au 3l décembre prochain le droit sur le sel.

L'honorable membre n'en veut à aucun prix, par le motif que c’est faire peser cet impôt sur le consommateur. Mais il veut indemniser les sauniers ; il protège ainsi tout le monde.

Seulement quand il veut protéger les sauniers en leur donnant 30 p. c. des droits qu'ils devront au trésor à l'époque de la mise en vigueur de la loi, il ne peut le faire sans doute qu'avec de l'argent ; mais où prendra-t-il cet argent ? Apparemment dans la poche des contribuables, c'est-à-dire des consommateurs.

M. Coomansµ. - Dans une proportion moindre.

MfFOµ. - Voici la position : Vous voulez leur donner 30 p. c. et vous ne voulez pas leur permettre de continuer leur industrie, jusqu'au 31 décembre prochain dans les conditions de la législation actuelle. Voilà à quoi tendent vos déclamations.

M. Coomans parle des pertes que le trésor va subir par les spéculations auxquelles on se livre en ce moment sur les eaux-de-vie. Il paraît que l'honorable M. Coomans avait un moyen d'empêcher que ces spéculations n'eussent lieu. Je serais très curieux de le connaître. Chaque fois qu'on a fait une nouvelle loi augmentant le droit sur les eaux-de-vie, on s'est livré aux mêmes spéculations, c'est-à-dire qu'on a fait tous les efforts possibles, soit pour importer de l'eau-de-vie de l'étranger, soit pour en fabriquer dans le pays.

Il y avait peut-être bien un moyen d'empêcher ces spéculations dans une certaine mesure ; on pouvait proposer, comme on a tenté de le faire en 1853, de déclarer dans la loi qu'elle serait rétroactivement appliquée, depuis le jour de sa présentation, aux quantités qui auraient été importées ou fabriquées dans le royaume. Cette disposition a soulevé une vive opposition en 1853, et on a dû la retirer.

Mais ce qui était plus ou moins possible en 1853 ne l'est plus du tout en 1870. Comment, en présence des traités qui nous lient, pourrait-on déclarer que les quantités importées depuis le Jour de la présentation de la loi seront soumises au nouveau droit ? Ce serait là une violation manifeste des traités.

Mais cette prétendue perte dont vous parlez, c'est, dans l'état actuel des choses, une recette excessive, provenant des quantités plus considérables qui ont été fabriquées en Belgique ou qui y ont été importées ; la perte éventuelle proviendra uniquement de la réduction de la fabrication sous l'empire de la loi nouvelle. Voilà tout.

Or, quelles seront les quantités qui auront été importées ou fabriquées en excès lors de la mise vigueur de la nouvelle loi ? On peut le dire précisément ; mais à l'heure qu'il est, les quantités introduites dans le pays n'excèdent guère 70,000 hectolitres ; je ne connais pas la quantité fabriquée en plus par les distillateurs belges. Voilà la situation. L'exposé des motifs prouve d'ailleurs qu'elle a été parfaitement prévue.

M. Vermeireµ. - Messieurs, je crois que je n'aurais pas besoin de beaucoup de temps pour répondre à l'honorable M. Coomans, qui semble ne pas comprendre la portée de la loi, en ce qui concerne le sel.

L'honorable membre voudrait que la loi, quant au sel, fût exécutée immédiatement, de manière que tout le sel qui ne serait pas consommé au 1er juin et qui ne pourrait être consommé qu'à la fin de l'année 1870, devrait payer l'impôt. Je crois qu'il y a une excellente raison pour maintenir la mise en vigueur de la loi au 1er janvier 1871.

M. Preud'hommeµ. - Messieurs, j'avais plusieurs observations générales à soumettre à la Chambre sur les réformes économiques proposées par le gouvernement et auxquelles je donne une adhésion entière ; mais ces considérations ayant déjà été présentées par plusieurs de mes collègues, entre autres par MM. de Macar et De Lexhy, je me bornerai à développer un point qu'ils n'ont fait qu'indiquer et qui fait l'objet de mon amendement, je veux parler de l'époque de la mise en vigueur de la loi.

M. le ministre nous disait dans le discours qu'il a prononcé dans la séance de mercredi, qu'il y a trois catégories de sauniers : une première catégorie qui demande l'application immédiate de la loi, c'est-à-dire le 1er juin 1870, date fixée primitivement par le projet du gouvernement. une deuxième catégorie qui désire que la date de l'exécution de la loi soit reculée au 1er janvier 1871. Enfin, une troisième catégorie demande qu'on accorde aux sauniers une protection contre les produits similaires étrangers, en établissant ce qu'ils appellent un droit de balance et en second lieu elle réclame le recensement du sel qui se trouve dans les magasins de crédit à terme et la décharge intégrale des droits.

Il me semble que les sauniers de la troisième catégorie sont trop exigeants et que, opérée dans ces termes, la suppression des droits d'accise et de douane sur le sel se ferait bien plus à leur profit que dans l'intérêt général.

Quant à la date de la mise en exécution de la loi, je me rallie complètement à la manière de voir des sauniers de la première catégorie, parce qu'elle cadre mieux avec les motifs du projet de loi, parce qu'elle fait disparaître une aggravation de charges, parce qu'elle est plus conforme à l'intérêt bien entendu des sauniers eux-mêmes, parce qu'elle permet l'abolition du droit d'entrée sur les boissons à une date moins reculée.

Je dis que la mise en vigueur de la loi au 1er juin est plus conforme aux motifs émis par le gouvernement et la section centrale à l'appui de l'abolition du droit d'accise sur le sel. En effet, sur quels motifs se base le gouvernement ? Les comices agricoles, dit-il dans son exposé des motifs, sont unanimes pour attribuer l'abstention de la plupart des cultivateurs de profiter de l'exemption à l'éloignement qu'ils éprouvent pour toute formalité à remplir.

Si la question de l'efficacité du sel pour l'amendement des terres est encore controversée aujourd'hui, les bons effets de son emploi dans l'alimentation du bétail sont généralement admis. Or, puisque l'expérience qui en a été faite semble prouver que, si simples qu'elles soient, les formalités exigées aujourd'hui pour jouir de l'exemption s'opposent à ce qu'on en réclame plus souvent le bénéfice, les cultivateurs considéreront comme un bienfait la liberté absolue qui leur sera accordée pour l'emploi du sel.

Si la liberté absolue de l'emploi du sel est un véritable bienfait pour l'agriculture, pourquoi donc ne pas lui permettre d'en jouir immédiatement, pourquoi conserver jusqu'au mois de janvier les formalités gênantes qui éloignent le cultivateur, telles que mélange du sel, visite et contrôle des employés, etc. ?

Je ferai même remarquer que les services de ces employés pourraient (page 816) être mieux utilisés dans les distilleries, où, par suite de l'élévation considérable des droits d'accise, il se présentera plus de fraudes ou de tentatives de fraudes.

Ce n'est pas seulement l'agriculture, mais aussi l'industrie qui est intéressée à être débarrassée le plus promptement possible de l'impôt. En effet, voici comment s'exprime le gouvernement sur ce point :

Quant aux industries qui utilisent le sel et qui devant, à cause de l'accise, le payer cinq ou six fois sa valeur, ont souvent demandé à jouir de l'exemption des droits ; elles trouveront naturellement dans la suppression de l'impôt une satisfaction complète à leurs réclamations.

A un autre point de vue, le maintien de l'impôt du sel présente aujourd'hui d'assez sérieuses difficultés. Les fabriques de produits chimiques, qui obtiennent le chlorure de sodium comme déchet de fabrication, tendent tous les jours à prendre de nouveaux développements dans le pays. Pour soumettre à l'accise le sel ainsi obtenu, on a dû avoir recours à des formalités plus ou moins gênantes, qu'il a fallu tout récemment compliquer encore, afin de prévenir les manœuvres frauduleuses de quelques fabricants. Malgré les entraves qu'on s'est vu dans la nécessité d'imposer à l'industrie pour assurer la perception des droits, on a des raisons de croire que le but qu'on se proposait n'a été qu'imparfaitement atteint. Sous ce rapport, l'opportunité de la suppression de l'accise paraît indiquée.

Pour être logique, le gouvernement devrait donc maintenir son texte primitif et ne pas admettre l'ajournement au 1er janvier d'une mesure qui doit avoie des résultats aussi efficaces.

De son côté, quel est le langage de la section centrale ?

« L'injustice de l'impôt sar le sel s'accuse en mettant sur la même ligne le pauvre et le riche ; il fait obstacle aux lois de la nature en assujettissant à certaines conditions le droit de faire usage d'une substance indispensable à la vie ; son caractère exorbitant se révèle par un écart énorme entre la valeur de l'aliment et l'élévation de l'impôt, enfin ses inconvénients se manifestent en foule par les restrictions, les entraves et l'asservissement qu'il impose à l'agriculture, au grand détriment de l'abondance des produits agricoles, de la santé publique et da développement industriel.

« Un document qui reflète les aspirations libérales de la majorité du pays, contient ces paroles d'une vérité frappante :

« L'impôt sur le sel, dans le budget d'un Etat démocratique, nous paraît un véritable anachronisme.

« Le maintien prolongé de cet impôt malgré les raisons multiples qui auraient dû le faire disparaître depuis longtemps, ne peut donc s'expliquer et se faire excuser que par l'existence de nécessités impérieuses. Le gouvernement l'a compris et la Belgique applaudira à son initiative et aux efforts qu'il a faits pour bannir de notre législation fiscale des dispositions antilibérales et impopulaires. »

Où est donc la nécessité de conserver cet anachronisme véritable jusqu'au 1er janvier 1871 ? Quant à moi, je ne la vois pas ; je pense qu'il faut faire jouir le plus tôt possible les contribuables de la suppression des droits d'accise et qu'il faut placer l'intérêt général avant l'intérêt spécial de quelques sauniers.

Que dit-on pour motiver le retard dans la mise en vigueur de la loi ? On allègue qu'on a en vue de permettre aux sauniers d'écouler leur sel et de ne pas subir la perte des droits d'accise de 18 francs aux 100 kilogrammes payés sur ce sel. Mais c'est là un véritable prétexte, qui ne résiste pas à l'examen.

D'abord, les sauniers ont eu le temps suffisant pour écouler le sel qu'ils ont en magasin : ils ont été prévenus le 10 mars 1870, par le dépôt du projet de loi et ils pourront, jusqu'au mois de juin, écouler leurs approvisionnements. Ils peuvent encore vendre leur sel à l'étranger, le déclarer à l'exportation et obtenir ainsi la remise des droits d'accise portés à leur compte. Enfin, ils obtiennent une décharge de 12 p. c. sur les sels en cours de raffinage, décharge que le gouvernement considère comme une indemnité suffisante.

La mise en vigueur de la loi au mois de juin n'est donc pas de nature à porter préjudice aux sauniers, tandis que l'ajournement de l'application de cette loi au 1er janvier 1871 entraînerait une augmentation d'impôts de près de trois millions à charge des contribuables.

En effet. il résulte de l'exposé des motifs que la perte résultant de la suppression de l'impôt du sel et des droits d'entrée sur le poisson est annuellement de 5,900,000 francs ; il est vrai que cette perte est compensée par l'augmentation des droits d'accise évaluée à environ 10 millions.

Si la partie de la loi relative aux boissons alcooliques était exécutoire au 1er juin et celle sur le sel et le poisson au 1er janvier seulement, il en résulterait que le gouvernement percevrait à la fois et les droits d'accise sur le sel et le poisson, tels qu'ils existaient antérieurement, plus l'augmentation des droits d'accise sur le genièvre, augmentation qui n'a sa source et ne se justifie que par la suppression des deux droits précédents. Il sortirait donc 3 millions environ de la caisse des contribuables, pour entrer dans la caisse de l'Etat sans utilité aucune ; de sorte que la loi nouvelle entraînerait une aggravation considérable d'impôts pour l'année 1870.

L'intérêt des consommateurs s'oppose donc énergiquement à ce que l'application de la loi soit postposée au 1er janvier.

Mais je vais plus loin et je prétends que l'intérêt même des sauniers doit les engager à demander que la loi soit mise en vigueur au 1er juin. Quelques-uns l'ont parfaitement compris ; M. le ministre nous a donné lecture dc la lettre très judicieuse de l'un d'eux ; et il y a sur le bureau un assez grand nombre de pétitions qui concluent à l'application immédiate de la loi. Les sauniers de l'arrondissement de Huy se prononcent aussi pour le 1er juin, parce que c'est à cette époque que commence la morte saison pour les sauniers ; ils n'ont pas ou ont très peu de sel en magasin.

Ils n'auront donc à supporter la perte du droit d'accise de 18 francs que sur des quantités minimes, tandis qu'au mois de janvier, le commerce du sel est dans tout son essor dans son plus grand développement, parce que c'est l'époque de la salaison des viandes ; il en résulte que les magasins des sauniers renferment des approvisionnements considérables et qu'ils devraient subir la perte des droits d'accise sur de fortes quantités, à moins qu'ils ne cessent tout commerce, ce qui entraînerait la perte de leur clientèle. Il est vrai que le gouvernement accorde aux raffineurs une décharge de 12 p. c. du montant des termes de crédit non échus ; mais il arrivera que cette décharge ne portera pas sur toutes les quantités de sel qu'ils ont dans leurs magasins.

En effet, certains sauniers achètent du sel pour une somme supérieure à leur cautionnement et doivent payer ce surplus au comptant. Or, la décharge de 12 p. c. ne portera pas sur les sels payés au comptant, de sorte qu'il en résultera une perte importante pour les sauniers qui se trouveront dans ces conditions.

Je pense, messieurs, vous avoir démontré incontestablement que la date du 1er juin 1870 est, sous tous les rapports, préférable à celle du 1er janvier 1871 ; en reculant la mise en vigueur de la loi, vous blessez les intérêts de l'agriculture, de l'industrie, des consommateurs et des sauniers eux-mêmes.

MfFOµ. - Un seul mot. La Chambre comprendra facilement que du moment qu'une loi d'accise doit être supprimée à une époque déterminée, les quantités qui se trouvent dans le pays seront épuisées avant cette époque. On ne se chargera pas de grands approvisionnements, et par conséquent le produit que suppose l'honorable membre ne sera pas réalisé. L'honorable membre suppose bien à tort qu'on obtiendra moitié de la totalité du droit. Il est probable que cette somme sera notablement réduite.

- La discussion est close.

L'amendement, proposé par MM. Coomans et Preud'homme est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

Le paragraphe premier de l'article 13, proposé par la section centrale est adopté.

« § 2. De même, il sera accordé aux sauniers décharge de 12 p. c. du montant des termes de crédit non échus, inscrits ledit jour à leur compte. Le reliquat de ce compte sera apuré par payement. »

MpDµ - M. de Vrière a proposé, par amendement, de substituer le chiffre 25 au chiffre 12.

Je mets cet amendement aux voix.

- Des membres. - L'appel nominal !

- L'amendement de M. de Vrière est mis aux voix par appel nominal.

93 membres répondent à l'appel nominal.

40 votent pour l'amendement.

52 votent contre.

1 (M. Coomans) s'abstient.

En conséquence, l'amendement n'est pas adopté.

Ont voté l'adoption :

MM. Declercq, Delaet, Delcour, de Maere, de Montblanc, de Terbecq, de Theux, de Vrière, de Vrints, de Zerezo de Tejada, Gerrits, Hagemans, Hayez, Jacobs, Janssens, Kervyn de Lettenhove, Lefebvre, Magherman, Moncheur, Orts, Reynaert, Rogier, Schollaert, Tack, Thienpont, Thonissen, T'Serstevens, A. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Iseghem, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Visart, Warocqué, Wasseige, Wouters, Beke, Broustin et Coremans.

Ont voté le rejet : de Breyne-Dubois, de Brouckere, de Fré, de Kerchove de Denterghem, De Lexhy, d'Elhoungne, de Macar, de Muelenaere, de Naeyer, (page 817) de Rongé, de Rossius, Descamps, Dethuin, Elias, Frère-Orban, Funck, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Jonet, Julliot, Le Hardy de Beaulieu, Lippens, Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Orban, Preud'homme, Royer de Behr, Sabatier, Sainctelette, Tesch, E. Vandenpeereboom, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Merris, Vleminckx, Watteeu, Ansiau, Anspach, Bara, Bricoult, Bruneau, Castilhon, Couvreur, Crombez, David, de Baillet-Latour et Dolez.

M. Coomansµ - Comme j'ai eu l'honneur de le dire à la Chambre, j'aurais voté le chiffre de 25 et même un chiffre plus élevé, si le gouvernement avait maintenu la date du 31 mai ; mais dès qu'il a retiré cette mesure très équitable, j'ai dû m’abstenir, parce que je n'ai pas voulu, par un vote négatif, aggraver encore la condition des sauniers.

- Le paragraphe 2 du projet de la section centrale est mis aux voix et adopté.

« § 3. Les dispositions des litteras A et B du paragraphe premier et le paragraphe 3 de l’article 15 la loi du 18 juillet 1860 sont applicables aux droits et décharges fixés sur les eaux-de-vie par les articles 6, 7, 8 et 11ci-dessus. »

- Adopté.

Article 14

« Art. 14. La présente loi sera mise en vigueur le 1er juin 1870, pour toutes les dispositions concernant la distillation et la réduction de la taxe d'affranchissement des lettres ; le 1er janvier 1871, pour les autres dispositions, sauf qu'un droit d'entrée sera maintenu à 2 francs pendant l'année 1871, et à 1 franc pendant l'année 1872, sur le carbonate de soude. »

MfFOµ. - Par suite de l'adoption de l'amendement qui été proposé par M. le ministre des travaux publics, Il y a lieu d'ajouter après les mots « la réduction de la taxe d'affranchissement des lettres », ceux-ci : « et le transport des livres ».

MpDµ. - La parole est à M. Watteeu.

M. Watteeu, rapporteurµ. - Je n'avais demandé la parole, M. le président, que pour faire l'observation qui vient d’être présentée par M. le ministre des finances.

- L'article est mis aux voix et adopté avec l'addition proposée par M. le ministre des finances.

Second vote des articles et vote sur l’ensemble

La Chambre décide qu’elle procédera immédiatement au vote définitif.

Les amendements adoptés au premier vote sont successivement mis aux voix et définitivement adoptés.


Il est procédé à l'appel nominal sur l'ensemble du projet.

88 membres y prennent part.

79 répondent oui.

7 répondent non.

2 s'abstiennent.

En conséquence, la Chambre adopte ; le projet de loi sera transmis au Sénat.

Ont répondu Oui :

MM. de Breyne-Dubois, de Brouckere, De Fré, de Kerchove de Denterghem, Delcour, De Lexhy, d'Elhoungne, de Macar, de Maere, de Montblanc, de Muelenaere, de Naeyer, de Rongé, de Rossius, Descamps, de Terbecq, Dethuin, de Vrière, de Vrints, Elias, Frère-Orban, Funck, Guillery, Hagemans, Hymans, Janssens, Jacquemyns, Jamar, Jonet, Julliot, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Lippens, Mascart, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Orban, Orts, Preud'homme, Reynaert, Rogier, Royer de Behr, Sabatier, Sainctelette, Schollaert, Tack, Thienpont, Tesch, Thonissen, T'Serstevens, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Merris, Van Wambeke, Verwilghen, Vleminckx, Warocqué, Wasseige, Watteeu, Wouters, Ansiau, Anspach, Bara, Beke, Bricoult, Broustin, Bruneau, Castilhon, Couvreur, Crombez, David, de Baillet-Latour et Dolez.

Ont répondu non :

MM. Delaet, Gerrits, Hayez, Jacobs, Vander Donckt, Coomans et Coremans.

Se sont abstenus :

MM. de Theux et Magherman.

MpDµ. - Les membres qui se sont abstenus sont priés de faire connaître les motifs de leur abstention.

M. de Theuxµ. - La question préalable, dans mon opinion, porte atteinte au droit constitutionnel d’amendement, car il est bien naturel que l'on demande la suppression du droit de débit lorsque l’on apporte une augmentation si considérable au droit de fabrication.

Du reste, je me propose, dans la discussion prochaine du budget, de reproduire la proposition.

M. Maghermanµ. - J’approuve la partie de la loi qui consacre l'abolition des droits sur le sel et sur l'entrée du poisson, ainsi que la diminution de la taxe postale. Je ne pourrais donner mon assentiment aux charges nouvelles imposées aux distilleries que jusqu'à concurrence de la somme nécessaire pour combler le vide qu'on va opérer dans le trésor par les suppressions et réduction prémentionnées. Comme cette somme est notablement excédée, je crois devoir m'abstenir.

Motion d’ordre

M. T’Serstevensµ. - Messieurs, les bateliers ont adressé, au commencement de cette session, à la Chambre une pétition demandant la réduction du droit de patente.

La commission d'industrie a fait son rapport sur cette pétition et la Chambre l'a discuté.

Plusieurs orateurs ont insisté pour qu'il soit fait droit à la demande des bateliers.

M. le ministre des finances nous a promis d'examiner cette affaire avec bienveillance et de faire faire une enquête sur la question.

Je demande si cette enquête a été faite, et si nous pouvons espérer le prochain dépôt d'un projet de loi faisant droit à la réclamation des bateliers.

MfFOµ. - Messieurs, j'ai tenu l’engagement que j'avais pris au sujet de la pétition dont il s'agit.

J'ai fait examiner avec soin la question de savoir si les plaintes des bateliers étaient fondées.

J'ai reçu le résultat cet examen qui constate, en effet, que bateliers se trouvent dans une situation exceptionnelle qu'il y aurait lieu de les rétablir dans une situation normale.

Je ne crois pas pouvoir soumettre une proposition la Chambre dans le cours de cette session. Des propositions seront faites par le gouvernement en temps opportun.

Ordre des travaux de la chambre

MtpJµ. - Je demande que la Chambre veuille bien porter en tête de son ordre de jour, pour mardi, le projet de loi relatif aux crédits spéciaux. à concurrence de 15,593,500 fr. aux ministères des travaux publics et de l'intérieur.

MaeVSµ demande la priorité pour la convention avec l'Espagne.

MpDµ. - L'ordre du jour sera donc ainsi fixé :

1° Prompts rapports ;

2° Traité de commerce et de navigation avec l'Espagne ;

3° Projet de naturalisation ordinaire...

MjBµ. - Nous ne serons pas en nombre.

MtpJµ. - Nous serions certains d'Etre rn nombre en commençant par la convention avec l'Espagne et le projet des travaux publics.

Les prompts rapports pourraient occuper la fin de celles de nos séances qui ne seyaient point complètement remplies par la discussion des questions portées à notre ordre du jour.

MpDµ. - On propose de fixer l'ordre du jour comme suit :

Convention avec l'Espagne ;

Projet de travaux publics et enfin les autres projets dans l'ordre où ils figurent aujourd'hui à l'ordre du jour.

M. Maghermanµ. - Le projet des travaux publics n'est pas encore distribué ; il le sera probablement ce soir ; je demande qu'il nous soit envoyé à domicile.

MpDµ. Il a déjà été distribué.

MtpJµ. - M. Magherman confond deux choses distinctes ; il ne s'agit pas du projet que j'ai déposé hier et qui est relatif des chemins de fer concédés, mais du projet accordant au gouvernement les crédits nécessaires à l’exécution de travaux publics.

- La séance est levée à 5 heures et demie.