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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 3 mai 1870

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1869-1870)

(Présidence de M. Dolezµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 818) M. Dethuinµ procède à l’appel nominal à deux heures et un quart.

Il donne lecture du procès-verbal de la précédente séance ; la rédaction est est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M de Vrintsµ présente l’analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants de Renlies prient la Chambre d'accorder au sieur Brasseur la concession d'un chemin de fer d'Albus à Givet. »

« Même demande d'habitants de Rance. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur des pétitions analogues.


« Le sieur Dusart prie la Chambre de comprendre, dans le projet de crédits pour travaux publics, l’élargissement de la rue de Loxum, à Bruxelles. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Le sieur Vander Diest présente un projet de révision de la loi sur l'instruction primaire. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de Lichterveldc déclare appuyer la demande d’un chemin de fer d'Eecloo à Lichtervelde. »

« Même pétition de l'administration communale de Sweyezeele. »

- Même renvoi.


« Le sieur Delstanche, demandeur en concession d'un chemin de fer, d'abord de Luttre, puis de Quévy Maestricht, proteste contre des sieurs Rosart, qu'aucune demande n'a été faite dans le sens de leur chemin de fer proposé et prie la Chambre de lui accorder la concession de la ligne. »

- Même renvoi


« Le secrétaire communal de Wierde prie la Chambre de fixer le minimum de traitement à payer par la commune à son secrétaire, dans l'accroissement du fonds communal qu'elle obtiendra en vertu de la loi portant augmentation des droits sur les eaux-de-vie. »

M. Lelievreµ. - J'appuie la pétition, qui est juste et fondée, et je demande qu'elle soit renvoyée à la commission, avec prière de faire un prompt rapport.

- Adopté.


« Par dépêche du 2 mai 1870, M. le ministre de l’intérieur transmet des explications sur la pétition du sieur Paul de Gerlache, réclamant des modifications la loi du 25 mars 1847 sur le défrichement des terrains incultes.

- Dépôt au bureau des renseignements.


« MM. Magherman, Watteeu et Thonissen, indisposés, demandent un congé de quelques jours. »

- Accordés.

Projet de loi approuvant la convention consulaire conclue entre la Belgique et l’Espagne

Rapport de la section centrale

M. Van Iseghemµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui a examiné la convention consulaire conçue le 19 mars 1870 entre la Belgique et l'Espagne.

Projet de loi allouant un crédit au budget du ministère des travaux publics

Dépôt

MfFOµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau un projet de loi allouant au département des travaux publics un crédit supplémentaire de 128,530 fr. 77 c. pour couvrir les dépenses résultant de l'accident survenu sur le chemin fer de l'Etat à Bossu, le 27 janvier 1868.

Projet de loi conférant une grande naturalisation

MjBµ. - J’ai l'honneur de déposer sur le bureau un projet de loi conférant la grande naturalisation à M. Haus, professeur à l'université de Gand.

- Impression et distribution et renvoi aux sections.

Projet de loi approuvant le traité de commerce et de navigation conclu entre la Belgique et l’Espagne

Discussion de l’article unique

« Article unique. Le traité de commerce et de navigation conclu, le 12 février 1870, entre la Belgique et l'Espagne, sortira son plein et entier effet. »

M. Lelièvreµ. - La section centrale a signalé la nécessité d'apporter des changements à la rédaction du traité en discussion à la suite de la promulgation de la loi qui abolit les droits d'entrée sur le poisson et sur le sel.

Je pense que l'on pourrait, par un article à insérer dans le projet de loi, autoriser le gouvernement à arrêter les changements qui seraient jugés nécessaires à cet égard. De cette manière, l'on ne serait plus forcé de recourir aux Chambres législatives.

Je propose donc la disposition suivante qui formerait l'article 2 du projet de loi :

« Le gouvernement est autorisé à consentir toutes modifications aux dispositions du traité, en ce qui concerne les droits d'entrée sur le poisson et sur le sel. »

On peut, en toute confiance, se référer à ce que sera fait à cet égard par le gouvernement, d'autant plus que la loi à laquelle je fais allusion ne tardera pas à être votée et promulguée.

- L'amendement est appuyé ; Il fait partie de la discussion.

MtpVSµ. Tous les traités passés postérieurement au traité conclu avec la France en 1861 portent certaines exceptions en ce qui concerne la pêche et le sel. Les droits à l’entrée sur le poisson et le sel supposés abolis, toutes les dispositions portant exception au profit de la pêche nationale ou au profit du sel français viendront à tomber ; il en sera des dispositions concernant ce double objet inscrites dans notre traité avec l'Espagne comme des dispositions identiques inscrites soit dans le traité avec la France, soit dans les traités postérieurs.

Je crois donc que la rédaction du traité peut rester, sans inconvénient, — Adopté. ce qu'elle est.

M. Lelièvreµ. - Le gouvernement ne combat mon amendement que par le motif qu'il est inutile. S'il en est ainsi, je n'ai aucun intérêt à insister sur l’adoption de l'article additionnel. Mais il doit être bien entendu que le régime qui naîtra de la loi en discussion sera absolument le même que si ma proposition eût été accueillie. On comprend que, la chose ainsi comprise, je ne dois pas provoquer un vote de la Chambre.

MfFOµ. - Il n'y a plus de droits.

MpDµ. - L'amendement est donc retiré.

- Personne ne demandant plus la parole, la discussion est close.

Vote de l’article unique

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'article unique.

70 membres y prennent part.

69 répondent oui

1 répond non.

(page 819) En conséquence, le de loi est adopté ; il sera transmis au Sénat.

Ont répondu oui :

MM. Elias, Frère-Orban, Guillery, Hagemans, Hayez, Jacobs, Jacquemyns, Jamar, Kervyn de Lettenhove, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Lelièvre, Lesoinne, Liénart, Lippens, Mouton, Mulle de Terschueren, Orban, Pirmez, Rogier, Sabatier, Sainctelette, Schollaert, Thienpont, T’Serstevens, Alp. Vandenpeereboom, Ernest Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Merris, Van Wambeke, Verwilghen, Visart, Vleminckx, Wouters, Visart, Ansiau, Bara, Beke, Bricoult, Broustin, Bruneau, Coomans, Couvreur, Crombez, de Baillet-Latour, de Breyne-Dub0is, de Brouckere, de Clercq, de Kerchove de Denterghem, Delcour, de Lexhy, de Liedekerke, de Macar, de Maere, de Montblanc, de Muelenaere, de Naeyer, de Theux, Dethuin, de Vrière, de Vrints, Dewandre, de Zerezo de Tejada, d’Hane-Steenhuyse, Dolez et Moreau.

A répondu non : M. Julliot.

Projet de loi allouant au gouvernement des crédits spéciaux pour l’exécution de travaux d’utilité publique

Discussion générale

MpDµ. - La discussion générale est ouverte.

M. de Zerezo de Tejadaµ. - Messieurs, je viens constater avec regret que le gouvernement, qui demande à la législature des crédits spéciaux à concurrence de 15,593,500 francs pour travaux d'utilité publique ne compte appliquer aucune partie de cette somme si considérable à l'amélioration du régime de la Grande-Nèthe.

Ainsi donc, oubli complet de cette rivière en faveur de laquelle il a été fait, d'une part, tant de réclamations, et d'autre part, tant de promesses. Depuis bientôt quinze ans, à chaque discussion da budget des travaux publics, les populations intéressées n'ont cessé, par la voix de leurs mandataires, de faire valoir leurs griefs dans cette enceinte, ont protesté contre le système d'inertie et de temporisation qu'on leur oppose, et ont sollicité avec instance que justice leur soit enfin rendue.

Le conseil d'Anvers et les communes riveraines, de leur côté, se sont associés à ces plaintes et ont fait auprès du gouvernement des démarches nombreuses pour aboutir à un résultat favorable.

Enfin, dans la session de 1868, l'honorable M. Jamar, répondant à un discours que j'avais prononcé, a eu la bienveillance de nous dire que l'étude confiée à M. l'ingénieur Bernard lui était parvenue, et qu'il était occupé en ce moment à rechercher quels étaient les ouvrages nécessaires pour l'amélioration du régime des deux Nèthes, tant sous le rapport de la navigabilité que des irrigations.

Après ces bienveillantes paroles, nous devions raisonnablement espérer que le gouvernement saisirait la première occasion qui se présenterait pour mettre fin à de justes réclamations, périodiquement reproduites, et dont, sans forfaire à notre mandat, nous ne pourrons cependant vous faire grâce à l'avenir, tant qu'il n'y aura pas été fait droit.

Eh bien, messieurs, il paraît que nous avions trop auguré de la sollicitude du gouvernement pour les intérêts que nous défendons et que nous étions dans l'erreur.

MM. les ministres dont, comme nous le voyons dans l'exposé des motifs, la munificence s'étend à tant d'objets divers : routes, bâtiments civils, travaux hydrauliques, chemins de fer, travaux au palais du Roi, construction et ameublement d'écoles, ont complètement oublié nos pauvres rivières. Contre notre attente, elles sont exclues de la liste.

Sans parler des nombreux canaux parmi lesquels celui de Gand à Terneuzen, sans parler de la Lys, de la Mandel et d'autres cours d'eau qui tous ont leur large part dans la répartition des faveurs budgétaires, la rivière l'Yser dont la reprise a été faite, en même temps que celle de la Grande-Nèthe, par l'article 42 de la loi du 1er janvier 1854, obtient, pour les modifications à apporter à son régime, un crédit de 400,000 francs ; la Grande-Néthe, rien.

Cette omission se justifie d'autant moins que, comme j'ai eu l'honneur de vous le faire observer dans une session précédente, un contrat formel est intervenu entre le gouvernement et la province d'Anvers, contrat en vertu duquel, moyennant une somme de 222,500 francs, une fois payée et à répartir entre la province, les communes riveraines et les propriétaires intéressés, l'Etat s'oblige à faire exécuter tous les ouvrages nécessaires à l'amélioration du régime de la Grande-Nèthe au double point de vue de la navigation et de l'écoulement des eaux. Il est vrai que M. le ministre des travaux publics, dans sa réponse aux questions qui lui ont été adressées par la section prétend que le gouvernement, sous ce rapport, a satisfait à ses obligations.

Quant au point de vue de de l'écoulement des eaux, il n’est contesté par personne, dit-il, que le but indiqué ait été atteint. Soit ; à cet égard, nous sommes d'accord avec M. le ministre.

« En ce qui concerne la navigation, ajoute-t-il, les renseignements fournis au département des travaux publics montrent que non seulement elle n'a pas été anéantie comme on a essayé de le prétendre, mais qu'elle a été, au contraire, améliorée sur tout le parcours de la rivière, par l'établissement d'un chemin de halage, par le redressement des coudes trop brusques et par l'enlèvement de certains atterrissements. »

Ici, messieurs, non seulement je ne puis pas adhérer aux assertions de M. le ministre ; mais je crois qu'il est complètement dans l'erreur. Si les redressements des coudes trop brusques et l'enlèvement de certains atterrissements auxquels il fait allusion, ont eu pour résultat incontestable de faciliter l'écoulement des eaux et de prévenir les débordements de la rivière, ils ont, par le fait même, rendu la navigation à peu près impossible, surtout pendant la saison d'été. Qui ne comprend, en effet, que supprimer les bancs de sable et de rochers qui se trouvaient dans le lit de la Grande-Nèthe et y constituaient en quelque sorte des barrages naturels, c'est, lorsqu’on ne les remplace pas par des travaux d’art, contribuer à mettre la rivière à sec et empêcher les bateaux d’y trouver le tirant d'eau nécessaire ?

« On n'a jamais pu raisonnablement espérer, dit encore M. le ministre, que le gouvernement parviendrait à établie sur la Grande-Nèthe une navigation permanente et l'on savait fort bien, à l'époque de la discussion la loi du 8 mars 1858, que l'on ne pourrait arriver ce résultat, à moins d'une dépense de 3,000,000 de francs. »

Je déclare à mon tour à l'honorable M. Jamar que lors de la discussion de cette loi j'avais l'honneur de faire partie du conseil provincial d'Anvers et que ce conseil, sans avoir la prétention d'obtenir pour la Grande-Nèthe des travaux devant coûter 3,000,000, n'aurait cependant jamais consenti à voter la somme de 222,500 francs dont j'ai parlé, s'il n’avait pas été entendu que le gouvernement s'engageait à établir un certain nombre de barrages pour sauvegarder et améliorer la navigation.

Déjà, en exigeant le concours de la province, des communes riveraines et des propriétaires intéressés dans les travaux à effectuer à la Grande- Nèthe, le gouvernement introduisait un principe nouveau et inaugurait un système que je pourrait, jusqu’à un certain point, qualifier d'injuste, puisqu’il n'a pas été appliqué aux autres rivières.

Aussi votre section centrale de cette époque, par l'organe de M. Vandenpeereboom, son honorable rapporteur, ne dissimule pas sa répugnance à entrer, à cet égard, dans les vues du gouvernement.

Pour vous le prouver, qu'il me soit permis, messieurs, de vous citer quelques passages du rapport auquel je fais allusion :

« L'Escaut, la Lys et la Meuse (loi du 31 octobre 1838), la Dendre, le Demer, le Ruppel et la Dyle (loi du 18 février 1840), les canaux de Gand à Ostende (loi du 10 février 1843), le canal de Mons à Condé, la Trouille et la Haine (loi du 30 décembre 1843), sont aujourd'hui entretenus aux frais de l'Etat, qui a fait, et fait encore tous les ans exécuter à ces voies navigables de grands travaux d'amélioration, au double point de vue de la navigation et de l'écoulement des eaux.

« A l'occasion de l'exécution de ces travaux considérables. le gouvernement n'a jamais réclamé l'intervention pécuniaire des provinces, des communes et des propriétaires intéressés.

« Dès lors, il est peu équitable de les soumettre, eux qui ont souffert depuis si longtemps par suite du retard mis dans l'exécution des travaux urgents, à un régime autre et plus onéreux que celui dont on a fait, jusqu'à ce jour, l'application en règle générale.

« En Belgique, l'égalité devant la loi doit ure une vérité pour les administrations publiques, comme pour tous les citoyens.

« Il est incontestable, les ingénieurs l'ont reconnu, que la situation déplorable des propriétés riveraines de la Grande-Nèthe, dont les débordements sont aujourd'hui périodiques, a été notablement aggravée par suite des grands travaux d'utilité publique exécutés depuis quelques années.

« C'est donc par le fait même du gouvernement que la position des riverains de la Grande-Nèthe est aggravée. L’Etat n'est-il pas tenu, comme le particulier, de réparer le dommage qu'il cause par sa faute à la propriété privée ? N'est-il pas même responsable du préjudice qu'il occasionne par son simple fait ?

« Le gouvernement, du reste, a reconnu cette obligation. »

(page 820) Vous le voyez, messieurs, votre section centrale, à l’unanimité de ses membres, et le conseil provincial d'Anvers, à plus forte raison, ont protesté énergiquement contre ces exigences peu équitables. Mais ils ont préféré les subir plutôt que de ne pas mettre fin à des inondations périodiques et à la situation désolante qui en était le résultat.

Toutefois, s'il ne s'était agi que de parer aux débordements de la rivière, les communes riveraines et les propriétaires intéressés, livrés à leurs propres ressources, auraient pu, au besoin, faire opérer les ouvrages de rectification et d'approfondissement nécessaires, et en somme peu coûteux ; mais, comme il fallait, avant tout, sauvegarder et améliorer la navigation de la rivière qui constituait un droit acquis et que les travaux en question étaient de nature à compromettre, une intervention large et efficace du gouvernement devenait indispensable.

Le conseil provincial d'Anvers a donc consenti à payer, comme quote-part, la somme de 222,500 francs pour obtenir le concours du gouvernement dans les travaux d'art et les barrages destinés à établir une bonne navigabilité.

Maintenant, messieurs, qu'a fait l'Etat pour satisfaire à ses obligations ?

Rien ou presque rien. Il a dépensé, de la somme qui lui a été remise par la province d'Anvers, quelques milliers de francs pour faciliter l'écoulement des eaux. Mais la majeure partie de ce subside ainsi que l'allocation faite par l'Etat ont été consacrées à mettre la ville de Lierre à l'abri des inondations qui la dévastaient.

Est-ce à dire que je blâme les travaux effectués à cette occasion ? Nullement, messieurs ; j'y applaudis, au contraire, de toutes mes forces.

Je trouve que lorsque notre pays a dépensé à Liége une somme de 8 à 10 millions pour y établir la dérivation de la Meuse, il est de toute justice qu'il fasse exécuter à Lierre les travaux nécessaires pour la sécurité de cette ville. Car enfin les intérêts de Lierre sont aussi respectables que ceux de Liége, toute proportion gardée, bien entendu, entre l'importance des deux cités.

M. Eliasµ. - La navigation des deux rivières est-elle comparable ?

M. de Zerezo de Tejadaµ. - Non ! mais la somme que nous demandons est bien moindre aussi.

Votre observation, M. Elias, aurait une raison d'être si nous ambitionnions des travaux pour 8 ou 10 millions ; mais nous ne demandons, relativement à cette somme, qu'un subside beaucoup plus modeste.

M. Eliasµ. - Je demande la parole.

M. de Zerezo de Tejadaµ. - Bon ! vous parlerez à votre tour.

Quoi qu'il en soit, ce qui n'est pas équitable, c'cst de solder le prix de ces ouvrages au moyen de l'argent fourni par les communes riveraines de la Grande-Nèthe en amont de Lierre et par les propriétaires intéressés. Au gouvernement seul incombaient les frais de cette nature.

Il est donc clairement établi par ces considérations que le gouvernement n'a absolument rien fait pour améliorer la navigation de la Grande-Nèthe et que, sous ce rapport, il n'a pas jusqu'ici satisfait à ses engagements. A-t-il bonne grâce, je vous le demande, de prétendre le contraire, sous prétexte qu'il a enlevé quelques atterrissements dans le lit de la rivière, c'est-à-dire, comme je l'ai déjà fait remarquer, supprimé des barrages naturels les remplacer par d’autres, plus efficaces ? Cela n'est pas sérieux et ce serait vraiment vouloir faire des travaux d'utilité publique à trop bon marché.

En présence d'une pareille situation et des sacrifices considérables faits jusqu'ici presqu’en pure perte par les communes riveraines et les propriétaires intéressés, ne serait-il pas temps que le gouvernement mît enfin la main à l'œuvre pour établir la navigation entre Lierre et Westerloo ?

Et puisque j'ai nommé cette dernière commune, important chef-lieu de canton, auquel, malgré ses vives instances et ses observations dûment motivées, on a refusé, à deux reprises, une station de chemin de fer qu'il aurait pourtant été si facile et si opportun de lui accorder, faut-il encore que, par dessus le marché, on le prive de l'usage d'une voie de communication, que lui donne naturellement la rivière qui traverse son territoire ainsi que celui d'autres communes qui, toutes comme elle, ont à la navigation de ce cours d'eau un droit doublement acquis ?

Je me joins donc à la députation permanente de la province d'Anvers et aux administrations des communes intéressées pour demander au gouvernement de vouloir exécuter son contrat de 1858.

Il est vrai que l'honorable M. Jamar n'était pas ministre des travaux publics à cette époque, mais je le crois trop juste et trop loyal pour ne exécuter des engagements antérieurement contractés.

Et lorsque l'honorable ministre a eu la bonté, dans la session précédente, de nous apprendre qu'il s'occupait de rechercher quels sont les ouvrages nécessaire pour améliorer la Grande-Nèthe sous le rapport de la navigabilité et des irrigations, n'a-t-il point, par ces paroles pris, une sorte d'engagement moral ?

Il est vrai que la réponse qu'il a faite à la section centrale semble indiquer qu'il n'est pas de cet avis ; mais, d'un autre côté, on ne saurait admettre qu'il ait voulu nous bercer d'espérances illusoires et nous faire des promesses qui resteraient inexécutées.

N'est-il pas déjà assez étrange que le gouvernement attribue spontanément à d'autres rivières des subsides purement gratuits tandis qu'il omet de proposer pour la Grande-Nèthe un crédit depuis longtemps espéré et qui de plus a un caractère obligatoire ?

Ai-je besoin d'ajouter que j'ai lu avec regret dans le rapport de la section centrale « que dans tous les cas le ministre ne se décidera pas à solliciter de la législature les moyens d'exécuter les ouvrages nécessaires à la rivière dont il s'agit, avant de s’être assuré le concours financier dans une mesure équitable des parties intéressées » ?

Je n'ai pas mission, je le reconnais, messieurs, de décider quoi que ce soit au nom de la province d'Anvers, des communes riveraines et des propriétaires intéressés ; mais, enfin, je présume qu'ils interpréteront la déclaration de M. le ministre comme une fin de non-recevoir, comme un refus déguisé.

Quoi ne suffit-il pas de les avoir fait contribuer par une mesure tristement exceptionnelle à une dépense qui incombait tout entière à l'Etat puisqu'il est propriétaire de la rivière ? Est-ce leur faute si le gouvernement n'a pas construit les barrages sur lesquels ils étaient en droit compter pour l'amélioration de la navigabilité ; est-ce leur faute si les fonds qu'ils ont versés pour cet objet ont été affectés à une autre destination ?

D'un autre côté, la Campine ne paye-t-elle pas sa quote-part dans les contributions qui alimentent le trésor national ? Pourquoi, dans ce cas, les communes et les propriétaires de la vallée de la Grande-Nèthe sont-ils si rigoureusement traités ? Pourquoi a-t-on pour eux des exigences et leur demande-t-on des sacrifices dont il n'est pas question quand il s'agit de beaucoup d'autres rivières ? Pourquoi ces deux poids et ces deux mesures ? Pourquoi cette absence de justice distributive ?

J’espère donc de tout mon cœur que M. le ministre reviendra sur la déclaration qu'il a faite à cet égard, et que, se contentant du concours déjà une fois intervenu des intéressés, il les dispensera de nouveaux sacrifices et de la condition onéreuse que jusqu'ici, je pense, il ne leur avait pas encore imposée.

M. le ministre ne se décidera pas non plus, dit-il, à solliciter un crédit pour la Grande-Nèthe avant d'avoir acquis la certitude que les propriétaires sont disposés à prendre les mesures nécessaires pour constituer entre eux des associations de wateringues

Je pense que l'honorable M. Jamar peut avoir tous ses apaisements à cet égard.

Les propriétaires, dans les pétitions qu'ils ont adressées à la Chambre se plaignent que, depuis que leurs terrains ne sont plus fécondés par les eaux, ils ont perdu plus de la moitié de leur valeur productive.

Ils s'empresseront donc de porter remède à cet état de choses et de constituer des wateringues dès que la construction de ponts et de barrages sur la Grande-Nèthe permettra d'y établir des irrigations

Mais quand ces travaux si vivement désirés auront-ils lieu ? J’avoue que, sous ce rapport, je suis médiocrement rassuré surtout quand je m'en rapporte aux précédents.

En effet, il a fallu deux ans à l'ingénieur chargé des études pour formuler un avant-projet ? Ce travail, qui devait à coup sûr être savant et des mieux élaborés si l'on tient compte du temps qu'on a mis à l'effectuer, à donné lieu, au contraire, de la part du comité permanent consultatif, à des observations qui ont dû être communiquées à son auteur.

Il paraît que, jusqu'ici, l'ingénieur n'a pas encore répondu ; peut- donnera-t-il un jour ou l'autre les explications désirées.

Mais, dans tous les cas, la chose tarde bien, si l'on songe que l'avant-projet, d'après la déclaration de M. le ministre, est parvenu à son département pendant la dernière session.

Maintenant, à quelle époque le comité permanent consultatif à son tour fera-t-il son rapport et à quelle autre époque plus ou moins éloignée M. le ministre lui-même prendra-t-il une décision définitive sur la question qui nous occupe ?

Nous ne savons, et pourtant il faudrait une solution, car nous ne pouvons pas rester dans un éternel statu quo sur ce point. Messieurs, il faut en convenir, la Grande-Nèthe joue de malheur.

Elle n'a pas été mise à même de profiter du long travail dont elle a été l'objet de la part de MM. les fonctionnaires de l'administration des ponts (page 821) et chaussées qui ont étudié cette rivière perdant des années, tandis que, pour d’autres cours d'eau, des études semblables, lestement expédiées, ont été tout aussi lestement approuvées par le gouvernement.

J'espère donc, messieurs, que l'honorable M. Jamar voudra bien nous fournir les explications que je lui demande et surtout nous les donner aussi catégoriques que possible.

Et puisque j'ai la parole et pour ne pas faire de ma demande l'objet d'une interpellation spéciale, je prie M. le ministre des travaux publics de me donner aussi quelques renseignements relativement au chemin de fer d'Anvers à Gladbach.

Je sais que cette ligne est concédée depuis assez longtemps ; mais ce que sais beaucoup moins ou plutôt ce que j'ignore, ce sont les motifs pour lesquels on ne met pas la main à l'œuvre. On parle vaguement, il est vrai, de négociations qui se poursuivant en ce moment avec le gouvernement hollandais pour lever certains obstacles suscités de ce côté ; mais, pour ma part je ne crois pas à des difficultés de cette espèce, parce que, me trouvant en Hollande au mois d'août 1868, notre chargé d'affaires à La Haye, M. le baron Beaulieu, aujourd'hui ministre plénipotentiaire à Londres, m'a annoncé qu'il venait de recevoir du gouvernement hollandais l'assurance officielle que celui-ci ne s'opposait plus désormais à la construction d'un pont sur la Meuse, ni au passage d'un chemin de fer belge sur son territoire. Il me paraît donc peu probable que ce gouvernement soit revenu depuis sur sa décision.

Comme il importe extrêmement aux intérêts de l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter, ainsi qu'à ceux de la ville d'Anvers, que le chemin de fer qui doit aller de cette ville à Gladbach se construise le plus possible, je prie l'honorable ministre des travaux publics de vouloir bien aider de toute son influence la compagnie à écarter les empêchements qui pourraient s'opposer à la réalisation de son entreprise.

Mais si, au contraire, ces empêchements n'existent pas, si c'est par inertie ou pour d'autres motifs peu louables que la compagnie n'exécute pas le chemin de fer dont il s'agit, j'espère que M. le ministre des travaux publics usera envers elle de fermeté, pour ne pas dire de rigueur, et que, s'il y a lieu, il lui enlèvera une concession dont, au grand détriment de l'intérêt général, elle n'entendrait pas profiter, pour l'accorder à d'autres compagnies qui ne demanderont pas mieux que de la reprendre et de la mener à bonne fin, si toutefois, comme on me l’affirme, de semblables compagnies existent.

Je le répète, je suis très désireux d'obtenir de M. le ministre des travaux publics les renseignements que j'ai l'honneur de lui demander.

M. Woutersµ. - Messieurs, lorsque, dans la séance du 22 mars, le gouvernement déposa un projet de loi, tendant à allouer aux départements des travaux publics et de l'intérieur une somme de 15,593,000 francs pour travaux d'utilité publique, j'éprouvai un vif sentiment de satisfaction ; car, outre que ces propositions attestaient la bonne situation du trésor, elles me donnaient l'espoir fondé de voir disparaitre ce partie les griefs contre lesquels mes honorables collègues de Louvain et moi avons si souvent protesté dans cette enceinte.

Grande fut notre surprise lorsque nous vîmes que le projet ne tenait aucun compte de nos réclamations, et que l'arrondissement que nous avons l’honneur de représenter au parlement n'avait pas la plus petite part dans les largesses répandues avec tant de libéralité sur d'autres localités du pays.

Cet abandon si complet de nos droits ne saurait se justifier, en présence des déclarations réitérées du gouvernement et des promesses si formelles qu'il nous a faites ; car il est des travaux sur la nécessité desquels l'honorable chef du dé0artcment des travaux publics est parfaitement d'accord avec nous ; ce qui seul avait jusqu'ici paralysé ses bonnes intentions, c'était l'état peu favorable de nos finances.

Parmi ces travaux, je citerai, en première ligne, l'agrandissement de la station de Louvain. Il y a longtemps que cette question a été placée devant la Chambre. En 1866 notamment, mon honorable collègue et ami, M. Delcour, signalait l'insuffisance de la station actuelle et la nécessité d'y établir une gare couverte.

L'honorable M. Vanderstichelen, alors ministre des travaux publics, n'hésita pas reconnaitre qu'il y avait des travaux urgents à faire à Louvain, et il ajouta ces mots si significatifs : « Ces travaux seront faits. »

Dans la session de 1867, je joignis mes réclamations à celles de mes honorables collègues. M. le ministre en admit de nouveau et sans conteste le bien fondé, il se montra très disposé à y faire droit, mais nous opposa une fin de non-recevoir, devant laquelle nous dûmes forcément nous incliner.

« Je n'ai plus de fonds, nous dit-il, pour continuer des travaux urgents et de première nécessité. Le dernier crédit est entièrement épuisé et des travaux ont été même faits à découvert dans la station de Liége. »

Force nous fut donc d'attendre des temps meilleurs.

Dans la séance du 19 mars 1868, à l'occasion d'une demande de crédits de 5,150,000 francs pour divers travaux d'utilité j'insistai de nouveau sur la nécessité d'apporter des changements à la station de Louvain, et j'exprimai désir de voir le gouvernement comprendre le crédit nécessaire à cet objet dans la première demande de fonds qu'il ferait à la législature.

Voici la réponse que l'honorable M. Jamar, devenu ministre des travaux publics, me fit l'honneur de m'adresser :

« Quant à la station de Louvain, il en est comme à Ostende. » Notons en passant, que si en 1868, il en était, de l'aveu de M. le ministre, à Louvain comme à Ostende, il paraît que, dans sa pensée, il n'en est plus de même aujourd'hui. Ostende, à part de gros crédits pour des travaux de divers genres, reçoit une somme de 3,500,000 francs pour l'agrandissement da sa station ; Louvain, qui se trouve dans des conditions identiques, n'obtient littéralement rien.

« Il y a des travaux, ajoute l'honorable ministre, qu'il serait très utile de faire à Louvain et notamment la construction d'une gare couverte, qui est décidée en principe depuis longtemps et a fait l'objet d'une convention entre le département des travaux publics et la compagnie du Grand-Central belge.

« Aussitôt que les ressources du trésor permettront consacrer une somme importante au parachèvement de nos chemins de fer, la station de Louvain recevra sa part dans le crédit qui pourra être alloué au département des travaux publics. »

Ce langage si précis, ces assurances si formelles furent accueillis avec faveur dans notre arrondissement ; ils témoignaient de la volonté bien arrêtée de l'honorable ministre de remédier à la situation qui lui était signalée, aussitôt qu'on en fournirait les moyens.

Toutefois, et bien que rempli de confiance dans l'avenir, je ne laissai passer aucune occasion de lui rappeler ses promesses, et j'en profitai notamment, le 8 mai 1868, lors de la discussion de son budget.

Et comme, dans l'intervalle, quelques légères améliorations avaient été apportées à l'aménagement du bâtiment des recettes, craignant qu'elles n'eussent pour effet de retarder encore la solution définitive qui nous avait été promise, je fis part de mes inquiétudes à l'honorable ministre, qui mit une obligeance à me tranquilliser, en me disant « que ces travaux n'apporteraient ni changement ni retard à l'exécution des projets arrêtés en principe pour la station de Louvain, aussitôt qu'il aurait à sa disposition les ressources nécessaires. »

Ce qui, en d'autres termes, revenait à dire ceci : Dès que mon département pourra disposer d'un crédit tel que celui qui est sollicité aujourd'hui de la Chambre, les travaux que vous réclamez seront effectués.

Douter, après cela, de la parole de l'honorable ministre, c’eût été lui faire injure ; aussi eûmes-nous une foi entière dans ses affirmations.

Pendant la session de 1869, le moment me semblait venu où, par suite de l'accroissement de nos recettes, le gouvernement pourrait réaliser ses promesses ; mais l'honorable M. Jamar m'exhorta à prendre encore quelque peu patience, et pour me rendre la pratique de cette vertu plus aisée. il me rappela qu'une somme de 570,000 francs avait déjà été dépensée pour la station de Louvain.

A Dieu ne plaise que je veuille contester l'exactitude de ce chiffre ; je le crois exact, puisque M. le ministre l'affirme, mais il voudra bien reconnaître, avec moi, que l'emploi de cette somme n'est nullement en rapport avec les résultats produits, et que le public notamment en a peu profité.

Ainsi, comme je le faisais encore observer l’an dernier, l'on n'a pas touché à une pierre du bâtiment des recettes. Des annexes essentielles font encore défaut. Les bureaux des marchandises et des bagages sont insuffisants ; les bureaux du télégraphe ont dû être relégués à l'étage, par manque de place ; les salles d'attente sont beaucoup trop étroites pour contenir l'affluence habituelle des voyageurs ; les passages sont resserrés au point de gêner la manœuvre des trains et de compromettre sérieusement la sécurité des voyageurs : les trains de banlieue sont organisés à l'écart et à ciel découvert ; enfin, loin d'avoir une gare couverte, les voyageurs n'ont même pas la ressource d'un simple auvent ; et cet inconvénient est rendu plus sensible aujourd'hui, par suite d'une mesure récemment introduite, qui prescrit la reprise des coupons à la sortie de la gare, et oblige ainsi les voyageurs à demeurer plus longtemps exposés aux intempéries de l'air, sans pouvoir s'abriter dans les salles d'attente.

Et puisque je parle de cette mesure, je me permettrai d'ajouter que je crois qu'elle n'a pas précisément répondu au but que l'on s'est proposé. (page 822) Ce but, éminemment louable, était, en interdisant la gardes le long des wagons pendant la marche des trains, de prévenir le retour de ces accidents déplorables qui n'ont que trop souvent ensanglanté nos chemins de fer.

Or, messieurs, chacun a pu constater avec moi que rien ou presque rien n'est changé à cet égard, à leur service. Aujourd'hui comme jadis, ils viennent, alors même que les trains sont lancés à toute vapeur, vérifier, sinon reprendre les coupons des voyageurs. C'est le mode seul de recouvrement de ces coupons, s'effectuant à la sortie de certaines stations de destination, qui a varié.

Et dans cette consigne, si sévère, établie à la port de nos gares, et qui en interdit strictement l'entrée à toute personne non munie de coupon ou d'une carte de circulation, il y a quelque chose d’inusité, et qui froisse le sentiment de nos populations.

Ainsi, il est pénible, lorsqu'on accompagne un parent, un ami et surtout des personnes âgées ou infirmes, ou des enfants qui ont besoin de protection, de ne pouvoir, comme précédemment, leur venir en aide au moment de l'arrivée ou du départ des trains.

Les administrations qui se sont succédé depuis trente ans nous avaient habitués à une tolérance plus paternelle, et c'est ce qui avait rendu nos chemins de fer si populaires. Je ne vois pas qu'il en soit résulté jusqu'ici de sérieux inconvénients.

Pourquoi déployer aujourd'hui tant de rigueur ? C'est, m'a-t-on dit, pour mieux assurer le contrôle des coupons à la sortie et prévenir les fraudes. Mais il est aisé de prouver que ce contrôle est loin d'être efficace, et que beaucoup de personnes échappent forcément son application. Tels sont les voyageurs qui de Diest, d'Aerschot ou d'une des localités quelconques échelonnées sur la ligne du Grand-Central, se rendent à Bruxelles ou à Liége, en passant par Louvain. A leur retour à Louvain, à qui remettront-ils leur coupon de route ? Est-ce au garde du train qui les a amenés ? Non, car il n'a pas mission de le recevoir. Est-ce au préposé à la sortie de la gare ? Non, encore ; ce coupon, ils le garderont forcément, car ils ne sortiront pas de la gare ; munis d'un bulletin d'aller et retour, qui leur aura été délivré au point de départ par les bureaux du Grand-Central, ils prendront place directement sur les trains de cette ligne, et il est, dès lors, impossible que la comptabilité soit régulièrement tenue et les coupons fidèlement représentés.

Veuillez remarquer, messieurs, qu'il n'entre nullement dans ma pensée de contester les excellentes intentions qu'a eues le gouvernement en proposant cette mesure ; mais je crois, si l'on juge bon de la conserver, qu'elle devrait être complétée dans un sens, et qu'elle serait susceptible de recevoir certains adoucissements dans un autre.

Je conviens que ces réflexions eussent mieux trouvé leur place lors de la discussion du budget des travaux publics ; mais il eût fallu attendre la session prochaine, et j'ai cru qu'il valait mieux les soumettre de suite à la bienveillante appréciation du gouvernement.

J'en reviens donc à ce que je disais tantôt, c'est que, malgré l'argent dépensé, tout reste à faire dans la station de Louvain. Mais, me dira-t-on, quel a donc été l'emploi de cette somme de 570,000 francs dont a parlé l'honorable ministre des travaux publics ? J'avoue, messieurs, que je serais aussi désireux que personne d'avoir quelques explications à cet égard.

L'on a, sans doute, fait du provisoire, qui coûte toujours fort cher et qui ne satisfait personne ; puis on a consacré la majeure partie de la somme à établir, aux abords de la gare, 15 à 20 kilomètres de réseau, nécessités par la mise en exploitation successive des lignes dit Grand-Central et du chemin de fer direct de Bruxelles Louvain.

Loin donc que le gouvernement puisse nous opposer ces travaux pour retarder encore l'exécution de ses engagements, ils prouvent à l'évidence que le mouvement a pris, depuis quelques années, un développement considérable dans la station de Louvain, et que, par suite, les installations actuelles ne sont plus en rapport avec les nécessités du service et les besoins de la locomotion.

Que l'on veuille bien remarquer, messieurs, que plus de cent convois font journellement arrêt dans la station de Louvain. Il y a quelques semaines, j'ai été témoin, vers 8 heures 20 minutes du soir, de l'arrivée simultanée dans la gare de cinq trains de voyageurs, venant des directions de Bruxelles, Malines, Anvers par Herenthals, Liége et Charleroi. En plus deux trains de banlieue stationnaient sur les rails. Les trains occupaient toutes les voies disponibles dans la gare, et chacun sait que ces voies ne sont séparées entre elles que par des bandes très étroites, servant de seul lieu de refuge aux voyageurs. Il se produisit à l'arrivée et au départ de ces trains. grâce à un éclairage très défectueux et sur lequel j'appelle la sérieuse attention du gouvernement, il se produisit, dis-je, une confusion indescriptible, et il fallut toute la vigilance et le zèle si actif de notre honorable chef de station et de ses employés pour prévenir les accidents.

Je ne sais, messieurs, si la Chambre se rend bien compte de l'importance réelle de la station de Louvain. Le mouvement des voyageurs, pendant la période 1868, s'est élevé à 365,017 pour les lignes réunies du Grand-Central et de l'Etat, donc un millier par jour. Encore est-il bon de remarquer que dans ce nombre ne sont pas comptés ceux qui prennent leur coupon d'aller et retour au point de départ, et ne figurent que dans la comptabilité du bureau de départ ; ce nombre, lors des fêtes locales ou l'occasion des grandes affluences, est très considérable. Sur le réseau du Grand-Central, il peut être évalué à plus de moitié.

Quant aux transports des marchandises, ils ont été, pendant l'année 1868, de 74,185,255 kilogrammes au départ, de 141,832,186 kilogrammes à l'arrivée.

Je n'ai pu me procurer les chiffres exacts pour l'année 1869, mais les renseignements approximatifs qui m'ont été donnés me permettent d'affirmer qu'ils dépassent de plus de trente millions de kilogrammes les évaluations précédentes.

Toutes ces considérations, messieurs, devraient engager le gouvernement à presser davantage la solution qu'il nous a promise. Cette solution, quelle est-elle ?

De l'avis de tous les hommes compétents, il n'y en a qu'une possible, c'est celle qui consiste déplacer le bâtiment actuel des recettes et le reconstruire, dans de plus larges proportions, sur l’emplacement du jardin. Cette combinaison, comme je l'ai démontré souvent, dégagerait les abords de la gare, rétablirait la largeur des passages et obvierait ainsi à tous les inconvénients existants.

Veuillez remarquer que la somme qui est réclamée pour ce travail n'est pas excessive. De l'aveu du gouvernement, elle ne dépasserait guère 350,000 francs ; car le jardin, sur lequel serait édifiée la nouvelle gare, appartient à l'Etat, et il n'y aurait, de ce chef, aucune acquisition de terrain à devoir faire.

L'honorable M. Jamar n'ignore pas que Louvain s'impose en ce moment de lourdes charges pour relier, par une voie directe, le centre de la ville à la station qu'il espère voir prochainement agrandir. Se pourrait-il qu'il soit insensible à tous ces sacrifices et qu'ils ne puissent le déterminer à nous accorder enfin son concours ?

« Sitôt que mon département aura à sa disposition les ressources nécessaires, nous dit-il, les travaux décidés on principe pour la station de Louvain seront faits ». Depuis lors plusieurs crédits ont été votés ; aujourd'hui encore, une somme de plus de 15 millions est sollicitée du pays ; est-il croyable qu'on n'ait pas pu distraire de cette somme, de quoi exécuter un travail dont la nécessité a été si souvent proclamée ?

Mais, à défaut de l'agrandissement de la station, il est d'autres améliorations qu'il serait très utile de voir établir dans notre arrondissement. T

elle est l'urgence qu'il y aurait à faire disparaître le passage à niveau qui se trouve à l'entrée de la porte de Diest. Mon honorable collègue et moi, M. Beeckman, a souvent insisté sur ce point. Partout, dans la banlieue de Bruxelles, comme ailleurs, nous voyons le soin prudent que met l'Etat à supprimer les passages à niveau, source perpétuelle de dangers et d'accidents. Cette suppression revêt, dans le cas spécial qui nous occupe, une opportunité toute particulière en ce qu'elle rendrait toute liberté la manœuvre des trains, singulièrement entravée aujourd'hui par la nécessité où se trouve l'administration d'étrangler le passage à cet endroit pour rendre moins dangereuse la circulation des voitures sur la voie, et l'exécution de ce travail est devenue plus facile par la convenance qu'il y aurait à démolir la prison de la porte de Diest, devenue sans emploi. Je ferai observer que ce point est actuellement soumis aux délibérations du conseil communal.

Le gouvernement a promis d'étudier la question et de faire une enquête ; des plans ont même été, je pense, déposés au département des travaux publics. D'où vient qu'aucune suite n'y est donnée ?

Si de ce point je passe à d'autres, c'est pour constater que, depuis plusieurs années, des membres de notre députation ont prouvé la nécessité d'apporter certaines améliorations au cours du Demer, en construisant notamment des barrages, pour opérer la retenue des eaux, si nécessaires la fertilisation des prairies.

En 1865, une pétition émanée du conseil communal réclamait la construction d'un embranchement pour relier le Demer au canal de Louvain, à la hauteur de Wechter, ce qui aurait eu le grand avantage de relier notre ville la Campine et par suite la Campine à tout le pays.

Alors que la Senne, la Lys, l'Yser, l'Escaut sont largement rétribués par le projet, je dirai avec la même raison que l'honorable M. de Zerezo, (page 823) défendant les droits de la Grande-Nèthe : Pourquoi le Demer n’est-il compté pour rien dans la répartition de ces crédits ?

Rappellerai-je au gouvernement la demande que nous lui avons maintes fois adressée, d'établir un bureau télégraphique au centre de la ville ? Bruxelles, Liége, Gand, Anvers, Hasselt, Dinant et possèdent cet avantage.

D'où vient que Louvain, qui a une population et un mouvement d'affaires supérieurs à plusieurs de ces villes, en est encore privée ?

Il en est de même pour la création, dans l'intérieur de la ville, d'un bureau des petites marchandises, qui a fait l'objet de mentions spéciales dans le rapport de notre chambre de commerce et dont nous nous sommes fait, à plusieurs reprises, l'interprète à la Chambre.

Il n'est pas jusqu'à l’établissement d'un bureau de poste à la station qui semblait nous avoir été annoncé, l'an dernier, par l'honorable ministre, dans la réponse qu’il me fit l'honneur de m'adresser, et dont l'ouverture souffre d'interminables lenteurs.

Parlerai-je enfin des travaux de dégagement à exécuter dans la station de Tirlemont ? des vœux manifestés par plusieurs conseils communaux de voir ériger une station à Cumptich ? de la convenance qu’il y aurait à établir un service de malles-poste entre Tirlemont et Diest pour relier ces localités entre elles, et aux communes de Bunsbeek, Glabbeek (chef-lieu de canton), Cappellen, Decquevoort et Caggevinne-Assent, dépourvues de tout service public de messageries ? du désir si légitime exprimé par les habitants de Diest de voir établir des trottoirs sur la route qui conduit de la station à la ville de manière à leur permettre de regagner à pied sec leurs demeures !

Toutes ces demandes si justes, si raisonnables, sont perpétuellement ajournées ; et alors que le gouvernement répand ses faveurs d’un main si libérale sur la plupart des localités du pays, l'arrondissement de Louvain, qui paye sa large part au budget, en est complètement déshérité.

Messieurs, il n'entre nullement dans ma pensée de combattre le projet qui nous est soumis ; je crois même que toutes ses dispositions peuvent se justifier ; mais je ne puis m'empêcher de vous présenter, en terminant, une dernière réflexion, que le relevé de certaines allocations qui y sont énoncées, m'a suggérée.

Ainsi, je vois que la ville de Gaud obtient de francs pour l'approfondissement du canal de Terneuzen, 200,000 francs pour des travaux à exécuter dans la station et une part dans un crédit de 300,000 fr. pour la reconstruction d'un pont éclusé à Braemgaten, situé sur l'Escaut, rue Digue de Brabant.

Bruxelles reçoit plusieurs crédits s'élevant à une somme globale de 2,783,000 francs pour divers travaux, dont les uns présentent un caractère d'urgence incontestable, et dont les autres constituent des dépenses utiles sans qu'on puisse dire cependant qu'elles soient indispensables.

Charleroi, Tournai, Verviers, Liége, obtiennent de gros crédits pour travaux d'agrandissement et d'amélioration de leurs stations.

Louvain seul n'obtient rien.

C'est l'arrondissement d'Ostende que les bonnes grâces de l’honorable M. Jamar semblent avoir été spécialement ménagées. Ostende reçoit plus d'un million pour divers travaux d'utilité publique, dont plusieurs, je le reconnais, sont commandés au trésor par la position exceptionnelle de cette ville sur le littoral de la mer, et, en outre, 350,000 francs pour l'aménagement de sa station.

Ainsi, comme je l'ai fait observer tantôt, les travaux à effectuer à la station de Louvain ont été reconnus, par M. le ministre, nécessaires au même titre que ceux qui vont exécutés à Ostende. Il y a plus, l'Etat s'est engagé, par convention datant de 1862 envers le Grand-Central belge, à construire une gare couverte ; il a même reçu de la compagnie une somme de 160,000 francs pour quote-part de la compagnie dans la dépense ; j'ai, dans une session précédente, donné connaissance la Chambre de la correspondance qui l'établit. Eh bien, le gouvernement retarde indéfiniment l'exécution de ses obligations à Louvain et dispense largement ses faveurs partout ailleurs.

Je crois avoir suffisamment motivé le vote que j'aurai à émettre sur le projet ; il m'est tout naturellement commandé par la situation qui nous est faite.

Ce vote sera-t-il négatif ? Non, messieurs, je ne veux pas priver mes honorables collègues des avantages qui leur sont attribués par le projet. Puisque l'équilibre de nos budgets se solde par un excédant de recettes de plusieurs millions, cette somme ne saurait être mieux employée pour le pays qu'en travaux d'utilité publique.

Ce que je regrette, ce que je déplore, c'est que le gouvernement n'ait pas cru devoir, dans une pensée de justice et d’impartialité, comprendre notre arrondissement dans la distribution de ces bienfaits. Les titres incontestables que j'ai invoqués le lui commandaient. C’est contre cet oubli complet de nos droits que me vois forcé de protester, et c'est pour ce motif que je m’abstiendrai.

M. Van Merrisµ. - Puisque nous sommes appelés, en ce moment, à examiner le projet de loi allouant des crédits extraordinaires au département des travaux publics, je me permettrai, messieurs, de vous entretenir pendant quelques instants de l’Yser, dont la cause a déjà été si souvent chaleureusement et éloquemment défendue par mes honorables collègues de Furnes et d'Ypres.

Je ne crois pas, messieurs, qu’il soit nécessaire de parler en ce moment du redressement et de l'approfondissement du bas Yser ; ces travaux, intelligemment conduits, étant en pleine voie d'exécution. Mon intention est seulement de m'occuper, aujourd'hui, du haut Yser, qu'il s'agit de recreuser et de rendre navigable.

Quand, par l'arrêté royal du 8 mars 1858, l'exécution des grands travaux à l'Yser fut décrétée, on crut généralement que toute la rivière, à partir de Rousbrugge jusqu'au canal de Loo, était comprise dans le projet du gouvernement. Mais l’illusion ne fut malheureusement pas longue et bientôt on apprit que le décret se rapportait seulement au canal de dérivation conduisant de la Fintelle, à côté du canal de Loo, par Furnes à Nieuport, de sorte que la section,comprise entre la commune de Rousbrugge et la Fintelle, dont la navigation ost devenue presque impossible, ne faisait pas partie du projet adopté par la Chambre.

Il s'en est suivi que le million et demi porté au budget de 1858 pour les travaux de l'Yser, comme les 400,000 francs qu'on nous propose de voter aujourd'hui, sont uniquement destinés à faciliter l'évacuation des eaux qui, dans les grandes crues causent les inondations d'été, si désastreuses pour les prairies et pâtures qui s'étendent de Rousbrugge à Dixmude sur un espace de plus de cinq lieues.

Je dois cependant ajouter qu'à l'époque précitée, l'honorable M. Vanderstichelen, alors ministre des travaux publics, convaincu de la justesse des nombreuses réclamations qu'on lui adressa, proposa, au budget de son département, pour travaux non compris dans le grand projet et estimés à une somme approximative de 100,000 francs, si je ne me trompe, un crédit extraordinaire de 15,000 francs, que vous avez bien voulu voter, et qui depuis a continué à figurer annuellement dans ce budget.

Au moyen de ces ressources, on adjugea la continuation jusqu'à Elsendamme de la section de Nieuport à l'endroit dit : Paling-huis, en ce moment entièrement terminés.

Alors, les habitants des rives de l'Yser se bercèrent de l'espoir qu'après tant d'années d'attente, pleine et complète satisfaction allait être donnée à leurs justes réclamations.

Mais de nouvelles déceptions les attendaient, car si la question financière n’était plus un obstacle pour mettre la main à l'œuvre, d'autres difficultés ne tardèrent pas à se présenter.

Voici ce qui arriva : comme il s'agissait de recreuser cette partie de l’Yser et de la rendre navigable, il fallait bien créer un chemin de halage et exproprier les terrains à ce nécessaire. Or, les propriétaires, en présence des offres illusoires qui leur furent faites par l'agent chargé par gouvernement de faire les expropriations, refusèrent de traiter à l'amiable. Des procès s'en sont suivis et le gouvernement renonce aujourd'hui à acheter les terrains qui lui sont nécessaires, se prévalant de la servitude dont sont grevées, d'après lui, les propriétés bordant les rivières aux termes de l'article 7, titre XXVIII de l’ordonnance du 13 août 1669, conçu comme suit :

« Les propriétaires des héritages aboutissant aux rivières navigables laisseront le long des bords vingt-quatre pieds au moins de place de largeur, pour chemin royal et trait de chevaux, sans qu'ils puissent planter arbres ni tenir clôture ou haie plus près que trente pieds du côté que les bateaux se tirent et dix pieds de l'autre bord, à peine de cinq cents livres d'amende, confiscation des arbres et d'être les contrevenants contraints réparer et remettre les chemins en état à leurs frais. »

Cette ordonnance n'a jamais été publiée en Belgique en son entier. Seulement, l'article 7 l’a été par un arrêt du 7 prairial an XIII ; or, en admettant la force obligatoire de cette disposition, elle ne paraît pas applicable en Belgique à l’Yser.

En effet cette ordonnance règle les conditions des chemins de halage pour les rivières qui en avaient au moment où elle a été publiée ou qui en avaient auparavant, et à aucune époque il n'a existé sur les rives de l'Yser ni marchepied, ni chemin de halage à trait de chevaux ; pareils (page 824) chemins ont été de tout temps impossibles par suite de l’existence de nombreux et larges fossés coupant presque toutes les propriétés riveraines, et ce n'est que sous le gouvernement des Pays-Bas que la province, alors propriétaire de l'Yser, a construit sur ces fossés un chemin de halage à trait d'hommes au moyen de passerelles en bois qui ont été régulièrement entretenues depuis lors.

Ainsi, il résulte de l'état des lieux comme de la tolérance dont a fait preuve l'autorité supérieure, que la rivière de l'Yser n'était pas de celles auxquelles l'ordonnance de 1669 était applicable de plein droit.

Sans doute, le gouvernement peut modifier les conditions de navigabilité de la rivière et rendre l'ordonnance de 1669 applicable ; mais, dans ce cas, l'article précité doit s'appliquer concurremment avec l'article 545 du Code civil qui pose le principe de l'indemnité préalable en matière d'expropriation.

Et la chose est importante, messieurs, car, on veut pas seulement prendre le nombre de mètres de terrain prescrit pour faire le chemin de halage, mais on veut élever le chemin et démolir des constructions fort importantes qui ont été élevées il y a plus de soixante ans au vu et au su de l'autorité et que celle-ci n'a jamais contrariées par l'excellent motif qu'à cette époque il n'existait ni grand ni petit chemin de halage et qu'elle-même ne jugeait pas l'ordonnance de 1669 applicable à cette rivière.

Bref, ce chemin devant être établi pour la première fois sous l'empire de l'article 545 du Code civil, il y a lieu d'accorder une juste et préalable indemnité pour tous les terrains que l'on veut emprendre.

Le gouvernement, si jen juge par la circulaire de M. l'ingénieur Symons, a l'intention « d'élever le chemin de halage pour le mettre au-dessus des plus hautes eaux, et il trouve que cet aménagement du chemin de halage n'altérera point la nature de la servitude et n’en constituera pas une aggravation ».

Comment ! on remblaye le chemin de halage d'un ou de plusieurs pieds, on le sépare en quelque sorte du restant de sa propriété, et on frappe de stérilité toutes les prairies qui longent l'Yser en les privant des inondations d'hiver, et on proclame que ce travail ne constituera pas une aggravation de la servitude ; mais, à moins d'aménager les eaux au moyen d'éclusettes ou d’aqueducs de manière à maintenir les inondations, on réduira à la moitié de leur valeur actuelle les riches propriétés qui bordent des deux cotés de l’Yser à partir d'Elsendamme jusqu'à Rousbrugge.

Eh bien, messieurs, n'est-ce pas là un préjudice qui est le résultat de l'aggravation de la servitude et qui doit évidemment donner lieu à réparation ?

Mais, s'il y avait doute, il serait levé, nous semble-t-il, en présence du décret du 22 janvier 1808, dont voici les dispositions :

« Art. 1er. Les dispositions de l'article 7 du titre XXVIII de l'ordonnance de 1669 sont applicables à toutes les rivières navigables de l'empire, soit que la navigation y fût établie à cette époque, soit que le gouvernement se soit déterminé depuis ou se détermine aujourd'hui ou à l'avenir à les rendre navigables.

« Art. 2. En conséquence, les propriétaires riverains, en quelque temps que la navigation ait été ou soit établie, sont tenus de laisser le passage pour le chemin de halage.

« Art. 3. Il sera payé aux riverains des fleuves ou rivières où la navigation n'existait pas et où elle s'établira, une indemnité proportionnée au dommage qu’ils éprouveront, et cette indemnité sera évaluée conformément aux dispositions de la loi du 16 septembre dernier.

« Art. 4. L'administration pourra, lorsque le service n'en souffrira pas, restreindre la largeur des chemins de halage, notamment quand il y aura antérieurement des clôtures en haies vives, murailles ou travaux d'art à détruire. »

Et c'est ici bien le cas.

Ces dispositions se résument en quatre mots : l'article 7 du titre XXVIII de l’ordonnance est applicable en quelque temps que la navigation ait ou soit établie ; seulement là où la navigation n'existait pas, c'est-à-dire où il n'y a jamais eu de chemins de halage et où l'on en établira un, les propriétaires seront indemnisés.

Le législateur de 1808 se rappelait le principe qu'il avait inscrit au Code civil et il le respectait en consacrant de nouveau le principe de la préalable indemnité.

L'article 4 du décret permet d'ailleurs de tempérer la rigueur des prescriptions de l'ordonnance de 1669, puisqu'il permet, dans tous les cas, de restreindre la largeur des chemins de halage, quand il y aura antérieurement des clôtures de haies vires, murailles, travaux d'art ou maisons à détruire.

Or, antérieurement à quoi !

Evidemment, antérieurement à l'époque où on rend la rivière ou bien à celle où l’on a changé les conditions de sa navigabilité.

Or, l'Yser n'a jamais été navigable tel qu'on veut le rendre aujourd’hui, par suite il n'a jamais fallu et il n'y a jamais eu de chemin de halage comme on veut en construire un.

D'ailleurs, l'autorité en construisant, sous le régime hollandais, pour la première fois, un chemin de halage à trait d'hommes, de trois mètres de largeur, au moyen de passerelles en bois sur les fossés, a virtuellement restreint la servitude du halage à trois mètres et fixé, par là même, l'état légal de la servitude, c'est-à-dire que si l'ordonnance de 1669 a été appliquée en 1824 ou 1825 à l'Yser, elle ne l’a été qu'avec les restrictions du décret de 1808, et il en résulte, pour les riverains, des droits acquis, auxquels on ne peut plus porter atteinte que moyennant une préalable indemnité.

Du reste, ce qu'on propose de faire dépasse réellement des besoins et les désirs des habitants de ces contrées qui ne demandent que l'approfondissement de cette partie de l'Yser et l'établissement d’un chemin de halage de deux ou trois mètres de largeur, ce qui permet de passer avec un cheval ; mais vouloir exécuter rigoureusement l'article 7 de l'ordonnance de 1669 et aller construire deux chemins de halage, d'un côté de 24 pieds de largeur et de l'autre de 10 pieds, c'est dépasser les besoins, faite une dépense inutile et aller au-devant de nombreuses difficultés avec les particuliers riverains.

Je conclus donc, messieurs, en engageant le gouvernement à payer une juste indemnité aux propriétaires expropriés, comme d'ailleurs il l'a déjà fait pour les terrains acquis lors de l'exécution des travaux de la première section et de bien vouloir prendre des mesures pour que les travaux, à partir de l'endroit connu sous le nom de Paling-huis jusqu'à 500 mètres au delà d'Elsendamme, et dont l'adjudication a eu lieu en 1868, soient exécutés à partir du juillet prochain, jour fixé par M. le ministre pour la baisse des eaux, car il serait bien regrettable que la navigation fût de nouveau inutilement interrompue comme l'année passée, sans qu'on mît main l'œuvre.

Maintenant, puisque j'ai la parole, je me permettrai encore d'appeler la attention de le ministre des travaux publics sur une pétition par laquelle les administrations communales de Stavel, Crombeke et Poperinghe prient le gouvernement de consentir à la reprise par l'Etat du pavé qui relie la grande route de Rousbruggc-Elsendamme à la ville de Poperinghe.

Quoique cette importante voie de communication ait été faite au moyen des ressources ordinaires de l'Etat, de la province et des communes intéressées, le département des travaux publics, reconnaissant qu'elle offrait un caractère d'utilité générale, n'a pas hésité à intervenir dans les frais de construction pour une somme de 10,000 francs.

Depuis cette époque et par suite de la construction des chaussées de Leysele et d'Isenberghe, elle a acquis une importance toute nouvelle et est devenue une communication internationale reliant, non seulement la ville de Poperinghe et ses environs au Furnambacht, mais encore aux contrées les plus importantes de l'arrondissement de Dunkerque, qu'elle met en communication directe avec la grande route d'Ypres à la frontière française, ainsi qu'avec la station da chemin de fer de Poperinghe à Hazebrouck.

Une autre considération m'engage encore, messieurs, à insister manière toute spéciale pour que l'honorable chef du département des travaux publics accueille favorablement la requête que j'ai l'honneur de lui recommander, c'est que la route, dont la reprise par l'Etat est demandée avec tant d'instances par les pétitionnaires, passe par la partie de I’Yser la plus exposée aux inondations et qu'il serait, je crois, très utile que, pour tous les travaux à y faire, elle soit placée sous la même direction que la rivière qu'elle traverse.

M. de Breyne-Duboisµ. - Messieurs, je désire présenter quelques observations critiques, non pas contre le projet loi, que je trouve excellent en lui-même, mais à propos de la répartition de quelques crédits.

Et tout d'abord, messieurs, je dois exprimer mon étonnement et mon regret de ne pas voir figurer au projet en discussion un petit crédit pour la construction d'un pont sur l’Yser, à l'endroit dit : le Peereboom. La nécessité de ce pont est démontrée depuis de longues années. Il y a plus de vingt-cinq ans que de nombreuses communes de l'arrondissement de Dixmude ont vivement réclamé à ce sujet au nom de l'agriculture et du commerce.

Au Peereboom, ce passage d'eau si fréquenté, il n'y a, pour tout mode de transport d'une rive à l'autre, qu'un ignoble bac, excessivement incommode et extrêmement dangereux. Dans notre siècle de progrès matériels où chaque jour voit naître une nouvelle amélioration, un bac de passage (page 825) fait mauvaise figure et n'a plus de raison d'être. A toutes les réclamations, le gouvernement a invariablement répondu : Construisez, mais les prix de construction incomberont à la province et aux communes intéressées.

Je n'ai jamais compris ce que les communes et la province avaient à voir dans la construction d'un pont sur l'Yser, qui appartient à l'Etat. A l'Etat appartiennent tous les ponts jetés sur la rivière. Est-ce que tout récemment l'Etat n'a pas construit le pont situé à l'ancien fort de Knocke, quoiqu'il n'y ait là qu'un simple chemin de halage ? C'est l'Etat aussi qui est chargé des travaux extraordinaires à effectuer sur l'Yser.

Messieurs, la question que je traite en ce moment est une question de propriété. Toute autre considération n'a qu'une valeur accessoire.

Messieurs, je voudrais dire quelques mots en passant d'un projet de construction de route devant relier les communes de Furnes-Ambacht aux communes faisant partie du bassin de l'Yser.

La chaussée prendrait son point de départ à Loo pour aboutir au Peereboom ; de là, par' suite d'une bifurcation, elle se dirigerait d'un côté jusqu'à Renynghe et de l'autre côté jusqu'à Noordschoote.

Je crois qu'il sera plus opportun de développer ce point, lorsqu'il s'agira de la discussion du budget des travaux publics.

En second lieu, messieurs, je trouve que le crédit consacré aux travaux de l'Yser est insuffisant. On est occupé en ce moment à l'exécution d'un travail important et urgent, c'est l'élargissement, c'est l'approfondissement du canal de Loo. Ce canal doit être transformé en canal de dérivation, qui conduira directement les eaux du liant Yser vers Nieuport, et empêchera ainsi les inondations qui ont causé tant de désastres.

Mais, messieurs, ce qu'il fallait, ce n'est pas l'exécution d'une partie de la seconde section du canal de Loo, c’était la partie entière, c'est-à-dire du Slopgat à Furnes.

Il ne fallait pas un crédit de 400,000 francs, mais un crédit trois fois plus élevés, un million et deux cent milEl francs. Pour appuyer mon assertion, laissez-moi, messieurs, vous esquisser en quelques traits rapides ce qu'on a appelé longtemps, et ce qu'on pourrait appeler encore la question de l'Yser. Je ne sais quelle fatalité a toujours pesé sur cette rivière.

Par l'arrêté du 17 décembre 1819, les fleuves, les rivières et les canaux firent retour au domaine public.

On établit cependant une exception, une injustice, et l'on déclara l'Yser restait à charge de la province. Depuis, il serait impossible de vous relater le nombre de rapports faits sur l’Yser, le nombre de discours prononcés en faveur de l'Yser, le nombre de mémoires rédigés toujours dans le même but. Je ne connais pas de question qui ait été plus approfondie que celle-là. Ah ! si les canaux et les affluents avaient été autant approfondis, il y a longtemps que la question de l'Yser eût été résolue.

En 1849, notre honorable collègue, M. de Vrière, alors gouverneur de la Flandre occidentale, s'écriait dans un remarquable discours : La question la plus importante de la Flandre occidentale est incontestablement la question de l'Yser.

En 1854, la rivière est reprise, mais conditionnellement. La province doit intervenir pour un tiers dans les travaux.

Je dois reconnaitre que, depuis, des travaux remarquables ont été exécutés. Mais comme on a marché lentement ! On a marché si lentement, qu'en dix-sept ans on n'a pas encore achevé la moitié de l'œuvre.

Et cependant, que d'inondations, entrainant à leur suite le malheur et la ruine de pauvres petits cultivateurs, sont venues jeter la consternation parmi les populations riveraines de l'Yser ! Pour vous donner une idée des En ce qui concerne spécialement l'arrondissement qui m'a fait l'honneur pertes subies, je vous dirai qu'en 1851 le dommage a été évalué à un million et demi.

En présence des considérations que je viens d'énoncer, n'avais-je pas raison de prétendre qu'il ne peut exister la moindre interruption dans le travail d'exécution de la seconde section du canal de Loo ?

Messieurs, je n'adresse aucune récrimination. Je na rais que constater une situation fâcheuse. Je ne présenterai aucun amendement. Je ne jalouse personne, et je ne voudrais pas qu'on diminuât un crédit quelconque pour en augmenter un autre en faveur de l'arrondissement que j'ai l’honneur de représenter dans cette enceinte.

Mais j'aime croire que l'honorable ministre des travaux publics fera adjuger, le plus tôt possible, les travaux à exécuter au canal de Loo jusqu'à concurrence du crédit de 400,000 francs, que vous voterez tous ; car, tant que les travaux de l'Yser ne seront pas complètement achevés, on peut dire de cette rivière capricieuse et perfide : Il y a toujours péril en la demeure.

M. Lelièvreµ. - A l'occasion du projet en discussion, je dois d’abord émettre le regret de voir l'arrondissement de Namur figurer comme ayant une part si restreinte dans les travaux d'utilité publique qui font l'objet du projet de loi. C’est notre province qui est presque entièrement négligée. Cependant, il existe des besoins urgents, auxquels il faut pourvoir et que je dois recommander l'attention du gouvernement.

C'est ainsi que la station de Namur, devenue le centre de nombreuses voies ferrées, doit nécessairement être agrandie, ne fût-ce que dans l’intérêt de la sûreté publique.

D'un autre côté, cette station, telle qu'elle existe, est insuffisante pour remplir sa destination actuelle.

Je prie le gouvernement de faire étudier cette question, dont la solution est si importante, à l'effet de sauvegarder des intérêts de l'ordre le plus élevé.

Les besoins du commerce et de l'industrie exigent l'exécution de la mesure que je sollicite et qui a déjà fait l'objet de réclamations très pressantes de la chambre de commerce de Namur.

Depuis longtemps, il a été question de la construction d'un chemin de fer de Gembloux vers la Meuse en passant par Fosses.

La société concessionnaire venant d'être frappée de déchéance, je prie M. le ministre des travaux publics de ne rien négliger pour que l'œuvre d'utilité publique dont il s'agit soit mise à exécution par tout autre moyen. La voie ferrée dont je parle est de la plus indispensable nécessité pour de nombreuses populations et doit régénérer les contrées situées entre la Sambre et la Meuse, aujourd'hui dépourvues de communications rapides.

Il s'agit donc d'un objet extrêmement important pour la prospérité de communes actuellement complètement privées du bienfait des chemins de fer et par conséquent se trouvant dans une situation inférieure à tous égards.

J'espère que le gouvernement reconnaitra la nécessité de faire cesser cet de choses.

Enfin, je recommande à la bienveillance du département de l'intérieur l'arrondissement de Namur en ce qui concerne la construction d'écoles. Plusieurs communes ont besoin de subsides, non moins que le chef-lieu qui, ayant éprouvé une perte considérable par suite de la suppression des octrois, n'a pas les ressources nécessaires pour donner aux instituteurs et aux institutrices des traitements convenables.

La ville de Namur est restée grevée d'une dette considérable par suite de la suppression des droits de barrière, en l'an V de la république. Ces droits de barrière ont profité à l'Etat, tandis que Namur a dû supporter toutes les dépenses résultant de la construction des chaussées.

Ces considérations me font espérer que le gouvernement voudra bien que prendre égard à cette situation et décréter des mesures équitables que nous attendons de sa justice.

M. Kervyn de Lettenhoveµ. - Messieurs, la Chambre comprend aisément tout l'intérêt que présente cette discussion.

En effet, dans la répartition juste et impartiale des crédits destinés aux travaux publics, se trouvent les éléments du développement de la prospérité de toutes les parties du pays. Il importe donc que dans l'esprit du gouvernement, comme dans l'esprit de la Chambre, il n'y ait, dans cet ordre d'idées, entre les grands centres de population et les arrondissements moins considérables, d'autres différences que celles qui résultent de besoins mieux reconnus et plus profondément sentis.

Le projet de loi dont nous sommes saisis présente-t-il ce caractère ? Je crains bien de ne pas l'y rencontrer.

En ce qui concerne spécialement l'arrondissement qui m'a fait l'honneur de m'envoyer dans cette enceinte, je regrette vivement de le gouvernement ait oublier complètement les engagements formels qu'il a pris lorsque, invoquant à la fois les intérêts de l'agriculture et ceux de la salubrité publique, j'ai réclamé, de sa part, l'exécution de travaux reconnus depuis longtemps urgents et indispensables.

Dans la séance du 22 avril 1869, M. le ministre des travaux publics s'exprimait en ces termes :

« J'ai invité l'ingénieur en chef de la Flandre orientale à me mettre à même de prendre les mesures les plus promptes pour remédier à une situation aussi fâcheuse pour la santé publique que désastreuse pour l’agriculture de ces contrées, dont le sol assaini ne peut manquer de produire les plus riches moissons au grand profit de la nation entière. Je prends volontiers l'engagement de ne rien négliger pour arriver à atteindre ce résultat le plus promptement possible. »

Pour atteindre ce résultat, messieurs, deux moyens étalent indiqués. Il y avait des études à faire pour l'évacuation des eaux par les voies intérieures. y avait en même temps des négociations à ouvrir avec le gouvernement (page 826) d'un pays voisin pour assurer, dans une certaine mesure, leur écoulement vers la Zélande.

J'ai l'honneur de demander aujourd'hui à M. le ministre des travaux publics si des négociations ont été entamées avec le gouvernement des Pays-Bas dans le sens que je viens d'indiquer et quel a été le résultat de ces négociations.

J'ai également l'honneur de lui demander quel a été le résultat des études auxquelles se sont livrés nos ingénieurs et s'il est permis d'espérer, dans un avenir prochain, l'exécution des engagements qui ont été pris l'année dernière par le gouvernement.

A l'heure avancée où j'ai l'honneur de prendre la parole, je ne m'arrêterai pas plus longtemps sur l'urgence et la nécessité de ces travaux.

La Chambre voudra bien se souvenir qu'à plusieurs reprises j'ai vivement insisté à cet égard ; et puisque le gouvernement lui-même a reconnu combien, au point de vue des intérêts de l'agriculture et de la salubrité publique, ces travaux sont impérieusement réclamés, je ne crois pas devoir m'appesantir davantage sur ces considérations.

Il est un autre point, messieurs, sur lequel je demande la permission d'ajouter quelques mots.

Ici il s'agit d'un intérêt général. Dans une séance de la semaine dernière, j'avais cru, en recherchant quand nous atteindrions le développement probable du fonds communal, qui résultera de la loi votée récemment par la Chambre, pouvoir émettre le vœu que dans l'espace de temps qui s'écoulera jusqu'à cette époque, le gouvernement vienne efficacement en aide aux communes si légitimement intéressées au développement de la voirie vicinale.

M. le ministre des finances a opposé à ce vœu une fin de non-recevoir. Il ne m'a pas menue laissé une espérance.

Il a déclaré, sans hésiter, qu'aucune ressource n'existait dans le trésor et que par conséquent, demander un accroissement de crédit pour la voirie vicinale, c'était une tentative inutile.

J'avoue, messieurs, que lorsqu'il s'agit d'un crédit de 15,600,000 fr., j'ai peine à comprendre que l'on ne puisse ajouter quelques centaines de mille francs pour l'extension si importante et si féconde en résultats de notre voirie vicinale.

Comment ! dans un projet de loi l'on peut disposer d'une somme d’environ cinq millions en faveur de quelques localités pour créer ou agrandir des stations de chemin de fer, on ne trouverait pas le moyen d'accorder quelque chose à un intérêt aussi général que celui du développement de la voirie vicinale ?

Et, sans vouloir m'opposer le moins du monde au crédit d'un nouveau million demandé pour maisons d'école, je ne puis m'empêcher de faire remarquer que la voirie vicinale contribue autant que les maisons d'école à répandre l’instruction.

En mettant les habitants du pays les uns devant les autres, elle les éclaire de leurs lumières mutuelles et leur montre les progrès qu'ils doivent réaliser pour s'élever tous au même niveau.

Je ne retracerai pas les discussions qui ont eu lieu dans cette enceinte où nous avons été unanimes pour désirer que le gouvernement pût, dans un délai rapproché, faire quelque chose pour la voirie vicinale.

Je me bornerai, messieurs, à rappeler qu'un amendement que j'avais déposé n'a été repousse qu'à la majorité de 4 ou 5 voix.

Dans le Sénat, les mêmes représentations se sont fait entendre.

Depuis lors, de nombreuses pétitions sont arrivées sur le bureau de la Chambre pour exposer combien d'intérêts sérieux sont engagés dans le prompt achèvement ou tout au moins dans l'active continuation des travaux dc la voirie vicinale dans toutes les provinces du pays.

Je n'insisterai pas davantage aujourd'hui sur ce point ; mais j'espère, messieurs, que ma voix trouvera de nouveau quelques échos dans cette enceinte, et que le gouvernement, comprenant mieux combien la prospérité publique est intéressée dans une question si digne de ses sympathies, renoncera à opposer constamment une fin de non-recevoir à des réclamations et à des plaintes qui ne sont que trop justifiées.

M. Saincteletteµ. - Le projet de loi consacre environ 6,300,000 fr. à la construction de nouveaux travaux hydrauliques. Le moment me paraît donc venu de soumettre à la Chambre quelques considérations générales sur l’état de notre navigation intérieure.

Il y a. selon moi, trois grandes raisons de se préoccuper maintenant plus que jamais du régime de la navigation intérieure ; la première, l'importance que le trafic de la navigation intérieure a conservée jusqu'à nos jours. Je ne puis, malheureusement, pas vous en donner le chiffre précis ; tandis qu'en matière de chemins de fer, une statistique, parfaitement dressée, indique, de la façon la plus minutieusement exacte, les provenances, les destinations, les quantités transportées, les différentes sortes de marchandises, en matière de navigation sont, à ce point de vue, encore à créer. C'est tout récemment que M. le ministre des travaux publics a eu la bonne pensée d'organiser un travail spécial. Mais à défaut de chiffres précis, on peut se permettre des approximations et je crois ne pas me tromper de beaucoup dans mes évaluations en disant que le trafic des voies navigables intérieures atteint au moins 5 millions de tonnes. La seule province de Hainaut expédie par le canal de Mons à Condé, par la Sambre canalisée par le canal de Charleroi et ses embranchements, 2,400,000 tonnes de houille et coke. Ajoutez cela les expéditions du bassin de Liége, le trafic en marchandises diverses et vous arriverez au chiffre assez respectable que je viens d'indiquer.

Or, le trafic tout entier du chemin de fer de l'Etat, tel qu'il est constitué aujourd'hui, ne dépasse pas 7 millions de tonnes. La navigation intérieure joue donc encore un grand rôle dans la production économique du pays. Ces proportions sont à peu près celles qui existent ailleurs. Le trafic général des voies navigables qui mènent de Paris vers la Belgique s'est élevé dans les deux sens, et pour 1869, à quelque chose près, au chiffre de 4 millions de tonnes, dont 2,400,000 de combustibles minéraux, et le trafic entier du chemin de fer du Nord français n'a pas dépassé 7 millions de tonnes.

La seconde raison qui me porte à penser que nous devons nous préoccuper plus que jamais du sort de la navigation intérieure, c'est l'importance des sommes dépensées pour cette navigation. De 1835 à 1868 inclusivement, les crédits spéciaux alloués pour les rivières et canaux s'élèvent à la somme considérable de 115 millions.

Ajoutez à cela 5 millions, empruntés aux budgets et dépenses à des travaux d'amélioration et vous arrivez, pour la période de 1835 à 1868, au chiffre de 120 millions. Les voies navigables rapportent, d'après les prévisions du budget des voies et moyens, environ 1,800,000 francs de recette brute. Elles coûtent 1 million d'entretien.

Le profit net n'est donc que d'environ 800,000 francs, soit 66 centimes par 100 francs de la dépense totale. Ce mince intérêt recueilli par l'Etat de la dépense considérable qu'il a faite en faveur de la navigation intérieure est, selon moi, une raison de veiller à ce que la société belge retire de l'organisation de ses réseaux hydrauliques la plus grande somme possible de profit indirect. Or, à mon avis, et je crois qu'il me sera facile de le prouver tout à l'heure, il suffirait de bien peu de penses complémentaires pour ajouter beaucoup aux services que la navigation rend à nos industrieuses populations.

Une troisième considération que je crois pouvoir invoquer, c'est que bientôt l'Etat deviendra seul exploitant des chemins de fer en Belgique, Le projet de loi qui a été récemment déposé à cet égard constitue un premier et très grand progrès ; mais ce progrès en appellera d'autres, et il est certain, selon moi, que d'ici à peu de temps l'Etat sera seul exploitant de tous nos chemins de fer. Il me paraît donc que c'est un devoir pour nous de ne pas négliger le seul moyen que nous ayons de mettre un frein à la puissance de l'Etat en matière de transport.

Je sais que la navigation ne peut faire concurrence au chemin de fer que dans une mesure très restreinte pour certaines catégories de marchandises et en vue de certaines destinations. Mais enfin, si restreinte que puisse être l'action de la navigation intérieure sur les transports, je crois qu'au moment l'action de l'Etat en matière de transport devient prépondérante, nous devons appliquer tonte notre attention à la bonne administration de nos voies navigables.

Je vous citerai d'autres pays qui sont entrés dans cette voie d'amélioration de nos réseaux hydrauliques.

Je parlerai d'abord de la France, dont le ministre des travaux publics engageait dernièrement le corps législatif affecter un crédit de 70 millions pendant six ans pour les travaux de canalisation et d'amélioration de la navigation.

L'Angleterre vient de consacrer des sommes considérables à approfondir la Tyne et la Clyde et même à améliorer les conditions de navigabilité de la Tamise.

Je citerai, enfin, la Prusse dont le régime industriel est si parfaitement organisé. Dans ce pays, messieurs, où l'exploitation des chemins de fer est organisée avec une rare intelligence, une véritable agitation se forme pour amener le gouvernement à s'occuper avec la plus grande sollicitude de la navigation intérieure.

Messieurs, les questions que soulève la navigation intérieure ont trait ou l'installation des voies ou à leur exploitation.

Pour ne pas abuser des moments de la Chambre, je renverrai à la (page 827) discussion du budget des travaux publics ce qui a trait l'exploitation des voies navigables et je me bornerai présenter ici quelques courtes observations sur leur installation.

A mes yeux, messieurs, il y a un moyen bien simple de juger des imperfections de notre navigation intérieure, c'est de la comparer à notre réseau de chemins de fer. On ne tarde pas, en effet, à se convaincre qu'autant il y a eu, d'un côté, unité de vues et de suite dans les idées, autant il y a eu, d'autre côté, incohérence dans les mesures et diversité dans les opinions.

Ainsi, en matière de chemins de fer, la pensée ne serait certes venue à personne d’adopter des dimensions différentes. On a voulu que le même chargement pût, sur le même waggon, aller de n'importe quelle provenance à n'importe destination, sans transbordement et sans allégement. On a porté cette préoccupation au delà de nos frontières et dans toute l'Europe continentale, il n'y a quelque sorte qu'un seul réseau de voies ferrées. D’un côté le réseau espagnol, de l'autre côté le réseau russe ont des dimensions différentes ; mais des Pyrénées à la Vistule et de Hambourg à Naples, un même chargement peut circuler sur le même waggon sans rencontrer le moindre obstacle.

C'est évidemment là une immense facilité donnée au commerce, et je me hâte de dire que la pensée ne serait venue à personne d'y faire une exception.

Eh bien, ce système si simple et si naturel, en matière de chemins de fer, n'a pas été suivi en matière de navigation. De ce point de vue et à ne considérer que notre seul petit pays, abstraction faite des relations internationales, on ne compte pas moins de trois réseaux différents : le réseau de l'Escaut, le réseau de la Meuse et le réseau composé du canal de Charleroi et de ses embranchements.

Les dimensions des écluses déterminent nécessairement les dimensions des bateaux et, par conséquent, l'importance des chargements possibles. Or, les dimensions sont différentes dans chacun des trois réseaux. Dans le réseau de la Meuse, les écluses sont de 50 mètres de longueur sur 7 de largeur. Dans le réseau de l'Escaut, les écluses sont de 45 m 50 de longueur sur 5 m 20 de largeur, et dans le réseau de Charleroi, elles sont de 21 m 20 de longueur sur 2 m 70 de largeur.

C'est certainement un bien grand défaut d'avoir trois réseaux de dimensions différentes et par conséquent trois matériels différents.

Mais il y a plus : toutes les sections d'un même réseau sont pas homogènes. Je ne parlerai que du réseau de l'Escaut, qui m'est le moins étranger.

On y a généralement adopté les dimensions de 45 m 50 de longueur sur 5 m 20 de largeur. ce sont celles du canal de Condé, de l'Escaut, de la Lys et de la Dendre. Mais on a laissé faire le canal de Bossuyt à Courtrai, joignant l'Escaut à la Lys, avec des écluses de 43 m 70 seulement.

Aujourd'hui encore, le canal de Pommerœul à Antoing, qui forme la tête des lignes de toute la navigation houillère du sud-ouest de la Belgique vers Gand, vers Anvers et vers les ports de la Flandre occidentale, ce canal, dis-je, n'a que 43 m 70 de longueur d'écluses. Si les renseignements qui m'ont été donnés sont exacts, on est en train de construire en ce moment le canal de Comines à Ypres, joignant la Lys au canal d'Ypres, avec 43 m 70 de longueur d'écluse.

Il ne faut pas insister longtemps pour faire comprendre la conséquence fâcheuse d'une aussi bizarre variété d'écluses. C'est qu'inévitablement la navigation ne peut se faire qu'en raison des écluses de petites dimensions, et que par conséquent l'insuffisance d'un seul ouvrage fait perdre au public et à l'Etat tout le profit que l'on a poursuivi en donnant aux autres ouvrages un cadre plus grand.

Ce qui est vrai de la longueur des écluses est aussi exact lorsqu'il s'agit de la hauteur d'eau. On canalise, en ce moment, l’Escaut d’Antoing à Autryve de façon à y faire à la navigation, lorsque tous les ouvrages seront terminés, de très bonnes conditions. On y assure aux bateaux un mouillage de 2 m 10, ce qui suppose une hanteur d'eau de 2 m 40 à 2 m 50. Mais sur cette même ligne de navigation on ne peut pour ainsi dire avoir de trafic qu'en provenance du canal de Mons à Condé et du canal de Pommeroeul à Antoing ; eh bien, chose extraordinaire, il semble qu'on veuille attendre que la navigation d'Antoing à Autryve soit achevée, avant de commencer les travaux nécessaires pour porter, sur le canal de Mons à Condé et sur celui de Pommerœul à Antoing, la hauteur d'eau de 2 m 40 à 2 m 50 ; le mouillage, de 1 m 80 à 2 m 10.

Si je suis bien informé, les travaux qu'il faudrait faire ne seraient pas cependant bien considérables. Il s'agirait, tout au plus, d'une dépense de 250,000 à 300,000 francs, Voilà donc que, pour différer de quelque temps une dépense de 250,000 à 300,000 francs, on s'expose à laisser presque improductive la dépense tout entière de la canalisation de l'Escaut.

J’avoue que j’ai éprouvé une pénible surprise en voyant le projet soumis aux délibérations de la Chambre ne rien comprendre de ce chef pour le canal de Condé et pour le canal d’Antoing.

Si la Chambre le permet, j’ai d’autres observations à lui présenter relativement aux voies navigables. Il est certain que la pensée ne viendrait à personne, en matière de chemin de fer, de construire les embranchements avant de faire la ligne principale.

C’est pourtant ce que, dans une certaine et de certains points de vue (je m'empresse de mettre une sourdine à l'expression de ma pensée de peur que vous ne me taxiez d'exagération), on a fait en matière de navigation. Je m'explique : on a construit le canal d’Espierre à Roubaix et le canal de Bossuyt à Courtrai ; on a perfectionné la canalisation de la Lys ; on a construit tous les embranchements secondaires de la Lys, Deynze à Schipdonck, la Lys à Roulers, Comines à Ypres, avant d'avoir substitué sur l'Escaut une navigation régulière à la navigation par bonds d'eau, à la navigation intermittente. Sur l'Escaut jusqu'à une date très récente, la navigation ne se faisait qu'une fois par semaine. De telle sorte que les bateaux arrivés le mercredi à Tournai devaient y attendre, huit jours, le. moment de descendre vers Gand, tandis que, sur les embranchements secondaires, la navigation se faisait d'une façon régulière.

Ainsi, messieurs, au lieu de commencer par faire la ligne principale, de mettre d'abord l'Escaut en position de laisser naviguer régulièrement et de permettre aux bateaux de se raire écluser chaque jour et à toute heure, on a mis d'abord dans les meilleures conditions de navigabilité les embranchements de l'Escaut et ce n'est que lorsque ces embranchements ont été faits qu'on a songé à améliorer les conditions de navigabilité de la ligne-mère, de l'artère principale.

J'appellerai aussi l'attention de la Chambre sur le rôle important que jouent, au point de vue de la navigabilité, les chemins de halage. On peut dire sans exagération qu'une rivière sans chemin de halage est comme un chemin de fer sur lequel on ne pourrait autoriser l'emploi de locomotives.

Cela est absurde, n'est-ce pas ? Cependant cela est.

En matière de chemins de halage, il y a des lacunes inexplicables et de la plus hante importance.

Ainsi les chemins de halage de l'Escaut sont en parfait état depuis Antoing jusqu'à Autryve, mais d'Autryyc à Gand, ces chemins sont dans un état tellement défectueux que la traction ne peut, en remonte, s'y faire par chevaux.

En sorte que, sur les rives de l'Escaut, nous voyons le triste spectacle de traîneurs de bateaux faisant vraiment l'office de bêtes de somme.

Autre chose, la Lys est devenue la tête d'une ligne de navigation très importante puisque, parmi les affluents d'un côté, on compte le canal de Bossuyt à Courtrai et, de l'autre, trois embranchements dirigés vers le Nord et appelés tous les trois à un avenir industriel considérable.

Eh bien, sur la Lys, où la navigation doit le plus souvent se faire en remonte et à charge, il n'y a point de chemin de halage.

Je passe à un autre ordre d'idées.

Il est évident que, quelque perfectionnées que soient des voies de communication principales, elles ne donnent tout leur effet utile que si les marchandises peuvent facilement être amenées au point d'embarquement et emmenées du point de débarquement.

Il faut, en un mot, aux canaux tout autant qu'aux chemins de fer, des voies d'accès et des voies d'émission et je constate qu'autant en matière de chemin de fer on montre d'empressement pour créer des affluents, autant, en matière de navigation, on garde d'indifférence à ce sujet.

Je suis avec quelque attention les arrêtés qui sortent du département des travaux publics. Ou je me trompe fort ou depuis longtemps aucun arrêté n'a passé qui ait accordé un subside pour la création d’une route affluant à un canal, une voie navigable si importante qu'elle soit. De même qu’il faut aux chemins de fer des gares, de même il faudrait, pour les voies navigables, des quais publics. Aujourd'hui l'on ne peut avoir un point d'embarquement ou de débarquement le long d'une voie navigable qu’à la condition d’être propriétaire ou locataire d'un rivage et de faire soi-même les frais d'un quai. C'est là une dépense que tout le monde n'est pas en état de faire.

Il me semble que, sur certains points, il serait du plus grand intérêt pour la navigation à avoir des quais publics où, moyennant une redevance minime, on pourrait déposer des marchandises.

Voilà de simples améliorations qui pourraient être réalisées à peu de frais et qui, si je ne me trompe, exerceraient la plus heureuse (page 828) influence sur le développement du trafic. Il suffirait, à mon sens, de distribuer habilement sur l’étendue de nos trois réseaux hydrauliques un million à quinze cent mille francs dépensés en améliorations de l'installation pour augmenter de beaucoup les services rendus au public.

Permettez-moi de vous soumettre une dernière observation. Elle a trait à la durée de l’exécution des travaux hydrauliques. Cette durée est tout à fait anomale et de nature à surprendre tous ceux qui sont quelque peu mêles aux affaires industrielles, et aussi des fonctionnaires de l'Etat en matière de travaux de chemins de fer. Là jamais on ne met six ou sept ans pour faire un travail de quelques kilomètres.

On se dit avec de raison qu'il y a un véritable profit à faire vite, ce qui n'exclut pas la possibilité de faire bien. En manière de navigation, il n'en est pas ainsi. Au lieu de concentrer toutes les ressources de l'Etat sur un point déterminé, on les éparpille sur une foule dc sections, si bien qu'on met la main à l'œuvre à peu près partout à la fois et qu'on ne finit nulle part.

Je citerai comme exemple la canalisation de la Mandel. Roulers est certainement au premier rang des localités du pays qui sont appelées à un bel avenir industriel. On a pensé, avec beaucoup de raison, qu'il fallait mettre cette ville en position de s'approvisionner de combustible aux meilleures conditions qu'il est possible et, dans ce but, on a décrété la canalisation de la Mandel. La loi est du 14 août 1862, elle a alloué un million. Le canal projeté n'a que 17 kilomètres de longueur. La canalisation en a été commencée en 1864. Nous voici en 1870 et la Mandel canalisée n'est pas livrée à la circulation. Il s’en faut de plusieurs mois. Vous vous en assurerez facilement.

L'exposé des motifs du projet en discussion demande un crédit supplémentaire de 70,000 francs l'établissement de la machine alimentaire du canal.

Voilà, messieurs, les quelques courtes considérations que j'avais à faire sur le régime de nos voies navigables, je les soumets à la bienveillante appréciation de M. le ministre des travaux publics. Mais je suis persuadé que si son département, continuant l'œuvre commencée par M. Vifquin en 1841, faisait, après trente ans, une revue générale de nos voies navigables intérieures, il trouverait bien d'autres améliorations de détail à y apporter. Je me suis borné à en signaler quelques-unes, mais je suis complètement étranger à la partie technique de la question et je demande l'indulgence de la Chambre pour les erreurs que j'ai pu commettre à ce point de vue.

Mais, je le répète. je suis persuadé que si les hommes spéciaux, si les fonctionnaires du département des travaux publics voulaient revoir l'œuvre de M. Vifquin et la continuer, ils apercevraient aisément bien des lacunes dans l'installation de nos voies navigables considérées au point de vue commercial, et ils y apporteraient facilement remède, au grand profit de la nation et même de l'Etat.

- La suite de la discussion est remise demain.


Il est procédé au tirage au sort des sections du mois de mai.

La séance est levée à 5 heures.