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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 4 mai 1870

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1869-1870)

(Présidence de M. Moreau, premier vice-présidentµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 829) M. de Macarµ fait l'appel nominal à 2 heures et un quart et lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Vrindtµ présente l'analyse suivante des pièce adressées à la Chambre :

« Le sieur Tirie, ancien combattant de 1830 et ancien soldat, demande un secours. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil général de la compagnie du chemin de fer de Braine-le-Comte à Gand présente des observations sur la convention relative à divers chemins concédés. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi approuvant la convention.


« M. de Kerckhove, retenu par la maladie d'un de ses enfants, demande un congé. »

- Accordé.

Ordre des travaux de la chambre

M. de Kerchove de Denterghemµ. - J'ai l'honneur de proposer à la Chambre que les sections se réunissent demain pour examiner le projet de loi approuvant la convention passée entre l'Etat et la ville de Gand pour la cession de la citadelle de cette ville.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi allouant des crédits spéciaux à concurrence de 15,593,500 francs aux ministères des travaux publics et de l’intérieur

Discussion générale

M. Bricoultµ. - Messieurs, le projet de loi qui est en ce moment soumis à vos délibérations sera accueilli, je n'en doute pas, avec la plus vive satisfaction.

Je ne méconnais pas l'utilité des travaux que l'on pourra continuer ou achever à l'aide du crédit alloué par le gouvernement ; je dois cependant exprimer le regret de ne rien trouver pour l'amélioration de la voirie vicinale.

Dans les sessions précédentes, plusieurs membres de cette Chambre et notamment l'honorable M. Kervyn, ont fait tous leurs efforts pour déterminer l'honorable ministre de l'intérieur à augmenter le crédit inscrit son budget pour la voirie.

Comme toujours, l'amendement proposé dans ce but et qui a, je dois le dire, réuni un grand nombre de voix, a été vivement combattu. Il n'y avait pas d'argent et le crédit ordinaire était plus que suffisant. Je n'ai plus besoin de démontrer que le gouvernement a de l'argent puisqu'il nous offre 15,593,500 francs, mais je vais établir très clairement que le crédit de francs qui est alloué au budget du ministère de l'intérieur, pour l'exercice 1871, est bien insuffisant.

Je m'occuperai seulement du Hainaut, pour ne pas entrer dans de trop longs détails.

Les subsides promis pour travaux exécutés ou adjugés s'élèvent dans l'arrondissement d'Ath à 59,878 fr. 41 c., dans celui de Mons à 79,288 r. 86 c., dans celui de Soignies à 87,545 fr. et dans celui de Tournai à 74,901 fr. 91 c. Ensemble 301,614 fr. 18 c.

D'autre part, les subsides que l'Etat devra allouer pour les travaux dont les projets sont faits, s'élèvent : pour l'arrondissement d'Ath à 157,104 fr. 53 c. et pour celui de Mons à 57,228 fr. 50 c., ensemble 214,332 fr. 83 c.

Soit 515,947 francs que l'Etat doit déjà payer à ces quatre arrondissements.

La part du crédit annuel, pour les mêmes arrondissements, étant de 7,600 francs, les fonds se trouvent engagés jusqu'en 1876. Aucun subside nouveau pourra donc être alloué jusqu'à cette époque.

Cependant de nombreux projets sont encore en instruction. Pour l'arrondissement de Mons seulement, les subsides sollicités pour projets étudiés et soumis l'approbation de l'autorité provinciale s'élèvent déjà à plus de 100,000 francs. Beaucoup de projets sont encore à l'étude ; un crédit extraordinaire est donc nécessaire pour liquider les engagements pris jusqu'à ce jour par le département de l'intérieur.

Ce crédit ne serait pas à répartir également par province, il servirait à la liquidation des payements en souffrance, surtout de ceux qui, en exigeant de gros intérêts, augmentent dans une proportion notable le coût des travaux et qui, en tombant à la charge des communes, réduisent considérablement les avantages qu'elles peuvent retirer de l'obtention des subsides.

On réclame souvent, dans cette Chambre, une protection plus grande pour l'agriculture ; cette protection ne profite qu'à un petit nombre, tandis que l'amélioration des chemins vicinaux profite à l'agriculture tout entière. D’un autre coté, n'est-ce pas l'agriculture qui payera encore, indirectement, je le veux bien, les quelques millions qui seront perçus sur l'alcool et les eaux-de-vie ? Le moment, en tout cas, était favorable pour donner un million ou deux, afin de tirer de l'isolement un grand nombre de communes pauvres qui sont condamnées à rester bon nombre d'années encore à l'écart des voies de communication.

Je trouve, pour ma part, que, pour trouver ce million, on pouvait diminuer un peu la dépense des palais ou des stations monumentales.

Il reste, cependant, un autre moyen, que je recommande instamment à M. le ministre de l'intérieur. Je connais sa sollicitude pour les intérêts de l'agriculture, et je suis presque sûr que, lorsqu'il aura reconnu lui-même l'insuffisance du crédit qui figure au budget de l'intérieur pour l'exercice 1871, il en proposera lui-même l'augmentation.

Messieurs, le rapport de la section centrale s'étend assez longuement sur les progrès de l'instruction primaire. A cet égard, je suis heureux de constater que l'Etat, les provinces et les communes font les plus louables efforts en faveur du développement et de l'amélioration de l'instruction primaire. Mais à l'endroit des résultats, les renseignements fournis par le rapport triennal ne sont pas d'accord avec ceux que l'on trouve dans le rapport des députations permanentes.

Ainsi, les tableaux de milice de la période décennale de 1858 à 1868 établissent que, dans le Hainaut, l'enseignement primaire est resté pour (page 830) ainsi dire stationnaire pendant dix années, tant au point de vue de sa progression que de sa qualité. (Suit un tableau statistique, non repris dans la présente version numérisée.)

Il résulte de ces chiffres que le nombre de miliciens illettrés était en 1867 inférieur de 1 p. c. à celui de 1868, supérieur de 1 p. c. à celui de 1859, et de 1.40 p. c. à la moyenne de la période décennale dont je m'occupe (la moyenne est de 39.6 p. c., tandis que le chiffre indiquant l'ignorance est de 41 p. c. en 1867). Voilà pour la progression ; quant la qualité, l'année 1858 donne 38 p. c. de miliciens sachant lire, écrire et calculer, et il n'y en a que 36 p. c. en 1861. La moyenne pour la même période décennale est également de 36 p. c.

Pour l'année 1865, le rapport triennal indique que sur 7,860 miliciens appartenant au Hainaut, 3,077 ne savent ni lire ni écrire, et que 2,490 possèdent une instruction supérieure aux deux degrés qui précèdent. Or, le rapport de la députation permanente de cette province expose que sur 7,860 miliciens inscrits e 18653, déduction faite de ceux dont le degré d'instruction est inconnu, 2,678 sont dépourvus de toute instruction et que 3,047 savent lire, écrire et calculer. D'un côté, le rapport triennal augmente de 400 le nombre des ignorants. de l'autre, il diminue de 557 le nombre des miliciens qui ont reçu une instruction supérieure aux deux premiers degrés.

J'appelle là-dessus la bienveillante attention de l'honorable ministre de l'intérieur afin que, si la situation est telle que l'indiquent les tableaux de milice, il puisse rechercher les causes qui l'ont amenée.

Je sais que le Hainaut ne figure pas au premier rang sur les statistiques dressées jusqu'ici. Cet état d'infériorité tient à deux causes, L'industrie a pris un grand développement dans cette province et ce développement a amené une nombreuse population ouvrière venant de l'étranger. Il est donc possible que le contingent fourni par les provinces flamandes augmente dans le Hainaut le nombre de miliciens dépourvus de toute instruction.

Je dois cependant faire remarquer que, dans son rapport sur l'état de l'enseignement en général, M. l'inspecteur provincial du Hainaut exprime le regret qu'un très grand nombre d'enfants ne jouissent pas du bienfait de l'enseignement primaire parce que des travaux qui ne sont pas de leur âge les tiennent éloignés de l'école. C'est là, dit-il, une cause permanente de doléances de la part des instituteurs.

D'un autre coté, à l'ouverture de la session du conseil provincial de 1865, l'honorable gouverneur du Hainaut, dont la sollicitude pour les besoins de l'instruction est connue de tout le monde, s'exprimait en ces termes :

« Il résulte de calculs exacts et modérés que, pour assurer d'une manière complète le service matériel de l'instruction dans notre province, la somme qu'il reste à dépenser n'est pas inférieure à 3,300,000 francs. Les statistiques dressées en 1863, d'après les tableaux de milice, ont établi ces faits affligeants : que sur 7,817 jeunes gens appelés à prendre part au tirage au sort, 2,841 étaient dépourvus de toute instruction et que, sur le reste, il y en avait près de 700 qui savaient à peine lire. Ainsi, dans le Hainaut, qui, sous le rapport de la prospérité matérielle et des richesses dont l'a doté la nature, marche à la tête des provinces du pays, il n'y avait, en 1863, que 40 jeunes gens sur 100 ayant reçu une bonne instruction primaire, et la proportion de l'ignorance absolue y était encore de 37 p. c. ! Et pourtant depuis vingt années on n'a pas cessé d'ajouter les sacrifices aux sacrifices !

Messieurs, je voterai de grand cœur le crédit demandé ; je regrette qu'il ne soit pas plus élevé en présence de tant de besoins, mais j'ai confiance dans les efforts et les bonnes dispositions de l'honorable ministre de l'intérieur, et, pour cette raison, je ne crois pas devoir en proposer l'augmentation.

Je ne crois pas, d'autre part, que les millions seuls peuvent extirper l'ignorance du pays ; je pense, et beaucoup d'autres pensent avec moi, qu'aussi longtemps qu'une législation tutélaire ne protégera pas l'enfant du pauvre contre le travail prématuré de l'atelier ou de la mine, qu'aussi longtemps que l'instruction primaire ne deviendra pas obligatoire, l’ignorance ne sortira du pays qu'à pas lents et que longtemps encore elle demeurera l'apanage de nos classes laborieuses.

M. Beeckmanµ. - Messieurs, il y a quelques années, je disais, à l'occasion de la discussion du budget des travaux publics, à l'honorable prédécesseur de M. Jamar, que tous les orateurs qui avaient pris la parole pour demander des travaux pour leurs arrondissements devaient être enchantés des réponses franches et loyales de M. le ministre ; c'était dire, en d'autres termes, à M. Vanderstichelen que la justice seule présidait, dans son administration, au partage des sommes nécessaires à l'exécution des travaux publics et que toute autre considération y était étrangère.

Messieurs, j'ai été étonné en voyant, il y a quelques jours, dans un journal libéral très répandu et qui a une certaine autorité, que le projet de loi des travaux publics était présenté à l'approche des élections, et son article pouvait être interprété comme si, par le projet actuel, on voulait accorder certaines faveurs à des arrondissements dont le gouvernement doutait ; d'un autre côté, j'ai lu en même temps dans un journal de Louvain, appartenant à la même opinion, que notre arrondissement n'obtiendrait plus rien du gouvernement aussi longtemps qu'il serait représenté à la Chambre par des députés catholiques.

Messieurs, loin de moi la pensée que le gouvernement partagerait l'opinion exprimée par ces organes publics, mais l’honorable ministre des travaux publics me permettra d'examiner brièvement la valeur de quelques travaux proposés par le projet de loi et de les mettre en regard de quelques travaux indispensables à exécuter dans l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter dans cette enceinte.

Messieurs, mon honorable collège M. Wouters vous a montré, au commencement de cette discussion, combien sont indispensables les divers travaux dont il vous a entretenus. On a remarqué depuis longtemps la nécessité absolue de l'agrandissement de la station de Louvain et la société du Grand Central l'a si bien reconnue qu'elle a versé dans les caisses de l'Etat sa quote-part pour frais d'agrandissement.

Vous savez, messieurs, qu'à la tête de cette société nous trouvons les sommités financières du pays et que le directeur général est un des hommes les plus éclairés.

Je me demande pour quel motif la société du Grand-Central, si bien administrée, se serait empressée de verser dans la caisse de l'Etat une somme de 160,000 francs, si elle n'avait reconnu la nécessité absolue de cet agrandissement. J

e suis donc autorisé à soutenir, d'accord avec mon honorable collègue de Louvain, que ce travail aurait dû être compris dans le projet de loi qui est en discussion.

Messieurs, l'honorable M. Wouters vous a parlé également des barrages à construire sur le Demer ; l'honorable membre vous a démontré l'utilité de ces ouvrages ; j'en dirai un mot pour vous faire l'historique de cette demande.

Messieurs, avant l'exécution des rectifications du Demer, des inondations régulières avaient lieu en hiver, et il arrivait quelquefois qu'à la suite de fortes averses, en été, la vallée fut inondée et la récolte de foin perdue. Ces pertes donnèrent lieu à des réclamations de la part des propriétaires, et le gouvernement, pour remédier au mal, fit exécuter des rectifications, afin d'empêcher les inondations.

Mais, messieurs, si d'un côté, les rectifications facilitaient l'écoulement des eaux et empêchaient la perte de la récolte, d'un autre côté, elles empêchaient les inondations en hiver, qui étaient fertilisantes.

Afin de pouvoir rendre aux prairies cette inondation fertilisante en hiver, on réclame aujourd'hui du gouvernement la construction de barrages afin de pouvoir inonder à volonté. Messieurs, ce que nous demandons pour le Demer, on le réclame également pour la Nèthe et vous serez obligés de l'accorder si vous ne voulez pas rendre stériles ces riches vallées.

Messieurs, j’ai demandé, il y a deux ans, la construction de trottoirs pour arriver à la station de Diest ; l'affaire est d'une si petite importance que j'en parle seulement pour mémoire.

Il en est de même d'une malle-poste indispensable entre Tirlemont et Diest ; il y a là une population de 20,000 âmes qui, depuis l'établissement du chemin de fer de Louvain à Diest, est privée de de tout moyen de transport.

(page 831) Messieurs, il y a quelque temps, à propos de la discussion du budget de la guerre, mon honorable et savant collègue, Thonissen, vous a parlé de la demande en concession d'un chemin de fer de Diest au camp de Beverloo. Personne ne pouvait s'attendre à une discussion des travaux publics à propos du budget de la guerre, aussi mes collègues de Louvain ni moi n'avons songé à prendre la parole en ce moment.

Aussi, à notre grand étonnement, nous avons appris qu'un savant conseiller communal de Diest, M. Mopses Vandenhove, expliquant notre silence comme un abandon des intérêts de nos commettants, proposa au conseil communal de voter une adresse de remerciements à l'honorable M. Thonissen.

Je suis d'accord avec ce savant conseiller que cette adresse fut méritée ; aucun membre dans cette enceinte ne défend avec plus d'énergie et de talent les intérêts de son arrondissement ; aussi ai-je été heureux en apprenant que le gouvernement est décidé à accorder, moyennant une certaine subvention, la concession du chemin de de Diest au camp de Beverloo.

Un mot, messieurs, pour finir. A propos d'une pétition de la chambre de commerce de Gand demandant améliorations au canal de Gand à Terneuzen, l'honorable M. de Maere fit à la Chambre un rapport remarquable, dans lequel il passa en revue tout l'historique de cé canal, mais sans se prononcer d'une manière absolue sur les travaux à exécuter.

Je dois l'avouer cependant, messieurs, j'ai rarement causé avec des ingénieurs plus compétents que l'honorable membre, et j'ai été étonné de son silence quant à la solution à donner à ce travail.

On aperçoit cependant le motif qui a guidé l'honorable M. de Maere, car le gouvernement, sans projet arrêté, nous propose de voter une somme de trois millions pour le canal de Gand à Terneuzen, et il s'empresse d'en informer M. le bourgmestre de Gand.

Je n'ai pas besoin d'ajouter ce que le public a appris par les journaux, que la lettre adressée par M. le ministre au bourgmestre de Gand fat lue pompeusement en séance publique.

Je vais tâcher maintenant, messieurs, de vous faire voir devant quelles difficultés le gouvernement peut se trouver en nous faisant voter une somme de trois millions pour le canal de Terneuzen.

Vous n'ignorez pas, messieurs, que l'approfondissement du canal de Gand à Bruges a donné lieu à un procès que le gouvernement doit perdre inévitablement.

Le système d'approfondissement doit donc être abandonné, et quand même il serait praticable, il ne pourra jamais suffire pour contenter le commerce de Gand.

Il faudra avoir recours au double système d'élargissement et d'approfondissement ; et bien, ce système est plus coûteux que la construction d'un nouveau canal. Du reste, tous les hommes compétents et l'honorable M. de Maere lui-même sont d'accord à cet égard.

Vous voyez, messieurs, par tout ce que je viens de vous exposer, que pour contenter la ville de Gand il faut construire un nouveau grand canal maritime, qui devra coûter au moins vingt millions de francs ; eh bien, je demanderai à l'honorable ministre des travaux publics s'il a un projet bien arrêté et si, en nous faisant voter les trois millions, nous nous engageons à construire un nouveau canal.

Messieurs, si c'est là l'intention de l'honorable ministre des travaux publics, j'ai le droit de lui dire : Prenez aussi l’engagement de construire les travaux utiles et indispensables à exécuter dans l'arrondissement de Louvain, sinon je serai en droit de supposer que l'honorable ministre des travaux publics dévie de la bonne route et j'aurai le regret de ne plus pouvoir répéter à l'honorable M. Jamar ce que je disais, il y a quelques années, à l'honorable M. Vanderstichelen, alors ministre des travaux publics.

M. Moncheurµ. - Messieurs, je serai bref, car je ne prends, en ce moment, la parole que pour deux motifs : d'abord pour exprimer au gouvernement un regret mêlé de reproche, et ensuite pour adresser à M. le ministre des travaux publics une demande d'explications sur un point déterminé.

Messieurs, lorsque le gouvernement propose à la législature de répandre une quinzaine de millions de francs sur le pays pour des travaux publics ou pour des subsides, il est naturel que chaque contrée, chaque province recherche avec le plus vif intérêt, avec anxiété même, quelle est la part qu'elle pourra recueillir dans cette manne bienfaisante.

Quant à moi, et comme représentant de la province de Namur, j'ai constaté avec peine que cette part sera, cette fois-ci encore, excessivement exiguë.

En effet, que trouvons-nous en fait de travaux publics ou de subsides pour cette province ? Nous trouvons d'abord une somme de 350,000 francs pour élargir et allonger les écluses en aval de Namur jusqu'à Liége ; supposons donc, pour la partie à dépenser sur le territoire de Namur, environ 150,000 francs ; mais il est à remarquer que cette dépense n'est que la suite d’une faute commise par le gouvernement, qui vient à peine d'achever ces écluses et qui les a construites dans des dimensions beaucoup trop restreintes.

Comme observation quelque peu rétrospective, je dirai que cette dépense prouve en outre une chose, c'est l'extrême nécessité qu'il y avait depuis longtemps de faire la canalisation de la Meuse, ouvrage qu'il nous a fallu solliciter pendant plus de quinze ans avant de l'obtenir ; ouvrage qui n'est, d'ailleurs, pas terminé, puisqu'il n'est encore fait que de Liége à Namur ; ouvrage enfin qui, même sur ce parcours, est déjà reconnu comme insuffisant et exécuté sur une trop petite échelle.

Toutefois, je veux bien mettre à l'avoir de la province de Namur les 150,000 francs qui vont être pris sur les 15,600,000 francs que nous allons voter.

Vient ensuite une somme de 140,000 francs pour reconstruire un pont à Tamines sur la Sambre, vu que ce pont, étant trop peu élevé, gêne la navigation sur cette rivière ; ces deux sommes feraient donc celle de 290,000 francs, qui sera dépensée au profit de la province de Namur.

Enfin, nous voyons sous le titre de : « Construction et reconstruction de ponts appartenant à des routes » une allocation de 300,000 francs, et l'exposé des motifs indique que cette somme a pour objet de payer ou de solder les dépenses : 1° du pont de Dinant ; 2° du pont d'Ombret, province de Liége ; 3° du pont de Noiseux, également province de Liége ; 4° du pont de Houyet sur la petite rivière de la Lesse, province de Namur ; 5° du pont dit : des Bassins, à Ostende, et 6° du pont Braemgaten, à Gand. Et tout cela, messieurs, avec un crédit de 300,000 francs !

L'exposé des motifs ajoute, en outre, qu'on se réserve d'imputer (toujours sur ce crédit de 300,000 francs), les subsides qui pourraient être accordés à des concessionnaires de ponts d’intérêt général, sans aucune autre désignation.

On conçoit que la province de Namur ne pourra avoir grand-chose dans le partage de ce modestc crédit.

Quelle est donc la somme totale qui, sur l'énorme crédit de francs, va être, d'après le projet, dépensé en travaux publics dans la province de Namur ? Celle d'environ trois à quatre cent mille francs au plus.

Je signale donc cette absence de justice distributive et je ne puis que protester contre elle.

Mais il y a plus, messieurs, c'est que l'Etat vient de retirer d’une main et d'avance hors de travaux projetés sur la province de Namur une somme beaucoup plus forte que les trois ou quatre cent malheureux mille francs qu'il lui destine par le projet.

En effet, deux chemins de fer avaient été concédés sur le territoire de cette province ; l'un de Gembloux à la Meuse par Jemeppe, chemin très utile, traversant les cantons de Gembloux. de Fosses et de Dinant ; l'autre faisant partie des lignes Forcade, partant de la Meuse et se dirigeant vers Rochefort. La crise financière et les circonstances politiques de 1866 et des années suivantes ayant empêché l'exécution de ces chemins de fer concédés, le gouvernement vient, il y a quelques jours à peine, de déclarer la déchéance des concessionnaires et de confisquer, au profit du trésor de l'Etat, et les trois cent mille francs déposés par eux comme cautionnement pour le chemin de fer de Gembloux à la Meuse vers Dinant, et le million déposé également comme cautionnement par la société Forcade.

Voilà donc que du chef seulement du chemin de fer non exécuté de Gembloux à la Meuse, et sans compter le contingent du cautionnement confisqué pour les lignes Forcade, le gouvernement perçoit d'avance et au préjudice, jusqu’ores du moins, de la province de Namur, une somme équivalente à celle qu'il lui destine sur le grand projet de travaux publics en discussion.

Le gouvernement usé de son strict droit, j'en conviens ; mais il est moralement tenu, à mon avis, soit à construire lui-même ces chemins de fer, soit de les faire construire par une autre compagnie, soit à employer les sommes provenant des cautionnements à des travaux utiles aux localités auxquelles elles étaient destinées.

Je doute, messieurs, que le gouvernement ait demandé les fonds qui sont nécessaires pour achever la canalisation de la Meuse jusqu'à la frontière française, de sorte que cet ouvrage traînera en longueur.

Rien n’est fait cependant aussi longtemps que les bateaux belges ne peuvent pas pénétrer jusqu'au cœur de la France. C'est pourquoi je prie l'honorable ministre de vouloir bien informer la Chambre et le pays, si le gouvernement belge a obtenu du gouvernement français la canalisation de (page 832) la Meuse française avec le même tirant d'eau qu’en Belgique. Il ne faut pas, en effet, que nos bateaux chargés de charbon, par exemple, ou de toute autre marchandise soient obligés de transborder à la frontière française, car les frais de transbordement et la détérioration des charbons surtout rendraient cette opération impossible, et feraient perdre, par conséquent, tout le fruit de nos travaux exécutés largement.

J'arrive, messieurs, à la demande d'explications que je désire adresser à M. le ministre ; la voici :

Je lis d'une part, dans l'exposé des motifs, que sur le crédit de 300,000 francs le gouvernement se réserve d'imputer les subsides qui pourraient être accordés à des concessionnaires de ponts d'intérêt général et je lis d'autre part, mais toujours à propos du même petit crédit, que le département des travaux publics fait poursuivre l'étude de plusieurs projets de construction de ponts sur la surface du pays, notamment de deux ponts sur la Meuse entre Namur et Givet.

Or, voici comme je comprends l'ensemble de ces déclarations et du projet. et je prie l'honorable ministre de vouloir bien me dire si je suis dans le vrai ou dans l'erreur.

D'abord il va de soi, je pense, que, de ce que le département des travaux publics fait poursuivre aujourd'hui l'étude de deux ponts entre Namur et Givet, il ne s'ensuit pas que, demain, il ne puisse ordonner l'étude de trois ponts ou même de quatre ponts au lieu de deux.

Les études n'obligent d'ailleurs à rien.

Quant à moi, je déclare que, de Namur vers Givet, il faut au moins trois ponts immédiatement, dont l'un en amont de Dinant et les deux autres en aval de cette ville vers Namur. Je n'admets pas que, sar un parcours de près de six lieues, qui séparent Namur de Dinant, un seul pont puisse suffire.

Si un seul pont pouvait être fait entre ces deux villes, il devrait, selon moi, être placé au point le plus intermédiaire possible, mais on sera forcément amené à en construire deux.

Quant la collation de subsides, voici comment je comprends le projet de loi et ses motifs, et j'ose appeler l'attention de M. le ministre des travaux publies sur cette interprétation.

Le libellé du paragraphe premier, littera A, article premier du projet autorise le gouvernement à accorder, en général, des subsides pour construction et reconstruction de ponts appartenant à des routes.

Constatons d'abord que les ponts qui seraient construits entre Namur et Dinant appartiendraient à la route de Namur à Givet.

Rien n'est préjugé ni quant à l'emplacement ni quant au nombre à construire entre les deux villes susmentionnées.

La collation de subsides pour un pont ne forme aucune espèce d'obstacle à ce que le gouvernement approuve le projet d’un autre pont et en rende également possible la construction au moyen de subsides.

Il résulte, en effet, des motifs du projet et du projet lui-même que le chiffre pétitionné aujourd’hui par le gouvernement est, dans tous les cas, très insuffisant pour les encouragements à offrir aux particuliers et aux communes qui pourraient former des associations pour la construction des ponts dépendant des routes.

Donc, si le gouvernement reconnait l'utilité générale de plus d'un pont à construire entre Dinant et Namur, s'il en approuve le plan, s'il en accorde la concession, rien ne l'empêchera ni de mandater des sommes à valoir sur le crédit actuel, ni de promettre aux sociétés concessionnaires des subsides qui soient au rapport avec l'utilité de l'ouvrage, avec les sacrifices faits par les communes et les particuliers, sauf au gouvernement demander à la législature des crédits ultérieurs pour solder ces subsides accordés.

Voilà comme j'entends l'ensemble des propositions du gouvernement, et j'espère que je ne me trompe point.

J'engage très vivement le gouvernement à ne pas lésiner sur le chiffre de ces subsides.

Il est évident, en effet, que lorsqu'un chemin de fer longe un fleuve comme la Meuse, toutes les populations qui en sont séparées par ce fleuve sont en quelque sorte privées de ce moyen de et de ce puissant levier de prospérité et de civilisation.

Je considère, quant à moi, que toute station longeant un fleuve important doit avoir pour complément nécessaire ou plutôt comme affluent résumant tous les autres affluents, un pont pour y aboutir ; sans cela le railway n'atteint que la moitié de son but et il ne remplit, si l'on peut s'exprimer ainsi, que la moitié de sa mission.

C'est pourquoi je trouve insuffisant le crédit de 300,000 francs proposé au paragraphe 2 de l'article pour travaux de des routes aux différents chemins de fer. Je voudrais qu'il fût porté à 700,000 ou 800,000 fr. ; ce serait même, au point de vue des recettes des chemins de fer, une excellente spéculation.

Quand on voit l'Etat dépenser des 6 ou 7 millions pour améliorer de grands canaux déjà existants, et souvent peu utiles en fait, on se demande pourquoi il irait liarder quand il s'agit de créer, au moyen de quelques centaines de mille francs, des affluents absolument nécessaires aux stations qui bordent la Meuse.

Les populations et les établissements industriels qui sont séparés de stations sont de vrais Tantales. Il est cruel, de la part de l'Etat, de ne pas faire cesser leur supplice.

Messieurs, un million de francs est alloué par le projet pour construction et ameublement d'écoles ; il y a quelque douze ou quinze ans, j'ai établi, ici même, que la province de Namur qui était et est encore sans doute à la tète de toutes les autres, moins celle de Luxembourg, tant pour le degré d'instruction primaire auquel elle est parvenue que pour les sacrifices nombreux qu’elle a faits pour cet objet, n'avait jamais reçu de l'Etat des secours proportionnels à ces sacrifices et aux résultats obtenus ; je n'ai pas vérifié récemment tous les chiffres, mais si je suis bien informé, la double thèse que je soutenais alors est encore vraie aujourd'hui, et cependant le besoin de maisons d'école se fait encore vivement sentir,

J'engage donc M. le ministre de l'intérieur à compenser quelque peu la parcimonie extrême dont use son collègue des travaux publics envers la province de Namur en y favorisant d'autant plus le haut intérêt moral de l'instruction publique.

M. Coomansµ. - Messieurs, j'avais demandé la parole principalement pour soutenir la thèse que mon honorable ami de a si bien défendue hier devant vous.

Il vous a signalé les injustices dont la Campine anversoise est victime, et s'il avait pu convenir à M. le ministre des travaux publics de répondre mon honorable ami, j'en eusse été charmé, soit parce que, si les explications avaient été favorables, j'aurais pu supprimer presque tout discours, soit parce que, dans l'hypothèse opposée, j'aurais rencontré les objections de l'honorable ministre. Mais puisqu'il semble décidé à nous répondre en bloc et à rejeter même toutes les demandes non strictement conformes au projet de loi, je vais aujourd'hui m'acquitter de ma tâche, quelque désagréable qu'elle me soit.

Messieurs, il est de tradition parlementaire ou plutôt doctrinaire. que toute fin de session soit marquée par le vote d'un grand nombre de millions pour travaux publics ou pour travaux électoraux, qualification qui me paraîtrait beaucoup plus exacte.

Il n'y a pas seulement un inconvénient moral dans ce procédé, il y a un grand inconvénient financier et économique, parce qu'on vote très rapidement des sommes considérables, ou tout au moins qu'on pose des précédents dont les conséquences sont souvent désastreuses, témoin ce que nous allons faire, je veux dire ce que vous allez faire pour le canal de Terneuzen où vous allez engloutir ou ensabler des millions à la façon de Suez.

Que ce projet de loi soit entaché d'un caractère électoral, on peut bien le nier, mais on sait parfaitement que cela est ; il y a plus, on s'en vante, sinon à la tribune, au moins sous main. Si le ministère libéral est cher à son parti, il l'est malheureusement beaucoup trop aux contribuables. (Interruption.) Quand on me fait l'honneur de m'interrompre, on devrait parler clairement et de manière à se faire entendre, ou bien se taire.

J’ai le droit, ne fût-ce que pour la défense des intérêts dont la garde m'est plus particulièrement confiée, j’ai le droit de me plaindre de l'injustice criante avec laquelle ce projet de loi a été rédigé. Vous y avez inscrit des dépenses dont je ne nie pas l'utilité relative, mais vous y avez inscrit aussi des dépenses que vous vous êtes abstenus d'y insérer, celles que vous devriez faire en bonne économie politique et que vous devriez faire en acquit des engagements contractés par le gouvernement. La responsabilité de celui-ci est partagée, je le regrette fort, par la majorité de cette Chambre.

Voilà seize ans que la Grande-Nèthe est une rivière officielle, une rivière du gouvernement ; voilà seize ans que tous les ministères qui se sont succédé ont promis de remplir les obligations qui résultaient, pour le trésor public, du fait de la reprise de la Grande-Nèthe par l'Etat.

Depuis longtemps, on a appliqué à la province d'Anvers un principe à peu près nouveau ; tout au moins on lui a appliqué exceptionnellement un principe d'après lequel on a exigé le concours financier des riverains et de la province pour exécution de travaux d'utilité nationale.

La province d'Anvers s'est résignée à ce sacrifice, contrairement à l'avis émis par des membres de la gauche qui comprenaient que l'application de ce principe à leurs arrondissements leur eût été funeste. La province (page 833) d’Anvers et les riverains de la Grande-Nèthe se sont exécutés, ou plutôt on les a exécutés : ils ont payé et, après cela, le gouvernement méconnait son devoir.

En bonne économie politique, surtout quand le trésor n’est pas luxueusement riche, quand il faut recourir, comme l'autre jour, à une augmentation d’impôts annuelle de 3 à 4 millions ; en bonne économie politique, il faut achever les travaux entrepris, avant d'en commencer d'autres.

Eh bien, il fallait donner cette satisfaction aux intéressés de la Grande- Nèthe, avant de vous lancer dans des dépenses nouvelles, sans savoir au juste comment vous pourriez les couvrir.

Remarquez, messieurs, que l'Yser a été repris en même temps que la Nèthe, et à coup sûr, quelque réels qui soient les griefs qu'on a fait valoir au sujet de l'Yser, les griefs et les intérêts sont bien plus considérables au sujet de la Grande-Nèthe.

Or, que faites-vous pour l’Yser ? Vous lui allouez 400,000 francs pour en améliorer le régime ; et la Grande-Nèthe ne reçoit rien ! Et pourquoi cette différence de traitement ?

Mon devoir est de le dire ici : vous avez introduit l'esprit de parti jusque dans les travaux publics.

L'Yser est considérée comme une rivière libérale ou à peu près ; la Grande-Nèthe est considérée comme une rivière cléricale ; elle est comme rayée de la géographie officielle et budgétaire.

On dirait, en effet, qu'il n'y coule que de l'eau bénite, c'est une erreur profonde. Nous en sommes ruineusement inondés. Tous les ingénieurs compétents ont été unanimes pour reconnaître que la Grande-Nèthe pourrait jouer un excellent rôle au point de vue de la navigation comme à celui de l'agriculture, et c'est pour cela que le gouvernement s'est tant de fois engagé à rectifier le régime de cette rivière. Et aujourd'hui cependant cette rivière est quasi nulle pour la navigation et elle détruit plus de valeurs agricoles qu'elle n'en crée.

Les dommages presque annuels sont considérables : on peut les évaluer une somme presque égale à celle qu’il faudrait pour en prévenir le retour.

J'avoue qu'il m'est difficile de garder mon sang-froid devant un déni de justice de cette force. Vous donnez à Gand, uniquement dans un intérêt électoral. des millions (interruption), non que je vous blâme de supprimer cette citadelle de Gand que j'ai vu construire et que je vois disparaitre avec plaisir, avec un plaisir presque égal à celui que j'aurais de voir démolir tout l'appareil des fortifications et j'espère le voir encore, quoique déjà vieux ; je ne vous blâme pas de supprimer la citadelle de Gand, même de la donner à la ville avec un privilège évident (interruption), avec un privilège évident, puisque vous supprimez pour elle les frais d'enregistrement que vous avez fait payer par la ville de Liége, dans des circonstances analogues.

Je ne vous blâme pas même absolument de chercher à satisfaire le préjugé qui règne à Gand en faveur de l'agrandissement inefficace, disons de l'élargissement inefficace du canal de Terneuzen. C'est une question à examiner de plus près et que vous avez eu tort de glisser dans un projet de loi général. Les 20 à 30 millions que vous coûtera le canal de Terneuzen méritaient bien l'honneur d'un projet de loi spécial. Mais enfin, je ne vous blâme pas encore de vous livrer à toutes ces libéralités budgétaires, même sous prétexte de libéralisme. Mais ce que je puis, ce que je dois réprouver, c'est l'iniquité vraiment révoltante avec laquelle vous traitez certains arrondissements déplaisants.

Si j'insistais trop pour la Campine, vous me reprocheriez peut-être de me laisser aveugler par un intérêt trop direct. Mais j'ai d'autres preuves de votre partialité. Quoique rien, sauf quelques amitiés individuelles que j'ai l’honneur de posséder dans d'autres localités, ne me lie à l’arrondissement de Louvain, je dois dire que lui aussi est outrageusement traité par le budget ; et pourquoi ? Parce qu'il a cessé de députer ici des ministériels.

Si cela n'est pas vrai, c'est malheureusement très vraisemblable et c'est déjà trop que cela soit cru. Or, cela est cru, généralement cru. Et j'ajoute qu'il ne vous déplait pas que cela soit cru, parce que c'est là votre force. C'est parce que l'on a pu vous accuser, depuis longtemps, de réserver toutes les faveurs gouvernementales à vos amis et connaissances, c'est pour cela que vous avez acquis une si grande force politique. (Interruption.) Oui, c'est la vérité, c'est votre injustice même qui vous sert et c’est pour cela que vous continuez à être injustes.

Oui, l'honorable M. Wouters l'a très bien démontré hier, sans contradiction possible, la ville de Louvain est très maltraitée, tout l'arrondissement l'est. Par exemple, depuis vingt ans on a reconnu que le Demer devait être réuni au canal de la Campine un engagement positif a été pris à cet égard par le gouvernement, même sous le règne de M. Frère. Si je ne me trompe. M. Van Hoorebeke a déclaré en pleine Chambre que cette jonction devait se faire dans l'intérêt de la prospérité publique, inséparable de l'intérêt du trésor.

Or, qu'a-t-on fait ? Rien, malgré les excellentes observations des honorables députés de Louvain, MM. Schollaert, Beeckman, Delcour, Landeloos, Wouters, vous vous contentez, à la fin de la discussion, de réfuter légèrement les objections présentés, ou de les noyer dans de l'eau bénite qui ne sort pas de la Nèthe, elle s'en vante.

Messieurs, je suis curieux de voir comment le ministère justifiera ou cherchera à justifier sa conduite dans la question de la Grande-Nèthe, comment il prouvera que les engagements pris par l'Etat, par cette Chambre même, ne doivent pas être tenus.

Mais ce ne sont pas seulement les députés déplaisants de la Campine qui vous punissez en ajournant sans cesse l'exécution des engagements pris, ce sont tous les honnêtes gens de mon arrondissement, tous les honnêtes gens de la province, le conseil provincial tout entier, qui, à diverses reprises, a demandé à l’unanimité l'achèvement de l'œuvre française. Encore une fois, pour déplaire h quelques députés, pour vous venger de leurs votes, pour essayer de démontrer aux populations qu'elles doivent violenter leur conscience et vous envoyer des serviteurs au lieu de députés de la nation, pour faire tout cela, avez-vous le droit d'être iniques ?

Réservez à vos amis les places et les décorations, nous le voulons bien ; nous ne vous en demandons pas, mais donnez-nous notre part da budget, celle qui nous revient, celle que nous ayons payée.

Nous ne demandons rien, nous exigeons.

C’est notre droit, c'est notre devoir. Je vous somme d'exécuter les lois, de remplir votre devoir de gouvernants. Pour en dire davantage, j'attends les explications que l’honorable M. Jamar nous donnera.

M. Eliasµ. - Messieurs, un reproche qu'on adresse continuellement au projet de loi, c'est celui d'avoir un caractère électoral. Or, il est évident que, si l'apprécie au point de vue de la province de Liège, ce caractère n'existe pas. En effet, dans les sommes qui y sont comprises, la province de Liége n'est que pour des sommes relativement peu élevées et de plus elles ne sont allouées que pour des travaux d'un intérêt général. L'intérêt local n'y a qu'une part très minime.

L'honorable M. de Zerezo, ne trouvant pas dans le projet de loi actuel les motifs habituels d'accusation, a relevé un des thèmes lès plus anciens. Il a parlé des travaux de dérivation de la Meuse, à Liége, qui épuisent le trésor.

M. de Zerezo de Tejadaµ. - Je demande la parole.

M Eliasµ. - Ces travaux datent, je crois, d'une vingtaine d'années. Avec tune exagération manifeste, il a dit que ces travaux avaient coûté dix millions.

Il est vrai que, dans le discours qui est aux Annales parlementaires, ce n'est plus que 8 à 10 millions.

M de Zerezo de Tejadaµ. - Voyez la sténographie. J'ai dit 8 à 10 millions.

M. Eliasµ. - Eh bien, ce n'est ni 10 millions, ni même 8 millions. C’est 6 1/2 millions. Je vais vous le démontrer.

Les travaux ont en effet été adjugés pour 9 millions, mais la ville de Liége a donné un million de subside, la province à peu près un demi-million, et la vente des terrains qui sont restés disponibles a produit un million.

Reste donc 6 1/2 millions.

Et notez une chose, c'est qu'il ne s'agit pas de travaux exécutés dans la ville de Liége exclusivement, mais de travaux qui s'étendent sur un parcours de près de deux lieues de la fonderie de canons au-dessus de Chokier.

L'honorable de Zerezo sait parfaitement qu'il en est ainsi. Il connaît les localités.

Mais voici ce qui a amené la remarque qu'il a faite. Lorsqu'on examine la Meuse dans la traverse de la ville, on la trouve dans une situation qui paraît magnifique. Les murs, les quais, les ports aujourd'hui à peu près achevés, font un excellent effet.

Vous demandez-vous si c'est l'Etat ou la ville qui a fait tout cela ?

Non. Là, comme ailleurs. vous supposez que tout a été fait par l'Etat ; vous mettez tout à son compte et vous commettez une erreur ; la ville est intervenue dans la reconstruction des murs. Elle a construit ses frais tous les quais et les ports.

Il y a plus ; c'est que le gouvernement s'est d'une montré ici d’une excessive (page 834) rigueur, il a refusé draguer au delà du canal navigable. les atterrissements qui empêchent les bateaux d'aborder facilement.

Le gouvernement s'est longtemps refusé à exécuter ce travail ; j'espère qu'il s'est départi de cette rigueur et cela spontanément. La ville mérite d'être encouragée dans l'exécution de ces travaux.

La dérivation avait non seulement pour but de préserver la Liége des inondations et de donner à la navigation plus de facilités, elle devait aussi réaliser une ancienne promesse faite la ville par le gouvernement, de lui donner les terrains nécessaires pour la construction d'une station centrale.

Dès le commencement de l'établissement des chemins de fer, le gouvernement avait promis à la ville de Liége qu’il créerait une station centrale non seulement pour les voyageurs mais aussi pour les marchandises.

Il existe un arrêté royal de 1836 qui ratifie cette promesse, raisonnable du reste. Dans aucune grande ville, la station principale n'était aussi éloignée du centre que celle des Guillemins. Cette promesse n'avait pas été remplie malgré les réclamations réitérées de la ville.

Ce n'est qu’en 1850 que l'on entrevit la possibilité de l'accomplir, de trouver les terrains nécessaires à son établissement.

La dérivation de la Meuse devait laisser libres des terrains parfaitement convenables.

Il n'en fut rien.

Lorsque, la dérivation finie, les ingénieurs des ponts et chaussées, réunis à ceux du chemin de fer, reconnurent qu'il était tout à fait impossible de l'installer sur les terrains qui y étaient réservés.

Ils étaient insuffisants et d'un accès difficile. Les réclamations, les négociations recommencèrent, continuèrent encore pendant de longues années. En 1859, un ingénieur, étranger à l'administration du corps des ponts et chaussées, émit l’idée qu'il serait possible de réunir la station de Vivegnis la station des Guillemins, cette dernière station du chemin de fer de Liége à Tongres qui relie Liége au Limbourg et à la Hollande.

Les ingénieurs de l'Etat examinèrent cette idée.

A la suite de nombreuses études, un dernier projet fut élaboré et c'est alors seulement que fut la loi de 1866 qui donnait la ville une compensation au projet de station centrale abandonné et satisfaction à sa longue attente.

La ville s'était préalablement mise d'accord avec le gouvernement sur le travail qui lui était promis.

Ce projet de loi fut voté par les Chambres.

C'est à propos de l’exécution de cette loi que je désirerais adresser deux questions à l'honorable ministre des travaux publics.

En 1866, on espérait qu'on allait enfin sortir de la situation pénible où l'on s'était trouvé pendant de si longues années ; que l'exécution serait assez rapide.

Les plans qui avaient été communiqués à la Chambre paraissaient élaborés avec le plus grand soin et il semblait qu'il n'y avait plus qu'à mettre la main à l'œuvre. Deux ans et demi s'écoulèrent depuis cette première adjudication des travaux, et cependant cette première adjudication ne comprenait qu'un tiers peu près du travail à exécuter.

Ce temps paraîtra long si l'on tient compte du peu d'étendue du travail.

Il y a un an et demi que cette adjudication a été faite et, je dois le déclarer, les travaux ne sont pas sérieusement. commencés ; ils sont continuellement arrêtés. Les expropriations ne sont pas terminées.

Nous espérions également que la seconde section de ce chemin fer serait mise en adjudication immédiatement après la première ; nous sommes en 1870 et cette seconde adjudication n'est pas même annoncée.

J'espère que l'honorable ministre des travaux publics voudra bien hâter l'exécution de ce beau travail et donner ainsi la ville de Liége l'accomplissement d'une promesse qui lui a été trop souvent faite, mais qu'on lui a fait attendre trop longtemps pour qu'elle conserve une confiance absolue dans son exécution.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - J'ai à faire, à propos du projet de loi soumis à nos délibérations, deux genres d'observations ; les unes d'un caractère général et en quelque sorte de principe ; d'autres, d'un caractère spécial.

D'abord, je ne puis, comme quelques collègues l'ont déjà fait avant moi, que déplorer la fâcheuse coïncidence de la plupart des projets de loi de même nature votés précédemment avant les élections. Cela donne au gouvernement représentatif, au système censitaire, un caractère qui ne peut que tourner contre l'influence morale des assemblées délibérantes qui en sortent.

Cela est d'autant plus fâcheux que ces projets de loi présentés à la fin des sessions et au moment des élections, ne laissent aux représentants ni le temps d’examiner, à tête reposée, la plupart des questions souvent très graves, très importantes qu’ils soulèvent, témoin celle qui est soumise aujourd'hui à nos délibérations, ni celui de les discuter, et qu'ils leur laissent pas non plus la liberté de voter comme la raison, comme l'intérêt général et politique du pays pourrait l'exiger.

Placés entre les besoins souvent très réels et très puissants des localités qu'ils représentent et les intérêts plus éloignés de l’ensemble de la nation ou des temps futurs, ils ne peuvent hésiter et ils favorisent les premiers.

Messieurs, cette première observation faite, j'en ferai une seconde qui n'est, à vrai dire, qu'une répétition de ce que j'ai eu souvent l'occasion de dire depuis que je suis sur ces bancs.

C'est que ce projet, comme tous ceux qui l'ont précédé, démontre, d'une façon plus évidente que jamais, la tendance du gouvernement à s'emparer successivement et de plus en plus de branches de l'activité sociale qui devraient être laissées 1'initiative particulière, tendance qui conduit le pays à se déshabituer de plus en plus de sa propre initiative et à reporter sans cesse ses regards vers le gouvernement central qui devient ainsi, par le fait, une espèce de providence terrestre qui, malheureusement, pourra lui manquer un jour au moment où il en aurait plus besoin.

C'est là, messieurs, une tendance contre laquelle je ne cesserai de lutter ; il ne faut pas qu'un pays se déshabitue de l'initiative particulière ; or, il est impossible qu'elle se traduise en faits lorsqu'elle rencontre constamment comme concurrent et comme obstacle l'Etat avec sa toute puissance. Voyez en sont venus les pays qui se sont laissé aller sur cette pente facile, qui se sont habitués à laisser l'administration penser et agir pour eux. Il peut être plus difficile s'occuper soi-même de ses propres affaires, mais lorsque les temps ont passé, que les événements arrivent, vous voyez les nations comme l'Espagne en venir à ne plus savoir sortir des embarras que lui ont créés des gouvernements qui ont absorbé et annihilé toutes les forces de l'activité individuelle.

Ceci dit, je vais examiner le projet de loi en retournant un peu en arrière.

Comme je vous le disais tantôt, ce n'est pas le premier projet de cette nature qui a été soumis aux délibérations du parlement. Il y en a eu plusieurs antérieurement et il n'est pas mauvais, je pense, avant d'examiner les propositions nouvelles qui nous sont faites, de voir ce qui a été fait précédemment et ce que le pays en a retiré.

Les dépenses extraordinaires votées depuis 1830 (vous trouverez ce renseignement dans un document qui nous a été distribué depuis quelque temps ; je veux parler de l'exposé de la situation générale du trésor public au janvier 1870), se sont élevées à la somme totale de 864 millions (je néglige les fractions).

Il reste disponible une somme de 49 millions et quelques centaines de mille francs. En y ajoutant les crédits pétitionnés aujourd'hui, nous arrivons à un total de 929 millions.

Examinons, messieurs, quoi ont servi ces sommes considérables prélevées successivement et pour la plus grande partie sur le travail du peuple ; et demandons-nous, après cet examen, si la législature, mise dans la situation que vous ai signalée tout à l'heure, a toujours été en mesure de bien vérifier l'utilité ou la nécessité de ces dépenses.

Sur cette somme, 224 millions de francs n'ont été que de simples opérations de trésorerie ; ce sont des crédits qui ont été votés pour rembourser des emprunts et les frais y afférents. Je comprends sous la même rubrique les dépenses qui ont été faites, au commencement de l'organisation de notre gouvernement en 1830, pour l'établissement de notre indépendance nationale.

Il reste donc 640 millions dépensés effectivement en travaux publics.

Sur cette somme, 146 millions ont été absorbés en sus et en dehors des deux milliards environ dépensés sur les recettes ordinaires, par le département de la guerre. Mais nous avons une compensation. En regard de cette somme, on n'a dépensé pour l'instruction publique, pour les universités, pour les beaux-arts, pour tout ce qui a rapport à l'amélioration intellectuelle du pays, qu'une somme de 13,383,000 francs.

Pour les chemins vicinaux dont notre honorable collègue et ami, M. Bricoult, s'est occupé tantôt, on a dépensé la même somme de 13 millions.

Pour l'assainissement et l'amélioration de la voirie dans les villes à population agglomérée, on a dépensé 5,499,000 francs. Vient maintenant la grosse dépense : les chemins de fer.

Les chemins de fer, toujours d'après les documents où j'ai puisé ces détails, ont absorbé 276 millions. Il reste disponible 18 millions ; on nous demande 6 millions ; total : 300 millions.

Les bâtiments civils, les hôtels des ministères et tout ce qui rentre dans cette rubrique a absorbé 4,830,000 francs ; on nous demande sur ce chapitre 550,000 francs.

(page 385) Viennent ensuite les mesures relatives aux subsistances dans les années calamiteuses de 1845 à 1849 ; ces dépenses ont absorbé 9 millions.

Puis vient le chapitre des défrichements de la Campine et du drainage ; il a été une époque on allait sauve le pays avec le drainage, comme aujourd'hui on veut le sauver avec les chemins de fer. Ce chapitre a absorbé 11,074,000 francs.

Puis viennent des dépenses très utiles et très considérables en même temps, ce sont celles qui concernent les voies de navigation ; elles comportent une somme de 106 millions.

Puis vient le réendiguement des polders : encore une dépense d’une certaine importance et qui a absorbé 4 millions.

Les télégraphes électriques ont pris 2 millions et demi ; puis les palais et bâtiments appartenant au domaine royal, 7,617,000 francs.

Il reste pour cet objet des crédits disponibles pour 1,991,000 francs ; on nous demande aujourd'hui 500,000 francs, total : 10,500,000 francs.

Viennent ensuite quelques crédits pour construction de bateaux à vapeur, pour les entrepôts d'Anvers, pour le palais de justice de Bruxelles, dont les seules fondations ont déjà coûté 6 millions.

Voilà, messieurs, les détails de l'emploi de la somme considérable de 3

640 millions que vous avez demandés au pays.

Maintenant, messieurs, je demande ce qu'il arriverait si l'on devait estimer aujourd'hui la situation de tous ces travaux et en retirer la valeur réelle : retrouverait-on dans nos arsenaux, forteresses ou magasins, la valeur des 146 millions qui y ont été dépensés ? Les bâtiments, les constructions faites partout à grands frais, représentent-ils ce qu'ils ont coûté ? Je me permets d'en douter.

Quant à nos chemins de fer, s'il fallait en retirer les 300 millions qu'ils ont coûtés, je doute fort qu'ils puissent représenter encore cette somme. D'ailleurs, c’est là une question que nous aurons à examiner dans quelques jours d'une façon plus opportune et plus complète qu'aujourd'hui.

Quant aux autres travaux, je crois que si nous faisions l'analyse de ce qu'il en reste encore, nous trouverions qu'il y a, sur la somme dépensée, un déficit considérable.

Si je fais cette observation, c'est simplement pour faire remarquer combien il est dangereux, combien il est contraire aux lois d'une bonne administration de soumettre à la législature des lois aussi importantes quand elle n'a pas devant elle tout le temps nécessaire pour les étudier.

Le parlement anglais, messieurs, procède d'une façon tout à fait différente. D'abord, il ne s'occupe que très rarement de voter des travaux dont les frais doivent être imputés sur le trésor public.

Le parlement ne s'occupe en général que de travaux qui lui sont soumis par des particuliers, par des villes ou par des corporations et qui sont exécutés aux frais et risques de ces particuliers, de ces villes, de ces corporations.

Mais si le parlement anglais s'est réservé l'examen de ces travaux, c'cst que ces questions de travaux publics, sous le couvert d'intérêts particuliers, peuvent affecter et quelquefois très gravement l'intérêt général. C’est pour cela qu'il s'est réservé la haute main sur toutes ces questions.

Eh bien, le parlement anglais laisse pas passer le moindre pont, la moindre route, le plus petit embranchement de chemin de fer, sans interroger tous les intéressés, sans les appeler tous à la barre des commissions spéciales qui sont instituées à cet effet, accompagnés au besoin de leurs avoués ou avocats. Ce n'est qu'après ces enquêtes, ce n’est qu'après avoir entendu tout le monde, qu'il prend une décision ; vous comprenez que, dans cette situation, les décisions qu'il peut avoir à prendre ne sont jamais aussi hâtives que celles qu'on nous soumet presque la fin d'une session, et qu'il peut en conséquence porter sur ces affaires un jugement plus assis, et qui peut être moins attaqué lorsque les travaux sont exécutés.

Messieurs, ces considérations générales présentées, je vais aborder quelques points du projet.

Le premier article ou plutôt le premier paragraphe implique une somme de 300,000 francs à appliquer la construction et reconstruction de ponts à Dinant, à Ombret sur la Meuse et à Noiseux sur l'Ourthe et à la reconstruction de quelques autres ponts.

Je demanderai comment il se fait que le pont de Dinant, qui a déjà coûté 1,200,000 francs, pour lequel, d'après l'exposé de la situation générale du trésor public, il restait, au 1er janvier de cette année, une somme de plus de 300,000 francs disponible, exige encore un nouveau crédit pour son achèvement. 1,200,000 francs, c'est une somme considérable pour un pont sur une rivière aussi peu large et sur l'emplacement d'un ancien pont il n'y a aucun abord à créer.

Il a été construit, sur la Meuse, dans des situations la rivière est beaucoup plus large, des ponts qui remplissent tout leur but, qui n'ont pas coûté, tant s’en faut, une somme aussi considérable, et où cependant tous les abords étaient à créer sur les deux rives. Je citerai, entre autres, le pont d'Andenne qui a coûté une somme bien inférieure à celle que coûtera le pont de Dinant. Je demanderai si celui-ci est en marbre, si on y a employé des matériaux qui coûtaient des prix extraordinaires. Je dois dire que j'ai été frappé en voyant que 1,200,000 francs ne suffisaient pas pour achever ce pont.

Vient le paragraphe 3 : Achat d'immeubles, etc. Messieurs, je me demande si, en nous lançant dans cette voie d'agrandir encore les différents ministères, nous savons où nous nous arrêterons, où finira l'extension donnée successivement à tous les bureaux.

J'ai demandé à la section centrale si l'on avait, à cet égard, des données qui présentassent quelque certitude, je n'ai pas reçu de réponse bien satisfaisante. Je demanderai à l'honorable ministre des travaux publics s'il a, à ce sujet, des chiffres positifs et définitifs à nous donner.

Quant à moi, messieurs. je déclare franchement que je trouve les ministères assez vastes et pourvus en suffisance de tous les locaux nécessaires à une bonne administration.

Depuis quarante ans, aucune circonstance n'est venue démontrer la nécessité de multiplier encore les fonctionnaires. Veut-on, à tout prix, nous faire suivre l'exemple des procédés de gouvernement qui ont perdu l'Espagne ?

Je ne suis donc pas disposé à voter ces crédits, à moins qu'il ne me soit bien démontré qu'il y ait utilité incontestable et appréciable pour tout le monde à ces agrandissements.

Messieurs, le chapitre IV est relatif au Musée de Bruxelles. Je suis d'avis de ne pas marchander les dépenses pouvant avoir un caractère utile pour l'instruction, fût-ce même pour l'instruction restreinte aux classes qui s'adonnent aux travaux de l'esprit, mais encore quand il s'agit de dépenses qui sont nécessaires pour l'agrandissement du Musée, il serait bon de nous donner des explications qui nous rassurent sur les projets que l'on a en vue.

Sont-ce des dépenses de simple réparation ou d'entretien, ou bien pourront-elles être utilisées dans des changements projetés ?

A-t-on en vue la construction, comme je l'ai souvent entendu dire, de musées nouveaux, et, dans ce dernier cas, les dépenses qu'il s'agit de faire aujourd'hui ne seront-elles pas rendues inutiles, superflues par la construction des nouveaux locaux ? Là-dessus l'exposé des motifs ne donne aucune explication satisfaisante. Il serait heureux que le ministre compétent voulût bien nous en donner.

Messieurs, le paragraphe 5 a rapport à une dépense utile.

Le rapport de la section centrale fait observer avec justesse que cette dépense aurait dû être plutôt imputée sur un budget rectificatif que sur un projet de travaux publics.

Je me joins de toutes mes forces à cette partie du rapport de la section centrale.

Il est peu administratif de mettre, dans un projet de cette nature, le libellé d'une dépense faite.

Je ferai la même observation au paragraphe 7, construction, à Nieuport et Beveren-ten-Rousbrugge, de bâtiments pour le service de la douane.

C'est là une dépense qui incombe au budget ordinaire des finances et qui ne devrait pas venir se nicher en quelque sorte au milieu d'un projet de travaux publics, d'autant plus qu'elle avait été portée antérieurement au compte du budget des finances.

Le paragraphe 8 est relatif à l'amélioration du canal de Bruges à Ostende, en vue de donner plus de facilité à la navigation maritime.

Dans le chiffre de 106 millions que je signalais tantôt comme ayant été employé à l'amélioration de nos canaux et rivières ainsi qu'à leur acquisition, se trouve une somme de 6 millions et quelques centaines de mille francs qui ont été employés à l'approfondissement du canal de Bruges à Gand.

Si mes informations sont exactes, cette dépense est restée à peu près stérile ; on n'a obtenu aucune espèce d'amélioration sur cette voie navigable.

Je demanderai donc à l'honorable ministre s'il est bien certain que la dépense qu'il se propose de faire entre Bruges et Ostende aura un meilleur succès et s'il est bien édifié sur la dépense finale qu'entraîneront ces travaux.

Comme on l'a déjà fait observer tantôt, nous posons souvent, dans ces discussions hâtives, des jalons qu'il faut suivre plus tard quoi qu'il en soit.

Enfin, au paragraphe 9, je trouve la justification d'une observation que j'ai présentée au commencement de ce discours sur le peu d'ensemble avec lequel (page 836) beaucoup de ces travaux sont faits ; à peine les écluses sur la Meuse sont-elles achevées, il y a de cela quelques années seulement, qu'il s'agit déjà de les agrandir. Les agrandir et pourquoi ? Parce qu'elles ne donnent pas un passage suffisant à certains bateaux.

Cela démontre que le parlement anglais a parfaitement raison de se réserver l'examen des détails des travaux publics, même de ceux dont la dépense n'incombe pas à l'Etat. Il est parvenu, par suite de cet examen, à éviter une foule de ces petits mécomptes qu'on doit nécessairement rencontrer lorsqu'on confie l'examen de ces détails à des autorités locales qui ne voient que le petit intérêt de la place et qui ne peuvent pas saisir l'ensemble qui doit nécessairement exister dans les travaux d'une nation, même quand ils sont exécutés par des particuliers.

Au paragraphe 11 je trouve les travaux à l'Escaut dans le but d'améliorer l'écoulement des eaux, la navigation et le halage. J'appellerai l'attention de M. le ministre des travaux publics sur ce point à un point de vue spécial. Il en été question, depuis je fais partie de cette Chambre, dans presque chaque session. On s'est plaint de ce que les travaux exécutés à l'Escaut eussent diminué d'une façon notable, quelques-uns même ici ont dit d'une façon désastreuse, la valeur des prairies qui avoisinent ce fleuve. Eh bien, je dois dire que, comme homme spécial, habitué à l'étude de ces travaux, je ne comprends pas qu'en exécutant des travaux de retenue on n'ait pas fait servir ces travaux à l'irrigation, comme à la navigation.

Je suis convaincu qu'à très peu de frais, peut-être même sans frais, en disposant les travaux d'une façon convenable, on serait arrivé parfaitement à ce résultat et d'une façon beaucoup plus régulière que par les inondations. On aurait pu disposer les travaux de manière à faire, quand on l'aurait voulu, au moment désirable pour l'agriculture, des inondations artificielles.

Je signale surtout ce point à M. le ministre des travaux publics, parce que la question se produit également pour la Nèthe et je pense aussi polir le Demer. Les réclamations qui se sont élevées dans cette enceinte depuis le commencement de cette discussion, me font prévoir que d'ici peu de temps des travaux de même nature devront être entrepris sur ces rivières.

Je prie donc M. le ministre de faire disposer les travaux de façon ü satisfaire tous les intérêts.

Vient maintenant la grosse dépense du projet de loi, je veux parler du canal de Gand à Terneuzen.

Je suis d'avis, messieurs, que les travaux qui concernent la navigation maritime sont de la compétence exclusive du gouvernement. La plupart de ces travaux ne sont pas susceptibles de produire directement une rémunération suffisante pour pouvoir être utilement entrepris par l'initiative privée. Comme ils sont d'un intérêt général pour le pays, comme c'est par la navigation surtout que les produits trouvent leur écoulement vers l'étranger, que les échanges dans les pays lointains peuvent s'effectuer et que les industries peuvent s'introduire et s'affermir dans un pays, il est tout naturel que ce soit le pays entier qui supporte les frais de ces travaux.

Je n'ai donc aucune observation à faire sur l’entreprise par le gouvernement des travaux d'approfondissement du canal de Terneuzen. Je trouve bon qu'une concurrence puisse s'établir avec notre grand et unique port d'Anvers ; car il n'est pas bon, pas plus pour les ports que pour les autres industries. qu'un monopole puisse s'établir et s'imposer au pays, fût-il même entre les mains du gouvernement.

Il est bon, au contraire, que la concurrence puisse prendre tout son développement. et à ce point de vue je regrette vivement que le port d'Ostende ne présente pas encore toutes les facilités nécessaires pour faire au port d'Anvers une concurrence profitable au pays tout entier.

Ceci dit, je ferai une observation. J'engage M. le ministre à étudier de très près, de beaucoup plus près qu'il ne paraît l'avoir été jusqu'à présent, le projet d'agrandissement du canal de Terneuzen. Comme l’a fait remarquer tout à l'heure un de nos honorables collègues, je ne serais pas du tout éloigné de croire (quoique je n'aie pu faire aucune étude préalable à cet égard) qu'il serait peut-être plus économique de faire un nouveau canal que de replâtrer celui qui existe.

Quoi qu'il arrive, dans l'intérêt du commerce et dans l'intérêt du pays, j'engage le gouvernement à n'entreprendre aucun travail sur ce point qu'après avoir mûrement étudié tous les projets dans leur ensemble comme dans leurs détails.

Il y gagnera d'abord beaucoup de temps et il évitera ensuite probablement de nombreux mécomptes ; car ces travaux d'approfondissement ou d'élargissement sont de la plus grande difficulté et peuvent entraîner à des conséquences souvent imprévues au moment où on les commence.

C'est pourquoi, en présence des explications qui ont été données dans l'exposé des motifs, je crois devoir appeler l'attention de l'honorable ministre des travaux publics sur point et l'engager à ne pas s’aventurer dans des travaux, même de détail, qui paraissent peu importants au premier abord, sans avoir complètement étudié la question dans son ensemble et dans ses détails.

Messieurs, les habitants des bords du Demer et de la Nèthe se sont plaints de faveurs accordées à l’Yser. Je dois le dire : le paragraphe 17 de l'article premier qui concerne cette rivière, me cause quelque inquiétude ; il semblerait établir que les travaux de cette rivière n'ont pas été étudiés avant d'être commencés. Après une dépense déjà faite et qui s'élève à plusieurs millions, on nous demande un crédit de 400,000 francs. Voici ce que je lis dans l’exposé des motifs, au sujet de ce crédit :

« Il doit d'ailleurs être bien entendu que la participation de la province, des communes et des propriétaires intéressés devra être accordée à l'Etat dans la même proportion, lorsque, ultérieurement, de nouveaux crédits seront demandés à la législature pour l'achèvement des travaux entrepris. »

Messieurs, je trouve que nous nous engageons dans une mauvaise voie, financièrement parlant surtout, lorsque nous accordons successivement des crédits sans savoir exactement où nous allons aboutir. Que faut-il encore d'argent pour terminer ces travaux de l'Yser ? Voilà ce que je voudrais savoir. Je veux bien accorder ce que le gouvernement nous demande pour l'exécution de travaux d'utilité publique, complètement étudiés et dont on connaît d'avance la dépense qu'ils doivent occasionner, tandis que ces crédits successifs doivent le plus souvent constituer une dépense très considérable et d'une utilité probablement moins grande.

Messieurs, j'arrive au paragraphe 18 : « Agrandissement du bassin d'échouage des bateaux pêcheurs à Ostende. J'ai trouvé que l'on a déjà dépensé pour cet objet une somme de 2 millions. Je dois le dire : je ne vois pas dans l'exposé des motifs la démonstration bien claire que le crédit proposé est le dernier ; ce qui corrobore une fois de plus que lorsqu'on demande à la Chambre des crédits pour des travaux, il serait utile au moins de nous éclairer dès Ile commencement sur la dépense totale à faire.

On aurait engagé le gouvernement à examiner ces travaux de très près, si l'on avait eu cette certitude dès le premier abord que les frais de travaux semblables eussent été au delà de 2 millions. Il en est de même du port de Blankenberghe, port dont l'utilité est contestée par beaucoup de personnes et particulièrement par les pêcheurs de Blankenberghe eux-mêmes.

Je suis convaincu que la législature eût hésité à voter les crédits qu'elle a successivement accordés, si on ne lui avait pas fait croire dès le commencement que le pays en serait quitte avec une dépense infiniment moins considérable.

Aujourd'hui, on est arrivé successivement à dépasser deux fois, ou au moins une fois et demie, la somme qui avait été prévue dès le premier abord ; en ce moment, il s'agit encore d'un crédit de 55,000 francs, et rien ne nous prouve que ce crédit sera le dernier.

Maintenant, messieurs, les stations. Il y en a pour une somme assez considérable. On peut dire que les stations, dans le projet de loi, absorbent plus de la moitié du crédit pétitionné pour les chemins de fer. Eh bien, je trouve encore ici, messieurs, un système que je ne puis approuver ni comme ingénieur, ni comme administrateur.

La station de Mons, par exemple, que j'ai vue presque achevée, il y a. quatre ou cinq ans, a déjà vu ses vitrages emportés plusieurs fois, soit par des ouragans, soit par des grêles, avant d'être mise à la disposition du public.

Je demande, messieurs, si le bon sens n'indique pas que des travaux de cette nature une fois commencés devraient être menés rapidement afin que le public pût en profiter dans le plus bref délai possible.

Cela coûterait d'abord beaucoup moins, car avec le système qu'on suit actuellement il y a beaucoup de travaux qui finissent par se perdre ; de plus il y a des changements de personnel qui amènent des changements d'ouvriers et de plans. C'est de cette façon que nos stations finissent par coûter des sommes réellement fabuleuses, qui sont relevées dans le tableau des travaux des chemins de fer qui nous remis chaque année.

J'engage donc l'honorable ministre des travaux publics à achever toutes les stations dans le plus bref délai possible, dût-il pour cela dépenser plus que la somme pétitionnée, et à nous demander à cet effet tout l'argent qui est nécessaire de mettre les stations le plus tôt possible la disposition du public.

A propos de station, je dois dire que pour la station de Bruxelles, dite du Midi, un crédit de 500,000 francs nous est encore demandé.

(page 837) Je demanderai à l'honorable ministre des travaux publics quand le raccordement entre les deux stations du Nord et du Midi sera livré au public.

Certes, un embranchement aussi court aurait pu être achevé dans les douze ou quatorze mois au maximum, mettons-en dix-huit. Voilà quatre, cinq, six ans que ces travaux durent et que les contribuables payent l'intérêt des capitaux employés à cette construction, lequel intérêt naturellement grossit les frais de construction avant qu'on ait pu en tirer parti. Je vois pas encore exactement l'époque où cet embranchement sera livré au public et où l'on pourra débarrasser le boulevard du Midi de Bruxelles d'un chemin de fer qui a rendu de grands services, que je ne méconnais pas, mais qui en rendra de tout aussi grands en disparaissant.

Quand nous en viendrons à discuter la question des chemins de fer, j'examinerai un peu la valeur de cet embranchement sur l'exploitation générale des chemins de fer de l'Etat. Il serait inutile et oiseux d'en parler aujourd'hui à ce point de vue. Je signale seulement la nécessité d'achever ces travaux dans le plus bref délai possible, afin que le public puisse en jouir.

Enfin vient l'extension du matériel de transport des chemins de fer, 1,500,000 francs.

Je crois que si la convention avec la société Générale d'exploitation, qui nous est soumise, est adoptée par la Chambre, il faudra majorer notablement ce chiffre. Le matériel des chemins de fer, j'ai eu occasion de le faire observer dans ma section, prend une extension réellement considérable, et néanmoins, malgré la grande quantité de matériel construit dans ces dernières années, les plaintes du public sont presque aussi intenses, aussi vives, je ne veux pas dire qu'elles soient aussi justes que par le passé.

N'y aurait-il pas dans l'emploi de ce matériel quelques vices, quelques défauts de bonne entente qui le rendent en partie inutile ? Est-ce que ce matériel ne serait pas quelquefois oisif plus longtemps qu’il ne devrait l'être ? Ne serait-ce pas la raison de l'insuffisance apparente de ce matériel, de la nécessité pour la législature de voter, tous les deux ou trois ans, des crédits considérables pour l'augmenter, sans cependant faire cesser les plaintes ?

J'appelle sur point l'attention de l'honorable ministre des travaux publics, parce que si nous continuons dans la voie ou nous sommes, je ne vois pas où s'arrêteront les demandes en fait de matériel.

Messieurs, d'après l'exposé de la situation financière, il devait rester, au 1er janvier de cette année, des crédits disponibles pour la continuation des travaux du palais du Roi pour environ 300,000 francs. On nous demande d'ajouter à cette somme 300,000 francs ; je demanderai à l'honorable ministre, auquel ces travaux ressortissent, si c'est là le dernier crédit qui nous sera demandé ; si l'on a sur ces dépenses des idées bien arrêtées.

Je préférerais, pour ma part, voter un million ou même davantage, mais d'une façon définitive, que de voter successivement, sans savoir où l'on va, des crédits de 300,000 francs ou de 200,000 francs.

Messieurs, je voterai de tout cœur le crédit d'un million pour la continuation de la création des écoles. Vous ayez pu voir, par la revue que j'ai faite tout à l'heure, de combien peu ont pesé, dans le grand fardeau de millions imposés au pays pour travaux publics, les 13 millions consacrés à l'enseignement.

Si l'on avait pris seulement 10 p. c. en faveur des écoles, des 146 millions qui ont été dépensés très inutilement pour les nécessités d'une guerre qui n'arrivera jamais, je l'espère bien, nous aurions, je pense, à peu près terminé la grande œuvre de la construction de nos écoles. Eh bien, pour ce paragraphe encore je dirai l'honorable ministre de l'intérieur que cet article concerne, qu(il peut nous demander encore de l'argent et que nous lui en donnerons jusqu'à ce que nous soyons arrivés à doter toutes les communes de bonnes écoles ou l'enfant du paysan, comme l'enfant de la ville, puisse recevoir l'instruction.

MfFOµ. - Messieurs, il est possible que les honorables membres de la Chambre aient oublié le commencement du discours de l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu ; je crois donc devoir le rappeler. L'honorable membre, répétant ce qu'avaient déjà dit d'autres orateurs, a persisté à parler du projet de loi soumis à la Chambre comme d’un « projet de loi électoral qui, suivant la coutume du cabinet », a été présenté à la veille des élections.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - J'ai déploré la coïncidence.

MfFOµ. - Vous eussiez beaucoup mieux fait de vérifier les faits, vous ne m'eussiez pas mis dans la nécessité de prouver que vos accusations ne sont pas fondées, pas plus que celles des honorables membres de la droite auxquels vous vous êtes associé.

J'ai vérifié les faits qui se rapportent aux dix dernières années. Vous allez voir, messieurs, s'ils sont de nature à justifier l'accusation que l'on formule avec une si grande légèreté.

Des élections ont eu lieu en 1859, en 1861, en 1863, en 1864 par suite de la dissolution, en 1866, en 1868, et il y aura dans le cours de cette année.

De grands travaux ont été décrétés en 1859. Quand l'ont-ils été ? Ils ont été proposés et votés après les élections qui avaient eu lieu en juin. La loi est du 8 septembre 1859.

En 1861, nous n'avons pas proposé de loi de travaux publics.

En 1862, pas d'élections, nous avons proposé une grande loi de travaux publics.

En 1863, nous n'avons pas proposé de loi de travaux publics.

En 1864, il y a eu une grande loi de travaux publics. Cette fois encore elle a été votée après les élections qui ont suivi la dissolution qui avait eu lieu au mois d'août. La loi est du 14 septembre 1864.

En 1865, point d'élections, nous avons cependant proposé une grande loi de travaux publics.

En 1866, le seul crédit important de travaux publics qui ait été voté est celui qui concerne l'assainissement de la Senne. Il n’y avait pas d'élections dans le Brabant.

Enfin, des élections ont eu lieu en 1868, et, pour la première fois en dix ans, il s'est trouvé que des propositions été soumises à la Chambre ; elles ont été consacrées par les lois des 31 mars et 5 juin 1868.

En 1869, il n'y avait pas d'élections. Il y a eu encore une grande loi de travaux publics.

Enfin vient la seconde exception de cette période de dix années : C'est la loi qui vous est actuellement soumise ; et, comme on me le fait remarquer, elle a été déposée le 22 mars, ce qui n'est pas précisément à la fin de la session.

Vous voyez donc combien il est juste et correct de dire que le gouvernement a continué de présenter à la fin des sessions et la veille des élections des projets de lois des travaux publics.

L'honorable M. Le Hardy de Beaulieu reconnaîtra, je pense, qu’il eût agi prudemment et convenablement en vérifiant les faits. S'il l'eût fait, il se fût certainement abstenu de produire l'assertion que je viens de réfuter.

MiPµ. - Au commencement de cette séance, l'honorable M. Bricoult a présenté quelques observations sur la situation de l'enseignement primaire. Je ne veux pas examiner en ce moment cette question qui arrivera naturellement dans la discussion du budget de l'intérieur, mais je dois dire cependant que les chiffres indiqués par l'honorable membre me semblent inexacts.

Il a dit que dans la province de Hainaut il n'a, depuis un grand nombre d'années, été fait, pour ainsi dire, aucun progrès en matière d'enseignement primaire. Les renseignements statistiques que je possède démontrent le contraire. Je vais les indiquer sommairement.

En 1840, le nombre des miliciens qui savaient lire et écrire ou lire seulement formait 51.67 p. c. du nombre total ; en 1850 il était de 55.78 p. c. et en 1860 de 57.60 p. c.

Vous voyez qu'il y a progression à chaque période décennale.

Enfin en 1867, le dernier résultat que j'ai sous les yeux. il était de 63.80 p. c. De sorte que nous avons été, depuis 1840, de 51 à 63 p. c.

C'est un progrès très sensible ; et remarquez que dans le nombre de ceux qui sont en dehors de ces quotités sont compris les miliciens dont le degré d'instruction est inconnu. J

e dois faire remarquer à la Chambre que, depuis 1857 surtout, on a donné l'enseignement primaire une très grande extension. Mais les résultats de ce qui a été fait alors peuvent seulement se manifester maintenant, car ce n'est qu'au bout d'une dizaine d'années qu'on peut constater les résultats de l'instruction par les progrès de l'instruction des miliciens.

Mais ce que je constate est déjà très satisfaisant. Entre 1840 et 1867, il y a une gradation d'amélioration qui s'est constamment maintenue.

M. Bricoultµ. - Je n'ai parlé que de la période décennale.

MiPµ. - Eh bien, nous avons été, dans cette période, de 57,60 à 65,80 p. c. Il y a donc une augmentation assez notable.

Je ferai remarquer que le nombre des enfants fréquentant les écoles s'es accru de 74,000 à 104,000.

(page 858) Il ne faut du reste pas se dissimuler que le Hainaut, pour différentes causes, restera en arrière de beaucoup d'autres provinces pour l'enseignement primaire.

Il a cette situation défavorable à cet égard d'être une province essentiellement industrielle et nous n'obtiendrons pas, d'ici à longtemps, dans les centres industriels, des résultats aussi favorables que dans les centres agricoles ; l'industrie attire les enfants : c'est ce qui se constate dans tous les pays.

Mais une autre raison qui me paraît devoir influer notablement sur la situation de la province de Hainaut, c'est que, précisément à cause de sa grande industrie, le Hainaut attire une immigration considérable. Ainsi, le nombre d'habitants des provinces flamandes qui est venu s'établir dans le Hainaut est considérable. Or, cette immigration ne conduit pas dans le Hainaut un grand nombre de lettrés. Les gens qui émigrent sont ordinairement les plus misérables, c'est-à-dire les moins instruits ; il n'est donc pas étonnant qu'il y ait dans le Hainaut, sous le rapport de l'instruction, une situation moins favorable qu'ailleurs.

Si j'examine ce qui s'est passé dans le pays en général depuis jusqu'en 1867, la progression des lettrés est de 58 à 72 1/2 p. c.

L'honorable membre a parlé aussi des chemins vicinaux, il a demandé une augmentation de subsides pour cet objet. Cette demande a été faite à diverses reprises. Je dois faire observer que le gouvernement vient de donner aux communes un moyen d'améliorer la voirie vicinale ; la part du fonds communal, en effet, vient d'être l'objet de dispositions qui probablement l'augmenteront de 3 millions. Or, que le gouvernement donne des subsides aux communes en inscrivant une somme au budget...

M. Delcourµ. - C'est ce que nous avons demandé l'année passée.

MiPµ. - Vous ayez demandé une augmentation de crédit, mais que nous portions une augmentation d'allocation au budget de l'intérieur, au chapitre des chemins vicinaux, ou que nous donnions d'une autre façon une somme égale, cela revient bien au même. Eh bien, le fonds communal augmentera de près de 3 millions.

MfFOµ. - De plus de 3 millions.

MiPµ. - Ce sera donc, pour les communes rurales, une augmentation de 33 p. c. sur ce qu'il est aujourd'hui.

Le fonds communal étant augmenté de 3 millions, les communes ne prendront pas tout pour la voirie vicinale ; je réclamerai une partie des 3 millions pour l'enseignement ; mais supposons qu'elles en prennent seulement un tiers ; eh bien, nous aurions atteint le même résultat que si nous avions inscrit un million en plus au budget. On avait demandé l’année passée une augmentation de 500,000 francs ; nous avons été au delà ; la mesure prise s'élève à un chiffre double, si on la considère comme étant pour un tiers seulement applicable aux chemins vicinaux.

Je constate qu'à cet égard il a été fait considérablement. Les communes ont pu consacrer à la voirie vicinale une partie des 50 millions de francs que le fonds communal leur a donnés depuis dix ans ; les communes ont en outre reçu plus de 10 millions du gouvernement, spécialement pour la voirie vicinale. Aussi, depuis 1857, on a dépensé dans le pays, pour améliorer la voirie vicinale, 46 millions de francs, c'est-à-dire beaucoup plus qu'il n'avait été dépensé antérieurement ; on a mis en état convenable 1,500 lieues de chemins vicinaux, c'est-à-dire presque autant que ce qui avait été fait auparavant ; il me paraît que c'cst là un résultat dont on peut déjà se montrer satisfait.

La partie du fonds communal qui va être augmenté recevra, ai-je dit, différentes destinations.

J'ai indiqué la voirie vicinale, c'est un des objets importants de l'activité communale ; j'indiquerai également l'enseignement primaire. Il est nécessaire que, dans quelques provinces surtout, les communes fassent des sacrifices plus considérables qu'elles ne font aujourd'hui.

Ainsi, dans le Brabant par exemple, les communes rurales ne font certainement pas ce qu'elles doivent faire pour le développement de l'instruction primaire. Eh bien, elles trouveront là le moyen de satisfaire plus largement à leurs obligations.

Mon honorable collègue des finances, lors de la présentation du projet de loi qui a été voté samedi, a indiqué une autre application encore de l'augmentation du fonds communal ; je veux parler de l'amélioration de la position de certains secrétaires communaux.

J'engage ici les communes, et je les engagerai administrativement, à consacrer une partie de ces fonds à faire aux secrétaires communaux, lorsqu'ils n'ont pas une rémunération suffisante pour le travail qui leur est imposé, une position en rapport avec leurs services. Le gouvernement satisfait ainsi, dans une mesure convenable, à un vœu souvent exprimé dans cette enceinte ; celui de voir rémunérer les services que l'administration supérieure réclame des secrétaires communaux.

Les observations que je viens de présenter, en terminant, répondent à une demande faite par M. de Macar dans une discussion récente et à laquelle je n'avais pas eu occasion de répondre.

M. Julliotµ. - Messieurs, je n'ai que quelques observations sommaires à présenter, je ne serai pas long.

Le régime des travaux publics sous le royaume des Pays-Bas différait entièrement du nôtre.

A cette époque, l'Etat abandonnait aux provinces les produits de nos fleuves à condition d'employer ces produits à leur entretien ; le gouvernement restait hors de cause et n'avait à sa charge que l'entretien des côtes et des ports.

Les canaux furent construits par des sociétés ou des provinces et l'administration leur en fut respectivement dévolue.

Plus tard cependant, le gouvernement, par exception, s'écarta de ce système en creusant le canal dit Willems-Vaart, mais cet acte était politique, c'était un des éléments de la fusion entre les deux peuples qu'on se promettait.

On me dira peut-être que les travaux que nous décrétons sont aussi politiques, et je me garderai de contester quand je vois ce qui se passe dans quelques meetings à Anvers, à Gand et ailleurs, sauf que cette politique n'est pas si large.

Notre régime, en fait de travaux publics, entraîne à deux conséquences que chacun expliquera comme il voudra.

La première, c'est que du moment que nous avons un sou en caisse, il doit être dépensé et qu'on ne peut réduire les impôts qu'en augmentant les uns ou en en inventant d'autres.

La seconde conséquence, c'cst que le gouvernement, qui ne peut donner ni chemins de fer ni canaux à tous, ruine froidement ceux qui en sont privés au profit de ceux qui en obtiennent ; car on ne me dira pas que les grands établissements ayant des objets pondéreux à transporter, quand ils n'ont pas de chemins de fer, peuvent lutter contre ceux qui en ont. L'Etat par ses chemins de fer ne laisse pas les situations telles que la liberté et l'intérêt privé les ont établies, il bouleverse les situations et enrichit par son fait l'un en ruinant l'autre.

Ma conclusion est-elle que l'Etat doit renoncer à exploiter ses chemins de fer ? Ce serait peut-être juste et utile, mais le courant est en sens inverse et, à mon âge, on ne s'avise pas de nager contre le courant ; mais je constate qu'on a malmené la loi sur le sel qui profite à tout le monde, tandis que la construction de chemins de fer par l'Etat fait la fortune de Jean en jetant Pierre par terre, et cela passe inaperçu ; on ne le critique même pas.

J'en conclus que le gouvernement doit être large dans les concessions qui sont demandées, qu'il doit permettre qu'on se tire d'affaire par les nouveaux systèmes qui se présentent et qui sont déjà appliqués ailleurs ; on a le système américain, eh bien, si vous voulez être justes, accordez aussi les chemins de fer routiers là où ils peuvent se faire, et vous vous rapprocherez chaque fois d'un degré de l'égalité entre tous.

Mais ne dites pas, comme naguère, que les intérêts des chemins de fer de l'Etat et des concessionnaires vous empêchent de trouver une combinaison pour une ligne pour laquelle cinquante demandes sont déposées d'après l'aveu du gouvernement lui-même.

Maintenant, messieurs, un mot sur le corps des ponts et chaussées, question qui déjà a été parfaitement traitée un jour par M. Elias et un autre, par M. Magherman. Le temps me fait défaut pour reprendre ce thème.

Quand il faut faire des plans et travaux sur les lieux, c'est la besogne des conducteurs, mais ils ne peuvent attacher leur nom à ce travail, ce sont les signatures de MM. les ingénieurs à tous les degrés qui figurent sur les pièces quand elles arrivent au ministère.

Or, ce procédé est tout ce que l'on peut inventer de décourageant, et demander à ces fonctionnaires du zèle, n'est pas raisonnable ; d'ailleurs comment M. le ministre peut-il démêler la valeur de ces modestes fonctionnaires ?

Il y a un autre point à remarquer : l'honorable ministre des travaux publics n'est pas ingénieur, il doit donc avoir son homme de confiance pour chaque partie de son département.

Or, si ce fonctionnaire est un homme de progrès, et j'en connais, il étudiera et suivra les inventions de partout et fera des propositions nouvelles à son chef, qui, quand il serait convaincu, devrait pouvoir en permettre l'essai. Mais non, le formalisme n'aurait pas sa part ; il est admis que toute proposition quelconque doit être soumise une commission d'ingénieurs (page 839) qui varie périodiquement et, dans ce cas, l'affaire est accrochée ; ces messieurs, comme dans toutes les commissions, souvent ne sont pas d'accord, et alors il y a retard.

En général, les corporations ont un peu de la nature du ci-devant tribunal de Wetzlar, où l'on savait bien quand un procès entrait, mais jamais quand il en serait sorti, et souvent c'était la troisième génération qui en recevait la solution.

Messieurs, il me reste à dire un mot sur notre régime des eaux.

Je prends une rivière navigable, soit la Dendre ou la Grande-Nèthe.

La navigation s'y fait bien, parce qu'elle a des barrages naturels sous forme d'atterrissements de sable ou de rochers, qui ralentissent le cours des eaux et en tiennent le niveau convenable à la navigation.

Mais les riverains se plaignent d'être inondés de temps à autre et il faut y porter remède. Or, pour satisfaire les riverains, on enlève les barrages naturels, les eaux se précipitent et les bateliers peuvent chômer.

La rivière est à sec a-t-on dit hier, il nous faut des travaux. Que faut-il faire ? C'est fort simple : remplacer aujourd'hui par des barrages artificiels et fort coûteux les barrages naturels qu'on a détruits hier, et qui ne coûtaient rien ; mais comme tous les barrages ont le même rôle à remplir, il y a à craindre de nouvelles inondations ; d'ailleurs, si toutes les rivières doivent être canalisées, nous aurons fort à faire, et quand j'entends toutes ces plaintes, je dis que le régime hollandais vaut mieux et qu'on ferait bien d'abandonner toutes ces propriétés aux provinces.

Je le sais, on me dira qu'on peut, à l'aide de barrages artificiels, régler le niveau des rivières. Oui, dans certains cas ; mais quand il y a fonte de neige ou fortes averses, les eaux ne passent pas par la commission des ingénieurs pour régler leur niveau, elles se déchaînent avec une force telle, que rien fait, et l'inondation sera la même.

Je termine en disant que si le régime des Pays-Bas avait présidé nos travaux publics, nous eussions pu réduire plusieurs de nos impôts, satis rien perdre de notre prospérité, parce que je tiens pour vrai que des cent millions dépensés en cette matière, il n'en est pas cinquante qui donnent leur intérêt direct ni indirect.

On me demandera comment j'ose tenir un pareil langage en présence de notre grande prospérité, et je l'échappe belle si l'on ne m'attaque pas en calomnie au nom du bien public.

Eh bien, oui, je conviens de notre prospérité, mais elle s'est produite malgré nos erreurs économiques, parce qu'on prospère partout, que les capitaux se sont énormément multipliés par le crédit qui aurait produire le travail immense et lucratif qui se fait en Belgique.

Je finis en priant M. le ministre des travaux publics de se souvenir qu'il y a une petite province du nom de Limbourg qui n'est pas son enfant gâté, et que, puisqu'il y a partage de dividende social à faire, il veuille s'en souvenir en bon père de famille, car il faudrait être imaginaire pour croire que cette province n'a pas de besoins à satisfaire ; et je vote la loi.

- La séance est levée à 5 heures.