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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 5 mai 1870

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1869-1870)

(Présidence de M. Moreau, vice-présidentù.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 841) M. de Vrintsµ procède à l’appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Reynaertµ lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Vrintsµ présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Des maitres de carrières, tanneurs, chaufourniers et négociants à Soignies demandent que la société des Bassins Houillers soit autorisée à prolonger vers Bassily et Lessines le chemin de fer de Houdeng-Goegnies à Soignies, donc la concession lui est accordée par la convention du 25 avril 1870. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi qui approuve la convention relative à divers chemins de fer concédés.


« Le sieur Dupin, président du conseil d'administration du chemin de fer du Sud-Est-Belge, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir le retrait de l'arrêté royal qui frappe de déchéance cette société. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres de l'administration communale et des habitants de Gaurain-Ramecroix présentent des observations en faveur du redressement de la ligne de chemin de fer de Bary à Tournai. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Fragnée et des communes voisines demandent la révision des lois protectrices des animaux domestiques. »

- Même renvoi.

Rapports sur des demandes en naturalisation

M. Hymansµ. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des naturalisations sur le projet de loi qui a pour objet de conférer la grande naturalisation à M. J. J. Haus, professeur à l'université de Gand.

J'ai l'honneur de déposer en outre plusieurs rapports sur des demandes de naturalisation ordinaire.

Projet de loi relatif à la rémunération des miliciens

Rapport de la section centrale

Projet de loi relatif à l’aliénation de biens domaniaux

Rapport de la section centrale

M. Mullerµ. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné les amendements proposés par le gouvernement au chapitre du projet de loi sur la milice, relatif à la rémunération des miliciens, et le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi relatif à l'aliénation de biens domaniaux.

Projet de loi érigeant la commune de Ryckoven

Rapport de la commission

M. Funckµ. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission qui a examiné le projet de loi relatif à t'érection de la commune de Ryckhoven.

Projet de loi prorogeant l’article premier de la loi relative aux péages sur les chemins de fer de l’Etat

Rapport de la section centrale

M. Descampsµ. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi portant prorogation de l'article premier de la loi du 12 avril 1835, concernant les péages sur les chemins de fer de l'Etat.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ces rapports et les met à la suite des objets à l'ordre du jour.


M. Crombezµ. - J'entrais à la Chambre lorsqu'on analysait une pétition de Gaurain-Ramecroix présentant des observations en faveur du redressement de la ligne de chemin de fer de Bary à Tournai.

Je prie la Chambre de vouloir bien inviter la commission faire un prompt rapport sur cette pétition. - Cette proposition est adoptée.

Projet de loi relatif à l’exécution de certains travaux d’utilité publique

Discussion générale

MtpJµ. - Je subis, depuis deux jours. messieurs, la situation qu'a toujours créée au ministre des travaux publics la présentation d'un projet de loi de la nature de celui qui est soumis en ce moment à votre approbation.

Le dépôt de ces projets fait naître à l’instant même, dans tous les esprits, de vives espérances : toutes se réalisent pas. Si la reconnaissance de ceux dont les aspirations sont remplies est presque toujours muette, en revanche la déception des autres se traduit avec une grande vivacité.

On scrute les discours du ministre, on met en présence ses déclarations d'hier et son abstention d'aujourd'hui, on cite les paroles dans lesquelles le ministre reconnaissait l'utilité certains travaux et exprimait la ferme volonté de donner satisfaction aux vœux des populations dont il méconnaît les intérêts au moment il s'agit de distribuer les crédits dont il dispose.

On reconnaît, à la vérité, la loyauté de ses intentions, la sincérité de sa parole ; mais les expressions dont on se sert, le ton dont on les accompagne témoignent bien que ces déclarations sont qu'un pur hommage à un prévoyant article de notre règlement qui défend aux orateurs de suspecter les intentions de leurs collègues,

C'est ce qu'ont fait, messieurs, dans les deux séances précédentes, bon nombre d'orateurs à propos de la Grande-Nèthe, de la station de Louvain et de certains autres travaux, à propos desquels je n'ai point sollicité de crédits.

Je déclare, cependant, que je n'ai rien à retrancher de mes déclarations antérieures. Elles étaient et elles sont encore l'expression loyale et sincère de mes intentions sur les travaux à propos desquels j'ai eu l'occasion de m'expliquer et de mon ferme désir de les traduire en fait aussitôt que j'en trouverai la possibilité.

Si, pour quelques-uns des travaux dont on a parlé dans les deux dernières séances, il a été impossible de comprendre des crédits dans le projet de loi qui vous est présenté, la raison en est bien simple.

Quelque favorable que puisse être la situation financière du pays, il est des limites que le ministre des finances fait sagement d'imposer à son collègue des travaux publics. C'est à celui-ci à examiner les considérations qui doivent déterminer son choix.

Parmi ces considérations, messieurs, je place en première ligne l'obligation d’appliquer d'abord les ressources dont on dispose à l'achèvement de travaux dont l'utilisation n'est possible que lorsqu’ils sont entièrement terminés.

(page 842) Si vous avez analysé, comme j’en suis convaincu, les crédits qui sont sollicités, vous aurez vu que la plus grosse part des crédits est appliquée à des travaux de cette nature. Dans le cours de la dernière session, sous avez accordé, messieurs, la concession de deux chemins de fer qui doivent être exploités par l'Etat. Il y avait là à faire. sans retard possible, une dépense d'un million pour préparer l'installation des stations de départ et d’arrivée où doivent venir se souder ces chemins de fer.

Une autre dépense de 1,500,000 francs nous a été imposée d'une manière impérieuse. Le mouvement de reprise des affaires commerciales et industrielles que nous avons constaté dans le deuxième semestre de l'année dernière et qui s'accentue d'une manière si heureuse aujourd'hui même, a nécessité une demande de crédit de 1,500,000 francs pour mettre notre matériel de chemin de fer en harmonie avec l'importance des transports que nous aurons à faire en automne.

Voilà, messieurs, comment des travaux utiles, que je désire voir s'exécuter bientôt, ont dû faire place à d'autres travaux qui ne sont pas plus utiles, mais qui ont un caractère d'urgence que les premiers ne revêtaient pas.

Il en est ainsi notamment de la station de Louvain, dont M. Wouters a parlé.

Je reconnais volontiers avec l'honorable membre qu'il serait désirable que le crédit de 350,000 francs pût être accordé à l'administration des chemins de fer pour compléter l'installation de cette station.

L'administration des chemins de fer le désire au moins aussi vivement que l'honorable M. Wouters ; mais, ainsi que je l’ai fait remarquer déjà, il y avait des travaux plus urgents à exécuter sur d'autres points de notre railway, puisque, grâce à la somme de 570,000 francs, que nous avons consacrée à l'agrandissement de la station de Louvain, le service s'y fuit actuellement dans des conditions convenables.

Quant au bureau de poste dont a parlé l'honorable M. Wouters, il sera installé dans un avenir prochain. Des employés supérieurs du département des travaux publics se sont rendus à Louvain, il y a quelques jours ; ils ont arrêté l'emplacement du bureau, de sorte que, sur ce point, les désirs de l'honorable M. Wouters seront prochainement réalisés.

Quant aux autres points qu'il a traités, il comprendra que j'apporte une grande réserve dans ma réponse, de peur de le voir, l'an prochain, s’en faire une arme contre moi.

En ce qui concerne la Grande-Nèthe, je ne puis que me référer aux explications que j'ai données à la section centrale et qui sont consignées dans son rapport.

L'honorable M. de Zerezo reconnait que le but que s'est proposé le gouvernement a été atteint en ce qui concerne l'écoulement des eaux. Mais il conteste que la navigation ait été améliorée par le redressement des courbes et la suppression de certains atterrissements. Il croit, au contraire, que ces travaux ont modifié d'une manière fâcheuse le régime de la rivière au point de vue de la navigation.

Je ne pense pas que les théories de l'honorable M. de Zerezo fassent beaucoup de prosélytes parmi les bateliers et ingénieurs hydrauliques, qui pensent, au contraire, que le redressement des courbes et l'enlèvement des atterrissements rendent la navigation plus facile et plus sûre.

Et comme, presque chaque jour, mon département reçoit des demandes de travaux de ce genre, j'attendrais quelque temps encore avant de me rallier à la manière de voir de l'honorable M. de Zerezo.

En ce qui concerne le chemin de fer d'Anvers à Gladbach, j'ai, sans même attendre la demande que l'honorable membre m'a adressée, mis à la disposition de la compagnie concessionnaire le concours de notre influence pour obtenir le plus rapidement possible, en Hollande et en Prusse, les concessions qui sont nécessaires à la compagnie pour mettre la main à l’œuvre.

Je veillerai aussi, comme le demande l'honorable membre, à ce que les concessionnaires exécutent les engagements qu'ils ont contractés.

A propos de la station de Louvain, l'honorable M. Wouters s'est occupé du nouveau mode de reprise des coupons que nous avons inauguré, il y a quelque temps.

Depuis que j'ai l’honneur de siéger dans cette enceinte, il ne s'est pas passé une session sans que quelque réclamation s'élevât contre le mode inhumain qui consistait à obliger les gardes, pendant que les convois étaient en marche, d'opérer la vérification des coupons et leur reprise. De tristes et cruels accidents venaient, chaque année, justifier les réclamations qu'on élevait contre le maintien de ce système.

Le nouveau système que nous ayons adopté est-il sans inconvénients ? On lui adresse surtout deux reproches. Dans quelques localités du pays, comme Louvain et Bruges, il apporte une gène et une entrave à des habitudes qui étaient chères aux populations.

Il avait cet autre inconvénient sérieux de ne point permettre l'accès de la station à des personnes qui devaient veiller, jusqu'au dernier moment, sur des êtres qui leur étaient chers et qui avaient besoin de leur protection.

J'ai remédié en partie à ce dernier inconvénient par une instruction récente ; j'ai autorisé l'accès des stations toutes les personnes qui accompagnent des malades, des infirmes, des vieillards, des enfants ou des femmes seules.

Mais je crois qu'il faut laisser s'achever l'expérience commencée aujourd’hui.

Depuis la mise en vigueur de ce nouveau système, aucun accident n'est plus survenu. Je pense, messieurs, que si ce nouveau mode mettait un terme aux tristes accidents que nous déplorions chaque année, sans apporter d'entrave au service, les petits ennuis, la gêne qui peuvent en résulter seraient aisément supportés à la pensée des accidents qu'il permettra d'éviter. (Interruption.) Si cette innovation est mauvaise, je crois que la Chambre y a une part de complicité ; car il ne s’est pas passé de session que la Chambre n'ait applaudi les orateurs qui demandaient avec instance qu'on mît un terme à cet usage inhumain.

M. Mullerµ. - Mais le contrôle ambulant est maintenu.

MtpJµ. - L’honorable Muller dit que le contrôle ambulant est maintenu.

Je viens d'avoir l'honneur de le dire la Chambre ; mais les gardes n'ont plus que la moitié du parcours à faire.

M. Woutersµ. - On a les inconvénients du système sans en avoir les avantages.

MtpJµ. - L'honorable M. Wouters me dit que nous avons les inconvénients du système sans en avoir avantages. Si je me rends bien compte du mobile qui a guidé les orateurs qui se sont occupés de cet objet, ils avaient surtout en vue de sauvegarder la vie des gardes. Eh bien, jusques maintenant, ce but a été atteint. Il faut tenir compte de ce résultat si précieux.

L'honorable M. Van Merris a appelé mon attention sur la résolution prise par le gouvernement de se prévaloir, pour certains travaux exécuter l'Yser, du droit de servitude qui grève les propriétés situées le long d'une rivière pour l'établissement d'un chemin de halage.

Le gouvernement n'a songé à se prévaloir de ce droit qu'en présence des prétentions exorbitantes des propriétaires des terrains qui étaient nécessaires au gouvernement pour exécuter des travaux dont le premier résultat était de doubler la valeur de ces propriétés en les soustrayant aux inondations qui les désolent aujourd'hui.

Quoi qu'il en soit, j'examinerai avec attention la valeur des considérations que l'honorable M. Van Merris a soumises au gouvernement et je verrai s'il est possible de concilier les deux intérêts engagés dans cette question.

Quant à la reprise par le gouvernement du pavé qui relie la route de Rousbrugge-Elsendamme à Poperinghe, jusqu'à présent aucune demande de ce genre n'est arrivée à mon département. Aussitôt que je la recevrai, je prescrirai qu'une instruction soit faite.

L'honorable M. de Breyne-Dubois a insisté très vivement pour que le gouvernement prît à sa charge la construction d'un pont sur l'Yser, à l'endroit dit le Peereboom. L'honorable membre infère de ce que l'Yser est la propriété de l'Etat, l’obligation de construire à ses frais tous les ponts qu'il serait nécessaire d'établir pour relier même des chemins vicinaux ou des routes provinciales.

C'est là, messieurs, une erreur complète de la part de l'honorable membre. La construction du pont dont il a parlé a été amenée par la construction d'une route que le conseil provincial a décrétée en 1861, et ce sera évidemment à la province de construire le pont en même temps que la route.

L'honorable M. de Breyne s'est plaint de l'insuffisance du crédit accordé à l'Yser. Je reconnais avec lui qu'il faudra, pour terminer les travaux, un crédit plus considérable. Mais la somme que nous sollicitons permettra d'imprimer une vive impulsion à ces travaux et, selon toute apparence, dans le cours de la session prochaine, nous pourrons demander les crédits nécessaires pour continuer ces travaux.

L'honorable M. Lelièvre est venu, à son tour, réclamer un crédit pour la station de Namur qu'il trouve insuffisante.

Le gouvernement a dépensé des sommes considérables pour cette station, et si, dans ces derniers temps, l'accroissement très considérable du mouvement a apporté certaine gêne dans le service d'exploitation, (page 843) différentes mesures ont été prises pour assurer le service et ont eu le résultat le plus heureux. Aujourd'hui, l'exploitation se fait dans la station de Namur dans de bonnes conditions.

L'honorable M. Lelièvre s'est occupé ensuite de la déchéance des concessionnaires du chemin de fer de Jemelle à la Meuse en passant par Fosse. Il se préoccupe de la situation que crée cette déchéance, des regrets qu’elle va faire naître dans l'esprit des populations et il recommande à l'attention du gouvernement cette situation.

Je suis heureux de pouvoir annoncer à l'honorable M. Lelièvre que j’ai signé, aujourd'hui même, avec une société belge une convention aux termes de laquelle elle s’engage à construire, dans des conditions qui offrent tontes les garanties d'une bonne exécution, le chemin de fer de Jemelle à la Meuse en passant par Fosse.

Le gouvernement, messieurs, n'a point perdu de vue les promesses que lui rappelle l'honorable M. Kervyn de Lettenhove. Ainsi que l'honorable membre s'en souviendra sans doute, mon collègue de la guerre a pris l’engagement de s'occuper, de concert avec département, du meilleur mode à adopter pour l'asséchement de toutes les parties des polders qui écoulent leurs eaux à Calloo par le Melkader.

Quant aux négociations engagées avec le gouvernement hollandais, elles ont déjà abouti à un premier résultat que je considère comme considérable.

Après avoir, en effet, déterminé les limites du Zwyn entre les deux pays, les gouvernements de la Belgique et de la Hollande viennent de nommer une commission chargée de dresser le programme de l'endiguement du Zwyn.

J'espère que nous aboutirons à un résultat aussi favorable pour la partie des Flandres à laquelle s'intéresse l'honorable membre.

L'honorable M. Sainctelelle m’a attribué le mérite d'avoir créé, pour les voies navigables, une statistique sur des bases nouvelles, qui doivent donner ce travail l'utilité et l'importance de la statistique des chemins de fer.

Je dois renvoyer à l'honorable membre une partie de ce mérite. C'est, en effet, dans les excellents rapports de la chambre de commerce de Mons, que nous lisons tous avec le même intérêt que nous apportons à écouler les discours de l'honorable membre, que j'ai trouvé en partie les indications que j'ai mises à profit pour l'établissement de cette statistique.

L'importance de nos voies navigables est considérable, et les chiffres portés au projet de loi que nous examinons en ce moment sont la meilleure preuve de la sollicitude du gouvernement pour cet important objet.

Je pense avec l'honorable M. Sainctelette qu'il y a un intérêt de premier ordre à maintenir entre les navigables et les chemins de fer une émulation utile dont puissent profiter, dans une large mesure, le commerce et l'industrie de notre pays.

Où je cesse d'être d'accord avec l'honorable membre, c'est lorsque, comparant les voies navigables aux chemins de fer, il pense que l'unité de vues qui a présidé à l'établissement des chemins de fer a complètement manqué à ceux qui ont été chargés de la construction de nos voies navigables.

Il applaudit avec raison à la merveilleuse organisation qui permet à un waggon de parcourir presque tout le continent et il regrette qu'il n'en soit pas ainsi de notre navigation intérieure, ou il constate trois réseaux dont les ouvrages d'art ont des dimensions différentes.

L'honorable membre accuse de cette situation les ingénieurs qui ont été chargés d'établir les voies navigables et qui n'auraient pas eu la même prévoyance que les ingénieurs qui ont été chargés d'établir les voies ferrées.

C’est là une erreur. En Belgique, ce sont les mêmes hommes qui ont été chargés d'établir les voies ferrées et les voies hydrauliques, et je dois dire que, soit pour la conception, soit pour l'exécution, ces hommes y ont apporté la même prévoyance et les nièmes soins.

Que reste-t-il, messieurs, de nos chemins de fer tels qu'ils ont été conçus, tels qu'ils ont été construits à l'origine ? Absolument rien que la dimension de la voie. Les matériaux de la voie, le matériel d'exploitation, tout s'est transformé : les rails de 18 kilogrammes ont fait place à des rails de 57 kilogrammes, les locomotives de 8 tonnes à celles de 30 tonnes, et l'on ne voit plus circuler que des waggons de 10 et de 20 tonnes, au lieu de waggons de 5 tonnes, qui seront l'exception dans un avenir très peu éloigné.

Heureusement, messieurs, les dimensions de la voie se sont prêtées à toutes ces transformations ; mais, à mon sens, il serait tout aussi injuste de faire remonter l'honneur de cette situation aux ingénieurs qui ont construit les chemins de fer, que d’accuser nos ingénieurs de ne pas avoir adopté, au commencement de ce siècle, des dimensions d'écluses telles, qu'elles eussent pu servir de type invariable et qui auraient été suivies sur toutes les voies navigables qui se seraient construites.

Il y avait là une impossibilité absolue. Il fallait tenir compte d'abord qu'à l’époque où on a construit, par exemple, le canal de Mons à Condé, les bateaux ne nécessitaient qu'un mouillage de 60 centimètres et je demande quel est l’ingénieur qui eût alors osé proposer de construire des écluses livrant passage à des bateaux ayant besoin d'un mouillage de 2 m 10 ?

Dans d'autres circonstances encore, les ressources de l'alimentation imposaient absolument les dimensions des écluses.

A l'heure où je parle, nous sollicitons de la Chambre 350,000 pour modifier des écluses qui sont construites presque d'hier.

Les écluses de la Meuse sont à peine terminées que nous reconnaissons que les dimensions en sont insuffisantes.

Pourrait-on raisonnablement en accuser l'ingénieur qui les a conçues ?

La cause en dans une invention récente : le touage.

Pour arriver à faire produire au touage toute l'utilité qu'il peut procurer à la navigation, on se voit obligé de modifier les écluses. Il y a vingt ans, qui donc aurait osé songer à faire, pour nos voies intérieures, des canaux ayant un mouillage de 6 mètres ?

Il y avait, messieurs, un ensemble de circonstances que l'esprit humain ne pouvait prévoir et l’on aurait traité de rêveurs les ingénieurs qui auraient demandé, il y a vingt ans, pour les écluses les dimensions que comporte aujourd'hui la navigation.

L'honorable membre exprime encore le regret de n'avoir pas vu le gouvernement disposer de toutes ses ressources pour terminer, sur un point donné, un ensemble de voies navigables. Il regrette également que l'on ait construit tout d'abord des voies affluentes au lieu de s'occuper des voies principales. Il a cité l'exemple de la canalisation de l'Escaut.

Je doute, messieurs, qu’il ne soit trouvé une Chambre disposée à voter, pendant un grand nombre d'années, les sommes dont on pouvait disposer et cela au détriment des localités qui ont pu retirer des avantages immédiats de la construction de certains affluents.

Quant à la canalisation de l'Escaut, dont on parle aujourd'hui comme d'une question qui ne saurait admettre de contestation, elle n'a pas été admise sans opposition et, il y a quinze ans encore, les ingénieurs qui préconisaient cette idée rencontraient, de la part des industriels et surtout de la part des riverains, une très vive opposition.

Je ne crois pas utile, messieurs, d'étendre le cadre de cette discussion.

J'aurai toujours un grand plaisir et nous aurons un grand profit à retirer de discussions de ce genre avec l'honorable membre. La discussion de mon budget nous en fournira l'occasion.

Laissant donc les côtés généraux de la question dont a parlé l'honorable M. Sainctelette, pour revenir à l'objet qui lui tient plus cœur, je dirai à l'honorable membre que je suis en communauté complète d'idées avec lui sur les avantages qu'il y a de donner aux canaux de la Haine des dimensions telles que les bateliers qui naviguent sur ces canaux pussent retirer de la canalisation de l'Escaut tous les avantages que l'industrie doit en attendre.

J'ai prescrit depuis longtemps à l'ingénieur en chef de la province de Hainaut de faire les études nécessaires pour atteindre ce but.

Ces travaux nécessitent une dépense de 400,000 francs et j'espère que la situation financière me permettra de les demander à la Chambre dans un avenir prochain.

L'honorable Beeckman, précédant dans cette voie MM. Coomans et Le Hardy de Beaulieu, est venu parler de certains articles de journaux dans lesquels on représentait la présentation du projet de loi comme une manœuvre électorale. L'honorable membre ne croit pas à ces choses, mais cependant l'examen des articles du projet le met certaine défiance et il me donne avis que si je veux mériter la confiance dont il a honoré mon prédécesseur, j’aurai à méditer la ligne de conduite que je vais suivre.

Mon honorable collègue des finances a déjà fait justice de ces allégations. Je n'ai donc plus à m'en occuper et je vais me borner à donner à l'honorable membre quelques explications qu'il m'a demandées sur diverses questions.

C'est de la station de Louvain qu'à son tour M. Beeckman a entretenu la Chambre. Pour l'honorable membre, il y a un indice certain qu'il y a la station de Louvain des travaux d'agrandissement considérables à opérer et il en trouve la preuve dans le versement de 160,000 francs effectué par la compagnie du Grand-Central.

J'ai déjà eu l'occasion de le dire et je répète que les 160,000 francs que le Grand-Central a versés dans les caisses de l'Etat ont servi à payer les travaux d'agrandissement très considérables pour lesquels le gouvernement a dépensé, lui, 570,000 francs. (Interruption.)

(page 844) Je ne conteste pas mes obligations ; je reconnais qu'à l'aide de la somme versée par la compagnie du Grand-Central, j'ai à compléter certains travaux et surtout la construction d'une gare. Mais l'introduction du Grand-Central dans la station de Louvain a nécessité des dépenses considérables.

L'honorable membre a appelé de nouveau l'attention du gouvernement sur la situation du Demer. Les travaux exécutés au Demer ont eu un grand avantage ; ils ont soustrait les propriétés riveraines aux inondations d'été, qui étaient désastreuses ; mais en même temps ils ont eu un grand inconvénient, c'est de les soustraire aux inondations d'hiver, qui sont providentielles.

C'est le cas de dire aux propriétaires : Aide-toi et le Ciel t'aidera. Il ne s'agit pour les riverains du Demer, comme pour ceux de la Nèthe, que de se constituer en wateringue.

M. de Zerezo de Tejadaµ. - Il faut des barrages pour cela.

MtpJµ. - Il faut des ouvrages de diverses natures et c’est aux propriétaires à se constituer en wateringue, pour déterminer la nature des ouvrages à construire, soit par eux-mêmes, soit avec le concours da gouvernement.

Pour en revenir aux observations présentées par M. Beeckman, j'ai déjà rectifié, dans la séance d'hier, ce qu'il y avait d'inexact dans cette allégation que le gouvernement était disposé à accorder une subvention pour la construction d'un chemin de fer du camp de Beverloo à Diest. Comme je n'ai point trouvé cette rectification au Moniteur, je crois utile de la renouveler aujourd’hui.

C'est, messieurs, le crédit de trois millions que nous sollicitons pour le canal de Gand à Terneuzen qui éveille surtout les défiances de l'honorable membre. C'est la ce qui me vaut le salutaire avertissement qu'il m'a donné hier.

Eh bien, je crois qu'il ne me sera point difficile de vous montrer combien ces défiances sont fondées et quelle confiance robuste je puis avoir dans le maintien des bons sentiments que l'honorable M. Beeckman avait pour mon honorable prédécesseur, si l'honorable membre n'a d'autre grief que celui-là faire valoir contre moi.

Messieurs, voilà bientôt dix ans que cette question du canal de Gand à Terneuzen préoccupe le département des travaux publics. Depuis de très nombreuses années, une correspondance s'est engagée sur ce point entre mon département, l'administration communale de Gand, la chambre de commerce de Gand, le Cercle commercial de Gand et tous ceux qui avaient intérêt à cette question. Si l'honorable M. Beeckman veut reprendre les rapports de la chambre de commerce de Gand, il verra que ce collège place au premier rang de ses vœux, au premier rang des réformes les plus utiles, les plus indispensables à la prospérité commerciale de la ville de Gand, le travail que nous allons réaliser aujourd'hui.

M. de Kerchove de Denterghemµ. - Il y a plus de vingt ans.

M. Beeckmanµ. - Quel travail ?

MtpJµ. - Si l'honorable membre le désire, je mettrai bien volontiers à sa disposition les renseignements les plus détaillés sur ce point. Mais je vais rappeler un souvenir à l’honorable membre. L'an dernier, alors que, sans aucun doute, aucune préoccupation électorale ne pouvait guider le gouvernement, l'an dernier, à propos de mon budget, l'honorable M. de Maere a fait, sur cette question, qu'il possède merveilleusement (c'est un hommage que l'honorable M. Beeckman lui rendait hier) un discours remarquable ; et qu'ai-je répondu ?

J’ai répondu à l'honorable M. de Maere que nous étions en possession d'études soumises au conseil des ponts et chaussées. Qu'une seule question n'était point résolue et laissait encore quelques doutes dans l'esprit des membres du conseil des ponts et chaussées : je veux parler de la question d'alimentation. Si cette question avait été résolue alors comme elle l'est aujourd'hui, c'est depuis un an que le gouvernement serait en possession des crédits qu'il sollicite en ce moment. Voilà, messieurs, la vérité sur cette question du canal de Gand à Terneuzen.

Nous sommes en possession aujourd'hui d'un projet parfaitement arrêté par le corps d'ingénieurs de la Flandre et qui a reçu la sanction du conseil des ponts et chaussées.

Seulement, l'administration communale, la chambre de commerce et le Cercle commercial de Gand m'ont envoyé des députations pour me prier de ne point mettre la main à l'œuvre avant d'avoir examiné un plan nouveau qu'ils ont soumis à l’approbation de mon département.

Qu'ai-je fait ? J'ai déclaré que j'accédais à cette demande, mais que je ne voulais point priver les populations de certains avantages qu'il était possible de leur procurer par l'exécution de travaux qui sont communs aux deux systèmes, et que je donnerais l'ordre de mettre la main à l’œuvre en ce qui concerne ces travaux.

Voilà, messieurs, cette grosse affaire dans toute sa simplicité.

Je n'ai point écrit autre chose au conseil communal de Gand et l'honorable bourgmestre de cette ville a été certainement aussi surpris que moi lorsque l'honorable M. Beeckman lui a appris qu'il avait lu pompeusement ma lettre au conseil communal.

Il y avait là une mise en scène qui n'était pas du tout en situation et qui n'a existé, en réalité, que dans l'imagination très fertile de l’honorable membre.

Comme je le disais tout à l'heure, le projet de loi contient un premier crédit de 350,000 francs pour l'agrandissement des écluses établies sur la Meuse en aval de Namur jusqu'à Liége.

L'honorable M. Moncheur n'a pas hésité à déclarer que cette dépense était le résultat d'une faute commise par le gouvernement.

Si une faute a été commise en ceci, c'est par l'honorable M. Moncheur, qui n'a pas lu l'exposé des motifs, dans lequel nous indiquons nettement pour les raisons qui nous portent à agrandir ces écluses ; il s'agit simplement de donner aux écluses établies en aval de Namur les dimensions des trois écluses actuellement en voie de construction sur la Meuse en amont de Namur. Il eût vu, en outre, que c'est pour faire produire au touage, dont l'honorable M. Moncheur, pas plus que mon prédécesseur, ne pouvait prévoir l'invention lors de la construction des écluses qu’il s'agit de modifier, que c'est pour faire produire au touage tout son effet utile que nous sommes amenés à faire le travail pour lequel nous sollicitons ce crédit.

L'honorable M. Moncheur m'a demandé si le gouvernement belge avait obtenu du gouvernement français l'engagement d'opérer la canalisation de la Meuse française, dans les mêmes dimensions où s'opérait la canalisation de la Meuse belge.

Nous n'avons reçu, à cet égard, aucune indication du gouvernement français qui, d'ailleurs, ne pouvait pas encore prendre une résolution sur cet objet, puisque c'est seulement dans ces derniers temps qu'il a chargé MM. les ingénieurs de faire les études nécessaires, de nature à donner satisfaction à nos aspirations.

Quant à moi, je crois qu'il est très sage de continuer la canalisation, au mouillage de 2 m 10, jusqu'à la frontière française.

Je suis d'accord avec l'honorable M. Moncheur sur la question des ponts.

J'accueillerai avec une grande bienveillance et une très grande joie toutes les propositions qui nous seraient faites, pour la construction, non pas d'un pont seulement, mais de deux ou trois ponts sur la Meuse, de Namur à Givet.

Il y a là un élément précieux de développement et de richesse pour les industries qui s'exercent sur les deux rives, Je pense avec l'honorable M. Moncheur que c'est de l'argent parfaitement bien placé que celui qui sera consacré à la construction de ces ponts.

L'honorable M. Coomans est intervenu à son tour dans les débats pour plaider la cause de la Grande-Nèthe ; il l'a fait, pensant passionner le débat, dans des termes tels, qu'ils eussent justifié l'intervention de notre honorable président.

Quant à moi, je sais beaucoup de gré à l'honorable président de n'être pas intervenu et d'avoir laissé l'inattention de la Chambre faire justice des exagérations de langage de l'honorable membre.

M. le ministre des finances a répondu hier à ce que j'appellerai la partie politique de ce discours ; je n'ai donc qu'à me préoccuper des explications que l'honorable membre me demande au sujet de la Nèthe.

Ces explications, ainsi que je l'ai dit à l'honorable M. de Zerezo, sont contenues dans le rapport de la section centrale.

Je vais les résumer en deux mots.

Un fonds commun a été établi, il y a quelques années, par l'Etat, les communes et les propriétaires intéressés. Ce fonds commun a reçu sa destination, à l'exception des sommes qui sont nécessaires à l’exécution des travaux spéciaux ayant notamment pour but de mettre la ville de Lierre à l'abri des inondations.

Nous poursuivons en ce moment l'expropriation de l'usine du Moll, ne point mettre la main à l'œuvre avant d'avoir examiné un plan nouveau dont l’emplacement est nécessaire pour commencer les travaux ; dès que nous serons en possession du terrain, nous mettrons la main à l'œuvre. Dès lors, les obligations que nous avons contractées de ce chef seront remplies, et l'on n'aura aucune réclamation à nous adresser.

(page 845) Il reste, à la vérité, des travaux ayant pour d'améliorer la navigation et de permettre l'établissement d'un service d'irrigation. Si nous n'avons pas pu admettre encore les nombreuses études qui nous ont présentées par l'ingénieur en chef de la province d'Anvers, c'est que, malheureusement, elles aboutissent toutes à des dépenses telles, qu'elles sont hors de proportion avec l'importance des transports dont, au reste, les chemins de fer d'Anvers à Hasselt et d'Herenthals à Louvain s'en sont emparés pour une grande part.

Quant aux travaux utiles aux irrigations, je répète ce que je viens de dire à l'honorable M. Beeckman ; je ne comprends pas, en vérité, l'indignation qu'ont éprouvée ou qu'ont paru éprouver les membres qui ont défendu la Grande-Nèthe lorsque nous avons parlé de l'intervention des propriétaires. Cette indignation a dû faire sourire beaucoup ceux de nos collègues dans les arrondissements desquels il y a un grand nombre de wateringues établies par des propriétaires qui comprennent très bien tous les avantages qu'il y a dans une initiative qui manque complètement aux riverains de la Nèthe et du Demer et qui n'hésitent pas faire des sacrifices qu'ils recouvrent au décuple.

M. de Zerezo de Tejadaµ. - Des sacrifices ont déjà été faits par les riverains de la Nèthe.

MtpJµ. - Vous comprendrez, messieurs, après ces explications, que la plaisanterie faite par M. Coomans, d'un l'Yser libéral et d'une Nèthe catholique, n'a absolument rien à faire dans le débat. Si l'on veut établir une statistique de nos voies navigables, au point de vue de l'influence politique des arrondissements qu’elles desservent, ce ne seront point les provinces libérales qui seront les mieux partagées et je n'hésite point à dire que presque toutes regardent d'un œil d'envie ce merveilleux réseau des canaux de la Campine qui a coûté plus de 20 millions au trésor.

Messieurs, l'honorable M. Elias, après avoir rectifié ce qu'il y avait de faux, d'anormal, selon lui, dans la comparaison que l'honorable M. de Zerezo avait faite entre les travaux de la dérivation de la Meuse et les travaux à exécuter à la Grande-Nèthe, m'a demandé certains renseignements sur la situation des travaux du chemin de fer de ceinture de Liége.

Une première adjudication a eu lieu, messieurs, et les travaux adjugés jusqu'ici s'élèvent à la somme de 2,021,000 francs, sur lesquels une somme de 1,070,000 francs a été soldée déjà. On s'occupe en ce moment de la rédaction des pièces nécessaires à la mise en adjudication de la dernière section.

J'ai donné les ordres les plus précis pour que la rédaction de ces pièces fût faite le plus promptement possible et que l'adjudication puisse avoir lieu dans un bref délai.

J'arrive enfin, messieurs, au discours prononcé par M. Le Hardy de Beaulieu.

Les journalistes, pour abréger souvent leur rude tâche quotidienne, ont, pour les fêtes et les cérémonies qui se renouvellent périodiquement, des articles tout faits, que nous appelons, en termes du métier, des clichés.

L'honorable M. Le Hardy a aussi certains clichés.

Il a le cliché de la dette publique ; il a le cliché de l'exploitation des chemins de fer par l'Etat ; il a surtout le cliché des dangers que présente l'immixtion de l'Etat dans les branches de l'activité sociale. C'est, messieurs, ce dernier cliché qui sert d'exorde à tous les discours que l'honorable membre fait à propos de projets de la nature de celui que nous examinons en ce moment.

La Chambre sait quelle difficulté il y a à convaincre l'honorable M. Le Hardy et elle me saura gré, sans doute, en ce qui concerne les considérations générales de l'honorable membre, de ne point tenter, une fois de plus, de le ramener à nos vues.

Il a mis en regard la manière superficielle dont nous examinions, en Belgique, toutes ces questions de travaux publics et l'analyse minutieuse dont tous les documents relatifs ces travaux étaient l'objet en Angleterre, nous engageant à nous inspirer de ces traditions du parlement britannique.

Eh bien, je dois dire qu'il ne serait pas tout à fait inutile que l'honorable membre prêchât d'exemple ! Dans plusieurs des considérations qu'il a présentées, j'ai puisé la preuve que mon département avait cette mauvaise chance de ne pas pouvoir compter l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu au nombre des lecteurs des documents qu'il publie à l'appui des crédits qu'il sollicite. Je ne citerai qu'un exemple à l'appui de cette observation.

Nous avons donné, à quatre ou cinq reprises, le détail des sommes que devait coûter le pont de Dinant. Le coût de la reconstruction du pont de Dinant s'élève à 593,000 francs. La démolition du pont existant donné lieu à une dépense de 136,000 francs. Nous avons eu enfin l'établissement d'un pont provisoire, 43,655 francs ; soit ensemble 772,633 francs.

Ce chiffre a été donné dans une infinité de documents. Mais l'honorable membre, je ne sais dans quel but, veut que le pont de Dinant coûte 1,200,000 francs et il nous a demandé avec ironie si nous avions construit ce pont en marbre. Le malheur est que le pont de Dinant n'a pas été construit en marbre, et ne coûte pas 1,200,000 francs.

Je serais charmé d'apprendre où l'honorable Le Hardy de Beaulieu a trouvé ce chiffre de 1,200,000 francs.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. Si M. le ministre le permet, je vais indiquer la page où j'ai trouvé ce chiffre.

MtpJµ. - Ne vous donnez pas cette peine ; je l'ai vu ce matin : c'est dans la situation du trésor. Mais vous l'avez vue d'une manière incomplète. Elle ne fait que rappeler le libellé des lois de crédit qui ont accordé ce chiffre de 1,200,000 francs. Mais ce libellé, que l'honorable N. Le Hardy n'a pas lu, dit que ce crédit a été accordé pour la construction du pont de Dinant et de « plusieurs autres ponts » sur ce neuve, de manière qu'avec le crédit de 1,200,000 francs nous avons construit quatre ponts. (Interruption.)

Messieurs, l'honorable membre nous a demandé, sur l'agrandissement des ministères, des renseignements que nous avons transmis à la section centrale. Tous les renseignements qu'il était en mon pouvoir de donner ont été reproduits dans une note publiée dans le rapport de la section centrale.

L'honorable membre suppose, bien à tort, que l'agrandissement des ministères est amené par une exagération absolument anormale du nombre des fonctionnaires et il regrette de nous voir entrer dans la voie ou, par l'exagération du nombre des fonctionnaires, l'Espagne a vu, pour ainsi dire, sombrer ses destinées.

Quant au crédit de 125,000 francs sur lequel l'honorable membre demande des explications, je dois lui faire remarquer que toutes les explications relativement à ce chiffres ont été données lorsque nous avons fait une première demande de crédit. Nous avons dit alors qu'une somme de 250,000 francs était nécessaire pour des travaux dont nous avons donné l'indication précise. Les 125,000 francs que nous demandons aujourd'hui sont le second crédit.

L'honorable membre se trompe également, et cette fois en compagnie de l'honorable rapporteur, lorsqu'il suppose que le crédit qui figure sous l'article 5 et qui a pour but de faire face aux dépenses extraordinaires qu'ont nécessitées les annexes du Jardin Botanique, devait être sollicité par le département de l'intérieur. L'honorable membre aurait pu voir que le premier crédit, dont celui-ci n'est que le complément, a été attribué au département des travaux publics par une loi analogue celle que nous discutons aujourd'hui, la loi votée le 12 juin 1869.

Il en est de même du crédit porté au paragraphe 7, que l'honorable membre suppose par erreur devoir être demandé par le département des finances. C'est encore une dépense qui rentre tout à fait dans les attributions de la direction des bâtiments civils, qui appartient à mon département.

Messieurs, le chemin de fer de ceinture dont a parlé l'honorable membre sera ouvert la circulation à la fin de cette année, vers le mois de septembre ou d'octobre. Je ne demanderais pas mieux. comme l'honorable membre en a exprimé le désir, que de pouvoir terminer d'une manière complète certaines de nos stations et toutes les installations de nos chemins de fer ; mais il faudrait, pour cela, des sommes considérables, que M. le ministre des finances ne saurait pas mettre à ma disposition.

Quant au crédit sollicité, pour l'extension du matériel de nos chemins de fer, il nous permettra de mettre à la disposition du commerce et de l'industrie le nombre de véhicules qui a été jugé nécessaire dans une réunion à laquelle assistaient les représentants de tous les centres charbonniers.

Au reste, messieurs, quant à toutes ces questions de chemins de fer nous aurons très probablement l'occasion de les débattre d'une manière plus approfondie lors de la discussion du projet de loi que j'ai eu l'honneur de soumettre récemment à la Chambre, discussion dans laquelle suis certain d'avoir à rompre plusieurs lances avec l'honorable membre.

(page 846) M. De Lexhyµ. - Messieurs, comme il semble entendu que le pro]ct de loi qui nous est soumis tient lieu, en quelque sorte. d'une discussion budgétaire, j'imiterai l'exemple qui nous a été donné hier par l'honorable ministre de l'intérieur, en entretenant la Chambre divers objets qui intéressent l'arrondissement de Waremme et qui sont du domaine du département des travaux publics.

Je viens pas critiquer les allocations qui sont inscrites dans le projet de loi actuel. J'exprimerai cependant un regret, mais exempt de reproche, c'est de n'avoir obtenu aucune miette de ce splendide festin qui est offert à quelques arrondissements.

N'obtenant rien dans cette distribution extraordinaire de bienfaits, force m'est de me rabattre sur les crédits ordinaires qui figurent au budget.

Je demanderai d'abord que l'on améliore les locaux et les établissements des stations de Fexhe et de Waremme.

La station de Fexhe est dans l'état où elle se trouvait il y a vingt-cinq ans, et depuis cette époque le mouvement de voyageurs est triplé. Il faudrait deux salles d'attente, un auvent, un trottoir circulaire, et des magasins pour les marchandises.

A Waremme, il faudrait également de grandes améliorations, améliorations que j'ai indiquées à plusieurs reprises. Je demanderai aussi que l'on établisse des bureaux de poste aux stations de Remicourt et de Rosoux. Ces deux localités sont devenues le centre d'un mouvement industriel considérable qui mérite d'obtenir toutes les facilités désirables de correspondance. La dépense à résulter de l'établissement de ces bureaux de poste sera d'ailleurs minime et j'ajoute qu'il faudra aussi bientêt établir des bureaux télégraphiques à Remicourt, Rosoux et Gingelom. L’employé chargé du service de la poste pourra parfaitement remplir l'office de télégraphiste

Je demande également qu'on établisse un bureau de poste à Avennes, chef-lieu judiciaire du riche et populeux canton de ce nom.

Vous le voyez, messieurs, je suis très modeste dans mes désirs et j'ai l'espoir fondé que l'on m'accordera, dans un bref délai, tout ce que j'ai demandé.

Quand tant d'autres obtiennent des sommes considérables, je me contente de chétives allocations.

J'entretiendrai maintenant la Chambre d'un objet qui a une importance capitale pour l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter, je veux parler du chemin de fer de Hesbaye-Condroz.

Aux termes de l'article 2 de la loi du 12 juin 1869, la société concessionnaire a été relevée de la déchéance qu'elle avait encourue, pour ne pas avoir terminé les travaux de ce chemin de fer dans le délai fixé par l'article 15 du cahier des charges relatif à la concession octroyée en exécution de l'article premier de la loi da 31 mai 1863. Le gouvernement a été autorisé à accorder à cette société de nouveaux délais pour l'achèvement des travaux, sous les conditions déterminées par une convention du 9 avril 1869, saur que les délais prescrits à l'article 2 de ladite convention courront après la date de la publication de la loi.

Les travaux de la section de Landon à Statte doivent être commencés dans le délai d'un an après la promulgation de la loi, c'est-à-dire au plus tard le 12 juin 1870.

Or, quoique l'époque fixée soit très rapprochée, on n'a pas encore procédé à l'adjudication de l'entreprise des travaux. Ce retard m'inquiéterait, si les concessionnaires n'étaient des hommes aussi sérieux et aussi désireux de conduire à bonne fin leur grande entreprise.

Cependant, l'intérêt que nous avons à jouir de cet instrument de prospérité est tellement considérable, que je me vois forcé d'inviter le gouvernement à veiller à ce que les concessionnaires exécutent leurs obligations dans les délais fixés.

J'engage M. le ministre à tenir fermement la main à ce que la loi soit observée. Je l'engage également à user du droit que le gouvernement s'est formellement réservé, d'obliger les concessionnaires à employer, sous peine de déchéance, le nombre d'ouvriers qui sera désigné par l'ingénieur du gouvernement chargé de la surveillance des travaux de ce railway ; enfin que l'on emploie tous les moyens nécessaires pour aboutir, afin que mon arrondissement entre bientôt en possession de bienfaits de ce grand et fécond travail.

M. de Theuxµ. - Messieurs, nous avons vu avec un très grand regret la province de Limbourg laissée complètement à l'écart dans les crédits que le gouvernement demande. Il s'agit de plus de 13 millions et dans ces 13 millions il n'y a absolument rien pour la province de Limbourg. Cependant, il y avait un motif particulier pour comprendre cette province dans la répartition des crédits, c'est que le gouvernement a demandé à l'une des principales industries du Limbourg une part contributive du double de ce qu'elle supportait auparavant, c’est-à-dire que l'impôt sur les distilleries a doublé, et personne ne soutiendra qu'en imposant fortement une industrie, on la fait prospérer. C’est tout le contraire qui arrive.

Mon honorable collègue, M. Thonissen, a demandé au gouvernement de contribuer à l'exécution du chemin de fer de Diest au camp, qui doit traverser le canton de Beeringen.

J'ai remarqué, il y a quelques jours, un arrêté qui prononce la déchéance de la concession du chemin de fer de Tirlemont à Diest et de Diest au camp.

Cette concession étant retirée, ce serait un motif de plus pour le gouvernement de s'occuper sérieusement de la question d'un chemin de fer de Diest au camp.

Il est démontré que ce chemin de fer serait avantageux pécuniairement au gouvernement, comme il serait avantageux à cette contrée considérable de la Campine qui est entièrement privée de voies ferrées.

J'appelle donc de nouveau sur ce point l'attention de M. le ministre des travaux publics et j'espère qu'il trouvera des moyens d'exécution qui puissent donner satisfaction à cette contrée importante.

Messieurs, je dois exprimer le regret que le canal de Terneuzen ait été compris dans le projet d'ensemble que nous discutons au lieu de faire l'objet d'un projet de loi spécial. Nous voyons qu'il y a là encore des questions en suspens, d'après les paroles mêmes prononcées par M. le ministre des travaux publics, et ce projet a une importance telle, qu'il eût été dans les convenances d'un gouvernement parlementaire de saisir la Chambre d'un projet spécial sur cette matière.

On eût pu alors discuter toutes les chances de bénéfices qui doivent résulter pour la Flandre orientale et pour la ville de Gand en particulier, et d'autre part, toutes les chances de perdre un capital considérable qui sera nécessairement suivi d'autres capitaux plus considérables encore si le crédit sollicité est voté.

M. Verwilghenµ. - Messieurs, dans la discussion du projet de loi soumis en ce moment à vos délibérations, les honorables députés de Turnhout, d’'Eccloo, de Louvain et de Tongres ont fait entendre, tour à tour, les plaintes les plus vives ; il en est même, parmi eux, qui ont formulé, à la charge du ministère, les accusations graves d'injustice et de partialité. A les en croire si, à la veille des prochaines élections législatives, le gouvernement s'est décidé à solliciter plus de quinze millions et demi de francs de crédits pour l'exécution de travaux d'utilité publique, c'est uniquement en vue d'étendre sa munificence sur les arrondissements assez intelligents et assez soucieux de leurs intérêts, pour élire des députés ministériels.

Quant aux arrondissements qui s'obstinent encore envoyer des représentants catholiques dans cette enceinte, ils sont traités avec dédain, leurs droits sont méconnus, leurs intérêts sacrifiés et ils se trouvent systématiquement exclus de toute répartition de faveurs budgétaires.

A la séance d'hier, mon honorable ami, M. Coomans, a développé cette thèse avec beaucoup d'énergie et de vivacité.

Messieurs, je le constate avec un profond regret, l'arrondissement, auquel je dois depuis treize ans l'honneur de siéger sur ces bancs, fournit un argument de plus à la démonstration qui vous a été faite.

La Chambre me permettra de rappeler que déjà, à trois différentes reprises, en 1865, en 1866 et en 1869, j'ai appelé l'attention de MM. les ministres des travaux publics sur les améliorations à apporter au système général actuel d'écoulement des eaux, dans les polders de la Flandre orientale. Cette grave question a, pour une grande partie du pays de Waes, une importance capitale. Confiée dès 1856 à l'examen de l'ingénieur éminent qui avait à cette époque la direction des ponts et chaussées dans notre province, elle fut pendant deux ans l'objet d'une étude consciencieuse et approfondie. Les conclusions pratiques auxquelles aboutit ce remarquable travail furent résumées dans un plan d'ensemble définitivement arrêté en 1858.

Le conseil provincial de la Flandre orientale appela, en 1862, l'attention et la sollicitude du gouvernement sur les travaux exécuter dans nos polders. Le département des travaux publics prit en considération le vœu unanime exprimé par les mandataires de la province et ordonna des études complémentaires, qui furent faites par ses ingénieurs en 1863 et en 1864. En même temps, il institua une commission mixte, dans laquelle les principaux délégués des polders intéressés furent appelés à siéger. Sur tous les points les plus importants, ces messieurs se mirent bientôt d'accord avec les ingénieurs du gouvernement, et la révision des plans et devis primitifs de l'ingénieur Wolters fut terminée en 1864.

(page 847) Pendant la session de 1863. la question fut soumise pour la seconde fois aux délibérations du conseil provincial.

Quelques membres émirent l’avis qu'il convenait de compléter les diverses études jusqu'à ce jour, en ayant plus spécialement égard au grand intérêt de la salubrité publique. On n tarda pas à se convaincre qu'il y avait moyen de faire marcher de front et d'assurer à la fois l'amélioration de la production agricole et l'amélioration des conditions sanitaires. L'ensemble des travaux, qui devaient donner une large satisfaction à ce double intérêt, ne devait pas entraîner une dépense supérieure à un demi-million de francs.

Bien que, depuis l’année 1865, le gouvernement eût entre les mains tous les éléments d'appréciation désirables, il a complètement négligé le problème intéressant auquel il était invité à donner une solution définitive, ou tout moins il s'en est médiocrement préoccupé.

Cette attitude indifférente et dédaigneuse a provoqué, l'année dernière, une recrudescence de réclamations au sein du conseil provincial et au sein de cette assemblée.

A l'occasion de la discussion du budget des travaux publics, plusieurs honorables collègues, notamment MM. Vleminckx et Lippens, recommandèrent l'importante question de l'assainissement des polders à la bienveillance et à la sollicitude du gouvernement. Je m'empressai naturellement d'appuyer, dans la mesure de mes forces, ces vives et instantes réclamations, et j'eus la satisfaction de les voir sympathiquement accueillies sur presque tous les bancs de cette Chambre. Je fus même un instant au comble de la joie, lorsque je vis le ministre des travaux publics prêter enfin l'oreille aux longues doléances de mes commettants et reconnaitre solennellement « qu'il importait de procéder sans plus de retards à l'assainissement des terres paludéennes. »

L'honorable ministre, qui paraissait animé en ce moment des meilleures intentions, crut même devoir compléter cette déclaration péremptoire, en ajoutant « qu'il était décidé à prendre les mesures les plus promptes pour remédier une situation aussi fâcheuse pour la santé publique que désastreuse pour l'agriculture, et qu'il prenait l'engagement de ne rien négliger pour atteindre, le plus promptement possible, le résultat désiré. »

Qui aurait cru que ces belles et rassurantes promesses auraient été sitôt perdues de vue ? Qui se serait jamais attendu à voir le gouvernement négliger encore ces grands intérêts, tant de fois recommandés et si longtemps méconnus, pour reporter de nouveau toute sa sollicitude sur d'autres parties du pays qui, depuis une douzaine d'années, n'ont été que trop souvent comblées de largesses et de faveurs ?

Messieurs, la résignation est une belle vertu chrétienne, mais il ne faut pas trop la mettre à l'épreuve. Quand j'affirme que nul arrondissement dans le pays n'a pratiqué cette vertu d'une manière aussi parfaite et aussi persévérante que celui dont je tiens mon mandat, je ne crains point que quelqu'un s'élève ici pour me donner un démenti. Le fait n'est malheureusement que trop vrai ; depuis 1830, aucun grand travail d'utilité publique n'a été exécuté ou décrété en faveur du pays de Waes. Je ne pense pas que l'on s'avise d'inscrire à son actif les fortifications élevées à grands frais sur la rive gauche de l'Escaut pour la défense de ce fleuve, ni celles que la démolition de la citadelle du Sud à Anvers va bientôt amener au beau milieu de nos fertiles plaines.

On serait peut-être tenté de croire que si l'arrondissement de Saint-Nicolas n'a rien obtenu jusqu'à ce jour, c'est qu'il n'a rien demandé. Qu'on se détrompe.

Depuis plusieurs années, mon honorable collègue M. Van Overloop a réclamé avec instances auprès du prédécesseur de M. le ministre des travaux publics, des améliorations à la Durme, en vue de donner plus de facilités à la navigation sur cette rivière.

Cette voie navigable présente, surtout entre Lokeren et Hamme, les méandres les plus capricieux et comme l'action des marées s'y fait sentir, depuis son confluent avec l'Escaut jusqu'à sa source, circonstance qui augmente considérablement la force du courant, les navires y rencontrent d'assez grandes difficultés dans leur marche, et se trouvent même, dans certaines courbes, exposés à des dangers sérieux. Il serait vivement à désirer, dans l'intérêt de la navigation, que le cours de la Durme fût redressé dans ses parties les plus défectueuses, et je ne pense pas qu'il faille, pour atteindre ce but, dépenser un crédit bien considérable ; peut-être ne faudrait-il pas même consacrer à cet objet la dixième partie de la somme que l'on propose d'affecter à l'amélioration du régime du canal de Gand à Terneuzen.

En ce qui concerne ces derniers travaux, l'efficacité de l’énorme dépense dans laquelle on veut engager la Chambre et le pays, n'est rien moins que démontrée.

L'honorable ministre le reconnait très loyalement dans l'exposé des motifs.

Le département des travaux publics n'est pas encore fixé sur le système définitif des améliorations à entreprendre. « Diverses idées ont surgi, et, avant de se prononcer et d’arrêter irrévocablement un plan, il convient que toutes les combinaisons mises en avant soient mûrement délibérées, afin que la préférence soit accordée qu'à celle qui, reconnue réalisable, présentera le plus d'avantages. »

Ces considérations sont assurément fort sages et fort judicieuses, mais il convenir que la conclusion n'est guère d'accord avec les prémisses posées, et qu'il paraît assez singulier de voir M. le ministre des travaux publics solliciter, dès aujourd'hui, avec un vif empressement un crédit de trois millions de francs pour les travaux d'amélioration dont il s'agit.

D’ordinaire le gouvernement ne demande des crédits de cette importance pour les grands projets d'utilité publique que lorsque toutes les études sont complètes et que les plans sont définitivement arrêtés. Comment se fait-il que dans l'occurrence, il n'ait point gardé cette prudente réserve et, qu'ajournant soudain l'examen approfondi de la question soulevée, il ait fait droit immédiatement aux réclamations qui se produisaient ? Est-ce par hasard parce que, formulées au nom d'un arrondissement fort important et que la politique conseille de ménager, elles étaient plus bruyantes et plus hautaines ?

Quelle différence, quand on compare les exigences menaçantes des électeurs gantois avec l'attitude calme, patiente et résignée des habitants du Pays de Waes ! Pour ceux-ci des promesses, toujours des promesses, mais aussi rien que des promesses ; pour ceux-là au contraire, l'argent du trésor public, encore de l'argent, toujours de l'argent. Il faut bien l'avouer, la vertu la plus robuste succomberait à des épreuves moins rudes et moins persistantes et l'on peut raisonnablement exiger que la résignation politique soit sans bornes et se prolonge indéfiniment.

Le gouvernement nous propose aujourd'hui d'allouer au département des travaux publics des crédits spéciaux s'élevant à la somme considérable de 15,595,500 francs pour travaux d’utilité publique. J'ai constamment, jusqu'à ce jour, voté sans hésitation les crédits si nombreux et si importants, qui nous ont été successivement demandes, pour être affectés au développement de la richesse nationale.

Messieurs, je regrette profondément que mon devoir m'oblige à en ce moment, vis-à-vis de M. le ministre des travaux à une autre attitude.

En votant cette fois contre les crédits qu'il sollicite de la législature, je tiens à rappeler à sa mémoire les promesses faites, l'année dernière, à des populations si longtemps et si cruellement éprouvées ; je tiens à rappeler en mème temps que, déjà à trois différentes reprises, en 1862, en 1865 et en 1869, le conseil provincial de la Flandre orientale a donné un appui sympathique et chaleureux aux plaintes et aux doléances des malheureux habitants de nos polders ; que le gouvernement, au contraire, n'a rien fait, jusqu'à ce jour, pour leur venir en aide et alléger le poids de leurs souffrances ; je tiens enfin à rappeler à M. le ministre des travaux publics que, dans toute distribution des ressources du trésor, sous forme de travaux publics plus ou moins importants, ce sont les principes de justice et d'impartialité pour tous qui doivent toujours présider à la répartition.

M. Gerritsµ. - Messieurs, le département des travaux publics demande une somme de 500,000 francs au paragraphe 12, pour la réunion des embarcadères établis le long des quais du Kattendyck et du Rhin bordant l'Escaut à Anvers.

Cette somme est la moitié du total du coût de l'ouvrage projeté.

Certes, je ne viens pas m'opposer à l'allocation de ce crédit, qui est bien mince en comparaison des besoins du commerce et de la navigation. Mais je crois devoir appeler l'attention de M. le ministre des travaux publics sur un accident qui est arrivé depuis la présentation du projet de loi que nous discutons.

L'estacade qu'il s'agit d'établir devrait être adossée à un mur du quai qui, malheureusement, depuis quelques semaines, s'est mis en mouvement. Il s'avance dans la rivière et menace de s'écrouler, au moins en partie.

On est d'autant moins rassuré sur le sort de ce mur que les musoirs du bassin de Kattendyck qui se trouvent dans le même coude de la rivière, après une courte existence, ont été complètement démolis par les eaux. Le gouvernement est occupé à reconstruire ces musoirs.

Si le mur du quai est détruit, il est fort probable que l'estacade que l'on veut construire sera entrainée dans sa ruine.

Telle est l'opinion des ingénieurs que j'ai consultés à cet égard.

Dans tous les cas, l’embarcadère deviendrait inutile dès le quai serait hors d'usage.

En présence de l'état actuel des choses, je demande à M. le ministre des travaux publics si, au lieu d'élargir le quai au moyen de travaux en bois, (page 848) il ne vaudrait pas mieux d'opérer immédiatement l'élargissement par de nouvelles maçonneries

L'exécution de cette idée exigerait une dépense peut-être un peu plus élevée, mais on éviterait les frais considérables d'entretien qu'exigent des travaux bois de cette nature et, dans une trentaine d'années, on ne se trouverait pas devant la nécessité d'un renouvellement.

La dislocation du mur encore existant est attribué, par les hommes compétents, à la défectuosité des fondations.

Vous savez, messieurs, que dans ces derniers temps, la science des constructions hydrauliques a fait des progrès notables.

Au moyen des fondations tubulaires qui sont mises en usage, par exemple, pour l'établissement du pont sur le Moerdyck, on obtient des garanties certaines de stabilité.

En mettant à profit ce procédé. on pourrait construire les murs dans la rivière même, et la construction de l'ouvrage en bois deviendrait inutile.

L'examen de cette question est d'autant plus opportun que la situation se complique d’un danger assez sérieux.

Depuis l'existence des quais nouveaux, il se forme non loin de ceux-ci, à la hauteur du canal aux Charbons, sur presque toute la largeur de la rivière, un banc de sable. On a déjà constaté qu'à marée basse, à certains endroits, au milieu de la rivière, il n'y a plus que 4 m 20 d'eau.

Si les causes agissantes aujourd’hui développent leurs effets, bientôt les navires d'un certain tirant d'eau, les grands navires de mer ne pourront plus passer cette barre.

Il serait téméraire d'indiquer, avec assurance, les causes qui modifient le régime d'un fleuve. Mais toujours est-il que les courants du flux et du reflux ne sont plus parallèles devant les quais d'Anvers ; ces courants se croisent, se neutralisent, et c'est aux points morts que se font, avec le plus de facilité, les dépôts de sable.

Il est donc urgent de prendre des mesures et ces mesures pourraient trouver leur application dans la reconstruction du quai du Kattendyck.

Surtout il serait imprudent d'approuver le tracé des quais qu'aura à construire M. mec Dr Strousberg, sans rattacher ces travaux à un plan d’ensemble.

J'engage donc M. le ministre des travaux publics à faire examiner les questions qui concernent l'établissement des embarcadères et le régime du fleuve, non par un seul ingénieur, quelque capable qu'il soit, mais par une commission d'ingénieurs qui réunirait les hommes les plus instruits et les plus expérimentés du pays.

Les intérêts engagés sont bien assez graves pour que l'on prenne toutes les précautions possibles.

En attendant, il serait utile, à mon avis, de ne pas libeller le paragraphe 12 d'une manière trop précise, Au lieu de dire que 500,000 francs devront être exclusivement dépensés pour la construction d’embarcadères, on pourrait se contenter de dire qu'il s'agit de travaux d'amélioration.

Je voudrais laisser au gouvernement plus de latitude à cet égard et c'est pour n'entraver en rien sa liberté, que ne présente pas d'amendement formel, je m'en rapporte à l'appréciation de l'honorable ministre des travaux publics auquel incombe la responsabilité.

M. Allardµ. - La section centrale, dans son rapport, appuie très vivement les observations présentées par la deuxième section au sujet des travaux en voie d'exécution. Je désirerais, quant à moi, que les travaux de construction de chemins de fer et de stations fussent continués afin de ne pas laisser des capitaux improductifs.

L'honorable ministre des travaux publics partage cet avis ; si les travaux ne s'exécutent pas plus promptement, dit-il, c'est que les ressources dont il dispose ne le permettent pas.

Mais, messieurs, il devrait y avoir exception pour les stations qui offrent des dangers réels et quotidiens, et notamment pour la station de Tournai. Aujourd'hui, messieurs, ce n'est plus une station à simple rebroussement ; c'est une station à (erratum, page 872) double redressement. Par suite de l'ouverture de la ligne de Péruwelz à Tournai, les convois qui parcourent cette voie doivent suivre d'abord une courbe à droite ; puis, après une manœuvre qui se fait sur des voies d'évitement, les convois suivent une seconde courbe à gauche pour entrer dans la station à Tournai.

Et savez-vous, messieurs, comment les convois doivent circuler ? Avec le tender en avant de la locomotive ; et il en est ainsi pour entrer dans la station et pour en sortir. C'est assez vous dire, messieurs, qu'il y a là un danger réel et d'autant plus sérieux qu'à l'endroit du viaduc Kain, il y a une hauteur de sept à huit mètres, les convois pourraient être précipités à la moindre fausse manœuvre.

J'engage vivement M. ministre des travaux publics à faire examiner la réalité du danger que je signale et à ordonner la prompte exécution des travaux d'achèvement de la nouvelle station.

On vous demande, messieurs. 500,000 francs pour la station de Tournai. Or, quels travaux pourra-t-on faire avec cette somme ? On ne pourra guère exécuter que les travaux les plus urgents, tels, par exemple, (erratum, page 872) que le pont qui doit être établi en sortant par la porte de Morel, au-dessus de la voie ferrée, l’élargissement des ponts des portes du château et de Morel, l'établissement d'un pont sur la petite rivière pour arriver au pont sur l'Escaut. puis le voûtement de cette même petite rivière sur toute la largeur de la place de stationnement. Ces travaux absorberont très probablement le crédit de 500,000 francs, et il est indispensable de commencer par ceux-là, attendu qu'on ne peut pas attendre que la station soit achevée pour les exécuter.

D'un autre côté. ces travaux dureront assez longtemps, car on sera obligé de laisser asseoir la maçonnerie avant de permettre le passage aux lourds véhicules qui (erratum, page 872) transporteront les marchandises qui arrivent ou qui partiront pour la nouvelle station. Il y a donc urgence de mettre la main à l'œuvre le plus tôt possible, afin de parer aux graves dangers que présente la situation actuelle.

Et puisque je parle de ces travaux, je recommanderai à M. le ministre des travaux publics une pétition sur laquelle il n'est guère probable qu'il puisse être fait rapport avant la clôture de session actuelle.

Je veux parler de la pétition des habitants de la commune de Kain sollicitant un petit pavé pour les voitures à petites jantes, sur un terrain qui appartient à l'Etat, qui formerait la base d'un triangle avec la route créée l'an dernier et qui raccourcirait le trajet du viaduc à la porte du château.

Je ne doute nullement que le gouvernement n'accorde cette satisfaction, qui intéresse non seulement les habitants de Kain, mais encore ceux de Tournai. Il ne s’agit, en effet, que de la cession d'un terrain n'ayant guère qu'une superficie de 20 à 30 ares. Il s'agirait de donner ce terrain à la ville qui, dans ce cas, exécuterait le petit travail demandé, consistant en un pavage d’une cinquantaine de mètres.

Messieurs, j'ai principalement demandé la parole au sujet de la canalisation de l'Escaut. Cette canalisation a été faite dans l'intérêt général ; c'est donc au gouvernement et non. à la ville de Tournai qu'incombe l'obligation de faire les travaux nécessaires pour qu’elle ne soit pas victime des effets de ce travail.

Il est à remarquer, en effet, messieurs, que la navigation se fait plus aujourd'hui (erratum, page 872) par rames.

On a construit une écluse à deux kilomètres environ de Tournai, sur le territoire de Kain. Les eaux sont actuellement toujours au même niveau ; dans la ville de Tournai, la plupart des égouts ne peuvent plus déverser les eaux dans l'Escaut.

Les eaux de la rivière sont plus élevées qu'à l'embouchure de la plupart des égouts qui nécessairement vont s'envaser ; quand la navigation se faisait par rames, nous avions, le vendredi et le samedi de chaque semaine les eaux de l'Escaut très basses dans la ville et les aqueducs étaient nettoyés toutes les semaines ; aujourd'hui, il n'en est plus ainsi ; la boue s'accumule dans les égouts ; aussi j'espère que le gouvernement prendra les mesures nécessaires (erratum, page 872) pour préserver la ville de Tournai de la peste.

Maintenant, il y a encore bien d'autres inconvénients que la ville de Tournai éprouve de la canalisation de l'Escaut, c'est le préjudice assez considérable, sons le rapport pécuniaire, qu'éprouve le petit commerce. Lorsque la navigation se faisait par rames, les bateaux séjournaient à Tournai, un jour en descendant et un jour en remontant ; aujourd'hui les bateaux ne font que traverser la ville.

Le gouvernement peut très bien donner satisfaction au petit commerce de la ville de Tournai pour qu'elle ait encore les bateaux pendant quelque temps sur son territoire ; ils séjournent maintenant soit à Péronnes, soit à Autryve. Pourquoi dépouiller la ville de Tournai, au profit de ces deux communes, d'un avantage dont elle était en possession depuis un temps immémorial et qu'elle a payé par les sacrifices qu'elle a dû faire en démolissant ses ponts en maçonnerie ?

Il y a plus : la ville de Tournai doit s'imposer, de ce chef, une dépense assez considérable. Autrefois les ponts étaient fixes, et dans l'intérêt de la navigation ils ont été démolis : le dernier, il y a à peu près 80 ans ; on lui a accordé une compensation. On lui a accordé le droit de percevoir une taxe sur le passage aux ponts de tout bateau, tant à la descente qu'à la remonte, à la charge d'en faire exécuter les manœuvres par des ouvriers salariés par la ville.

Les manœuvres avaient lieu pendant deux jours de la semaine. Maintenant, c’est tous les jours et même les dimanches, depuis le lever du soleil (page 849) jusqu’au moment où on allume les réverbères, de telle sorte qu'en triplant le salaire de ces ouvriers, la ville ne leur allouera pas encore une rémunération proportionnée au surcroît de besogne qui leur est imposé.

Je crois que le gouvernement doit reprendre les ponts. La ville de Tournai veut bien lui abandonner le droit qu'elle perçoit ; avant 1830, lis bateaux payaient, pour traverser la ville, 2 francs à la descente 2 francs à la remonte. Je crois que la taxe a été diminuée depuis.

Autre chose. Par suite de la canalisation de l'Escaut à Tournai, le halage des bateaux se fait par des femmes et des enfants.

Il y a à Tournai quatre ponts et trois avec une passerelle. J'ai le malheur d'avoir près de chez moi un pont sans passerelle ; aussi dois-je attendre cinq ou six minutes pour pouvoir passer. Pourquoi ne pas obliger les bateliers à employer des hommes vigoureux pour tirer les bateaux, comme cela se faisait avant la canalisation du fleuve, de manière que les bateaux puissent traverser le pont en une minute.

Il y a encore à Tournai certains industriels qui sont victimes de la canalisation : ce sont les propriétaires de blanchisseries. Lorsqu'on a construit l'écluse des moulins à eau, on a ménagé, dans cette construction, un aqueduc pour envoyer de l'eau dans les blanchisseries.

Aujourd'hui, messieurs, par suite des travaux de canalisation, nos blanchisseries sont privées d'eau. Il en résulte, pour les propriétaires des blanchisseries, un préjudice considérable.

Je crois, messieurs, qu’il est du devoir du gouvernement de faire pour de la peste (erratum, page 842) ces industriels ce qu'il a fait pour les propriétaires des prairies situées entre les deux rivières, lorsque par suite de la construction de l'écluse de Constantin l'écoulement des eaux de ces prairies n'a plus pu s'effectuer. Pour paver à cet inconvénient, on a établi un siphon entre la petite rivière et le canal latéral, et on a envoyé les eaux de ces prairies au delà de l'écluse.

Pour le cas dont je vous entretiens, messieurs, il y aurait un simple travail à exécuter el, j'en suis persuadé, il suffirait que l'Etat fît une dépense de 7,000 8,000 francs pour donner satisfaction aux justes plaintes des propriétaires des blanchisseries.

Je termine en priant M. le ministre des travaux publics de me dire s'il prendra dans un bref délai les mesures nécessaires pour éviter l'envasement des égouts, et pour parer aux autres préjudices causés à la ville de Tournai par la canalisation de l'Escaut.

M. de Zerezo de Tejadaµ. - Messieurs, je n'ai pas besoin de dire que j'ai lieu de regretter que M. le ministre des travaux publics, dans sa réponse à nos réclamations relatives la Grande-Nèthe, n'ait pas daigné dire le moindre mot qui puisse nous faire espérer que cette rivière obtiendra les travaux, qui lui sont nécessaires, dans un avenir plus ou moins prochain. Je ne commettrai pas la naïveté d'entrer dans de plus amples considérations à ce sujet, ni de faire de nouvelles instances : je vois qu'elles seraient parfaitement inutiles. Il paraît que le gouvernement a le parti pris de ne pas accorder, pour la Grande-Nèthe, le crédit auquel nous avons droit, et qu'il nie décidément ses dettes.

Pour ma part, je crois avoir fail tous mes efforts pour aboutir à un résultat meilleur : à l'impossible nul n'est tenu. Maintenant, messieurs, un mot à l'honorable M. Elias. Ce dernier, en faisant hier l'apologie des travaux exécutés à Liége, a dit que ne trouvant pas dans le projet de loi actuel les motifs habituels d'accusation, j'ai relevé un des thèmes les plus anciens, et j'ai parlé des travaux de dérivation de la Meuse, à Liége, qui épuisent le trésor.

Messieurs, si je pensais avoir des motifs pour récriminer contre les subsides accordés la ville de Liége, je prie l'honorable M. Elias de croire que je ne me gênerais pas pour le faire ; mais comme, au lieu d'être hostile à cette ville que j'ai habitée pendant des années et dont j'ai toujours conservé les meilleurs souvenirs, je fais, au contraire, des vœux pour sa prospérité, je ne puis pas admettre qu'on me représente, dans cette enceinte comme étant un de ses adversaires.

Qu'ai-je dit, après tout ? Invoquant comme un précédent et comme un fait à l'appui de ma thèse, la somme que le gouvernement a consacrée à Liége, pour construire le canal de dérivation qui devait mettre cette ville à l'abri de toutes ces inondations désastreuses dont j'ai été témoin, j'ai prétendu que je croyais qu'il était du devoir de l'Etat de faire des travaux analogues à Lierre.

Mais pour qu'on ne se méprenne pas sur ma pensée, je me suis empressé d'ajouter que le chiffre de la dépense devait être nécessairement calculé d'après l'importance de la localité à laquelle elle devait être appliquée.

Certes ! Lierre n’est pas Liége et la Grande-Nèthe n’est pas la Meuse. Il n'entre dans l'esprit de personne de mettre ni les deux villes ni les deux rivières sur le même pied.

J'ai soutenu, de plus, que l'argent fourni par les communes riveraines de la Grande-Nèthe, en amont de Lierre et par les propriétaires intéressés, ne devait pas être absorbé dans les travaux nécessaires pour prévenir dans cette ville les débordements de la Grande-Nèthe. J'ai dit que les sacrifices à faire dans cette occurrence, c'était le gouvernement qui devait se les imposer. Ai-je donc eu tort de demander de ce chef une justice distributive ? Je n'ai jamais ouï dire que lorsqu'on a fait à Liége le grand canal de dérivation, les communes riveraines et les propriétaires intéressés en amont et en aval de la Meuse, aient dû contribuer cette dépense. Par conséquent, je pense que l'honorable M. Elias aurait pu, sans inconvénient, se dispenser de me prendre à parti dans le discours qu'il a prononcé.

M. de Kerchove de Denterghemµ. - J'ai demandé la- parole quand j'ai entendu M. Coomans soutenir que c'est « dans un intérêt uniquement électoral que le gouvernement donne des millions à la ville de Gand, qu'il cède la citadelle avec un privilège évident, puisqu'on supprime les frais d'enregistrement. »

Dans la séance d'hier, l'honorable ministre des finances a fait bonne et prompte justice de ces accusations. Aujourd'hui, je viens à mon tour dire à l'honorable représentant de Turnhout qu'il est complètement dans l'erreur quand il croit que les largesses du gouvernement soient capables d'amener les libéraux gantois au scrutin électoral ; c'est pour la défense de leurs principes, c'est pour maintenir les conquêtes de l'esprit de tolérance et de libéralisme, c'est pour en faire de nouvelles qu'ils combattent, mais non pour obtenir les faveurs du gouvernement.

Il me sera facile, du reste, de vous prouver, messieurs, que la question du canal de Terneuzen n'est pas née d'hier ; depuis plus de vingt ans, la chambre de commerce de Gand se plaignait du mauvais état du canal ; en 1866, le conseil communal fit connaître au gouvernement que le canal, par ses faibles dimensions, ne permettait plus aux navires, dont le tonnage augmente continuellement, de se rendre dans le port de Gand et insista pour qu'un remède efficace fut apporté à cet état de choses.

Le gouvernement accéda à cette demande et fit étudier la question ; dès le principe il fut reconnu que quel que soit le plan qu'il y aura lieu d'adopter, certains travaux communs aux deux projets en présence pouvaient être faits immédiatement et apporteraient une grande amélioration à l'état de choses existant ; ces travaux consistent principalement en des rectifications des courbes trop fortes du canal et à l'établissement de gares d'évitement.

Dès 1866, le gouvernement était décidé à entreprendre ces travaux ; on a donc tort de venir dire aujourd'hui que c'est en vue des élections prochaines qu'on vient demander des fonds pour l'amélioration du canal de Terneuzen.

Quant à la question de la citadelle de Gand, ce n'est pas non plus depuis hier qu'elle a été soulevée. Dans les séances de la Chambre des représentants du 14 au 18 janvier 1868, les honorables ministres des finances et de la guerre firent connaître l'intention du gouvernement de démanteler la place de Gand, et si la cession de la citadelle, qu'on vient vous demander de ratifier, est affranchie de tout droit de mutation et de transcription, c'est qu'on en a tenu compte dans la fixation du prix d'un million de francs ; c’est du reste ce qui a eu également lieu lors de la vente à M. Strousberg des terrains militaires de la citadelle du Sud, à Anvers.

Mais, messieurs, en supposant même que le gouvernement fasse une largesse à la ville de Gand, il n'y aurait là qu'un acte de justice ; elle a droit à ce que l'Etat lui vienne en aide eu égard aux sacrifices énormes qu'elle s'impose pour développer l'instruction à tous les degrés, et l'Etat n'est-il pas le premier intéressé à voir s'étendre l'instruction ?

Or, la ville de Gand dépense une somme de plus de 500,000 francs pour l'instruction publique, c'est-à-dire plus du cinquième de ses recettes ordinaires et plus du tiers de sa participation au fonds communal.

Divers orateurs représentent une allocation pour le canal de Terneuzen comme une faveur que le gouvernement ferait à la ville de Gand. Je proteste de toutes mes forces contre cette affirmation.

Depuis des siècles, comme l'a démontré dans le temps mon honorable ami M. de Maere, la ville de Gand eut un port de mer et les gouvernements l'ont trop longtemps oublié. Le canal de Terneuzen a fait à la ville de Gand un port qui a sa place naturelle au centre d'une navigation intérieure plus considérable que celle d'Anvers, l'un des plus considérables de l'Europe, et au cœur d'un vaste réseau de chemin de fer vers toutes les parties des Flandres, vers le Borinage, vers le département du Nord.

(page 850) Ce canal est un instrument précieux pour notre commerce avec l'étranger et il est, il faut bien le dire, dans un état déplorable.

Il a été construit en vue d’une navigation lente et coûteuse, et n'a été mis en rapport ni avec les nécessités d'une navigation plus rapide, ni avec l’augmentation des tonnages des navires.

A qui incombait la charge des améliorations devenues chaque année d'une nécessité plus pressante ?

L’honorable M. Le Hardy de Beaulieu l'a prouvé hier : la navigation maritime est d'intérêt national, parce qu'elle intéresse toutes les localités, elle intéresse toutes les industries.

Et le pays l'a si bien compris qu'il a applaudi à la dépense d'une somme énorme pour le remboursement du péage de l'Escaut.

Aucune objection n’a été élevée à la Chambre lorsque M. le ministre des finances est venu déclarer dans un avant-projet de loi que le gouvernement avait consenti à vendre la citadelle du sud à Anvers à meilleur compte, en considération des dépenses considérables qu'il imposait à M. Strousbcrg pour la création d'un port franc.

Et, messieurs, la députation d'Anvers a-t-elle accueilli cette énorme dépense pour le péage de l'Escaut, cette réduction sur le prix de la citadelle du Sud comme une faveur pour Anvers ?

La navigation maritime, je le répète, intéresse le pays entier, bien que les dépenses qu'elle nécessite ne puissent, malheureusement, se faire que dans bien peu de places ; remarquez aussi qu'il est urgent de faire des dépenses pour l'améliorer.

Les Pays-Bas l'ont si bien compris qu'ils souscrivent des dépenses énormes pour transformer Flessingue en un port de commerce, qu'ils ont tout récemment appliqué des millions à l'amélioration de plusieurs de leurs ports de second et de troisième ordre, et qu'à l'heure actuelle ils entreprennent de vastes travaux pour améliorer le port de Harlingen par lequel se font les expéditions de la Frise.

Toutes ces dépenses se font dans un pays qui possède déjà plusieurs des meilleurs ports de l'Europe et la Belgique reculerait devant l'amélioration d'un port qui doit alimenter de matières premières plusieurs de nos industries les plus importantes, verser par ses canaux et ses chemins de fer les produits étrangers dans une vaste étendue de pays et en exporter les produits, alors qu'elle n'a, en réalité, qu'un seul port bien accessible.

Un mot encore pour finir. L'honorable M. Beeckman et d'autres membres ont parlé des dépenses considérables pour créer un nouveau port à Gand, par un canal maritime tout nouveau et l'honorable M. Le Hardy croit qu'en effet la question n'a pas été suffisamment étudiée. Je suis heureux de pouvoir tranquilliser ces honorables membres. La dépense n'atteindra pas ces proportions colossales : il s'en faut.

Si la ville de Gand, d'accord avec les hommes spéciaux, aime mieux améliorer le canal existant que d'en créer un nouveau, c'est parce que chaque dépense, même partielle, améliorera la situation et constituera une véritable conquête en faveur de la prospérité nationale. Chaque redresse- ment aura pour effet de permettre et d'accélérer la navigation, chaque gare d'évitement, chaque élargissement partiel aura pour effet d'éviter des retards et des dangers. Un canal tout nouveau entraînerait des dépenses telles, que nous avons à craindre de pas voir la réalisation.

M. Thibautµ. - Messieurs, le gouvernement annonce, dans l'exposé des motifs, sous le paragraphe premier de l'article premier, qu'il fait poursuivre l'étude de la construction de divers ponts, entre autres de deux ponts sur la Meuse entre Namur et Givet.

Il s'agit d'abord, je le présume, du pont de Hastière. J'en ai souvent entretenu la Chambre, notamment sous le ministère de l'honorable M. Vanderstichelen. J'espère que ce pont sortira enfin de la période de gestation qui a été assez longue et j'attends de l'honorable ministre des travaux publics une déclaration satisfaisante à cet égard.

Il s'agit ensuite d'un second pont entre Namur et Dinant. L'emplacement de celui-ci donne lieu à de vives compétitions. Le gouvernement a la prudence de ne pas s'expliquer et je ne lui demande pas de prendre une décision improvisée ; mais je désire que les études soient continuées sans désemparer.

Messieurs. vous n'ignorez pas que sur la rive droite de la Meuse, entre Namur et Dinant, se trouvent toutes les stations rurales, si je puis ainsi m'exprimer, du chemin de fer ; sur la rive gauche, c'est une route de l'Etat. Les communications sont donc faciles aujourd'hui entre les communes qui sont placées sur la même rive du fleuve. Mais pour communiquer d'une rive à l'autre, on est encore réduit aux moyens lents des siècles passés, aux moyens employés par les pauvres et peu avancées en civilisation ; c’est-à-dire au bacs et barquettes ; bacs et barquettes dont le nombre est limité. Le gouvernement les concède à bail et fixe les prix de transport.

Ainsi, tandis que partout on crée des routes, qu'on supprime les barrières, qu'on abaisse les tarifs, nous ne pouvons traverser la Meuse, domaine de l'Etat, que sur une barque fragile qu'il faut héler, attendre quelquefois pendant des heures et payer. Surviennent les grosses eaux, surviennent les glaces et on ne veut pas même à prix d'argent passer d'une rive à l’autre.

Cette situation, messieurs, est devenue intolérable surtout depuis l’exécution du chemin de fer.

Le gouvernement et les Chambres ne peuvent hésiter à y mettre un terme.

L'honorable ministre des travaux publics sait combien a été vive la satisfaction des populations lorsqu'elles ont appris que des études étaient commencées dans ce but.

Mais, comme on devait s'y attendre, plusieurs groupes d'intérêts se sont immédiatement formés ayant chacun leur centre à une station de chemin de fer. Tous ils ont fait valoir d'excellents motifs pour obtenir la construction d'un pont à l'emplacement qui leur convenait le mieux.

Ici, fort heureusement, parmi ces motifs, il n'y en a aucun qui ait une nuance politique et le gouvernement chercherait vainement si tel pont est libéral et pont catholique. Il n'y a que des intérêts rivaux et, au-dessus d'eux, un intérêt public avec lequel se confondent les intérêts privés qui sont les plus nombreux et les plus intimement liés à la prospérité publique.

Je n'ai donc aucune raison de suspecter l'impartialité du gouvernement en cette occurrence ; j'espère qu'il envisagera la question de haut et qu'il décidera d'abord, en principe, combien de ponts il convient de construire entre Namur et Dinant. La question de savoir oil le premier sera établi ne doit venir qu'au second plan.

Pour mon compte, je suis de l’avis de mon honorable collègue, M. Moncheur : j'écarte complètement la solution qui reposerait sur l'idée qu'un seul pont peut suffire aux besoins de l'industrie et du commerce ; qu'un seul pont suffit pour neutraliser l'obstacle que la Meuse apporte aux relations si multiples et si variées qui existent nécessairement entre les habitants des deux rives.

De Namur Liége, messieurs, on rencontre cinq ponts et on en construit un sixième.

La distance n'est que double de celle de Namur à Dinant.

Si nous nous transportons en France, nous trouvons, entre Givet et Charleville, neuf ou dix ponts. Il me paraît impossible d'admettre que deux ponts ne soient pas indispensables entre Namur et Dinant.

Messieurs, je crois que c'est le gouvernement qui doit les faire construire aux frais du trésor public. Il ne peut, après avoir proposé et obtenu la suppression des barrières sur les routes, après avoir accepté l'obligation de raccorder les routes aux chemins de fer, se décharger de la dépense de construction des ponts dont je viens de parler. Il y aurait dans cette conduite une contradiction qui ne peut échapper à l'intelligence de M. le ministre des travaux publics.

Sans doute, l'Etat peut négocier avec la compagnie du Nord qui trouverait dans la construction de ce pont des avantages considérables. Mais je ne puis admettre que le gouvernement en subordonne l'exécution à la formation de sociétés auxquelles ils seraient concédés et avec l'autorisation de percevoir des péages.

Je passe, messieurs, au paragraphe 2 de l'article de la loi.

Le crédit demandé est destiné aux travaux de raccordement des routes au chemin de fer.

Parmi ces travaux, je dois signaler ceux qui sont réclamés par la commune de Fronville dans une pétition adressée à la Chambre le 10 février dernier.

Voici, messieurs, en très peu de mots ce dont il s'agit.

L'Etat construit une route de Petihan à Baillonville. C'est à cette route qu'appartient le pont de Noiseux, auquel il est fait allusion dans le paragraphe premier de l'article premieer.

La commune de Fronville a cédé gratuitement, en 1866, 1 hectare 28 ares de terrains, qui ont été incorporés à la route de Petithan à Baillonville.

Elle demande dès lors à être reliée d'une part à cette route au hameau de Monteuville et de l'autre au chemin de fer de l'Ourthe à la station de Melreux. Le département des travaux publics répondit que le raccordement ne pourrait s'exécuter qu'après l'achèvement de la route de Petithan à Baillonville.

Cette condition suspensive est sur le point d'être accomplir et le moment (page 851) me paraît venu d’accorder à Fronville les avantages qui lui ont été promis.

Les travaux. je ne puis le dissimuler, sont assez considérables. Mais la commune de Fronville, mue par les considérations les plus graves, a offert, outre la cession gratuite des terrains dont j'ai parlé tout à l'heure, d'intervenir pour 30.000 francs dans la dépense.

J'espère que l'honorable ministre des travaux publics se hâtera de satisfaire la juste réclamation que je viens de signaler.

Je n’ai plus, messieurs, à m’occuper que du paragraphe 2.

Je me joins à l'honorable M. Moncheur pour engager vivement le gouvernement à terminer au plus tôt la canalisation de la Meuse.

Il me semble que le gouvernement aurait dû demander dès maintenant les crédits nécessaires pour pouvoir mettre les derniers barrages et écluses en adjudication.

Il serait très regrettable qu'après l’achèvement de ceux dont la construction est commencée, il s'écoulât un temps considérable avant de mettre la main à l'œuvre pour ceux qui doivent suivre.

Nous n’avons plus, je pense, à craindre une différence de tirant d'eau entre la Meuse belge et la Meuse française.

Si mes renseignements sont exacts, il est intervenu une convention entre le gouvernement français, les départements des Ardennes et de la Meuse et les industriels français qui consomment des charbons belges, pour continuer en France le système adopté en Belgique.

Il n'est aucun travail hydraulique dans notre pays, dont le complet achèvement promette des résultats aussi importants et je m'étonne que, dans le projet de loi, il n'occupe pas une place égale à celle que l'on a réservée au canal de Gand à Terneuzen.

Messieurs, je demande la permission d'ajouter encore quelques mots sur une question qui se rattache indirectement à la canalisation de la Meuse, mais dont, je pense, vous apprécierez toute l’importance.

Nous déplorons la rareté du poisson dans les rivières.

Plusieurs causes ont amené ce résultat.

L'honorable M. de Rossius, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi sur la pèche fluviale, l'attribue surtout à l'absence d'une bonne législation sur la pêche.

Je reconnais avec lui qu'une réforme est nécessaire.

Je n'examine pas celles qu'il propose, au nom de la commission, je me borne à déclarer, en passant, que je ne puis pas en approuver la disposition capitale qui est, selon moi, une atteinte grave au droit de propriété.

Mais, si une réforme de la législation est indispensable, il est indispensable aussi de ne pas contrarier, sans nécessité, par des travaux publics, le repeuplement de nos rivières.

Parmi les poissons, les uns sont sédentaires, les autres sont voyageurs ou migrateurs.

Les cours d'eau ne peuvent contribuer à l'alimentation générale d'une manière un peu sensible. que quand ils sont fréquentés par des troupes de ces poissons voyageurs, tels que saumons, alozes, anguilles, etc.

« Les efforts des aquiculteurs dans les fleuves et les rivières convenablement disposés doivent tendre particulièrement à la propagation de ces précieuses espèces, notamment du saumon qui, chaque année, revient dans les eaux douces, après s'être engraissé à la mer. Les cours d'eau deviennent ainsi le chemin d'exploitation de la mer. »

Ainsi s'exprime M. Millet dans son ouvrage sur la culture de l'eau.

C'est avant l'époque de la ponte, ajoute M. Millet, que le saumon, la truite saumonée de mer, la lamproie, l'aloze, etc„ quittent la mer et gagnent les eaux douces.

La raison qu'il donne, c'est que la présence du sel détruit les œufs de toutes les espèces.

« Mais en remontant les cours d'eau, les poissons rencontrent souvent des obstacles naturels ou artificiels qu'ils ne peuvent pas franchir. »

C'est, messieurs, ce qui est arrivé pour la Meuse à la suite des premiers travaux de canalisation. On y rencontre encore beaucoup de poissons sédentaires, mais les poissons voyageurs ont complètement disparu. Le même fait a dû être observé dans d'autres rivières.

Il y a un remède à cette situation, remède inventé en par un Ecossais, M. Smith, et qui a été immédiatement appliqué à la plupart des rivières de l'Ecosse, de l'Angleterre et de l'Irlande. La loi française du 31 mai 1866 l'a adopté également.

Ce remède consiste à établir dans les barrages des fleuves, rivières et cours d'eau un passage appelé échelle destiné assurer la libre circulation du poisson.

« En France, je rite toujours Millet, a établi des échelles à poisson sur le Blavet, sur le Tarn, sur la Dordogne et Sur la Vienne.

« Je n'entrerai pas dans de plus longs détails ; j’en ai dit assez pour engager M. le ministre des travaux publics à s’occuper de la question. Si, comme je le crois, il acquiert la conviction de l’efficacité des moyens que je signale pour favoriser le repeuplement de nos rivières, il pourra en faire la première application à la Meuse. Et lorsqu'il fera mettre en adjudication soit les travaux de barrage, soit l'élargissement des écluses, il pourrait, dans les cahiers des charges, introduire une condition spéciale pour l'établissement d'échelles à poissons.

M. Notelteirsµ. - Messieurs. je désire présenter quelques observations sur deux questions, et les réponses du gouvernement que je trouve dans le rapport de la section centrale.

Elles concernent les travaux destinés à améliorer, au triple point de vue de la navigation, de l'irrigation et de l'écoulement des eaux, le régime des Nèthes.

Pour me faire comprendre, je dois d'abord répéter ce que j'ai dit dans cette Chambre, que la ville de Lierre se trouve au confluent des deux Nèthes. La Petite-Nèthe est canalisée, la Grande-Nèthe ne l'est pas ; toutes deux réunissent leurs eaux devant Lierre où celles-ci forment la Basse-Nèthe et où elles rencontrent les eaux de la marée qui montent habituellement à 5 ou 6 kilomètres en amont de Lierre. De là la situation critique de cette ville.

Au dernier siècle, le régime des Nèthes a été complètement établi et son service organisé de manière à répondre aux besoins de la situation ; mais, depuis soixante et dix ans, cet état de choses a complètement changé, d'abord par l'incurie des gouvernements aux époques de guerre et de transition et ensuite par les divers travaux d'utilité publique et les défrichements. Les canaux construits, le desséchement des marais, le défrichement des bois et des bruyères et les irrigations des prairies artificielles, ont déversé, avec redoublement de rapidité, une masse d'eau incomparablement plus considérable dans le lit de ces rivières.

Ces faits incontestables. auxquels ni les riverains, ni les communes ne pouvaient rien, ont complètement détruit l'ancien régime des Nèthes et causé l'état intolérable dans lequel se sont trouvées si longtemps les vallées de ces rivières.

En 1858, le gouvernement a enfin donné quelque écoute aux justes plaintes de la province et des intéressés ; la loi du 8 mars décrète divers travaux, parmi lesquels se trouvent ceux destinés à isoler la ville de Lierre.

Voilà douze ans que ces travaux ont été décrétés. La province, les communes et les riverains ont versé la part contributive qui a été imposée et les travaux qui doivent isoler la ville de Lierre ne sont pas encore exécutés ; il reste de ce chef, disponible dans les caisses de l'Etat, somme de 145,000 francs.

La section centrale demande au gouvernement s'il ne compte pas mettre prochainement la main à l'œuvre au moyen des fonds restés disponibles.

Le gouvernement répond que les mesures sont prises pour parvenir à l'expropriation d'un moulin dont on a besoin pour l'exécution des travaux et que les ordres sont donnés pour qu'il soit procédé avec toute la célérité possible aux études complémentaires que nécessite l'avant-projet présenté pour isoler la ville.

Messieurs, j'étais déjà tout à fait disposé à remercier M. le ministre de cette réponse que j'acceptais comme l'engagement positif de mettre enfin sans retard la main à l'œuvre ; mais je n'ai pu pourtant m'empêcher de manifester mon étonnement d'apprendre qu'après douze ans que les travaux sont décrétés, l'administration en était encore à la révision d'un avant-projet, comme le dit le rapport. Mais l'honorable ministre des travaux publics, dans le discours qu'il vient de prononcer, vient de lever tout doute que sa réponse à la section centrale laissait subsister. Je l'en remercie.

La seconde question posée par la section centrale est relative aux travaux réclamés par la Grande-Nèthe pour la sécurité de la navigation et en vue des irrigations.

J'ai le regret de constater que la réponse que l'honorable ministre vient de faire en séance publique est encore moins rassurante que celle que je trouve dans le rapport.

Messieurs, les discours prononcés par mes honorables amis de Zerezo et Coomans me dispensent d'entrer dans les détails de ces questions. Je ne puis cependant pas m'empêcher d'exprimer mon étonnement de voir tant de retenue chez le gouvernement quand il s'agit de donner satisfaction aux demandes fondées et modérées d’une contrée si déshéritée par la nature comme l'est la Campine, tandis que d'autre part je vois tant de prévenance et de générosité pour d'autres contrées jouissant de tous les avantages, et mon étonnement s’accroît encore, messieurs, quand, pour les travaux (page 852) qui restent à exécuter, je vois le gouvernement persister à exiger la misérable contribution des riverains, lorsque ces propriétaires ont déjà subi, par une incurie gouvernementale de 70 ans et par les suites de travaux d’utilité générale, des pertes accumulées incalculables. Rien d'ailleurs n'est plus difficile que d'assigner équitablement des zones à des contributions de cette nature ; presque toujours, l'on rencontrera quelques parties qui ne profitent guère ou même qui perdent aux travaux, et cependant elles devront contribuer.

J'engage donc le gouvernement à renoncer à l'idée d'exiger ces contributions exceptionnelles, injustifiables en équité.

Mon honorable ami, M. de Zerezo, avec lequel j'ai eu l'honneur de siéger au conseil provincial d'Anvers, l'a dit fort bien ; ce n'est pas par motif de justice que la province a consenti à concourir à des travaux qui, en bonne justice, incombent à l'Etat ; elle n'a consenti aux exigences gouvernementales que parce qu'elle s'y est trouvée forcée ; pendant dix ans, l'état intolérable des Nèthes a fait le tourment du conseil provincial, et l'a forcé enfin de souscrire à sa rançon.

Il est évident pour moi qu'on payant la contribution de 225,000 francs, la province et les riverains ont satisfait à leurs engagements et que le gouvernement est tenu de mettre les rivières en bon état, tant au point de vue de la navigabilité et de l'irrigation, qu'à celui de l'écoulement des eaux ; je l'ai prouvé, messieurs, en vous exposant les faits qui ont causé l'état déplorable dans lequel les Nèthes ont été délaissées depuis le commencement 'de ce siècle.

Encore quelques mots, messieurs, et je finis.

Dans sa réponse, le gouvernement préconise la constitution de wateringues dans les vallées de la Grande-Nèthe et de la Nèthe canalisée. Je partage ces idées et j'engage le gouvernement à faire donner des instructions dans ce sens aux administrations communales intéressées. Je pense que le gouvernement ferait bien d'offrir son intervention aux premiers frais d'institution de ces administrations et des premiers travaux. Mais, pour les faire réussir, il est absolument nécessaire que le gouvernement ait constamment l'œil ouvert sur le confluent des deux Nèthes. Là est le point critique. Les travaux de dérivation exécutés à Lierre ont bien réussi : du moment qu'on ouvre les écluses, les eaux supérieures s'écoulent en peu de temps ; mais un retard de vingt-quatre heures apporté à leur ouverture peut causer des inondations désastreuses, étendues en amont de Lierre. J'appelle l'attention spéciale de M. le ministre sur ce point et je l'engage à faire examiner s'il n'est pas nécessaire, comme je le pense, de faire rétablir, en amont de Lierre, des points de repère destinés à annoncer la crue des eaux supérieures, et la nécessité d'ouvrir, ayant leur arrivée devant Lierre, les écluses du confluent.

Ayant touché à la Petite-Nèthe canalisée, je dois dire quelques mots des deux fossés latéraux, le Bollaek et la Krekelbeek. D'affluents privés, ces deux cours d'eau sont devenus de vraies rivières publiques, qui remplacent, pour l'écoulement des eaux de la vallée, le lit de la Petite-Nèthe canalisée. Cette rivière navigable et notable appartenait à l'Etat, chargé de droit de son curage. Je ne vois pas de quel droit le gouvernement, qui par la canalisation a supprimé l'ancien écoulement naturel, ne continuerait pas d'être chargé du curage et de l'entretien des deux nouvelles voies d'écoulement qu'il a été obligé de procurer à la vallée.

L'entretien par les riverains est onéreux et peu efficace. Exécuté par le gouvernement, il se ferait avec efficacité et à très peu de frais. Je signale encore à M. le ministre la situation défectueuse de l'embouchure de la Krekelbeek qui s'envase constamment à cause du voisinage du déversoir du canal.

Je prie M. le ministre de prendre ces observations en bonne considération.

MfFOµ. - Le Sénat se réunit lundi prochain ; il serait désirable qu'il pût être saisi immédiatement de quelques projets qui figurent à notre ordre du jour et qui ne sont pas de nature, je pense, à provoquer des discussions.

Je citerai les projets de loi concernant les objets suivants :

Crédits supplémentaires au département des affaires étrangères.

Simplification des formalités administratives en matière d’expropriation pour cause d'utilité publique.

Caisse des veuves et orphelins des officiers de l'armée.

Crédits supplémentaires au département de la Justice.

Prorogation de la loi du 1er mai 1851, concernant les tarifs des correspondances télégraphiques.

Convention consulaire conclue avec l'Espagne.

Je propose donc à la Chambre de porter ces projets de loi à son ordre du jour de demain et de reprendre, après les avoir votés, la discussion da projet de loi de crédit, pour travaux d'utilité publique.

M. Lelièvreµ. - M. le ministre des finances annonçant pour demain la discussion du projet de loi relatif à la simplification des formalités en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique, je prie M. le ministre• es travaux publics de vouloir examiner s'il ne serait pas possible de simplifier la procédure en expropriation, d'écarter l'obligation de réassigner les défaillants, d'abréger les délais et de supprimer diverses formalités prescrites par la loi du 17 avril 1835, formalités qui ne sont pas nécessaires et qui retardent le règlement de l'indemnité. A mon avis. il y a une réforme extrêmement utile à réaliser ; elle serait de nature à imprimer une marche rapide à la procédure et à hâter la mise en possession au profit de ceux qui poursuivent l'expropriation.

MiPµ. - La demande de l'honorable membre est absolument inadmissible. Le projet de loi soumis à la Chambre a pour but de simplifier les formalités administratives de l'expropriation, c'est-à-dire celles qui précèdent l'instance judiciaire pour la fixation de l'indemnité. La question des formalités judiciaires, réglées par une loi de 1835, n'est donc pas ici en cause ; il ne s'agit pas actuellement de modifier ces formalités. Dans tous les cas, si elles devaient l'être, il faudrait un projet de loi spécial.

M. Lelièvreµ. - Puisque le gouvernement ne trouve pas convenable de réformer pour le moment la procédure établie par la loi du 17 avril 1835, je crois devoir lui faire observer que la section centrale, remplaçant l'article 20 de cette loi par une autre disposition, consacrant non seulement la transmission irrévocable de la propriété par la transcription du premier jugement, mais aussi la purge de toute inscription, au point qu'après la transcription aucune hypothèque ne peut plus être inscrite contre l'exproprié, je crois devoir faire observer que, par suite de cette modification, il est indispensable de changer le texte de l'article 22 de la loi du 17 avril 1835. En effet, il ne peut plus question « du certificat délivré après le délai l'article 20, puisque le projet qui sera adopté par la Chambre supprime ce délai ». Le certificat ne doit donc porter que sur les inscriptions existantes lors de la transcription. C'est au moment de la transcription du jugement décrétant l'accomplissement des formalités, qu'il doit être constaté par le certificat qu'il n'existe aucune inscription.

Par suite de l'amendement de la section centrale, il faut donc changer le texte de l'article 22 de la loi du 17 avril 1835. Je prie M. le ministre de l'intérieur d'examiner la question avant le commencement de la discussion.

MiPµ. - Cela est tout examiné ; la section centrale a fait l'observation que présente l'honorable membre et elle a proposé un amendement qui y fait droit.

- La proposition de M. le ministre des finances est adoptée.

La séance est levée à 5 heures.