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Chambre des représentants de Belgique
Séance du vendredi 20 mars 1846
Sommaire
1) Pièces adressées à la
chambre, notamment pétitions relatives à la gestion du service des gares (Donny, Rodenbach)
2) Projet de loi portant restitution
du droit d’accise sur le sel employé à la fabrication du fromage dit du
Limbourg (Rodenbach, Malou, Zoude, Rodenbach, Lys)
3) Projet de loi ouvrant un
crédit au budget du département de l’intérieur pour l’encouragement de la voirie
vicinale (Van de Weyer, Orban,
de Tornaco, Orban, Veydt, Van de Weyer, de Muelenaere, Eloy de Burdinne,
Van de Weyer, Dumortier, de Theux, Van de Weyer, de La Coste, David, Van de Weyer, Orban, Van de Weyer, de Muelenaere,
Eloy de Burdinne, Orban, de Mérode, Eloy de Burdinne, Dumortier, de La Coste, Osy)
(Annales parlementaires
de Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M.
Dumont.)
(page
1028) M.
de Villegas procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
Il est procédé par la voie du sort à la
composition des sections.
La séance est ouverte à 2 heures et demie.
M. Huveners donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier,
dont la rédaction est approuvée.
M. de Villegas fait connaître l'analyse des pièces suivantes,
adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Le sieur Charles Heisterhagen,
musicien-gagiste au 8ème régiment de ligne, né à Deckbergen (Lippe Schauwburg)
demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Plusieurs propriétaires des omnibus et
vigilantes, à Ostende, demandent que le gouvernement interdise aux porteurs de
bagages attachés à la station du chemin de fer de transporter à domicile les
effets des voyageurs. »
M. Donny. - Les pétitionnaires se plaignent de ce que les
voyageurs sont rançonnés par des individus que l'administration du chemin de
fer admet dans l'intérieur des stations. Je demande le renvoi de cette pétition
à la commission des pétitions, avec invitation de faire un prompt rapport.
M. Rodenbach. - J'appuie la demande de l'honorable
préopinant. Je demande en outre le dépôt de la pétition sur le bureau, pendant
la discussion du budget du département des travaux publics.
- Cette double proposition est adoptée.
_______________
Par message en date du 19, le sénat informe la
chambre qu'il a adopté : 1° le projet de loi tendanl à autoriser le
gouvernement à modifier la concession du chemin de fer de Louvain à la Sambre ;
2° le projet de loi de crédit provisoire de 3 millions de fr., concernant le
département de la guerre.
- Pris pour notification.
PROJET DE LOI PORTANT RESTITUTION DU DROIT
D’ACCISE SUR LE SEL EMPLOYE A LA FABRICATION DU FROMAGE DIT DU LIMBOURG
M. Rodenbach. - Je demanderai seulement si M. le ministre des
finances se rallie à la proposition que fait la section centrale à l'article 2.
Je désirerais connaître ses intentions au sujet de ce projet de loi dont je
n'admets pas le principe, et que je me réserve de combattre ultérieurement.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Comme il s'agit d'une mesure exceptionnelle
et de faveur, et comme d'un autre côté, depuis la présentation du projet de
loi, cette industrie, très intéressante sans doute, a trouvé une amélioration
dans l'article 21 du traité conclu avec le Zollverein, je me rallie a la
proposition de la section centrale tendant à réduire la quotité des droits
restitués de 2 fr. 34 c. à 1 fr. 75.
M.
Zoude, rapporteur. -
Si vous accordez l'exemption de l'accise qui vous est demandée en faveur de
l'industrie de la fabrication des fromages, vous devez l'accorder également aux
autres industries qui font usage du sel, el l'accorder en proportion des
produits qu'elles exportent. Ainsi pourquoi ne restituerait-on pas le droit
d'accise perçu sur le sel employé à la salaison des viandes, des jambons par
exemple, qui sont frappés de droits énormes en France et en Angleterre ?
Ensuite il faudrait savoir quelle quantité de
sel entre dans la fabrication des fromages. La section centrale a demandé à M.
le ministre comment il s'est assuré de la quantité de sel qui entre dans la
fabrication de 100 kilogrammes de fromage.
M. le ministre a répondu que cela résulte des
déclarations des fabricants, confirmées par les autorités communales de
Battice, Thimister, Hervé et Charneux.
Mais ces affirmations n'ont pas plus de valeur
que des légalisations de signatures. Il n'y avait qu'un moyen de constater les
quantités de sel employés ; c'était l'analyse chimique. Ainsi vous auriez pu
juger en connaissance de cause.
Cette question a été résolue chaque fois que
vous avez discuté une loi relative à l'impôt sur le sel. Toujours on a demandé
l'exemption pour l'industrie dont il s'agit aujourd'hui ; toujours la chambre
l'a refusée.
Par le traité avec le Zollverein le droit sur
les fromages a été réduit de 27 fr. 50 c. à 13 fr. 50 c. Supposons que l'accise
représente un droit de 2 fr. 34, reste encore pour cette industrie un avantage
de plus de 11 fr.
Or, le tiers des fromages du Limbourg exportés
l'est dans le Zollverein. Donc l'avantage de cette diminution de droits couvre,
et au-delà, le droit perçu sur la totalité des fromages exportés.
Si
vous exemptez du droit la fabrication des fromages, vous devez en exempter
également la fabrication du tabac, la blanchisserie, la papeterie, les engrais
de terre, la tannerie, la savonnerie, la faïencerie, la verrerie, la
corroierie. Enfin vous ouvrez la porte à tous les abus extirpés par la dernière
loi.
J'espère que la chambre refusera toute
restitution des droits, quelle qu'elle soit.
M. Rodenbach. renonce pour le moment à la parole, se
réservant de parler après M. Lys, inscrit pour le projet.
M. Lys. -
L'autorisation en exemption de droit d'accise sur le sel avait été dans le temps
accordée pour l'agriculture. Mais vous savez tous qu'en 1843 cette autorisation
a été retirée par la loi qui a été faite alors. Aujourd'hui l'agriculture n'est
plus protégée. Cependant le gouvernement a fait la déclaration que si l'on
trouvait le moyen de rendre le sel impropre à la consommation, ou si les frais
d'extraction n'étaient pas aussi élevés que le droit qui était payé, alors le
gouvernement s'empresserait de venir au secours de l'agriculture, de la
protéger comme il désirerait le faire.
Le gouvernement l'a déclaré plusieurs fois. Il
n'a rien plus à cœur que l'intérêt de l'agriculture.
En 1843, devant cette chambre, j'ai déjà réclamé
cette faveur pour l'agriculture au profit de quelques communes de l'ancien
duché de Limbourg. Cette faveur avait rapport aux fromages. Je ne sollicitais
pas une exemption complète de l'accise sur le sel ; car j'exceptais
positivement de l'exemption les fromages consommés dans le pays. Je savais que
la chambre ne pouvait pas accorder une exemption absolue, à cause de la fraude
qui en serait la suite. Mais je demandais un drawback pour les fromages
exportés à l'étranger.
Au sénat la même demande fut faite par plusieurs
cultivateurs de ces communes ; elle fut appuyée par plusieurs honorables
sénateurs, M. Biolley et quelques autres.
Là, M. le ministre des finances ne fit pas la
moindre difficulté de reconnaître qu'il y avait lieu d'examiner la question, et
qu'en ce moment, il croyait qu'il y avait lieu d'accorder le drawback demandé.
En effet, cette exception ne pouvait donner lieu à une fraude quelconque.
Pourquoi a-t-on refusé l'exemption de droit
d'accise à l'agriculture ? C'est parce que, jusqu'à présent, on n'a pas trouvé
le moyen de rendre le sel impropre à d'autres usages.
En nous bornant à demander un simple drawback
nous sollicitons une faveur bien minime pour cette industrie agricole.
Aussi, M. le ministre des finances
s'exprimait-il en ces termes au sénat :
« Jusqu'ici la question de l'exemption du droit
sur le sel servant à la fabrication du fromage n'avait point été présentée sous
le seul point de vue indiqué par M. le vicomte Biolley ; je pense qu'il n'y
aurait pas d'inconvénient à établir une espèce de drawback pour le sel que
renferme le fromage livré à l'étranger ; le gouvernement examinera cette question
; dès à présent je crois pouvoir promettre qu un projet de loi sera présenté
aux chambres pour accorder cette restitution des droits à l'exportation des
fromages. »
C'est à la suite de cet engagement que M. le
ministre des finances a présenté le projet que nous discutons en ce moment.
Un grand nombre de communes de l'ancien duché de
Limbourg, dont le sol ne se compose que de pâturages, se livrent exclusivement
à la fabrication des fromages du Limbourg ; mais elles se plaignent avec raison
de ce que l'accise sur le sel aggrave la contribution foncière à laquelle elles
sont assujetties. Ainsi ces communes disaient :
« Le sel est un élément nécessaire,
indispensable à la fabrication du fromage. Sans le sel, pas de produit
possible, et, par suite, pas de base à la contribution foncière. Si l'on
assujettit le sel, qui sert à la salaison du fromage, à l'impôt dont on frappe
cette accise, c'est le sol que l'on frappe, et ce nouvel impôt vient se
confondre avec la contribution foncière. Dès ce moment disparaît l'égalité
proportionnelle qui doit exister entre les diverses espèces de culture. Le
propriétaire de terres arables, après avoir payé son tribut à l'Etat, par la
contribution foncière, peut librement tirer parti de ses produits, tandis que
pour le propriétaire de pâturages, il n'est pas de produits possibles, s'il ne
consent à voir augmenter cette contribution de plus d'un tiers.
« Pour vous permettre d'apprécier avec
exactitude l'étendue de la charge qui pèse sur nos pâturages, nous vous ferons
remarquer qu'une exploitation de dix bonniers peut produire 3,500 fromages du
poids de 2,500 kil. et que, pour la salaison de 100 kil.de fromages, 13
kilogrammes de sel sont nécessaires, qui, d'après le projet qui vous est
soumis, payeraient deux francs trente-quatre centimes, soit, pour
l'exploitation, 58 francs 78 centimes. Il se ferait par-là que le bonnier de
nos prairies, qui, en apparence, ne serait imposé qu'à quinze francs, en
supporterait, en réalité, plus de vingt. Cette charge accablante, nous l'avons
supportée jusqu’à ce jour, dans l'espoir d'un meilleur avenir : mais faut-il,
après cela, s'étonner si notre agriculture ne peut sortir de son état de gêne,
et développer les germes de prospérité que notre sol renferme ? »
Votre section centrale n'évalue pas le drawback
à 2 fr. 34 c ; elle le réduit à 1 fr. 75 c. et M. le ministre des finances se
rallie à cette proposition.
Quoique je trouve qu'il y a là réellement de la
parcimonie, quoique je trouve étrange que l'on diminue le drawback, après avoir
reconnu qu'il est juste de l'accorder, cependant je ne veux pas contester et
contre la section (page 1020)
centrale et contre le ministère des finances réunis, M. le ministre s'étant
rallié à l'amendement de la section centrale, et je ne prétends pas soutenir la
réduction de 2 fr. 34. Je me bornerai à appuyer celle de 1 fr. 75 que propose
la section centrale.
Cependant, messieurs, je dois dire que la
section centrale n'a développé aucun motif solide à l'appui de la réduction
qu'elle propose et je me charge de vous le démontrer.
Serait-ce d'abord parce que la restitution
demandée pourrait donner lieu à la fraude ? Cela a été dit dans une section. Le
contraire, messieurs, est démontré de la manière la plus claire. On confond ici
l'exemption du droit d'accise sur tout le fromage qui se fabrique, avec le
simple drawback sur le fromage qui part pour l'extérieur.
Pourquoi, messieurs, ne voudriez-vous pas
accorder cette restitution aux cultivateurs ? Ne sont-ils pas dans un cas
identique à celui où se trouvent les débitants de poisson ? Le gouvernement,
d'après la loi de 1843, autorise la restitution du droit d'accise sur le sel,
non seulement pour le poisson qui part pour l'extérieur, mais aussi pour tout
le poisson qui se consomme à l'intérieur. Ainsi, vous le voyez, c'est un
principe que la loi établit, principe de justice auquel tout le monde doit
participer.
Nous aurions donc le droit de demander que
l'agriculture fût complétement satisfaite sur ce point et qu'on lui accordât
non seulement un drawback sur le fromage destiné à l'extérieur, mais la
restitution du droit d'accise sur le sel qui est employé à la fabrication
entière du fromage. Cependant nous ne demandons pas cette restitution, parce
qu'alors il serait vrai de dire qu'il peut en résulter de la fraude. Si vous
donniez aux cultivateurs une certaine quantité de sel, ils pourraient
l'employer à tout autre usage qu'à la salaison du fromage ; mais si vous
accordez un simple drawback sur le fromage expédié au dehors, vous ne pouvez
plus craindre la fraude.
Soutiendra-t-on que lorsque le fromage sera
sorti du pays, on pourra l'y faire rentrer ? Mais il me suffira de répondre que
les frais de transport sont beaucoup plus considérables que la valeur du
drawback qui est réclamée. J'ajouterai que ce fromage porte avec lui certain
parfum que les douaniers pourraient reconnaître facilement.
On a tout à l'heure voulu élever un doute sur le
point de savoir si c'était bien une quantité de 13 kilog. de sel qui était
nécessaire pour la salaison de 100 kilog. de fromage. Messieurs, il ne peut
plus y avoir de doute sur ce point Non seulement on a consulté à cet égard les
autorités locales, mais on a consulté les agents des finances ; tous les
receveurs, les contrôleurs, les inspecteurs ont été interrogés dans cette
circonstance, et on s'est persuadé que 15 kilog. de sel suffisent à peine pour
la salaison de 100 kilog. de fromage.
Mais, nous dit-on, les autres industries qui
emploient le sel, demanderont la même restitution, et c'est le tabac qu'on
vient citer en première ligne, en comparaison d'un produit tout à fait
agricole, d'un produit qu'on pourrait dire grevé de la contribution foncière.
Remarquez-le, messieurs, il n'entre dans la
fabrication du fromage rien d'étranger ; il ne souffre aucun mélange autre que
le sel. Vous citez le tabac ; mais vous recevez annuellement pour 15,000,000 de
tabac de l'étranger. Ce serait donc un produit étranger que vous favoriseriez ;
et comme vous l'a très bien dit l'honorable M. Zoude, lorsqu'il s'est agi de
l'impôt sur le sel, on n'emploie pas le sel pour le tabac commun, mais on
l'emploie pour le tabac fin, pour le tabac carotté.
Messieurs, je vous disais que le fromage est un
produit quasi direct du sol ; l'accise sur le sel qu'on emploie à sa
fabrication est donc un véritable impôt foncier. Nos prairies n'ont d'autre
produit que l'herbe qui nourrit les bestiaux, et ceux-ci ne donnent autre chose
que le lait avec lequel le fromage est fabriqué.
Une section dit encore que la restitution du
droit n'est pas d'une telle importance qu'elle puisse activer l'exportation. Je
répondrai, messieurs, que cette exportation de fromages dits du Limbourg, ainsi
que vous pourrez le voir dans le tableau annuel du commerce de la Belgique, est
plus considérable qu'on ne se l'imagine et entre pour quelque chose dans la
balance commerciale. Elle s'élève, année commune, à 600,000 kil., valeur de 350
à 400,000 Ir.
A bon droit donc, le titre d'industriels
exportateurs doit-il être accordé à nos cultivateurs. Leurs prétentions,
messieurs, se réduisent à bien peu de chose. Ce n'est pas, comme je vous l'ai
dit, tout à l'heure, une exemption totale sur tout le fromage fabrique qu'ils
réclament, c'est une simple restitution, un drawback sur le fromage exporté.
Remarquez-le, messieurs, cette faveur qu'on
vient nous contester, réduira de bien peu les produits du trésor, puisque cette
réduction ne sera que de 12 à 13,000 fr., et je le déclare, elle sera
considérée, par nos cultivateurs, comme un véritable bienfait.
Mais, nous dit encore la section centrale, le
sel sert à augmenter le poids du fromage. Messieurs, une pareille allégation ne
peut être faite que par des personnes qui ne connaissent nullement la manière
de le fabriquer. Il suffira de répondre que le poids n'en peut être augmente
que bien légèrement par la salaison. En effet, le sel se réduit en une puante
saumure qui en découle et qui ne peut servir à rien ; et le fromage ne peut
être transporté que lorsque cette saumure en est sortie, que lorsqu'il est ce
qu'on appelle entièrement fait, ce qui n'a lieu que plusieurs mois après sa
fabrication.
Mais, nous dit-on encore (c'est une section qui
avance ce fait), le fromage est une spécialité qui n'a pas de concurrence à
craindre sur le marché étranger. Mais je demanderai à mon tour quel est le
commerce qui n'a pas aujourd'hui de concurrence à l'étranger ? Il y a plus ;
c'est qu'on vient faire concurrence à nos fabricants dans le pays même. En
Allemagne, messieurs, n'avons-nous pas pour concurrence le fromage de Hollande,
le fromage de Suisse, le fromage même de l'Allemagne, car nos voisins d'entre
Meuse et Rhin fabriquant aussi du fromage ? Si nos fromages dits du Limbourg
conservent une supériorité quelconque, ne restent-ils pas encore grevés d'un
droit d'entrée dans le Zollverein ? Et comptez-vous pour rien les frais de
transport qui sont considérables ?
Messieurs, on est venu vous parler de viande
salée. Eh bien, savez-vous combien il sort annuellement de viande salée du pays
? Il en sort 13,153 kil. Vous conviendrez qu'il ne vaut pas la peine de faire
mention d'une pareille exportation.
Ce que nous vous demandons aujourd'hui,
messieurs, la section centrale du congrès national en a proclamé la justice et
l'a recommandé à la sollicitude de sa commission des pétitions.
Le principe dont nous réclamons l'application
n'est pas nouveau. La loi qui nous régit laisse au gouvernement le pouvoir
d'autoriser l'exemption du droit d'accise sur le sel servant à la salaison du
poisson. C'est en effet ce que disent les pétitionnaires :
« Le principe, dont nous réclamons
l'application, n'est pas nouveau. La loi qui nous régit consacre une exemption
juste en faveur du sel servant à la salaison du poisson. Cette exemption est la
conséquence du principe, qu'en imposant le sel, qui lui est nécessaire, on
imposerait indirectement la pêche. Mais cette exemption devait entraîner la
même faveur pour le sel servant à la salaison du fromage ; le principe est le
même, la conséquence doit être commune ; car, comme le disait M. le ministre
des finances, en 1836, a en adoptant un principe, il faut nécessairement
adopter toutes les conséquences qu en résultent : agir d'une autre manière
n'aboutirait qu'à établir un mode irrationnel et incohérent. » Voulût-on
même enlever aux poissonniers cette exemption, le principe n'en resterait pas moins
debout et l'injustice, pour être plus étendue, n'en conserverait pas moins son
caractère primitif. »
Ainsi, messieurs, je ne puis trop le répéter,
puisque ce principe est admis en faveur du poisson, vous ne pouvez refuser de
l'admettre aussi en faveur de l'agriculture. Il n'en résultera pas de fraude ;
j'ai démontré qu'elle ne pouvait avoir lieu, puisqu'il ne s'agit que d'un
drawback.
C'est pour la première fois, messieurs, que vous
avez l'occasion d'accorder un léger avantage à l'agriculture, et cependant il
paraît que la proposition qui vous est faite doit rencontrer de l'opposition
dans cette enceinte. Je ne sais si cette opposition est bien en harmonie avec
les protestations que nous avons entendues se renouveler si souvent en faveur
de l'agriculture.
Messieurs, je crois inutile d'en dire
davantage sur une question qui présente si peu d'importance en ce qui concerne
les intérêts financiers du pays. Car, comme je vous l'ai dit, il s'agit d'une
réduction de recettes de 12 à 13.000 fr.
Je crois que nos cultivateurs sont bien modestes en trouvant qu'ils
recevraient par là un bienfait si considérable.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Par suite de la décision que la chambre a
prise hier, j'ai l'honneur, messieurs,
de vous présenter le projet de loi suivant :
« Article unique. Il est ouvert au département
de l'intérieur, pour l'exercice courant, un crédit de 300,000 francs, sous le titre
: « encouragements divers pour la voirie vicinale. »
Si la chambre jugeait utile de se prononcer sur
ce projet par voie d'urgence, le sénat, qui est actuellement assemblé, pourrait
aussi en être saisi et le vote aurait lieu immédiatement. Si, au contraire, il
y avait des retards, il se pourrait que le sénat s'ajournât sans avoir statué
sur ce projet.
M. Orban. - Malgré tout l'intérêt qui s'attache au projet de
loi que M. le ministre vient de présenter, je crois qu'il n'y a pas lieu de
suivre la marche insolite proposée par lui. Il me semble qu'il faut tout au
moins renvoyer le projet à la section centrale, en l'invitant, si on veut, à
s'en occuper promptement.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - C'est ce que je propose.
M. Orban. - Je ne pense pas, messieurs, que l'adoption
même immédiate du projet puisse avoir aucun résultat. Vous avez accordé au
département de l'intérieur un crédit provisoire de 1,500,000 fr. et ce crédit
permettra à M. le ministre de faire tout ce qu'il pourrait faire au moyen des
300,000 fr. dont ii s'agit maintenant.
En effet, messieurs, ces l,500,000 fr. sont
calculés d'après le chiffre total du budget pour suffire à tous les besoins
pendant deux mois ; il pourra donc être satisfait à toutes les demandes de
subsides pour les chemins vicinaux qu'il aura été possible d'instruire pendant
ces deux mois.
Je crois donc, messieurs, que vous pouvez suivre
la marche ordinaire, sauf à décréter l'urgence lorsque la section centrale vous
aura présenté son rapport. J'insiste d'autant plus sur ce point que la section
centrale aura à faire des observations ayant un certain caractère de gravité.
M. de Tornaco. - Je ferai remarquer à la chambre que l'honorable
préopinant ne tient aucun compte de ce qui a été dit par M. le ministre de
l'intérieur. M. le ministre de l'intérieur, sur l'interpellation qui lui avait
été adressée par M. de Renesse, a déclaré positivement, qu'il ne pourrait pas,
sur le crédit de 1,500,000 fr., faire emploi d'une somme quelque peu
considérable pour les chemins vicinaux. C'est cette déclaration de M. le
ministre qui m'avait porté à faire la motion que j'ai eu l'honneur de soumettre
à la chambre dans la séance d'hier.
Je
n'engagerai pas la chambre à s'écarter de son règlement, et j'adopterai
volontiers la proposition faite par l'honorable préopinant de renvoyer le
projet à la section centrale ; mais je demanderai que la section centrale se
réunisse immédiatement et je la prierai de la manière la plus instante de
vouloir bien faire son rapport séance tenante. Tout à l'heure le sénat a (page 1030) envoyé un de ses membres
vers l'assemblée pour demander ce qui se passait relativement à ces 300,000 fr.
; le sénat attend avec impatience le vote de ce crédit, qui est réclamé par les
besoins les plus pressants des ouvriers des campagnes. On m'a dit d'un autre
côté que le sénat doit s'ajourner demain. Il est donc indispensable que le
projet soit voté aujourd'hui même.
M. Orban. - Lorsque je me suis récrié contre la marche
insolite qu'on voulait suivre, j'avais en vue la marche qui consisterait en ce
que la section centrale se réunît immédiatement, qu'elle fît son rapport séance
tenante, que le projet fût voté aussitôt le rapport présenté, et qu'il fût
ensuite renvoyé au sénat et adopté par lui également aujourd'hui.
Lorsque
M. le ministre de l'intérieur a dit qu'il ne pourrait, au moyen des 1,500,000
fr. qui lui ont été accordés, satisfaire à toutes les demandas de subsides pour
les chemins vicinaux, il a entendu qu'il ne pourrait pas prélever les 300,000
fr. sur ce crédit ; je crois pouvoir dire qu'il lui sera possible de prendre
sur ces 1,500,000 fr. les sommes nécessaires pour satisfaire à toutes les
demandes faites. Je dirai même plus : les faits qui sont à ma connaissance
me permettent d'assurer que d'ici à deux mois il ne pourra pas être statué sur
des demandes de cette nature.
M. Veydt. - M. le ministre de l'intérieur ne pourra disposer
que d'une somme de 25,000 fr., c'est-à-dire de 25,000 fr. pour chacun des deux
mois pour lesquels le crédit de 300,000 fr. est accordé. Or, cette somme est
évidemment insuffisante. Nous sommes à l'époque de l'année où il peut être fait
le meilleur emploi du crédit pour les chemins vicinaux, et dès lors, je pense,
messieurs, qu'il faut se hâter de voter ce crédit. A quoi bon renvoyer le
projet à la section centrale ? Toutes les sections el la section centrale ont
adopté à l’unanimité le crédit de 300,000 fr. pour les chemins vicinaux, el le
projet qui nous est soumis est conçu littéralement dans les mêmes termes dans
lesquels le crédit a été si favorablement et si unanimement accueilli.
C'est tout simplement un article du budget qu'on
nous propose de voter séparément, et je crois que le budget renferme bien peu
de crédits auxquels l'approbation de la chambre soit acquise avec tant de
certitude.
Je demande donc que la chambre veuille bien, vu
l'urgence, statuer séance tenante sur le projet de loi.
M. le président. - Si j'ai bien compris M. Veydt, sa proposition
tend à faire considérer, en quelque sorte, comme rapport spécial la partie du
rapport sur le budget de l'intérieur qui concerne le crédit dont il s'agit.
M. Veydt. - Oui, M. le président.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Lorsque j'ai déclaré à la chambre qu'il ne m'était
pas possible de disposer d'une somme quelconque sur le crédit provisoire de
1,500,000 francs, je me basais sur un principe. Il est en effet impossible de
disposer d'une partie de la somme destinée à la voirie vicinale, sans avoir la
totalité à sa disposition, parce que sans cela il est impossible de procéder à
la répartition. Voilà, messieurs, pourquoi je ne me crois pas autorisé à
disposer en faveur des chemins vicinaux d'une partie quelconque du crédit de
1,500,000 francs.
M. de Muelenaere. - Il me paraît que l'on est assez d'accord
pour procéder immédiatement au vote ; je n'ai donc pas à insister sur ce point.
Je ferai seulement observer que le crédit de 1,500,000 fr. ne concerne que les
dépenses qui se renouvellent mensuellement. Dès lors aucune partie de ce crédit
ne me semble pouvoir être affectée régulièrement aux travaux de la voirie
vicinale. La somme relative à ces travaux forme un article spécial du budget el
la répartition de cette somme doit se faire d'une manière égale, non seulement
entre les provinces, mais encore entre les communes. Or, il est évident que M.
le ministre de l'intérieur ne peut pas procéder à cette répartition sans savoir
quelle est la somme totale dont il peut disposer. Il est donc impossible qu'il
accorde un subside quelconque avant que la somme intégrale n'ait été votée.
Je pense donc, messieurs, qu'il faut procéder le
plus tôt possible à la discussion de ce projet. La chose est d'autant plus
urgente que des travaux de cette nature ne peuvent se faire utilement qu'au
commencement du printemps.
M. Eloy de
Burdinne. -
L'honorable M. de Muelenaere vient de faire à peu près toutes les observations
que je voulais présenter. Je répondrai seulement un mot à l'honorable M. Orban
qui a dit qu'alors même qu'on voterait le crédit aujourd'hui, il faudrait
encore deux mois pour instruire les demandes. Que l'honorable M. Orban soit
tranquille ; il y a assez longtemps que M. le ministre est saisi des demandes
et il pourra faire la répartition aussitôt que le crédit aura été mis à sa
disposition. Dans le courant de l'hiver un grand nombre de communes, comptant
sur les subsides de l'Etat, ont fait des dépenses considérables pour la voirie
vicinale. Je partage donc l'opinion de l'honorable M. de Muelenaere, qu'il y a
réellement urgence.
Quant
aux formes à suivre, je ne m'oppose pas à ce que le projet soit renvoyé à la
section centrale. Cependant, je ferai remarquer qu'il s'agit tout simplement
d'un article du budget, que nous avons tous examiné et qui a obtenu
l'approbation de toutes les sections. Je ne vois pas le moindre inconvénient à
ce que cet article du budget soit mis aux voix immédiatement. De cette manière
on ne fera pas attendre les populations qui ont besoin de travail el de pain.
Ces populations ne peuvent pas attendre deux ou
trois mois, car elles seraient mortes de faim.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - C'est pour obtempérer au vœu de la chambre
que j'ai présenté un projet de loi, mais cette présentation n'était pas
nécessaire ; j'aurais pu me borner à demander que la chambre votât séparément
l'article du budget qui concerne les chemins vicinaux. J'ai voulu régulariser
la chose en présentant un projet de loi.
L'objection de M. Orban, qu'il faudra deux mois
pour l'instruction des demandes, cette objection tombera devant les faits. Dès
le mois de janvier dernier, j'ai adressé aux gouverneurs une circulaire dont je
me permettrai de donner lecture à la chambre :
« Circulaire à MM. les gouverneurs des
provinces.
« Bruxelles, le 20 janvier 1846.
« M. le gouverneur,
« Il est à présumer que la législature
n'hésitera pas à maintenir au budget de mon département, pour cette année, le
crédit ordinaire qui a pour but l'amélioration de la voirie vicinale : les bons
effets de cette allocation sont trop universellement reconnus pour qu'un doute
puisse s'élever, au sein des chambres législatives, sur son utilité.
« Mais, comme diverses causes reculeront, sans doute,
l'adoption du budget du département de l'intérieur et que, d'un autre côté, les
circonstances doivent faire vivement désirer que l'on puisse, cette année,
entreprendre de bonne heure les travaux à effectuer à la voirie vicinale, ce
qui fournirait une nouvelle occupation à quelques bras inactifs, je crois
devoir vous prier, M. le gouverneur, de vouloir bien engager la députation
permanente à réunir, dès à présent, les éléments des propositions qu'elle aura
à m'adresser pour la répartition des subsides de 1846 et à activer
l'instruction des demandes des communes, de telle sorte que je sois mis à même
de répartir, dès l'adoption du budget, si non la totalité, du moins la plus
grande partie du crédit.
« Je considère cet objet comme très important et
je suis persuadé, M. le gouverneur, que la députation permanente s'associera à
cette sollicitude à l'effet de faire jouir les communes, le plus tôt possible,
des bienfaits de celle utile allocation. »
Tous les gouverneurs ont répondu à cet appel, et
en conséquence le gouvernement se trouve à même de donner suite à la
répartition.
Je demanderai à la chambre la permission de lire
aussi l'exposé des motifs qui accompagne le projet. Il est ainsi conçu :
« Messieurs, les crédits que la législature a
alloués successivement pendant une suite de cinq années pour la voirie
vicinale, ont éveillé chez la plupart des communes une louable émulation pour
l'amélioration de leurs chemins agricoles.
« Les encouragements que le gouvernement s'est
vu à même de distribuer dans toutes les parties du rovaume, ont produit les
résultats les plus remarquables et excité, chez un grand nombre de localités,
un développement extraordinaire de sacrifices et d'efforts.
« Par suite de l'heureuse impulsion qui a été imprimée
à ce service, un grand nombre d'administrations communales ont déjà pris des
dispositions pour entamer, pendant cette saison, de grands travaux
d'amélioration, et elles n'attendent, pour y mettre la main, que la certitude
d'être secourues par l'Etat.
« Le retard apporté cette année à la discussion
et au vote du budget du département de l'intérieur, a fait naître chez un grand
nombre de membres des chambres, la crainte que ces communes ne perdissent, dans
l’attente de ces encouragements, une partie et peut-être même la totalité de la
saison favorable aux travaux ; et le désir de mettre le gouvernement à même de
leur assurer, immédiatement, les subsides auxquels elles peuvent avoir droit, a
été manifesté de toutes parts.
« C'est pour répondre à ce vœu et pour
satisfaire à l'engagement qu'il a pris à cet égard, que le gouvernement croit
devoir demander, immédiatement, et sans attendre la discussion du budget de
l'intérieur, un crédit de 300,000 francs pour l'amélioration de la voirie
vicinale.
«
Déjà le vœu des chambres avait été présenté, et une circulaire ministérielle,
dont une copie est annexée au présent exposé, avait recommandé, dès le 20
janvier dernier, à MM. les gouverneurs des provinces, d'activer la présentation
des propositions pour la répartition du crédit éventuel à accorder par la
législature. Cette circulaire faisait remarquer que la prompte répartition du
crédit offrirait un nouveau moyen d'occuper, sur quelques points, les bras
désœuvrés el de diminuer pour la classe nécessiteuse les maux résultant du
renchérissement des denrées alimentaires. »
M. Dumortier. - Messieurs, quelques membres demandent la
discussion immédiate du projet de loi. Je conçois les motifs qui ont engagé le
gouvernement à nous présenter ce projet ; j'approuve le projet au fond, mais je
ne pense pas que nous devions sortir pour cela des formes que le règlement nous
prescrit. Il faut que la chambre se soumette aux prescriptions du règlement ;
sinon, elle poserait un précédent excessivement fâcheux el vicieux. Le
règlement porte que lorsqu'un projet de loi est présente, il sera imprimé et
distribué, et renvoyé ensuite, soit aux sections, soit à une commission. Nous
devons nécessairement nous conformer à cette disposition du règlement, pour le projet
de loi dont il est question.
Je ne puis pas, d'un autre côté, m'associer à ce
qu'on a dit, relativement à l'excessive urgence de ce projet ; mais l'extrême
urgence dont on parle n'existe pas en réalité.
Quels sont, en effet, les seuls travaux qu'on puisse
faire, en fait de chemins vicinaux ? Ce sont les empierrements et les pavés ?
Tout subside qui serait accordé pour des terrassements purs et simples serait
appliqué à des travaux qui n'auraient qu'une durée d'un an, de six mois
peut-être. Les fonds que nous accordons pour l'amélioration des chemins
vicinaux doivent être employés à des travaux solides, à des travaux de durée.
Lorsqu'on viendra à la discussion de l'article, je demanderai au gouvernement
si c'est bien dans ce sens qu'il entend répartir la somme allouée pour les
chemins (page 1031) vicinaux (interruption) ; si c'est dans ce sens
qu'on l'entend, je vous le demande, est-ce qu'on peut faire des pavés, des
empierrements au mois de mars ? Cela n'est pas exécutable.
Les
motifs d'urgence extrême qu'on a invoqués n'existent donc pas. Il n'y a donc
non plus aucune nécessité, pour sortir des formes prescrites par notre
règlement. Je demande en conséquence le renvoi du projet de loi à la section
centrale.
M. de Theux. - La section centrale pourrait se réunir
immédiatement. Je ne pense pas non plus que la chambre puisse voter un projet
de loi à l'instant même de la présentation, sans qu'aucune commission en ait
pris connaissance
Il est arrivé souvent qu'un projet de loi a été
présenté et voté séance tenante.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Je l'entendais comme cela.
M. de Theux. - Mon observation m'a été suggérée par cette
circonstance qu’il s'agit ici d'un extrait du budget de l'intérieur, et que
dans le projet de loi proposé, on ne rattache pas à ce budget le crédit
demandé. Il serait bon de dire que ce crédit formera tel chapitre du budget de
l'intérieur.
Du reste, la section centrale examinera si la
forme est convenable. Quant au fond, j'appuie entièrement la proposition de M.
le ministre de l’intérieur.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Messieurs, quand j'ai demandé à la chambre
qu'elle voulût procéder immédiatement à l'examen du projet de loi, il entrait
bien dans ma pensée que le projet serait préalablement soumis à la section
centrale et que toutes les règles seraient observées.
Messieurs, je suis convaincu de l'urgence du
projet de loi, et je pense qu'en le volant immédiatement et sans nouveau
rapport, il n'y aurait ni précèdent fâcheux, ni précédent vicieux.
En effet, que nous propose-t-on en réalité ? On
nous propose le vote du chapitre VI du budget de l'intérieur. Cette question a
été examinée par les sections et par la section centrale, et celle-ci nous a
fait son rapport ; ainsi, toutes les formalités sont réellement accomplies.
On a beau dire que c'est un nouveau projet qu'on
nous présente. Ce projet n'est que le remplacement du chapitre VI. Au reste,
comme l'a déjà fait observer M. le ministre de l'intérieur, ce nouveau projet
était parfaitement inutile. Si hier, au lieu de provoquer la présentation d'un
nouveau projet, l'on avait simplement demandé de détacher du budget le chapitre
VI, et si l'on avait proposé la discussion immédiate, il n'y avait aucune
objection à faire, quant à la forme ; la chambre étant saisie du rapport de la
section centrale, nous pouvions immédiatement passer au vote. Ainsi, je ne pense
pas qu'on doive ici s'arrêter devant cette légère nuance, qu'au lieu d'avoir
détache le chapitre VI du budget, on a présenté un projet qui au fond est la
même chose.
Je crois donc qu'il y a urgence et qu'on peut
passer immédiatement à la discussion, sans même demander un nouveau rapport.
- La discussion est close.
La chambre décide qu'il sera procédé
immédiatement à la discussion du projet de loi concernant la voirie vicinale,
et que la suite de la discussion sur le projet de loi concernant l'accise du sel
sera postposée.
Discussion de l’article unique du projet
M. le président. - L'article unique du projet de loi est ainsi
conçu :
« II est ouvert au département de l'intérieur,
pour l'exercice courant, un crédit de 300,000 fr., sous le titre :
encouragements divers pour la voirie vicinale. »
La discussion générale est ouverte, elle se
confond avec celle de l'article unique du projet.
La parole est à M. de la Coste.
M. de La Coste. - Messieurs, quels que soient les motifs d'urgence
qu'on a allégués et dont la chambre a reconnu le fondement, il faut convenir
qu'il y a un grand désavantage dans la marche que nous suivons, par suite de
faits qui sont étrangers a la chambre. En effet, si cette discussion avait
trouvé place dans celle du budget de l'intérieur, nous aurions fait ce que nous
faisons tous les ans, c'est-à-dire qu'à l'occasion de l'examen de ce chapitre,
nous aurions présenté les besoins de nos arrondissements, et nous aurions, en
outre, examiné scrupuleusement la manière dont le crédit a été employé les
années précédentes. Maintenant, sans qu'il y ait de l'intention de la part de
personne, c'est presque une surprise, et l'on n'a pas même les pièces en main.
Si j'avais sous les yeux le tableau qui est
joint au rapport de la section centrale du budget de l'intérieur, je
démontrerais, entre autres, que le Brabant a été traité avec une extrême
inégalité dans le partage de cette somme ; que, pendant que cette province
contribue dans une proportion énorme aux charges de l'Etat, elle obtient une
part insignifiante de ce subside.
Je me permettrai encore une observation. Lorsque
le gouvernement s'était décidé à donner de l'ouvrage à la classe laborieuse
dans les différentes parties du royaume, il avait assigné, autre autres, à
l'arrondissement de Louvain une part qui consistait dans la roule de Zammel et
dans celle d'Aerschot. Qu'est-il arrivé ? En conséquence d'un vote de la
chambre, une de ces routes ne s'exécute pas, l'autre ne s'exécute
qu'imparfaitement. C'est, je pense, une considération qui doit avoir son poids
dans l'esprit de M. le ministre de l'intérieur, pour chercher à réparer, par
quelque compensation, l'inégalité qui résulte de ce vote de la chambre, vote
qui, d'ailleurs, n'avait rien de contraire à ces travaux, mais qui a été dicté
par d'autres considérations.
Je recommanderai à M. le ministre de l’intérieur
l'exécution d'une autre route dans la même localité, celle de Léau vers Diest.
C'est une route d'une grande importance pour l'agriculture ; ce sera une faible
indemnité des travaux qui nous étaient promis et qui ne s'exécutent pas. C'est
une route qui avait été d'abord proposée comme route de l'Etat, mais qu'on n'a
plus guère espoir de voir s'exécuter comme route vicinale de grande
communication.
M. David. - Messieurs, il me paraît que la chambre a déjà
statué sur la question dont on s'occupe en ce moment. Si l'honorable M. de La Coste
vient réclamer pour ses localités, il me semble qu'on va embraser la chambre,
et que tout le monde ici sera obligé d'en faire autant.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Messieurs, certains principes généraux ont
été posés pqr plusieurs de mes prédécesseurs, pour la répartition des sommes
destinées à la voirie vicinale.
La sagesse et l'utilité de ces principes ont été
constatés par l'expérience. Je puis déclarer à la chambre que la plus sévère
impartialité présidera à la nouvelle répartition et que les règles de la seule
justice distribulive seront scrupuleusement observées. Je crois que cette
déclaration suffit pour mettre un terme aux autres recommandations que chaque
membre de la chambre, à l'occasion de la présentation de ce projet de loi,
croirait devoir faire en faveur de tel arrondissement ou de telle province.
M. Orban. - L'honorable M. de La Coste vient de faire une
observation très juste. C'est qu'en détachant, comme on vient de le faire, le
crédit relatif aux chemins vicinaux du budget de l'intérieur, et en le
discutant comme on le fait à l'improviste, on supprime en réalité l'examen de
l'une des parties les plus importantes du budget. Ordinairement cette
allocation donnait lieu à une foule d'observations importantes qui ne pourront
être produites cette année, parce que personne n'est préparé. Je n'insisterai
pas sur ce point, puisque la chambre a prononcé, mais je tiens à faire
connaître à la chambre les motifs pour lesquels je désirerais que l'on procédât
avec plus de lenteur et de régularité !
A Dieu ne plaise que je vienne contredire ce qui
a été avancé sur la situation de la classe ouvrière et affaiblir l'impression qu'a
produite sur vous la motion de l'honorable M. de Tornaco !
Dans la province de Luxembourg et dans la partie
ardennaise surtout, la misère est vraiment extrême et dépasse tout ce que l'on
pourrait dire. Il est une foule de localités dans lesquelles toutes espèces de
provisions sont épuisées et où l'on en est réduit aux céréales el autres
denrées alimentaires que l'on doit faire venir d'Anvers à grands frais. Nous
n'avons pas même, comme dans les Flandres, la ressource de ces plantes
légumineuses que l'on cultive pour la nourriture du bétail, et dont l'homme
doit se nourrir à défaut d'autre aliment. Nous n'avons dans les Ardennes
d'autres ressources que les céréales et les pommes de terre ; et les unes ont
manqué tandis que les autres sont épuisées. J'ajouterai même que cette misère
ira en augmentant jusqu'à la nouvelle récolte, mais c'est parce que la rareté
et le prix des denrées alimentaires ne feront que s'accroître, car maintenant
que nous sortons de la morte saison, que les travaux de la campagne vont
reprendre leur activité, l'on ne doit plus craindre au même point que le
travail manque à la classe ouvrière.
En m'opposant à l'adoption immédiate, j'ai voulu
empêcher que la distribution du subside de 300,000 francs, faite par le
gouvernement sous l'influence de ces idées et de cette préoccupation, ne fût
contraire aux règles de la justice distributive et que, guidé par le désir de
venir en aide à des localités et des provinces qui se présenteraient comme plus
nécessiteuses que d'autres, on ne s'écartât des principes que le gouvernement
s'est imposés pour la distribution des encouragements à la voirie vicinale.
J'ai craint en un mot que la somme de 300 mille francs ne fût distribuée comme
l'a été la partie du fonds de 2 millions mis à la disposition du gouvernement
qui a été appliquée à l'amélioration de la voirie vicinale pour procurer de
l'ouvrage a la classe ouvrière.
On sait comment cette distribution a été faite.
Comme il y avait urgence, l'instruction ordinaire en ces sortes d'affaires n'a
pu être suivie, l'on a dû accorder à qui demandait au nom du besoin et les
premières demandes faites ont dû être accueillies. Je n'en fais pas un reproche
à M. le ministre. Cette manière de procéder était une conséquence nécessaire de
sa position, car le temps manquait pour suivre la marche ordinaire, et toute
temporisation était impossible.
Mais
il me semble que le temps est venu de rentrer dans la règle ordinaire et je
pense que la distribution des 300 mille fr. doit être faite aux provinces et
aux communes d'après les principes posés par M. le ministre de l'intérieur dans
sa dépêche du 29 mars 1835, et selon les règles d'une bonne justice
distributive. Il doit être convenu que l'emploi de cette allocation doit avoir
pour objet l'amélioration de la voirie vicinale d'abord, et accessoirement ou
par voie de conséquence seulement, de procurer du travail à la classe ouvrière.
C'est parce que j'ai craint qu'il n'en fût pas ainsi et que l'on ne distribuât
les 300 mille fr., comme a dù l'être la partie des deux millions qui a dû être
employée à l'amélioration des chemins vicinaux que j'ai cru qu'une discussion
était nécessaire, et que j'ai voulu empêcher la précipitation extrême que l'on
a mise à voter ce projet de loi.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Si l'honorable membre avait eu la bonté de
prêter un peu d'attention aux paroles que j'ai eu l'honneur de prononcer tout à
l'heure, les craintes qu'il a exprimées ne seraient pas nées dans son esprit.
J'ai dit que les règles posées par mon prédécesseur pour la distribution des
fonds alloués pour l'amélioration de la voirie vicinale seraient observées,
qu'on ne s'écarterait en rien des règles de la plus stricte justice
distributive. C'est ce que l'honorable membre demande, et (page 1032) demande avec pleine et entière justice ; dès lors ces
déclarations sont de nature à calmer entièrement les craintes qu'il a
exprimées.
À cette occasion l'honorable membre, s'écartant
de l'objet en discussion, a dit un mot de la répartition de la partie des deux
millions appliquée aux chemins vicinaux.
Tout
le monde sait, a-t-il dit, que cette répartition s'est faite sans instruction
préalable. Je prie l'honorable membre de croire qu'il a été complétement induit
en erreur ; car des instructions aussi complètes que possibles ont constamment
précédé la distribution des sommes. J'ai déjà pris, sous ce rapport, une mesure
qui mettra la chambre à même de juger si la répartition des deux millions s'est
faite constamment suivant les règles de la justice distributive. Soit que j'aie
l'honneur de rester dans les conseils de la couronne, soit que ma démission
soit acceptée par Sa Majesté, j'ai mis la dernière main à un rapport au Roi qui
sera soumis aux chambres, dans lequel j'expose les règles qui ont servi de base
à l'emploi et à la distribution des deux millions.
Je
ne veux pas que la responsabilité de ces mesures tombe sur d'autres que sur
moi, et j'assume la responsabilité des distributions que j'aurai faites pendant
que je serai resté au pouvoir.
M. de Muelenaere, ministre d’Etat. - Je n'ai rien à ajouter à ce que vient de
dire M. le ministre de l'intérieur ; je renonce à la parole.
M. Eloy de
Burdinne. -
L'honorable préopinant a regretté que cette discussion ne fût pas détachée du
budget, parce qu'il aurait désiré que chacun pût faire valoir les intérêts et
les besoins de sa localité. Je crois pouvoir le rassurer à cet égard, car quand
nous en viendrons à la discussion du budget, il sera facile de démontrer que
ces trois cent mille francs ne suffiront pas et que la chambre doit voter une
augmentation de subsides. Par conséquent chacun de nous qui le trouvera bon
fera valoir les intérêts de sa localité.
On a fait observer que le Brabant avait obtenu
une faible part dans les 300,000 fr. votés l'an dernier. J'aime à croire que
l'honorable membre est bien informé.
Il est probable alors que dans le Brabant les
chemins sont en meilleur état que dans d'autres localités, ou que les communes
n'ont pas voulu faire les sacrifices nécessaires pour obtenir des subsides. En
thèse générale, les localités qui ont obtenu les subsides les plus élevés ont
été appelées à faire des dépenses plus grandes que les communes qui n'en ont
pas obtenu. Les communes qui ont demandé des secours se sont exécutées et ont
fait d'immenses dépenses pour améliorer les chemins vicinaux. C'est un point
très important pour le pays en général et pour l'agriculture en particulier,
que l'amélioration de la voirie vicinale.
Je
ne suivrai pas l'honorable M. Orban sur le terrain sur lequel il a voulu nous
placer. Il a voulu mettre en question s'il y avait urgence de procurer des
moyens de travail aux populations des campagnes ; il a dit que les travaux de
la campagne allaient recommencer et que les ouvriers n'avaient plus besoin
qu'on leur créât des moyens de travail en votant des fonds pour l'amélioration
des routes. Il est possible qu'il en soit ainsi dans les localités que connaît
l'honorable membre ; mais dans le Hainaut, le Brabant, la province de Liège et
celle de Namur, pour la campagne, la saison morte dure jusqu'au 24 juin. C'est
donc maintenant qu'il faut cherchera donner du travail à ces populations qui en
manquent. (La clôture !)
M. Orban. - Je désire ajouter quelques mots pour
rectifier le sens que M. le ministre de l'intérieur a donné à mes paroles. Il a
pensé que je blâmais la manière dont il a été fait emploi de la somme de 2
millions. Il n'en est rien. J'ai dit seulement que la part des deux millions
qui a été affectée à la réparation des chemins vicinaux avait dû être
distribuée sans qu'on se conformât à l'instruction et aux règles habituellement
suivies. Mais loin de blâmer ce qui a été fait, j'ai dit au contraire que cette
promptitude était une conséquence nécessaire de sa position et j'ai approuvé ce
qu'il avait fait.
J'ai
aussi deux mots à répondre à l'honorable M. Eloy de Burdinne, qui s'est mépris
sur le sens de mes paroles.
M. le président. - Ce n'est plus le fait personnel.
M. Orban. - Je croyais qu'il m'importait de ne point laisser
de doute sur la portée de mes paroles, dans une matière aussi essentielle, mais
puisque mon droit de m'expliquer à cet égard est douteux, je n'insisterai pas.
M. de Mérode. - Il y a évidemment fait personnel. On fait dire à
l'honorable M. Orban précisément le contraire de ce qu'il a dit.
M. Orban. - Sans doute. On me fait dire que le
Luxembourg n'a besoin de rien. Je crois que s'il est des paroles contre
lesquelles on doive protester, ce sont bien celles-là. Je ne crois donc pas
abuser, en cette occasion, du droit de réclamer la parole pour un fait
personnel.
M. le président. - Lorsqu'on interprète mal un discours, cela ne
constitue pas un fait personnel. Sans quoi, je devrais accorder constamment la
parole pour des faits personnels.
M. Eloy de
Burdinne. -
Je demande la parole pour un fait personnel.
M. le président. - Je ne puis accorder la parole à l’honorable
membre ; car il n'y a pas la de fait personnel. La parole est à M. Dumortier sur
la clôture.
M. Dumortier. - Je voulais faire valoir les droits de la
province du Hainaut.
Mais puisque la chambre paraît empressée de
clore cette discussion, je n'insiste pas pour la prolonger.
M. de La Coste. - Ce qui m'a porté à demander la parole, ce qui me
fait désirer que la discussion continue, c'est que M. le ministre de
l'intérieur, si je l'ai bien compris, a déclaré qu'on suivrait la même marche
que les années précédentes ; or dans la section centrale, si ma mémoire ne me
trompe, on s'est prononcé d'une voix unanime contre la marche qui a été suivie.
Je voudrais donc pouvoir provoquer de nouvelles explications, car si je devais
prendre cette déclaration à la lettre, si je ne devais pas espérer que M. le
ministre fera une répartition plus égale que par le passé, je devrais à regret
refuser mon suffrage à la loi.
M. le président. - Je rappellerai à l'honorable membre qu'il ne
s'agit que de la demande de clôture.
- La chambre consultée prononce la clôture.
M. Osy. -
L'honorable M. de Theux a fait une observation fort juste ; il devrait être
fait mention dans la loi que ce crédit forme un article du budget de
l'intérieur.
M. le président. - La discussion est close. Aucune proposition
n'est plus recevable. Mais il a été déclaré que l'article serait ainsi entendu.
- Il est procédé au vote par appel nominal sur
l'article unique du projet de loi qui est adopté à l'unanimité des 47 membres
qui prennent part au vote, un membre (M. Loos) s'étant abstenu parce qu'il n'a
pas assisté à la discussion.
Ont pris part au vote : MM. Lejeune, Lesoinne,
Liedts, Lys, Maertens, Malou, Mercier, Orban, Osy, Rodenbach, Sigart, Simons,
Troye, Van Cutsem, Vandensteen, Veydt, Wallaert, Zoude, Anspach, Biebuyck,
Clep, David, de Baillet, de Bonne, Dechamps, de Chimay, de Haerne, de La Coste,
de Meester, de Mérode, de Muelenaere, de Renesse, de Sécus, Desmet, de Terbecq,
de Theux, de Tornaco, de Villegas, Donny, Dumortier, Duvivier, Eloy de
Burdinne, Fallon, Huveners, Jonet, Kervyn, Lange.
- La séance est levée à 4 heures et demie.