Accueil Séances
plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Bibliographie et
liens Note d’intention
Séance précédente
Séance suivante
Chambre des représentants de Belgique
Séance du lundi 22 mars 1847
Sommaire
1) Pièces adressées à la
chambre
2) Rapport sur des
pétitions relatives, notamment, aux droits d’entrée sur les bois (Zoude, Osy) et au recensement des
denrées alimentaires (Zoude, Lebeau,
de Theux)
3) Projet de loi relatif au
personnel du tribunal de première instance de Nivelles (Jonet)
4) Projet de loi, amendé
par le sénat, relatif à la remise du droit de tonnage pour les navires
important des denrées alimentaires (Osy)
5) Projets de loi accordant
des naturalisations (Dumortier)
6) Projet de loi prorogeant
le délai d’exécution du chemin de fer du Luxembourg (Vandensteen,
(+chemin de fer de Jurbise) Dumortier, de Bavay, Osy, (+canal de Meuse et
Moselle) de Bavay, Vandensteen,
d’Hoffschmidt, Nothomb,
(+canal de Meuse et Moselle) (Orban, de
Bavay, Osy, d’Hoffschmidt,
Lesoinne, Osy)
7) Projet de loi relatif à
la répression des offenses à la personne royale et délits de presse, code pénal
(Verhaegen, d’Anethan, Verhaegen, d’Anethan, Castiau)
(Annales parlementaires de Belgique, session
1846-1847)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 1249) M. Huveners fait l'appel
nominal à une heure et un quart.
M.
de Man d’Attenrode lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est
approuvée.
M. Huveners présente l'analyse des pièces
adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Le sieur Pasque demande
l'institution d'un conseil supérieur de milice, et exemption du service
militaire pour ses deux fils Isidore et Henri. »
- Dépôt sur le bureau
pendant la discussion relative au voie définitif du projet de loi modifiant la
législature sur la milice. »
____________________
« Les sieurs Mathieu
et Beckert, maréchaux de logis de gendarmerie, réclament l'intervention de la
chambre pour obtenir le payement de leur boni de la masse d'habillement et de
fourrage en leur qualité de maréchaussées de la compagnie du grand-duché de
Luxembourg. »
- Renvoi à la commission
des pétitions.
____________________
« Plusieurs ateliers d'Anvers et de Boom
demandent le retrait de l'arrêté qui accorde le transport gratuit sur les
chemins de fer de l'Etat, des céréales et autres denrées alimentaires. »
- Même renvoi.
COMPOSITION DES BUREAUX DE SECTIONS
Les sections de mars se
sont constituées comme suit :
Première section
Président : M.
Lejeune
Vice-président : M.
de Corswarem
Secrétaire : M. de
Breyne
Rapporteur de
pétitions : M. Clep
Deuxième section
Président : M. Osy
Vice-président : M.
Dubus (aîné)
Secrétaire : M.
Lesoinne
Rapporteur de
pétitions : M. Vanden Eynde
Troisième section
Président : M. de
Garcia
Vice-président : M.
de Lannoy
Secrétaire : M.
Veydt
Rapporteur de
pétitions : M. Loos
Quatrième section
Président : M.
Fleussu
Vice-président : M.
Sigart
Secrétaire : M. de
Roo
Rapporteur de
pétitions : M. A. Dubus
Cinquième section
Président : M.
Mercier
Vice-président : M.
Lange
Secrétaire : M. de
Villegas
Rapporteur de
pétitions : M. Zoude
Sixième section
Président : M. de
Mérode
Vice-président : M.
Wallaert
Secrétaire : M. Van
Cutsem
Rapporteur de
pétitions : M. Pirmez
RAPPORTS DE PETITIONS
M. Zoude,
rapporteur. -
Messieurs, vous avez renvoyé à voire commission d'industrie l'examen d'une
pétition par laquelle le sieur Denis Crayen réclame la restitution d'une partie
du droit qu'il a payé à l'entrée de certaine quantité de bois de cèdre en septembre
1844.
Le pétitionnaire fonde sa
demande sur le texte de la loi du 21 juillet 1844, qui frappe du droit de 50 c.
par 100 kil. le cèdre introduit du lieu de provenance par navire national.
Mais, par suite, dit-il,
d'une instruction particulière, inconnue des contribuables comme de la
législature, et qui aurait été copiée des instructions françaises qui n'ont
jamais été mises en vigueur, ce bois a été considéré comme acajou femelle ou
cèdre odorant, et soumis, comme bois d'ébénisterie, au droit de fr. 1 50.
Cependant
l'administration, mieux instruite, décida, à la suite de plusieurs
réclamations, qu'il y avait lieu d'assimiler le bois d'acajou femelle, cèdre
odorant, au cèdre ordinaire, quant au droit d'entrée.
Fort de cette décision,
le pétitionnaire réclama le remboursement de son trop payé ; mais il lui fut
répondu que les instructions qui avaient été données pour la perception du
droit étaient fondées au point de vue de la légalité, et que les dispositions
qui avaient été prises depuis ne stipulant que pour l'avenir, il n'y avait pas
lieu de donner h cette mesure un effet rétroactif.
Cependant la loi, en
employant le mot « cèdre », s'est servie d'une expression générique,
qui devait être applicable à toutes les espèces de cèdres, odorant ou non ; et,
à cet égard, aucune distinction n'a été établie dans la loi, ni dans les
discussions qui l'ont précédée.
Mais, dit M. le ministre,
l'administration a été amenée à faire connaître aux employés qu'il ne fallait
pas confondre l'acajou femelle, cedrela odorata, avec le cèdre.
Mais où
la loi ne distingue pas, est-il bien loisible au gouvernement de distinguer ?
Et, à ce sujet, on a soulevé la question de savoir si le gouvernement n'avait
pas empiété sur le pouvoir, législatif, soit lors de la première décision, qui
a porté le droit à fr. 1 50, soit lors de la seconde qui l'a réduit à 50
centimes.
La majorité de la
commission n'a pas voulu résoudre cette question, et, sans appuyer ni rejeter
la pétition, elle a voté pour son renvoi pur et simple à M. le ministre des
finances.
Telle est, messieurs, la
conclusion que la commission d'industrie m'a chargé de vous présenter.
M. Osy. - Messieurs, l'objet dont il s'agit
dans la pétition sur laquelle il vient d'être fait rapport, cet objet n'est pas
important en lui-même, mais il s'agit d'un principe. Sous le ministère de
l'honorable M. Mercier, lors de l'exécution de la loi sur les droits
différentiels, on avait taxé les bois de cèdre comme les autres bois, à un taux
beaucoup trop élevé ; les pétitionnaires avaient réclamé contre cette
application de la loi, mais l’honorable M. Mercier n’avait pas cru pouvoir
faire droit à leur réclamation ; sous le ministère de l’honorable M.
Malou, on a trouvé que les pétitionnaires avaient raison, que le tarif avait
été mal appliqué ; le gouvernement a décidé alors qu'à l'avenir ces bois
payeraient un droit de... Maintenant le pétitionnaire dit qu'il est juste qu'on
lui restitue ce qu'il a payé illégalement. Si le changement avait été fait par
une loi, la loi ne pouvant pas avoir un effet rétroactif, ce qui avait été payé
aurait été acquis au trésor, mais c'est le gouvernement qui a fait le
changement par arrêté royal ; or, le gouvernement ne pouvait pas modifier la
loi ; il a pu seulement décider que la loi avait été mal appliquée et dès lors
ce qui a été perçu en trop doit être restitué.
Je demande donc que la
pétition soit renvoyée non seulement à M. le ministre des finances, mais aussi
à M. le ministre des affaires étrangères, qui. est chargé du commerce, et que
le renvoi ail lieu avec demande d'explication.
- Cette proposition est
adoptée.
M. Zoude,
rapporteur. - Le
conseil communal d'Ath demande une loi qui ordonne le recensement immédiat des
denrées alimentaires existant dans le pays.
Plusieurs fabricants,
négociants et ouvriers de la commune de Mozet demandent qu'on fasse le relevé
des grains qui se trouvent dans le pays et qu'une loi en ordonne la vente.
Ces deux pétitions sur
lesquelles vous avez demandé un prompt rapport, réclament de la chambre une
mesure d'urgence, indispensable, disent les pétitionnaires, pour soulager la
misère résultant du prix excessif des céréales ; cette mesure consiste dans un
recensement général et immédiat de toutes les denrées alimentaires, d'où
résulterait, dit le conseil communal de la ville d'Alh, que les populations
seraient rassurées contre la crainte de la famine, parce qu'on acquerrait la
preuve que les approvisionnements excèdent de beaucoup les besoins de la
consommation, et qu'une baisse sensible aurait lieu bientôt sur les mercuriales
de tous nos marchés.
La pétition de la commune
de Mozet (Namur) va beaucoup plus loin, elle demande qu'après le recensement on
ordonne la vente des céréales à un prix tel que la spéculation des accapareurs
soit déjouée.
Votre commission déplore,
avec les pétitionnaires, la profonde misère dans laquelle les classes les plus
nombreuses de la population sont plongées, mais elle ne croit pas bien
efficaces les moyens proposés pour y apporter du soulagement.
D'abord, les accapareurs
qui sont signalés, comme spéculant particulièrement sur la misère du peuple,
chercheront à se soustraire à l'indignation de leurs concitoyens, en cachant
leurs grains, de manière à être à l'abri de toute recherche, même au risque de
leur faire subir de l'altération, ce qui, au lieu de soulager, augmenterait
encore la détresse ; il en serait de même de la plupart de ceux dont les
approvisionnements ne surpassent guère les besoins, et à qui serait confiée la
mission de déterminer la mesure de ces besoins, sans exposer ces individus à un
effrayant arbitraire.
Et
puis, quel est le négociant qui en présence d'une loi telle que celle que
sollicitent les pétitions, oserait se hasarder de répondre à l'appel que le
gouvernement fait au commerce pour lui faciliter l'introduction des grains
étrangers auxquels il accorde la circulation gratuite par le chemin de fer, et
lorsque cette protection vient d'être renforcée par la restitution des droits
de tonnage, qui sera faite aux navires qui auront importé les denrées ?
Les mesures proposées par
les pétitionnaires ont été certainement dictées par des sentiments d'une
patriotique philanthropie ; mais leur exécution ne tarderait guère à faire
éprouver à la Belgique les maux que la loi du maximum a fait peser sur la
France.
Toutefois, votre
commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de ces pétitions au
département de l'intérieur.
M. Lebeau. -Messieurs, je crois que les conclusions sur cette (page
1250) pétition sont très graves et je demanderai que le rapport soit imprimé.
Je crois que c'est la première pétition de ce genre que nous recevions. Il
s'agit de faire intervenir le gouvernement dans le règlement du prix des subsistances
; c'est une espèce de projet de loi de maximum, autant qu'il m'a été possible
de saisir le sens de la pétition. Je craindrais que le renvoi, même sans
discussion, à un département ministériel, n'emportât, aux yeux des
pétitionnaires, une sorte d'acquiescement de la part de la chambre. Si j'avais
quelque chose à proposer immédiatement ce serait l'ordre du jour ; mais je ne
veux pas faire cette proposition ; je demande simplement que la chambre ne
statue que lorsque le rapport aura été imprimé et distribué.
M.
le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Quelle que soit la décision de la chambre, je ne la
considérerai pas comme une invitation à donner suite à la mesure signalée par
le pétitionnaire.
_______________
M. Zoude,
rapporteur. - Le
sieur Libert, fermier de la barrière n° 1, sur la roule de Jemeppe à
HolIogne-aux-Pierres, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir une
indemnité du chef des pertes qu'il subit par suite du mauvais état de cette
route, et demande que le gouvernement la fasse réparer.
Le pétitionnaire expose à
la chambre qu'il éprouve un préjudice notable qu'il évaile même à 6 fr. 50 par
jour, résultant du mauvais état dans lequel on laisse la route de Jemeppe à
Hollogne-aux-Pierres. dont il occupe à ferme une des barrières principales ;
que c’est en vain qu'il a appelé l'attention de l'administration des ponts et
chaussées sur l'urgence des réparations à y faire, surtout que son état de
dégradation est tel que les petits charretiers peu chargés l'abandonnent pour
aller à travers champs, tandis que le gros roulage fait un long détour pour ne
pas se risquer dans une route devenue presque impraticable.
Votre commission estime
qu'il suffit de signaler cet état de choses à M. le ministre des travaux
publics, pour qu'il y soit bientôt porté remède.
Votre commission a
l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition au département des
travaux publics.
- Ces conclusions sont
adoptées.
_______________
M. Zoude,
rapporteur
termine en faisant rapport sur la requête du sieur Vanmuysewinckel, ancien
militaire de l'empire, qui réclame l'intervention de la chambre pour obtenir
les arrérages de sa pension.
La commission conclut au
renvoi à M. le ministre des finances.
- Ces conclusions sont
adoptées.
PROJET DE LOI RELATIF A L’AUGMENTATION DU NOMBRE DE JUGE DU TRIBUNAL DE
NIVELLES
M. Jonet. - Messieurs, j'ai l'honneur de
déposer le rapport de la section centrale, relatif à l'augmentation d'un juge
au tribunal de Nivelles.
- Le rapport sera imprimé
et distribué ; la chambre en fixera ultérieurement la discussion.
M. Jonet,
rapporteur. -
Messieurs, à cette occasion, la section centrale a été saisie d'une pétition
des avoués du tribunal de Nivelles qui demandent en premier lieu que la chambre
adopte le plus tôt possible le projet de loi sur lequel je viens de déposer le
rapport de la section centrale ; en second lieu, qu'on nomme un commis de plus salarié
par l'Etat ; en troisième lieu qu'on révise le tarif des frais et dépens en
matière civile.
La section centrale
propose à la chambre de déposer cette requête pendant la discussion du projet
de loi, et de renvoyer la pétition à M. le ministre de la justice pour le
surplus.
- Ces conclusions sont
adoptées.
NOMINATION D’UNE COMMISSION
M. le président. - Messieurs, dans une séance
précédente vous avez chargé le bureau de nommer une commission pour examiner le
projet de loi relatif à l'aliénation de quelques biens domaniaux. Un projet de
la même nature a été examiné dans une session antérieure par MM. Vilain XIIII,
président, Sigart, Kervyn, de Brouckere, de Terbecq, Mast de Vries et de
Villegas ; le bureau confirme cette commission dans ses fonctions, sauf qu'elle
remplace M. de Brouckere, qui est indisposé, par M. Orts.
PROJET DE LOI RELATIF A LA REMISE DU DROIT DE TONNAGE POUR LES NAVIRES
IMPORTANT DES DENREES ALIMENTAIRES
Discussion générale
M. le président. - La discussion générale s'ouvre sur
l'ensemble du projet, tel qu'il a été amendé par le sénat.
M. Osy. - Messieurs, dans la séance de
samedi, l'honorable M. Loos avait demandé la remise à aujourd'hui de la discussion
du projet de loi amendé par le sénat. Je viens de recevoir une dépêche
télégraphique qui m'annonce que malheureusement M. Loos a manqué le convoi. Il
était nécessaire de motiver l'absence de cet honorable membre ; il aurait pu
paraître extraordinaire que celui qui avait demandé l'ajournement de la
discussion à lundi, ne se trouvât pas à son poste.
Nous devons regretter que
cette loi ait dû être amendée au sénat. Si on nous avait laissé vingt-quatre
heures pour l'examiner, cela n'aurait pas eu lieu. II y a quinze jours que la
loi nous a été présentée ; je n'avais entendu que les développements du
ministre qui demandait qu'on accordât la remise du droit de tonnage à ceux qui
mettraient des denrées alimentaires en consommation ; la rédaction de la loi
était contraire aux développements du ministre. C'est là un précédent qui doit
engager les ministres à nous laisser le temps d'examiner les lois ; il est
vraiment fâcheux d'être obligé d'amender du jour au lendemain une loi aussi
simple ; il aurait été si facile de rédiger la loi comme elle aurait dû être
rédigée, sans qu'on fût obligé de la recevoir amendée des mains du sénat.
Messieurs, la loi amendée
maintenant par le sénat, atteint le but que nous nous proposions, d'engager les
importateurs à mettre le plus tôt possible en consommation les denrées
alimentaires importées.
Il ne faut pas croire que
cette loi soit si importante qu'on le suppose. J'ai entendu dire au sénat que
le droit de tonnage équivalait à 1 franc par hectolitre. J'ai examiné la loi et
j'ai trouvé que, pour les navires les moins favorisés, le droit était de 18
centimes par hectolitre.
Les navires les plus
favorisés payent 45 cent, par an et par tonneau, qu'ils entrent une ou
plusieurs fois ; les moins favorisés payent 1 fl. 50, ce qui fait 18 centimes
par hectolitre. Vous voyez que c'est fort peu de chose.
Comme je le disais tout à
l'heure, la manière dont la loi est rédigée est conforme à l'intention du
gouvernement. Je l'appuierai. Cependant, s'il y avait eu une discussion,
j'aurais demandé une faveur plus grande, car 18 centimes sont une faveur
illusoire. Maintenant que la loi a déjà été votée au sénat, je crois qu'il
convient de l'adopter telle qu'elle est présentée.
Je donne donc mon
assentiment au projet de loi en exprimant le vœu qu'à l'avenir on nous donne le
temps d'examiner les lois qu'on nous présente avant de nous demander de les
voter. Je les examine pour le moment où on les met en discussion ; nous en
avons tant que si nous les étudions avant, nous les aurions perdues de vue quand
on en tiendrait à la discussion.
L'amendement introduit à
l'article 3 ne fait que le rendre plus explicite ; il allait sans dire qu'en
déclarant que les effets de la loi pourraient être prorogés, on devait entendre
: par le gouvernement.
- On passe à la discussion
des articles.
Discussion des articles et vote sur l’ensemble du projet
« Art. 1er. Les personnes
qui, avant le 1er octobre 1847, déclareront pour la consommation des denrées
alimentaires, obtiendront, au prorata des quantités, la restitution du droit de
tonnage payé par les navires qui auront importé ces denrées. »
- Adopté.
________________
« Art. 2. Jusqu'au 1er
septembre 1847, il est interdit d'employer des pommes de terre où des fécules
de pommes déterre pour la distillation.
« Toute contravention
au présent article sera punie d'une amende de 500 à 1,000 fr.
« En cas de récidive,
l'amende pourra être portée au double. »
- Adopté.
________________
« Art. 3. Les effets de la présente loi
pourront être prorogés, par le gouvernement, en tout ou en partie, jusqu'au 1er
décembre 1847. »
- Adopté.
________________
« Art. 4. La présente loi sera obligatoire le
lendemain de sa publication. »
- Adopté.
________________
Il est procédé par appel
nominal au vote sur l'ensemble. Le projet de loi est adepte à l'unanimité des
54 membres qui ont répondu à l'appel. En conséquence il sera soumis à la
sanction royale.
Ont répondu à l'appel :
MM. de Renesse, Desmet, de Theux, de Tornaco, de T'Serclaes, de Villegas,
d'Hoffschmidt, Dolez, Donny, Dubus (Albéric), Eloy de Burdinne, Fleussu,
Goblet, Henot, Huveners, Jonet, Kervyn, Lange, Lebeau, Le Hon, Lejeune,
Lesoinne, Lys, Malou, Mercier, Nothomb, Orban, Osy, Pirson, Rodenbach, Rogier,
Sigart, Simons, Troye, Van Cutsem, Vandensteen, Vilain XIIII, Zoude, Biebuyck,
Cans, Castiau, Clep, d'Anethan, de Baillet, de Bonne, de Breyne, de Corswarem,
Dedecker, de Garcia, de Haerne, d'Elhoungne, de Man d'Attenrode, de Meester, de
Mérode et Liedts.
Discussion générale
La chambre adopte sans
discussion les projets de loi suivants :
« LÉOPOLD, Roi des
Belges, A tous présents et à venir, salut.
« Vu la demande du
sieur Jean-Henri Hartz, capitaine en second de navire de commerce, à Gand, né à
Marne (Danemark), le 25 décembre 1809, tendant à obtenir la naturalisation
ordinaire ;
« Attendu que les
formalités prescrites par les articles 7 et 8 de la loi du 27 septembre 1835
ont été observées ;
« Attendu que le
pétitionnaire a justifié des conditions d'âge et de résidence exigées par
l'article 5 de ladite loi ;
« Les chambres ont
adopté et nous sanctionnons ce qui suit :
« Article unique. La
naturalisation ordinaire est accordée audit sieur Jean-Henri Hartz. »
- La formule qui précède
est applicable à chacune des demandes des sieurs :
Philippe-Gothard
Bechtold, tapissier décorateur, né à Mayence (Hesse), le 14 mars 1818,
demeurant à Liège.
________________
Bernard-Woldemar Von
Carlowitz, capitaine de première classe au premier régiment de chasseurs à
cheval, né à Dresde (Saxe).
________________
Eppe Pot, sergent à la
compagnie sédentaire d'artificiers, né à Appingadam (Pays-Bas), domicilié à
Huy.
________________
Alexandre-Louis Cousin,
chef de musique au 2ème régiment de ligne, né à Pau (France).
________________
Chrétien-Guillaume
Schirmer, musicien-gagiste au 2ème régiment de ligne, né à Kleinenhausen
(Saxe-Weimar).
________________
(page
1251) François-Barthélémy Ferrand, préposé de première classe des douanes,
né à Saint-Zacharie (France), le 17 nivôse an X, demeurant à Groot-Brogel
(Limbourg).
________________
Jens-Jean Michaelsen,
capitaine de navire, né à Morsum (Danemark), le 30 août 1800, domicilié à
Anvers.
________________
Jean-Christophe Schroder,
chef de musique au 7ème régiment de ligne, né à Leyde (Pays-Bas).
________________
Henri Jessen, ex-gendarme
à cheval, pensionné et cabaretier, né à Susterzeel (Prusse), domicilié à
Zoersel (Anvers).
________________
Jacques-Antoine Karski,
maréchal des logis au 3ème régiment d'artillerie, né à Lisakow (Pologne).
________________
Isaac-Simon Kinsbergen,
musicien-gagiste au 6ème régiment de ligne, né à Amsterdam (Pays-Bas).
________________
Joseph Vinkelmeyer,
musicien-gagiste, décoré de la croix en métal et de la médaille de bronze des
Pays-Bas, au 6ème régiment de ligne, né à Flessingue (Pays-Bas).
________________
Thomas-Alphonse Gillet,
instituteur, né à Brandeville (France), le 2 septembre 1807, demeurant à
Neerheylissem (Brabant).
________________
George-Frédéric-Conrard
Raupers, lieutenant d'infanterie pensionné, né à Ilten (Hanovre), domicilié à
Liège.
________________
Achille Charpiny,
lieutenant au 8ème régiment de ligne, né à Paris (France).
________________
Jean Deppé, garde
d'artillerie de troisième classe, né à Groningue (Pays-Bas), le 15 février
1798.
________________
Eugène-Barthélémy Baillet,
sous-lieutenant au 1er régiment de chasseurs à pied, né à Bordeaux (France), le
7 octobre 1819.
________________
Louis-Frédéric Dratz,
sous-lieutenant au 1er régiment de ligne, né à Bâle (Suisse), le 27 juin 1811.
________________
Adrien Tak, caporal au
5ème régiment de ligne, né à Oud-en-Nieuw-Gastel (Pays-Bas), le 11 février
1808.
________________
Hipolyte-Louis-Georges de
Wacquant, maréchal des logis chef au 9ème régiment de chasseurs à cheval, né à
Villers-devant-Orval (Luxembourg), le 2 août 1815.
________________
Antoine-Louis Fluc,
gardien de première classe à la maison de force, né à Courrendlin (Suisse), le
23 mars 1792, demeurant à Gand.
________________
Pierre-Ignace-Joseph
Vaillant, employé comptable et teneur de livres, né à Lompret (France), le 4
mai 1807, demeurant à Bruxelles.
________________
Jean Nuyens, soldat au
9ème régiment de ligne, né à Geldorp (Pays-Bas), le 30 mars 1815.
________________
François Fuzelier,
premier commis à l'administration du chemin de fer, né à Abbeville (France), le
31 décembre 1777, demeurant à Bruxelles.
________________
Chrétien Van den Berck,
professeur au collège communal, né à Uden (Pays-Bas), le 3 mai 1803, demeurant
à Tongres.
________________
Pierre-Philippe-Edouard-Natalie
le Bouc de Beaudignies, propriétaire, né à Prague (Bohème), le 17 novembre
1794, demeurant à Cruybeke (Flandre orientale).
________________
Edgard Neave,
propriétaire, né à Londres, le 10 décembre 1810, demeurant à Gand.
________________
Evrard Veldhuis,
lieutenant au 1er régiment de ligne, né à Aalten (Pays-Bas), le 12 août 1797.
________________
Charles-Joseph-Fortuné
Sordelli, lieutenant au 4ème régiment d'artillerie, né à Milan, le 24 septembre
1800.
________________
James Woods, chef
d'atelier à la station du chemin de fer, né à Prescott (Angleterre), le 26 mars
1815, demeurant à Ans (Liège).
________________
Thomas Stobbart,
conducteur-constructeur à l'administration des chemins de fer de l'Etat, né à
Barnard-Castle (Angleterre), le 31 juillet 1799, demeurant à Malines.
________________
Benoît Saltsherr,
contrôleur à la manufacture d'armes de guerre du gouvernement, né à Culenborg
(Pays-Bas), le 19 février 1791, demeurant à Liège.
________________
Auguste-Joseph Lambelin,
propriétaire et cultivateur, né à Ennevelin (France), le 2 nivôse an IV,
demeurant à Pecq (Hainaut).
________________
Joseph Krolikowski,
professeur de langue allemande et de dessin, né à Przybïszewo (Pologne), le 11
janvier 1811, demeurant à Bruxelles.
________________
John Robinson, chef
d'atelier à l'administration des chemins de fer de l'Etat, né à
Bishop-Wearmouth (Angleterre), le 28 janvier 1809, demeurant à Liège.
________________
Thomas Embleton, chef
d'atelier à la station du chemin de fer à Tirlemont, né à Starnington
(Angleterre), le 18 octobre 1800.
________________
Paul Muller, employé à
l'administration des chemins de fer de l'Etat, né à Gerolstein (Prusse), le 11
floréal an XI, demeurant à Saint-Josse-ten-Noode (Brabant).
________________
Paul-Ernest Feer,
maréchal des logis au 2ème régiment d'artillerie, né à Canteleu (France), le 2
octobre 1824.
________________
Harm-Henri Wagener,
capitaine de navire, né à Grosholen (Hanovre), le 12 septembre 1790, domicilié
à Anvers.
________________
Teunis Douwes, capitaine
de navire, né à Schiermonnikoog (Pays-Bas), le 1er mai 1789, domicilié à
Anvers.
________________
Chrétien Devries,
capitaine en second de navire, né à Carolinen-Syhl (Hanovre), le 20 août 1814,
domicilié à Anvers.
________________
Joachim-Frédéric-Christophe
Barckentien, capitaine de navire, né à Lubeck (Allemagne), le 7 août 1803,
domicilié à Anvers.
________________
Jean-Henri Kruse,
capitaine en second de navire, né à Damme (Oldenbourg), le 25 février 1815,
domicilié à Anvers.
________________
Niels-Jean Falk,
capitaine en second de navire, né à Bergen (Norwège), le 1er janvier 1792,
domicilié à Anvers.
________________
Clément Sahlfeld,
capitaine de navire, né à Steinfeld (Oldenbourg), le 21 juillet 1810, domicilié
à Anvers.
________________
Bernard Vulhopp,
capitaine de navire, né à Lohne (Oldenbourg), le 20 octobre 1817, domicilié à
Anvers.
________________
Hilderik Visser,
capitaine en second de navire, né à Ditsum (Hanovre), le 7 novembre 1818.
________________
Jean-Corneille Brarens,
capitaine de navire en second, né à Oldsum ( Danemark), le 3 octobre 1813,
domicilié à Anvers.
________________
Otto-Albert Ninteman,
capitaine de navire, né à Papenbourg (Hanovre), le 3 décembre 1808, domicilié à
Anvers.
________________
Jean-Herman Weyerts,
capitaine de navire, né à Carolinen-Syhl (Hanovre), le 27 janvier 1813,
domicilié à Anvers.
________________
Michel-Chrétien
Michaelsen, capitaine de navire, né à l'Ile de Sylt (Danemark), le 11 septembre
1787, domicilié à Anvers.
________________
Eugène Le Bègue,
surveillant des travaux de la Meuse, né à Nemours (France), le 18 fructidor an
II, domicilié à Liège.
________________
Antoine-Joseph-Louis
Lacroix, commissaire de police, né à Bruxelles (Belgique) (a perdu la qualité
de Belge pour avoir pris du service militaire à l'étranger), domicilié à Gand.
________________
Benoit-Ernest Tahon,
garde-convoi à l'administration des chemins de fer de l'Etat, né à Quievrechain
(France), le 4 janvier 1806, domicilié à ; Bruxelles.
________________
Jean-Baptiste Ovide,
sergent au 5ème régiment d'infanterie, né à Mézières (France), le 31 août 1816.
________________
Gottlieb-Gottschalck
Gluge, docteur en médecine, professeur à l'université libre de Bruxelles, né à
Brakel (Prusse), domicilie à Saint-Josse-ten-Noode-lez-Bruxelles.
________________
Philippe-Théodore
Dassonville, employé à l'administration des chemins de fer de l'Etat, né à
Lille (France), le 26 septembre 1795, domicilié à Malines.
________________
Pierre-Alexandre Fournel,
négociant teinturier, né à Paris, le 23 avril 1813, domicilié à Bruxelles.
________________
Luc-Jean Dalleu,
cultivateur et boulanger, né à Waalwyck (Pays-Bas), le 1er juillet 1814,
domicilié à Poppel (Anvers).
________________
Charles-Théodore Timm,
capitaine de navire, né à Gosen (Prusse), le 17 août 1812, domicilié à Anvers.
________________
Corneille Zoetelief,
capitaine de navire, né au Texel (Pays-Bas), le 14 janvier 1799, domicilié à
Anvers.
________________
Martin-Charles Schmidt,
capitaine de navire, né à Wolgast (Prusse), le 4 septembre 1805, domicilié à
Anvers.
________________
Jurgen-Frédéric Jepsen,
capitaine de navire, né à Oldsum (Danemark), le 19 avril 1808, domicilié à
Anvers.
________________
Jean-Joachim Schulz,
capitaine en second de navire, né à Stralsund (Prusse), le 19 mars 1803,
domicilié à Anvers.
________________
Dierk Stinze, capitaine
de navire, né à Rahde (Hanovre), le 25 décembre 1791, domicilié à Anvers.
________________
Jean Musing, capitaine en
second de navire, né à Papenbourg (Hanovre), le 2 juillet 1814, domicilié à
Anvers.
________________
Adrien-Jacques
Adriaansen, capitaine de navire, né à Zierikzee (Pays-Bas), le 8 avril 1804,
domicilié à Anvers.
________________
Nicolas Nolting,
capitaine en second de navire, né à Embden (Hanovre), le 27 juillet 1817,
domicilié à Anvers.
________________
Diederich Stinze,
capitaine de navire, né à Rahde (Hanovre), le 12 novembre 1816, domicilié à
Anvers,
________________
- Il est procédé au vote
par appel nominal sur l'ensemble de ces projets.
55 membres répondent à
l'appel nominal.
1 membre (M. Dumortier)
s'abstient.
54 votent l'adoption.
En conséquence, ces
projets sont adoptés ; ils seront transmis au sénat.
Les
membres qui ont pris part au vote sont : MM. de Renesse, Desmet, de Theux, de
Tornaco, de Villegas, d'Hoffschmidt, Dolez, Donny, A. Dubus, Eloy de Burdinne,
Fleussu, Goblet, Henot, Huveners, Jonet, Kervyn, Lange, Lebeau, Le Hon,
Lejeune, Lesoinne, Liedts, Lys, Malou, Mercier, Nothomb, Orban, Osy, Pirson,
Rodenbach, Rogier, Sigart, Simons, Troye, Van Cutsem, Vandensteen, Vilain
XIIII, Zoude, Biebuyck, Cans, Castiau, Clep, d'Anethan, de Baillet, de Bonne,
de Breyne, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de Garcia de la Vega, de Haerne,
d'Elhoungne, de Man d'Attenrode, de Meester.
M. Dumortier. - Messieurs, parmi les personnes
auxquelles on vient d'accorder la naturalisation, il est des capitaines de
navires, auxquels je n'aurais pas hésité à l'accorder, mais il y a aussi un
grand nombre de fonctionnaires publics, et il m'était impossible de voter ainsi
70 ou 80 naturalisations eu faveur de fonctionnaires. Depuis quelques années
nous avons accordé dix fois autant de naturalisations qu'on en avait accordé pendant
toute la durée du royaume des Pays-Bas. On commence par donner des emplois à
des étrangers, notamment dans l'administration des chemins de fer, et ensuite
on se prévaut de leur nomination pour leur accorder la naturalisation. C'est
une chose que je ne puis assez déplorer lorsqu'il est tant de personnes en
Belgique qui sollicitent de petits emplois sans pouvoir en obtenir.
Je désirerais que M. le
ministre de la justice voulût bien nous présenter un tableau des
naturalisations qui ont été accordées depuis la révolution, et de celles qui
l'ont été sous le royaume des Pays-Bas. Il est temps, messieurs, que nous
mettions un terme à toutes ces naturalisations.
PROJET DE LOI TENDANT A PROROGER LE DELAI D’EXECUTION DU CHEMIN DE FER
DU LUXEMBOURG
Discussion générale
(page 1252) M. Vandensteen. - Messieurs, le projet de loi
qui nous est fourni porte sur un seul article du cahier des charges conclu
entre la Société concessionnaire du Luxembourg. D'après le projet, il
semblerait qu'il n'y eût que le seul article 12 qui contiendrait une clause de
déchéance pour non-exécution de condition ; il n'en est cependant rien, car les
articles 19 et 20 stipulent aussi la même garantie. L'article 19 porte : « Si
dans le délai d'une année, à partir de la promulgation de la loi de concession,
les concessionnaires n'ont pas commencé leurs travaux, ils seront par ce seul
fait, et de plein droit, déchus de leur concession, sans qu'il soit besoin
d'aucune mise en demeure quelconque ». Art. 20.
« Les concessionnaires sont également déchus de tous leurs droits, si tous
les travaux n'étaient pas complètement achevés endéans le délai fixé par
l'article 12 et au vœu de cet article, comme aussi dans le cas où les travaux
ne seraient pas à moitié terminés à l'expiration de la troisième année ».
Je n'ai point à m'occuper de l'article 19, puisque les travaux sont commencés ;
mais quelle sera la portée du dernier paragraphe de cet article dans le cas de
prolongation qui est stipulé dans le nouveau projet en discussion ? Si je
consulte le rapport de la section centrale, il semblerait que cette partie de
l'article 20 ne recevrait aucune modification, car on ne parle que de l'article
12, on ne fait aucune mention de l'article 20. Il y est dit qu'en accordant à
la Société la prolongation qui est demandée : « il ne sera porté atteinte à
aucune des garanties homologuées par la loi du 18 juin 1846 et qui doivent
conserver toute leur force. » Il est donc de toute nécessité que M. le ministre
nous dise sur ce point sa manière de voir pour éviter toute difficulté par la
suite. Le projet en discussion s'applique-t-il aussi bien à l'article 20 qu'à
l'article 12 ?
M. Dumortier. - Messieurs, j'ai demandé la parole quand un honorable
membre a parlé du chemin de fer de Jurbise. Mon but était d'apprendre du
gouvernement où en sont les travaux de ce chemin de fer.
Dans les environs de
Tournay on ne travaille nullement, et dans l'intérêt des classes ouvrières,
ainsi que dans l'intérêt de la loi que nous avons votée, il importe que ces
travaux soient poussés avec activité. Je désirerais savoir à quel point ils
sont arrivés, et quand nous pourrons espérer de voir ce chemin de fer mis en
exploitation.
M. le ministre des travaux publics (M.
de Bavay). -
Messieurs, les cas de déchéance sont effectivement ceux qui ont été indiqués
par l'honorable M. Vandensteen.
L'article 19 prévoit le
cas où les travaux ne seraient pas entamés dans l'année à partir de la
publication de la loi de concession. Les travaux sont entamés. Il s'ensuit que
cet article ne peut plus recevoir son application.
L'article 20 prévoit la
déchéance pour le cas où les travaux ne seraient pas à moitié terminés à
l'expiration de la troisième année. Ce cas de déchéance doit être envisagé
comme ayant été réglé, eu égard au temps accordé pour l'exécution.
Il me semble donc que la
prorogation du délai fixé à l'article 20 doit être considérée comme étant la
conséquence nécessaire et logique de la prorogation du délai d'exécution.
M. Nothomb. - Ce sera la
sixième année.
M. le ministre
des travaux publics (M. de Bavay). - Précisément ! Le délai d'exécution étant double, le terme
de trois ans, fixé à l'article 20, doit être considéré comme étant également
doublé.
L'honorable M. Dumortier
a désiré savoir quel est le degré d'avancement des travaux du chemin de fer de
Tournay à Jurbise. J'ai sous les yeux un rapport que j'ai reçu ce matin et où
est indiqué le degré d'avancement de ces travaux. Je le comprendrai dans
l'annexe au budget des travaux publics que je publierai pour faire droit à la
demande que m'a adressée l'honorable M. Rogier à la dernière séance.
M. Osy. - Lors de la discussion du projet de
loi relatif à la concession du chemin de fer du Luxembourg, je me suis, avec un
honorable député de Liège, fortement opposé à l'article 47, qui interdisait de
faire un chemin de fer très avantageux pour nos relations commerciales avec le
Rhin (de Pepinster sur Trêves).
Cependant j'ai voté pour
le projet de loi, parce que je voyais un avantage pour le pays à faire un
chemin de fer de Namur à Arlon. Mais si l'on accorde une prorogation à la
société du Luxembourg, peut-être aurait-on pu, en négociant, obtenir de faire
tomber l'article 47, pour voir s'il n'y aurait pas moyen de faire faire ce
chemin de fer, dont la concession a été demandée par une société de Trêves.
J'engage le gouvernement
à s'occuper, dans les négociations qui vont avoir lieu, de ce chemin de fer de
Trêves.
Mais je ne puis donner
mon assentiment au projet de loi ; je le trouve trop vague ; je ne puis
accorder au gouvernement le droit de changer le cahier des charges.
L'article porte :
« Art. unique. Le
gouvernement est autorisé, sous les garanties qui lui paraîtront nécessaires, à
proroger le délai fixé par l'article 12 du cahier des charges de la société du
chemin de fer du Luxembourg, sans toutefois que le terme puisse excéder dix
ans. »
Il y avait, pour la
construction du chemin de fer et du canal, un cautionnement de cinq millions.
Mais il y avait également dans le cahier des charges une disposition d'après
laquelle il fallait, pour que la restitution du cautionnement eût lieu, que les
travaux exécutés représentassent une somme double du montant de ce
cautionnement Or, le chemin de fer de Bruxelles à Wavre coûtera 10 millions.
Lors donc qu'il sera exécuté, le cautionnement devra être restitué et vous
n'aurez plus de cautionnement pour l'exécution du chemin de fer de Namur à
Arlon.
Vous aurez, me dira-t-on,
le chemin de fer de Wavre ; mais ainsi vous n'aurez rien ; la province de
Luxembourg, qui désire le chemin de fer n'aura rien.
J'aurais désiré qu'au
lieu du projet de loi on soumît à notre ratification une convention ; nous
aurions pu apprécier les modifications apportées au cahier des charges et
savoir si nous avions toutes garanties que le chemin de fer se fasse ; car, que
le chemin de fer se fasse jusqu'à Wavre, je le répète, la province de
Luxembourg n'y gagnera rien, car ce ne sera qu'un moyen de transport de la
capitale vers Namur et pas plus loin.
Je pense donc qu'il
serait préférable que le gouvernement fît avec la société un arrangement et
qu'il soumît cet arrangement à notre ratification ; nous verrions alors s'il y
a des garanties suffisantes pour avoir la certitude que le chemin de fer sera
achevé. Il n'y a aucun péril en la demeure. Les 30 p. c. qu'on a demandés aux
actionnaires suffiront à peine pour arriver jusqu'à Wavre : la construction de
la route jusqu'à Wavre ne nous donne aucune garantie que le chemin de fer sera
continué.
Je demande donc
l'ajournement du projet de loi jusqu'à ce que le gouvernement ait fait une
convention avec la société concessionnaire et ait soumis à notre ratification
cette convention ; cette mesure rendra le gouvernement beaucoup plus fort
vis-à-vis de la société ; elle est dans le véritable intérêt du Luxembourg, qui
acquerra par là une certitude que le chemin de fer sera achevé.
Je
suis persuadé que le gouvernement n'obtiendra pas l'assurance que 2 millions et
demi (la moitié du cautionnement) seront laissés dans les caisses du
gouvernement comme garantie de l'achèvement du chemin de fer. La société dira :
« Vous avez le chemin de fer de Bruxelles à Wavre pour caution. »
Quant au canal de Meuse
et Moselle, le terme est encore plus considérable que pour le chemin de fer.
Quelle garantie le gouvernement aura-t-il que ce canal se fera ? Pour ma part,
je ne vois aucune garantie pour la construction du canal et même pour le
commencement des travaux du chemin de fer du Luxembourg.
M. le ministre des travaux publics (M.
de Bavay). -
Messieurs, je ne pense pas que l'article en discussion puisse donner au
gouvernement le pouvoir de substituer en quelque sorte au cahier des charges
actuel un autre cahier des charges. Cet article autorise uniquement le
gouvernement à proroger le délai d'exécution, et de plus, il met, comme
condition à cette prorogation du délai d'exécution, des garanties
nouvelles ; par conséquent, il est impossible que cet article de loi
conduise à modifier le cahier des charges d'une manière qui soit préjudiciable
à l'intérêt général. Les modifications ne peuvent porter que sur deux points,
sur la prolongation du délai d'exécution, et sur les nouvelles garanties à
exiger ; hors de là, le cahier des charges doit être maintenu dans toutes ses
dispositions.
L'honorable préopinant
semble croire qu'une partie du cautionnement serait affectée au canal. C'est là
une erreur. D'après le cahier des charges, annexé à la loi du 18 juin 1846, le
cautionnement de 5 millions est affecté exclusivement au chemin de fer du
Luxembourg. Si aujourd'hui on devait diviser ce cautionnement, en affecter une
partie à une autre entreprise que celle du chemin de fer du Luxembourg, les
garanties d'exécution de ce chemin de fer en seraient affaiblies.
Je
pense qu'un cautionnement spécial pour le canal n'est pas nécessaire ; la
société a engagé un capital considérable dans cette opération du canal de Meuse
et Moselle ; il est impossible qu'après une avance aussi forte, cette affaire
soit abandonnée. Je répète donc qu'un cautionnement pour le canal n'est
nullement indispensable : ce cautionnement viendrait en déduction de celui du
chemin de fer du Luxembourg. La disposition indiquée serait donc contraire au
chemin de fer du Luxembourg ; de plus, ce serait une dérogation qui ne rentre
pas dans les termes du projet de loi actuellement en discussion.
L'honorable M. Osy a
indiqué un moyen d'augmenter les garanties d'exécution du chemin de fer
luxembourgeois proprement dit, ce serait d'y affecter spécialement une partie
du cautionnement. Eh bien, je puis donner l'assurance que c'est précisément ce
qui sera fait ; le cautionnement, au lieu d'être affecté à l'entreprise dans
son ensemble, sans aucune distinction, sera affecté, partie au chemin de fer
luxembourgeois proprement dit, et partie au chemin de fer entre Bruxelles et
Namur, de manière que le chemin de fer de Namur à Arlon aura des garanties
qu'il n'a pas aujourd'hui.
M. Vandensteen. - Messieurs, je crois que si la
proposition de l'honorable M. Osy était acceptée, elle serait très
préjudiciable au chemin de fer du Luxembourg ; car évidemment c'est parce que
cette société se trouve dans une position plus ou moins périclitante, qu'elle
est venue demander au gouvernement un nouvel appui.
Demander, d'un autre
côté, comme certains collègues semblent le désirer, que le cautionnement puisse
être divisé et affecté à un travail qui ne se rattache que d'une manière
indirecte au chemin de fer du Luxembourg, ce serait s'exposer à un refus de la
part de la société, car ce serait modifier essentiellement le cahier des
charges. Je veux dans l'intérêt du Luxembourg, pour être certain que les
travaux se feront dans une province où la classe ouvrière a le plus grand
besoin d'emploi, où des travaux de cette nature ne sont pas exécutés par le
gouvernement ; je veux, dis-je, que le désir manifesté timidement par la
section centrale, soit stipulé dans la loi, c'est-à-dire, qu'une partie du
cautionnement soit affectée aux travaux du chemin de fer de Namur à Arlon ; de
cette (page 1253) manière le
Luxembourg aura une garantie réelle pour l'exécution de son chemin de fer
auquel il a droit.
L'achèvement
du chemin de fer de Bruxelles à Wavre vers Namur, n'est point pour moi une
garantie d'exécution pour celui du Luxembourg ; et sur ce point encore je ne
puis partager l'opinion de ceux qui me combattent.
Aussi, c'est pour ce
motif que je veux faire stipuler une garantie, uniquement dans l'intérêt de la
province de Luxembourg, c'est-à-dire pour la partie la plus chanceuse de la
ligne, qui sans cela peut-être ne serait jamais exécutée.
M. d’Hoffschmidt. - J'ai toujours envisagé le projet
de loi qui nous est soumis comme ne portant atteinte qu'à un seul article du
cahier des charges ou plutôt à deux articles dont l'un est la conséquence de
l'autre, c'est-à-dire que ce projet donne au gouvernement seulement la faculté
de proroger le délai primitivement accordé pour l'exécution des travaux et de
le porter à 10 ans, par conséquent de proroger également les diverses époques
de déchéance établies dans la loi.
Ce qui a engagé la
compagnie à demander que le délai de 5 ans fût porté à 10, c'est que, d'après
le cahier des charges, si au bout de trois années elle n'avait pas exécuté la
moitié de la ligne elle était exposée è voir proclamer la déchéance. Une de ces
trois années est écoulée ; il lui restait deux années pour construire la moitié
de la grande ligne qui lui est concédée. On conçoit facilement que, dans les
circonstances financières qui pèsent sur l'Angleterre comme surtout l'occident
de l'Europe, une telle menace pouvait faire une grande impression sur les
actionnaires et les empêcher de continuer leurs versements.
Il fallait leur donner
l'assurance que plus de latitude serait accordée à la compagnie
concessionnaire. Voilà ce qui justifie la demande adressée au gouvernement. Et
c'est là un acte de sagesse et de prudence de la part de la compagnie.
Du reste je ne pense pas
que l'exécution de la partie productive de la ligne puisse compromettre la
partie à exécuter dans le Luxembourg à laquelle nous devons principalement
tenir. En effet, c'est pour provoquer l'exécution de cette partie de la ligne
qui doit traverser le Luxembourg qu'on a accordé la concession de la section de
Bruxelles à Wavre.
Si la compagnie
n'exécutait que cette dernière section, elle ne remplirait pas la condition de
la loi, elle ne remplirait ni le vœu du gouvernement, ni le vœu de la
législature, ni surtout celui des Luxembourgeois ; elle ne serait pas dans les
termes de sa concession. J'admets donc volontiers que M. le ministre, dans
l'arrangement à conclure avec la compagnie, réserve une partie du cautionnement
pour l'affecter à la partie de la ligne comprise dans le Luxembourg. Ce sera là
une bonne mesure. D'après ce que vient de dire M. le ministre, il est disposé à
imposer cette condition. Cette réponse doit donner, ce me semble, satisfaction
à l'honorable M. Osy.
Je ne partage pas,
messieurs, l'opinion émise par les honorables préopinants, que l'exécution et
l'exploitation de la ligne de Bruxelles à Namur ne serait pas une garantie de
l'exécution de la partie allant de Namur à Arlon, Je considère que, si la
société du Luxembourg, de commun accord avec celle de Louvain à la Sambre,
parvient, malgré des circonstances difficiles, à mettre en exploitation, d'ici
à peu d'années, la ligne de Bruxelles à Namur, on aura l'assurance à peu près
positive d'obtenir l'exécution de la partie traversant le Luxembourg.
En effet, messieurs, ce
serait d'abord une preuve nouvelle de la solidité de la compagnie. Si cette
compagnie, au bout de quelques années, peut mettre en exploitation une ligne
aussi importante, c'est une preuve de force et du bon vouloir de ses
actionnaires. Ces actionnaires déjà engagés ainsi dans une entreprise aussi
importante rapportant un revenu considérable ; ces actionnaires, dis-je, ne
feront plus de difficulté de verser la totalité de leurs actions. Il ne feront
certes pas la faute d'abandonner une propriété aussi importante que la ligne de
Bruxelles à Namur. D'ailleurs cette section, d'après le cahier des charges,
devient un gage pour l'achèvement de toute la ligne. Loin de voir donc dans
l'exécution de cette section un indice de l'abandon de la ligne du Luxembourg,
je verrais, au contraire, une puissante considération pour l'achèvement de tout
le chemin de fer concédé.
Il est d'autres
considérations qui me donnent le plus grand espoir que nous verrons cette
partie du pays traversée par un chemin de fer. Si nous examinons ce qui se
passe au centre de l'Allemagne, nous voyons de toutes parts se construire des
chemins de fer se dirigeant vers le Rhin. Je lisais dernièrement encore dans la
Gazette d'Augsbourg que le gouvernement autrichien exécute la ligne de Vienne
vers Trieste, avec beaucoup d'ardeur et qu'il a décidé qu'un embranchement
partant de cette ligne, à Bruck, serait construit vers Munich par Salz-Beeren.
De Munich à Augsbourg le
chemin de fer est en exploitation ; et Augsbourg ne tardera pas à être relié à
Stuttgard par Ulm, Stutlgard et Hanheim.
Quand le chemin de fer
sera terminé entre Trieste et Vienne, on pourra se rendre de Trieste à Hambourg
par voie ferrée, et de Trieste à Manheim par la ligne que j'ai indiquée. Cette
ligne sera la plus directe du cœur de la Belgique et de l'Angleterre pour se
diriger sur le centre de l'Allemagne, la Bavière et la mer Adriatique. Dès
lors, le chemin de fer à travers le Luxembourg est décidé, car il est
impossible de croire qu'on laissera subsister une lacune dans une communication
d'une si haute importance. Craindrait-on la longueur du chemin de fer du
Luxembourg ? Mais on en construit de plus étendus et de plus coûteux dans ce
moment. La ligne traversant le Luxembourg a, de Namur à Arlon, une étendue de
27 lieues. Le chemin de Paris à Strasbourg aura 120 lieues, coûtera 200
millions et traversera des pays moins importants moins populeux et aussi
accidentés que le Luxembourg. La concession n'est que de 41 ans. On m'objecte
les difficultés de terrains, mais l'art de la construction et de l'exploitation
des chemins de fer a fait d'immenses progrès.
On croyait naguère qu'on ne
pouvait construire de chemin de fer qu'avec une pente de cinq millimètres par
mètre ; par suite des perfectionnements introduits dans la construction des
locomotives, on peut gravir maintenant une pente au moins de 20 millimètres par
mille, et il est probable qu'on ira plus loin, de sorte que les pays de
montagnes n'offrent plus d'obstacles insurmontables aux chemins de fer. II est
encore une autre circonstance favorable au chemin de fer du Luxembourg : c'est
que la Sardaigne fait des travaux et des démarches tendant à avoir une ligne de
chemins de fer vers Stuttgard et le Rhin, qui se relierait naturellement à la
ligne du Luxembourg. Du moment où ces lignes seront construites, je ne
comprends pas pourquoi on ne ferait pas un chemin de fer dans le Luxembourg,
comme on en fait dans toute l'Europe.
On pensait naguère que
les chemins de fer ne devaient relier que les villes importantes et avoir peu
d'étendue. Il s'en crée maintenant partout, au point qu'ils tendent à remplacer
les routes ordinaires. On a eu raison de le dire : Les chemins de fer belges ne
sont plus qu'une section des chemins de fer européens.
Le
chemin de fer du Luxembourg sera donc inévitablement construit dans l'avenir ;
et si la compagnie concessionnaire ne le faisait pas, une autre le ferait. Mais
j'ai confiance dans les hommes importants, loyaux et éclairés qui sont à la
tête de la compagnie. Je suis convaincu que ce n'est qu'à la dernière extrémité
qu'ils abandonneraient l'entreprise. Mais il faut aussi que le gouvernement
leur accorde des facilités et que dans les circonstances financières où nous
sommes on leur donne le temps d'exécuter leur grande entreprise. C'est dans ce
sens, quant à moi, que j'adopterai le projet qui nous est soumis. Or, nous
sommes évidemment les plus intéressés, nous autres Luxembourgeois, à ce que le
chemin de fer s'exécute et à ce qu'il s'exécute le plus promptement possible.
Mais je suis parfaitement de l'avis d'un honorable membre que nous avons
entendu dans la séance de samedi : c'est qu'on ne doit pas se borner dans tous
les cas à la section de Bruxelles à Namur, mais qu'on doit par tous les moyens
possibles obtenir l'exécution de la section de Namur à Arlon.
M. Nothomb. - Messieurs, je
crois qu'il faut saisir cette occasion pour réparer ce que j'appellerai une
faute du cahier des charges annexé à votre loi du 18 juin 1846.
D'après l'article 18 de
ce cahier des charges, le cautionnement est stipulé sans division, de manière
qu'on peut l'imputer en entier, comme l'a très bien fait remarquer l'honorable
M. Osy, sur la ligne de Bruxelles à Namur. Comme cette ligne doit coûter à peu
près 10 millions, et que le cautionnement doit être remboursé à raison du
double des travaux exécutés, vous voyez que les concessionnaires pourraient
rentrer dans leur cautionnement de 5 millions en faisant la ligne d'ici à
Namur, sans s'occuper de la ligne de Namur à Arlon. Ceci est incontestable.
C'est une faute qui se
trouve dans le cahier des charges. Je crois tout au moins qu'il faudrait
partager le cautionnement et en reporter une partie sur la ligne de Namur à
Arlon. M. le ministre des travaux publics vous a déclaré que telle était son
intention. Nous pourrions nous contenter de cette assurance. Cependant si l'on
veut aller plus loin, on pourrait insérer dans la loi un paragraphe portant que
les deux cinquièmes au moins du cautionnement versé en vertu de l'article 18 du
cahier des charges annexé à la loi du 18 juin 1846, seront affectés à la ligne
de Namur à Arlon.
Les deux cinquièmes,
c'est-à-dire deux millions.
M. Osy. - Il faut mettre la moitié.
M. Nothomb. - J'étais
d'abord aussi disposé à mettre la moitiés Mais je crois que dans l'état actuel
des travaux, et surtout des achats de terrain, enfin que dans l'état des
dépenses faites par les concessionnaires, ces deux cinquièmes équivalent à la
moitié du cautionnement encore entièrement dans les mains du gouvernement. Si
le gouvernement peut aller plus loin, je ne demande pas mieux ; mais je ne veux
pas l'embarrasser ni rendre trop difficile la position de la compagnie.
Je ne partage cependant
pas l'opinion de l'honorable M. Osy lorsqu'il vous dit que nous serions
désarmés, si les concessionnaires se bornaient à faire la ligne de Namur à
Wavre. Nous ne serions pas désarmés. La ligne de Namur à Wavre sert de caution
réelle pour l'entreprise.
M. Osy. - C'est une autre société.
M. Nothomb. - Je désire précisément
relever cette erreur de l'honorable membre, qu'il me pardonne l'expression,
parce que je ne veux pas que les concessionnaires prennent le change sur mes
intentions, sur les intentions du gouvernement et des chambres.
Les lignes de Namur à
Arlon et de Bruxelles à Wavre forment un tout indivisible, à tel point que si
la compagnie faisait la ligne de Bruxelles à Wavre, qu'elle en eût même
commencé l'exploitation, et qu'il y eût lieu à déchéance pour la ligne de Namur
à Arlon, il y aurait également déchéance pour la concession de la ligne déjà en
cours d'exploitation de Bruxelles à Wavre. Je dois même dire que je
consentirais très volontiers à laisser au gouvernement la plus grande latitude
en ce qui concerne le cahier des charges, sauf sur un seul point sur lequel je
me déclare intraitable, c'est la question de l'indivisibilité, de la
non-disjonction de la ligne de Namur à Arlon d'avec la ligne de Bruxelles à
Wavre. Je vois même là une garantie beaucoup plus forte que celle du
cautionnement.
(page 1254) Néanmoins, je me félicite de voir qu'on peut diviser le
cautionnement, parce que j'ai une probabilité de plus qu'on travaillera entre
Namur et Arlon. Mais je le déclare, que les concessionnaires ne se fassent pas
illusion ; ils doivent savoir dès aujourd'hui qu'ils trouveront le
gouvernement, qu'ils trouveront les chambres inébranlables sur ce point ; s'ils
font la ligne de Bruxelles à Wavre, et s'ils pouvaient même laisser le montant
de la caution des deux millions reportée désormais sur la ligne de Namur à
Arlon sans emploi, il en résulterait que nous aurions à offrir aux
concessionnaires futurs qui se présenteront, et il s'en présenterait : 1° la
ligne achevée de Bruxelles à Wavre, et 2° la caution de deux millions affectée
désormais à la ligne de Namur à Arlon. On pourra dire que c'est là une clause
rigoureuse. Mais nous en prévenons dès à présent les concessionnaires.....
M. de Garcia. - C'est le
contrat.
M. Nothomb. - C'est la loi du
contrat, et l'on ne pourrait accuser le gouvernement et les chambres d'user de
rigueur, car c'est un grand sacrifice que l'Etat belge a consenti à faire. On
avait d'abord demandé la concession de la ligne de Namur à Arlon isolément. On
a ensuite reconnu que cette ligne ne serait peut-être pas financièrement
possible. On s'était en quelque sorte trop avancé. On a alors demandé que le
chemin de fer ne fût pas un chemin de fer de Namur à Arlon, mais que ce fût un
chemin de fer de la capitale de la Belgique à Arlon.
C'est ainsi que le projet
primitif a été changé, agrandi et amélioré au profit de la compagnie,
L'Etat belge a fait un
grand sacrifice en consentant à la concession de la ligne de Bruxelles à Wavre
; mais c'est en considération de la ligne de Namur à Arlon que nous avons
consenti à ce sacrifice.
Plusieurs membres. - C'est évident.
M. Nothomb. - Dès lors, que
tout le monde en soit prévenu. Si les concessionnaires se bornent, contre toute
attente, à faire le chemin de fer de Bruxelles à Wavre, ils seront déclarés
déchus, et ce chemin de fer deviendra avec la caution spéciale la subvention
que l'on donnera à la compagnie nouvelle qui se chargera du chemin de fer de
Namur à Arlon resté sans exécution de leur part.
M. le président. - Voici un amendement déposé par MM.
Orban, Osy et Vandensteen :
« Ajouter à
l'article du projet les mots : Et sous la réserve que la moitié du
cautionnement sera spécialement affectée à la partie du chemin de fer entre
Namur et Arlon. »
M.
Nothomb propose l'amendement suivant :
« Les deux cinquièmes au
moins du cautionnement versé en vertu de l'article 18 du cahier des charges
annexé à la loi du 18 juin 1845 seront affectés à la ligne de Namur à Arlon. »
- L'amendement de M.
Nothomb est appuyé.
La parole est à M. Orban
pour développer l'amendement qu'il a présenté conjointement avec MM. Osy et
Vandensteen.
M. Orban. - L'honorable M. Nothomb vous a déjà
développé les motifs qui militent en faveur de l'amendement qui vient d'être
déposé par lui et qui, à la quotité de la somme près, est le même que celui que
nous vous proposons avec les honorables MM. Osy et Vandensteen.
Mais je crois que ces
motifs, il les a atténués et donnés d'une manière incomplète. Ainsi, messieurs,
l'honorable membre pense que l'exécution de la partie du chemin de fer entre
Bruxelles et Wavre serait une garantie suffisante pour l'exécution de la ligne
entière, quand bien même le cautionnement total serait affecté à la première de
ces sections, parce que, dit-il, si cette dernière est exécutée et qu'elle le
soit seule, la société se trouvant en demeure de remplir toutes ses
obligations, on pourrait faire de cette portion de chemin de fer achevée, la
prime à accorder à la société qui se porterait concessionnaire pour la ligne de
Namur à Arlon.
Mais évidemment c'est
raisonner dans la supposition qu'une nouvelle société se présenterait et
consentirait à exécuter avec cette prime le chemin de fer de Namur à Arlon. Or,
je dois le dire, cette garantie ne me paraît pas rassurante. Autre chose est
d'avoir une prime en réserve à donner à une société qui se porterait
concessionnaire, si la société première n'exécutait pas cette partie du chemin
de fer ; autre chose est d'affecter dès à présent une portion de ce
cautionnement et du capital social aux travaux de cette section.
Une fois commencée par la
société actuelle, nous avons la chance de la voir achevée. Nous n'avons pas la
chance de voir une nouvelle société se constituer pour l'entreprendre, quelle
que soit la prime qu'on lui offre.
Voilà en quoi la réserve
d'une partie du cautionnement est une garantie supérieure à l'exécution de
l'une de ses sections.
Sous un autre rapport, la
réserve d'une partie du cautionnement me paraît tout à fait nécessaire. Sans
cela, la somme de 5 millions destinée à garantir l'exécution d'une ligne qui
doit coûter 30 millions, deviendrait applicable à une faible portion de cette
ligne, que l'on exécuterait la première et peut-être seule, parce que, d'une
part, elle est de beaucoup la plus avantageuse, et que, de l'autre, elle
permettrait à la société de rentrer dans la disposition entière de la somme
déposée. De cette manière, vous arriveriez à cette conséquence, que la ligne de
Namur, concédée comme prime, en quelque sorte, pour l'exécution de celle du
Luxembourg, serait seule réalisée.
Au surplus, l'adoption de
cet amendement n'apportera pas la moindre perturbation dans les affaires de la
société. La société a déclaré à M. le ministre qu'elle était disposée à
accepter cette condition. On peut donc la prendre au mot. Du moment qu'une
déclaration semblable a été faite, je ne vois point de motif de ne pas en
prendre acte dans la loi même.
J'aurais quelques mots à
dire relativement au canal de l'Ourthe, affaire qui se lie au chemin de fer du
Luxembourg ; mais je dois prévenir la chambre que je m'écarte ainsi de
l'amendement proposé. (Parlez, parlez.)
Le sort de ce canal se
rattache désormais à celui du chemin du fer de Luxembourg ; mais je dois le
dire, des préoccupations trop exclusives en faveur du dernier lui ont enlevé la
part de la faveur qui lui appartenait à juste titre. Puisque la chambre veut
bien me le permettre, je rappellerai en peu de mots les antécédents de cette
affaire.
Lorsque le projet de
chemin de fer du Luxembourg a été pour la première fois demandé en concession,
le ministre qui dirigeait à cette époque les travaux publics résolut de
rattacher cette entreprise à un autre projet d'un intérêt non moins grand pour
le Luxembourg, au canal de Meuse et Moselle.
Plusieurs
concessionnaires s'étant présentés à la fois, M. le ministre des travaux
publics résolut de donner la préférence à celle des sociétés qui consentirait,
en même temps, à s'engager à exécuter le canal de Meuse et Moselle et à se
substituer, à cet effet, à la société concessionnaire de ce canal. Cet
engagement fut accepté par la société Clossman à laquelle la concession fut
accordée. Dans la convention provisoire conclue à cet effet, non seulement la
société prenait cet engagement et s'obligeait à se désister du pourvoi en
cassation contre l'arrêt de la cour de Bruxelles, mais encore elle rendait son
cautionnement applicable et au canal et au chemin de fer. Postérieurement on a
changé ces dispositions et l'on a rendu le cautionnement exclusivement
applicable au chemin de fer. Je ne sais si l'on doit approuver la marche qui a
été suivie à cet égard. Je crois qu'on a fait la part du chemin trop large, et
que l'on a négligé d'autres intérêts, non moins dignes d'attention.
La section centrale avait
éveillé l'attention de la chambre à cet égard, et dans la discussion publique,
lorsque l'honorable M. Lesoinne ayant demandé la parole pour développer un
amendement dont le but était de rendre le cautionnement applicable en partie au
canal conformément à la première convention provisoire, il lui fut répondu que
c'était une chose entendue, que cela allait de soi. D'après cette déclaration
qui, malheureusement, était sans fondement, l'honorable M. Lesoinne a renoncé à
sa proposition, de manière qu'aujourd'hui, non seulement il n'y a pas de
cautionnement spécialement affecté à l'exécution du canal, mais le canal est en
dehors du cautionnement affecté précédemment aux deux entreprises.
Mais, messieurs, si nous
sommes sans cautionnement pour cet important travail, nous ne sommes pas sans
droits. Voilà ce que je veux rappeler à M. le ministre des travaux publics pour
que lui-même ne le laisse pas oublier à la société.
La société doit savoir
que, sous ce rapport, elle est obligée, en vertu d'un double titre, en vertu de
l'arrêt de la cour de Bruxelles, qui a ordonné que cet ouvrage serait exécuté
dans le terme de cinq ans, qui s'applique à la société du chemin de fer depuis
qu'elle a assumé sur elle les obligations de l'ancienne société du canal, et en
vertu de l'acte de concession du chemin de fer du Luxembourg lui-même, dont une
des clauses lui impose l'obligation d'exécuter le canal de l'Ourthe.
S'il
en est ainsi, je ne m'explique guère l'inaction de la société quant à
l'exécution du canal ; car le délai dans lequel elle doit l'exécuter expire en
1848, et jusqu'à présent on n'a pas commencé les travaux bien qu'aucun obstacle
sérieux ne s'y oppose ; car, à la différence du chemin de fer, toutes les
études préparatoires sont faites depuis longtemps, et il n'existe aucune excuse
pour avoir tant tardé à se mettre à l'œuvre.
J'ignore quelles
démarches ont été faites, à cet effet, par le gouvernement ; mais je crains
qu'il n'y ait eu de sa part une négligence compromettante pour le canal de
l'Ourthe, et pour lui-même, et qu'il n'ait pas fait le nécessaire pour éclairer
la société sur les obligations qui pèsent sur elle, et que, j'ai quelque raison
de le croire, elle n'a jamais très bien comprises.
M. le ministre des travaux publics (M.
de Bavay). - Je
crois devoir faire remarquer, en réponse à l'honorable M. Orban, qu'il y a eu
deux conventions pour le chemin de fer du Luxembourg ; que la première
supposait un cautionnement commun pour le chemin de fer et pour le canal et
que, dans la dernière convention, le cautionnement a été affecté uniquement à
l'exécution du chemin de fer. La raison de cette différence est que dans
l'intervalle de la première convention à la seconde, la société du Luxembourg
s'était substituée à l'ancienne société du canal de Meuse et Moselle et s'était
désistée, envers le gouvernement, du procès pendant entre parties, de telle
sorte que l'arrêt de la cour de Bruxelles était passé en force de chose jugée.
C'est cette circonstance qui a motivé la modification dans la stipulation
relative au cautionnement. La société avait déjà donné une garantie en ce
qu'elle avait fait cesser le procès et en ce qu'elle avait consacré une forte
partie de son capital à acquérir le actions de la société du canal de Meuse et
Moselle ; il semblait donc qu'on pouvait, sans inconvénient, reporter tout le
cautionnement sur le chemin de fer du Luxembourg, afin d'assurer d'autant mieux
l'exécution de ce chemin de fer.
J'ai été
le premier à faire remarquer, dans une précédente séance, que le délai
d'exécution courait contre la société depuis 1844, et que dès lors la société
se trouvait sous l'empire de circonstances très impérieuses. L'observation que
j'ai faite ici, j'aurai soin de la faire aussi à la compagnie.
(page 1255) En terminant, messieurs, j'annonce à la chambre que je
me rallie à l'amendement déposé par l’honorable M. Nothomb. J'ai la certitude
d'obtenir de la société une stipulation conforme à cet amendement. S'il m'était
possible d’obtenir que la division du cautionnement se fît d'une manière plus
favorable à l'intérêt du chemin de fer du Luxembourg proprement dit, je
m'empresserais d'accepter cette stipulation ; mais je n'ai pas de certitude à
cet égard. Je désire donc que l'amendement de l'honorable M. Nothomb soit
admis, de préférence à celui qui a été déposé par les honorables MM. Osy, Orban
et Vandensteen.
M. Osy. - L'honorable M. Orban vous a dit, messieurs, pour quel motif nous avons
proposé d'affecter au chemin de fer du Luxembourg un cautionnement spécial.
Dans la discussion du projet de loi de concession, le gouvernement avait dit
que le cautionnement de 5 millions était affecté au chemin de fer et au canal ;
vous voyez aujourd'hui qu'il n'en est pas ainsi, que le cautionnement n'est
affecté qu'au chemin de fer seul. (Interruption.)
Eh bien, messieurs, nous
proposons d'affecter la moitié du cautionnement au chemin de fer de Namur à
Arlon et ce n'est pas trop exiger puisque ce chemin coûtera 40 millions, tandis
que la section de Bruxelles à Wavre ne coûtera que 10 millions.
M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, d’après la convention
primitive conclue avec la société concessionnaire et approuvée par la chambre,
le cautionnement en entier est affecté au chemin de fer. Quant à moi, je crois
que c'est là une bonne mesure. Je pense que le canal s'exécutera sans
cautionnement, c'est-à-dire qu'il n'est pas nécessaire de la garantie d'un
cautionnement pour amener l'exécution du canal. D'abord, messieurs, remarquez
que la société nouvelle se trouve tout à fait dans la même position où se
trouvait la société ancienne ; mais la société nouvelle a fait de grands
sacrifices pour acheter les actions de la société ancienne, et elle a délivré
le gouvernement d'un procès qui était pendant devant la cour de cassation.
Je considère aussi
l'exécution du canal comme une bonne affaire ; je pense que cette voie de
communication doit rapporter des bénéfices assez considérables, et c'est ce que
la compagnie sait elle-même ; je regrette seulement qu'elle ait dû payer un peu
cher le droit de se substituer aux anciens concessionnaires. Du reste,
messieurs, la compagnie a déjà mis en adjudication une partie du canal de Meuse
et Moselle, mais pourquoi cette adjudication n'a-t-elle pas eu de suite ? C'est
parce que le devis estimatif, fait par des ingénieurs très capables, parmi
lesquels se trouvait, je crois, M. Kummer, que ce devis a été dépassé par les
soumissions, de plus du quart. Il est tout naturel que de semblables
soumissions n'aient point été acceptées. Dans le moment actuel, de nouvelles
propositions, beaucoup plus favorables, ont été remises à l'administration et,
selon toute apparence, la première section du canal sera mise incessamment en
adjudication, et on ne tardera pas à commencer les travaux.
Je crois donc, messieurs,
que ceux qui attachent un intérêt tout particulier à l'exécution du canal ne
doivent pas voir une cause de non-exécution dans la circonstance que le
cautionnement tout entier a été reporté sur le chemin de fer. Ce qui prouve
d'ailleurs que ces honorables membres n'attachent pas à ce point une très
grande importance, c'est qu'ils ne viennent plus proposer d'affecter une partie
du cautionnement au canal.
Je
tenais, messieurs, à dire ces quelques mots, parce que l'honorable préopinant a
paru blâmer ce qui a été fait dans les conventions conclues avec la société.
M. le ministre des
travaux publics vous a déjà fait connaître les motifs qui ont guidé le
gouvernement ; c’est l'importance et le haut intérêt pour le pays du chemin de
fer de Namur à Arlon qui l'ont déterminé à reporter tout le cautionnement sur
la voie ferrée.
Quant à l'amendement
proposé par MM. Osy, Orban et Vandensteen, je le trouve fort utile et je m'y
rallierais volontiers ; mais je crois que M. le ministre des travaux publics a
été à même d'avoir des conférences avec les administrateurs de la compagnie
lorsqu'il a été question de la présentation du projet, et comme il se rallie à
l'amendement de M. Nothomb, je crois qu'il serait plus sage d'adopter cet
amendement, auquel les honorables membres feraient bien de se rallier.
M. Lesoinne. - M. le ministre vient de nous dire
que si la société ne commençait pas les travaux du canal de Meuse et Moselle,
elle serait déchue de ses droits quant à cette partie de sa concession ; mais
quant à l'exécution du canal, cela ne lui donne aucune garantie, la société
serait déchue voilà tout, mais il ne resterait aucune somme comme compensation
de la non-exécution du contrat ; s'il avait accepté les propositions de la
compagnie, une certaine somme aurait été affectée à la garantie de l'exécution
du canal. Les concessionnaires étaient d'accord pour distraire une somme de
500,000 fr., si je ne me trompe. Je ne sais pas pourquoi M. le ministre des
travaux publics a jugé convenable d'affecter tout le cautionnement au chemin de
fer.
La garantie de
l'exécution des chemins de fer, si j'ai bien compris l'honorable M. Nothomb,
n'est pas tant dans le cautionnement déposé que dans les travaux déjà exécutés
; c'est-à-dire qu'alors même que le chemin de fer de Bruxelles à Wavre serait
construit, si la société n'achevait pas le chemin de Namur à Arlon, outre le cautionnement
qui resterait alloué pour cette partie de son chemin de fer, elle serait
obligée d'abandonner au gouvernement la ligne déjà construite par elle de
Bruxelles à Wavre....
M. Nothomb. - Certainement.
M. Lesoinne. – Cette garantie est donc bien plus
forte que celle du cautionnement, puisque cette ligne doit coûter 10 millions.
M. le ministre aurait donc pu, sans inconvénient, distraire une partie du
cautionnement pour la construction du canal. Je croyais même que cela avait été
fait ; ainsi que l'honorable M. Orban vient de le rappeler, j'avais fait la
proposition lors de la discussion du projet de concession, l'année dernière,
d'affecter une partie du cautionnement, un million ou cinq cents mille francs
pour garantir l'exécution du canal.
J'engage même M. le
ministre à renouveler cette proposition ; je pense que la compagnie y
consentirait.
- La discussion sur
l'article unique du projet de loi est close.
Vote sur l’article et sur l’ensemble du projet
M. Osy, en son nom et en celui des
cosignataires de son amendement, déclare se rallier à l'amendement de M.
Nothomb.
L'amendement de M.
Nothomb est mis aux voix et adopté.
L'article unique du
projet de loi, avec cet amendement, est mis aux voix et adopté.
La chambre décide qu'elle
passera séance tenante à l'appel nominal.
On procède à l'appel
nominal. Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 53 membres présents. Il
sera transmis au sénat.
PROJET DE LOI REPRIMANT LES OFFENSES A LA PERSONNE ROYALE
Personne ne demandant la
parole dans la discussion générale, on passe aux articles.
Discussion des articles
Article premier
« Art. 1er. (Projet du
gouvernement ) Quiconque aura offensé la personne du Roi, soit dans des lieux
ou réunions publics, soit dans un acte authentique ou public, soit par des
écrits, des imprimés, des images ou emblèmes quelconques, qui auront été affichés,
distribués, vendus, mis en vente ou exposés aux regards du public, sera puni
d'un emprisonnement de six mois à trois ans, et d'une amende de 300 à 5,000
francs. »
« Art. 1er. (Projet
de la section centrale.) Quiconque, soit par des discours, des cris ou menaces
proférés, soit dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, des
imprimés, des images ou emblèmes quelconques, qui auront été affichés,
distribués ou vendus, mis en vente ou exposés aux regards du public, se sera
rendu coupable d'offense envers la personne du Roi, sera puni d'un
emprisonnement de six mois à trois ans, et d'une amende de 300 à 5,000 fr. »
M. le président. - Le gouvernement s'est rallié au
projet de la section centrale, avec cette modification-ci :
« Quiconque, soit
dans des lieux ou réunions publics, par discours, cris ou menaces, soit par des
écrits (le reste comme au projet de la section centrale.) »
La discussion est ouverte
sur l'article premier et les amendements ; la parole est à M. Verhaegen.
M. Verhaegen. - Messieurs, je suis forcé de
combattre le projet de loi dans l'intérêt même de la royauté que le ministère
vient de découvrir d'une manière si imprudente.
Le ministère a commis
trois lourdes fautes dont il ne se lavera jamais aux yeux du pays. La première
faute, c'est d'avoir attendu tout un mois avant d'avoir entamé des poursuites
contre les auteurs de certaines publications, qui dans son opinion
constituaient un outrage contre la personne du Roi, et d'avoir choisi
précisément le moment du retour de Sa Majesté en Belgique pour poser le premier
acte de ces poursuites.
Une seconde faute non
moins grave est la conduite que M. le ministre de la justice a tenue lors de la
discussion qui s'est engagée naguère sur l'intempestivité de l'acte qu'il
venait de poser : vous vous rappellerez, messieurs, le discours prononcé par M.
d'Anethan en réponse aux attaques dont il avait été l'objet de ma part, vous
vous rappellerez qu'il s'est défendu, sur le reproche de tardiveté, en
soutenant que la publication des caricatures incriminées ne présentait dans le
principe aucun caractère de gravité et qu'elle n'a acquis ce caractère que par
les commentaires dont les journaux l'avaient entouré. Or les auteurs de la
publication des caricatures n'étant pas les auteurs des commentaires qui seuls
y ont imprimé le caractère de délit devaient nécessairement échapper à toute
condamnation, et on peut dire que le jury dans son verdict d'acquittement n'a
fait que suivre la voie qui lui avait été tracée par le ministre de la justice.
Une troisième faute tout
aussi lourde que les deux autres est la présentation du projet de loi que nous
discutons, précisément le lendemain du verdict du jury, et remarquez-le bien,
ce projet que rien ne justifie est présenté non pas dans l'intérêt de la
royauté, que tout le pays respecte et vénère, mais dans l'intérêt du ministre
qui a voulu se justifier aux dépens de celui qu'il avait mission de protéger et
de défendre, et qu'il a compromis d'une manière si imprudente.
Je ne parlerai pas,
messieurs, d'autres fautes commises par le ministre et qui se rattachent encore
à la poursuite dirigée contre les auteurs des caricatures ; je les passe sous
silence parce que je ne les considère que comme accessoires.
Dans tous les cas, le
projet de loi va directement à l'encontre du but que le gouvernement a en vue.
Le gouvernement veut éviter des acquittements à l'avenir, et pour moi il est
évident que si le projet est converti en loi, les acquittements n'en seront que
plus nombreux.
D'abord on n'a pas
interdit, on n'a pas osé interdire au juge qui doit connaître du délit l'examen
de l'intention criminelle.
Si la loi nouvelle
n'exige pas qu'on détermine spécialement le degré d'intention criminelle en la
qualifiant de méchanceté, la discussion sur l’intention coupable reste toujours
ouverte et la comparaison de la loi (page
1256) nouvelle avec la loi actuelle demeure un moyen efficace pour exciter
la défiance du jury.
En bonne législation on
ne comprend de loi nouvelle que pour autant qu'il y ait insuffisance dans la
loi existante ; or il est faux de dire que la loi actuelle soit insuffisante :
elle prévoit l'injure ou la calomnie contre la personne et la famille du Roi ;
elle la punit.
Il est évident que c'est
l'acquittement dans l'affaire des caricatures qui a provoqué le projet de loi.
On fait donc moins le procès à la loi existante qu'à la décision du jury
elle-même.
Avant le verdict, on ne
songeait pas à une loi nouvelle ; on n'y eût pas songé davantage s'il y avait eu
condamnation, et il y aurait eu condamnation, et condamnation aussi sévère que
sous la loi nouvelle si le jury avait déclaré constante l'intention coupable,
seule chose qu'il y avait à rechercher et à déclarer.
Tout crime, tout délit se
compose du fait et de l’intention. Le fait seul ne peut jamais donner lieu à
l'application de la loi ; ce n'est qu'exceptionnellement en matière de simple
contravention que le fait seul peut faire l'objet d'une poursuite. Tous les
criminalistes sont d'accord sur ce point.
Le projet de loi est donc
inutile puisqu'il restera sans résultat ; ce n'est qu'un acte de colère dirigé
contre le verdict du jury dont il n'est séparé que de 24 heures. C'est ce
verdict qui seul est l'origine et la cause de la démarche ministérielle.
Mais si la loi nouvelle
est inutile, elle est encore dangereuse : loin de mieux garantir la répression
des délits qu'elle prévoit, il est à craindre qu'elle n'y provoque. Entourer de
garanties spéciales et exceptionnelles une institution, une autorité, c'est constamment
appeler sur elle l'attention.
Si ces garanties sont
telles par leur origine, par leur étendue, qu'elles excitent la défiance ou
froissent les idées reçues, l'impopularité qui les frappe rejaillit sur la
chose ou les personnes qu'elles protègent. Qu'on essaye de rétablir la
mainmorte par une loi nouvelle, on criera plus encore contre le clergé que
contre la loi elle-même, parce qu'il est naturel de faire porter la critique
sur ceux qui profitent de la mesure exceptionnelle.
La loi nouvelle, exorbitante
dans la plupart de ses dispositions, loin donc d'ajouter au respect pour le
Roi, pourrait bien amener un résultat diamétralement opposé, et moi qui veux
sincèrement et sérieusement que la royauté soit respectée, je ne puis pas y
donner mon assentiment.
Les délits que prévoit la
loi nouvelle sont mal définis, ou plutôt ils ne sont pas définis du tout. De là
le danger fort grave de fréquents acquittements. Il ne faut commettre la
personne du Roi qu'à coup sûr. Si le délit est réellement défini, la poursuite
n'aura lieu que pour autant qu'il se rencontre d'une façon précise. On risquera
donc moins d'exposer la personne du Roi à devenir l'occasion de poursuites qui,
par une issue favorable aux prévenus deviennent blessantes pour la royauté.
Le vague de la loi, loin
d'être favorable à la royauté, le sera plutôt aux prévenus, et par cela même il
sera funeste à l'institution qu'on veut protéger.
D'un autre côté, cette
absence de précision dans la définition des délits prévus par la loi nouvelle
offre un danger public. « C'est assez, dit Montesquieu, livre XIL, chapitre
VIII, que le crime de lèse-majesté soit vague pour que le gouvernement dégénère
en despotisme. »
Si, avec nos institutions
modernes, on n'a pas précisément à redouter le despotisme, il faut craindre
néanmoins l'arbitraire dans la poursuite d'un délit qui, faute d'une
définition, peut être trouvé partout.
L’exposé des motifs du
projet de loi dit qu'on a voulu saisir jusqu'à l'allusion offensante. C'est
tout aussi vague que les fameuses lois de lèse-majesté qui ont donné lieu, sous
les empereurs romains, aux plus odieuses persécutions.
Certes nos institutions
sont une puissante barrière contre de pareils abus, qui ne sont guère possibles
; mais il est regrettable qu'à l'occasion de la personne du Roi, on puisse dire
qu'elle a dû être protégée par une loi qu'on peut comparer aux plus détestables
lois dont l'histoire fasse mention.
Le projet de loi n'est,
après tout, qu'une flatterie à l'adresse de la royauté en Belgique. A défaut de
pouvoir apporter au palais un verdict de culpabilité, un verdict de
condamnation dans l'affaire des caricatures, le ministre a voulu faire voter
une loi par les chambres ; mais comme toutes les flatteries exagérées, elle est
essentiellement maladroite.
Les
députés de la Rochelle ayant offert à Henri IV, à l'occasion de la naissance du
dauphin, un présent de cent mille écus en or, somme énorme alors : « C'est
trop, mes amis, répondit-il, c'est trop pour de la bouillie ; gardez cela et
n'écoutez jamais ceux qui vous parleraient de me faire des présents, car telles
gens m sont ni vos amis ni les miens. » Si l'on avait proposé à Henri IV une
loi pour protéger spécialement sa personne, nul doute qu'il n'eût répondu de
même : « Telles gens ne sont ni mes amis ni ceux du peuple. » Ce serait aussi
le langage de notre Roi, j'en ai l'intime conviction, si le cabinet ne l'avait
pas induit en erreur sur les faits qui servent de prétexte à la mesure et qui
sont autant de fautes que nous reprochons à M. le ministre de la justice.
M. le
ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, l'honorable M. Verhaegen a terminé son discours
en disant que la loi qui vous est présentée est une loi de flatterie, qu'en
général la flatterie est maladroite, et que la présentation de la loi, est de
la part du ministère, une maladresse.
L'honorable membre avait
commencé par dire que, dans l'intérêt de la royauté, il combattrait le principe
de la loi. Je constate d'abord que nous sommes d'accord, l'honorable membre et
moi, sur ce point que tous deux nous voulons agir dans l'intérêt de la royauté,
seulement nous différons sur les moyens ; je veux réprimer plus efficacement et
plus sûrement les offenses. L'honorable membre croit la répression suffisamment
garantie.
Je dois maintenant
protester contre ce qu'a dit l'honorable préopinant, quand il a attribué à une
idée de flatterie la présentation de la loi qui vous est soumise. Le
gouvernement a eu un devoir à remplir, il l'a rempli ; il ne s'est pas
préoccupé des suppositions auxquelles la présentation de la loi pourrait donner
lieu ; je ne suis nullement touché de ces suppositions. Elles ne m'empêcheront
pas plus à l'avenir qu'elles ne m'ont empêché maintenant de présenter un projet
de loi que je croirai utile.
Messieurs, un décret du
20 juillet 1831 existe, ce décret a été fait par une assemblée qui
probablement, en le faisant, n'était pas guidée par le désir de flatter les
rois, et pourtant ce décret de 1831 contient des dispositions spéciales
relatives aux injures et aux calomnies contre la personne du Roi. Ce décret (le
congrès lui-même l'a déclaré) n'était pas destiné à être la législation
définitive de la presse ; il devait être soumis à la révision de la
législature.
Tel était le vœu de notre
assemblée constituante, vœu dont l'expérience qui a été faite de ce décret a
prouvé la sagesse aux yeux de toutes les personnes chargées d'appliquer ses
dispositions.
Qu'avons-nous proposé ?
Non une législation nouvelle, mais des modifications utiles à une législation.
Nous n'avons donc fait que satisfaire en quelque sorte au vœu du congrès.(Interruption.)
Un membre. - Cela date de seize ans.
M. le
ministre de la justice (M. d’Anethan). - Soit, mais qu'est-ce que cela prouve ? Cela prouve qu'il y
a un retard dans l'accomplissement du vœu du congrès, et que s'il y a des
reproches à adresser, ils doivent s'adresser à tous les cabinets qui nous ont
précédés, pour n'avoir pas présenté la révision, que je viens maintenant vous
soumettre.
Quoi qu'il en soit, il
est constant, il est connu de toutes les personnes qui ont étudié le décret de
1831, qu'il laisse beaucoup à désirer, notamment sons le rapport de la
procédure. Les inconvénients signalés sont tellement grands que l'application
des dispositions de ce décret pourrait être facilement éludée par les prévenus,
s'ils connaissaient les moyens de procédure et de forme que ce décret peut leur
fournir.
J’expliquerai, lorsque
nous arriverons à la discussion des autres articles, les motifs des
modifications que je propose de faire subir au décret.
Je me borne, pour le
moment, à l'article premier.
L'honorable M. Verhaegen,
quoique la discussion générale ait été close, a semblé la rouvrir en critiquant
la présentation du projet de loi. Je n'en fais pas un reproche à l'honorable
membre, puisqu'il me fournit ainsi l'occasion de justifier la conduite du
cabinet, en répondant aux griefs articulés par l'honorable membre. Mais avant
tout, examinons l'article premier du projet de loi. L'honorable M. Verhaegen
dit que cet article définit mal le délit, et que la définition beaucoup trop
vague produira des acquittements, au lieu de produire des condamnations.
L'honorable membre trouve sans doute préférable la définition du décret de 1831
; j'espère qu'il nous fera connaître sa raison de préférence.
Il est bon de rappeler
que déjà, en 1834, une définition semblable avait été présentée, elle se trouve
dans le projet de révision du Code pénal soumis alors à vos délibérations. (Interruption.)
Il est fort difficile de
discuter, quand on vous interrompt à chaque instant ; je réclame donc un moment
de silence.
L'honorable M. Verhaegen
critique la définition donnée par le projet actuel. Je réponds que semblable
définition se trouve dans un projet de loi présenté par l'honorable M. Lebeau,
ministre de la justice alors que l'honorable M. Rogier, qui m'a interrompu,
était ministre de l'intérieur. L'honorable M. Rogier ne soutiendra pas sans
doute qu'une définition dans un projet de loi générale doit être différente
d'une définition dans un projet spécial ; qu'on critique la présentation du
projet de loi, au point de vue de son opportunité ; mais qu'on ne prétende pas
qu'une définition, excellente dans un projet de loi générale présenté en 1834,
soit devenue mauvaise dans un projet de loi spéciale, présenté en 1847 ; dans
un projet de loi générale se trouvent des délits spéciaux qu'il faut également
définir.
D'après le document que
j'ai trouvé au ministère de la justice, la même définition avait été adoptée
par une commission nommée par un de mes honorables prédécesseurs, commission
qui était composée de magistrats éminents et justement considérés.
Avant d'examiner les
motifs des changements que j'ai, conformément à l'opinion de deux de mes
prédécesseurs, cru convenable d'introduire dans le décret de 1831, je dois
aborder les griefs que l'honorable M. Verhaegen a allégués contre le ministère.
La réfutation de ces griefs justifiera déjà en partie les modifications
proposées. L'honorable membre m'attribue sur le jury de Bruxelles une influence
bien grande. Il pense que les paroles que j'ai prononcées à cette tribune
étaient de nature à faire tant d'impression sur le jury qu'il a suffi de les
invoquer devant la cour d'assises pour donner au jury la conviction qu'il n'y
avait ni crime ni délit dans les faits qui lui étaient déférés.
Je dirai d'abord que les
paroles que m'attribue l'honorable M. Verhaegen, je ne les ai pas prononcées.
Je n'ai pas dit qu'il n'y avait ni crime ni délit dans le fait des infâmes
publications qui avaient motivé les poursuites ; et aurais-je pu tenir ce
langage sans me donner à moi-même un démenti formel, puisque j'avais moi-même
donné l'ordre de poursuivre ? (page 1257)
Mais j'ai dit, et je répète, que le gouvernement, fidèle au système qui avait
été suivi depuis seize ans, n'avait pas cru d'abord devoir faire intenter des
poursuites. Mais en m'exprimant ainsi, j'ai ensuite sévèrement qualifié ces
publications ; j'ai expliqué pourquoi les poursuites n'avaient pas été plus
promptes ; j'ai dit pourquoi le gouvernement avait cru pouvoir s'abstenir de
faire poursuivre d'abord, pourquoi il avait ensuite jugé la poursuite
nécessaire ; mais d'aucune de mes paroles on ne peut conclure que j'ai
considéré comme peu coupables ces scandaleuses publications. J'ai dit
positivement le contraire.
Mes paroles n'étaient
donc pas de nature à déterminer le jury à prononcer un acquittement ; elles
auraient à le déterminer dû reconnaître la culpabilité si elles avaient sur le
jury l'influence que l'honorable M. Verhaegen a attribuée à mon discours.
Ce que j'ai répondu lors
de la discussion politique au commencement de cette année au reproche d'avoir
fait intenter tardivement ces poursuites, ce que je viens encore d'ajouter, me
semble prouver combien ce grief est peu fondé.
Je n'adopte pas, en
matière de presse, le système de l'honorable membre. Je n'admets pas qu'à
l'apparition de chaque article, il faille à l'instant le poursuivre, ou être
frappé de déchéance pour toute poursuite ultérieure du même article. On peut
fermer les yeux sur un article qui n'a pas reçu une grande publicité, et plus
tard le faire, poursuivre, soit parce qu'une publicité nouvelle lui a été
donnée, soit parce qu'il a été suivi d'autres articles de nature à constituer
un système de dénigrement et de calomnie. L'ensemble de semblables articles
fait alors un devoir au ministre d'ordonner des poursuites.
Cette marche a toujours
été suivie. Je n'en citerai qu'un exemple.
Pendant un an à peu près
(en 1837 et 1838) il avait paru dans le journal le Lynx de nombreux articles
contre l'administration de la guerre. Ce journal étant peu répandu, on avait
cru pouvoir s'abstenir de poursuivre.
Mais lorsque ces articles
furent réunis dans une brochure répandue à profusion dans le pays et à
l'étranger, des poursuites furent ordonnées et une condamnation fut prononcée
en raison de ces articles qui étaient restés un an impoursuivis.
M.
d’Elhoungne. - Preuve que la loi était mauvaise.
M. le
ministre de la justice (M. d’Anethan). - Mais il ne s'agissait pas, que je sache, dans l'affaire
des Turpitudes du département de la guerre, d'offenses envers la personne du
Roi. Il ne s'agissait pas de délits semblables à ceux à l'égard desquels la loi
actuelle est présentée.
Ainsi l'on ne peut pas
argumenter de la condamnation dans l'affaire des Turpitudes pour soutenir
qu'une modification au décret de 1831 n'est pas nécessaire.
Quant à la procédure,
quant à la nécessité d'une répression plus prompte, je pense que cette nécessité
existe, non seulement pour les délits spéciaux qui font l'objet de l'article
premier, mais même pour tous les délits de presse. Il y est pourvu par le
dernier article du projet.
Lorsque nous en serons à
cet article, il me sera facile de le justifier. Après avoir réfuté l'allégation
que le ministère devrait s'imputer à lui-même^ l'acquittement prononcé,
j'aborde l'art. 1er. Je vais établir la nécessité de la modification proposée.
D'après les dispositions
actuellement existantes, des peines sont comminées pour réprimer les injures et
les calomnies envers les particuliers et les outrages envers les fonctionnaires
publics. Les particuliers se trouvent garantis, par les articles 367, 375 et
373 du Code pénal. Les fonctionnaires publics sont garantis par les articles
222, 223 et 224 du même Code.
Remarquez, messieurs, que
dans aucun de ces articles, il n'est exigé que les injures, pour être punies,
soient dites méchamment, que les calomnies, les outrages aient été dictées par
la méchanceté.
Dans ces différents cas,
on ne demande pas quel est le sentiment qui a fait agir, on se borne à demander
: Y a-t-il injure ? Y a-t-il calomnie ? Y a-t-il outrage ? Sans doute (et je
réponds ici à un argument de l'honorable M. Verhaegen), sans doute, s'il n'y a
pas eu intention, il n'y aura pas de délit ; cela est élémentaire en droit
criminel. Mais autre chose est d'exiger intention de commettre le fait, autre
chose d'exiger que l'intention ait été produite par la méchanceté.
Il y a là une énorme
différence. L'intention peut ordinairement se prouver par le fait même ; mais
comment établir quel a été le mobile de cette intention ? Ainsi, en matière de
coups et blessures qui ont amené la mort, on ne demande pas si l'accusé a eu l'intention
de donner la mort, on demande s'il a eu l'intention de donner des coups dont la
mort a été la suite. Ainsi (les criminalistes sont d'accord sur ce point), il
ne peut y avoir de délit sans intention. Mais on ne doit pas examiner si, dans
l'intention de celui qui a commis le délit il est entré plus ou moins de
méchanceté, plus ou moins de perversité.
Quand il a été commis une
offense envers le Roi, que ce soit par raillerie, par dérision ou par tout
autre motif, il faut que ce délit soit puni ; on ne doit pas faire dépendre la
criminalité, de l'intention plus ou moins méchante, qui a dirigé le prévenu. On
ne recherche pas cette intention pour les injures envers les particuliers et
les outrages envers les fonctionnaires publics. A plus forte raison ne doit-on
pas la rechercher pour les offenses envers le Roi.
Cette différence existant
dans la loi, doit donner à penser au jury ; il doit se dire : Il y a quelque
chose de plus quant au délit d'injure envers le Roi. Pour un particulier on
demande seulement si l'injure a été prononcée ; pour le Roi, on me demande si
l'injure a été prononcée méchamment.
N'est-il donc pas évident
que la législation actuelle, destinée à protéger le» fonctionnaires publics et
les particuliers, les protège davantage que le décret de 1831 ne protège la
royauté ? (Interruption.) L'honorable
M. d'Elhoungne me parle des chambres. (Interruption.)
Il me parle également de l'inviolabilité royale et de l'autorité
constitutionnelle du Roi. (Interruption.)
Les expressions du décret de 1831 sont les suivantes : (M. le ministre lit
l'article 3. )
Eh bien, messieurs, il y
a une distinction capitale à faire : lorsqu'il s'agit d'attaque contre la force
obligatoire des lois, lorsqu'il s'agit d'attaque contre l'inviolabilité de la
personne royale, les droits constitutionnels du Roi, les droits de sa dynastie,
les droits des chambres, dans ce cas l'on conçoit que, pour pouvoir punir, on
exige qu'il y ait eu méchanceté de la part de celui qui s'est permis l'attaque,
et le motif en est excessivement simple. Si on supprimait le mot méchamment, en
ce qui concerne par exemple la force obligatoire des lois, toute discussion
deviendrait impossible : or, il est évident que ces points, peuvent faire le
sujet de discussion ; supprimer le mot méchamment en ce qui concerne ces
matières, ce serait empêcher tout examen, interdire aux jurisconsultes de
discuter la question de savoir si certaines lois ne sont plus obligatoires. (Interruption.) La loi n'est pas faite
pour les jurisconsultes plus que pour d'autres, mais l'honorable membre, qui
m'interrompt, avait demandé comment on pouvait supprimer le mot méchamment dans
les cas prévus par l'article en discussion et le maintenir pour d'autres cas.
Force m'a bien été d'expliquer les distinctions qu'il faut faire à cet égard.
Je dis, messieurs, que la
différence entre les deux natures de délits dont j'ai parlé, que cette
différence est sensible et que si l'on effaçait le mot méchamment dans
l'article 2 et dans la première partie de l'article 3 du décret, on pourrait,
en appliquant à la rigueur ces articles, empêcher toute espèce de discussion
relativement à la force obligatoire des lois, et relativement à l'étendue des
droits de la Couronne.
Le décret de 1831
punissait l'injure et la calomnie contre la personne du Roi. Quelques sections
avaient pensé qu'il aurait été convenable de substituer au mot offenses proposé
par le gouvernement, le mot outrages ; nous avons pensé, messieurs, devoir
maintenir le mot offenses parce qu'il semble rendre plus exactement la pensée qui
doit présider à la rédaction d'une loi de cette espèce. Le décret de 1831 parle
d'injures ; si vous substituez le mot d'outrages, vous donnez une garantie
moins grande, car l'outrage est une injure grave, et par conséquent vous faites
le contraire de ce que je désire faire par le projet de loi maintenant soumis à
vos délibérations. Le mot offenses est très général, j'en conviens ;, mais il
me semble qu'en pareille matière il faut un terme qui prévienne toute impunité.
Il me semble que toute espèce d'irrévérence envers le personnage auguste qui
doit rester entouré du respect de tous, que toute irrévérence quelconque doit
être punie, et que le mot le plus large qu'on puisse employer est
nécessairement celui qu'il faut choisir. C'est, d'ailleurs, le mot qui a été
adopté en France depuis 1819. C'est aussi le mot qui se trouvait dans le projet
de 1834, et qui se trouve également dans l’avant-projet d'une commission de
jurisconsultes distingués. Ce mot est celui qui convient le mieux pour
qualifier le délit que nous croyons nécessaire de punir d'une manière
exemplaire.
Je pense, messieurs, que
la loi présentée est infiniment préférable au décret de 1831. Aussi l'honorable
M. Verhaegen a-t-il principalement insisté sur la considération que la loi a
été présentée d'une manière inopportune ; que la loi a été présentée à la suite
d'un récent verdict du jury, et qu'il aurait été préférable de ne point se
hâter autant pour ne pas donner à la loi le caractère qu'on lui prête
maintenant Ce que j'ai déjà dit, messieurs, répond suffisamment au reproche
d'avoir mis trop de précipitation dans la présentation de cette loi, puisque
depuis longtemps les éléments s'en trouvaient réunis au ministère, et que
depuis longtemps on avait signalé les vices auxquels il s'agit de porter remède.
Mais, enfin, messieurs, ce verdict devait-il empêcher le gouvernement de
présenter la loi ? Là est, ce me semble, toute la question. Quoi ! parce qu'un
jury aurait rendu un verdict que l'honorable M. Verhaegen déplore probablement
avec moi, le gouvernement devrait s'abstenir de proposer à la chambre les
modifications qu'il croit nécessaire de faire apporter à une loi ! Mais,
messieurs, fallait-il attendre deux, trois, quatre verdicts avant de se
déterminer à présenter un projet de loi, alors que les vices de la législation
qu'il s'agissait de modifier n'étaient méconnus par personne ?
Mais, messieurs, à peine
ce verdict avait-il été rendu que, fort de l'impunité dont ils se croyaient
assurés, d'autres individus ont fait reproduire dans un autre journal les
articles qui avaient été déférés au jury ; de nouvelles poursuites ont été
intentées à raison de cette nouvelle publication ; aurait-il donc fallu
attendre encore que cette publication eût été suivie d'un acquittement nouveau,
avant de présenter le projet de loi qui est maintenant soumis aux délibérations
de la chambre ? Eh bien, si immédiatement après un second acquittement un
projet de loi avait été présenté, il est probable que les critiques dont la loi
est actuellement l'objet auraient été produites et qu'on aurait dit qu'il
fallait attendre un troisième verdict.
Messieurs, le verdict ne
doit avoir aucune influence sur l'examen auquel vous aurez à vous livrer ; il
s'agit de savoir uniquement si la loi améliore la législation actuelle ; s'il y
a des améliorations, la chambra ne (page
1258) doit pas
hésiter à les voter, alors même qu'elle penserait que la présentation du projet
de loi n'est pas opportune.
Mais, messieurs,
puisqu'on m'a appelé sur le terrain du verdict du jury, je me demande : Que
prouve ce verdict ? L'honorable M. Verhaegen reconnaît sans doute avec moi que
les caricatures et les articles qui ont donné lieu aux poursuites ne peuvent
rester impunis dans un Etat bien constitué. Or, de deux choses l'une : ou la
loi était impuissante, n'avait pas prévu le cas ; ou bien le jury a été induit
en erreur ; eh bien ! dans l'un et dans l'autre cas, il est important de porter
une loi nouvelle, soit pour faire cesser l'impuissance de la loi, soit pour
prévenir le retour d'une erreur semblable à celle qui a été commise. Sans
doute, on n'ira pas jusqu'à dire que le jury a manqué sciemment à ses devoirs
et qu'il a volontairement acquitté, alors qu'il croyait qu'il n'y avait pas
lieu à acquittement. Si l'on tenait ce langage, ce ne serait pas nous alors qui
pourrions être accusés de faire injure au jury, mais bien les personnes qui
manifesteraient cette opinion. Je le répète, dans les deux cas que j'ai prévus,
c'était un devoir pour le gouvernement de faire cesser la possibilité d'un
abus, et j'espère que l'honorable M. Verhaegen qui, au début de son discours, a
déclaré qu'il voulait protéger la royauté, s'associera à moi pour faire passer
le projet de loi qui est en discussion.
Messieurs, en toutes
circonstances, dès l'instant où par suite d'une décision judiciaire, ou de
faits qu'on croyait ne pas pouvoir punir d'après la législation existante,
l'insuffisance de la loi a été reconnue, le législateur s'est empressé de
combler la lacune par le vote d'une loi. Je pourrais citer plusieurs exemples
empruntés à l'ancien gouvernement des Pays-Bas, mais je me bornerai à citer ce
qui s'est passé en Belgique.
En avril 1834, des
troubles avaient éclaté ; l'on a pensé que la loi pour les réprimer, était
insuffisante, et le 28 juillet 1834 on a voté une loi sur les démonstrations
orangistes, ainsi que sur le port des décorations, de signes de ralliement,
etc. C'est l'honorable M. Lebeau, qui, obéissant à un impérieux devoir, a
présenté le projet de loi auquel je fais allusion. II suffit de lire l'exposé
des motifs de ce projet pour se convaincre qu'il était motivé sur les mêmes
raisons qui ont amené la présentation du projet de loi en discussion
maintenant.
Il
y a un an, la cour de cassation de Belgique avait reconnu que diverses
ordonnances qu'on appliquait jadis pour la désertion des sujets de la marine
marchande, n'étaient plus en vigueur dans le pays ; quelques jours après, le
gouvernement est venu présenter un projet de loi pour combler cette lacune.
Ainsi, toutes les fois
que l'insuffisance de la législation s'est manifestée, le gouvernement s'est
empressé de présenter un projet de loi, et en cela il a rempli son devoir.
Messieurs, je pense
avoir, à l'aide de ces considérations justifié, la présentation du projet de
loi, ainsi que les modifications introduites par l'article premier au décret de
1831.
M. Verhaegen. - Messieurs, M. le ministre de la
justice a eu parfaitement raison lorsqu'il vous a dit que, comme lui, je
voulais que la royauté fût respectée, que, comme lui, je voulais que les
outrages contre la personne du Roi fussent réprimés. J'irai même plus loin, je
dirai que, d'après moi, la vie privée doit rester murée et que je condamne la
presse, quelle qu'elle soit, du moment qu'elle franchit les limites de la vie
publique qui seule est de son domaine.
Des membres. - Très bien !
M. Verhaegen. - De sorte que je ne puis pas être
suspecté de partialité à raison des observations que j'ai eu l'honneur de vous
soumettre contre le projet, dans l'intérêt même de la royauté. J'ai combattu,
messieurs, le projet, parce que j'ai cru qu'il allait à rencontre du but que
l'on se proposait. J'ai dit à M. le ministre de la justice que j'avais à
reprocher au gouvernement trois fautes graves, et M. le ministre ne m'a pas suivi
sur le terrain de ces reproches : il a eu de très bonnes raisons pour cela.
M. le ministre voudrait
en vain donner un autre sens au discours auquel j'ai fait allusion tantôt et
qui a servi de règle de conduite au jury dans son verdict d'acquittement. Le
Moniteur, l'inexorable Moniteur est là pour lui donner un démenti. C’est de ce
discours que les défenseurs des prévenus se sont emparés avec beaucoup
d'habileté et leurs moyens de défense ont été accueillis aux applaudissements
du public.
M. le
ministre de la justice (M. d’Anethan). - L'affaire a été jugée à huis clos,
M. Verhaegen. - Le public n'en a pas moins été
initié à tous les détails, car les journaux ont rendu un compte exact des
débats. D'ailleurs, messieurs, voulez-vous vous faire une opinion personnelle
sur cette question ? ouvrez le Moniteur et vous direz avec le public que c'est
M. le ministre de la justice qui a été le premier défenseur des prévenus et qui
par les vérités qu'il a laissées tomber de la tribune a amené leur
acquittement.
Aujourd'hui pour échapper
à la responsabilité qui pèse sur lui, M. le ministre voudrait donner un tout
autre sens à ses paroles. S'il faut l'en croire, il aurait voulu dire qu'en
matière de presse un seul fait ne suffit pas pour amener une condamnation, mais
qu'il faut une série de faits d'où l'on puisse induire un système arrêté de
diffamation. Mais c'est en revenir aux procès de tendance d'odieuse mémoire, et
si tel est le sens du discours de M. d'Anethan, dont les défenseurs des
prévenus ont fait usage devant le jury, il n'est pas étonnant que le jury en
ait fait bonne et prompte justice.
Ceci, messieurs, me
conduit à répondre à une autre observation de M. le ministre. Elle se résume
dans un dilemme. De deux choses l’une, a-t-il dit : où le jury s'est trompé ou
la loi est impuissante ; si le jury s'est trompé, dans ce cas, à moins de saper
l'institution du jury, il faut une loi nouvelle pour qu'à l'avenir il ne se
trompe plus, c'est-à-dire, pour qu'il soit infaillible ; ou la loi est
impuissante, et, dans ce cas encore, il faut une loi nouvelle.
La réponse est facile et
je l'ai donnée d'avance : le jury ne s'est pas trompé et la loi n'est pas
impuissante. Le jury ne s'est pas trompé, car le ministre de la justice l'a
complètement éclairé par son discours. Il a répondu en pleine connaissance de
cause, et son verdict se trouve justifié par le Moniteur.
Je ne puis voir rien de
politique dans ce verdict qui n'est dû
qu'à la conviction qu'avait le jury que les faits reprochés aux prévenus ne
constituaient pas le délit défini par la loi, et la loi n'était pas
impuissante, car si le jury avait constaté l'existence des conditions qu'elle
exige pour la criminalité, il aurait condamné.
Maintenant, si,
contrairement à mon opinion, le verdict d'acquittement pouvait avoir un côté
politique, qu'on en soit bien convaincu, ce verdict serait dirigé non pas
contre la royauté que le pays respecte et veut voir protéger, mais contre le
ministère, en haine des fautes qu'il a accumulées.
Messieurs, il est évident
que le projet de loi ne peut amener aucun résultat avantageux. Les hommes sont
ainsi faits. Si le ministère croit avoir à se plaindre du verdict du jury, par
des raisons que je n'ai plus à examiner, qu'il en soit bien convaincu,
l'occasion se présentant de nouveau, la loi ne sera qu'une raison de plus pour
amener des acquittements nouveaux. C'est toujours là le résultat d'une
réaction, si je puis m'exprimer ainsi.
Je termine, messieurs, en
répondant à une dernière observation qui m'a été faite par M. le ministre de la
justice. La loi nouvelle est nécessaire, a-t-il dit, parce que dans le décret
de 1831 se trouve le mot méchamment et que ce mot peut mettre le jury dans le
cas de se tromper ; mais M. le ministre doit admettre avec moi qu'il n'y a ni
crime, ni délit sans intention ; que pour le délit de calomnie, comme pour le
délit d'injure, comme pour tout autre délit quelconque, il faut l'intention, et
certes l'intention dans le sens de la loi pénale est bien l'intention méchante
; car, en matière de délit, je ne connais pas de bonne intention. La
distinction qu'a voulu faire M. d'Anethan, entre la mauvaise et la bonne
intention, est trop absurde pour que je veuille y répondre. C'est l'intention qui
imprime au fait matériel sa moralité, et, certes, cette intention ne peut être
qu'une intention méchante.
Dans
tous les cas, la discussion qui naîtra de la comparaison des deux lois, et qui
se résumera toujours en une question d'intention, amènera, j'en ai l'intime
conviction, beaucoup plus d'acquittements que n'en aurait amené la seule loi de
1831, et ainsi la loi nouvelle ira directement à l'encontre du but que se
propose le gouvernement, outre qu'il aura très inutilement et très mal à propos
découvert la royauté.
M. le
ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, l'honorable M Verhaegen a prononcé deux mots
qu'il a cru de nature à faire quelque impression sur la chambre, le mot de
tendance et le mot de réaction. Dans tout ce que j'ai dit relativement à la
nécessité de poursuivre dans certains cas, et à la possibilité de ne pas
poursuivre dans certains autres, il n'y a rien qui ressemble le moins du monde
à l'intention d'intenter des procès de tendance. L'honorable membre n'a pas
compris mes paroles. Qu'appelle-t-on, en général, un procès de tendance ? Un
procès basé sur des intentions supposées, résultant indirectement d'articles
combinés. Mais, ai-je fait allusion à un procès de tendance en disant qu'il
faut une grande publicité, pour poursuivre certains délits, et que, si la
publicité n'a pas eu lieu d'une manière fort étendue, on peut souvent se
dispenser de poursuivre ?
Il
ne s'agit pas du tout là de procès de tendance dans le sens qu'on attache à ces
mot, il s'agit uniquement d'examiner dans quel cas la publicité a été assez
grande pour nécessiter une poursuite ; il ne faut pas multiplier les poursuites
du chef d'injures ou de calomnies, ces procès peuvent souvent avoir un côté
dangereux. Entre un semblable langage et celui qui tendrait à justifier des
procès de tendance, il y a, messieurs, une distance infinie, et je le répète,
l'honorable M. Verhaegen n'a pas compris mes paroles.
L'honorable membre a dit
aussi que la loi sera considérée comme réactionnaire. Je vous avoue, messieurs,
que je ne comprends pas quelle idée de réaction l'honorable membre peut
attacher à cette loi, lorsqu'il est d'accord avec moi que les offenses
quelconques envers la personne du roi doivent être punies, et que la loi ne
demande pas autre chose. La loi pourrait être réactionnaire si elle enlevait au
prévenu quelques garanties écrites dans la loi actuelle ; mais, lorsque nous
arriverons aux autres articles, je me fais fort d'établir qu'aucune des
garanties établies par le Code d'instruction criminelle n'est enlevée au
prévenu.
M. Castiau. - Vos amendements n'ont pas d'autre
but.
M. le
ministre de la justice (M. d’Anethan). - Eh ! messieurs, d'après le projet que j'avais présenté, le
pourvoi en cassation ne pouvait être formé qu'après l'arrêt définitif, et,
cette disposition, je l'abandonne dans le nouvel article 7. Mes amendements ont
donc un but tout à fait contraire à celui que leur attribue l'honorable M. Castiau.
M. Castiau. - Et la condamnation en cas
d'absence ?
M. le
ministre de la justice (M. d’Anethan). - C'est une nécessité constitutionnelle que j'établirai de
la manière la plus évidente.
Je demande pardon à la
chambre d'occuper encore ses moments, mais je dois ajouter un mot de réponse à
l'honorable M. Verhaegen.
(page 1259) (manque quelques
mots) que j'ai prononcé dans la discussion politique, l'honorable membre
s'acharne, qu'il me passe cette expression, à considérer mes paroles comme la
cause de l'acquittement des prévenus. S'il a plu à un avocat, devant la cour
d'assises, d'argumenter de mes paroles pour établir l'innocence de son client,
je ne suis pas responsable de l'abus qui a pu être fait de mon discours.
L'honorable M. Verhaegen
ne soutiendra pas que je doive accepter comme évangile l'interprétation donnée
par cet avocat à mes paroles ; si j’avais mon discours sous la main
j'établirais facilement que, loin de déclarer qu'il n'y avait ni crime ni délit
dans les articles incriminés, j'ai dit, au contraire, que ces articles étaient
coupables, scandaleux : ce sont les expressions dont je me suis servi. Je ne
conçois donc pas qu'on puisse supposer que le jury a trouvé dans mes paroles un
motif pour prononcer un verdict d'acquittement.
L'honorable M. Verhaegen
va plus loin : il dit que le jury a pu très consciencieusement déclarer les
accusés non coupables, que c'était pour lui une affaire de bon sens, et
pourquoi ? Parce que le ministre de la justice avait déclaré à la tribune
nationale que le libelle n'était point criminel. D'abord, messieurs, je n'avais
point déclaré cela, mais, l'eusse-je fait, je vous demande si une opinion
semblable émise par moi, eût dû influencer le jury lorsqu'il avait sous les
yeux les articles dont le ministère public lui faisait voir la criminalité.
Comment ! les paroles d'un ministre auraient pu engager un chef de jury à
violer le serment qu'il avait prêté, à prononcer un verdict d'acquittement
alors qu'il aurait pensé que les accusés étaient coupables ! L'honorable membre
n'a pas réfléchi à la portée de ses paroles !
L'honorable membre a dit
que le dilemme que j'ai posé n'en est pas un, que tout ce que j'ai dit se
réduit à affirmer que la loi est insuffisante. Eh ! bien, messieurs, je
persiste à présenter le dilemme que j'ai posé, et ce dilemme je voudrais le
voir aborder par l'honorable membre. J'ai dit : ou la loi est inefficace, ou le
jury a été induit en erreur par les termes de la loi, et, dans l'un comme dans l'autre
cas, il faut modifier la loi ; il faut pourvoir à l'inefficacité de la loi ou
il faut empêcher que le jury se trompe de nouveau. J'ai dit que l’erreur du
jury pouvait résulter non pas de l'inefficacité de la loi, mais de la
complication des questions, de la comparaison faite entre les dispositions
qu'il s'agissait d'appliquer et celles qui sont relatives aux délits de même
nature commis contre des simples particuliers.
Encore un mot, messieurs,
relativement à l'intention.
L'honorable M. Verhaegen
dit : « Le ministre de la justice a reconnu lui-même qu'il n'y a pas de délit
sans intention, et je ne sache pas qu'en fait de délit, jamais l'intention
puisse être bonne. Il faut toujours, a-t-il ajouté, une intention méchante pour
constituer un délit. » Que la chambre me permette de citer un exemple. Je
suppose qu'un individu en insulte un autre et que celui-ci, armé d'un bâton, en
porte un coup au premier ; cette personne aura été entraînée par la passion,
elle aura volontairement donné le coup, elle sera coupable. Eh bien, posez au
jury la question de savoir si le coup a été donné volontairement, le jury
répondra oui ; demandez-lui si l'intention a été méchante, il répondra
non. Eh bien, ce qui arrive pour des faits de cette nature arrivera et est arrivé
déjà pour les délits dont il s'agit dans le projet de loi.
- La séance est levée à 4
heures 3/4.