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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 27 janvier 1849

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 565) M. Dubus procède à l'appel nominal à 2 heures un quart.

M. Troye lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dubus présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le conseil communal de Caulille demande le maintien de l'arrondissement administratif de Maeseyck. »

« Même demande du conseil communal de Lille-Saint-Hubert. »

M. Vilain XIIII. - Le rapport sur le budget de l'intérieur étant fait, je demande le dépôt de ces pétitions sur le bureau pendant la discussion du même budget.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur Lietaert, juge de paix du deuxième canton de Thourout, présente des observations contre le projet de loi relatif à la réduction du personnel des cours et tribunaux.»

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Les médecins et pharmaciens à Fleurus demandent l'abolition de l'impôt-patente sur ceux qui exercent la médecine et la pharmacie. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

Projet de loi sur la réforme postale

Rapport de la section centrale

M. Cools. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur le projet de loi relatif à la réforme postale.

M. le président. - Le rapport sera imprimé et distribué. A quel jour la chambre veut-elle fixer la discussion ?

M. Rodenbach. - Je demande que ce projet soit mis à la suite des objets à l'ordre du jour.

M. Cools. - Messieurs, je demande que la chambre ne se prononce pas sur l'ordre du jour en ce qui concerne le projet de réforme postale, avant que le rapport ne soit imprimé. Elle sera libre, après la distribution de ce rapport, de prendre telle décision qu'elle jugera convenable. Mais il y a des calculs que je crois utile que la chambre connaisse avant de se prononcer sur le jour de la discussion.

- La proposition de M. Cools est adoptée.

Prise en considération de demandes en naturalisation

M. le président. - La parole est à M. de Royer.

M. de Royer. - Messieurs, à peine la chambre était-elle réunie, que nous avons eu à nous prononcer, le 15 novembre dernier, sur un feuilleton contenant 22 demandes en naturalisation.

Depuis cette époque, d'autres listes renfermant de nouvelles demandes nous ont été mises sous les yeux ; enfin, le nombre des individus qui sollicitent l'indigénat s'élève en ce moment à quatre-vingt-quatorze, depuis la réunion des chambres législatives.

J'ai reconnu que plus de soixante et quinze de ces postulants sont fonctionnaires ou employés civils ou militaires salariés par l'Etat.

Cet aperçu, messieurs, est frappant, alors que l'on réfléchit que depuis 1830 neuf cents étrangers ont obtenu des lettres de naturalisation, et que la plupart de ces naturalisés occupent des emplois.

Cet état de choses est d'autant plus déplorable que, par suite des mesures économiques adoptées par le gouvernement, un grand nombre de fonctionnaires vont être mis soit à la pension, soit en disponibilité, ou au traitement d'attente. Le trésor se trouvera donc obligé de payer des pensions pendant le reste de leurs jours à des étrangers que l'on a eu le tort d'accueillir trop facilement, et le plus grand tort encore de leur confier des emplois trop souvent sollicités vainement par des Belges.

Ces faits graves doivent enfin ouvrir les yeux à la législature, et nous faire comprendre que tout individu qui sollicite la naturalisation est à l'avance pourvu d'un emploi, ou à la promesse d'en obtenir un ; car il est à remarquer, messieurs, que plus des neuf dixièmes des naturalisés vivent en Belgique à la charge du budget. Et si les choses continuent sur ce pied, il n'y aura bientôt plus chez nous pour employés que des étrangers naturalisés.

Il est donc plus que temps que nous apportions un terme à cette situation, dont le pays depuis plusieurs années s'émeut avec raison, et que nous adoptions la résolution bien arrêtée de ne plus nous laisser aller à céder, comme nous l'avons fait jusqu'ici, aux sollicitations incessantes des pétitionnaires ou de leurs amis. Maintenant que nous apprécions mieux que jamais le danger des admissions faites en trop grand nombre, ou accueillies trop légèrement, nous devons être plus sévères et plus avares de semblables faveurs, car nous serions blâmables et coupables même envers nos concitoyens, si nous ne mettions un frein à une trop grande condescendance vis-à-vis des demandes qui nous sont présentées, alors que les circonstances nous démontrent le mal qui en est le résultat.

Pour ce qui me concerne, messieurs, je suis bien décidé à ne plus admettre les étrangers par fournée; au contraire, je serai systématiquement opposé à l'avenir à toute demande d'indigénat, lorsqu'il ne me sera pas suffisamment constaté que l'individu qui a le projet de venir s'établir en Belgique, y arrive avec des moyens d'existence connus, ou bien importe dans notre pays une industrie ou un commerce utiles.

La législature a, du reste, fort bien compris toute l'étendue des inconvénients qu'il y avait à recevoir un trop grand nombre d'étrangers dans l'armée, dans l'administration du pays, et notamment dans celle des finances. Cette position anormale pourrait en effet faire naître des inquiétudes dans certaines circonstances données, en cas de guerre par exemple.

D'un autre côté, n'avons-nous pas vu, si j'ai bonne mémoire, des étrangers à qui l'on avait confié, avec une légèreté et une imprudence impardonnables, des emplois de comptable dans l'armée, s'absenter, quitter la Belgique, oublier de rendre compte de leur gestion, et dans la crainte que leur caisse ne soit compromise, l'emporter avec eux?

Ces exemples fâcheux sont des enseignements pour le cabinet, et indiquent suffisamment combien il est peu rassurant de confier des fonctions à des étrangers qui n'offrent aucune garantie, ne sont que peu ou point connus et n'ont d'autres titres que quelques recommandations, qui certes ne répondraient pas pour eux.

Ces dangers, joints aux justes plaintes des Belges, éveillèrent la sollicitude du gouvernement et des chambres qui décrétèrent la loi du 15 février 1844, laquelle impose l'obligation à tout étranger qui obtient la naturalisation, de verser au trésor une somme de 500 fr.

Cette disposition si juste, si généralement réclamée, reçut à peine un commencement d'exécution ; mais nous avons des motifs pour craindre que tout importante et opportune qu'elle soit, sous tous les rapports, cette mesure est maintenant tombée en désuétude, à tel point que la condition du versement à faire au trésor de l'Etat, bien que stipulée dans l'acte de naturalisation, est refusée par l'obtenteur.

Il y a plus, messieurs, c'est que le refus d'exécution de cette condition si expresse, sans laquelle il n'y a point de naturalisation validée, n'entraîne pas même la déchéance immédiate de l'emploi obtenu, et les étrangers qui se trouvent dans cette position irrégulière, lesquels évidemment à la rigueur ne sont pas naturalisés, attendu qu'ils n'ont point rempli la condition principale, conservent les emplois qu'ils exerçaient précédemment, au détriment de beaucoup de postulants du pays qui ne peuvent obtenir d'être placés et dont les familles sont errantes, en proie aux plus pressants besoins.

Dans cette occurrence, je me demande, messieurs, si le gouvernement, lors de la mise en disponibilité des fonctionnaires dont les emplois tombent sous le coup de la suppression, commencera par appliquer la mesure rigoureuse pour tous, de préférence à ceux des étrangers qui ne sont pas naturalisés, puisqu'en refusant le versement conditionnel ils ont abdiqué de leur propre volonté la faveur qui leur était offerte de devenir Belges.

Je n'ai pas perdu de vue que M. le ministre des finances, dans une séance précédente, a déclaré positivement, pour ce qui le concerne, qu'il accorderait la préférence aux Belges pour la collation des emplois, et qu'il commencerait les éliminations à faire prochainement par les étrangers. J'ai la conviction que ce haut fonctionnaire, qui a déjà donné au pays tant de preuves de courage et de patriotisme, n'oubliera pas sa promesse. Je serais heureux d'entendre les autres membres du cabinet prendre le même engagement.

Je me demande aussi, messieurs, si le gouvernement ne mettra pas en demeure les étrangers maintenus dans leurs fonctions, par suite de la prochaine réorganisation nouvelle, d'opérer le versement dont s'agit dans un délai à déterminer, à peine d'être considérés comme démissionnaires et remplacés immédiatement après l'expiration du délai accordé.

Je me demande encore si, pour l'avenir, le gouvernement prendra des mesures pour la stricte observation de la loi en ce qui concerne le versement de rigueur, soit en exigeant, préalablement à toute décision à prendre, la production de la quittance de payement, ou tout au moins, en réclamant l'engagement par écrit de le réaliser dans un bref délai.

Il faut bien se convaincre, messieurs, que les personnes qui sollicitent la naturalisation prennent auparavant des renseignements sur les obligations qu'elle impose. Or, nul ne peut être admis à prétexter cause d'ignorance; un semblable système, pour se soustraire aux conditions impérieusement prescrites par la loi, ne pourrait être toléré.

Je demanderai, en terminant, au ministère si le gouvernement n'a pas reconnu qu'il fût utile d'apporter quelques modifications à la loi du 15 février 1844. S'il en était ainsi, je le prierais d'en faire l'objet d'un examen et de nous présenter ses vues à cet égard, car la loi ne peut rester plus longtemps sans exécution.

(page 566) Je pourrai encore, messieurs, ajouter beaucoup de choses à ce que je viens d'avoir l'honneur d'exposer à la chambre, concernant les naturalisations; mais j'aurais regret d'abuser davantage de l'indulgence avec laquelle elle a bien voulu m'entendre. D'un autre côté, les renseignements déposés par M. le ministre de la justice me paraissent incomplets. Toutefois, l'objet est assez important pour y revenir. J'attendrai jusqu'à ce que je sois suffisamment éclairé sur tout ce qui a été fait dans cette partie du service depuis cinq ans. A cet effet, je me résumerai en faisant la proposition suivante.

« M. le ministre de la justice est prié de déposer sur le bureau de la chambre un état nominatif des naturalisations accordées depuis l'émission de la loi du 15 février 1844, indiquant :

« 1° Noms et prénoms des naturalisés ;

« 2° Profession, fonctions ou emplois obtenus;

« 3°« Montant du traitement (le cas échéant) ;

« 4° Lieu et date de naissance ;

« 5° Lieu du domicile ;

« 6° Date de la naturalisation ;

« 7° Montant du versement fait à compte de la somme de 500 fr., due de ce chef ;

« 8° Observations : Indiquer les naturalisés refusant l'indigénat auxquels l'emploi aurait été retiré. »

Aussitôt que ce document sera fourni, je demanderai à la chambre la permission de lui présenter un travail sur l'ensemble des naturalisations accordées depuis 1830, et particulièrement sur celles qui ont eu lieu depuis la mise en vigueur de la loi du 15 février 1844.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Messieurs, dans la séance d'hier, un membre de cette assemblée ayant fait remarquer qu'il avait des observations à présenter sur la demande en naturalisation du colonel Guillaumot, observations qui seraient de nature à faire probablement repousser cette demande, la chambre s'est formée en comité secret.

Messieurs, pour l'honneur de l'armée, pour son propre honneur, cet officier ne peut rester plus longtemps sous le poids des accusations portées contre lui. Je demande donc à la chambre de pouvoir lui donner quelques renseignements qui prouveront que l'honorable M. De Pouhon a été induit en erreur par ceux qui lui ont fourni les renseignements qu'il vous a communiqués, que sa religion a été trompée.

Les accusations qui ont été portées contre le lieutenant-colonel Guillaumot ont rapport à sa conduite comme directeur de la colonie de Santo-Thomas de Guatemala.

Mais cette affaire, ces accusations ont été examinées et jugées par les tribunaux; et sur tous les points, M. Guillaumot a obtenu gain de cause.

Aussi le gouvernement, qui avait pu apprécier les capacités, le zèle, la probité et les services de cet officier, l'a-t-il élevé au grade de lieutenant-colonel, et lui a-t-il confié la direction d'un des établissements les plus importants de l'administration de la guerre.

Evidemment, si mon honorable prédécesseur M. le général Prisse n'avait pas eu tous ses apaisements sur la moralité et l'habileté de cet officier, il ne lui aurait pas donné ce témoignage de confiance, et il ne l'aurait pas placé à la tête de l'arsenal de construction d'Anvers.

J'ai eu souvent moi-même occasion d'apprécier le mérite et les qualités de cet honorable officier pendant les nombreuses années qu'il a passées sous mes ordres alors que je commandais la province de Liège.

M. Guillaumot est un des élèves les plus distingués de l'école polytechnique. Il était capitaine d'artillerie en France, en 1831, lorsque le gouvernement belge lui fit proposer de venir en Belgique pour y créer et organiser le service des pontonniers.

M. Guillaumot n'est donc venu en Belgique qu'à la demande expresse du gouvernement.

Aucun officier belge ne s'était trouvé appelé à prendre part au service des pontonniers sous le gouvernement des Pays-Bas.

Ainsi, messieurs, tout était à créer, et par son zèle et son activité M. Guillaumot réalisa toutes les espérances qu'on avait conçues de son intervention et remplit sa mission de la manière la plus distinguée. Il parvint en peu de temps à surmonter toutes les difficultés, de manière à obtenir l'approbation de ses chefs, l'estime et la confiance de ses camarades, ainsi que le suffrage des officiers étrangers qui ont vu manœuvrer notre équipage de ponts.

Depuis qu'il est à la tête de l'arsenal de construction, M. Guillaumot a rendu de nouveaux services et a acquis de nouveaux titres à la confiance du gouvernement.

Cette année notamment, il y a eu des travaux immenses à exécuter à l'arsenal de construction pour réparer et construire le matériel de guerre. Malgré l'exiguïté des ressources dont il pouvait disposer, malgré le peu de temps qu'il avait devant lui, M. le lieutenant-colonel Guillaumot a pu faire face à tout, il a déployé une énergie, une activité et une intelligence au-dessus de tout éloge et dont je me plais à rendre un éclatant témoignage.

J'espère que ces renseignements engageront la chambre à accueillir favorablement la demande de naturalisation d'un officier digne à tous égards de rester dans notre armée.

M. De Pouhon. - M. le ministre de la guerre remplit son devoir, et il a raison de prendre la défense des officiers de l'armée; mais je me permettrai de faire observer que je n'ai critiqué aucun des actes posés par le major Guillaumot comme officier de l'armée belge. Je ne le connais pas en cette qualité. J'ai dénoncé sa conduite comme directeur de Santo-Thomas de Guatemala; c'est son administration homicide dans cette colonie que j'ai accusée. Les faits que j'ai signalés m'ont été révélés par une masse de malheureux revenus de Santo-Thomas, par le témoignage posthume d'un ingénieur mort dans la traversée de retour ; tous étaient unanimes pour flétrir la conduite du major Guillaumot.

M. le ministre dit que tous ces faits ont été portés devant les tribunaux ; mais, messieurs, les tribunaux n'ont eu à décider qu'une question de droit civil. Le major Guillaumot réclamait ses appointements de la compagnie ; celle-ci demandait une reddition de compte, un règlement de compte; les tribunaux ont jugé ce litige, et nullement l'administration du directeur colonial.

M. Dolez. - Messieurs, les paroles que vous venez d'entendre peuvent se résumer en quelques mots : J'accuse un homme d'honneur ; j'avoue que je le fais sans preuves, mais par cela même que je n'ai pas de preuves, je vous demande de commencer d'abord par le flétrir, peut-être les preuves viendront-elles ensuite.

Messieurs, les faits de la compagnie de Guatemala ont été l'objet d'un débat,; non pas seulement devant les tribunaux, mais encore devant le public ; des mémoires ont été échangés et par les partisans de la compagnie et par le major Guillaumot, victime des calomnies intéressées dirigées contre lui. Qu'est-il résulté de ce débat public, contradictoire ? C'est que ces calomnies ont dû finir par se taire, c'est qu'elles ont été confondues.

Maintenant, veut-on des preuves irréfragables de la conduite que le major Guillaumot a tenue à Guatemala ? Je vais vous en donner. Le major Guillaumot, au moment où il partait pour Guatemala, quand déjà il était à Anvers pour s'y embarquer, recevait du directeur de la compagnie une lettre dans laquelle ce fonctionnaire lui disait : « En dehors des rapports officiels, nous consacrerons une correspondance particulière, pour tout ce qui ne serait pas mûr pour le public. »

C'est-à-dire qu'on demandait au major Guillaumot une correspondance ostensible et une correspondance secrète. Le major Guillaumot se refusa à cette double correspondance ; il correspondait officiellement avec la compagnie par des rapports multipliés. Ces rapports, on en a nié l'existence, parce qu'ils étaient en contradiction trop flagrante avec les faits, tels qu'on voulait les présenter au public. Et savez-vous à quelle époque cela se passait ? A l'époque où, par des obsessions de toute espèce, on cherchait à entraîner le gouvernement à provoquer, de la part de nos établissements de charité et de bienfaisance, une souscription en faveur des spéculateurs de Guatemala.

Le major Guillaumot ne s'est pas prêté à ces manœuvres, et c'est là la source de la rancune qu'on lui a vouée, rancune qui s'est fait jour dans cette enceinte, et dont l'honorable M. De Pouhon s'est, sans s'en douter, rendu l'organe.

On a dit encore que le major Guillaumot avait été la cause de la mortalité qui a régné à Guatemala.

Eh bien ! messieurs, dans les débats judiciaires qui ont eu lieu entre le major Guillaumot et la compagnie de Guatemala, cette compagnie elle-même a produit un rapport de M. le docteur Fleussu, en date du 10 septembre 1844, dans lequel ce directeur sanitaire de la colonie rend d'une part le plus éclatant hommage au dévouement du major Guillaumot, et signale d'autre part les causes de la mortalité effrayante qui régnait dès cette époque à Guatemala.

Voici ce que disait dans ce rapport, dont une copie a été prise au moment où il a été communiqué par la compagnie, M. le docteur Fleussu :

« L'épidémie a indistinctement et à plusieurs reprises frappé tous les colons. M. le directeur qu'elle semblait vouloir épargner, vient de subir la loi commune. Le 6 de ce mois vers 10 heures du matin, M. le directeur a été pris d'un premier accès. Un deuxième accès s'est montré le 8 vers la même heure.......J'attribue leur intensité aux indispositions, aux insomnies et aux céphalées successives qu'il a éprouvées depuis quelque temps, par suite de fatigues, des embarras et des travaux inséparables de la position auxquels il s'est vu forcé de se livrer jusqu'ici avec trop d'ardeur et d'assiduité contre nos avis et nos prières réitérées.

« L'épidémie et la fréquence des rechutes paraissent avoir leur source dans les éléments qui nous entourent. Voici les causes principale s qui la développent et l'entretiennent.

« L'humidité occasionnée par les pluies abondantes et extraordinaires qui sont tombées depuis la fin du mois de juin jusqu'à présent, l'usage habituel d'aliments farineux, lourds, la viande salée et le lard, la mauvaise qualité et l'abus chez quelques-uns des liqueurs fortes, les gardes forcées de nuit, l'encombrement surtout et enfin peut-être une constitution épidémique passagère qui se rattache à des conditions atmosphériques que la saison sèche éloignera probablement bientôt.

« Nous nous occuperons ailleurs de l'influence des causes morales qui agissent d'une manière rongeante et continue sur la santé des nouveaux colons. Le découragement général qui a suivi de si près à Santo-Thomas les promesses aussi incompréhensibles qu'imprudentes qui leur ont été faites en Belgique, ne suffit-il pas à lui seul pour préparer à la longue des maladies, pour en favoriser l'invasion, pour les entretenir et les rendre mortelles?

« Nous signalerons aussi le malheureux choix qui a été fait d'un grand nombre de colons sous le rapport de leur constitution et de leur état sanitaire. Conçoit-on qu'on puisse envoyer dans une colonie naissante où la (page 567) question vitale de salubrité n'est pas encore entièrement résolue, des familles scrofuleuses, des personnes atteintes de carie des os, des phtisiques, des idiots, des rachitiques, des boiteux, des asthmatiques? »

Voilà, messieurs, le personnel dont on composait la compagnie de Santo-Thomas de Guatemala ; et quand ce personnel a été victime du mal qu'il avait emporté par-delà des mers, quand il a été victime d'un climat que beaucoup soutiennent encore être meurtrier, on vient dire que le malheureux directeur colonial, qu'on n'a pas même payé de ses appointements, ni de ses frais (car, à l'heure qu'il est, le major Guillaumot n'est pas payé de ses appointements), on vient dire que cet honorable officier est la cause des désastres qui ont assailli les colons.

Voulez-vous, messieurs, une preuve de l'état de la colonie lorsque le major Guillaumot est arrivé à Guatemala, et des sentiments honorables qui le guidaient dans la mission qu'il avait acceptée ? Il était à peine arrivé de trois semaines qu'il écrivait à l'ami le plus intime et le plus sûr qu'il possède en Belgique, à l'honorable général Chapelié, une lettre qui a été communiquée ensuite au directeur de la compagnie de Guatemala, comme une lettre de M. le comte de Hompesch en fait foi. Dans cette lettre il disait :

« Voilà où nous en sommes. »

Il venait de décrire l'état dans lequel il avait trouvé le personnel et les choses à Guatemala.

« Voilà où nous en sommes. Trois semaines de séjour ici ne me permettent pas d'être arrêté sur ce que je ferai ; mais si les choses sont telles que je les juge maintenant, si la compagnie ne tient pas les promesses qu'elle m'a faites, et si elle continue à entasser faute sur faute, je n'hésiterai pas à demander mon rappel. J'ai pu me résoudre à quitter ma femme, mes enfants et des amis aussi chers que vous et Mme Chapelié, pour augmenter les ressources de ma petite famille et m'associer à une œuvre dont le succès eût été utile au pays; mais dès que je serai convaincu que ce succès est impossible dans des conditions données, je me retirerai, parce que je ne veux pas que ma présence, dans la colonie, serve à faire grossir le nombre de dupes qui prennent des actions ou qui viennent ici sur la foi de programmes menteurs. »

Voilà, messieurs, quel était le langage du colonel Guillaumot en arrivant à Guatemala; voilà quels étaient les sentiments qui lui servaient de règle et de guide; l'homme d'honneur ne s'y manifeste-t-il pas tout entier?

Maintenant, je vous le demande, à côté de cet homme, élève distingué sorti de l'école polytechnique, appelé, au nom de son mérite, à figurer dans notre armée, cet homme que vous voyez organisant en Belgique un service important, y conquérant l'estime de ses chefs, l'affection de ses égaux, le respect de ses inférieurs; à côté de cet homme qui, à son arrivée dans la colonie, exprime avec cet abandon le découragement qu'il avait déjà dans l'âme, et la ferme résolution de ne pas se prêter à des manœuvres qui n'auraient pour résultat que de tromper des tiers; quand vous placez une attaque basée sur des faits qu'on ne peut prouver par rien, quel sentiment pouvez-vous éprouver? N'est-ce pas un sentiment de douloureuse amertume?

C'est, messieurs, ce sentiment qui a fait que moi j'ai fait trêve cette fois à la réserve que je me suis toujours imposée quand il s'est agi parmi vous de questions concernant des personnes dont les intérêts avaient pu m'être confiés en dehors de cette enceinte. J'ai pensé que, connaissent des faits qui devaient venger un homme d'honneur d'injustes attaques, mes devoirs et mon cœur d'homme et de père de famille me commandaient de prendre la parole et de demander, pour cet homme si légèrement accusé, cette justice que votre vote ne peut manquer de lui rendre.

M. De Pouhon. - L'honorable M. Dolez place la question sur un terrain où je ne me suis pas engagé. A l'entendre, il semblerait que je parle ici au nom et pour la compagnie de colonisation. Je n'ai pas cette mission; j'ai eu l'honneur de vous dire hier que la compagnie, à laquelle j'étais devenu étranger depuis plusieurs années, se trouvait vis-à-vis de son créancier Guillaumot, dans une position qui ne lui permettait pas de prêter des armes contre lui. Mais j'indiquais la source où la commission de naturalisations pouvait puiser les preuves des faits que j'alléguais. C'est pourquoi je me bornais à demander l'ajournement de la naturalisation. Je savais bien, en venant hier ici, à quels désagréments j'allais m'exposer ; ma raison me conseillait de m'abstenir ; mais il m'a été impossible de résister au cri de ma conscience révoltée de l'impunité des faits dont j'ai eu connaissance, indignés depuis le retour de tous ces malheureux qui revenaient minés par la misère et accusant l'administration coloniale de leurs désastres et de la mort de ceux dont ils avaient été les compagnons.

Vous venez d'entendre un extrait d'un rapport du docteur Fleussu sur les causes auxquelles ce médecin attribuait la mortalité dans la colonie. Parmi ces causes figurent les gardes de nuit, les exercices militaires, la mauvaise nourriture consistant en viandes salées.

Le directeur n'avait rien fait pour écarter ou atténuer ces causes malfaisantes; les factionnaires de nuit n'avaient point de guérite pour les abriter contre les pluies; les exercices militaires se faisaient de 11 heures à midi sous le soleil ardent des tropiques, et loin de chercher à assurer une nourriture saine, le directeur entravait la chasse et la pêche, par lesquelles on pouvait s'en procurer.

Les Indiens et les Caraïbes auraient pourvu la colonie de nourriture fraîche, il y avait la plus grande importance à entretenir leurs sympathies qui s'étaient montrées si favorables ; l'un des premiers soins du directeur, après son arrivée, fut de chasser ces naturels, d'incendier leurs habitations.

L'honorable M. Dolez a fait allusion à des recommandations adressées au directeur colonial en vue de favoriser des spéculations. Ces moyens, s'ils ont existé, n'ont pu être employés qu'à l'insu du conseil d'administration. A coup sûr, ce conseil ne se composait pas de spéculateurs. Ce n’étaient pas des spéculateurs que nos honorables collègues qui en faisaient partie. Je déclare que jamais entreprise n'a été commencée et suivie avec des intentions plus désintéressées, plus nobles et plus patriotiques.

Mais dans l'administration se trouvait un homme qui avait engagé une grande fortune dans l'établissement dont il avait pris seul la direction active ; si le désir d'y attirer le gouvernement ou le public l'avait porté à employer des moyens qu'une délicatesse sévère pourrait réprouver, on ne pourrait en faire rejaillir de blâme sur le conseil qui 'n'en avait point connaissance, et qui n'était appelé qu'à de longs intervalles à donner son avis.

- La discussion est close.


Il est procédé au vote sur la prise en considération des demandes en naturalisation comprises dans les feuilletons n°» 2 et 3. En voici le résultat :

Pour le feuilleton n° 2, le nombre des bulletins est de 60.

1 billet blanc; restent 59 votants. Majorité absolue, 30.

Augustin-Scœvola Guillaumot, lieutenant-colonel, directeur de l'arsenal de construction, né à Quesnoy (France), le 20 mai 1799, domicilié à Anvers, obtient 42 suffrages.

Antoine-Joseph Robert, propriétaire, né à Utrecht (Pays-Bas), le 22 octobre 1801, domicilié à Capellen (Anvers), 41.

Jean-Antoine Gulikers, traducteur juré près le tribunal de première instance, né à Maestricht, le 15 octobre 1822, domicilié à Liège, 35.

Théodore-Henri Reynen, soldat au troisième régiment de chasseurs à pied, né à Weert (Pays-Bas), le 23 septembre 1823, 27.

Augustin Lemaire, médecin vétérinaire, né à Boiry-Becquerelle (France), le 19 fructidor an XII, domicilié à Hyon (Hainaut), 19.

Jean-Louis-Alexandre Follet, bijoutier, né à Pont-Sainte-Maxence (France), le 23 janvier 1820, 31.

Pierre-Henri Delhaes, préposé des douanes de première classe, né à Gueldres (Prusse), le 5 février 1812, domicilié à Anvers, 25.

Adolphe Scheler, médecin vétérinaire du gouvernement, né à Ebnat (Suisse), le 20 octobre 1820, domicilié à Uccle, 25.

Pierre-Jean Deridder, tambour détaché à l'école militaire, domicilié à Dunkerque (France), le 30 janvier 1813, 25.

Cyrille-Olivier Bevierre, éclusier au canal de Charleroy, né à Fellenès (France), le 3 avril 1790, domicilié à Seneffe (Hainaut), 27.

Pierre-Victrice Desmonds, éclusier au canal de Charleroy, né à Saint-Aubin-de-Scellon (France), le 7 août 1782, domicilié à Feluy, 23.

Jacques Gottschalk, fabricant de cigares, né Sierpsca (Pologne), le 10 janvier 1800, domicilié à Bruxelles, 31.

Jean-Lucien Janssens, gendarme à cheval, né à Wemmel (Brabant), le 9 fructidor an XII, domicilié à Santhoven (Anvers), 28.

Jean-François Nysten, facteur à l'administration du chemin de fer, né à Helmond (Pays-Bas), le 19 février 1795, domicilié à Namur, 25.

François-Victor Lahu, employé à l'administration du chemin de fer, né à Epernon (France), le 6 frimaire an VII, domicilié à Bruxelles, 23.

Louis-Désiré-Auguste Regost, gendarme à cheval, né à Hondschoote (France), le 24 août 1816, domicilié à Termonde, 26.

Louis-Simon Wart, surveillant à l'administration du chemin de fer, né à Rocroy (France), le 6 floréal an X, domicilié à Flawinne (Namur), 25.

En conséquence, les demandes des sieurs Guillaumot, Robert, Gulikers, Follet et Gottschalk sont prises en considération.

Les autres demandes ne sont pas prises en considération.

Pour le feuilleton n° 3, le nombre des votants est de 59.

1 billet blanc; restent 58 votants.

Majorité absolue, 30.

Henri-Octave Valentin, sous-lieutenant au 12ème régiment de ligne, né à Lausanne (Suisse), le 21 avril 1809, obtient 30 suffrages.

Auguste-Ferdinand Agniez, commis agrégé au bureau du timbre, né à Chaltrait (France), le 20 février 1820, domicilié à Bruxelles, 25.

Olivier Meurice, caporal armurier au régiment de chasseurs carabiniers, né à Ferrière-le-Grand (France), le 13 juillet 1814, 28.

Louis Desmons, quincaillier, né à Amsterdam (Pays-Bas), le 6 janvier 1848, domicilié à Gand, 33.

Benoit Schiappa, garde-frein à l'administration des chemins de fer de l'Etat, né à Mayence, le 17 février 1811, domicilié à Ensival (Liège), 26.

Victor-Claude-Alexandre Guibert, étudiant, né à Meudon (France), le 5 décembre 1820, domicilié à Liège, 40.

Wenceslas-Joseph Henry, géomètre de première classe du cadastre, né à Trêves (Prusse), le 28 septembre 1808, domicilié à Courtray, 33.

Ferdinand-Isidore Chantraine, lieutenant au premier régiment des cuirassiers, né à Wasseiges (province de Liège), le 20 juin 1807, 34.

(page 568) Théodore-Charles-Antoine Catteau, éclusier au canal de Charleroy, né à Tourcoing (France), le 18 octobre 1792, domicilié à Arquennes (Hainaut), 34.

Jacques-Henri de Cote, marchand de cigares et employé provisoire à la bibliothèque royale, né à Domessin (Sardaigne), le 20 juin 1794, domicilié à Bruxelles, 27.

Louis Bertrams, forgeron, né à Birgel (Prusse), le 13 février 1811, domicilié à Herve, 32.

Corneille-Pierre Reniers, maréchal des logis, tailleur au régiment des guides, né à Anvers, le 16 janvier 1790, 31.

Jean-Jacques Bekkens, tailleur, né à Breskens (Pays-Bas), le 7 décembre 1814, domicilié à Nieuport, 30.

Jean-Baptiste-Joseph Lacroix, instituteur communal, né à Dimechaux (France), domicilié à Hantes-Wiheries (Hainaut), 31.

Zacharie-Zéphirin Merchie, médecin de régiment au 2ème régiment d’artillerie, né à Condé (France), le 17 mai 1806, 30.

Charles-Joseph Luyckx, trompette au 1er régiment de lanciers né à Rethy (province d'Anvers), le 30 août 1806, 30.

Nicolas Cheid, capitaine de première classe au 9e régiment de ligne, né à Trêves (Prusse), le 13 décembre 1807, 37.

André Peterson, propriétaire, né Sowerby (Angleterre), le 3 juillet 1800, domicilié à Rochefort (Namur), 41.

En conséquence, les demandes des sieurs Valentin, Desmons, Guibert, Henry, Chantraine, Bertrams, Reniers, Bekkens, Lacroix, Merchie, Luyckx, Scheid et Peterson sont prises en considération.

Les autres demandes ne sont pas prises en considération.

La chambre fixe sa prochaine séance à mardi.

-La séance est levée à 4 heures et un quart.