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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 12 mars 1849

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal

(page 973) M. Dubus procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

- La séance est ouverte.

Lecture du procès-verbal

M. Troye donne lecture du procès-verbal de la séance précédente.

M. Vilain XIIII. - Messieurs, je ne demande pas la parole pour faire une rectification au procès-verbal, mais pour proposer à la chambre de prendre une détermination qui complète celle qu'elle a prise dans la séance de samedi dernier, relativement à la pétition de M. Regnier-Poncelet, directeur de la société de St-Léonard à Liège. Cette pétition, qui est très intéressante et très importante, a été renvoyée simplement à la commission d'industrie. Je demande que la commission soit invitée à faire un prompt rapport. L'objet de la pétition est très urgent. Le pétitionnaire demande une explication sur le tarif, relativement à une certaine catégorie de fers anglais, qu'il ne peut acheter dans le pays. Le travail commence à reprendre, messieurs; des commandes de locomotives arrivent non seulement de la direction du chemin de fer de Namur à Liège, mais encore de la Sardaigne ; toutefois l'établissement de St-Léonard ne peut donner suite à ces commandes sans avoir obtenu l'interprétation du tarif des douanes dont il s'agit; il est donc urgent que ce rapport soit fait le plus tôt possible.

- La proposition de M. Vilain XIIII est adoptée. Le procès-verbal de la séance de samedi est ensuite adopté.

Pièces adressées à la chambre

M. Dubus fait connaître l'analyse des pétitions adressées à la chambre.

« Plusieurs commerçants à Braine-Lalleud demandent qu'il soit interdit au receveur des contributions directes établi en cette commune de faire le commerce. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs habitants de la commune de Schelle présentent des observations contre la demande tendant à faire supprimer le service des bateaux à vapeur exploité par l'Etat, entre Amers et Tamise. »

- Même renvoi.


« Le sieur Vanderhaegen demande qu'il soit interdit à un avocat près la cour d’appel de Gand d'exercer sa profession aussi longtemps qu'il ne lui aura pas payé une somme de 2,000 francs. »

- Même renvoi.

Rapports sur des demandes en naturalisation

M. Moreau dépose des rapports sur des demandes en naturalisation ordinaire.

- Ces rapports seront imprimés et distribués.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des travaux publics, pour travaux au canal de Zelzaete

Motion d'ordre

M. Osy (pour une motion d’ordre). - Messieurs, je renouvelle la motion que j'ai faite samedi. Je demande que le projet de loi présenté par M. le ministre des travaux publics, pour obtenir un crédit de 80,000 fr. pour les eaux du sud de Bruges, soit renvoyé à l'examen du budget des travaux publics.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Je demande que la proposition de l'honorable M. Osy soit renvoyée à l'examen de la section centrale chargée du budget de mon département.

M. de Renesse. - Plusieurs sections ont déjà nommé leurs rapporteurs pour le projet de crédit dont il s'agit ; je demanderai que les rapports de ces sections soient également renvoyés à la section centrale.

- La chambre décide que la proposition de M. Osy sera renvoyée à l'examen de la section centrale du budget des travaux publics, et que les rapports des sections qui ont déjà examiné le projet de loi, seront également renvoyées à cette section centrale.

Projet de loi sur la réforme postale

Second vote des articles

Articles additionnels

M. le président. - Avant de nous occuper de ce second vote, je dois informer la chambre que M. le ministre des travaux publics vient de me transmettre trois articles nouveaux qui sont la conséquence des articles adoptés au premier vote. D'abord il propose un article 2 nouveau, ainsi conçu :

« Il sera perçu, en sus de la taxe progressive déterminée par l'article premier

« 1° Pour les lettres chargées, une taxe fixe de 40 centimes ;

« 2° Pour les lettres recommandées, une taxe fixe de 10 centimes ;

« Le port des lettres chargées et recommandées continuera à être payé d'avance. »

Le deuxième article nouveau viendrait après l'article 6 et serait ainsi conçu :

« Indépendamment des timbres à 10 et à 20 centimes, créés par l'article 4 de la loi du 24 décembre 1847, le gouvernement pourra introduire d'autres timbres pour l'affranchissement des lettres pesantes, de celles à destination de l'étranger, et de tous autres objets dont le transport est confié à la poste. »

Enfin le troisième qui porterait le n°9, serait ainsi conçu :

« Les personnes qui renfermeront des lettres dans les colis expédiés par les chemins de fer ou dans les paquets de journaux et d'imprimés affranchis à la poste seront poursuivies et punies conformément aux dispositions de l'arrêté du 27 prairial an IX. »

Si aucune observation n'est faite quant à ces amendements, nous allons passer au second vote de la loi.

Article premier

L'article premier a été entièrement changé. Il a été adopté dans les termes suivants :

« Art. 1er. La taxe des lettres, quelle que soit la distance à parcourir dans le royaume, est réglée comme suit :

« Lettres affranchies, dont le poids n'excédera pas 10 grammes, 10 cent.

« Id., de 10 à 20 grammes inclusivement, 20 cent.

« Id., de 20 à 40 id. 40 cent,

« et ainsi de suite en augmentant de 20 centimes par 20 grammes.

« Pour les lettres non affranchies il sera perçu le double de la taxe dont elles auraient été passibles si elles avaient été affranchies.

« Lorsque la valeur représentative des timbres appliqués sur une lettre sera insuffisante en raison de son poids, le supplément de taxe à percevoir du destinataire sera également doublé. »

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Je proposerai deux légers changements de rédaction : 1° d'ajouter au premier paragraphe, après ces mots : « la taxe des lettres » le mot « affranchies », ce qui permet de supprimer trois fois le même mot aux paragraphes suivants.

2° Au dernier paragraphe, d'ajouter après les mots : « timbres appliqués, » ceux-ci :« en exécution de l'article 3 de la loi du 24 décembre 1847. »

- L'article premier, ainsi amendé, est mis aux voix et définitivement adopté.

Articles 2 (nouveau) et 3

L'article 2 nouveau, présenté par M. le ministre des travaux publics, est définitivement adopté.

La chambre adopte définitivement l'article 2 qui devient l'article 3.

La suppression de l'article 3 du projet est définitivement prononcée.

Article 4

La chambre passe à la discussion sur l'article 3 ainsi conçu, qui devient l'article 4 :

« Les échantillons de marchandises sont soumis à la taxe des lettres. »

M. Cools, rapporteur. - Messieurs, cet article me paraît présenter quelque obscurité. Je crois qu'il nécessite une explication de la part du gouvernement.

Il est évident que les échantillons n'arriveront pas à leur destination sans indication quelconque. Le moins que l'on puisse exiger, c'est qu'ils soient accompagnés d'une adresse. Il se présentera deux cas : ou ce seront simplement des échantillons avec une adresse ; ou les échantillons seront annexés à une lettre.

Je ne vois pas un grand inconvénient à ce qu'un échantillon d'un poids égal ou inférieur à une lettre simple, expédié avec une adresse, paye le port d'une lettre simple, soit de 10 c.

Mais quel sens donner à l'article lorsque l'échantillon sera attaché à une lettre, et que l'échantillon et la lettre n'excéderont pas le poids d'une lettre simple? Fera-t-on, dans ce cas, payer deux taxes, l'une pour la lettre, l'autre pour l'échantillon ? Je pense qu'on ne peut pas exiger moins ; la faculté d'attacher des échantillons à une lettre constitue une faveur, tout comme celle d'envoyer des lettres recommandées. Les deux avantages doivent être soumis au même régime. Mais il conviendrait, ce me semble, que le gouvernement donnât à ce sujet une explication.

Comme c'est probablement la dernière fois que je prends la parole dans cette discussion, je demanderai à la chambre la permission de motiver mon vote sur l'ensemble du projet de loi.

Depuis la discussion qui a eu lieu à l'occasion du premier vote, j'ai examiné avec attention les différentes dispositions qui ont été adoptées. Je n'hésite pas à reconnaître qu'à mon avis la majorité de la chambre, majorité dont je n'ai pas eu l'honneur de faire partie, a adopté une bonne loi postale.

Je crois que la réforme à 10 centimes présente des avantages supérieurs à la taxe à 20 centimes, au point de vue du commerce et de l'industrie, et même au point de vue des intérêts futurs du trésor, dans un avenir de quatre ou cinq ans.

Cependant, il faut tenir compte des circonstances dans lesquelles nous nous trouvons et c'est pour ce motif que très probablement je voterai contre le projet. Je dis très probablement, parce que nous ne savons pas encore quelles sont les propositions qui nous seront faites par le gouvernement en ce qui concerne la date de la mise en vigueur de la loi. Vous savez que le dernier article a été réservé. Eh bien ! si le gouvernement ne nous fait pas des propositions qui me donnent des apaisements, je voterai contre le projet, parce que les calculs auxquels je me suis de nouveau livré me (page 974) confirment dans cette idée que, dans les premières années, ce projet pourrait bien opérer dans nos finances un déficit de près d'un million et demi. (Interruption.)

Voilà ma manière d'envisager la question, chacun de nous doit être libre dans son appréciation. De toute façon, je suis convaincu que le déficit dépassera, la première année, un million.

Dans cet état de choses, je ne puis pas assumer sur moi la responsabilité de donner un vote favorable au projet de loi. Je ne puis ajouter ce nouveau déficit à celui qui existe déjà.

Nous verrons du reste la proposition que nous fera le gouvernement relativement à la date de la mise en vigueur de la loi. Cependant je dois déclarer d'avance que je ne me contenterai pas de la garantie résultant d'une proposition qui tendrait à fixer cette mise en vigueur au 1er janvier prochain, dans l'espoir que d'ici à cette époque notre situation financière se sera améliorée. Il est impossible de savoir quelles seront les propositions qui seront adoptées d'ici à la fin de l'année. A cet égard, toutes nos prévisions peuvent être déçues, comme l'ont été celles du gouvernement en ce qui concerne le sort que la chambre réservait à son projet de réforme.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - L'honorable M. Cools a élevé un doute sur le sens de l'article 3; en outre il a présenté des observations sur l'utilité même de la loi, et il a demandé au gouvernement des explications sur ses intentions relativement à la date de la mise à exécution de la loi.

Relativement au sens de l'article 3, il me parait que le doute n'est pas possible.

L'article dit : « Les échantillons de marchandises sont soumis à la taxe des lettres. »

Il résulte évidemment de ce texte, que l'échantillon est soumis à la taxe des lettres comme échantillon.

Si l'échantillon est attaché à une lettre, pourra-t-on se prévaloir du texte de l'article 3 pour prétendre que l'échantillon doit être exempt de la taxe, ou que la lettre doit en être exempte, ou que la lettre et l'échantillon devront être considérés comme ne faisant qu'un?

Aucune de ces interprétations n'est possible.

La première ne saurait être admise ; car la loi dit positivement que l'échantillon est soumis à la taxe.

La deuxième explication n'est pas plus admissible ; car le texte général de la loi disant que la lettre est soumise à la taxe, il faudrait trouver une disposition contraire' pour que la lettre fût exemple.

La troisième interprétation n'est pas plus possible que les deux autres ; car pour que l'ééhantillon et la lettre fussent considérés comme ne faisant qu'un, il faudrait que la loi le déclarât. L'échantillon et la lettre étant soumis chacun séparément à une taxe, il en résultera qu'il y aura deux taxes.

M. Bruneau. - Si l'échantillon est contenu dans la lettre?

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - On me demande ce qui arrivera si l'échantillon est contenu dans la lettre. Alors l'échantillon ne se présente pas comme tel à l’œil de la poste. La lettre présentée à la petite sera pesée, et si elle ne pèse pas plus de 10 grammes, elle ne payera que 10 centimes.

M. Cools, rapporteur. - Je prierai M. le ministre de bien vouloir donner une nouvelle explication pour compléter celles qu'il a déjà données. Quelle sera la taxe perçue lorsqu'une simple adresse sera attachée à un échantillon ?

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Le cas supposé par M. Cools ne fera pas exception : évidemment ce sera la règle, et même, contrairement au principe, ce sera une règle sans exception : car on ne peut pas supposer qu'un échantillon voyage sans adresse. Maintenant il est certain que lorsqu'il n'y aura qu’une simple adresse, l'échantillon, quoique enveloppé dans cette adresse, ne payera que comme échantillon.

M. Cools. - Je demanderai à M. le ministre s'il ne croit pas que la rédaction suivant serait plus claire :

« Les échantillons de marchandises attachés à une adresse sont soumis à la taxe des lettrés. S'ils sont accompagnés d'une lettre fermée, il sera payé deux ports distincts. »

De cette manière il ne pourrait plus y avoir de doute.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Si le doute avait été possible avant l'explication donnée par le gouvernement, il devrait disparaître à la suite de cette explication.

M. Cools. - Je n'insiste pas.

- L'article est définitivement adopté.

Articles 5 et 6

« Art. 5. Le gouvernement est autorisé à régler la taxe des lettres originaires ou à destination de l'étranger, selon les circonstances et selon la nature des conventions. »

- Adopté.


« Art. 6. Le droit à percevoir pour les envois d'articles d'argent confiés à la poste, sera calculé d'après le tarif suivant :

« Pour toute somme jusqu'à 10 francs inclusivement, 10 centimes ;

« Pour tout somme de 10 à 20 francs inclusivement, 20 centimes ;

« Pour toute somme de 20 à 30 francs inclusivement, 30 centimes ;

« et ainsi de suite, en ajoutant 10 centimes, de 10 en 10 francs. »

- Adopté.

Article 7 (nouveau)

M. le président. - Vient, maintenant, l'article 7, nouveau, proposé par M. le ministre des travaux publics.

Il est ainsi conçu : « Indépendamment des timbres à 10 et à 20 centimes créés par l'article 4 de la loi du 24 décembre 1847, le gouvernement pourra introduire d'autres timbres pour l’affranchissement des lettres pesantes, de celles à destination de l'étranger et de tous autres objets dont le transport est confié à la poste. »

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Il est peut-être bon d'expliquer à la chambre le but de cette disposition nouvelle. L'introduction des timbres est réglée, comme vous le savez, messieurs, par une loi qui n'a prévu qu'un timbre à 10 centimes; or il se trouvera des lettres qui pourront être soumises à une taxe même de 50 centimes; ce seront les lettres chargées. Alors, à la vérité, on pourrait appliquer cinq timbres différents, mais ce serait donner lieu à une difficulté que la disposition permettra d'éviter. Au surplus ce n'est qu'une faculté donnée au gouvernement.

Cette disposition permettra aussi, ou bien de distribuer des bandes d'affranchissement pour les journaux, ou bien de les soumettre à des timbres d'affranchissement. Le gouvernement se réserve d'examiner s'il y a lieu d'introduire cette réforme nouvelle ; il demande seulement que la chambre lui en donne la faculté.

M. Cans. - Messieurs, j'appuie l'article nouveau qui est présenté par M. le ministre des travaux publics ; mais dans les explications que M. le ministre vient de donner, il est nécessaire de relever une erreur. M. le ministre a dit qu'il est nécessaire de créer un timbre de 50 centimes, parce qu'une lettre chargée pourrait coûter 50 centimes. Je crois qu'une lettre chargée devra toujours être remise dans le bureau de poste et affranchie aux mains des préposés, parce que, dans ce cas, on retire un récépissé de la lettre chargée. On pourrait croire, après les explications de M. le ministre, que les lettres chargées peuvent être jetées dans la boite.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Je n'ai pas commis une erreur. Il est certain qu'une lettre chargée devra toujours être remise dans le bureau de poste, et affranchie aux mains des préposés ; mais cela n'empêchera pas que l'affranchissement soit constaté au moyen de l'apposition du timbre. Ce sera le moyen de vérification le plus simple, le plus clair et de plus général.

- L'article 7 nouveau est adopté.

Article 8

M. le président. - Je mets en discussion l'article 8 nouveau, présenté par M. le ministre des travaux publics.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Messieurs, voici les raisons de cette disposition nouvelle. L'arrêté consulaire du 27 prairial an X punit le transport frauduleux des lettres; mais il ne punit que des entrepreneurs de messageries ou toutes autres personnes étrangères au service des postes qui s'immiscent dans le transport des lettres. Ce sont donc ceux qui transportent les lettres, qui sont punis ; or, l'administration du chemin de fer se trouve dans une position exceptionnelle; on ne peut pas la punir; on ne peut condamner le ministre des travaux publics, comme le fait fort bien observer un honorable membre, à raison des lettres que des particuliers auraient glissées dans les colis confiés au chemin de fer. Il est donc nécessaire de punir directement l'auteur de la fraude. C'est le but de la disposition.

- L'article 8 nouveau est mis aux voix et adopté.

M. Toussaint. - Messieurs, on a retiré du projet de loi l'article qui autorisait le gouvernement à faire opérer, par l'intermédiaire de la poste, le recouvrement des sommes qui ne dépassent pas 300 fr. Le retrait de cet article pourrait faire croire que la poste ne pourra plus à l'avenir recouvrer les prix d'abonnements aux journaux et aux autres écrits périodiques. Je désirerais à cet égard une explication de M. le ministre des travaux publics, afin de faire cesser les inquiétudes qui se sont répandues parmi les éditeurs des écrits périodiques.

Je demanderai à M. le ministre des travaux publics s'il n'y aurait pas moyen de considérer le recouvrement du prix des abonnements aux écrits périodiques, comme rentrant dans les envois d'argent qui sont réglés par l'article 5 de la loi du 24 décembre 1847.

Le taux du droit actuellement perçu est fort élevé. Il est de 5 p. c. Il est exigé même pour les recouvrements qu'on ne fait pas. On remet à la poste une masse de quittances, et c'est sur ces quittances que le produit en rentre ou non, que se calcule le droit de recouvrement.

Je crois qu'à la rigueur on peut appliquer à ces recouvrements la disposition qui concerne les envois d'argent.

Messieurs, cet objet me paraît avoir une certaine importance, en ce qu'il touche aux intérêts de la librairie qui, dans notre pays, souffre beaucoup pour ce qui concerne les œuvres originales, et qui a déjà bien de la peine à vivre, en présence de la reproduction si facile des œuvres françaises qui se fait par la contrefaçon.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Messieurs, l'honorable M. Toussaint a demandé s'il ne serait pas possible d’étendre aux recouvrements d'abonnements faits par la poste, la disposition de l'article 5 de la loi du 24 décembre 1847, relative aux envois d'articles d'argent confiés à la poste.

L'Interpellation de l'honorable membre peut avoir un triple sens. Désire-t-il savoir si l'on peut étendre, par voie d'interprétation, la disposition de l'article invoqué aux recouvrements dont il s'agit ? Je répondrai négativement ; le sens de l'article ne souffre pas le moindre doute, il parle des envois d'articles d'argent confiés à la poste. Or, tout que la poste se charge de recouvrer les abonnements pour les journaux, elle ne se borne pas à transporter les articles d'argent qui lui sont confié» pour être remis aux destinataires; elle fait quelque chose de plus, elle se charge d'abord d'opérer les recouvrements, ce qui constitue la première fonction, et ensuite de remettre le prix de l'abonnement au journal qui l'a investie de ce mandat.

Deuxième question : Y a-t-il lieu d'introduire dans la loi une (page 975) disposition nouvelle pour diminuer le taux du droit perçu pour les recouvrements?

Je pense que ce n'est pas le moment d'examiner cette question, et je ferai, au surplus, cet égard, deux observations.

La première, c'est que le droit perçu pour les recouvrements ne peut pas se mesurer au même taux que le droit perçu pour le simple transport d'espèces; car, dans ce dernier cas, la poste remplit une fonction beaucoup plus facile que dans le premier. Il n'y a donc pas de raison d'assimilation.

En second lieu, il ne faut pas se dissimuler que ces sortes de recouvrements ne sont confiés à la poste que là où ils sont très difficiles. Ce n'est pas dans les villes que cela se pratique, c'est dans des localités éloignées, où l'éditeur du journal aurait beaucoup de peine à opérer ces recouvrements par lui-même ou par l'entremise d'un banquier. Il y a donc là ure raison particulière pour que le droit soit plus élevé.

Troisième question : La loi, telle qu'elle est conçue, aura-t-elle pour effet de déroger à la disposition en vertu de laquelle l'administration des postes se charge actuellement d'opérer les recouvrements pour le compte des journaux ?

Non sans doute; car la disposition finale de la loi porte simplement abrogation des dispositions qui y sont contraires. Or, dans toute la loi, il n'y a rien de contraires à la disposition dont-je viens do parler, et qui a été prise par le gouvernement au mois de décembre 1842, en vertu d'une loi du mois de juin de la même année.

C'est en vertu de cette disposition toute spéciale que l'administration des postes fait les encaissements du prix d'abonnement des journaux ; et rien, dans la loi nouvelle n'y est contraire : par conséquent cette disposition reste debout.

M. Toussaint. - Je remercie M. le ministre de l'explication qu'il vient de donner sur la troisième question; quant à la deuxième et à la première, sur le prix des recouvrements des abonnements, je ferai, observer que ce prix avait été fixé comme il l'a été, parce que les envois d'argent, par poste, étaient taxé à 5 p. c. par la loi. J'avais pensé que la chambre ayant jugé utile de réduire les frais d'envoi d'argent par la poste, il y avait lieu, également de réduire les frais de recouvrements des abonnements.

Si ces recouvrements ne se font pas par la poste dans les villes, c'est que le taux est excessif. Je n'insisterai pas, pour faire adopter un article à cet égard, mais j'engage le gouvernement à s'occuper de cet objet, afin qu'à l'une ou l'autre occasion on puisse introduire une disposition que l'intérêt du trésor réclame presque autant que l'intérêt de la presse périodique ; car il y a là un produit qui est susceptible d'augmenter.

Article 7 (qui devient article 10)

« Sont abrogées toutes les dispositions contraires à la présente loi, qui deviendra obligatoire le 1er juillet 1849. »

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Je pense que l'article qui nous reste à discuter m'offre une occasion opportune pour répondre aux observations présentées tout à l'heure par l'honorable M. Cools. Il a dit qu'il était converti au principe de l'utilité de la loi, il la considère comme bonne en elle-même, bonne non seulement pour le peuple, pour le commerce et l'industrie, mais encore, dans un avenir prochain, peur le trésor lui-même.

Je m'explique : l'honorable M. Cools a exprimé l'espoir que, d'ici à quatre ou cinq ans, la taxe uniforme de 10 centimes rendra un produit égal à celui qu'a rendu jusqu'ici la taxe variable qui est encore en vigueur. Mais il regarde comme également certain qu'il résultera, du moins momentanément, de l'introduction de la réforme nouvelle, un déficit qu'il évalue, pour la première année, à un million et demi de francs.

Je n'ai pas besoin de dire (je crois m'être assez clairement expliqué à cet égard dans d'autres séances) que moi aussi je regarde la loi comme bonne en elle-même, et comme consacrant une réforme précieuse pour le pays ; je ne crois pas que le déficit qui résultera de son introduction puisse s'élever, même pour la première année, au chiffre indiqué par l'honorable M. Cools. L'exposé des motifs, vous le savez, l'a évalué à un million 90 mille francs. On peut différer d'opinion à cet égard, attendu que le produit réel dépend d'éventualités que personne de nous ne peut prévoir, ni préciser avec certitude. Mais d'un autre côté, je regarde comme un devoir d'avertir la chambre qu'il ne peut paraître douteux à quiconque a examiné sérieusement la question, que la réforme entraînera, la première année, un déficit considérable. Les raisonnements dans lesquels nous sommes entrés, les calculs que nous avons établis n'ont été contestés par personne, ils sont restés parfaitement intacts.

Nous, au contraire, nous avons abordé franchement les calculs qu'on nous a opposés, et nous nous sommes efforcés de démontrer qu'ils sont marqués au coin d'une exagération incontestable.

Cependant, aujourd'hui même, nous retrouvons dans une feuille de Bruxelles le calcul que nous croyions avoir réfuté; et nous pensons qu'il est de notre devoir de le réfuter de nouveau, pour provoquer sur ce point une contradiction, ou pour prendre acte que la réfutation n'a pas été combattue. Vous remarquerez que dans ce calcul qui a pour but de prouver, qu'avec une augmentation de correspondance de 45 p. c, la taxe de 10 centimes donnera le même produit que la taxe actuellement en vigueur, on part de la supposition toute gratuite que 30 lettres sur 100 ne seront pas affranchies. C'est la première hypothèse. Or, je le répète, ii n'y a rien, exactement rien, qui l'autorise. Non seulement elle n'est pas autorisée, mais elle est détruite par des faits constants, par des faits qui se sont produits dans notre pays aussi bien qu'ailleurs.

Rappelez-vous, messieurs, que l'honorable M. Cans vous a dit lui-même,, que, dès la première année qui a suivi l'introduction de la réforme postale en Angleterre, les lettres non affranchies ont été aux lettres affranchies dans la proportion de 8 p. c. Dès lors, je vous le demande, peut-on dire avec quelque apparence de raison que, chez nous, la proportion sera à peu près quatre fois plus forte?

Peut-on dire que, alors que le gouvernement contracte l'obligation, obligation qu'il est décidé à remplir sérieusement, autant qu'il sera en son pouvoir, de porter la lumière jusque dans les derniers étages de la société, pour faire connaître au peuple les conséquences, du défaut d'affranchissement; peut-on prétendre que 30 lettres sur 100 ne seront pas affranchies, et qu'on s'exposera ainsi gratuitement à payer le double-port? Je dis que non.

La deuxième hypothèse, qui sert de base au calcul dont nous parlons, est celle-ci : Que 15 lettres sur 100 excéderont le poids de 10 grammes et payeront en moyenne 40 centimes. C'est une double erreur : la proportion est évidemment exagérée. On ne peut l'établir d'après la proportion française, puisqu'on France la lettre ordinaire ne peut excéder 7 grammes et demi; pas plus qu'on ne peut l'établir d'après la proportion anglaise, puisqu'en Angleterre la lettre ordinaire peut peser jusqu'à 14 grammes.

Mais ce qu'il est raisonnable d'admettre, c'est que la proportion des lettres pesantes ne sera pas beaucoup, plus considérable sous, l'impôt de la réforme, quelle ne l'est aujourd'hui. Or, aujourd'hui la proportion des lettres pesantes n'est que de 5 p. c.

J'ai dit que, dans la deuxième hypothèse, il y avait deux erreurs. La deuxième, la voici : c'est qu'on porte la taxe à 40 centimes ; or, la lettre dont le poids excède dix grammes, ne paie pas 40 centimes, mais 20 centimes.

On ajoute après cela: Cinq lettres chargées et cinq lettres recommandées. Or, la proportion actuelle des lettres chargées et recommandées n'excède pas ensemble 3 p. c, c'est-à-dire que, sur 100 lettres, il n’y a que 2 lettres chargées et une seule recommandée.

J'ai donc le droit de dire que le calcul dont je m'occupe, repose sur de nombreuses et notables exagérations.

Si vous tenez compte de ces exagérations, il ne faut pas admettre comme probable qu’avec une augmentation de correspondance de 45 p. c. vous obtiendrez le même produit qu'aujourd'hui. Ce serait une pure illusion. Il vaut mieux envisager clairement la position, et en accepter les conséquences. Quant à moi, je les accepte.

Je dis que même avec une augmentation de correspondance de 45 p. c., vous ne devez pas vous flatter d'obtenir le produit que vous réalisez aujourd'hui. Il faudrait un accroissement beaucoup plus considérable, mais que je ne puis déterminer avec précision et certitude, attendu que je ne suis pas maître de l'avenir. Mais, toutefois, je n'hésite pas à le porter au-delà de 100 p. c.

Or, cet accroissement, vous ne l'atteindrez ni la première ni la deuxième année.

Quel sera le chiffre de votre déficit? Sera-t-il d'un million et demi? Je ne le crois pas. Sera-t-il d'un million ? C'est possible. Mais, à mes yeux, ce n'est pas probable. Sera-t-il de 7 ou 8 cent mille francs ? Je dois avouer que je suis disposé à l'évaluer à cette somme. Mais ce n'est qu'un calcul de probabilité, sur lequel nul ne saurait avoir des données certaines. Nous n'avons qu'une certitude, c'est que, par la réforme postale, vous, créez un déficit dans les finances, et que vous devrez, pour être conséquents avec vous-mêmes, créer au trésor des ressources nouvelles.

Apres ces explications et aux conditions que je viens de dire, je répéterais, avec plus de liberté d'esprit, que la réforme postale est une bonne chose dont le gouvernement serait heureux de pouvoir doter le pays.

Comme conséquence de ce que je viens de dire, j'ajouterai que le gouvernement, une fois rassuré sur l'existence de ces ressources, ne reculera pas devant le vœu manifesté par la chambre, et qu'il ne demande point que l'exécution de la loi soit reculée au-delà du 1er juillet prochain.

M. de Luesemans. - M. le ministre des travaux publics nous a fait comprendre que quel que soit le déficit que la loi laissera dans les finances, ce déficit sera considérable, et que ceux des membres qui voteront la taxe réduite à 10 c. devront, dès à présent, se résigner à créer des ressources nouvelles, à donner au gouvernement le moyen de combler le déficit.

J'espère que le gouvernement se trompe quant au chiffre auquel il porte ses évaluations; quoi qu'il en soit, comme je suis partisan, et partisan très ancien de la réforme, je voterai le chiffre adopté au premier vote, et cependant je tiens à déclarer dès à présent que, tout en étant décidé à fournir au gouvernement les moyens de combler le déficit, je suis très loin de m'engager à adopter ceux qu'il a déjà présentés.

Puisqu'ici il est permis à chacun de prendre position, je déclare que je n'entends pas assumer l'obligation de créer des ressources permanentes pour combler un déficit que tout le inonde reconnaît ne devoir être que temporaire.

Je ne m'en croirais pas moins oblige d'examiner toutes les propositions qui seront présentées, de les voter si je crois qu'elles sont utiles, et qu'il est impossible de faire autrement, de les écarter si je les crois inutiles, inopportunes ou mal choisies.

En demandant la parole, je n'ai eu qu'un seul but, c'est de protester contre l'idée qu'en votant la réforme postale, je prendrais l'engagement,, comme je l'ai entendu dire à plusieurs reprises, de voter la loi sur le droit de succession.

(page 976) M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Je n'ai pas parlé de cela.

M. de Luesemans. - Je le sais ; M. le ministre ne l'a pas dit, mais d'honorables membres en ont parlé, sinon officiellement, du moins dans plus d'une circonstance particulière.

Quant à moi, je n'entends pas être astreint à voter tel projet de loi plutôt que tel autre. (Interruption.)

Je n'en dirai pas davantage, puisque je vois qu'il y a une énorme différence entre ce que j'entends aujourd'hui, et ce que j'entendais il y a deux jours, immédiatement après le vote de la réforme.

M. Pirmez. - Si je ne croyais pas qu'il fût nécessaire de voter de nouveaux impôts en remplacement de celui dont il s'agit de diminuer le produit, je voterais certainement pour la réforme postale déclarée excellente par toutes les opinions, Mais en présence de la situation financière, comment voulez-vous que je vote une aussi forte réduction? Il faut ou que je refuse la loi ou que je prenne l'engagement soit de voter les impôts que proposera le gouvernement, soit d'en proposer d'autres.

Ce serait un rôle extrêmement facile que d'abolir d'anciens impôts sans vouloir voter ceux qu'on vous présente ou sans en présenter soi-même de nouveaux. Mais je ne puis l'accepter, en présence de la situation financière. Lorsque vous êtes obligés d'avoir un papier-monnaie avec cours forcé, il faut avoir certaine défiance de l'avenir et se ménager les moyens de le faire disparaître. Que feriez-vous avec ce papier-monnaie, s'il survenait des événements qui eussent pour effet de détruire la confiance ? Evidemment, vous n'avez pas songé à la situation du trésor et aux sacrifices qu'il aura encore à supporter.

Je trouve la loi excellente, c'est un grand progrès. Mais je ne saurais la voter en ce moment.

- La clôture est prononcée.

L'article est mis aux voix et adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble de la loi.

71 membres répondent à l'appel nominal.

52 votent l'adoption.

17 votent le rejet.

2 s'abstiennent.

En conséquence le projet est adopté; il sera transmis au sénat.

Ont voté l'adoption : MM. Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Ansiau, Anspach, Boedt, Bruneau, Cans, Christiaens, Clep, Cumont, Dautrebande, David, de Baillet (H.), de Baillet-Latour, de Brouckere (Henri), de Chimay, Delehaye, Delfosse, Deliége, de Luesemans, de Perceval, de Pitteurs, De Pouhon, de Royer, Destriveaux, d'Hoffschmidt, Dolez, Jacques, Lange, Lebeau, Lesoinne, Loos, Mascart, Moreau, Moxhon, Orts, Osy, Pierre, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Rolin, Rousselle, Schumacher, Tesch, Thiéfry, Toussaint, Vandenpeereboom (Ernest), Van Hoorebeke, Van Iseghem et Verhaegen.

Ont voté le rejet : MM. Cools, de Bocarmé, de Breyne, Dedecker, de Haerne, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Meester, de Renesse, Dubus, Dumortier, Jouret, Julliot, Mercier, Pirmez, Thibaut et Troye.

Se sont abstenus : MM. Delescluse et Van Cleemputte.

Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Delescluse. - Je me suis abstenu parce que le moment me paraît mal choisi pour priver le trésor de l'Etat de quelques ressources.

D'un autre côté, je n'ai pas voulu m'opposer à l'adoption d'une loi qui paraît devoir être avantageuse au commerce et à l'industrie.

M. Van Cleemputte. - Je me suis abstenu pour le même motif.

Prise en considération de demandes en naturalisation

La chambre passe au vote sur la demande en grande naturalisation du sieur Jean-Baptiste Dury.

Voici le résultat du scrutin :

Nombre des votants : 61

Majorité absolue : 32

Boules blanches : 43

Boules noires : 18

En conséquence, la demande du sieur Dury est prise en considération.


On passe successivement au vote sur la demande du sieur Adolphe-Edouard-Théodore Pauli, qui est prise en considération par 46 suffrages, et sur celle du sieur Constantin-François-Louis Claes, qui est prise en considération par 30 suffrages.

- La séance est levée à 4 heures 1/4.