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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 29 février 1856

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1855-1856)

(Présidence de M. Delehaye.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 811) M. Maertens procède à l'appel nominal à 3 heures.

M. Calmeyn donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la Chambre

M. Maertens présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.

« Des habitants de Mont-Saint-Guibert appellent l'attention de la Chambre sur l'émigration aux Etats-Unis d'Amérique qui se propage dans le pays. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le bourgmestre de Waterloo demande la libre sortie du minerai de fer. »

« Même demande d'habitants de Lasne-Chapelle-Saint-Lambert. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur la sortie du minerai de fer.


« Des habitants de Binckum demandent que la société concessionnaire d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain soit tenue de prolonger cette ligne jusqu'au camp de Beverloo par Winghe-Saint-Georges, Diest et Beeringen. »

« Même demande d'habitants de Thielt, Winghe-Saint-Georges, Molenbeek-Wersbeek et Lubbeek. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la concession de plusieurs lignes de chemin de fer.


« Le conseil communal de Becquevoort demande que la société concessionnaire d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain soit teuue d'exécuter la ligne de Louvain au camp de Bcverloo par Winghe-Saint-Georges, Diest et Beeringen, et subsidiairement qu'il soit accordé un minimum d'intérêt de 4 p. c. pour assurer l'établissement de cette ligne. »

« Même demande des conseils communaux de Caggevinne, Assent et Ellicom. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Heyst-op-den-Berg prie la Chambre d'accorder à la compagnie Goddyn-Riche la concession d'un chemin de fer direct d'Anvers à Hasselt par Lierre, Heyst-op-den-Berg et Diest. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Rœulx présente des observations contre le chemin de fer projeté de Luttre à Denderleeuw et en faveur de la ligne dont la concession est demandée par la société Dupont. »

M. Ansiau. - Je demande que cette pétition soit renvoyée, comme celle d'hier, à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi concernant le chemin de fer de Luttre à Denderleeuw et qu'elle fasse l'objet d'un rapport spécial.

- Cette proposition est adoptée.


« Il est fait hommage à la Chambre par la société Thimister et Cie de 110 exemplaires de son mémoire à M. le ministre des travaux publics à l'appui de la demande en concession du chemin de fer de Bruxelles vers Crefeld (Prusse), par Louvain, Diest, le camp de Beverloo et Venloo. »

- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.

Projet de loi de naturalisation

M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - J'ai l'honneur de présenter un projet de loi accordant la naturalisation ordinaire au sieur J.-J. Eid, consul de Belgique au Caire.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi ; la Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce projet de loi et le renvoi à l'examen delà commission des naturalisations.

Projets de loi portant les budgets du département des finances, des dotations, des recettes et dépenses pour ordre et le budget des non-valeurs et remboursements, de l’exercice 1857

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Le Roi m'a chargé de présenter à la Chambre différents projets de budgets pour l'exercice 1857. Ces projets concernent le budget du département des finances, le budget des dotations, le budget des recettes et dépenses pour ordre, le budget des non-valeurs et remboursements.

Messieurs, le budget de la justice vous sera soumis au premier, jour. Nous avons pensé qu'il était convenable de ne présenter les budgets des départements de l'intérieur et des travaux publics que lorsque ces mêmes budgets auraient été votés pour l'exercice 1856.

J'ajourne également la présentation du budget des voies et moyens, parce qu'il importe que le montant général des dépenses soit connu pour établîr celui des voies et moyens.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ces projets de budgets.

La Chambre en ordonne l'impression et la distribution et les renvoie à l'examen des sections.

Motion d'ordre

Incident survenu au navire « la Belgique »

M. Sinave. - Messieurs, j'ai eu l'honneur d'informer M. le ministre des affaires étrangères que j'étais résolu de l'interpeller aujourd'hui sur les causes du désastre subi par le navire à vapeur « la Belgique », subsidié par le trésor public.

J'ai hésité avant de prendre cette résolution ; mais mon opposition, lors de la discussion de la loi du 29 mai 1853, qui accorde le subside à la navigation transatlantique m'impose cette tâche plutôt qu'à tout autre membre de la Chambre.

C'est avec un sentiment pénible que je me suis résigné à prendre ce parti, parce que je suis certain qu'en présence du document officiel, le procès-verbal des experts de Southampton, en date du 4 février, et les faits que je dois exposer, il me paraît presque impossible que l'honorable ministre se justifie d'une manière satisfaisante. Du reste, cette interpellation est nécessaire, car le ministre a des devoirs à remplir quand les deniers du peuple se trouvent imprudemment engagés et quand le dénouement de cette mésaventure sera une nouvelle charge pour les contribuables.

Je prie mes honorables collègues d'Anvers de croire que je n'ai aucune intention hostile ou malveillante à l'égard de la ville qu'ils représentent. Je prends les abus où ils existent et si c'est Anvers que je cite, c'est que les faits que je dois relever concernent uniquement cette localité.

Enfin, je le déclare, depuis que je suis de la Chambre, tous mes efforts tendent vers un seul but, celui d'engager le gouvernement à ne pas favoriser une localité aux dépens d'une autre localité, à ne s'immiscer d'aucune manière dans les entreprises commerciales ou industrielles et à laisser toute liberté à l'industrie privée.

A l'égard d'Anvers, le gouvernement est entré dans une voie déplorable et injuste. Je ne vais pas énumérer de nouveau toutes les déceptions et tous les mécomptes qu'on a fait subir aux contribuables. La Chambre et le pays connaissent le passé.

Avant d'en venir au sujet de mon interpellation, qu'il me soit permis de relever un fait qui a eu lieu il y a quelques semaines.

Un subside considérable a été voté au Sénat à l'unanimité, sans aucune discussion, en vue de favoriser l'établissement d'une ligne de navigation avec le Levant dont l'exploitation ne doit commencer que dans quelques années. Vous connaissez les subsides énormes accordés depuis nombre d'années à une ligne de navigation de ce genre. Vous connaissez les mécomptes qui en sont résultés. On n'a pu aboutir à aucun bon résultat. Le jour où le gouvernement a cessé ses subsides, deux sociétés privées se sont présentées, l'une exploite déjà en ce moment la ligne du Levant avec plusieurs navires à vapeur en service régulier.

Lors de la dernière discussion concernant l'affaire qui en ce moment nous occupe, je me suis rappelé le fameux rapport où il était dit :

« Que par l'acquisition de ces superbes vapeurs (le Président et la British-Queen), la Belgique va primer la France et se placer au niveau de l'Angleterre. »

On sait comment cette prédiction a tourné ; aussi n'a-t-elle besoin d'aucun commentaire ; ce déplorable antécédent de la British-Queen obligeait le gouvernement à plus de prévoyance.

Il n'a pas profité de la leçon. Je citais la British-Queen par analogie à cause de sa construction vicieuse, des pertes résultées de ce chef et des grandes réjouissances qui eurent lieu lors de son premier voyage, et j'ai fait en même temps allusion au navire à vapeur « la Belgique », prêt à mettre en mer pour son premier voyage transatlantique. Cette analogie était motivée sur un doute émis par des hommes compétents sur la solidité du bâtiment acluel. A cette occasion, j'ai dit qu'on avait eu tort de réveiller le souvenir du passé, de se réjouir avec autant d’ostentation avant d'avoir obtenu un bon résultat.

Je n'ignorais pas que ma franchise allait soulever certaiues susceptibilités. La vérité n'est-elle pas toujours bonne à dire ? Quoi qu'il en soit, le trop heureux navire objet de tant de démonstrations diverses, eût-il à peine de quelques jours en mer, que déjà le doute émis sur la solidité de sa construction vient à se changer en une affirmation. Le désastre qui vient de frapper le bâtiment la Belgique a été prévu ; il aura une portée immense sur l'avenir de l'entreprise, d'autant plus qu'Anvers n'en est pas à son coup d'essai.

Mon intention est de n'interpeller l'honorable ministre que sur les faits principaux où sa responsabilité personnelle est engagée. Je ne vais pas, pour le moment, poser des questions de détails sur l'armement du navire. Je possède des notions peu favorables pour la direction de la société subsidiée et pour l'honorable ministre. Il est de notoriété publique que jamais aucun armement n'a été fait avec aussi peu de discernement.

Les questions de mon interpellation sont fondées sur la pratique et saur la loi, que tout armateur qui construit des navires doit strictement observer. A plus forte raison, ce devoir est-il imposé à un ministre qni a droit de disposer des deniers du peuple.

(page 812) Il y a trois semaines que j'ai annoncé ces interpellations par déférence pour l'honorable ministre, en vue de recueillir tous les renseignements nécessaires. J'avais laissé le choix du jour à sa convenance, la huitaine a été fixée ; cette époque a été reculée par lui jusqu'à ce moment ; je ne me plains pas, au contraire, car on a profité de ces délais pouf me faire parvenir de plusieurs localités des renseignements et des détails en tout genre, dont je ne vais pas occuper la Chambre. De cet empressement il faut conclure qu'on se préoccupe vivement de ce qui se passe en ce moment. En effet plusieurs mémoires m'ont été remis èt notamment un d'Anvers ; c'est l'œuvre d'hommes respectables et très compétcnts, qui connaissent parfaitement le bateau « la Belgique » ; ils déclarent qu'ils sont profondément affligés de la mésaventure, mais animés d'un véritable patriotisme, ils témoignent leur crainte que si des mesurés énergiques ne sont pas immédiatement prises dans cette malheureuse circonstance, la prospérité de leur cité sera compromise. Par la lecture que je vais donner d'une partie du résumé de ce mémoire, la Chambre verra qu'ils s'expriment avec franchise et avec beaucoup de fermeté.

« Affaire de la Belgique.

« Ce steamer, construit à Amsterdam, est arrivé à Anvers dans le commencement de novembre et en est parti le 30 décembre suivant pour inaugurer le service des bateaux à vapeur belges sur New-York. Si des essais et des épreuves ont eu lieu comme il est d'usage pour la réception de ces sortes de navires, on l'ignore et même on en doute, car ils n'auraient pu se faire que pendant sa traversée d'Hollande à Anvers, c'est-à-dire de nuit, dans des circonstances impropres à ce genre d'opérations, et pendant un laps de temps beaucoup trop court. Ce navire était parti du Texel vers trois heures de l'après-midi, et il est entré dans l'Escaut le lendemain au point du jour. On sait, du reste, qu'aucune commission n'a été chargée d'examiner ce bâtiment, ni par le gouvernement ni par la compagnie. De sorte que ee premier steamer de cette société, celui dont les qualités brillantes devaient établir sa réputation, a été admis sans examen, sans épreuves, sans essais, qu'il a pris la mer dans la saison la plus dangereuse sans qu'on se soit préalablement assuré de la bonté de sa construction et de ses qualités.

« Il est de notoriété publique, aussi que son départ s'est opéré dans les conditions les plus fâcheuses. Ainsi, non seulement il y avait trop de hâte et par conséquent du désordre, mais encore on a appris que le personnel de son équipage et de ses machines avait été complété la veille et l'avant-vrillc de ce jour, au moyen de gens incapables et inconnus, tandis que l'on avait refusé d'excellents chauffeurs et matelots et cela parce qu'ils demandaient des gages plus élevés ; ainsi pour quelques minces et malencontreuses économies, on exposait aussi légèrement l'avenir de cette grande entreprise. Il est résulté en effet qu'après quelques heures de marche à la sortie de l'Escaut, l'une des deux chaudières a été brûlée et ses tubes hors d'état, résultat déplorable et qui ne doit être attribué qu'à la négligence ou à l'incapacité des personnes qui avaient la direction.

« Ce début si malheureux n'est que le prétude d'accidents plus graves. Deux relâches successives ont lieu, des voies d'eau, l'engorgement des pompes, des dommages à la mâture, etc., en sont, dit- on, la cause. La dernière relâche est sérieuse surtout, car le bâtiment avait déjà parcouru une partie de sa traversée, lorsqu'on a dû lui faire rebrousser chemin, et les voies d'eau qu'il accusait étaient assez considérables pour réunir au travail des pompes les efforts constants et continuels de l'équipage et des passagers.

« Cet échec si triste faisait espérer que l'on prendrait des mesure énergiques pour en connaître les causes et en éviter le renouvellement ; l'intêrêt de la compagnie les lui commandait, celui de l'avenir de notre commerce national y obligeait aussi le gouvernement dont la responsabilité se trouvait du reste, plus explicitement engagée par le patronage et les avantages nombreux qu'il accorde à cette entreprise.

« Voyons ce qui a été fait.

« La compagnie a envoyé à Southampton pour examiner le bâtiment quelques-uns de ses agents et de ses employés. Sans doute ils lui ont adressé un rapport, mais ce rapport n'a pas été publié, mais elle a livré à la publication une pièce d'un contenu insignifiant, où il n'est question ni de l'examen ni de la position où se trouve le bâtiment.

« La compagnie n'a donc donné aucun renseignement sérieux à l'opinion publique. De là l'indécision de celle-ci, et des accusations hasardées contre la direction de cette compagnie ; de là ces mille interprétations fâcheuses, ces mille bruits, absurdes peut-être, mais que, dans l'intérêt de notre avenir commercial, il est désirable de voir dissiper.

« On espérait dans i'iniervention du gouvernement ; cette intervention pouvait, en effet, montrer la vérité et par là rassurer les esprits. Elle entrait au nombre de ses devoirs et rien n'autorisait à laisser supposer qu'il pût les oublier.

« Il est imervenu en effet, mais si malheureusement que ses démarches sont d'avance frappées de nullité. C'est que, pour s'éclairer, il n'a rien trouvé de mieux que d'envoyer sur les lieux l'un de ses ingénieurs, celui qui est en même temps l'ingénieur surveillant de la société transatlantique, qui avait été chargé de la surveillance de la construction du bâtiment et sans doute aussi de la réception définitive. Quelle heureuse inspiration que de demander à cet officier, du reste très honorable et très instruit, d'aller examiner sa propre conduite et être en même temps juge et partie ! Les renseignements du gouvernement provenant d'une pareille source n'ont donc pas la moindre valeur et ne méritent pas d'être pris en considération.

« On réclame pourtant de lui, avec instance, qu'il forme une enquête composée d'hommes réunissant ce qu'il faut posséder pour être expert dans une aussi importante affaire : de l'indépendance et de la capacité. Nous en possédons suffisamment et si leur nombre n'est pas assez grand, pourquoi ne pas y adjoindre quelques étrangers ? Préfère-t-on, peut-être, ne rien voir, et ne rien entendre, et s'est-il donc passé des faits si criants et si scandaleux qu'on veuille les couvrir d'un voile ? Qu'on y pense sérieusement, l'avenir des compagnies de navigation à vapeur est sérieusement compromis.

« Il exige peut-être des mesures promptes et énergiques. Mais avant tout la vérité et la vérité tout entière, sur la situation, sur les hommes et les choses. Il semble particulièrement être la mission du gouvernement de les provoquer. Les moyens ne lui manquent pas, il n'a qu'à vouloir, pour être renseigné d'une manière impartiale et consciencieuse. S'il ne le fait pas, c'est qu'il ne veut pas. »

Les faits relevés avec force dans le mémoire qui précède sont exacts, ils démontrent à l'évidence que tous les documents annexés au rapport de M. le ministre, déposé le 25 de ce mois, sont la production de ses propres agents et ceux de la compagnie, et les autres sont d'une insignifiance complète. Immédiatement après avoir développé les interpellations, je répondrai au rapport en peu de mots.

L'interpellation que j'ai annoncée porte sur huit points :

1° M. le ministre des affaires étrangères a-t-il exigé de la société qu'elle lui remît les plans, les devis cahier des charges et le contrat fait avec l'entrepreneur de la construction du navire en fer à hélice « la Belgique » ? Ces documents ont-ils été soumis à une commission composée d'hommes compétents et ont-ils été approuvés par eux, et par le gouvernement ? On demande la production de ce procès-verbal.

2° M. le ministre a-t-il nommé un commissaire spécial et permanent chargé de surveiller la bonne exécution des conventions ? Ce commissaire avait-il les connaissances requises, c'est-à-dire, avait-il été précédemment déjà chargé de la construction d'un navire en fer à hélice de la capacité dé 1,800 à 2,000 tonneaux ? Dans le cas affirmalif, on demande la production de son titre, et du procès-verbal de sa gestion.

3° Quand le navire a été terminé et avant la mise à l'eau, M. le ministre a-t-il nommé des experts spéciaux afin d'examiner le navire dans toutes ses parties, et ces experts ont-ils déclaré par un procès-verbal motivé que toutes les stipulations des conventions avaient été loyalement exécutées et que le navire était en tout bon et en parfait état pour desservir la ligne de navigation projetée ?

Après la mise à l'eau M. le ministre a-t-il ordonné de faire exécuter au navire un voyage d'essai dans la mer du Nord et dans la Manche, sous la surveillance des experts précités ? La relation de cette course a-t-elle été dûment actée dans un procès-verbal motivé ? On demande la production de ces documents.

4° M. le ministre a-t-il autorisé ou laissé faire la réception définitive du navire « Belgique » sans aucune réserve ? Le constructeur ou entrepreneur est-il totalement libéré ?

Le gouvernement est-il aujourd'hui réellement saus aucune action contre l'entrepreneur du chef de la construction vicieuse, c'est-à-dire, « vice propre au navire », de trop faible construction ?

Il paraît certain qu'aucune garantie n'a été prise contre l'entrepreneur pour ces éventualités.

On demande la production du procès-verbal de la réception définitive, qui seul doit constater ce fait de la plus haute importance et déterminer l'immense responsabilité personnelle eucourue par M. le ministre.

5° M. le ministre a-t-il nommé une commission spéciale à l'effet d'inspecter l'armement en ce qui concerne la partie des vivres, avant le départ du navire pour l'Amérique ? Celle inspection est importante en présence des dénonciations et les accusations graves des passagers contre l'armement de ce navire ; le rapport d'une inspection préalable au départ du navire peut seul justifier les actions du gouvernement et faire renaître la confiance nécessaire à une entreprise en partie fondée sur l'émigration vers l'Amérique.

6° M. le ministre est-il intervenu, comme il devait le faire, dans le choîx et la nomination des officiers qui sont à bord du navire ? S'est-il assuré s'ils avaient les connaissances pratiques nécessaires et si les chefs surtout avaient faits leur apprentissage pendant plusieurs voyages transatlantiques à bord d'un grand navire en fer à hélice ? En vérité on doit supposer la négative, car on ne remarque jusqu'ici nulle part que le moindre effort pratique intelligent ait été fait pour prévenir la destruction de la chaudière de la machine et pour autant que possible le travail ou la dislocation de la coque causée par la faible construction. La production des documents concernant cette intervention est nécessaire.

7° Enfin, on demande à M. le ministre la production du journal de mer, le protêt de mer, faits devant l'autorité compétente, dans les vingt-quatre heures après l'arrivée du navire à Southampton et la déclaration des passagers ; ces documents sont indispensables.

8° Le rapport ou procès-verbal officiel des experts de Southampton constate, d'une manière irrécusable, que les énormes travaux dont ils ont ordonné l'exécution tendent uniquement, sans aucune exception, à un (page 813) seul et même but, celui de renforcer la construction vicieuse du corps du navire qu'ils ont reconnu trop faible, par rapporta son tonnage. Il suffit d'indiquer nominativement ces travaux pour en être convaincu. Ils consistent :

« Dans une double hiloire ou bandage en fer sur des dimensions colossales à appliquer dans l'entre-pont, l'un à bâbord et l'autre à tribord, de l'étrave à l'étambot, et par des courbes analogues.

« De guirlandes, ou angles en fer renversés fixés aux bordages.

* La fermeture complète de tous les sabords et les couvrir de manière à se relier aux autres parties du navire.

« Que tous les rivets desserrés et brisés seront enlevés et remplacés par de nouveaux.

« De rajuster toutes les extrémités des plaques en fer soit les bornages ; qui visiblement ont travaillé, crevassé et cédé.

« De renforcer les parties aux approches de l'étambot et de la quille où il existe une rupture et une voie d'eau. »

Les autres travaux pour remédier aux vices de construction désignés dans le rapport officiel des experts, tels que l'affaissement des mâts et des épontilles de l'entre-pont et de la cale sont la conséquence, de l'état de délabrement dans lequel se trouve le navire.

Finalement le besoin de calfeutrer un navire en fer n'ayant été en mer que quelques jours, vient corroborer mieux que toutes les assertions les faits qui précèdent.

En présence du fait constaté par le rapport officiel ou procès-verbal, de Southampton en date du 4 février 1856, le vice propre au navire, c'est-à-dire la trop faible construction, établie d'ailleurs à l'évidence par l'impossibilité ou était ce navire, en partie chargé, d'accomplir son premier voyage ; dans un pareil état de choses il est du devoir du gouvernement de ne pas admettre ce bâtiment comme bon et solide et de refuser tout subside, parce que la construction ne répond d'aucune façon aux prescriptions de la loi du 29 mai 1853, qui autorise le subside, et d'ailleurs on ne peut admettre que ce bâtiment, après avoir subi toules les réparations en vue de renforcer la construction puisse être considéré comme un navire neuf solidement construit, mais ce qui est certain, il portera avec lui le vice originel d'une construction primitive manquée.

Je demande à M. le ministre de déposer sur le bureau de la Chambre tous les documents désignés dans mon interpellation. Je réclame en outre la production du second rapport que les experts de Southampton se sont réservé de faire, et qui n'est pas encore publié.

Ce n'est qu'après un examen approfondi de tous les documents officiels et sur une enquête sérieuse faite par des experts totalement étrangers à toute intervention dans cette entreprise et non sur des rapports émanés de la partie intéressée et des agents du gouvernement, qu'on pourra juger avec connaissance de cause, et prendre une décision définitive dans une affaire où l'honneur du gouvernement est compromis.

M. le ministre est le premier intéressé à provoquer cette enquête sérieuse. Quant à moi, je suis certain qu'il ne manquera pas à ses devoirs ; c'est aussi le seul moyen de se justifier.

Restent les observations à faire sur le rapport déposé par M. le ministre.

Le mémoire d'Anvers a détruit les principaux faits allégués dans ce rappoit ; ma tâche est donc devenue extrêmement facile.

D'abord, et il en est toujours de même dans ces sortes de documents, en premier lieu on invoque la tempête. Sans doute la tempête cause de grands malheurs, mais on met souvent sur son compte bien des fautes. Aussi est-elle le cauchemar de MM. les assureurs.

Toujours on accuse la tempête. Depuis quand fait-on des navires pour ne naviguer que par un beau soleil ? On ne peut pas faire un voyage transatlantique où l'on n'éprouve plusieurs tempêtes.

Quaud un navire n'est pas affalé près de la côte, un ouragan ne présente pas de dangers. Il présente moins de danger que de monter et de descendre l'Escaut avec un navire à voile d'un grand tirant d'eau.

On invoque aussi pour se justifier la relâche de quelques autres bâtiments. C'est accuser les autres, pour se justifier soi-même. Connaît-on les motifs de ces relâches ? Peut-être ces navires se trouvaient-ils dans les mêmes conditions que la Belgique.

Le rapport dit : « Arrivons à la composition de l'équipage. » Messieurs, je vais vous lire le paragraphe, parce que quand on fait un rapport, il convient de ne pas se contredire au même instant :

« Des cinq officiers du bord, l'un, le commandant, était un lieutenant de vaisseau de la marine de l'Etat ; les quatre autres avaient subi l'examen de capitaine au long cours. »

Je ne vais pas interroger M. le ministre à cet égard. Je ne veux pas pas entrer dans des questions personnelles. Mais je pourrais demander combien de voyages ces officiers oui faits, non seulement à bord d'un navire à vapeur, mais même d'un navire à voile.

« Les machinistes, comme c'est la coutume, avaient été fournis par les constructeurs, plus que personne intéressés au succès du premier voyage.

« Pour ce qui est des matelots, le capitaine ayant éprouvé quelque difficulté à recruter aux gages ordinaires, la société l'autorisa à allouer 10 francs par mois au-dessus de ce qu'on donnait à bord des autres navires en rade d'Anvers.

« Voilà pour le passé.

« La compagnie fait aujourd'hui d'activés démarches pour se procurer des mécaniciens en Angleterre, et la plus sévère sollicitude présidera à la composition du reste de l'équipage. »

Si tout était bien, il fallait le maintenir.

Si l'honorable ministre venait à me donner un démenti sur ce que je viens de dire de l'équipage, j'ai ici des pièces que je pourrais produire.

Enfin, on promet pour l'avenir de mieux surveiller la formation de l'équipage. C'est toujours quelque chose. Le rapport dit qu'on a trouvé convenable de faire faire à la Belgique un voyage préliminaire ou un voyage d'essai.

Il paraît qu'on ne se rend pas compte de la portée d'un voyage d'essai.

D'abord une course d'essai se fait pour s'assurer de la bonté du bâtiment, avant la réception ; la réception n'a lieu qu'après qu'une course d'essai a été faite,

Un certificat de décharge a été délivré à l'entrepreneur. Ainsi tout est consommé, on n'a plus d'action contre l'entrepreneur.

Ensuite, messieurs, dans une marche d'essai on ne s'éloigne pas des côtes, en cas d'accident on se réfugie dans un port et on ne s'expose à rien.

Ici, messieurs, c'est un voyage réel qu'on a entrepris vers New-York. Autre chose est de faire une course d'essai et autre chose de charger un navire de marchandises, d'annoncer publiquement qu'on est disposé à, prendre des passagers et d'en prendre en effet, de faire une assurance pour 1,200,000 francs. C'est ainsi qu'ona lancé le navire dans l'Océan à 700 milles, et là un accident, qui s'était déjà montré, s'aggrave graduellement par la tempête, je le veux bien ; des voies d'eau se déclarent de tous côtés et « la Belgique » nage entre deux eaux pendant 15 jours.

Il résulte d'un pareil système de course d'essai, quoi ? Je vais vous le dire, messieurs. On expose volontairement ou, pour mieux dire, sans discernement, des hommes, des marchandises et un navire à périr.

Il faut le dire, messieurs, à qui devez-vous la conservation de ce bâtiment, à qui la devez-vous ? Uniquement au courage des passagers et de l'équipage. Sans leurs travaux continuels de nuit et de jour, l'eau montait aux machines, et avec la mâture délabrée c'en était fait de « la Belgique ». Elle aurait eu le sort du « Président ». Et quand ces hommes courageux, qui avaient eu une si rude besogne, venaient solliciter une légère augmentation de nourriture, que faisait-on ? C'est par l'organe d'un ministre belge, en plein parlement, qu'on leur jette à la tête le mépris et des accusations qu'ils n'ont nullement méritées ; au contraire, leur bonne conduite a été telle, qu'à leur arrivée à Southampton, ils méritaient tous une bonne gratification, car il n'a dépendu que d'eux de faire échouer le navire sur les côtes d'Irlande, et ils auraient été pleinement justifiés.

Le rapport nous apprend que la réception du navire a été faite par deux agents de la société, par le capitaine du navire qui, dans ce cas, ne peut agir, et par celui qui a surveillé la construction du navire. Ces deux personnages auraient dû se récuser. Quant au dernier, c'était la rendre juge dans sa propre cause.

Aucune inspection n'a été faite avant l'arrivée du navire à Anvers. Plus tard, une inspection n'a plus été possible.

L'annexe n°1 n'est qu'une formalité pour obtenir le passe-port de mer et non pour servir à l'usage auquel on prétend qu'il est destiné. Ce document se délivre à tout navire qui demande le pavillon.

On peut le comparer à l'acte de l'expertise faite récemment du Grand-Théâtre de Bruxelles ; là on affirme avec beaucoup d'aplomb que tout est dans l'état le plus parfait, sous la réserve expresse que tous les matériaux employés soient bons, attendu qu'on ne pouvait plus examiner l'état des matériaux qui avaient servi à la construction. A la page 6, paragraphe 3, on fait la même réserve. On n'a donc pas fait d'inspection ; ou l'on n'en a fait qu'une qui est complètement superficielle.

Les annexes n°2 et 3 n'ont pas plus de valeur. Ce sont de simples certificats. Cette formalité s'accomplit au greffe au prix de 0 francs. Il ne s'agit nullement là d'inspection.

L'annexe n°4 est un document important, bien qu'il soit l'œuvre des agents de la société.

Malgré tous les ménagements, toutes les réserves que font les experts de la société, ce document n'est pas moins foudroyant pour les navires.

Les annexes 6, 7, 8, 9 et 10 sont des attestations de quelques hommes, délivrées à la demande des agents de la société, après l'événement, au moment de régler les comptes avec les passagers. Il est évident qu'on a imposé cet acte à ces gens-là puisque tous ont protesté publiquement.

Ce n'est pas de cette manière, après coup, mais avant le départ du navire d'Anvers qu'il fallait faire constater par une commission la bonté de l'armement en ce qui concerne les vivres. C'était le seul moyen d'inspecter convenablement, de faire renaître la confiante et de mettre les passagers dans l'impuissance de nuire à la réputation de la direction.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Messieurs, dans la longue série d'interpellations que M. Sinave vient d'adresser au cabinet, il est évident que cet honorable membre ne se rend pas du tout compte des devoirs du gouvernement. Ces devons sont tracés dans la convention qui a été conclue entre la société et le département des affaires étrangères, convention qui a été soumise à la Chambre et ratifiée par elle.

(page 814) L'honorable M. Sinave voudrait que le gouvernement se mît au lieu et place de la société et fît tout ce que la société doit faire. Le mandat du gouvernement est fixé par l’article 11 de la convention ; cet article porte : « le gouvernement sera représenté près de la société par un ou deux commissaires fonctionnaires publics chargés de surveiller l'exécution de la présente convention.

« Il pourra être alloué à chacun de ces commissaires, aux frais de la société une indemnité annuelle de 1,000 fr. au plus. »

C'est avec 2,000 fr. que je devrais remplir tous les devoirs que M. Sinave voudrait m'imposer. C'est une vraie dérision. Pour faire tout ce que M. Sinave voudrait que le gouvernement fît, j'aurais besoin d'un conseil d'amirauté et d'un crédit à mon budget de deux ou trois cent mille francs par an.

« Les comptes des recettes brutes obtenues et des dépenses faites pour la construction ou pour l'achat des navires, pour les réparations au gréement, à la coque et aux machines, et pour l'exploitation de la ligne, seront arrêtés de concert entre le commissaire du gouvernement et ia société au 31 décembre de chaque année.

« Le gouvernement pourra charger les mêmes fonctionnaires publics d'opérer en tout temps, tant en Belgique qu'aux Etats-Unis, par l'examen des livres de la comptabilité de la société ou par telles inspections qu'il jugera nécessaires la vérification détaillée des éléments qui entreront dans ledit compte des recettes et des dépenses. »

Voilà les droits du gouvernement vis-à-vis de la société. Ils sont réglés par la loi ; je n'en ai pas d'autres ; il me serait impossible de me rendre aux désirs de M. Sinave, quand même j'en aurais l'envie.

Je crois que le ministre a eu un tort, c'est de permettre au navire d'entreprendre son premier voyage dans le mois le plus mauvais de l'année et où il aurait à affronter des tempêtes inévitables, avant de lui avoir imposé le devoir de naviguer pendant quinze jours ou trois semaines dans la mer du Nord.

Peut-être ai-je permis avec trop de facilité de faire le premier voyage de New-York. Voilà le seul reproche, la seule responsabilité que je puisse accepter ; c'était aux armateurs à savoir mieux que moi quel était leur intérêt ; cependant j'accepte la responsabilité de la faute commise.

Toutes les formalités prescrites par la loi ont été remplies ; je ne pouvais pas intervenir dans la réception du navire par la compagnie, cela ne concernait pas le ministre des affaires étrangères. L'expertise pour la nationalisation du navire a été faite par des hommes très compétents d'Anvers.

Voici ce que je lis dans le procès-verbal :

« L'examen de la force des liaisons dans les assemblages des tôles du fond et des côtés du bâtiment, et leur réunion avec l'étrave et l'étambot, ne laisse aucun doute sur la résistance et la solidité que leur épaisseur et le genre de rivures qu'on y a employé, assurent au navire, la disposition des doubles fers d'angle qui constituent les membrures, forment en outre un excellent système de liaisons avec les tôles à clins qui forment la coque proprement dite... »

M. Sinave. - Continuez.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Je ne puis pas tout lire, mais je n'ai aucun motif de m'arrêter et puisque vous le désirez, je continue :

« Dans l'état d'achèvement où se trouve le navire, il ne nous était pas possible d'examiner, aux deux extrémités, la formation de la carlingue et des varangues, ainsi que leurs assemblages, et nous n'avons pu en juger que par analogie avec les parties semblables accessibles dans la chambre des machines, dont nous reconnaissons les bonnes proportions de force et de liaison. »

Je ne veux rien cacher ; la Chambre peut en être bien convaincue.

L'autre jour M. Sinave avait l'air de dire qu'il se trouvait dans l'antre le plus obscur du département des affaires étrangères un procès-verbal du 4 février. « Entendez bien, disait-il, du 4 février, daté de Southampton », et que je le cachais à tous les yeux !!!

Je suis aussitôt parti, la conscience bien tranquille, pour l'hôtel du ministère, je suis allé prendre ce terrible procès-verbal, je l'ai déposé immédiatement sur le bureau, et il a été annexé au rapport. Depuis que ce procès-verbal est imprimé, il ne contient, il ne signifie plus rien.

Que la Chambre soit bien persuadée que je ne veux rien lui cacher du tout. J'ai dit que je ne répondrais que ce que je croirais pouvoir répondre sans compromettre les intérêts du pays et des assurés. J'ai dit quelles étaient les raisons de ma réserve, j'ai dit que j'attendais que la question d'assurance fût réglée et que le Lloyd eût classé le navire, ce qui n'avait pas encore été fait.

Et je pense que ce sout denx excellentes raisons dans l'intérêt des armateurs et dans l'intérêt du pays.

Voyons à présent ce que disent les membres nommés par la chambre de commerce ?

« Qu'en présence dudit capitaine, ils ont sondé les pompes et ont reconnu que le navire ne faisait pas d'eau, qu'en examinant le corps du navire, ils l'ont trouvé partout bien étanche, solidement construit en tôle et généralement en parfait état pour prendre charge et passagers.

« Que ce jourd'hui, ils se sont de nouveau rendus à bord dudit navire pour procéder à l'examen de son inventaire d'armement, eu commençant par la mâture ; qu'ils ont trouvé celle-ci bonne dans toutes ses parties, et munie de huit espars de rechange, que le navire se trouve également muni de deux jeux de voiles, de trois grandes ancres, de deux ancres à jet, de deux chaînes, d'une chaîne d'affourche, de cinq grelins, de deux chaloupes, de quatre canots, des bouées, orins et aussières nécessaires, le tout bon et proportionné au navire ; que ses mâts et pompes sont dûment embrelés à leurs étambrais ; que ses écoutilles sont munies de bons prélarts et que tout concourt à tenir le navire bien étanche pendant le voyage. »

Il y a un troisième certificat donné par les experts requis par la société d'assurances maritimes. C'est ainsi qu'ils s'expriment :

« Après avoir examiné tout ce qui nous a été possible de voir de la coque, construite en fer, et du gréement, nous déclarons que le navire est en parfait état pour entreprendre les voyages transatlantiques, et que nous le coterons pleine confiance dans les registres de renseignements particuliers des assureurs d'Anvers. »

Que vouliez-vous que le ministre fît de plus en présence de ces certificats unanimes et du contrat qui le lie à la société, contrat approuvé par la Chambre et faisant partie de la loi ?

Ce navire a éprouvé de violentes tempêtes en mer. L'équipage ne se connaissait pas assez. C'est là qu'est la faute : il aurait fallu que l'équipage fit un voyage d'essai dans la mer du Nord, parce que cet essai de 15 jours ou 3 semaines aurait appris aux gens de l'équipage à se connaître, à compter les uns sur les autres, à obéir et à marcher comme un seul homme.

Outre cela, le navire étant conduit à Plymouth par des pilotes anglais, par des pilotes anglais, entendez-vous, M. Sinave ? a échoué sur un banc de sable ; il s'est engravé de l'avant, et la lame, venant par l'arrière, l'a fortement fait talonner.

Il n'y a rien d'étonnant après cela à ce que ce navire ait légèrement souffert. Cela arrive à tous les navires. Je serais étonné que l'honorable M. Sinave, qui a été armateur, et qui s'y connaît si bien, n'ait jamais eu de navires qui aient sombré, ou qui aient été endommagés par la tempête. C'est impossible. Il n'y a pas de navire qui n'éprouve de ces mésaventures. C'est le sort ordinaire de la marine. Ce sont des événements prévus.

Je ne crois pas devoir répondre à toutes les questions que m'a faite ? l'honorable M. Sinave. Je me fie à l'intérêt de la société parce que les armateurs sont des hommes très sérieux qui n'ont pas l'habitude d'aventurer leurs capitaux dans des entreprises qui ne présentent pas de grandes chances de succès.

Il suffit, pour qu'on en soit convaincu, de citer M. Nottebohm (d'Anvers), M. Van der Elst (de Bruxelles), M. le baron de Rothschild et la Société Générale. Ce ne sont pas là des financiers qui aventurent leurs capitaux sans avoir un dividende certain bien autre qu'une garantie de 4 p. c. d'intérêt.

Il faut qu'ils aient la perspective de gagner 25 p c. au moins. Sans quoi, ni la Société Générale, ni M. de Rothschild n'auraient mis leurs capitaux dans une pareille entreprise.

Enfin, j'ai confiance dans le certificat que j'attends du Lloyd anglais. C'est une corporation dont les décisions sont acceptées sans réclamation par le monde entier. Le Lloyd est disposé, m'a-t-on écrit, à donner la première cote à ce navire. S'il le fait, je suis parfaitement tranquille sur le sort de ce navire dans sa navigation transatlantique.

Rapports sur des pétitions

M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Courtrai, le 18 février 1856, la chambre de commerce et des fabriques de Courtrai demande que la concession du chemin de fer de Braine-le-Comte à Courtrai, projeté par le sieur Tarte, ne soit accordée que sous l'obligation d'exécuter cette ligne dans tout son parcours.

Dans le projet qui est soumis à vos délibérations, il se trouve une réserve pour la partie du chemin de fer depuis Renaix jusqu'à Courtrai. La chambre de commerce, au contraire, demande que cette clause soit rétablie, et que le chemin de fer soit décrété en son entier, sans être morcelé dans cette partie. La commission, dans ces conditions, vous propose le renvoi à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Grammont, le 6 février 1856, le sieur Kina, architecte à Grammonl, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir le payement de la somme dont la commune d'Onkerzeele lui est encore redevable du chef de la construction d'une église.

Il s'agit d'une somme due par cette commune, ainsi qu'il résulte d'un jugement passé en force de chose jugée. Le pétitionnaire après s'être adressé, sans succès, depuis plus d'un an à la députalion, s'adresse à la Chambre pour obtenir par son intervention que cette commune lui paye la somme qu'elle lui doit.

La commission vous propose de renvoyer cette pétition à M. le ministre de la justice.

- Ce renvoi est prononcé.


M. Thienpont, rapporteur. - Voici, messieurs, un volumineux dossier contenant des pétitions toutes relatives à l'enseignement agricole et à l'usage de la langue flamande. Ces pétitions ont été classées par catégories, de manière à rapprocher toutes celles dont les demandes étaient identiques quant au fond. Il nous a semblé inutile, messieurs, de vous présenter un rapport spécial sur chacune de ces pièces.

(page 815) C'est donc pour éviter toute redite et ne pas vous faire perdre un temps précieux que ce travail a été notablement simplifié.

Par pétition datée de Saint-Jean-le-Blanc, près Orléans, le 5 mars 1855 le sieur Lambert présente des observations relatives à l'enseignement agricole.

Par pétition datée de Nukerke, le 24 janvier 1854, plusieurs habitants de Nukerke demandent que la langue flamande ait sa part dans l'enseignement agricole et dans le projet de loi sur l'organisation des cours d'assises.

Même demande de sociétés littéraires à Rumbeke, Iseghem, Hoogstraeten, Bruxelles, Tirlemont, Nieuport, Waereghem, Waerschoot, Roulers, St-Nicolas, Stockhaim ; des habitants de Nevele, Schaerbeek, Louvain, Meer, Sainte-Marguerite, Ixelles, Oost-Eecloo, Denderhautem, Hulste, Wetteren, Louvain, Auwegem ; des conseils communaux d'Aerseele, Caprycke, Maldeghem, Aertselaer, Ramscappelle et des administrations communales de Bocholt, Schoor et Saint-Georges.

Par pétition datée de Roulers, le 27 janvier 1854, des habitants de Roulers demandent que la langue flamande soit obligatoire dans les cours d'assises et dans renseignement agricole des provinces flamandes.

Même demande des membres de la société littéraire dite : de Vriendschap, à Roulers.

Par pétition datée de Seeverghem, le 7 février 1854, des habitants de Seeverghem demandent que la langue flamande ait sa part dans l'enseignement agricole.

Même demande d'habitants de Gand.

Par pétition datée de Maldegem, le 17 février 1854, les membres de l'administration communale de Maldegem demandent que la langue flamande jouisse des droits qui reviennent à la langue parlée par le plus grand nombre des Belges.

Même demande des membres de la société dite Tael en Kunst, à Hamme.

Par pétition datée de Bruxelles, le 7 février 1854, les sienrs Decosler, Macs et autres membres de la commission executive des sociétés flamandes réunies de Bruxelles et des communes environnantes demandent que toutes les publications administratives soient faites dans les langues française et flamande et que, dans les écoles communales, on crée des sections spéciales où le premier enseignement soit donné en flamand.

Par pétition datée d'Oostroosebeke, le 5 février 1854, les sieurs Tack, de Smet et autres membres de la société dite der groote Vinkemees, à Oostroosebeke, demande que l'usage de la langue flamande soit obligatoire dans la correspondance administrative, dans les cours et tribunaux et dans l'enseignement agricole des provinces flamandes.

Même demande des instituteurs dans le canton d'Oostroosebeke.

Par pétition datée d'Eecloo, le 13 février 1854, des membres de la société de rhétorique d'Eecloo demandent que la langue flamande ait sa part dans l'enseignement agricole, et que les publications officielles se fassent dans les deux langues.

Par pétition datée d'Oostroosebeke, le 8 février 1854, des membres de la société philharmonique d'Oostroosebeke demandent que, dans les provinces flamandes, il soit fait usage de la langue flamande pour les publications et correspondances officielles ; que les plaidoiries aient lieu en flamand lorsque les parties le demandent et que la langue flamande ait sa part dans l'enseignement agricole.

Même demande d'habitants d'Oostroosebeke, Nederbrakel et de membres de la société de rhétorique à Nieuport.

Par pétition datée d'Edelaere, le 29 janvier 1855, le conseil communal d'Edelaere demande qu'il y ait autant d'écoles vétérinaires, d'agriculture et d'horticulture dans les provinces flamandes que dans les provinces wallonnes ; que l'enseignement y soit donné dans la langue maternelle, et que si, pour l'une ou l'autre branche de l'enseignement, on n'établissait qu'une seule école, les élèves reçoivent les leçons dans la langue parlée dans leur province.

Par pétition datée de Meerhout, le 12 janvier 1854, les sieurs Verbeeck, Peetermans et autres membres de la société dite de Hoop, à Meerhout, déclarent adhérer à la pétition du comité flamand, en date du 25 décembre 1853.

Même déclaration d'habitants de Meerhoul, Denterghem, Opwyck, Welden, Exaerde, Oorderen, Wevelghem, Coursel, Perck, Ramscappelle, Tamise, Ninove, Bruxelles, Nieuport, Esschen, Vynckt, Stockheim, Turnbout, Stalhille, Middelbourg, Schaerbeek, Opwyck, Looz, Oultre, Casterlé, Etichove, Anderlecht, Malines, Belcele, Leeuw-St.-Pierre, Linkebeek, Olsene, Termonde, Deftinge, Louvain, Wytschaete, Lembeke, St-Gilles-Waes, Weerde, Aertselaer, Anvers, Gistelles, Elewyt, Putte, Tongerloo ; des membres de I'administraiion communale de Schrik, Middelbourg ; des professeurs et élèves de l'école de dessin et d'architecture à Eecloo. ; d'instituteurs dans la Flandre orientale ; des conseils communaux de Nukerke, Neerpelt, Grootenberge, Wortel, Merxplas, Hamon, Vollezeele, Herentbals, Voorde, Smeerhebbe, Vloersegem, Rumbeke, Deftinge, Betecom, Tremeloo, Bael, Lembeke, Santvliet, Achel ; de sociétés littéraires à Deurne, Denterghem, Ninove, Rumbeke, Bruxelles, Tirlemont, Anvers, Courtrai, Bruges, Haelen, Grammont, Louvain, Kieldrecht, Deynze, Meerhout, Belcele, Malines, St-Nicolas, Vracene ; de la confrérie des tailleurs et de celle des bottiers à Nieuport ; de la société musicale et de prévoyance dite De Hoop, à Bruges, et des sociétés dites Eenvoudige Landlieden, Yver en Broedermin, de Klauwaerts.

La commission conclut au renvoi de toutes ces pétitions à M. le ministre de l'intérieur.

M. Rodenbach. - Messieurs, des sociétés littéraires et grand nombre d'habitants des communes de Nukerke, Rumbeke, Roulers, Iseghem, Nieuport, Saint-Nicolas, Louvain, etc., demandent que la langue flamande ait sa part dans l'enseignement agricole.

J'appuie fortement ces diverses pétitions, ce d'autant plus que plus de la moitié de la population de notre royaume fait usage de la langue flamande.

J'attire l'attention de M. le ministre sur ce grand nombre de requêtes et me plais à croire qu'il accueillera favorablement la demande des pétitionnaires.

Je donne mon assentiment aux conclusions du rapport.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.

La séance est levée à quatre heures trois quarts.