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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 20 novembre 1856

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session de 1856-1857)

(Présidence de M. Delehaye.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 53) M. Tack. procède à 'appel nominal à 3 heures et un quart.

M. Vermeire. lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Tack. présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Le sieur Victor Misson, commissaire de l'arrondissement de Morts, prie la Chambre de le nommer conseiller à la cour des comptes. »

« Même demande des sieurs Van der Straeten de Tergaelen, contrôleur à la cour des comptes ; Van Caubergh, greffier de la province de Limbourg ; et Sleipens, chef de la division de comptabilité à la cour de comptes et membre-secrétaire du conseil de la caisse des veuves et orphelins instituée près du département de la justice. »

- Dépôt au bureau des renseignements.


« Le sieur Forte, capitaine pensionné, réclame l'intervention de la Chambre pour qu'il lui soit fait application de la loi qui accorde dix années de service aux anciens officiers de volontaires. »

M. Lelièvre. - Cette pétition ayant un caractère d'urgence, j'en demande le renvoi à la commission des pétitions, avec invitation de faire un prompt rapport. La réclamation du pétitionnaire mérite du reste l'attention de la Chambre.

- La proposition de M. Lelièvre est adoptée.


« Le sieur Goffinet présente des observations sur les mesures à prendre pour amoindrir les effets de la maladie des pommes de terre. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

« Le sieur de Backer, meunier à Renaix, demande à pouvoir continuer de faire usage de balances romaines. »

- Même renvoi.


« M. Gilkinet, président de la chambre des notaires à Liège, fait hommage à la Chambre de diverses publications relatives au notariat. »

- Dépôt à la bibliothèque.

« Par une lettre datée de Saint-Pétersbourg, M. de Brouwer de Hogendorp demande un congé de trois semaines, l'interruption de la navigation qui est survenue subitement, l'obligeant d'attendre l'occasion de revenir en Belgique par la voie de terre. »

- Le congé est accordé.

Composition des bureaux de section

Les bureaux des sections pour le mois de novembre ont été constitués comme suit :

Première section

Président : M. Loos

Vice-président : M. T’Kint de Naeyer

Secrétaire : M. Crombez

Rapporteur des pétitions : M. Calmeyn


Deuxième section

Président : M. Le Bailly de Tilleghem

Vice-président : M. Osy

Secrétaire : M. Laubry

Rapporteur des pétitions : M. Vander Donckt


Troisième section

Président : M. de T’Serclaes

Vice-président : M. Deliége

Secrétaire : M. Licot

Rapporteur des pétitions : M. de Ruddere de Te Lokeren


Quatrième section

Président : M. Veydt

Vice-président : M. David

Secrétaire : M. de Moor

Rapporteur des pétitions : M. de Paul


Cinquième section

Président : M. Moreau

Vice-président : M. Allard

Secrétaire : M. Delexhy

Rapporteur des pétitions : M. Van Renynghe


Sixième section

Président : M. de Renesse

Vice-président : M. Mascart

Secrétaire : M. Vermeire

Rapporteur des pétitions : M. Van Iseghem

La division de comptabilité a été composée par les sections ainsi qu'il suit : MM. Julliot, Rodenbach, Tremouroux, Matthieu, de Perceval et Vermeire.

M. Julliot, admis dans une séance précédente, prête serment.


M. de Brouckere. (pour une motion d’ordre). - Messieurs, la Chambre doit pourvoir à une place de conseiller à la cour des comptes. Je demanderai qu'elle veuille bien fixer le jour auquel cette nomination aura lieu. En attendant, les candidats croient devoir se livrer à une foule de démarches auxquelles il est de leur intérêt, comme il l'est du nôtre, de mettre un terme.

M. Dumortier. - Messieurs, je suis d'accord avec l’honorable préopinant qu'il importe du ne pas trop retarder cette nomination ; mais d’un autre côté, la démission vient seulement d’être connue, et il faut laisser aux candidats le temps de produire leurs titres. Nous reprochons souvent aux ministres de faire quelquefois des nominations trop précipitées, n'en donnons pas nous-mêmes l'exemple.

- La Chambre, consultée, décide qu'elle procédera mardi en quinze à la nomination d'un conseiller à la cour des comptes.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1857

Modifications au projet initial

Mi. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau quelques propositions de modifications au budget de l'intérieur pour l'exercice 1857.

- Ces propositions seront imprimées et distribuées.

Motion d'ordre

Exécution de la convention d’Anvers

Mi. - Messieurs, la Chambre a manifesté, dans la séance d'hier, le désir d'obtenir quelques renseignements officiels sur le point de savoir où en est aujourd'hui l’exécution de la convention dite d'Anvers.

Messieurs, je vais vous présenter rapidement l'historique de l’exécution de cette convention.

C'est au mois de février 1854 que les deux Chambres ont voté des ordres du jour, approuvant la marche suivie par le gouvernement pour arriver à la convention d'Anvers, ainsi que les principes qui l'avaient dirigé dans la conclusion de cette convention.

La convention d'Anvers avait été approuvée par S. Em. le cardinal-archevêque de Matines, le 7 février 1854. Le 14 du même mois, les autres prélats de la Belgique, dans une lettre collective, ont donné leur adhésion pure et simple à cette même convention.

D'après les arrangements stipulés d'avance et communiqués à la Chambre, c'était au gouvernement à faire les premières ouvertures pour obtenir le concours du clergé pour les athénées royaux et les écoles moyennes de l'Etat. Le gouvernement adressa donc, sous la date du 10 avril 1854, une invitation à tous les chefs diocésains pour les engager à examiner s'il y avait lieu d'accorder le concours du clergé dans les divers établissements placés sous leur juridiction spirituelle.

Les évêques répondirent en promettant dès lors leur concours à tel ou tel établissement désigné dans la lettre d'invitation du gouvernement, disant que pour tels autres établissements ils avaient besoin d'obtenir ultérieurement d'autres renseignements.

Des négociations furent donc commencées par mon honorable prédécesseur dans le but d'arriver à l'application de la convention d'Anvers dans divers établissements d'enseignement moyen du degré supérieur et du degré intérieur, dépendant de l'administration centrale. Voici, en quelques mots, les résultats de ces négociations. Sur 10 athénées royaux, quatre ont adopté la convention d'Anvers. Sur 50 écoles moyennes 11 ont adopté la convention d'Anvers. Sur 15 collèges communaux 6 ont adopté la convention d'Anvers.

Les athénées royaux où la convention d'Anvers a été adoptée, sont ceux d'Anvers, de Hasselt, d'Arlon et de Namur.

Les athénées royaux où la convention n'est pas adoptée à l'heure qu'il est, sont ceux de Bruxelles, de Bruges, de Mons, de Gand, de Tournai et de Liège.

Pour les athénées de Bruxelles et de Liège le refus de concours du clergé est parti des administrations communales, en ce sens que ces deux administrations ont adopté des règlements d'ordre intérieur contraires dans leurs dispositions essentielles au règlement d'ordre intérieur qu'on appelle la convention d'Anvers.

Pour l'athénée de Gand, le refus de concours part de l'initiative du chef diocésain déclarant que les principaux motifs qui ont forcé ses prédécesseurs à retirer le concours du clergé subsistent toujours et ont même été aggravés depuis la mise à exécution de la loi du 1er juin 1850.

Le concours du clergé n'a pas été accordé jusqu'à présent aux athénées de Mons et de Tournai ; mais depuis le 21 octobre dernier, M. l'évêque de Tournai a déclaré être disposé à entrer en négociation pour l'application de la convention d'Anvers.

Pour l'athénée de Bruges, voici ce qui est arrivé. Invité par le gouvernement à accorder aux établissements d'enseignement moyen du degré supérieur et du degré inférieur de son diocèse le concours du clergé, Monseigneur de Bruges a répondu, en termes généraux, qu'il ne pourrait répondre affirmativement à cette demande qu'après s'être assuré par des négociations officieuses avec les administrations communales et les bureaux administratifs que ce concours serait durable et efficace ; que, dans trois localités de son diocèse, la question se compliquait de l'existence d'un établissement libre ; que pour la ville d'Ypres des démarches sérieuses avaient été faites auprès de lui pour arriver à un résultat satisfaisant, et que si ces négociations étaient poursuivies sur le pied où elles étaient commencées, elles lui permettraient d'annoncer qu'il était disposé à accorder son concours à l'école moyenne de l'Etat et au collège communal de la ville d'Ypres ; que, pour les autres établissements de l'Etat situés dans son diocèse, il ne pourrait leur prêter son concours avant que des relations officieuses, (page 54) entreprises avec les administrations locales, n'eussent fait disparaître quelques difficultés qui s'y opposaient encore.

Le gouvernement pouvait considérer cette position prise par le chef diocésain comme n'étant pas une réponse formelle à la demande de concours qui lui avait été adressée ; il n'a pas donné d’autre suite à l'invitation première et les choses sont restées en cet état.

Voilà pour les athénées. J'arrive aux écoles moyennes de l'Etat.

Les écoles moyennes où le concours du clergé est accordé sont : les écoles moyennes d'Anvers, de Lierre, de Malines, de Turnhout, de Diest, de Hal, de Jodoigne, de Louvain, de Nieuport, de Péruwelz, de Rœulx, de Saint-Ghislain, de Thuin, de Limbourg, de Spa, de Maeseyck, de Saint-Trond, de Tongres, de Marche, de Neufchâteau, de Virton, d'Andenne, de Couvin, de Dînant, de Fosse, de Namur et de Philippeville.

Les écoles moyennes de l'Etat où la convention d'Anvers n'est pas encore adoptée aujourd'hui, sont les écoles moyennes d'Aerschot, de Wavre, de Bruges, de Furnes, d'Ypres, d'Alost, de Gand, de Renaix, d'Ath, de Beaumont, de Braine-le-Comte, de Charleroi, de Gosselies, d'Houdeng-Aimeries, de Mons, de Pâturages, de Soignies, de Huy, de Stavelot, de Waremme, de Visé, de St-Hubert et de Rochefort. En tout 23 écoles moyennes.

De ces 23 écoles moyennes, celle de Charleroi n'a pu être jusqu'ici complètement organisée à cause d'obstacles matériels qui se présentent dans cette ville.

Dans six de ces écoles moyennes, celles de Furnes, de Renaix, de Braine-le-Comte, de Stavelot, de Waremme et de Si-Hubert, le concours a été offert par le clergé, mais refusé par les autorités locales.

Pour six autres de ces écoles moyennes, celles de Bruges, d'Ypres, d'Ath, d'Houdeng-Aimeries, de Pâturages et de Rochefort, le clergé n'a pas encore fait parvenir de réponse positive au sujet de la demande de concours qui lui a été adressée.

Pour neuf de ces écoles moyennes, celles de Wavre, d'Aerschot, d'Alost, de Gand, de Beaumont, de Gosselies, de Mons, de Soignies et de Visé, l'offre de concours a été faite par le clergé ; les négociations sont encore pendantes et permettent pour la plupart de ces localités d'espérer un résultat favorable, d'ici à quelque temps.

Pour une de ces écoles moyennes, celle de Huy, le clergé a refusé son concours.

Voici maintenant les renseignements demandés quant aux collèges communaux subsidiés par l'Etat. Comme j'ai eu l'honneur de le dire tout à l'heure, il y en a quinze. Ce sont les collèges communaux de Diest, de Louvain, de Nivelles, de Tirlemont, d'Ypres, d'Ath, de Charleroi, de Chimay, de Huy, de Beeringen, de Tongres, de Bouillon, de Virton, l'école provinciale de commerce, d'industrie et des mines de Mons, l'école industrielle et littéraire de Verviers, l'école moyenne communale de Quiévrain.

Six d'entre ces collèges communaux ont adopté la convention : ce sent les collèges communaux de Diest, de Louvain, de Tirlemont, de Tongres, de Bouillon et de Virton. Pour les autres le concours n'a pas été accordé jusqu'à présent.

Le gouvernement n'est pas ici directement en cause, comme pour les établissements de l'État. Il s'agit ici d'établissements communaux dont l'administration est communale, et il a été entendu que pour ces établissements c'est aux administrations communales à faire les ouvertures et à entamer les négociations nécessaires pour l'exécution de la convention d'Anvers.

Au mois de septembre de l'année dernière, j'adressai aux autorités communales, par l'intermédiaire des gouverneurs, une circulaire pour appeler leur attention sur des négociations à ouvrir pour l'adoption de la convention d'Anvers.

La règle de conduite que je m'étais tracée était, d'une part, de n'exercer aucune espèce de pression sur les administrations communales, mais aussi, d'autre part, de ne pas leur laisser croire que je fusse indifférent à 1 adoption de cette convention, en ce sens que la loi fait une obligation au gouvernement de compléter l'enseignement moyen.

L’article 8 dit que l'enseignement moyen comprend l'enseignement religieux. Le gouvernement, partant de ce point, a rappelé aux administrations communales la nécessité de penser à l'exécution de cet article 8, tout en leur laissant naturellement la liberté du choix des moyens.

Les négociations ont été entamées par la plupart des administrations communales.

Pour le collège communal de Nivelles, ces négociations n'ont pas encore abouti. L'administration communale de Nivelles avait rédigé un règlement d'ordre intérieur qui s’écartait, sur des points assez importants, des dispositions de la convention d'Anvers. Les négociations continuent. L'instruction se poursuit, et il est permis de croire que d’ici à très peu de temps on pourra s'entendre.

Pour le collège communal d'Ypres je ne connais des négociations que ce que vous en connaissez vous-mêmes ; c'est-à-dire là encore des négociations ont été entamées et jusqu'à présent elles n'ont pas abouti.

Pour le collège communal d'Ath, l'administration communale a répondu qu'elle ne perdrait pas de vue les instructions contenues dans la dépêche ministérielle du 21 septembre 1853. Jusqu'à présent, je ne sache pas que des négociations aier.t été entamées.

L’administration communale de Charleroy, par une lettre en date du 6 décembre 1855, informa le gouvernement que sur l’invitation qui lui avait été adressée, de donner son concours au collège de cette ville, l’évêque de Tournai lui avait fait connaître qu'il enverrait incessamment à Charleroi un ecclésiastique investi des pouvoirs nécessaires pour régler les conditions de l'intervention du clergé dans l'enseignement communal. Jusqu'à présent, cette affaire n'a pas encore reçu d'autre suite.

Pour le collège de Chimay, le conseil communal de cette ville, par une délibération du 3 juin 1855, décida qu'on appliquerait au collège de Chimay toutes les dispositions de la convention d'Anvers, et il chargea le collège des bourgmestre et échevins de porter cette décision à la connaissance du chef du diocèse. Le 29 juillet 1855, Mgr l'évêque de Tournai déclara qu'il n'y avait pas, pour le moment, d'ecclésiastique convenable disponible, pour remplir cette fonction.

Mais sur de nouvelles instances de l'autorité communale, il chargea provisoirement le doyen de la localité de donner quelque instruction religieuse aux élèves de l'école communale. Cela porte à croire que l'affaire pourra se terminer à la satisfaction de l'autorité communale et de l'autorité ecclésiastique.

Pour le collège communal d'Huy, je ne ferais que répéter ce que j'ai dit tout à l'heure pour l'école moyenne ; la ville n'a pu s'entendre, pour les conditions du concours du clergé, avec l'autorité diocésaine.

La ville de Verviers, pour son école littéraire et industrielle, a adopté l'année dernière un règlement d'ordre intérieur, contraire, en un certain nombre de points, aux dispositions de la convention d'Anvers. Jusqu'à présent cette affaire en est restée là.

Pour le collège communal de Beeringen, les dispositions du clergé sont des plus favorables ; mais l'administration locale elle-même ne croit pas devoir donner suite à l'organisation de l'enseignement religieux, parce qu'il paraît que les ressources financières de cet établissement sont fort restreintes et ne permettent pas de réaliser de nouvelles dépenses.

M. de Theux. - On est d'accord.

Mi. - Jusqu'à présent rien d'officiel n'est parvenu au gouvernement.

M. de Theux. - Je puis déclarer que l'administration communale désire le concours et qu'on est parfaitement d'accord ; il n'y a que le sujet qui ait manqué jusqu'à présent.

Mi. - Pour l'école de Quiévrain qu'on peut assimiler aux collèges communaux, il y a refus, de la part de l'administration communale, de faire des démarches pour exécuter la convention d'Anvers.

Vous le voyez, messieurs, le concours du clergé s'accorde ; la convention d'Anvers est appliquée successivement dans la plupart des villes du pays, après des négociations entamées et poursuivies librement par les deux autorités.

Les administrations communales se montrent en général très disposées à entrer en négociations avec le clergé. Le clergé s'y prête de son côté. Il allègue parfois des motifs d'opposition ; mais il a été formellement entendu que le clergé peut agir en toute liberté, et qu'il n'a pas à faire connaître les motifs pour lesquels il croit ne pas devoir accorder son concours à tel ou à tel établissement.

M. Devaux. - Je remercie M. le ministre de l'intérieur des renseignements qu'il vient de donner à la Chambre ; seulement, je crois que ces renseignements pourraient être complétés sous certains rapports.

Pour ne parler que des athénées qui sont au nombre de dix, il y a quatre de ces établissements qui ont obtenu le concours du clergé ; deux athénées ne l'ont pas obtenu, parce que les conseils communaux n'ont pas entendu accepter la convention d'Anvers ; il reste donc quatre athénées qui ne l'ont pas obtenu, parce que le clergé s'y est refusé jusqu'à présent. Il s'agit des athénées de Gand, de Mons, de Tournai et de Bruges. (Interruption.)

M. le ministre de l'intérieur me dit qui le concours a été récemment offert pour les athénées de Mons et de Tournai ; c'est donc une affaire en suspens pour ces deux établissements. Il reste les athénées de Gand et de Bruges.

M. le ministre de l'intérieur a dit qu'à Gand, le chef diocésain avait refusé son concours par les motifs qui l'avaient fait refuser antérieurement par ses prédécesseurs, motifs qui s'étaient encore aggravés.

Ne serait-il pas possible à M. le ministre d'indiquer la nature de ces motifs, quel est le genre d'obstacle qui s'oppose au concours ? Cela provient-il de la composition actuelle du personnel, de ce qu'on y enseigne, ou de ce que les conditions de la convention d'Anvers ne suffisent pas au clergé ?

Pour Bruges, la question paraît plus claire. Si j'ai bien compris M. le ministre de l'intérieur, le gouvernement a décidé qu'il n'y avait pas lieu de communiquer la réponse de l'évêque au conseil communal, attendu que ce prélat ne se contentait pas de la convention d'Anvers.

Ainsi le conseil communal de Bruges n'a pas eu à se prononcer, car le conseil communal ne doit pas se mettre le premier en rapport avec le clergé, attendu que c'est le gouvernement et non pas le conseil communal qui est chargé de l'exécution de l'article 8 de la loi, alors qu'il s'agit d'établissements de l'État ; or, il est certain, d'après la réponse de M. le ministre de l'intérieur, que le chef diocésain n'ayant pas fait au gouvernement une réponse favorable, les négociations se sont arrêtées (page 55) là, et le gouvernement n'a pas jugé à propos de faire délibérer l'autorité locale.

Messieurs, dans un document public, dans le mandement de l'évêque de Bruges, il est dit que trois établissements, administrés aux frais de l'Etat, se sont volontairement soustraits à l'enseignement religieux. On ajoute qu'il est à espérer que les magistrats (on fait allusion aux magistrats communaux) qui n'ont pas renoncé au nom et à la qualité de chrétiens, finiront par faire cesser cet état de choses.

Eh bien, il résulte des explications de M. le ministre de l'intérieur que les magistrats communaux de Bruges ont été hors d'état de lever un obstacle qu'ils ne connaissaient pas ; qu'ils n'ont pas eu à s'en occuper ; il en résulte que, loin que l'établissement se soit soustrait volontairement à l'enseignement religieux, c'est l'évêque de Bruges qui a retiré l'ecclésiastique qui donnait l'enseignement religieux à l'athénée du temps qu'il était communal et que si l'enseignement religieux n'y a pas été rétabli, c'est que ce même prélat ne s'est pas contenté, pour accorder son concours, des conditions de la convention d'Anvers, circonstance par suite de laquelle le gouvernement n'a pas cru que l'affaire dût être soumise aux magistrats de la ville.

Cependant, M. le ministre de l'intérieur vient de dire également que les évêques avaient tous, sans exception, adhéré purement et simplement à la convention d'Anvers. J'avoue que voilà des faits que j'ai peine à concilier.

Les évêques adoptent la convention d'Anvers purement et simplement, et quand on en vient à l'exécution, l'un d'entre eux fait connaître que cette convention ne lui suffit pas.

Un cas analogue se présente pour Ypres où le collège est un établissement de la commune.

Le conseil communal de cette ville demande l'intervention du clergé aux conditions de la convention d'Anvers ; on négocie, et qu'arrive-t-il ? Il parait que la convention d'Anvers ne suffit pas et qu'on exige une fusion avec un établissement concurrent ; on négocie les conditions de cette fusion ; on convient d'un loyer de 2,000 fr. à payer par la ville, on ne parvient pas à se mettre d'accord sur les autres conditions, parce que l'évêque veut avoir la faculté de recevoir et de renvoyer les élèves, et réserver à certains ecclésiastiques le droit de punition ; on ne s'arrange pas, et parce que la fusion du collège communal ne peut pas avoir lieu avec un établissement ecclésiastique, le concours est refusé purement et simplement à l'établissement laïque.

Ainsi, là encore on se refuse à appliquer la convention d'Anvers à laquelle on avait adhéré.

Je sais qu'il y a des conseils communaux qui ont refusé d'appliquer la convention d'Anvers, mais on leur en avait laissé le droit, ils n'y avaient pas souscrit, les évêques au contraire y avaient tous adhéré.

Je prierai M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien nous dire si, dans les diocèses de Gand et de Bruges, il y a des raisons particulières autres que l'insuffisance de la convention d'Anvers, pour que le clergé refuse son concours.

Mi. - Messieurs, je ne me dissimule par la difficulté de répondre aux observations que vient de présenter l'honorable M. Devaux : il m'est impossible de savoir s'il y a des motifs plus ou moins avoués qui peuvent s'opposer, de la part des chefs diocésains, à l'adoption de la convention d'Anvers.

Pour l'athénée de Gand, j'ai donné lecture des motifs que Mgr. l'évêque a allégués pour ne pas accorder son concours à cet établissement. Aucune autre indication n'a été donnée par le prélat. Cependant je suis porté à croire que les difficultés prenaient leur source dans la composition du personnel.

Ce n'était donc pas, de la part de ce prélat, une opposition de principe à la convention même, et la preuve, c'est que dans la même lettre, il proposait d'accorder son concours à l'école moyenne de la même ville. Mais le gouvernement n'a pas pu se rallier à l'adoption partielle de la convention d'Anvers, proposée par l'évêque, et voici pourquoi. A Gand, il y a un seul bureau administratif pour l'athénée et pour l'école moyenne. L'adoption de la convention d'Anvers emporte avec elle la nomination d'un membre du clergé dans le bureau administratif. Dès que la convention était admise pour l'école moyenne, un ecclésiastique avait droit de siéger dans le bureau administratif commun aux deux établissements, et cela sans que le clergé fût entré en négociation pour l'athénée. Mgr de Gand avait, d'ailleurs, offert le concours du clergé pour les écoles moyennes d'Alost et de Renaix, et il s'est prêtée à donner ce même concours pour l'école d'horticulture de Gand.

Il est donc permis de dire que ce n'est pas une opposition de principe de la part du chef diocésain à l'exécution de la convention d'Anvers, qui en a empêché l'application à l'athénée de Gand. Le prélat, du reste, commence par dire qu'il refuse son concours par les mêmes motifs que ses prédécesseurs ; il se reporte donc à une époque où la convention d'Anvers n'existait pas. Par conséquent, ce ne sont pas des motifs puisés dans la convention d'Anvers qui s'opposent à son adoption par l'évêque.

J'ai fait connaître les principaux motifs qu'a donnés Mgr. l'évêque de Bruges pour ne pas accorder son concours à trois établissements d'enseignement moyen situés dans son diocèse.

Le gouvernement a fait une première invitation à l'évêque de Bruges de donner son concours aux établissements d'enseignement de son diocèse. On a répondu à cette invitation d'une manière un peu évasive. Le gouvernement n'a pas pu considérer la lettre de l'évêque comme une réponse positive à son invitation et n'a pas poursuivi la négociation ; l'administration communale de Bruges est restée et a dû rester complètement étrangère à ces ouvertures, pour ses deux établissements.

Il est donc exact de dire que, jusqu'à présent, cette administration n'a eu, en aucune façon, à se prononcer sur ll'admission ou la non-admission du concours du clergé.

Est-ce un parti pris contre la convention, de la part du chef du diocèse de Bruges ? Est-ce parce qu'il trouve la convention insuffisante au point de vue du clergé, qu'il n'a pas donné suite à l'invitation qui lui a été adressée pour quelques établissements de son diocèse ?

Je ne puis le croire, puisque dans le même diocèse, l’évêque a admis la convention d’Anvers pour l'école moyenne de Nieuport et pour l'école d'agriculture de Thourout.

Un membre. Ils n'avaient pas de concurrence.

Mi. - Il ne m'appartient pas de scruter les motifs de la conduite de l'évêque. La Chambre m'a demandé des faits ; je viens de les lui exposer.

M. Devaux. - Vous voyez que les magistrats de Bruges se trouvent accusés bien à tort d'avoir soustrait l'athénée à l'influence de renseignement religieux. Non seulement ils n'ont mis aucun obstacle à ce que cet enseignement ait lieu, mais ils n'ont pas même été appelés à délibérer sur cette affaire qui avait échoué dans les régions ministérielles et n'est pas arrivée jusqu'à eux. Dans la communication que le gouvernement nous a faite, il nous a dit, si j'ai bien compris, que dans trois localités du diocèse de Bruges la question aux yeux du clergé se complique de l'existence d'établissements libres.

J'appelle l'attention de la Chambre sur ce point : que le concours du clergé dépend de l'intérêt d'établissements qu'il possède. Je dis qu'un pareil intérêt doit être sans influence sur la conduite du clergé. Assurément un établissement laïque ne peut devenir indigne du concours du clergé parce qu'il existe un établissement rival à coté, auquel sa prospérité pourrait nuire.

Quand on s'est occupé de la convention d'Anvers, il n'est entré dans la pensée de personne que son application pût dépendre de l'intérêt d'établissements rivaux. Il ne s'est jamais agi de soumettre le concours du clergé à des fusions, à des indemnités de deux mille francs pour dommages et intérêts.

De pareilles questions sont indignes de figurer en présence de l'intérêt dont il s'agit.

Les renseignements qui viennent de nous être communiqués pourront nous occuper encore un autre jour. Je ne veux pas, pour le moment, pousser plus loin mes observations.

M. Dumortier. - Je ne sais en vérité de quoi se plaint l'honorable M. Devaux.

En Belgique on a proclamé la liberté d'enseignement. Usant de cette liberté, les évêques ont établi des collèges et des écoles dans les localités où ils ne pouvaient pas s'entendre avec l'autorité communale. Leurs établissements sont très fréquentés. Qu'arrive-t-il ? L'autorité communale, qui voit ses établissements très peu fréquentés, désire la fusion. Quand elle se rapproche de son évêque et qu'elle veut que l'instruction religieuse soit donnée dans son collège, son intérêt est de faire disparaître l'établissement qui est à côté du sien, c'est tout naturel, c'est très légitime ; si j'étais bourgmestre d'une commune dans cette situation, j'en agirais ainsi. Mais l'évêque, de son côté, peut-il purement et simplement tuer, anéantir, annuler un établissement qu'il a fondé et cela sans avoir de certitude pour l'avenir ?

Remarquez que l'autorité communale n'est pas liée ; les conditions qu'elle accepte aujourd'hui, elle peut n'en plus vouloir demain quand elle aurait anéanti le collège épiscopal, dont les frais d'établissement seraient perdus.

Quand on veut avoir les bénéfices d'une affaire, on négocie et on accepte les conditions qui y sont attachées. Depuis quand voulez-vous acheter une maison sans la payer ? C'est un système très commode. Je ne puis concevoir qu'on veuille faire fermer les établissements du clergé sans donner des garanties.

Il faut traiter ces questions-là, non comme des questions de mur mitoyen, mais comme des questions pratiques. Je trouve très légitime que les propriétaires de l'un et de l'autre établissement stipulent les conditions de la fusion. Rien de plus naturel, c'est là ce qui se fait en toute chose analogue.

M. Verhaegen. - Il n'est pas question de la fusion.

M. Dumortier. - On a parlé des cas où l'évêque s'opposait à la fusion ; si vous demandez à un évêque de supprimer son collège au profit du vôtre, il est tout naturel qu'il vous demande des garanties que, son collège supprimé, vous ne renverrez pas son représentant dans votre commission administrative ; sans cela il arrivera ceci : que vous aurez supprimé l'établissement du clergé et que l'établissement de l'État ou de la commune n'offrira pas les garanties désirables sous le rapport de l'enseignement religieux. Un évêque a donc parfaitement raison d'exiger que ces garanties soient données avant de consentir à une fusion qui doit faire disparaître un établissement d’instruction dirigé par le clergé.

M. Vandenpeereboom. - J’aurais voulu m’abstenir dans ce débat ; une position toute personnelle me le faisait désirer. Mais quand (page 56) j’entends l’honorable M. Dumortier réduire des questions d'enseignement à des proportions infiniment mesquines, quand je l’entends reprocher aux conseils communaux de ne vouloir l'introduction de l’enseignement religieux dans les établissements qu’ils dirigent que dans un intérêt qui a été qualifié dans une autre enceinte de boutique, je crois qu’il est de mon devoir de protester.

M. Dumortier. - Je n’ai pas parlé du conseil communal d’Ypres.

M. Vandenpeereboom. - Pardon, toute la discussion a roulé sur l’incident d’Ypres.

Lorsque je viens protester contre les allégations de l'honorable préopinant,, je suis, je crois, d'autant moins suspect, qu'en toute circonstance, dans cette Chambre, j’ai défendu l’article 8 de la loi de 1850 et que j’ai été l’un des premiers qui, sur ces bancs, ont défendu la convention d’Anvers.

À cette époque, j’ai pris devant la Chambre l’engagement de défendre cette convention, mais de chercher à en obtenir l’application. Rentré chez moi, huit jours après la discussion, j’ai cru pouvoir proposer au conseil communal de l’adopter.

Je crois qu’il est parfaitement inutile de donner à la Chambre des explications sur les négociations qui ont eu lieu entre l’administration communale d’Ypres et le chef du diocèse. Ces explications ont été publiées. Mais je dois protester contre les paroles de l’honorable M. Dumortier.

M. Dumortier. - Lesquelles ?

M. Vandenpeereboom. - Ce que vous avez dit ou insinué au sujet du conseil communal d’Ypres.

M. Dumortier. - Je n'ai pas parlé d'un conseil communal.

M. Vandenpeereboom. - Vous avez dit que lorsque les conseils communaux demandaient que l’enseignement religieux fût introduit dans leurs établissements d’instruction, ils agissaient dans un but d’intérêt, tandis qu’ils ont un but beaucoup plus large, beaucoup plus élevé.

Après qu’un conseil communal a, en adoptant la convention d'Anvers, réclamé l'introduction de l’enseignement religieux dans ses établissements d’instruction, le chef du diocèse peut refuser le concours du clergé. Mais lorsqu’il y a eu bonne foi dans les négociations, on ne peut pas accuser par la voie de la presse ou par des insinuations une administration locale de ne pas avoir voulu un arrangement et d’avoir cherché à mettre des entraves constantes à un accord désiré de part et d’autre.

Je pourrais donner d'autres explications. Je préférerais ne pas le faire. Si cependant la Chambre le désire, j’entrerai dans plus de développements et je me borne quant à présent à repousser les allégations de l’honorable M. Dumortier.

M. Dumortier. - Il est infiniment facile d’imaginer des moulins à vent pour se donner le plaisir de les combattre. Mais j’ai répondu à l’observation présentée par l’honorable M. Devaux sur ce qu’avait dit M. le ministre de l’intérieur de trois villes du diocèse de Bruges. Il n’a jamais été question d’Ypres.

M. Verhaegen. - Ypres est une de ces villes.

M. Dumortier. - C'est possible ; mais lorsque parlant d'une manière générale, je dis qu'un évêque, avant de consentir à une fusion qui doit faire disparaître un établissement d’instruction dirigé par le clergé, a bien le droit d’exiger des garanties pour l’enseignement religieux dans un établissement communal, alors surtout que les magistrats communaux, soumis à réélection, ne peuvent savoir par qui ils seront remplacés l’année suivante ; je dis que je n’avais nullement donné matière au mécontentement, à l’irritation, à la protestation de notre honorable collègue M. Vandenpeereboom.

M. de Haerne. - Je n’entrerai pas dans de longs détails, messieurs ; je craindrais d’anticiper sur une discussion qui doit avoir lieu plus tard, comme on a déjà commencé à le faire.

Cependant, puisqu’on a cité quelques faits, je crois pouvoir en ajouter pour compléter et rectifier ce qui a été dit.

Je ne ferai aucune allusion personnelle ni aux conseils communaux, ni à aucune autorité établie. Il est à ma connaissance que, dans la ville d’Ypres, dont il a été question plusieurs fois (et je suis persuadé que l’honorable M. Vandenpeereboom qui est à la tête de l’administration de la ville ne me contrariera pas sur ce point), il y avait autrefois deux collèges subsidiés par le conseil municipal. L’un des deux était communal.

Qu’est-il arrivé ? L’administration, avant que l’honorable M. Vandenpeereboom fût premier échevin, a cru devoir refuser le subside à l’un de ses collèges, au collège épiscopal. Alors il a été fait une souscription parmi les habitants qui ne croyaient pas pouvoir donner leur confiance à l’établissement communal. Ces souscriptions ont été assez élevées pour qu’on ait pu ériger un collège libre qui s’est accru et qui est aujourd’hui le plus prospère. On a construit de nouveaux bâtiments qui coûtent fort cher. Mais ces constructions n’ont pas été faites dans l’intérêt du chef diocésain ; elles l’ont été dans l’intérêt moral des souscripteurs qui attachent une très grande importance au succès de leur collège et qui y placent généralement leurs enfants.

L’honorable M. Vandenpeereboom doit savoir que cela est très réel. Il connaît les faits au moins aussi bien que moi. L’intérêt matériel ne doit pas avoir d’importance ici. Je l’avoue, c’est l’intérêt moral qui se présente seul dans ces questions. Il serait indigne de la Chambre de parler à ce propos d'intérêt de boutique. Il faut laisser ce langage à une certaine presse.

Mais il faut voir si la question d'intérêt matériel ne se lie pas, comme cela arrive souvent, à la question d'intérêt moral. Lors de la discussion qui a eu lieu dernièrement en Angleterre sur l’enseignement, les plus grands orateurs, les hommes les plus éminents du parlement n'ont-ils pas déclaré à lord John Russell que son système d’intervention pécuniaire de la part du gouvernement était une atteinte directe à la constitution anglaise ! Il ne s'agissait cependant que de fonder, à côté d'établissements libres, des écoles payées, comme en Belgique, par les contribuables. Si les particuliers avaient autant de ressources pécuniaires que l'Etat, ils ne craindraient pas la concurrence du gouvernement. La question toute morale de la liberté, de l'existence des écoles libres, dépend donc d'une question d'argent ; mais ce n'est pas celle-ci qu'on a en vue ; c'est la première.

Vous voyez, messieurs, que la question matérielle se complique quelquefois d'une question morale et que par conséquent avant d'accuser une autorité quelconque, avant d'accuser qui que ce soit, en cette matière, de se laisser guider par ce qu'on a osé appeler un intérêt de boutique, il faut y réfléchir à deux fois, et voir s'il n'y a pas au fond une question de délicatesse vis-à-vis de certaines personnes qui ont fait des sacrifices très grands pour acheter la liberté d'élever leurs enfants comme ils l'entendent. Car c'est en définitive à cela que se réduit la faculté de posséder un collège libre, de se procurer l'instruction libre. Il faut donc distinguer, et ne pas voir une question matérielle là où il n'y a au fond qu'une question morale, une question de délicatesse.

M. F. de Mérode. - Messieurs, il est certain que la condition des collèges libres est tout à fait inférieure à celle des collèges entretenus par le gouvernement. Le gouvernement donne beaucoup d'argent pour les collèges qu'il subsidie, et les collèges libres ne reçoivent rien. Or, il est notoire que les collèges dirigés par l'autorité laïque n'offrent pas constamment, il s'en faut de beaucoup, des garanties pour les familles, et cette infériorité de condition dans laquelle nous nous trouvons en fait d'enseignement mérite de l'indulgence de la part de ceux qui jouissent de tous les bénéfices des frais faits par l'État pour l'enseignement.

Ainsi l'université de Louvain, par exemple, existe uniquement par les dons volontaires. Les universités de l'État existent par les sommes considérables que leur fournit le trésor public. Il en est de même de l'université de Bruxelles qui reçoit de l'autorité provinciale et de l'autorité communale des sommes assez considérables.

Je le répète, nous nous trouvons ainsi dans une condition tout à fait inférieure et l’on ne peut pas dans cette enceinte apprécier par quels motifs un évêque n'accepte pas ta convention d'Anvers, C'est une affaire qui le regarde.

En général, d'ailleurs, les évêques ont accepté la convention. S'il y a quelque exception, l'évêque qui l'a admise n'est pas ici pour s'expliquer et nous ne sommes pas chargés de parler pour lui. Je ne conçois même pas que l'on amène la Chambre sur ce terrain. Il y a une convention d'Anvers ; elle n'est ni de part ni d'autre obligatoire.

Pourquoi nous mêlerions-nous de ses effets locaux ? Ce n'est pas notre tâche. Si nous nous occupons du ménage en détail de tout le pays, nous ne ferons pas le ménage général, et c'est celui-là dont nous avons à nous occuper. On pourrait soulever ainsi tous les jours des questions particulières sur lesquelles vous n'avez aucune solution à donner. Vous passeriez votre temps à ces discussions, et au lieu de vous livrer à des travaux utiles au pays et qui sont de notre compétence, vous perdriez vos séances en stériles débats.

M. Devaux. - En vérité, messieurs, je n'aurais jamais osé prêter à mes honorables contradicteurs la théorie qu'ils viennent d'exposer ; je n'aurais jamais voulu, surtout, prêter de semblables motifs au clergé. J’ai bien pu croire à une certaine rivalité d'influence, mais non qu'on refusât l’enseignement religieux à des enfants chrétiens, par le motif avoué, que l'intérêt matériel d'un autre établissement en souffrirait et qu'il faut garantir les intérêts d'un emprunt qu'il aurait fait. Je croyais que la question d'intérêt moral dominait tout ici.

Que vous a dit l'honorable M. Dumortier ? C'est tout naturel ; ce sont deux établissements rivaux ; vous, libéraux, vous ne voudriez pas que le collège épiscopal tuât votre établissement. Il est naturel que l’évêque ne veille pas tuer son propre collège.

Ainsi parce qu'il s'agit d'un établissement laïque que vous confessez supérieur à celui de l’évêque...

M. Dumortier. - Pas du tout.

M. Devaux. - Puisque vous supposez qu'il tuerait celui-ci s'il obtenait comme lui le concours du clergé, il faut que les enfants qui fréquentent l’établissement supérieur en mérite soient sacrifiés à l’intérêt de celui qui n'en pourrait pas soutenir la concurrence.

Et l’honorable M. de Mérode vient vous dire : Pourquoi nous mêlerions-nous de cela ? Avez-vous donc oublié, M. de Mérode, que vous avez dit cent fois que c'était une question sociale dont il s'agissait ici, que nos écoles étaient des repaires où les jeunes gens puisent des leçons d'immoralité faute du concours du clergé ? Et vous ne voulez pas aujourd'hui qu'on recherche les véritables motifs de cette lacune !

Nous avons au contraire grandement à nous en préoccuper, et plus encore depuis» les paroles de l'honorable M. Dumortier, de l’honorable M. de Haerne et de l'honorable M. de Mérode. On me dit : Le clergé (page 57) a le droit de n'accepter qu'à certaines conditions particulières la fusion d’un de ses établissements avec un établissement laïque. C'est déplacer la question. À Bruges personne n'a demandé la fusion de quoi que ce soit. À Ypres, la ville s'y serait résignée probablement comme moyen d'obtenir le concours du clergé.

Mais cette fusion ayant été reconnue impossible, on demande pourquoi on refuse au conseil communal d'Ypres l'enseignement religieux aux conditions acceptées par lui, de la convention d'Anvers. Et vous répondez : Parce qu'on nuirait à l'établissement pour lequel on a fait un emprunt !

Messieurs, je crois qu'il est utile que la Chambre, que le pays sachent que ce sont les motifs dont viennent de parler MM. Dumortier et de Haerne qui empêchent, dans certaines localités, les élèves des établissements de l'Etat et des communes de recevoir l'enseignement religieux. Assurément dans ce cas il n'y a nul reproche à faire aux administrations communales, il n'y en a point à faire non plus aux établissements auxquels le concours est refusé puisqu'on les punit par là de leur supériorité et d'être des concurrents trop redoutables. Mais je dis que c'est là ravaler à d'indignes proportions la question de l'enseignement religieux, et s'il est des évêques qui se laissent guider par de telles considérations, il faut le déplorer.

M. Dumortier. - L'honorable membre semble avoir pris à tâche de me faire dire tout le contraire de ce que j'ai dit.

J'ai répondu à l'honorable membre qui demandait des explications an sujet des trois établissements situés dans des villes où la question se compliquait de l'existence d'établissements rivaux. J'ai fait voir à la Chambre qu'évidemment le chef du diocèse qui avait fondé un établissement qui avait la confiance des familles, ne pouvait fermer les portes de cet établissement sans les garanties que l'on doit donner en pareil cas, alors que le lendemain on pourrait le congédier de celui auquel il aurait accordé son concours.

Voilà la question véritable à laquelle j'ai répondu la réponse que je vous ai faite.

Maintenant vous me faites dire toutes choses que je n'ai pas dites et que je repousse complètement parce que je ne les ai pas dites.

Mais, dites-vous, l'évêque de Bruges a refusé son concours dans l'intérêt d'un établissement rival. Et où donc avez-vous trouvé ce motif ? Il n'existe que dans votre imagination. Vous ne connaissez pas et vous n'êtes pas appelés à connaître, vous n'avez pas mission pour discuter les motifs qui portent un évêque à refuser son concours.

Ces motifs ne sont pas de votre domaine, et lorsque vous imputez à un évêque de mauvaises Intentions, vous manquez à toutes les convenances. C'est une accusation sans preuves, une accusation gratuite, qu'il n'est pas dans votre droit de porter.

Est-il vrai, messieurs, oui ou non, que les évêques ont le droit d'examiner s'ils peuvent, en conscience, donner l'instruction religieuse dans tel ou tel établissement ? Evidemment ils ont ce droit et lorsqu'ils en usent il ne vous appartient pas de leur prêter des motifs qui peuvent très bien vous convenir comme moyen de guerre, mais dont rien ne nous prouve l'existence.

M. de Haerne. - Je crains, messieurs, de prolonger ce débat ; mais je dois un mot de réponse à l'honorable M. Devaux qui prétend qu'il s'agit d'une question d'intérêt matériel. (Interruption.)

C'est évidemment le fond de sa pensée. Si j'ai bien compris ce qu'a dit tout à l'heure l'honorable ministre de l'intérieur, il s'agissait, pour l'arrangement à intervenir au sujet de la fusion des deux établissements de la ville d'Ypres, de certaines conditions relatives à ll'admission et au renvoi des élèves. Eh bien, voici comment j'ai voulu dire que la question morale se compliquait d'une question d'intérêt matériel. Ces conditions morales relatives à ll'admission et au renvoi des élèves existent dans l’établissement épiscopal. Les parents y envoient leurs enfants sous la condition qu'ils soient l'objet d'une très grande surveillance.

Ces parents ne veulent pas que leurs enfants se trouvent dans un établissement où n'existerait pas la même discipline ; ils entendent que l'établissement qu'ils ont fondé au moyen de leurs capitaux ne soit pas sacrifié à un autre qui ne leur présenterait pas autant de garanties au point de vue de la moralité de leurs enfants. C'est ce qui arriverait, d'après eux, dans le système de fusion sans les garanties proposées par l'autorité religieuse. Il y a ici une question de conscience pour les parents, Mgr l'évêque de Bruges ne pouvait pas y être indifférent.

S'il s'agissait de maintenir les deux collèges dans la ville d'Ypres qui n'a que 15,000 âmes, les patrons du collège libre devraient faire, pour le soutenir, de nouveaux sacrifices, dans le cas où les deux établissements recevraient une protection égale de la part de l’autorité religieuse.

Faut-il faire, à leur détriment, d'une question de conscience une question pécuniaire pour eux ? Ils ne l'entendent pas ainsi, et c'est pour cela qu'ils préfèrent le système de fusion qui est le seul dont j'ai eu à parler ici, mais avec les garanties qu'ils trouvent nécessaires, quant à la morale. Le chef diocésain a dû avoir égard à ces réclamations, et c'est pour ce motif qu'il a proposé les conditions dont je viens de parler. Voilà, messieurs, comment une question qui sous un certain rapport a un rôle matériel, est cependant au fond une véritable question morale. Il n'est donc pas étonnant qu'elle se soit présentée parmi les difficultés qu'a rencontrées à Ypres l'application de la convention d’Anvers.

M. de Theux. - Messieurs, je n'ai qu'une seule observation se présenter. Il me semble que nous sommes en progrès, mais dans une fausse voie ; nos attributions constitutionnelles sont assez belles, assez importantes pour que nous ne songions pas à nous en attirer d'autres qui ne peuvent en aucune manière nous appartenir. Ainsi il ne nous appartient pas de faire ici un cours de morale à l'usage des évêques.. J'ai toujours cru que les évêques étaient chargés d'enseigner la morale à ceux qui professent le culte catholique, mais qu'il n'est pas dans les attributions d'une autorité politique ou d'une autorité administrative, de faire un cours de morale soit à l'usage du clergé soit à l'usage de tout autre.

Nous faisons des lois auxquelles nous demandons obéissance, dont nous devons assurer l'exécution ; mais nous n'avons aucune mission pour faire un cours de morale.

On suppose bien gratuitement que le concours du clergé est refusé là où il y a concurrence pour l'enseignement ; mais il y a bien des localités où il existe des établissements religieux et où cependant la convention d'Anvers est exécutée ; il y a d'autres localités également pourvues d'établissements religieux et où les négociations se poursuivent sérieusement de part et d'autre pour arriver à un arrangement qui assure le concours du clergé aux établissements communaux. Nous venons d'apprendre que dans le diocèse de Tournai, pour deux villes importantes où il existe des établissements ecclésiastiques, on est en négociations relativement au concours du clergé.

Maintenant, messieurs, de quel droit attribuons-nous à l'évêque de Bruges cette intention de refuser son concours à certains collèges communaux, uniquement parce qu'il y a des collèges qui relèvent de lui, dans les même localités ? Nous n'avons vu par aucun document que ce fût là le motif principal et encore moins le motif unique du refus de concours.

C'est bien à tort que l'on vient dire : l’établissement communal offre toutes les garanties au point de vue de la religion ; l'enseignement y est supérieur ; si le clergé accordait son concours l'établissement ecclésiastique viendrait à tomber. Ce sont là des suppositions purement gratuites. Il n'est nullement prouvé que l'établissement communal soit supérieur au point de vue de l'instruction et il n'est nullement prouvés que la crainte de la concurrence soit un obstacle à ce que le concoure du clergé soit accordé à cet établissement.

Il faut, messieurs, se garder d'attribuer légèrement de mauvaises intentions aux personnes avec lesquelles on ne marche pas d'accord, alors surtout qu'on se proclame les défenseurs de la liberté la plus illimitée en matière d'opinions, en matière de culte.

M. Devaux. - Je demande la parole pour un fait personnel.

M. de Theux. - Laissons de côté, messieurs, les intentions et laissons de côté un cours de morale à l'usage de ceux qui par leur position sont à même d'apprécier la morale avec plus de vérité que nous.

M. Devaux. - L'honorable préopinant vient de m'accuser d'avoir attribué de mauvaises intentions à un évêque. Qu'ai-je fait ? Je me suis enquis de l'exécution d'un article de la loi et je demande s'il n'est pas dans les attributions les plus rigoureuses de la Chambre de s'enquérir de la manière dont les lois s'exécutent.

J'ai demandé à M. le ministre de l'intérieur comment s'exécute l'article 8 de la loi sur l’enseignement moyen. Or, il résulte des documents officiels que la question se complique de l'existence d'établissements, rivaux. Est-ce moi qui ait fait la théorie que je combats ? Cette théorie, n'a-t-elle pas été faite par M. de Haerne, n'a-t-elle pas été faite par M. Dumortier ?

M. Dumortier. - Quelle théorie ?

M. Devaux. - La théorie que le clergé peut refuser son concours par des considérations de concurrence.

M. Dumortier. et M. de Haerne. - Je n'ai pas dit cela.

M. Devaux. - Qui est-ce qui a été accusé et accusé publiquement ? L'administration communale.

Un membre. - Par qui ?

M. Devaux. - Par l'évêque de Bruges.

Je dis que le législateur a le droit de savoir si les lois s'exécutent ; on a accusé des administrations communales de se soustraire aux obligations que la loi sur l'enseignement leur impose ; on a dit que les magistrats, s'ils n'avaient pas renoncé au nom et à la qualité de chrétiens, devaient amener un autre état de choses. Eh bien, j'ai démontré qu'il n'avait pas dépendu d'eux de lieu changer à ce qui existe.

Bien loin de vouloir prêter à qui que ce soit une intention qu'il n'aurait pas, j'ai demandé à plusieurs reprises que le gouvernement nous fît connaître les motifs du clergé.

J'ai réclamé à cet égard le plus de lumières possible ; j'ai demandé ? quels étaient les motifs ; ces motifs, ce sont les renseignements officiels, et vous-mêmes vous êtes venus nous les faire connaître ici ; s'il y en a d'autres, pourquoi ne les connaissons-nous pas, pourquoi le gouvernement les ignore-t-il ? Et comment ceux qui ne les connaissent pas» pourraient-ils les faire disparaître ?

M. F. de Mérode. - Messieurs, je n'ai dit nullement qu'on devais fait une question de concurrence du concours religieux donné par les évêques aux établissements communaux, par exemple ; au contraire, dans mon opinion, si un établissement communal offre à l'évêque toutes les conditions voulues pour lui donner son concours religieux,je (page 58) pense qu'il ferait bien de le lui accorder, et qu'il le doit même, puisque la convention d'Anvers a été acceptée par tous les évêques de la Belgique.

Cependant il peut y avoir une foule de circonstances spéciales qui nous sont inconnues et sur lesquelles il nous est impossible de raisonner. L'un nous dit : Il y a mauvaise volonté de la part de l'évêque ; l'autre le nie ; que sais-je, moi ? Je n'ai pas l'habitude de condamner les personnes sans les entendre, de les condamner uniquement d'après des imputations. J'ai entendu prononcer des paroles plus ou moins précises, plus ou moins claires, j'en ai entendu aussi de plus ou moins obscures ; de tout cela je ne puis tirer aucune conclusion certaine. L'évêque a eu tort, dit-on ; je n'en sais rien ; il y a eu une discussion dans les journaux, entre l'évêque et l'autorité communale de telle localité ; j'ai lu cela, il y a quelque temps ; mais je ne me souviens plus des détails du débat et n'étant pas en position de porter un jugement, je me tiens tranquille.

- Personne ne demandant plus la parole, l'incident est clos.

- La séance est levée à 5 heures.

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