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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 23 mars 1858

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1857-1858)

(page 337) (Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Crombez procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

M. Vander Stichelen lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Crombez communique l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Auguste Schnée, libraire-éditeur à Bruxelles, né à Doblen (Russie), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Des habitants de Molenbeek-Saint-Jean demandent la réforme de la loi sur la milice dans le sens des enrôlements volontaires. »

- Renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.


« Le sieur Van Nimmen demande une indemnité pour les fonctions de ministère public qu'il remplit près le tribunal de simple police de Hal. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le docteur Willems demande qu'il soit nommé une nouvelle commission pour se prononcer sur sa découverte de l'inoculation de la pleuropneumonie de l'espèce bovine. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« La dame Meuwis demande la mise en liberté de son mari qui est colloque dans la maison de santé d'Evere. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« La dame Vanderlinden, veuve du sieur Daube, ancien facteur des postes, sollicite le bénéfice de la modification apportée à l'article 57 de la loi sur les pensions en faveur de la veuve qui se remarie. »

- Même renvoi.


<M. de Luesemans, retenu chez lui par la maladie de son fils, demande un congé. »

- Accordé.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1858

Discussion du tableau des crédits

Chapitre II. Ponts et chaussées. Bâtiments civils

Première section. Ponts et chaussées
Article 10

M. le président. - La discussion continue sur l'article 10 : Travaux d'entretien des canaux et rivières.

M. Godin. - Permettez-moi, messieurs, de vous entretenir de la Sambre et de la Meuse, rivières dont la navigation exerce une si grande influence sur une partie des provinces de Hainaut, de Liège et de Namur.

Dans la séance d'hier, l'honorable M. Lebeau a développé les motifs qui devaient engager le gouvernement à exécuter le plus tôt possible les travaux nécessaires pour donner à la Sambre un tirant de 1m 80 comme sur les rivières et canaux situés en France. Je partage entièrement l'opinion de l'honorable représentant de Charleroi, je me bornerai à vous soumettre les observations suivantes.

La canalisation de la Sambre a été concédée, par le gouvernement des Pays-Bas, à une société qui était obligée par le cahier des charges de son contrat, à donner partout une profondeur d'eau d'au moins deux mètres, ce qui aurait permis un tirant d'eau de 1.80. Mais la société concessionnaire n'a point rempli, à beaucoup près, les obligations qu'elle avait contractées, puisque, au lieu d'un tirant de 1.80, il n'y a dans les eaux ordinaires que 1.40 et encore on n'obtient ce résultat qu'en tenant la ligne de flottaison à 20, 30, 40 et même 80 centimètres au-dessus de l'étiage fixé à 2 mètres en contrehaut du busc amont de chaque écluse.

Cet état de choses, qui provient de ce que le gouvernement précédent n'a point forcé la société concessionnaire à remplir ses obligations, ne permet donc pas aux bateaux français dits belandes de naviguer sur la Sambre belge à pleine charge, c'est-à-dire avec un tirant d'eau de 1.80.

Vous concevrez facilement, messieurs, combien cela dut être préjudiciable aux nombreux charbonnages et usines du bassin de la Sambre, dont les produits se dirigent généralement vers la France, car le prix du fret, comme l'a démontré l'honorable M. Lebeau, doit évidemment dépendre de la quotité du chargement des bateaux ; aussi le gouvernement, prenant en considération les nombreuses réclamations qui lui ont été faites à diverses époques, a fait faire les études nécessaires pour donner à cette rivière, le tirant de 1.80 fixé par l'acte de concession. Les travaux sont évalués à 1,600,000 francs, dont un million pour la partie dans le Hainaut et 600 mille francs pour la partie dans la province de Namur.

Je prie M. le ministre des travaux publics de vouloir bien prendre cette affaire en sérieuse considération.

Je vais maintenant, messieurs, m'occuper de la Meuse. Comme l'a fait remarquer l'honorable M. de la Coste, la remise en 1819, aux provinces, de l'administration des rivières peut être considérée comme une mesure déplorable pour la navigation, puisque l'on s'est généralement borné à faire quelques ouvrages d'entretien, laissant de côté les travaux ayant pour but d'apporter des améliorations à la navigation.

Dans la province de Namur, les travaux d'amélioration n'ont consisté que dans la construction de quelques ports, établis plutôt dans l'intérêt des villes de Namur et de Dinant que dans celui de la navigation proprement dite, et dans la construction de quelques chemins dont la plus grande partie était inondée pendant les hautes eaux navigables.

Lorsque le gouvernement a repris l'administration des rivières, administration dont il n'aurait jamais dû se dessaisir, la navigation de la Meuse se trouvait dans un état déplorable. Pendant les basses eaux, en quelques endroits il n'y avait que 0,70 à 0,80 de profondeur d'eau, ce qui ne permettait aux bateaux de naviguer qu'avec un très faible chargement. Dans les hautes eaux navigables, le halage était dispendieux et même dangereux, une grande partie des chemins de halage étant souvent couverte de plus d'un mètre d'eau ; de plus le passage alternatif d'une rive à l'autre faisait aussi perdre beaucoup de temps au batelage, les chevaux haleurs étant obligés, lorsqu'ils ne pouvaient pas traverser la rivière à gué, de faire des détours considérables pour la passer soit sur un pont, soit dans un bac. On conçoit facilement combien les inconvénients que l'on vient de signaler devaient rendre la navigation difficile et dispendieuse.

Après la reprise de l'administration de la Meuse, le gouvernement fit faire les études nécessaires pour l'amélioration de la navigation. Le système des passes artificielles au moyen de jetées submersibles rétrécissent le lit de la rivière dans les basses eaux fut adopté et mis en pratique dans les provinces de Liège et de Namur ; dans cette dernière, on a obtenu dans les passes plus d'un mètre de profondeur où il n'y avait que 0,60 à 0,80 ; il reste encore beaucoup de travaux à foire pour atteindre le but proposé.

Ce résultat même atteint la navigation en amont de Chokier ne se trouverait pas moins dans un état d'infériorité par rapport à celle en aval ; en amont les bateaux ne peuvent charger avec un tirant d'eau de,1.80 que dans les moyennes et hautes eaux, c'est-à-dire pendant seulement quelques mois de l'année, tandis qu'en aval les bateaux peuvent toujours naviguer avec le tirant d'eau de 1.80.

Dans une pétition adressée récemment à la Chambre, les maîtres de carrières et de fours à chaux de la province de Namur ont exposé la malheureuse position que leur est faite par les grands travaux exécutés à la Meuse près de Liége, et à la rivière de l'Ourthe, travaux qui permettent à leurs concurrents de transporter leurs produits vers la Hollande et dans la Campine, à peu de frais et en toute saison. Aussi, messieurs, demandent-ils pour sauver leurs industries, qui emploient tant de bras et des capitaux assez considérables, que l'on fisse jusqu'à Namur et même jusqu'à Givet les mêmes améliorations.

Le gouvernement, devançant le vœu émis par les pétitionnaires, a fait faire les études pour un système d'écluses avec barrage à fermettes, entre Chokier et Namur.

Il serait à désirer que des études semblables fussent de suite ordonnées entre Namur et la frontière française.

Je prie donc M. le ministre des travaux publics de prendre cette affaire en sérieuse considération, d'autant plus qu'il sera très probablement nécessaire de faire coordonner, en plusieurs points, les travaux à faire à la Meuse avec ceux du chemin à construire entre Namur et Givet.

Les travaux exécutés depuis quelques années aux chemins de halage et qui ont eu pour buts principaux de les placer sur la même rive entre deux villes et de les mettre au-dessus de hautes eaux navigables, out aussi contribué à améliorer la navigation de cette rivière. Dans la situation actuelle des choses, le halage peut se faire sans interruption sur la rive droite de Huy à Namur, sur la rive gauche de Namur à Bouvigne, sur la rive droite de Bouvigne à Dinant, sur la rive gauche de Dinant à Hastière, sur la rive droite de Hastière à Ermeton, sur la rive gauche d'Ermeton à Givet ; il s'ensuit donc que, à l'exception de deux lacunes, ayant ensemble environ 5 kilomètres, le halage se fait sur la rive gauche entre Namur et Givet, sur une longueur de près de 10 lieues.

Les travaux pour établir sur la rive gauche la chemin de halage entre Bouvigne et Dinant seront très coûteux et devront être coordonnés avec ceux du chemin de fer de Namur à Givet. Suivant mon opinion, on doit donc attendre que le tracé du chemin de fer soit définitivement adopté avant de s'occuper des études pour la construction de cette partie du chemin de halage.

Mais il n'en est pas de même de la partie entre Hastière et Ermeton ; pour conserver le chenal navigable dans la direction des hautes eaux, il faut que le nouveau chemin de halage soit placé sur les îles entre ces deux villages. Ainsi quelle que soit la rive qui sera choisie pour le chemin de fer, ces travaux seront entièrement indépendants de ceux du chemin de halage.

Maintenant le halage entre Hastière et Ermeton est très difficile et même dangereux dans les hautes eaux ; de plus il occasionne une grande perte de temps au batelage les chevaux haleurs, arrivés vis-à-vis d'Ermeton, étant obligés, lorsqu'ils ne peuvent pas traverser la rivière à gué, de rétrograder jusqu'à Hastière, pour passer la Meuse au bac, et gagner Ermeton en suivant le chemin vicinal existant. On éviterait cette manœuvre dispendieuse et souvent dangereuse en construisant de suite un chemin de halage entre Hastière et Ermeton.

(page 532) Les nouveaux chemins de halage étant établis à au moins 3 mètres au-dessus de l'écluse (la navigation en remonte est considérée comme impossible, les eaux étant à 2 mètres 50 cent.), ils peuvent servir, quelque soit le système qui sera adopté, pour l'amélioration de la navigation, entre Chokier et Givet.

Dans l'intérêt du commerce, de l'industrie et du batelage, je viens réclamer de l'honorable ministre des travaux publics la prompte exécution de cette partie de chemin de halage.

L'honorable M. Moucheur a demandé que, en attendant une décision sur les grands travaux à faire en amont de Chokier on employât exclusivement aux chemins de halage les fonds extraordinaires alloués aux budgets pour amélioration à la Meuse dans les provinces de Liège et de Namur. Je partage son opinion à cet égard ; je pense cependant que l'on devrait, en même temps, exécuter les travaux les plus urgents pour faciliter la navigation, lorsque ces travaux, qui consisteront principalement en dragages, peuvent être utilisés lors des grands travaux à faire entre Chokier et Givet.

- L'article 10 est mis aux voix et adopté.

Travaux d’amélioration des canaux et rivières

TnWAliX d'AMÉUORUÏON DES CANAUX ET BtVIÈRES,

Articles 11 à 18 (bassin de la Meuse)

« Art. 11. Meuse dans les provinces de Namur, de Liége et de Limbourg ; charge extraordinaire : fr. 510,000. »

- Adopté.


« Art. 12. Canal de Maestricht à Bois-le-Duc : travaux divers ; charge extraordinaire : fr. 42,800. »

- Adopté.


« Art. 13. Canal de Maestricht à Bois-le-Duc. Remplacement par des ponts tournants des ponts-levis de Neerhaeren et du bac de passage à Soli. Complément de la dépense ; charge extraordinaire : fr. 38,400. »

- Adopté.


« Art. 14. Canal de jonction de la Meuse à l'Escaut ; charge extraordinaire : fr. 59,710. »

- Adopté.


« Art. 15. Canal d'embranchement vers Hasselt ; charge extraordinaire : fr. 500. »

- Adopté.


« Art. 16. Canal d'embranchement vers le camp de Beverloo ; charge extraordinaire : fr. 19,870. »

- Adopté.


« Art. 17. Canal d'embranchement vers Turnhout ; charge extraordinaire : fr. 2, 500. »

- Adopté.


« Art. 18. Canal de Charleroi à Bruxelles ; charge extraordinaire : fr. 43,784 50. »

- Adopté.

Article 19 (bassin de l’Escaut)

« Art. 19. Escaut ; charge extraordinaire : fr. 12,980. »

M. Van Overloop. - L'année dernière, le gouvernement, interpellé au nom de la section centrale sur la situation de l'Escaut devant Tamise, répondit : « Les sondages» opérés dans le cours de l'année 1856 ont constaté que le banc existant immédiatement en face de Tamise s'est encore élevé et que la passe du fleuve s'élargit et s'approfondit.

« La situation dans laquelle se trouve la rive sur laquelle est situé le village de Tamise, semble indiquer que le moment n'est pas éloigné où cette commune devra songer à faire exécuter des travaux de défense. »

Il existait donc, dans la pensée du gouvernement, un danger pour l'importante localité de Tamise.

Par suite de ce danger, le gouvernement avait cru nécessaire de faire effectuer des travaux de sondage pour apprécier la marche que suit le cours de l'eau et étudier les moyens de prévenir des désastres. Je désirerais savoir de M. le ministre des travaux publics si ces travaux de sondage continuent et quel en est le dernier résultat. Il importe à la commune de Tamise et il lui importe considérablement de savoir si le danger que le gouvernement prévoyait l'année dernière existe réellement et s'il y a moyen de prévenir les éventualités que le gouvernement signalait.

J'espère que M. le ministre pourra me donner une réponse qui soit de nature à rassurer les habitants de Tamise, à faire disparaître les craintes légitimes que la réponse donnée, l'année dernière, à la section centrale, a naturellement fait naître.

M. le ministre des travaux publics (M. Partoes). - Le gouvernement a fait faire, en effet, des sondages dans l'Escaut afin de se rendre compte de l’état du fleuve et particulièrement de la situation faite à la ville de Tamise. Il a été reconnu que les atterrissements dont on se plaignait, loin d’augmenter, semblent plutôt diminuer. II a été reconnu également qu'il était superflu maintenant de continuer les sondages à des intervalles très rapprochés et qu'il suffisait d'en faire un au printemps et un autre en automne, pour s'assurer du véritable état des choses et y remédier, au besoin, dans la mesure du possible. Le sondage de cette année-ci n'a pas encore eu lieu, mais ceux de l'année dernière ont donné un résultat qui est de nature à tranquilliser les riverains de cette partie de l'Escaut.

- Personne ne demandant plus la parole, l'article 19 est adopté.

Articles 20 à 27 (bassin de l’Escaut)

« Art. 20. Canal de Mons à Condé ; charge extraordinaire : fr. 45,000. »

- Adopté.


« Art 21. Canal de Pommerœul à Antoing ; charge extraordinaire : fr. 25,000. »

- Adopté.


« Art. 22. Lys ; charge extraordinaire : fr. 4,200. »

- Adopté.


« Art. 23. Canal de Gand à Ostende ; charge extraordinaire : fr. 12,000. »

- Adopté.


« Art. 24. Canal d'écoulement des eaux du sud de Bruges ; charge extraordinaire : fr. 3,220. »

- Adopté.


« Art. 25. Canal de Plasschendaele vers la frontière de France ; charge extraordinaire : fr. 16,700. »

- Adopté.


« Art. 26. Moervaert ; charge extraordinaire : fr. 1,000. »

- Adopté.


« Art. 27. Canal de Zelzaete à la mer du Nord ; charge extraordinaire : fr. 8,000. »

- Adopté.

Article 28 (bassin de l’Escaut)

« Art. 28. Dendre ; charge extraordinaire: fr. 13,100. »

M. de Portemont. - Messieurs, j'avais demandé la parole pour soumettre à la Chambre quelques observations sur les travaux d'amélioration à exécuter à la Dendre. Mais, en présence des explications données par M. le ministre des travaux publics, je pense que la discussion ne peut aboutir. Je n'abuserai donc pas des moments de la Chambre. Toutefois, je crois devoir appeler l'attention de M. le ministre des travaux publics, sur la nécessité de faciliter l'écoulement des eaux surabondants de cette rivière.

Ce point intéresse au plus haut degré l'arrondissement qui m'a envoyé dans cette enceinte. Je ne puis assez le recommander à la sollicitude du gouvernement.

J'espère aussi que M. le ministre des travaux publics, qui a bien voulu reconnaître l'urgence des travaux à effectuer à la Dendre, ne tardera pas à présenter à la législature un projet qui donne pleine satisfaction aux habitants de notre belle vallée.

M. Jouret. - Messieurs, les explications fournies par l'honorable chef du département des travaux publics, lors de la discussion générale, ont singulièrement allégé ma tâche.

Je m'étais proposé de parler de la Dendre, je me bornerai aujourd'hui à dire quelques mots du point qui reste à résoudre par le gouvernement.

M. le ministre nous a dit que, d'accord avec l'unanimité du comité des ponts et chaussées et les ingénieurs en chef de la Flandre et du Hainaut, il était résolu à canaliser la Dendre par la construction d'écluses à sas.

Il ne reste à décider que la question de savoir si l'on fera des écluses à petite section ou des écluses pour recevoir des bateaux de 220 tonneaux.

Je pense qu'il suffira au gouvernement de bien se rendre compte de la situation de la Dendre et du bel avenir qui attend cette voie navigable, pour résoudre la question.

En effet, la Dendre est la ligne droite du Couchant de Morts vers la Flandre, la province d'Anvers et la Hollande, c'est la voie la plus économique pour y transporter nos charbons, nos pierres et nos chaux, pour nous amener les provenances d'Anvers et d'outre-mer.

Je suis, pour ma part, convaincu pour les travaux de canalisation de la Dendre seront à peine terminés que déjà on reconnaîtra la nécessité de rattacher cette rivière au canal de Blaton par un embranchement qui, partant de cette commune, atteindra Ath au moyen d'un parcours de 13 à 15 kilomètres, au plus.

Alors, messieurs, si malheureusement on se bornait aujourd'hui à faire des écluses à petite section, on reconnaîtrait que cet état de choses ne suffit pas aux besoins du commerce, et il faudrait recommencer des travaux alors qu'ils seraient à peine terminés.

Cette question, qui intéresse encore plus vivement MM. les représentants de Mons que ceux de la vallée de la Dendre, mérite de fixer la plus sérieuse attention du gouvernement, et je n'hésite pas à la lui recommander.

L'exemple du canal de Charleroi à Bruxelles, dont il faut aujourd'hui élargir les écluses, doit nous servir de guide, et il ne faut pas se mettre dans le cas de recommencer deux fois le même travail dans l'espace de quelques années.

M. le ministre nous a promis que les études de cette question allaient être poussées avec la plus grande activité, et je prends acte de cet engagement ; je désire seulement savoir s'il est disposé à faire travailler à la Dendre dans le cours de cette année.,

Je rappellerai qu'il a été voté, au budget de 1857, un crédit de 150,000 fr. destiné à la Dendre, et je vois dans une dépêche de l'honorable ministre, du 5 février 1857, que le gouvernement avait pétitionné ce crédit en vue de (page 533) l'exécution des travaux d'établissement du canal, destiné à opérer la jonction entre la Dendre et la station d'Ath.

L'exercice sur lequel cette somme était imputée est expiré, sans que les fonds aient été affectés à leur destination ; ils vont donc rentrer dans le trésor public.

Je prie M. le ministre d'inscrire au budget en discussion le crédit de 150,000 fr.

Il ne s'agit, en réalité, ici, messieurs, comme vous le voyez, que d'un transfert, et j'espère d'autant plus que le gouvernement prendra ma demande en considération, que plusieurs de nos grands industriels n'attentent que la mise en adjudication des travaux, pour ouvrir des carrières de pierres et des fours à chaux, le long du canal projeté. Tout retard serait donc très préjudiciable à de grands intérêts que je recommande à la bienveillance du gouvernement.

M. de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, l'amélioration de la Dendre touche aux intérêts les plus essentiels de l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter dans cette enceinte. J'espère que la Chambre voudra bien me permettre d'entrer dans quelques développements à cet égard.

D'après les explicitions que M. le ministre des travaux publics a bien voulu nous donner dans une séance précédente, le gouvernement se propose de canaliser la Dendre par un système d'écluses à sas qui aura pour conséquence de substituer une navigation continue et journalière à la navigation intermittente qui a lieu actuellement deux fois par semaine seulement.

Ainsi que vient de le dire l'honorable M. Jouret, la question de savoir quelle sera l'importance de cette navigation est réservée.

Je pense donc que le programme des nouvelles études qui ont été ordonnées est celui-ci : canalisation par un système d'écluses à sas dans une double hypothèse : 1° d'une navigation permanente en conservant le tonnage actuel des bateaux ; 2° hypothèse d'une navigation permanente avec des bateaux de 220 tonneaux.

Je crois que c'est dans ce sens que les études auront lieu ; les deux hypothèses seront également examinées et étudiées.

Messieurs, je ne m'attacherai pas à faire ressortir les avantages qui doivent résulter d'une navigation permanente reliant, aussi directement que possible, la province de Hainaut au bas Escaut.

Je crois que ces avantages sont immenses, surtout pour développer les relations commerciales du Hainaut avec une partie notable des Flandres, avec la province d'Anvers et même la Hollande.

Je ne fais qu'indiquer ce point, concernant spécialement la province de Hainaut, qui n'a pas besoin d'être défendue par moi. J'ai demandé la parole pour recommander vivement à l'attention du gouvernement l'impérieuse nécessité d'exécuter le projet d'une navigation permanente dans des conditions qui soient de nature à sauvegarder tous les intérêts, notamment les intérêts des propriétés riveraines et des populations situées sur les bords de la Dendre.

A différentes reprises dans les fortes crues d'eau, les débordements de la Dendre ont causé des pertes énormes et porté la désolation dans plusieurs de nos communes. Cette situation calamiteuse nous a été signalée par de nombreuses pétitions. Quand en 1851 on a décrété l'amélioration de la Dendre, la législature a voulu avant tout porter remède aux inondations, et soulager la situation des propriétés et des populations riveraines, en les mettant à l'abri des dévastations qui avaient eu lieu jusqu'alors. Je crois que cette pensée juste et humaine fera encore la base des nouvelles études et que tous les perfectionnements et améliorations qui pourront être proposés dans l'intérêt du commerce et de la navigation restent subordonnés à cette obligation invariable que les travaux à exécuter, loin de pouvoir porter préjudice aux propriétés ou aux populations riveraines, doivent avoir pour résultat certain, indubitable, d'améliorer cette position.

Je suis convaincu que telle est l'opinion du gouvernement ; et néanmoins je crois que l'honorable ministre des travaux publics ferait chose très utile, s'il voulait donner quelques explications bien formelles, bien positives, pour tranquilliser tous les esprits, tous les intérêts.

Il ne faut pas se le dissimuler, l'histoire de nos travaux publics contient des faits et des faits assez nombreux qui sont de nature à inspirer des inquiétudes. Il est arrivé assez souvent que des travaux de canalisation exécutés, comme on dit, en lit de rivière, ont eu des conséquences déplorables pour le territoire d'aval.

Je n'en citerai qu'un seul exemple : les inondations de la Lys et de l'Escaut, qui ont souvent provoqué des discussions dans cette Chambre, ont causé, dans les Flandres, des dégâts incalculables auxquels nous sommes obligés de chercher un remède au moyen de dépenses considérables, par la construction du canal de Schipdonck ; eh bien, n'est-il pas généralement reconnu que ces inondations sont dues en très grande partie à des travaux de navigation exécutés en amont sur le territoire français.

Il est une autre observation qui nous préoccupe un peu. En établissant sur la Dendre une navigation permanente, on transforme, en réalité, cette rivière en un canal à double destination, devant servira la fois et à la navigation et à l'écoulement des eaux ; or l'expérience est encore là pour nous dire que très souvent, dans de pareilles circonstances, la destination qui intéresse spécialement l'agriculture est sacrifiée à l'autre, parce que, il faut le reconnaître, le commerce a ordinairement plus d'influence que l'agriculture dans les régions administratives, et pourvu que le canal ou la rivière transporte commodément de grosses charges, les commerçants ne se préoccupent pas beaucoup des plaintes articulées par les riverains et surtout par les paysans.

Messieurs, quand on examine de près les exigences d'une navigation permanente, il est impossible de ne pas reconnaître que l'exécution du projet doit bouleverser complètement la situation des propriétés riveraines, tant en ce qui concerne les moyens de sudation et d'écoulement qu'en ce qui concerne les irrigations. Peu de mots suffiront pour le faire comprendre.

La navigation a lieu aujourd'hui deux fois par semaine ; les eaux sont alors retenues aux écluses de manière à avoir partout une profondeur de 1 mètre 80 cent. en hiver et 1 mètre 60 cent. en été. Cette élévation des eaux, n'étant que momentanée et temporaire, ne présente guère d'inconvénients contre lesquels il ne soit facile de se prémunir. Elle, procure au contraire certains avantages réels. Ainsi elle est utile a plusieurs établissements industriels et notamment aux blanchisseurs Elle est encore très précieuse pour l'alimentation des abreuvoirs établis dans les prairies.

C'est là une chose d'une grande importance, parce que les prairies de la Dendre, en général, sont employées à l'engraissement du bétail qu'on y place au printemps et qui y reste en permanence tout l'été. A ce premier point de vue, le régime actuel est bon ; mais il est excellent à un autre point de vue : en effet, la navigation ayant lieu par hachures ou bonds d'eau, après le passage des bateaux, les eaux descendent à un niveau extrêmement bas ; il arrive même que le lit de la rivière est en quelque sorte à sec. Eh bien, cette baisse des eaux, qui se renouvelle périodiquement plusieurs fois par semaine, constitue en grande partie la valeur des terrains bas de la vallée de la Dendre, parce que seule elle permet d'assainir complètement ces terrains et de les débarrasser non seulement des eaux pluviales, mais encore de ce que j'appellerai leur humidité latente.

Eh bien, la navigation étant devenue continue et permanente, il est indispensable de retenir constamment les eaux aux écluses, de manière à leur donner partout une profondeur de 1.80 avec une ligne de flottaison sensiblement horizontale dans chaque bief, c'est-à dire qu'elles devront s'élever d'une manière permanente au niveau qu'elles n'atteignent maintenant que deux fois par semaine. Ce serait donc la suppression des moyens actuels d'écoulement et de sudation pour toutes les prairies situées en amont des écluses sur une étendue considérable.

Cela est d'autant plus vrai que (et je connais assez la vallée de la Dendre pour pouvoir l'affirmer) les prairies forment de chaque côté une espèce de cuve dont le milieu ou le fond se trouve à un niveau plus bas que le bord de la rivière ; de forte que si vous n'avez pas une baisse des eaux périodique plusieurs fois par semaine, il est impossible de faire écouler les eaux. Or, cette baisse périodique est évidemment incompatible avec les exigences d'une navigation permanente.

Quant aux irrigations, il y aura un bouleversement à peu près analogue. Aujourd'hui avec la navigation par bonds d'eau, qu'arrive-t-il ? C'est que la ligne de flottaison présente une pente sensiblement parallèle à celle des bords de la rivière. Par conséquent, lorsqu'il y a des débordements, surtout à la suite des crues ordinaires en hiver, les eaux se répandent pour ainsi dire d'une manière uniforme dans toute la vallée de la Dendre et vont porter partout des éléments de fertilité. Vous comprenez combien ces irrigations naturelles contribuent à augmenter le rendement de ces prairies. Tous ceux qui ont quelques notions en agriculture en conviendront : c'est l'engrais le plus précieux, d'abord parce qu'il est très puissant et ensuite parce qu'il est fourni gratuitement par la nature.

Eh bien, avec la navigation permanente, il y a un bouleversement complet dans cet ordre de choses. Comme je le disais tout à l'heure, vous n'avez plus cette ligne de flottaison offrant une pente parallèle aux bords ; mais vous avez une ligne de flottaison à peu près horizontale dans chaque bief ; par conséquent, en aval des écluses les eaux se trouveront nécessairement à plus d'un mètre au-dessous des bords de la rivière. Donc, là les irrigations deviennent impossibles ; car enfin il faudrait établir une espèce de pompe pour prendre les eaux dans la rivière et les répandre sur les prairies. Ce mode d'irrigation bien certainement ne sera pas adopté.

En amont des écluses, je crois qu'elles seront encore très difficiles, parce qu'il y aura des obstacles plus ou moins insurmontables, à cause des dégâts qui pourraient être occasionnés aux chemins de halage ou aux digues.

Dans tous les cas, il est évident que ces irrigations ne pourront plus se faire avec cette régularité qui a lieu maintenant et qui est l'œuvre de la nature. Il y aura beaucoup trop d'eau pour les uns et infiniment trop peu pour les autres.

Messieurs, pour faire remarquer la gravité de cet inconvénient, je présenterai une seule considération, c'est celle-ci : c'est que l'assainissement des terrains humides et les irrigations résument en très grande partie les véritables progrès réalisés par l'agriculture dans ces derniers temps. Je crois que je ne serai, sous ce rapport, démenti par personne.

Or si, sous ces deux rapports, vous enlevez aux prairies de la vallée de la Dendre les avantages de leur position actuelle, je dis que c'est porter le coup le plus funeste qu'on puisse porter à la prospérité agricole de cette belle contrée.

Messieurs, si je présente ces observations, ce n'est pas cependant que je veuille combattre le projet d'une navigation permanente. Mais je (page 534) veux faire sentir l'impérieuse nécessité d'aviser, avant tout, aux moyens de remédier aux inconvénients que je viens de signaler.

Il y a pour cela des moyens ; mais il faut que le gouvernement soit bien décidé à les employer. Ainsi, sous peine de convertir en véritables marais ces belles prairies de la vallée de la Dendre qui ont une valeur considérable, qui se vendent 12, 15,18 mille francs par hectare, il est indispensable de remplacer les moyens actuels d'écoulement par des maîtresses rigoles qui recueilleront les eaux des prairies et viendront les conduire en aval des écluses. Il n'y a que ce moyen, c'est le seul qui puisse être employé et il doit l'être.

Quant aux irrigations, après y avoir mûrement réfléchi, je crois qu'il n'y a qu'un seul remède pour conserver les bienfaits de la situation actuelle : c'est de faire étudier un système complet de fossés d'alimentation reposant sur des bases analogues à celui qui a été employé dans la Campine.

J'insiste particulièrement, messieurs, pour que le gouvernement fasse étudier ces ouvrages-là avant tout au moins simultanément avec les autres, parce qu'ils sont réellement les conditions sine qua non de toute navigation permanente dans la vallée de la Dendre .

Je n'ai pas besoin de dire que c'est à l’État que les dépenses doivent incomber, puisqu'elles seront le résultat d'une situation qui aura été créée par lui.

Messieurs, les observations que je viens de présenter s'appliquent à toute navigation permanente, quelle qu'en soit l'importante aussi bien à celle qui aurait lieu avec des bateaux de 120 tonneaux qu'à celle qui se ferait avec des bateaux de 220 tonneaux.

C'est inhérent au système de navigation permanente, qui amène ces deux conséquences de porter les eaux constamment à un niveau très élevé, près des écluses, ce qui détruit les moyens d'écoulement et d'avoir une ligne de flottaison sensiblement horizontale dans chaque bief, ce qui détruit les moyens d'irrigation surtout en aval des écluses.

Quant à l'importance qu'il s'agirait de donner à la navigation permanente, je crois que le gouvernement se décidant à canaliser la Dendre, doit adopter sans hésitation (et je pense qu'il en sera convaincu après des études un peu approfondies) le système d'une navigation permanente avec des bateaux de 220 tonneaux.

Ce projet est le seul qui soit en harmonie avec les grands intérêts de la province de Hainaut, qu'il s'agit de desservir... J'ai, d'ailleurs, ainsi que l'honorable M. Martin Jouret, la conviction que, dans un avenir peu éloigné, ce projet sera complété par un canal de navigation, franchissant la crête de partage qui sépare la Dendre et la Haine.

Cette conviction est basée sur les besoins toujours croissants des industries si vivaces du Hainaut, besoins qui se sont développés depuis quelques années dans une proportion qu'on aurait cru impossible auparavant.

Mais, je veux être franc ; c'est là une grosse dépense. M. le ministre a cité un chiffre, celui d'environ 3 millions, mais je le crois insuffisant.

Je crois qu'un projet de navigation permanente, dans les conditions que je viens d'indiquer, coûtera peut-être 5 millions, si pas davantage, pourvu toujours, qu'on l'exécute dans les conditions de justice et d'équité que j'ai eu l'honneur de rappeler, enfin conformément à la pensée de la loi de 1851.

Il y a, messieurs, une circonstance que je dois signaler à l'attention du gouvernement parce qu'elle est de nature à expliquer jusqu'à un certain point la divergence d'opinions en ce qui concerne les évaluations dont il s'agit.

L'amélioration de la Dendre intéresse deux provinces, le Hainaut et la Flandre orientale ; mais il faut bien le reconnaître, la question ne se présente pas dans la mêmes termes pour ces deux provinces ; la rivière qui nous occupe se relie au bas Escaut après un parcours de 21 kilomètres seulement dans la province de Hainaut et de 53 à 57 kilomètres dans la Flandre orientale, c'est-à-dire que ce bassin hydraulique est situé, pour les trois quarts de son étendue, dans la Flandre orientale.

C'est-à-dire encore que c'est dans la Flandre orientale que se trouve être le territoire d'aval, toujours plus menacé par les changements apportés au lit d'une rivière. J'ajouterai que dans le Hainaut, la pente moyenne de la rivière est de 6 1/2 décimètres par kilomètre, tandis que dans la Flandre orientale la pente moyenne n'est que de 2 1/2 décimètres par kilomètre, c'est-à-dire entre la moitié et les deux tiers de moins.

Il en résulte, messieurs, que le Hainaut, par sa situation dans la partie supérieure de la vallée, est parfaitement garanti contre les dangers de l’inondation. Il en résulte encore que tous les travaux de canalisation à exécuter sur une grande échelle, ne peuvent qu'améliorer la position du Hainaut, puisqu'ils auraient évidemment pour résultat d'accélérer la marche des eaux vers l'aval.

Là donc, c'est bien l'intérêt du commerce qui domine et je conçois que l'on s'y préoccupe fort peu de l'écoulement des eaux, et que l’on ne comprenne guère la raison d'être de travaux exécutés dans ce but ; on s'y occupe infiniment plus de l'écoulement des produits de l'industrie locale ; en un mot, on y demande avant tout une navigation commode, une navigation économique, une navigation régulière, en laissant à la pluie et au beau temps le sein de régler les destinées du territoire d'aval.

Dans la Flandre orientale, il n’en est pas de même ; ici la question de l'écoulement des eaux est dominante, ici l'on recherche surtout les moyens de remédier aux inondations, parce que la Flandre, comme territoire d'aval, doit recevoir non seulement les eaux venant du Hainaut, mais les eaux des nombreux affluents de la Dendre, parmi lesquels il en est qui ont un parcours de 3 et même 4 lieues.

Cela ne veut pas dire, messieurs, qu'il y a antagonisme entre les deux provinces.

Non, nous sommes faits pour nous entendre et je crois que l'arrondissement d'Alost et les arrondissements voisins du Hainaut ont toujours vécu dans la meilleure intelligence. Je veux seulement constater que les appréciations doivent différer à raison de la différence des positions et de la différence d'intérêts et de besoins.

Les travaux relatifs à la Dendre appartiennent essentiellement à deux séries bien distinctes : les uns ont pour objet l'écoulement des eaux, les autres ont pour objet la navigation et les intérêts du commerce. Et, messieurs, il y a ceci de remarquable et on le perd trop souvent de vue, c'est que plus vous donnez d'importance à la navigation, plus vous êtes obligés aussi de faire des dépenses pour sauvegarder l'intérêt des propriétés et des populations riveraines.

Je conçois fort bien que cette distinction échappe en quelque sorte aux habitants du territoire d'amont, car, ainsi que je viens de le dire, ici les-travaux se confondent ; en perfectionnant la rivière au point de vue de la navigation, en élargissant son lit dans certains endroits, en redressant les sinuosités dans d'autres, on facilite nécessairement en amont l'écoulement des eaux dans les fortes crues ; il y a une amélioration dans la position des riverains ; mais il n'en est pas de même en aval, car tons ces travaux exécutés en amont produisent un résultat contraire en aval, en amenant les eaux avec plus de rapidité et par conséquent en les amenant en beaucoup plus grande quantité dans un moment donné.

Ainsi, le territoire en aval doit nécessairement souffrir et même être inondé, si on n'augmente pas dans de larges proportion les moyens d'écoulement qu'il possède.

Il est à remarquer que cette nécessité de créer de nouveaux débouchés va toujours en augmentant, à mesure que nous descendons la rivière ; ainsi, dans le cas qui nous occupe, c'est à Termonde et immédiatement en amont de cette ville qu'elle se fera le plus vivement sentir. Ainsi en aval il ne suffit plus de canaliser la rivière en la rendant accessible à des bateaux d'un certain tonnage ; ici il y a une nouvelle série de travaux à exécuter, plus importante même que la première, ce sont les travaux destinés à sauver le territoire et les populations du fléau des inondations, fléau si redouté dans nos Flandres, parce que bien souvent il y a semé la désolation et la ruine.

Je conçois dès lors qu'il puisse y avoir des évaluations de 'eux à trois millions. J'admets même qu'avec cette somme vous puissiez rendre la rivière navigable pour les bateaux de 220 tonneaux ; mais ce sera à la condition de travailler dans le lit de la rivière exclusivement entre Ath et Alost ; c'est-à-dire qu'on y construira de belles écluses à sas, même dans d'excellentes dimensions ; qu'on établira un bon chemin de halage, parfaitement praticable, même pour la traction des chevaux ; en outre qu'on élargira convenablement la section de la Dendre et même qu'on pratiquera toutes les rectifications, tous les redressements nécessaires pour la circulation des bateaux.

Vous aurez ainsi canalisé la haute Dendre ; vous aurez une navigation ; il serait probablement donné satisfaction aux intérêts du Hainaut ; mais je ne crains pas de dire que la canalisation, opérée dans ces conditions et dans ces limites, serait une immense calamité pour la Flandre, serait en même temps une révoltante iniquité

Aussi cela est-il de toute impossibilité ; une puérile éventualité ne peut pas se réaliser, alors que le gouvernement est pénétré du sentiment de ses devoirs et de sa responsabilité.

Il y aura donc d'autres dépenses à faire. Je vais les indiquer sommairement.

Ainsi une première dépense, dans toute les hypothèses d'une navigation permanente, et j'insiste de nouveau sur ce point, une première dépense, c'est un système de maîtresses-rigoles, et de fossés d'alimentation, destinées à maintenir les propriétés riveraines dans leur position actuelle.

Ce n'est pas tout. Les grands canaux du Hainaut, appropriés à une navigation de 220 tonneaux, tels que celui de Ponmeroeul à Antoing et de Mons à Condé, ont une largeur de 10 mètres au plafond ; or, la Dendre, dans notre province au moins, a 4, 5, quelquefois 6 mètres tout au plus au plafond.

Il est donc absolument indispensable d'agrandir considérablement la section de la rivière, si vous voulez avoir une navigation du 220 tonneaux simultanément en remonte et en descente.

Ce n'est pas tout encore : la rivière présente aujourd'hui de très fortes sinuosités qui gênent même le mouvement des bateaux de 120 tonneaux ; ces bateaux mêmes ne peuvent transporter au maximum que 92 tonneaux ; si vous avez maintenant une navigation de 220 tonneaux, les sinuosités dont je parle deviendront un obstacle insurmontable. De là encore la nécessité absolue de faire opérer des redressements sur une très grande échelle, de faire de nombreuses rectifications.

Quand tous ces remaniements auront été opérés, vous faites-vous, messieurs, une idée du nouveau régime des eaux, de la rapidité extraordinaire avec laquelle elles vont s'écouler en aval ? Le volume d’eau qui arrive maintenant en trois jours probablement amené au même point en vingt-quatre heures.

(page 535) Il sera donc absolument nécessaire de créer là de nouveaux moyens d'écoulement, d'agrandir considérablement les débouchés dans les traverses de toutes les villes, et notamment dans les villes de Ninove et d'Alost qui sont les plus exposées, et où les moyens d'écoulement sont déjà insuffisants pour les besoins de la situation actuelle.

Comme cette question présente un intérêt si grave pour mes commettants, j'ai voulu me rendre raison de ce que pouvait devenir cette situation.

J'ai interrogé des hommes, qui sans être ingénieurs, sont cependant des observateurs assez exacts et assez éclairés pour pouvoir faire des appréciations de ce genre ; eh bien, je suis arrivé à ce résultat que les débouchés actuels à Alost suffisent à peine pour débiter, en vingt heures, cinq à six millions de mètres cubes d’eau ; d'un autre côté, la surface de la partie du bassin en amont d'Alost est d'environ 120,000 hectares, et en calculant d'après les probabilités résultant d'observations météorologiques, on trouve qu'en vingt-quatre heures il peut tomber sur cette surface quelque chose comme vingt-quatre millions de mètres cubes d'eau et quand la Dendre sera appropriée à une grande navigation, il pourra arriver dans des circonstances données, par exemple, en cas de fonte de neige, de dégel accompagné de fortes pluies, etc., qu'en vingt-quatre heures neuf et même douze millions de mètres cubes d'eau soient amenés devant Alost, alors qu'on ne peut pas même en débiter la moitié ; ou bien une situation analogue pourrait se présenter devant Ninove, où les moyens d'écoulement sont encore plus insuffisants.

II y a donc là des travaux considérables à faire. J'insiste pour que le gouvernement fixe spécialement son attention sur ces nécessités, parce que si le projet d'une navigation permanente devait être proposé sans qu'il fût pourvu à ces nécessités, quelque intérêt qu’il présentât d'ailleurs pour l'industrie et le commerce de mon arrondissement, je le combattrais ; car jamais, dans cette enceinte, je ne soutiendrai une injustice. Jamais je ne consentirai à sacrifier les intérêts ou plutôt les droits des propriétés et populations riveraines aux exigences de la navigation et du commerce.

Si l'on s'arrêtait à Alost, quant aux travaux destinés à faciliter l'écoulement des eaux, on déplacerait le mal ; mais il se porterait avec toute son intensité sur la ville de Termonde.

Je suis certain que la ville de Termonde veut bien avoir un canal de grande navigation, mais elle ne voudra pas être inondée ; elle ne porte pas l'amour de l'eau jusque-là.

Ce qui revient à dire que pour exécuter, dans les conditions de justice, le projet de grande canalisation, c'est à Termonde même qu'il faudra mettre la main à l'œuvre, c'est ici, en aval, ainsi que le veut, d'ailleurs, le bon sens, que les premiers travaux devront être entamés, et il y aura à faire des dépenses assez considérables. Ainsi, les moyens de communication de la Dendre avec l'Escaut devront être agrandis dans de larges proportions, et dans des proportions d'autant plus larges qu'ils sont entravés dais leur action par la marée montante. Il faut qu'on puisse faire écouler, en 15 heures, si je ne me trompe, la masse d'eau qui sera amenée là en vingt-quatre heures, les proportions des ouvrages d'art devront être calculées sur ces bases.

Ce n'est pas tout. Si on veut éviter des dégâts en amont de ce territoire de Termonde, il faudra créer un réservoir quelconque pour loger ces eaux, pendant que le passage dans l'Escaut leur restera barré par la marée montante ; sans cela elles vont faire dans les champs des divagations qui ne seront pas récréatives du tout ; or sous ce rapport le bief inférieur est absolument insuffisant. Par une anomalie assez bizarre, ce dernier bief vers Termonde a même des proportions moindres qui celui qui est situé entre Wieze et Alost.

Pour répondre à cette nécessité, ou a à choisir entre deux moyens : agrandir le bief inférieur dans des proportions dont on pourrait fort bien être étonné après des études approfondies, ou, ce qui serait peut-être un moyen plus efficace, construire un canal de dérivation, mais de dérivation seulement, de Wieze à Baesrode.

Messieurs, quand on examine de près tous ces articles de dépense, on se demande involontairement s'il ne vaudrait pas mieux peut-être exécuter le projet d'un canal latéral, évalué, je pense, à environ sept millions ; il serait probablement plus utile à la navigation et il aurait l'avantage de laisser intact le régime naturel de la rivière. Je n'insiste pas sur cette considération tout accidentelle et je n'entends critiquer en rien la préférence accordée à la canalisation. Ce projet offre en effet d'autres avantages.

D'abord vous économisez ainsi beaucoup de terrains précieux pour l'agriculture et d'un autre côté vous évitez le morcellement des propriétés, inconvénient très grave, surtout quand il s'agit de la construction d'un canal.

En résumé, j'admets les avantages de cette navigation permanente, mais j'insiste pour qu'elle ail lieu dans des conditions de justice et d'équité. Ce à quoi je m'oppose, c'est qu'on s'engage dans des travaux pouvant modifier profondément le régime de la rivière avec des ressources insuffisantes.

J’y verrais un grand danger ; le voici : je crains que des ressources insuffisantes ne soient consacrées avant tout à ce que j'ai appelé les travaux de navigation et que les travaux intéressant les riverains et l’agriculture ne soient relégués à l'arrière-plan et ne reçoivent leur exécution qu'après bien du temps, bien des réclamations et de grandes souffrances. Voilà un résultat auquel je ne veux concourir en aucune manière, bien moins à cause de la responsabilité devant mes commettants qu'à cause de la responsabilité devant ma conscience.

Messieurs, je crois avoir besoin de préciser ici ma dernière pensée ; je ne prétends pas du tout que le gouvernement doive s'abstenir de demander des crédits pour la Dendre jusqu'à ce que la situation du trésor lui permette d'y consacrer la somme que j'ai indiquée. Je crois que dès maintenant il y a des dépenses indispensables ou réellement utiles dans toute hypothèse, j'en indiquerai quelques-unes.

D'abord, je crois que le canal de jonction dont a parlé l'honorable M. Jouret est une amélioration nécessaire, une chose qui doit se faire, et comme l'a dit l'honorable membre, c'est un ouvrage qui avait été décrété, puisque pour son exécution, on avait voté 150 mille francs au budget de 1857. L'honorable membre vous a dit pourquoi on ne l'avait pas fait ; c'est que l'exercice a été clos avant qu'on ait pu adjuger les travaux. Pour moi, je ne vois aucun inconvénient à ce qu'on rétablisse ce crédit au budget actuel ; c'est un droit acquis dont on réclame le bénéfice et qui ne préjuge en rien le système de navigation qu'on veut établir.

Ainsi, il y a plusieurs ponts sur la Dendre qui doivent être reconstruits ou modifiés considérablement, notamment les ponts de Lessines et de Grammont ; ces ponts font partie de la grande voirie et ils gênent autant la circulation sur les routes que l'écoulement des eaux et la navigation. Voilà des travaux qu'on peut faire sans avoir de système arrêté d'avance. Il en est de même de l'agrandissement des débouchés dans la traverse de la ville de Ninove, c'est un travail urgent, car tant qu'il n'est fait, le barrage de Pollaere qui a coûté au-delà de 150 mille francs, ne peut pas produire l'utilité qu'on a eu en vue pour la régularisation du courant de la rivière.

Il en est encore de même des travaux assez considérables destinés à améliorer la situation dans la traverse d'Alost, au double point de vue de la navigation et de l'écoulement.

Tous ces travaux doivent se faire dans toute hypothèse. Sous ce rapport, j'ai regretté beaucoup que le crédit de 400 mille francs, qui avait été proposé au budget pour l'exercice 1858, par l'honorable M. Dumon, n'ait pas été maintenu. Le ministre a cru devoir les retrancher, en vue de propositions plus importantes qu'il est d'intention de soumettre à la Chambre. En attendant, on aurait pu en faire un emploi très utile qui n'aurait rien préjugé.

En résumé, je désire que M. le ministre puisse saisir la Chambre le plus tôt possible au moins d'une demande de crédits pour les dépenses les plus urgentes, et je viens d'en indiquer quelques-unes ; pour les dépenses, en un mot, qui peuvent et doivent se faire dans toute hypothèse.

En second lieu, je demande de la manière la plus formelle qu'avant que la navigation soit rendue permanente, on établisse un système complet de maîtresses rigoles et de fossés d'alimentation dans le sens que j'ai indiqué. Je m'appuie sur des motifs de justice qui ne permettent pas d'empirer la position des propriétaires riverains et de déprécier, d'abîmer complètement des propriétés d'une valeur considérable.

En troisième lieu, je suis d'avis que le gouvernement doit avoir pour principe dans les travaux de canalisation, d'arriver à une navigation permanente par bateaux de 220 tonneaux ; les écluses à sas doivent être construites dans cette pensée, toujours dans l'hypothèse de la création préalable de maîtresses rigoles, et de fossés d'alimentation ; de cette manière, vous ne modifiez pas le régime de la rivière, quand elles ne sont pas accompagnées de travaux de redressement et d'élargissement. Sous ce rapport, j'appuie les observations de l'honorable M. Jouret.

Si l'on adoptait des dimensions moindres, on renouvellerait en quelque sorte la faute commise lors de la construction du canal de Charleroi et même, si je ne me trompe, lors de la construction de plusieurs sections du canal de la Campine. Il faut bien que les fautes du passé nous servent de leçon. Je crois donc que le gouvernement fera bien de construire ces ouvrages dans les dimensions voulues pour satisfaire aux exigences d'une grande navigation, parce que c'est là le but vers lequel doit évidemment marcher.

Veuillez remarquer, messieurs, qu'il ne peut pas en résulter une différence bien notable dans la dépense. En effet, même en maintenant la navigation actuelle, on adopterait très probablement pour les écluses une ouverture de 5 mètres 20 cent., et c'est précisément l'ouverture que l'on donne aux écluses des plus grands canaux. Les bateaux qui naviguent sur la Dendre ne pourraient pas passer par les écluses du canal de Charleroi ; il faudra donc, même pour une navigation permanente avec les bateaux actuels, adopter une ouverture de 5 m. 20 cent. Eh bien, quelle sera donc la différence de dépense pour adopter complètement les dimensions pour une navigation avec des bateaux de 220 tonneaux ? Elle consistera pour ainsi dire uniquement dans la construction de quelques mètres de murs de quai en plus ; on fera les écluses un peu plus longues et voilà tout.

Provisoirement, messieurs, ces écluses pourraient servir même à une navigation de bateaux de 120 tonneaux ; le seul inconvénient serait, paraît-il, une dépense d'eau un peu plus considérable dans les écluses, et cet inconvénient qui, peut-être, ne serait pas sans remède, serait d’ailleurs très secondaire, attendu que l'eau ne manquera probablement pas pour l'alimentation de la Dendre, devenue canal. J'insiste donc pour que le gouvernement établisse, dans tous les cas, des ouvrages d'une dimension suffisante pour une grande navigation.

(page 536) Il est un quatrième point sur lequel j'insiste d'une manière toute particulière. C'est que les travaux de redressement, de rectification, d'élargissement du lit de la rivière sur la haute Dendre, ne soient pas commencés avant qu'on ait pris en aval, depuis Termonde jusqu'à Alost, toutes les mesures nécessaires, avant qu'on ait fait les travaux indispensables pour mettre ces localités en position de suffire aux besoins qui résulteront pour elles de la situation nouvelle qui sera faite au territoire d'aval.

M. J. Jouret. - Après que, dans une de nos dernières séances, M. le ministre des travaux publics nous a annoncé, avec tant d'empressement et de bienveillance, que le conseil des ponts et chaussées s'était prononcé à l'unanimité pour un système de canalisation au moyen d'écluses à sas, je ne m'attendais pas, je dois l'avouer, à entendre se produire dans cette enceinte certaines observations que vient de faire l'honorable M. de Naeyer et qui, quoique faites d'une manière extrêmement consciencieuse, je dois le reconnaître, me paraissent cependant empreintes d'un peu d'exagération.

L'honorable M. de Naeyer, vous l'avez compris, messieurs, se préoccupe d'un seul et unique intérêt : il est effrayé de la possibilité de voir les belles prairies de la vallée de la Dendre exposées aux inondations. Pour moi, je suis également disposé à me prononcer pour un système qui exposerait à être inondées les belles prairies de Papignies, Lessines et Deux-Acren, et je leur porte autant d'intérêt que l'honorable membre en porte aux prairies de l'aval de la rivière.

Les administrations communales qui ont dernièrement pétitionné et qui ont adressé leurs doléances à la Chambre, ont exprimé encore la même idée. On lit dans leur pétition le passage suivant :

« Nous osons espérer que vous mettrez, enfin, un terme à un système de temporisation que rien ne justifie, en décrétant la canalisation de la Dendre d'après le projet étudié par M. l'ingénieur en chef Willems.

« Nous serons heureux de voir exécuter ce projet, surtout si, outre les avantages qu'il promet à l'industrie et au commerce de nos contrées, son exécution a pour conséquence de remédier aux inondations dont sont souvent victimes les populations situées à l'aval de la rivière. »

Vous voyez donc, messieurs, que les administrations communales se préoccupent, comme l'honorable M. de Naeyer, de la possibilité pour les prairies de la Dendre d'être inondées.

M. de Naeyer, rapporteur. - Cela confirme mes paroles.

M. J. Jouret. - Messieurs, la question de savoir quel est le meilleur système de travaux à exécuter à la Dendre, le meilleur régime à adopter pour les eaux de cette rivière, constitue, me semble-t-il, un problème pour la solution duquel il faut avoir des connaissances techniques et qu'il est convenable d'abandonner à ceux qui sont chargés de le résoudre. Je me garderai donc bien de suivre l'honorable M. de Naeyer dans les considérations essentiellement techniques, me semble-t-il, qu'il a présentées.

M. de Naeyer. - Observations de bons sens seulement.

M. J. Jouret. - Il me semble que l'honorable membre a présenté des observations réellement techniques, je le répète, et je me garderai bien de le suivre sur ce terrain. Toutes les fois que je suis en présence d'une pareille difficulté j'éprouve le besoin de me dire avec le poète latin :

Non meum inter vos tantas componere lites.

Mais en méditant consciencieusement tout ce qui a été écrit sur cette grave question on ne peut s'empêcher de partager de la manière la plus complète l'opinion émise par le corps respectable dont je viens de parler et par toutes les administrations communales de la vallée, et de demander au gouvernement d'adopter franchement à cet égard le système de canalisation au moyen d'écluses à sas, élaboré, étudié et présenté par M. Wellens, système qui, selon moi, concilie tous ces intérêts, aussi bien les intérêts agricoles que les intérêts industriels et commerciaux de la vallée.

Mais, messieurs, sans m'étendre beaucoup sur cette question, je suis amené à me demander si les craintes de l'honorable M. de Naeyer sont bien fondées, ou si, comme je l'ai dit tantôt, elles ne sont pas empreintes d'une certaine exagérations.

Les études si profondes, si consciencieuses, auxquelles s'est livré M. Willens ne doivent-elles pas, en définitive, rassurer complètement l'honorable M. de Naeyer ?

Sans juger la question au point de vue où s'est placé cet honorable membre, il me semble que le projet de M. Wellens est de nature à le tranquilliser sous tous les rapports.

L'éminent ingénieur, en effet, conserve si peu de doute, quant à l'écoulement des eaux de la vallée, que, dans l'un des documents extrêmement remarquables, émanés de lui sur cette matière, il se prononce d'une manière tellement claire et catégorique, qu'il me semble pour nous qui ne sommes pas des ingénieurs, pour nous qui ne sommes pas appelés à résoudre des questions de théorie, qu'il y a toute raison d'être parfaitement rassurés pour l'avenir.

Si vous voulez bien le permettre, messieurs, je vous lirai un passage de l'ouvrage auquel je fais allusion et où il traite spécialement la question des inondations.

« L'ouverture des barrages a été calculée de manière à présenter le moins d'entraves possible, à l'écoulement des eaux.

« Depuis Billée jusqu'à Grammont une ouverture de 7 mètres a paru suffisante. Mais en partant de cette ville, elle augmente successivement jusqu'à Alost. »

Ce passage me dispense, je crois, d'ajouter d'autres considérations pour prouver que le travail de M. Wellens a été profondément étudié et que ses appréciations doivent avoir une grande autorité pour nous.

M. Wellens termine son second rapport très remarquable de cette manière :

« C'est dans l'examen des considérations qui précèdent, les doutes que l'on peut concevoir sur l'utilité réelle des travaux d'amélioration du système de navigation intermittente, et la crainte que des frais trop élevés empêcheront l'extension des relations commerciales, si vivement à désirer pour ce pays riche et industriel ; qu'on a puisé une nouvelle conviction qu'un projet de canalisation par écluses à sas réunit les avantages les plus grands pour la nouvelle voie à ouvrir dans le bassin de la Dendre, et pourrait, dans un avenir peu éloigné rendre, en partie, aux localités qu'il traverse la navigation active que plusieurs nouvelles communications lui ont successivement enlevée. »

Vous l'entendez, messieurs, c'est là l'expression énergique et claire de l'opinion d'un fonctionnaire consciencieux, et je crois qu'elle est de nature à satisfaire tout le monde. Sans doute M. de Naeyer ne s'en contente pas ; il va plus au fond des choses ; il a raison peut-être, mais je ne sais pas si avec le système d'observations qu'il a présentées au gouvernement, il parviendra à amener les choses de la Dendre à bonne fin.

Quant à moi, je pense que le système de M. Wellens, étudié à fond, donnant toute espèce de garanties que les inondations ne seront pas à craindre, doit être pris en grande considération, et je le répète, pour nous qui ne sommes pas ingénieurs, il est impossible que nous ayons une satisfaction plus complète que celle que nous donne ce projet.

Je vous citerai un second passage de la brochure de M. Wellens et ce passage est une espèce de trait d'esprit, s'il est possible de mettre de l'esprit dans une question de travaux publics. M. Wellens avait à répondre à une question posée par M. le ministre des travaux publics de l'époque.

La question était formelle et catégorique : « La Dendre sera-t-elle sujette à des débordements par suite de la canalisation ? » Vous voyez que l'on posait nettement et carrément la question qui inquiète l'honorable M. de Naeyer.

Cette question de M. le ministre des travaux publics était adressée à MM. Demoor et Noël, et leur réponse, précise mais claire, avait été celle-ci : « Les eaux de la Dendre sont tellement abondantes et rapides que des débordements paraissent inévitables, si on la canalise. » Celle réponse rentre dans le point de vue auquel se place l'honorable M. de Naeyer.

Après avoir de nouveau émis l'opinion dont je vie» s de vous donner lecture, M. Wellens termine de cette manière, et je vous prie de me prêter un peu d'attention, car ceci est extrêmement intéressant :

« Du reste, en comparant ce qui se passait sur la Sambre, avant qu'elle ne fût canalisée et ce qui s'y est passé depuis, on acquerra la conviction que les travaux de canalisation, bien loin d'aggraver les inondations d'une rivière torrentueuse, soumise à de fréquents débordements, tend au contraire à en diminuer l'importance, sinon à les empêcher totalement.

« Antérieurement à 1829, les eaux de la Sambre sortaient plusieurs fois de leur lit pendant l'hiver et à la suite de forts orages pendant l'été.

« Depuis qu'elle est canalisée, il ne se produit plus dans le bassin de cette rivière que des inondations rares, locales, et de très courte durée.

« Aussi, les propriétaires riverains se plaignent amèrernent d'un état de choses qui les prive des avantages que leur procurait le limon déposé par les inondations générales de l'hiver, sur leurs prairies dont certaines parties ont dû être converties en terres labourables. C'est au point que l'administration a entre les mains une requête par laquelle M. le baron de Bloemart de Soy demandait que les ouvrages de la canalisation de la Sambre fussent modifiés de manière à pouvoir reproduire les inondations générales, dont il regrettait les heureux effets pour ses prairies. » .,

Vous comprenez que s'il en est ainsi, lorsque la Dendre sera canalisée au moyen des écluses à sas par le système de M. Wellens, l'honorable M. de Naeyer et les riverains de la Dendre, pour qui il parle, peuvent se tranquilliser. Je crois, d'ailleurs, que ces derniers ne sont pas aussi nombreux que l'honorable M. de Naeyer veut bien le croire. Je ne pense pas que beaucoup de personnes partagent son opinion d'une manière aussi absolue. Toujours est-il que si le phénomène qui s’est produit sur la Sambre, se produit sur la Dendre lorsqu'elle sera canalisée par des écluses à sas, si l'honorable M. de Naeyer a à se plaindre de quelque chose, ce sera de la rareté des eaux.

Messieurs, vous vous rappellerez que, se mettant au même point de vue dans une séance précédente, l'honorable M. de Naeyer vous a cité divers documents, et si mon souvenir est exact, il vous a cité surtout la brochure de M. Wolters. Mais permettez-moi, avant de lui répondre sur ce point, de revenir à ce que j'avais à dire relativement à la Sambre.

Comme il s'agit d'une question d'une grande importance et comme j'aime à étudier consciencieusement les choses dont je m'occupe, me trouvant hier avec mon honorable collègue et ami, M. Ch. Lebeau, bourgmestre de Charleroi, qui, mieux que personne, est à même de connaître la Sambre et le régime des eaux qu'a amené la canalisation sur cette rivière, je lui ai demandé, bien que je n'eusse pas de doute sur les renseignements consignés dans un deuxième rapport par M. Wellens, s'il pouvait m'affirmer que la canalisation de la Sambre avait amélioré le sort de la rivière, comme le disait M. Wellens.

(page 537) L’honorable M. Lebeau m'a répondu de la manière la plus positive : Oui, le régime des eaux est parfait sur la Sambre. Il a laissé quelque chose à désirer dans les commencements (et c'est à cet égard que je croyais pouvoir dire que je répondrais d'avance à l'honorable M. de Naeyer, lorsqu'il a demandé la parole) ; c'est que primitivement, pendant les trois ou quatre premières années que les travaux avaient été exécutés sur la Sambre, le système d'écoulement des eaux avait réellement laissé à désirer un peu ; mais on a réparé les fautes qui avaient été commises, et aujourd'hui ce système ne laisse absolument plus rien à désirer.

Ainsi, pour la canalisation de la Dendre, nous aurons à profiter et l'on profitera certainement des faites légères qui ont été commises sur la Sambre et qui ont été réparées par la suite.

L'honorable M. Lebeau, dans notre conversation, allait jusqu'à m'afformer que la grande inondation du mois d'août 1850, que vous vous rappelez tous, et qui a été une plaie générale, aurait pu être évitée, si, avec un peu de prudence, ou avait ouvert les écluses sur la Sambre canalisée.

Or, cette inondation a été telle sur la Dendre qui les eaux venaient à trois doigts de la digue formant la chaussée de Bruxelles près d'Alost, que l'honorable M. de Naeyer connaît parfaitement bien.

Je vous disais tout à l'heure que, dans une séance précédente, l'honorable M. de Naeyer, pour faire les observations qu'il vient de vous présenter d'une manière beaucoup plus détaillée, s'était, principalement appuyé sur l'ouvrage de M. Wolters, ouvrage très succinct, mais infiniment remarquable. Mais est-il bien vrai que M. Wolters soit l'adversaire de la canalisation de la Dendre ?

M. de Naeyer, rapporteur. - Je n'en suis pas non plus l'adversaire.

M. J. Jouret. - Lorsque vous avez présenté vos premières observations, je ne connaissais pas la brochure de M Wolters ; mais depuis la citation que vous en avez faite et qui m'avait donné l'éveil à cet égard, je me la suis procurée et j'ai constaté avec bonheur que, bien loin d'être opposé à la canalisation de la Dendre, M. Wolters en est au contraire partisan déclaré. Je vais le prouver :

« Il est très possible enfin de canaliser entièrement la Dendre depuis Alost jusqu'à Ath, même de la mettre en rapport avec les rivages charbonniers de Mons ou de Jemmapes. Mais notre intention n'étant pas de nous occuper de ce qui est en dehors des limites de notre province, nous nous bornerons à faire remarquer qu'en construisant à côté de chacun des barrages de Grammont, d'Idegem, de Pollaere, de Denderleeuw et d'Alost, indiqués ci-dessus, des écluses à sas, ayant leurs radiers à la même hauteur que les radiers des barrages, on obtiendrait partout une flottation de 2 m. de profondeur, et, par conséquent, une navigation avec des bateaux, tirant 1 m. 80 d'eau. On ferait en même temps un grand nombre de redressements dans le cours de la rivière, dont le développement serait réduit de 42,840 mètres à environ 37,000 mètres ; on élargirait et, sur certains points, on approfondirait la section, et enfin un chemin de halage, élevé au-dessus des eaux d'inondation, pourrait être établi.

« D'après une estimation globale, les travaux de canalisation entre Ath et Termonde coûteraient environ 5 millions de francs.

« Après l'exposé qui précède, nous pensons que la question de l'amélioration de la Dendre, quant à la partie de l'art, la seule que nous ayons eu l'intention de traiter, est beaucoup simplifiée et suffisamment éclaircie, et que tout le monde doit être convaincu que cette rivière est susceptible de recevoir des perfectionnements d'autant plus considérables qu'on voudra y consacrer plus de fonds.

Eh bien, messieurs, que résulte-t-il de là ?

M. de Naeyer, rapporteur. - C'est évident !

M. J. Jouret. - Une chose est évidente, c'est que les ouvrages indiqués par M. Wolters et sur lesquels vous sembliez vous appuyer, c'est que ces ouvrages ont été conçus au point de vue restreint où il se trouvait placé, au point de vue de la province dont il avait à soigner les intérêts et au point de vue des sommes qu'il avait à dépenser. Mais cela prouve que déjà, à cette époque, M. Wolters aurait été partisan de la canalisation de la Dendre, si on avait voulu faire les fonds nécessaires à ces travaux, et je pense que M. le ministre des travaux publics sera parfaitement de cet avis.

Ce qui prouve bien que M. Wolters était partisan de la canalisation de la Dendre, ce sont les paroles de l'honorable ministre des travaux publics qui a dit dans l'une de nos précédentes séances que les travaux faits à la Dendre devaient servir dans plusieurs hypothèses. Eh bien, messieurs, lorsque le gouvernement exécutera des travaux de canalisation à la Dendre au moyen d'écluses à sas, les barrages de Pollaere et de Denderleeuw seront utilisés, et ce sera seulement alors qu'ils auront leur utilité puisqu'ils serviront de déversoirs, dont chacune des écluses doit nécessairement être pourvue.

Il est donc évident pour moi que M. Wolters pas plus que M. Wellens, n'est un adversaire de la canalisation de la Dendre.

Je crois, messieurs, remplir un devoir en engageant le gouvernement et spécialement l'honorable ministre des travaux publics à marcher avec énergie dans la voie tracée par le conseil des ponts et chaussées et qui consiste à canaliser la Dendre au moyen d'écluses à sas. Ce sera un ouvrage éminemment utile et au pays et à la vallée de la Dendre, et si j'avais l'honneur d'être ministre des travaux publics, je voudrais attacher mon nom. à une œuvre de cette nature.

M. Vermeire. - Messieurs, je n'entrerai pas dans une discussion technique sur l'utilité de l'un ou de l'autre des travaux qui concernent l'amélioration de cette voie navigable. Je reconnais volontiers que je ne possède pas des connaissances suffisantes pour le faire en parfaite connaissance de cause ; cependant, je crois qu'il est nécessaire de mettre la main à l'œuvre et de combiner les travaux dans ce sens que la navigation puisse être permanente, et qu'en même temps l'écoulement des eaux soit assuré.

J'insiste donc pour que le gouvernement veuille bien présenter un projet de nature à atteindre ce double but Je pense que les deux ingénieurs que l'on vient de citer étant d'accord aujourd'hui, on pourrait présenter ce projet qui est attendu avec une vive impatience par toutes les localités riveraines et qui serait d'un immense avantage surtout pour des localités qui sont encore aujourd'hui privées des bienfaits du chemin de fer.

M. le ministre des travaux publics (M. Partoes). - Messieurs, vous avez entendu l'expression d'opinions différentes sur le meilleur système à suivre pour les travaux de la Dendre. Je pense que cette discussion est un peu prématurée. Cependant, je n'hésite pas à déclarer que les études seront faites surtout au point de vue des moyens d'éviter les grands désastres dont l'honorable M. de Naeyer paraît redouter les effets, dans le cas où l'on adopterait la canalisation au moyen d'écluses à sas, sans les travaux accessoires dont il a parlé.

Comme j'ai eu l'honneur de le dire à la Chambre, il s'agit aujourd'hui de rechercher ce que peuvent coûter les travaux nécessaires pour permettre une navigation au moyen de bateaux de 120 tonneaux ou au moyen de bateaux de 220 tonneaux.

De la différence de la dépense on pourra tirer une déduction quant au système auquel il conviendra de s'arrêter ; mais il est bien entendu que, dans tous les cas, il faut d'abord que la position des riverains ne soit pas aggravée, qu'elle soit plutôt améliorée dans la mesure du possible.

C'est dans cet ordre d'idées, messieurs, que les études ont été prescrites, et c'est dans cet ordre d'idées qu'elles seront faites.

On a parlé de la somme nécessaire pour ces travaux, des dangers qu'il y aurait à suivre un mode plutôt qu'un autre ; je le répète, messieurs, traiter ces questions aujourd'hui serait un hors d'œuvre ; les inquiétudes à cet égard ne me semblent pas fondées, puisque le gouvernement ne fait, quant à présent, qu'exécuter ce que tout le monde était d'accord pour lui demander, c'est-à-dire qu'il se borne à faire compléter l'étude des travaux à faire, afin de sortir de la situation dans laquelle on se trouve et dont on se plaint.

Tout le monde a reconnu qu'il y a quelque chose à faire, qu'on ne pouvait pas rester dans l'indécision, qu'il fallait des études préparatoires. On a procédé à ces études préparatoires. Un pas important a été fait, en ce qu'on est d'accord, en principe, sur la préférence à donner au système d'écluses à sas ; ce système étant praticable sans porter préjudice aux propriétés riveraines.

Maintenant, on poursuit les études complémentaires que j'ai indiquées. Lorsque ces études seront terminées, le gouvernement, toujours en tenant compte des intérêts très graves qui ont été signalés, aura à se prononcer.

Lorsque le gouvernement aura pris une décision, la Chambre, à son tour, aura encore à contrôler cette décision. Quand le gouvernement viendra demander des fonds, vous aurez à juger si le mode auquel il se sera arrêté, convient ou ne convient pas.

Maintenant on demande à quelle époque le gouvernement présentera le projet de loi. J'espère que le projet pourra être présenté dans un avenir rapproché. Cela dépend d'abord de l'achèvement des études complémentaires dont j'ai parlé ; ces études ne peuvent pas être très longues ; elles seront du reste suivies avec activité. En second lieu, c'est seulement après que les ressources nécessaires auront été créées que je pourrai présenter un projet de loi pour l'exécution de travaux qui doivent coûter 3 millions dans les prévisions actuelles du gouvernement et près du double, dans celles de l'honorable M. de Naeyer.

L'honorable M. Martin Jouret demande qu'on alloue de nouveau au budget de 1858, le crédit budgétaire voté précédemment et qui n'a pu être utilisé en temps utile, crédit qui avait pour objet de faire face aux travaux nécessaires peur transformer les fosses des anciennes fortifications de la ville d'Ath, en un canal reliant cette ville à la Dendre.

Messieurs, l'exécution de ce travail a été différée, parce qu'on croyait devoir être fixé d'abord sur la profondeur et les proportions à donner au canal principal. Nous sommes encore à peu près dans la même situation.

L'honorable membre demande l'exécution immédiate de ces travaux. Je pense qu'il serait peut-être convenable d'attendre la proposition définitive de la commission qui est chargée de se prononcer sur le mode à suivre pour le canal principal de la Dendre. Cependant je reconnais que, dans tous les cas, le canal de jonction doit se faire.

J'avais l'intention de comprendre les dépenses de ce canal de jonction dans la dépense générale. Toutefois je ne verrais pas d'inconvénient à ce qu'il fût procédé autrement. Cependant je ne m'engage pas à faire exécuter les travaux dans le courant de cette campagne.

Ce que demande l'honorable M. Martin Jouret n'est en réalité qu'un transfert. Si l'honorable membre présentait un amendement, je ne m'y opposerais pas ; mais il est bien entendu, je le répète, que je ne prends (page 538) aucun engagement de faire exécuter les travaux dès cette année. Il peut se faire que le projet principal soit présenté dans un avenir assez rapproché pour que les deux crédits puissent être confondus.

M. de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, je n'ai que quelques mots à dire. J'exprime d'abord toute ma reconnaissance à M. le ministre des travaux publics, pour la vive sollicitude que lui inspirent les intérêts que j'ai eu, l'honneur de signaler à son attention. Les explications que l'honorable ministre vient de donner me paraissent complètement satisfaisantes et je l'en remercie bien vivement.

Messieurs, je dois avoir été bien mal compris par l'honorable M. J. Jouret ; l'honorable membre veut faire de moi, malgré moi, l'adversaire de la canalisation de la Dendre.

Je ne puis pas accepter cette position. J'ai déclaré formellement que je veux la canalisation ; je la considère même comme éminemment utile, tant au point de vue des intérêts généraux du pays, qu'au point de vue de l'intérêt du Hainaut et de la Flandre orientale.

Mais j'ai demandé que la canalisation se fît dans des conditions complètes, dans des conditions de justice, de manière à accorder satisfaction à tous les intérêts légitimes. Mais j'ai usé de franchise. Je n'ai pas voulu masquer la dépense, car je crois que le projet est assez utile,, assez beau et assez grand pour qu'il puisse se montrer à face découverte.

L'honorable M. J. Jouret peut être certain que quand le projet se présentera dans ces conditions, je l'appuierai aussi chaudement et aussi énergiquement que l’honorable membre pourrait le faire.

Maintenant, l'honorable membre, au lieu de rencontrer les raisons que j'ai données pour justifier les craintes exprimées par moi, toujours pour le cas où l'exécution des travaux n'aurait pas lieu dans des conditions complètes, l'honorable membre, au lieu de rencontrer mes raisons et mes arguments 'dit que c'était de la théorie, que c'étaient des considérations techniques.

Je croyais avoir parlé simplement le langage du bon sens. Je crois que ces considérations techniques ont été comprises par tout le monde ; or, je ne pense pas que la Chambre ni moi non plus fussions à même de discuter d'une manière intelligible, des questions purement techniques.

Je m'associe complètement à l'opinion de M. Wellens dont l'honorable M. Wolters a accepté l'autorité. M. Wellens ne repousse pas la canalisation, mais il y met des conditions.

L'honorable membre n'a invoqué, en réalité, à l’encontre de mes observations qu'une seule chose : l'infaillibilité des ingénieurs ; mais pour que j'adopte ce dogme avec une foi aussi ardente que l'honorable membre, je voudrais, avant tout, que ces messieurs fussent d'accord. . Or, il paraît qu'ils ne le sont pas du tout. Quant aux nombreuses citations faites par l'honorable membre, je ferai observer qu'elles sont d'autant moins concluantes, qu'elles sont empruntées à un mémoire absolument inconnu et qui n'a pas subi le contrôle de la publicité.

L'honorable membre a beaucoup parlé de la Sambre ; il prétend que ce qui a eu lieu pour la Sambre doit nous rassurer complètement pour la Dendre. Je ferai d'abord remarquer que, de l'avis des hommes très compétents, les rivières sont un peu comme les femmes : elles ont leurs caprices, et il est très dangereux d’argumenter du caractère de l'une au caractère de l'autre.

Ensuite, quant à la Sambre, j'ai sous la main le volume des Annales des travaux, année 1854, et à la page 95, je lis le passage suivant :

« Dans la situation actuelle la Sambre (il s'agit de la Sambre canalisée), déborde fréquemment et produit des inondations qui sont surtout nuisibles aux villes de Charleroi et de Namur. »

Je vous avoue franchement que cela ne me rassure pas du tout ; d'autant plus que dans le même article on fait ressortir les grands ravages que cette même rivière a causés nonobstant ou peut-être à cause des travaux de canalisation qu'on y a exécutés.

D'ailleurs, la Sambre n'est pas dans les mêmes conditions que la Dendre. Je ne pense pas qu'on ait dû beaucoup agrandir la section de cette rivière, et il est à remarquer ensuite qu'à son embouchure elle ne subit pas l'influence de la marée, puisque Namur, ou elle, se réunit à la Meuse, est, si je ne me trompe, à 70 mètres au-dessus du niveau de la mer.

On est donc là infiniment moins bas qu'à Termonde. C'est donc bien le cas de dire, sous plusieurs rapports, que comparaison n’est pas raison.

Un mot encore quant aux inondations. Je crois que l'honorable M. J. Jouret confond un peu les inondations et les irrigations. Il est des propriétaires de la vallée de la Sambre qui se plaignent, dit-il, de n'avoir plus d'eau.

II ne me paraît pas du tout qu'il soit là question d'eaux d'inondations proprement dites, car, quant à celles-là, on ne se plaint certainement pas d'en avoir trop peu ; mais il s'agit évidemment d'inondations qui servaient à améliorer les prairies et que, en agriculture, nous appelons eaux d'irrigation. Eh bien, j'ai fait d'avance pour les riverains de la Dendre les mêmes plaintes.

J'ai dit aussi qu'il y avait là beaucoup trop d'eau dans certains moments et trop peu dans certains autres, beaucoup trop quand les eaux sont nuisibles et beaucoup trop peu quand elles sont bienfaisantes.

Vous voyez que sous ce rapport je ne suis pas si éloigné d'être d'accord avec les appréciations que l'honorable membre m'oppose. Je finis comme j'ai commencé, je remercie M. le ministre d'avoir promis formellement de porter son attention la plus sérieuse sur les points que j'ai indiqués.

M. J. Jouret. - Je suis heureux, et je me hâte de prendre acte de la déclaration que vient de faire l'honorable M. de Naeyer, qu'il n'est pas opposé à la navigation permanente sur la Dendre. Je n'avais pas dit qu'il y fût opposé, mais seulement qu'il s'était placé à un seul et unique point de vue, celui des travaux à exécuter pour obtenir l'écoulement des eaux ; il vient de déclarer qu'il était partisan de la canalisation, j'en prends acte. Vous me rendrez cette justice que je ne l'ai pas présenté comme y étant hostile, mais j'ai signalé dans ses paroles ce qui m'a semblé être un peu être exagéré, et j'ai dû donner aux observations présentées par M. de Naeyer le sens qu'elles m'ont paru avoir.

Quant aux irrigations que l’honorable membre m'accuse, je ne sais dans quelle pensée, de confondre avec des inondations, je n'en ai pas dit un seul mot. Je n'ai donc pas pu confondre les inondations avec une chose dont je n'ai pas parlé. L'observation de l'honorable membre me paraît porter complètement à faux.

- La discussion est close.

M. Jouret propose d'augmenter l'allocation pour la Dendre des 150,000 fr. qui figuraient au budget de 1857, et étaient destinés à relier, par un canal, la station du chemin de fer à Ath à la Dendre.

M. le ministre des travaux publics (M. Partoes). - Je me rallie à cet amendement avec les explications que j'ai données dans la discussion, mais en le réduisant à une simple augmentation de 150,000 fr. de l'allocation pour la Dendre, ce qui porterait le chiffre des charges extraordinaires pour ce service à 163,100 fr.

- L'article 28 ainsi modifié est adopté.

Articles 29 à 31 (bassin de l’Escaut)

« Art. 29. Rupel ; charge extraordinaire : fr. 144,000. »

- Adopté.


« Art. 30. Senne ; charge extraordinaire : fr. 6,000. »

- Adopté.


« Art. 31. Petite-Nèthe canalisée ; charge extraordinaire. 5,500. »

- Adopté.

Articles 32 et 33 (bassin de l’Yser

« Art. 32. Yser ; charge extraordinaire : fr. 2,0976 66. »

- Adopté.


« Art. 33. Canal d'Ypres à l'Yser ; charge extraordinaire : fr. 5,000. »

- Adopté.

Article 34 (plantations)

« Art. 34. Plantations nouvelles : fr. 25,000. »

Le gouvernement, de commun accord avec la section centrale, propose d'élever ce chiffre à 55,000 francs.

- Adopté.

Article 35 (frais d’études)

« Art. 35. Frais d'études pour le service des travaux hydrauliques et des chemins de fer en construction ; acquisition de brochures, de cartes, etc. : fr. 7,000. »

- Adopté.

Article 36 (bacs et bateaux de passage)

« Art. 36. Entretien des bacs et bateaux de passage et de leurs dépendances : fr. 27,000. »

- Adopté.

Article 37 (polders)

« Art. 37. Travaux d'office aux ouvrages de défense du polder de Kiel ; charge extraordinaire : fr. 40,000. »

- Adopté.

Section IV. Ports et côtes
Articles 38 à 40

« Art. 38. Travaux d'entretien ordinaire et extraordinaire des ports, côtes, phares et fanaux : fr. 185,640.

« Charge extraordinaire : fr. 29,200. »

- Adopté.


« Art. 39. Port d'Ostende. - Travaux divers ; charge extraordinaire : fr. 106,300. »

- Adopté.


« Art. 40. Port d'Ostende. - Construction d'un phare de premier ordre (2ème moitié de la dépense et établissement de l’appareil d'éclairage) ; charge extraordinaire : fr. 160,000. »

- Adopté.

Article 41

(page 539) « Art. 41. Côte de Blankenberghe: fr. 20,000.”

M. Coppieters ’t Wallant. - Messieurs, j'ai appelé, à différentes reprises, l'attention de la Chambre et du gouvernement sur la nécessité de rétablir l'ancienne écluse de Blankenberghe pour assurer l'écoulement des eaux vers la mer, et de construire en même temps à Blankenberghe, un port de refuge pour abriter les embarcations des pêcheurs de cette localité.

La nécessité de ces travaux n'étant, pas contestée, je ne fatiguerai pas la' Chambre en répétant les considérations importantes produites en faveur de la prompte exécution de ces travaux. Je ne rappellerai pas le contenu des pétitions adressées à la Chambre, par les autorités compétentes, pour solliciter qu'il soit mis fin à un état de choses extrêmement préjudiciable à l'agriculture et à la pêche nationale. Je ne demande la parole que pour prier M. le ministre de nous dire s'il est en mesure de donner les explications qu'il a promises à la Chambre à ce sujet. Je sais que les travaux de cette nature exigent des études sérieuses, je sais aussi que nous pouvons avoir pleine confiance dans la sollicitude du gouvernement ; déjà M. le ministre en répondant à une interpellation que j'ai eu l'honneur de lui adresser précédemment sur le même objet, a fait concevoir l'espoir que le gouvernement mettrait, dans la mesure du possible, un terme à la situation déplorable qui a été signalée si souvent dans cette Chambre.

Je demande donc que M. le ministre, qui doit avoir reçu, sinon des plans complets et définitifs, du moins les éléments nécessaires pour se former une opinion sur, la question, nous fasse connaître les intentions du gouvernement et nous dise si nous pouvons espérer la présentation prochaine d'un projet de loi destiné à assurer l'exécution de travaux attendus et réclamés depuis si longtemps avec une bien légitime impatience.

M. le ministre des travaux publics (M. Partoes). - Le conseil des ponts et chaussées a été saisi de la question dont vient de nous entretenir l'honorable préopinant. Le conseil a reconnu qu'il y avait une sorte d'équité à faire disparaître les inconvénients très sérieux, qui résultent pour les propriétés avoisinant Blankenberghe de la suppression de l'écluse qui permettait jadis l'évacuation des eaux.

L'obstruction et la suppression de cette écluse dans le temps n'offraient pas grand inconvénient, parce que les eaux trouvaient à s'écouler par d'autres voies ; mais celles-ci sont venues à manquer par la construction du canal de Bruges à Ostende. Le canal devait satisfaire à des intérêts d'un ordre supérieur, et à cette époque on a tenu peu compte de la nécessité de donner un écoulement aux eaux surabondantes qui nuisaient aux propriétés avoisinant Blankenberghe.

Aujourd'hui, par suite des progrès que la culture a faits dans toutes les parties du royaume, ces propriétés ont acquis une valeur infiniment plus grande et elles ressentent d'autant plus l'inconvénient du surcroît des eaux. Aussi, je le répète, le conseil des ponts et chaussées a-t-il reconnu qu'il y avait une sorte d'équité à faire les travaux nécessaires à l'évacuation des eaux surabondantes qui nuisent à ces propriétés.

A cette question est venue se joindre celle de la création, non pas d'un port de mer, ce qui pourrait effrayer la Chambre, mais d'un port de refuge pour les petites barques de pêcheurs de Blankenberghe.

On a pensé que, devant faire un canal d'écoulement par l'écluse, on pouvait, au moyen de quelques travaux accessoires, créer le port si vivement désiré.

Le gouvernement voudrait bien pouvoir exécuter ces travaux et, si la dépense n'est pas trop considérable, son intention est certainement de le faire, parce qu'il doit une sollicitude particulière et justement méritée à la population du littoral.

La question est donc de savoir si la construction de ce petit port est praticable dans des conditions de dépense admissibles ; elle est en ce moment à l'étude du conseil des ponts et chaussées. L'avis définitif du conseil ne m'est pas encore parvenu ; de sorte que ma réponse ne satisfera peut-être pas à l'impatience de l'honorable M. Coppieters, impatience que je comprends et qui est du reste très légitime. Mais j'espère que d'ici à très peu de temps l'étude, sera terminée et que ce travail, s'il est praticable sans trop de dépenses, pourra être compris dans les autres travaux pour lesquels des crédits spéciaux devront être demandés à la législature.

M. Rodenbach. - Toutes les fois que l'occasion m'en a été offerte, j’ai élevé la vos dans cette enceinte en faveur de nos malheureux pêcheurs de Blankenberghe ; ils sont vraiment dignes de pitié et de la sollicitude des Chambres et du gouvernement ; aussi, ai-je entendu avec satisfaction la réponse que vient de faire M. le ministre des travaux publics. Je suis persuadé qu'il ne faudra pas faire une dépense bien considérable pour remédier au tort qu'éprouve l'agriculture dans les environs de Blankenberghe et pour assurer à nos intéressants pêcheurs de cette localité un abri contre les tempêtes auxquelles ils doivent si souvent s'exposer pour gagner péniblement leur existence.

M. Coppieters 't Wallant. - Je suis certainement satisfait de la réponse que M. le ministre a bien voulu me donner. Je suis persuadé qu'il mettra tout le zèle possible à hâter la solution de cette importante question. Ce n'est pas moi seul, messieurs, qui suis impatient de voir se réaliser le vœu que j'exprime. Ce sentiment est partagé par toutes les populations intéressées, qui se trouvent depuis trop longtemps dans la situation la plus déplorable. Je me repose donc sur la sollicitude de M. le ministre des travaux publics ; je l'engage vivement à presser la solution de cette question afin qu'il soit bientôt à même de saisir la Chambre d'un projet qui donne enfin satisfaction à nos justes réclamations.

M. Devaux. - Je remercie M. le ministre des travaux publics des bonnes intentions qu'il vient d'exprimer pour la construction d'une, écluse et d'un port de refuge à Blankenberghe. J'engage le gouvernement à ne pas oublier qu'il est du devoir d'un gouvernement national d'améliorer autant que possible la côte du pays. Nous n'avons pas une grande étendue de côte ; cela est regrettable dans l’intérêt du pays ; ce que nous en possédons, tâchons au moins de le mettre dans de bonnes conditions et d’en tirer le meilleur parti.,

Je crois que le gouvernement doit considérer, dans cette affaire, non seulement les intérêts existants, mais ceux que l'avenir développera. A une époque où l'on a tant des motifs de favoriser et d'augmenter les moyens d'alimentation publique, le gouvernement a raison de porter son attention sur tous les moyens de rendre notre côte plus favorable à l’industrie de la pêche et de tâcher d'amener l'extension et la prospérité de cette industrie ; il est évident que des mesures du genre de celles dont il s'agit, je gouvernement seul peut les prendre.

- L’article 41 est adopté.

Article 42

« Art. 42. Phares et fanaux : fr. 3,400. »

- Adopté.

Section V. Personnel des ponts et chaussées
Articles 43 à 45

« Art. 45. Traitements des ingénieurs et conducteurs des ponts et chaussées, frais de bureau et de déplacement : fr. 587,810. »

- Adopté.


« Art. 44 Traitement et indemnités des chefs du bureau et commis, des éclusiers, pontonniers, gardes-ponts à bascule et autres agents subalternes des ponts et chaussées : fr. 499,477 88. »

- Adopté.


« Art. 45. Frais des jurys d'examen et des conseils de perfectionnement ; missions des élèves-ingénieurs et conducteurs de l'école spéciale du génie civil : fr. 12,000. »

- Adopté.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.