Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 30 mai 1859

Séance du 30 mai 1859

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1858-1859)

(page 1290) (Présidence de M. Orts, premier vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Boe procède à l'appel nominal, à 2 heures et demie.

M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance du 24 mai.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Boe présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Par dix-huit pétitions, autant d'habitants de Molenbeek-Saint-Jean demandent la réunion des faubourgs à la capitale. »

« Même demande de 97 habitants de Schaerbeek et de 175 habitants de Saint-Josse-ten-Noode. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Kühn prie la Chambre de le faire réintégrer dans sa position d'employé à la station du chemin de fer de Gand. »

- Même renvoi.


« Le sieur Willemyns demande que l'ordre soit donné à la douane de laisser sortir les poulains au-dessous de 3 ans, qui ont toutes leurs dents de lait. »

- Même renvoi.


« Le sieur Rappez, ancien militaire, congédié pour infirmité contractée au service, demande un secours. »

- Même renvoi.


« Le sieur Housiaux demande une récompense honorifique pour services rendus en 1830. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Gotthem demandent qu'il soit donné cours légal en Belgique à la monnaie d'or de France. »

« Même demande d'habitants de Denterghem. »

- Même renvoi.


« Des membres du conseil communal d'Overwinden se plaignent de l'organisation du service du chemin de fer entre Landen et Hasselt. »

« Mêmes plaintes d'habitants d'Engelmanshoven. >

- Même renvoi.


« Des membres de l'administration communale d'Erezée prient la Chambre d'accorder au sieur Leborgne la concession d'un chemin de fer des Ardennes. »

« Même demande d’habitants d'Erezée et de l'administration communale de la Gleize. »

- Même renvoi.


« Des notaires de Namur demandent des modifications à la loi du 22 frimaire an VII et demandent qu'on puisse énoncer, dans les actes, des documents non enregistrés. »

M. Lelièvre. - J'appuie la pétition, qui est parfaitement fondée, et je la recommande à l'examen spécial de la commission.

- Adopté.


« Les employés du commissariat de l'arrondissement de Philippeville prient la Chambre d'améliorer leur position. »

M. de Baillet-Latour. - J'appuie cette pétition et j'en demande le renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget du ministère de l'intérieur.

- Adopté.


« Des notaires à Namur demandent une modification à la loi du 22 frimaire an VII, pour qu'il soit permis d'énoncer dans un acte un document non encore enregistré. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« M. le ministre de la justice transmet de nouvelles demandes de naturalisation :

« 1° Du sieur Louis-André Cavayé, garde-barrière au chemin de fer de l'Etat à Bierset, né à Casters (France) ;

« 2° Du sieur Charles-Ferdinand Voigt, musicien gagiste au 1er régiment de ligne, né à Walthan (Prusse). »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« Il est fait hommage à la Chambre, par la chambre de commerce de Mons, de deux exemplaires de son rapport sur la situation du commerce et de l'industrie dans son ressort, pendant l'exercice 1858. »

- Dépôt à la bibliothèque.


« Par messages en date des 24, 25 et 26 mai 1859, le Sénat informe la Chambre qu'il a donné son adhésion aux projets de lois. ;

« Autorisant l'aliénation de biens domaniaux ;

« Qui approuve la convention conclue, le 30 avril 18'i9, entre la Belgique et l'Espagne pour la garantie réciproque de la propriété des œuvres artistiques et littéraires ;

« Qui alloue au département de la justice des crédits supplémentaires s'élevant ensemble à la somme de 396,871 fr. 40 c. ;

« Qui alloue au département de la guerre un crédit supplémentaire de 1,753,175 fr. 30 c. ;

« Qui ouvre au département de la justice un crédit supplémentaire d'un million de francs ;

« Etablissant des conseils des prud'hommes ;

« Qui alloue au département de la justice un crédit provisoire de 400,000 francs pour la continuation de l'église monumentale de Laeken ;

« Qui transfère au budget des dotations de 1859, le crédit de 290,000 francs ouvert par la loi du 14 juin 1853 au budget des dotations de cet exercice ;

« Ouvrant au département des travaux publics un crédit de 226,000 fr. pour l’extension des lignes télégraphiques ;

« Portant prorogation de l'article 1er de la loi du 12 avril 1835, concernant les péages du chemin de fer ;

« Qui autorise la concession d'un chemin de fer du Centre à Mar-chienne-au-Pont ;

« Qui approuve la convention conclue, le 21 avril 1859, pour modifier le cahier des charges de la concession du chemin de fer de Namur à Liège ;

« Qui alloue au département des travaux publies un crédit de fr. 105,000 pour l'acquisition d'une maison destinée au bureau des postes aux lettres à Gand ;

» Qui alloue des crédits extraordinaires et supplémentaires aux budgets du ministère de l'intérieur pour les exercices 1858 et 1859 ;

« Qui alloue au département des finances des crédits supplémentaires s'élevant ensemble à fr. 689,874 26 ;

« Qui confère la grande naturalisation au sieur Scipion Charles-Vincent-Lorent ;

« Qui confère la grande naturalisation au sieur Jonathan-Raphaël Bisschoffsheim. »

« Par 21 messages, en date du 26 mai 1859, le Sénat informe la Chambre qu'il a pris en considération autant de demandes de naturalisations ordinaires. »

- Pris pour notification.


« Par 4 messages, en date du 26 mai 1859,1e Sénat informe la Chambre qu'il a rejeté les demandes de naturalisation ordinaire des sieurs L.-F.-A. St-Martin, J. Duyk, Zandy Verger et L.-N. Luyten. »

- Pris pour notification.


« Par lettre du 23 mai 1858, M. le ministre de la justice transmet à la Chambre, avec les pièces de l'instruction, la demande de naturalisation du sieur Levy Maurice, à Bruxelles. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« M. Pierre, retenu par indisposition, demande un congé. »

- Accordé.

« M. Rodenbach, retenu chez lui par des motifs de santé, demande un congé. »

- Accordé.

Projet de loi portant interprétation de l’article 84 de la loi communale

Transmission du projet amendé par le sénat

MpOrtsµ. - Par un message du 25 mai 1859, le Sénat renvoie à la Chambre, amendé par lui, le projet de loi portant nouvelle rédaction, par voie interprétative, de l'article 84 de la loi communale.

M. Lelièvre. - Je demande que le projet soit renvoyé immédiatement à la section centrale érigée en commission spéciale. La section centrale pourrait faire son rapport séance tenante. L'amendement adopté à l'unanimité par le Sénat est conforme aux déclarations faites par le ministre de la justice. Il ne peut présenter aucune difficulté, puisqu’il n'a d'autre objet que de respecter les faits accomplis, principe que nous avons défendu lors de la discussion et qui avait été proclamé par le gouvernement.

M. Loos. – Il serait très désirable que la commission pût présenter son rapport séance tenante. Je prie donc la section centrale de se réunir immédiatement. (Adhésion.)

MpOrtsµ. - La section centrale se réunira immédiatement. M. Verhaegen étant absent, je prie M. Dolez de présider la section centrale.

- La section centrale se retire dans son bureau.

Communication du gouvernement

MpOrtsµ. – La Chambre a reçu son ordre du jour. Veut-elle aborder l'un ou l'autre des objets qui s'y trouvent indiqués ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Si la section centrale chargée d'examiner le projet de loi amendé par le Sénat, présente aujourd'hui son rapport, il est possible que la Chambre le vote sans désemparer. (Oui ! oui !) Dès lors, pour ne pas obliger la Chambre à revenir (page 1210) demain, je demanderai à lui faire, pendant l'examen du projet en section centrale, l'exposé que je lui ai annoncé dans une de nos dernières séances.

Il n'est pas entré jusqu'ici dans nos usages parlementaires de faire, à la fin d'une session, le résumé des travaux principaux qui ont occupé les représentants pendant la session. Sans vouloir poser un précèdent qui devrait être suivi chaque année, je pense que diverses circonstances m'autorisent à faire aujourd'hui à la Chambre cet exposé qui sera d'ailleurs aussi succinct que possible.

Messieurs, le programme du cabinet pour la session qui va être close se trouve renfermé dans le discours du Trône. C'est là que le ministère a annoncé les vues et les projets qu'il s'efforcerait de faire prévaloir dans le courant de la session.

A ce programme de la session la Chambre fait une réponse suivant les usages parlementaires.

Nous avons donc en présence le discours du Roi renfermant le programme de la session qui va finir et l'adresse en réponse au discours du Trône.

Notons-le tout d'abord. Aux propositions annoncées par le gouvernement, l'adresse a répondu par une adhésion unanime et complète Elle n'a rien demandé au gouvernement de plus que ce qu'il annonçait ; elle n'a rien demandé de moins ; elle s'est bornée à recommander au gouvernement de s'enquérir de la situation des enfants dans les fabriques et de s’enquérir aussi des abus provenant de l'usage des liqueurs fortes.

Voilà à quoi s'est bornée la recommandation de la gauche parlementaire. Tout le reste du programme de la session a été adopté par la gauche, par tous les membres de la gauche.

Il y a eu toutefois une autre recommandation, qui n'a été combattue par personne ; on a recommandé au ministère de continuer à marcher dans la voie d'un sage progrès ; mais de ne pas précipiter sa marche, de ne pas courir des aventures politiques.

Nous reprendrons, messieurs, une à une, en négligeant cependant les objets de moindre importance, les diverses dispositions du programme ministériel contenu dans le discours du Trône.

Ce discours annonçait, en constatant l'excellence des relations du gouvernement avec les pays étrangers, annonçait divers traités. Parmi ces traités il en est un d'une importance toute particulière, nous voulons parler du renouvellement du traité commercial avec la France. Ce traité a été soumis à la Chambre et adopté à la presque unanimité des voix.

Un autre traité a été conclu avec les Etats-Unis et également adopté. Je ne parle pas des traités avec des Etats secondaires.

Une convention littéraire a été conclue avec les Pays-Bas et avec l'Espagne.

C'est ici le lieu de placer le projet de loi sur la propriété littéraire et artistique annoncé dans le discours d i Trône et déposé dans le cours de la session.

Je suis, messieurs, l'ordre du programme.

On considère avec raison comme un objet des plus importants, l'avenir de l'instruction primaire. Nous avons consacré de nouveau dans le budget l'amélioration du sort des instituteurs primaires par l'augmentation de leur traitement.

En deuxième lieu nous avons également consacré le principe de l'amélioration du sort des professeurs de l'enseignement moyen.

Enfin, messieurs, la Chambre, d'accord toujours avec le gouvernement, a voté en dehors de l'allocation du budget un crédit extraordinaire d’un million pour la construction et l'ameublement d'écoles.

Un projet de loi sur les caisses d'épargne et de retraite vous a été promis et présenté.

Par suite de la bonne position du trésor, on avait annoncé la réduction du droit de patente peur les bateliers.

Cette diminution a été votée.

On avait annoncé une meilleure répartition de la contribution foncière.

Le projet de loi a été déposé.

Une loi qui a pour but de faciliter les prêts sur marchandises, loi réclamée par le commerce, a été également présentée par le gouvernement.

Un service des bateaux à vapeur vers l'Orient, non compris dans le programme, a été voté par les Chambres. C'est encore un acte important, au point de vue des intérêts matériels.

Nous avons, dans le courant de la session, mis la dernière main à une loi très nécessaire pour la classe ouvrière, je veux parler de la loi des conseils de prud'hommes.

Parmi les projets importants, le gouvernement, toujours attentif aux intérêts des classes laborieuses des campagnes et des villes, a demandé des crédits extraordinaires pour l'amélioration de la voirie vicinale et relative à l'institution de l'hygiène publique.

Deux millions ont été votés par les Chambres à cette fin.

La loi sur la contrainte par corps qui avait occupé la Chambre depuis longtemps sans qu'on fût parvenu à un résultat, a été définitivement votée par les deux Chambres.

La réforme du Code pénal, qui à elle seule aurait suffi en quelque sorte pour marquer d'un cachet utile et honorable toute une session, la réforme du Code pénal a fait un grand pas dans la session actuelle ; dix titres ont été déposés ; sept ont été votés par la Chambre ; il lui reste à statuer sur les titres V, IX et X.

Voilà ce qui a été fait quant à la réforme du Code pénal.

Messieurs, nous avons annoncé et vous avez également voté cette loi, si importante au point de vue politique, de la nouvelle répartition des représentants et des sénateurs.

Enfin, messieurs, pour couronner l'œuvre de cette session laborieuse et si bien remplie, nous avons obtenus, par le concours de la Chambre et du Sénat, la solution qui paraissait si difficile à beaucoup de nos amis, la solution pratique de l'importante question qui se rattachait à l'article 84 de la loi communale.

C'est par ce dernier grand travail, sur lequel la Chambre va être appelée à se prononcer définitivement, que nous avons, je le répète, couronné tous les travaux utiles de cette session.

De ce qui précède, je conclus qu'il y aurait injustice à accuser le cabinet ou la majorité qui le soutient, d'avoir fait défaut au programme de la session, d'avoir méconnu l'une ou l'autre de ses promesses.

Maintenant, messieurs des questions politiques ont surgi en dehors du programme énoncé dans le discours du Trône. Vous me permettrez de les passer rapidement en revue.

Dans le courant de la session, nous avons eu des discussions spéciales sur l'instruction, sur la réforme électorale, sur la liberté de la presse, sur ce qu’on a appelé la liberté de la chaire, sur la liberté des fonctionnaires, sur la liberté de langage.

En ce qui concerne la liberté de l'instruction, je veux, messieurs, être très net, très catégorique, de manière à pouvoir provoquer des observations, des réfutations si je ne suis pas complètement exact dans cet exposé

La discussion relative à la liberté de l'instruction a porté sur trois points ; sur l'enseignement obligatoire, sur l'instruction primaire, sur l'instruction moyenne, ou plutôt sur la convention d'Anvers qui se rapporte à l'article 8 de la loi sur l'instruction moyenne.

Quelle a été la position du cabinet relativement à ces diverses questions ?

Sur l'enseignement obligatoire, un membre du cabinet a fait connaître son opinion toute personnelle ; cette opinion a rencontré d’assez vigoureux contradicteurs sur les bancs de la gauche. Aurait-on voulu que moi, personnellement, je la formulasse en projet de loi, contrairement à l'opinion de presque tous mes amis politiques ? J'ai été combattu, notamment, sur cette question par l'honorable président de la Chambre, aujourd'hui absent.

La loi sur l'instruction moyenne, ou plutôt la convention d'Anvers, la loi sur l'instruction primaire, qui dans la Chambre nous a conseillé de ne pas prendre l'initiative d'une réforme de ces lois ?

Qui donc a déclaré, dans cette Chambre que, quoique partisan convaincu de l'utilité de cette réforme, il ne pensait pas le moment opportun d'en prendre l'initiative ? 1,'houorablc président de cette Chambre, voulant maintenir, autant qu'il le pouvait, l'union au sein de notre parti, l'honorable président disait : Mes convictions on les connaît, elles ne sont pas changées, mais je ne prendrai pas l'initiative de la réforme et je ne la conseillerai pas aux membres du cabinet.

En supposant que d'autres membres de la gauche eussent réclamé cette initiative, convenait-il de se mettre en contradiction manifeste avec le conseil que nous donnait notre honorable président, nommé à l'unanimité des membres de la gauche :

Nous nous sommes expliqué, d'ailleurs, sur ces questions ; nous avons dit ce que nous pensions de la convention d'Anvers que les circonstances survenues depuis qu'elle a été passée devaient nous faire considérer comme ayant cessé d'exister pour l'avenir.

En ce qui concerne l'instruction primaire, je ne rappellerai pas les opinions diverses qui ont été émises sur les bancs de la gauche. Je me permettrai de rappeler que depuis d’assez longues années, le ministère qui siège sur ces bancs avait préparé un projet de loi de réforme et que, en se plaçant au point de vue de l’unité de l’opinion libérale, il n’a jamais rencontré l’opportunité d’en faire le dépôt sur le bureau de la chambre.

Vient maintenant la réforme électorale, question non prévue au programme du discours du Trône. Pour la réforme électorale, voici les résultats obtenus. Nous avons combattu, comme nous devions le faire, comme nous l'avons fait à toutes les époques le projet de la droite qui avait pour but de fractionner l'arrondissement électoral. Nous l'avons combattu énergiquement et avec tous les membres de la gauche. Nous avons obtenu le rejet de cette proposition qui, je l'ai dit alors, est probablement enterrée pour longtemps.

Mais en même temps nous avons fait un pas vers une réforme électorale raisonnable, administrative, pratique.

Beaucoup de membres frappés des entraves qui pèsent aujourd'hui sur une portion notable des électeurs, notamment des électeurs des campagnes, ont mis en avant un projet qui avait pour but de procurer aux habitants de la campagne la possibilité d'émettre leur vote en pleine liberté, de les soustraire à des influences qui pèsent aujourd'hui tellement sur eux, qu'ils n'ont pas l'usage de cette liberté. C'est ce système qui a été formulé sous le nom de vote par ordre alphabétique.

(page 1211) Le cabinet a accepté en principe le système du vote par ordre alphabétique ; mais il a constaté devant la Chambre et de l'avis de la Chambre que pour organiser ce principe, il y aurait des difficultés,, il y aurai des études à faire et que l'on ne pouvait décider qu'il serait appliqué aux élections actuelles.

On a fait plus : sur la proposition de l'honorable vice-président de la Chambre, on a étendu la proposition et l'on a chargé le gouvernement de rechercher les moyens de rendre à tous les électeurs l'accès du scrutin facile et libre. Voilà comment la question a été résolue par la Chambre Nous avons écarté, d'une part, la proposition de nos adversaires qui tendait au fractionnement des arrondissements électoraux, nous avons maintenu le principe tel qu'il est sorti des résolutions du congrès, et de plus nous avons adopté un ordre du jour en vertu duquel le gouvernement se trouve appelé à rechercher tous les moyens de rendre l'accès du scrutin facile et libre pour tout le monde.

Je ne sais pas. messieurs, si je dois rappeler l'incident relatif à ce qu'on a appelé la liberté de la presse Je pense que tout le monde a dû être convaincu, tous les membres de la gauche comme tous les membres de la droite, que le cabinet n'avait entendu en aucune manière, ni de près ni de loin, porter atteinte à la législation libérale qui régit la presse.

Nous avons rappelé comment certaine déposition, introduite dans le projet du Code pénal, avait échappé à tout le monde, à la commission qui a rédigé le projet de loi, à la commission qui l'avait examiné, à tous les membres de la Chambre qui l'avaient votée, et nous n'avons pas hésité à déclarer que s'il y avait en effet dans ce projet de réforme quelques dispositions qui fussent de nature à blesser la liberté de la presse, nous serions les premiers à demander la modification de ces dispositions qui avaient échappé à tout le monde.

Je pense encore une fois que tous les membres de la gauche sont restés convaincus que le ministère n'avait pas eu l’intention de porter la moindre atteinte à la liberté de la presse.

Vient la liberté de la chaire.

Nous avons porté atteinte, a-t-on dit, à la liberté de la chaire !

Le nouveau Code pénal interdira comme l'ancien aux ministres des cultes l'outrage, l'insulte, les injures dans la chaire contre les autorités publiques. Le Code pénal punit cela. Mais il respecte parfaitement la liberté de la chaire dans tout ce qui est de son domaine.

Pour les prédications évangéliques, religieuses, morales, le prêtre jouit de sa liberté pleine et entière ; seulement il lui est interdit, sous certaines peines, qui d'ailleurs ont été adoucies, de jeter l'insulte à la figure des autorités civiles assistant à leurs sermons.

Est-ce que la gauche a blâmé le gouvernement, le ministère de ses opinions, de ses principes en cette matière ? Non, la gauche tout entière a adhéré au projet du gouvernement.

Je me trompe, il y a un membre de la gauche, un seul, qui a voté avec la droite dans cette circonstance. Mais ce membre de la gauche n'a certes pas la prétention de représenter à lui seul la gauche et de faire à lui tout seul le programme de la gauche.

La liberté des fonctionnaires ?

Rappelons aussi les débats qui ont eu lieu sur cette question. Nous n'avons aucun motif de reculer devant aucune espèce de questions. Nous sommes prêts à les discuter toutes en tout temps et dès maintenant si on veut.

Nous avons, quant à la liberté des fonctionnaires, cité des faits ; nous avons émis les doctrines du gouvernement et je ne sais pas qui nous a blâmés dans la Chambre.

Nos discussions ont abouti à un vœu émis par un membre de la gauche en faveur d'un projet de loi qui aurait pour but de régler la position des fonctionnaires. Nous avons fait ressortir les difficultés qu’il y aurait à rédiger un pareil projet de loi et je n’ai pas vu qu’aucun membre de la droite ou de la gauche ait insisté pour obtenir ce projet.

Enfin, car on s'est occupé de beaucoup de libertés nous avons eu une discussion sur la liberté du langage. Il semblait qu'une grande partie du pays était opprimée dans cette session, ce qu'il y a de plus sacré dans l'homme, qu'il n'y avait pas de liberté de langue pour les Flamands Ce grief a fait l'objet de longues et anciennes récriminations.

J'ai dit un jour que nous nous occupions de cette question qui avait eu un assez grand retentissement dans le pays, qui y entretenait une sorte d'agitation : j'ai dit que nous nous en occuperions, que nous examinerions tous ces griefs. Je me suis trouvé en présence d'une espèce d'acte d'accusation très longuement rédigé, très détaillé.

Je l'ai examiné. Je pense y avoir répondu par des faits irréfragables. Depuis lors, je dois le dire non sans quelque satisfaction, je n'ai pas entendu se reproduire les griefs énormes que l'on imputait surtout à l'administration vis-à-vis de la langue flamande.

Cette question, nous pensons être parvenu à la résoudre.

Messieurs, en revenant sur ces questions qui ont été traitées en dehors du programme parlementaire contenu dans le discours du Trône et dans l'adresse, en revenant sur ces questions, qu'est-ce que je fais ? J'indique à la Chambre qu'alors même que le gouvernement à l'ouverture d'une session a tracé les travaux qui doivent l'occuper, ce n'est pas à dire que le gouvernement veuille se renfermer strictement dans le discours du Trône et dans l’adresse.

Pendant la durée de la session il peut naître des questions importantes et nous ne voulons pas enfermer la Chambre dans un cercle tracé d'avance ; nous sommes amis du progrès, du progrès pratique, du progrès sensé, du progrès tel que l’a recommandé l'unanimité des membres de la gauche sans exception.

Messieurs, l'un des projets de loi les plus importants, qui n'avait pas été prévu dans le discours du Trône ni dans l'adresse, c'est le crédit extraordinaire que vous avez voté dans les derniers temps de votre session pour la défense militaire du pays. Ici, messieurs, encore une fois, il y a eu accord unanime dans la gauche pour voter ces dépenses, toutes d’intérêt national. Et, en effet, dans les circonstances où nous nous trouvons, il faudrait ne pas sentir dans son âme le moindre fibre patriotique pour venir publiquement accuser le ministre d’avoir consacré les fonds de l’Etat à des dépenses de cette nature. Je crois que tout citoyen belge rend hommage sous ce rapport à ce qui a été fait par le gouvernement et que si, à ce premier sacrifice, il fallait en joindre de nouveau, le pays pas plus que la Chambre n’hésiterait à seconder l’action énergique et patriotique du gouvernement.

Notre situation intérieure est bonne et telle que le gouvernement et vous, majorité parlementaire, 1'avez faite : il faut la maintenir, il faut la maintenir surtout, cette situation excellente, vis-à-vis de l'étranger. Jusqu'ici nous avons eu cette bonne fortune bien rare, d'assister à des événements bien graves qui se passent en d'autres pays, en conservant avec ces pays les meilleures, les plus confiantes relations. Voilà, messieurs, les fruits de l'attitude que le pays a su garder, à l'intérieur, améliorant ses lois, améliorant son régime administratif, tandis qu'ailleurs on est livré à toutes les calamités, à tous les désordres de la guerre. Pour maintenir, pour améliorer encore cette situation vis-à-vis de l'étranger, il faut qu'on soit bien convaincu que, tout en faisant ces sacrifices que les circonstances exigent, pour nous défendre, nous n'entendons être agressifs pour personne, nous entendons défendre loyalement notre neutralité, la défendre énergiquement en bons patriotes, mais la défendre également contre tout le monde Voilà, messieurs, la position que nous avons prise, position que nous voulons garder et que nous garderons.

Eh bien, messieurs, je pense que quand le gouvernement, que quand la majorité qui le soutient, laissent le pays dans une situation aussi bonne et à l'intérieur et à l'extérieur, chacun de nous peut être tranquille avec sa conscience et se présenter avec confiance devant le prochain jugement du pays.

MpOrtsµ. - Quelqu'un demande-t-il la parole ?

Personne ne demandant la parole, je déclare l'incident clos.

Je demanderai si la commission chargée d'examiner l'amendemant du Sénat a terminé son travail.

M. Dolez. - M. Vervoort est occupé à rédiger son rapport.

MpOrtsµ. - Je proposerai à la Chambre de suspendre la séance pendant un quart d'heure.

- La séance est suspendue. Au bout de 20 minutes, elle est reprise.

Projet de loi portant interprétation de l’article 84 de la loi communale

Rapport de la commission

M. Vervoort, rapporteurµ. - Messieurs, le projet de loi amendé

par le Sénat conserve le caractère qui lui a été formellement reconnu par un vote de la Chambre.

La loi est une loi interprétative. Or, une loi de cette nature ne rétroagit pas, car ne modifiant point la disposition sujette à interprétation, celle-ci s'applique nécessairement dans ses termes, mis à l'abri de tonte contestation, aux cas antérieurs à la loi interprétative ; sans enlever jamais aucun droit privé définitivement acquis. D'un autre côté la loi concerne l'administration du bien des pauvres et les lois qui régissent cette administration appartiennent au domaine imprescriptible du législateur.

Tels sont les deux principes qui dominent la loi soumise à votre vote définitif.

La déclaration ajoutée à la loi par forme d'amendement, n'y porte aucune dérogation.

Elle est, au contraire, un nouvel hommage à ce principe ; elle se borne à indiquer les limites dans lesquelles ils seront appliqués.

Aussi la section centrale a-t-elle unanimement adopté l'amendement du Sénat.

Aucune incertitude ne pouvait s'élever dans son esprit ; cet amendement ne fait qu'introduire textuellement dans la loi la déclaration du gouvernement, faite devant la Chambre, devant le Sénat ; telle est sa véritable portée. En outre il rappelle et consacre le droit et le devoir du gouvernement, de prescrire par arrêté royal les mesures propres à assurer le contrôle de la législation des biens antérieurement donnés ou légués dans un but charitable, et leur conservation.

Ce rappel donnera au gouvernement une force nouvelle pour l'accomplissement des devoirs sacrés qui lui incombent relativement à la bonne administration et à la conservation du patrimoine des pauvres.

L'article additionnel mérite donc à tous égards l’approbation de le Chambre.

(page 1212) La section centrale l'a adopté à l'unanimité de ses sept membres.

Une seule voix s'est élevée dans son sein contre l'ensemble de la loi et contre les motifs du rapport.

Vote de l’amendement et vote sur l’ensemble

- La Chambre décide qu'elle s'occupera immédiatement de ce projet.

M. de Decker. - Je suppose, M. le président, qu'il y aura deux votes : un vote sur l'amendement et un vote sur l'ensemble de la loi.

MpOrtsµ. - C'est ainsi que l'on procède toujours.

Vois i le projet de loi, tel qu'il a été amendé par le Sénat, c'est l’article additionnel qui forme l'amendement :

« Article unique. Le n°2 de l'article 84 de la loi communale du 30 mars 1836 est rédigé, par voie interprétative, en ces termes :

« Art. 84. Le conseil nomme : ...

« 1°...

« 2° Les membres des administrations des hospices et des bureaux de bienfaisance, sans préjudice à l'intervention des administrateurs spéciaux établis dans les limites déterminées par l'arrêté du 16 fructidor an XI et par le décret du 31 juillet 1806.

« Cette nomination est faite pour le terme fixé par la loi... »

« ( La suite comme à l'article 84, sauf le dernier paragraphe du n°2 : « Il n'est pas dérogé... » qui est supprimé.)

« Article additionnel. Les fondations autorisées en vertu de l'article 84, paragraphe 2, de la loi communale, antérieurement à la promulgation de la présente loi, continueront à être administrées conformément aux actes d'autorisation, sauf au gouvernement à prescrire, s'il y a lieu, par arrêté royal, les mesures propres à assurer le contrôle de la gestion des biens donnés ou légués, et leur conservation. »

- L'amendement est mis aux voix et adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble de la loi qui est adoptée par 50 voix contre 15.

Ont voté l'adoption : MM. C de Brouckere, Dechentinnes, De Fré de Lexhy, Deliége, de Luesemans, de Paul, de Vrière, Dolez, Dubus, Frère-Orban, Frison, A. Goblet, L. Goblet. Godin, Grosfils, Jacquemyns, J. Jouret, M. Jouret, Lange, Laubry, C. Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Manilius, Mascart, Moreau, Muller, Nélis, Neyt, Orban, Pirmez, Pirson, Prévinaire, Rogier, Sabatier, Savart, Tesch, Thiefry, Tremouroux, E. Vandenpeereboom, Vanderstichelen. Van Iseghem, Van Leempoel, Vervoort, Allard, Ansiau, Coppieters t' Wallant, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Bast. de Boe et Orts.

Ont voté le rejet : MM. de Decker, de Haerne, de Naeyer, de- Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Terbecq, d'Ursel, Landeloos, Magherman, Moncheur, Notelteirs, Vander Donckt, Van Overloop, Vermeire et Coomans.

- La Chambre s'ajourne jusqu'à convocation ultérieure parle président, s'il y a lieu.

La séance est levée à quatre heures et demie.