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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 27 juillet 1859

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859 extraordinaire)

(page 77) (Présidence de M. Orts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Boe, secrétaire, procède à l'appel nominal à 3 heures et un quart.

M. Crombez, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Boe, secrétaire, présente l’analyse des pétitions adressées à la Chambre.

« Le sieur Vandersypen demande que la construction par l'Etat, d'un chemin de fer d'Enghien à Ninove, soit comprise dans le projet de loi relatif à l'exécution de divers travaux d'utilité publique. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi.


« La députation permanente du conseil provincial du Limbourg prie la Chambre de comprendre dans le projet de loi relatif à l'exécution de divers travaux d'utilité publique, la construction d'un chemin de fer de Tongres, d'un canal de Diest à Hasselt, d'un chemin de fer direct d'Anvers à Hasselt et d'un canal d'embranchement de Neeroeteren à Maeseyck. »

M. de Renesse. - Messieurs, par pétition datée du 26 de ce mois, la députation permanente du Limbourg s'adresse à la Chambre, pour l'informer que cette province a été vivement émue de se voir de nouveau exclue de toute participation aux grands travaux publics à décréter dans les différentes provinces, et pour l'exécution desquels des fonds considérables sont demandés par le projet de loi présenté à la séance du 20 juillet courant.

Déjà, l'année dernière, lors de la présentation du projet de loi de 60 millions, le conseil provincial du Limbourg s'était adressé aux Chambres et au gouvernement, pour protester contre cette exclusion, si peu justifiable, et le conseil indiquait, dans sa réclamation, les différents grands travaux publics réclamés depuis plusieurs années par cette province.

L'on devait enfin espérer que le gouvernement, en présentant cette année-ci son projet d'ensemble, revu et augmenté, puisqu'il s'agit de décréter de grands travaux publics (erratum, page 86) pour plus de quatre-vingt-dix millions, aurait pris en considération l'une ou l'autre demande de cette province, et surtout celle qui intéressait l'un des arrondissements du Limbourg qui, depuis 1830, n'a jamais obtenu aucune part dans les grands travaux publics décrétés aux frais du trésor de l'Etat.

En appuyant de tous mes moyens la juste réclamation de la députation permanente du Limbourg, qui est la véritable expression du sentiment pénible qu'éprouve cette province de son exclusion de toute participation aux travaux publics, pour lesquels des fonds considérables sont demandés, j'ai l'honneur de proposer le renvoi de cette pétition à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi des travaux publics.

- Cette proposition est adoptée.


« L'administration communale d'Aerschot demande que le projet de loi relatif à l'exécution de divers travaux d'utilité publique, comprenne la jonction du Demer au canal de Louvain. »

- Même renvoi.


« Par quatre pétitions, autant d'habitants de Schaerbeek demandent la réunion des faubourgs à la capitale. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Sairepart, militaire congédié pour infirmité contractée au service, demande un secours. »

- Même renvoi.


« Le sieur Adolphe-Théodore-Joseph Tiberghien, sergent au 4ème de ligne, demande à recouvrer la qualité de Belge qu'il a perdue en prenant du service militaire à l'étranger et à être exempté du droit d’enregistrement auquel est assujettie la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« M. De Fré, retenu par indisposition, demande un congé. »

- Accordé.


M. le président. - Jeudi dernier, à la suite du Te Deum, la députation chargée de présenter l'adresse au Roi a été reçue par Sa Majesté. Le Roi a accueilli votre députation, à laquelle s'étaient joints un grand nombre de nos collègues, avec la bienveillance à laquelle nous sommes habitués de la part du chef de l'Etat. Sa Majesté a répondu dans les fermes les plus obligeants aux félicitations que la députation lui adressait au nom de la Chambre.

Proposition de loi

Lecture

M. le président. - Plusieurs sections ont autorisé la lecture d'une proposition de M. Dumortier qui demande que l'enquête ordonnée par la Chambre en vue les seules élections de Louvain, ait lieu pour toutes les élections du 14 juin. » Aussitôt que M. Dumortier sera présent, je lui demanderai quel jour il désire développer sa proposition.

Nomination des commissions permanentes

Commission de comptabilité

M. le président. - Voici la composition de la commission de comptabilité : MM. d'Ursel, Moreau, Orban, Van Iseghem, Coomans et Prévinaire.

Motion d’ordre

M. Ch. Lebeau. - Messieurs, dans la dernière session nous avons voté une loi ayant pour objet d'augmenter le nombre des membres de la Chambre et du Sénat ; les motifs qui ont amené le gouvernement à présenter ce projet de loi, militent également en faveur d'un projet de loi qui aurait pour objet d'augmenter le nombre des conseillers provinciaux et des conseillers communaux, qui, dans beaucoup de provinces et de communes, n'est plus en rapport avec le chiffre de la population. Il importe d'apporter un prompt remède à cette situation. Au mois de mai prochain il sera procédé au renouvellement de la moitié des conseillers provinciaux et au mois d'octobre suivant, on renouvellera la moitié des conseillers communaux. Il faut donc que la loi soit présentée et publiée avant le 1er mai.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, plusieurs conseils provinciaux ont demandé que le nombre des conseillers provinciaux fût, comme l'a été celui des membres des Chambres, mis en rapport avec le chiffre de la population.

La loi provinciale ni la Constitution ne prescrivent rien à cet égard ; c'est ici une question de convenance.

Le nombre des conseillers provinciaux a été fixé par la loi provinciale ; non pas d'après une même base, mais d'après des bases diverses. Ainsi dans certaines provinces il y a un conseiller provincial pour 10,000 habitants, dans d'autres provinces, notamment dans le Limbourg et Luxembourg, il y a un conseiller provincial pour 5,000 habitants. Depuis la loi provinciale de 1836, la population s'est accrue, et en 1848 on a demandé au Sénat que le nombre des conseillers provinciaux fût augmenté. La section centrale de la Chambre a fait la même demande, Mais, à cette époque, de commun accord on a décidé d’ajourner à un nouveau recensement les changements à introduire. Aujourd'hui le temps est venu de faire cette réforme.

Je me suis occupé du projet de loi à présenter à la Chambre. Si la session extraordinaire ne devait pas être très courte, on aurait pu même dans le cour de cette session discuter le projet de loi ; je me réserve de le présenter dès l'ouverture de la session prochaine.

Je dirai que d'après les relevés qui ont été faits et en établissant la nouvelle répartition sur les bases actuelles, c'est-à-dire un conseiller par 10,000 habitants au maximum et 5,000 au minimum, il y aura une augmentation de 99 conseillera provinciaux. Nécessairement, les provinces qui ont vu augmenter le nombre de leurs représentants verraient également augmenter le nombre de leurs conseillers.

Messieurs, la même opération devra se faire pour les conseillers communaux. Ici il y a une prescription formelle de la loi. L'article 19 de la loi communale exige que tous les douze ans, dans la session qui précédera le renouvellement des conseils communaux, le pouvoir législatif, d'après les états de population, déterminera les changements à apporter aux classifications des communes. Je devrai également présenter un projet de loi, ayant pour but d'établir une nouvelle classification. Nous avons fait la même chose en 1848, c'est-à-dire il y a douze ans ; et la nouvelle classification coïncidera avec les élections communales de l'année 1860.

M. H. de Brouckere. - Messieurs, puisque le gouvernement nous annonce un projet de loi sur l'augmentation du nombre des conseillers provinciaux et communaux, je me permettrai de l'engager à examiner, à cette occasion, la question de savoir s'il n'y a pas lieu à modifier la formule tout exceptionnelle du serment qui est imposé actuellement aux conseillers provinciaux et communaux. Je crois que le gouvernement fera bien d'examiner cette question avec toute la maturité qu'elle réclame. La Chambre se rappellera que dans un des conseils provinciaux un vœu a été émis, à cet effet, dans la session de 1859.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, le vœu a été effectivement exprimé dans le cours de cette année, au sein d'un conseil provincial, de voir supprimer la formule tout exceptionnelle ajoutée au serment auquel sont assujettis les conseillers provinciaux et communaux.

Les autres citoyens, exerçant des fonctions publiques, prêtent un serment uniforme auquel on n'a pas cru devoir ajouter la formule (page 78) exceptionnelle qui est imposée seulement aux conseillers communaux et aux conseillers provinciaux. Cette disposition a été introduite, il y a bien longtemps, au milieu de circonstances qui ont entièrement cessé. A mon avis, la suppression de la formule ne donnerait lieu à aucun inconvénient ; et d'un autre côté, les convenances exigent qu'on ramène tous les serments politiques à une même formule.

- De toutes parts. - Appuyé !

- L'incident est clos.

Rapports de pétitions

Rapport de la commission permanente de l’industrie sur des pétitions demandant la libre sortie des chiffonds

La parole est continuée à M. Nélis.

M. Nélis. - Messieurs, j'ai eu l'honneur de vous exposer, dans la séance d'hier, les motifs qui doivent vous engager à maintenir la législation actuelle sur la sortie des chiffons servant à la fabrication du papier. Il me reste quelques mots à ajouter sur la question des chiffons de laine qui mérite aussi votre attention.

Il y a peu d'années, ces chiffons n'étaient employés qu'à la fertilisation des terres légères ; l'industrie est parvenue à en tirer un parti plus avantageux en les convertissant en laine dite artificielle, qui est de nouveau filée et tissée pour en faire des étoffes communes.

La quantité de chiffons de laine que le pays produit, désignés sous les noms de draps et de tricots, s'élève à environ 3 millions de kilog. Les tricots s'achètent à 30 francs et les draps à 20 francs par 100 kilog., soit au prix moyen de 25 francs. En Angleterre, les mêmes chiffons valent le prix moyen de 40 francs par 100 kilog., soit une différence de 15 francs, moins les frais de transport s'élevant à 3 francs par 100 kilog, La plus-value par la libre sortie, serait donc de 12 francs, ce qui produirait sur une quantité de 3 millions de kilog., un bénéfice de 360,000 francs, dont profiteraient les premiers vendeurs et ceux qui ramassent ou qui font le commerce de ces chiffons.

50 machines, fonctionnant dans 20 fabriques, convertissent ces chiffons en laine artificielle. La quantité de laine artificielle retirée de ces déchets, peut être évalué à 1,800,000 kilogrammes. Elle se vend au prix moyen de 80 fr. par cent kilogrammes, ce qui produit la somme de 1,440,000 fr.

Il reste 1,200,000 kilogrammes de déchets pour engrais, au prix de 6 fr. par cent kilogrammes, soit 72,000 fr.

Ensemble : 1,512,000 fr.

La fabrication donne donc aux chiffons de laine une valeur de 1,512,000 fr., ou une plus-value de 762,000 fr. Ce chiffre mis en regard de l'augmentation que donnerait aux chiffons de laine la libre sortie, établit le bénéfice que le pays retire du régime actuel, bénéfice dont profitent les nombreux ouvriers que cette industrie emploie.

Mais, messieurs, d'autres considérations s'opposent à la libre sortie de ces chiffons : La fabrication de la laine artificielle n'est pas ancienne en Belgique, il n'y a que deux ou trois ans que des machines perfectionnées pour convertir les draps en laine artificielle, y ont été établies ; le complément de cette industrie, c'est le filage de la laine dans l'établissement même où elle est apprêtée. Si mes renseignements sont exacts, une seule fabrique a établi récemment ce perfectionnement, d'autres ne tarderont pas à suivre cet exemple. Les progrès de cette industrie sont donc rapides et tout doit nous faire espérer qu'avant peu d'années la Belgique n'aura rien à envier à ses voisins, sous ce rapport.

La libre sortie de ces chiffons viendrait détruire cette industrie qui n'a pas encore jeté des racines assez profondes pour lutter avec ses puissants voisins.

La fabrication de la laine artificielle laisse à l'agriculture 1,200,000 kil. de déchets de laine dont elle retire tant d'avantages. Par l'exportation des chiffons de laine, cet engrais si puissant serait enlevé au pays.

Ainsi donc, les intérêts de l'agriculture comme ceux de l'industrie demandent que la prohibition à la sortie soit également maintenue sur les chiffons de laine.

M. Sabatier. - Je ferai d'abord une observation. La Chambre ne peut pas prendre grand intérêt à une discussion qui doit se résoudre simplement dans le renvoi d'une pétition à M. le ministre des finances, et qui conséquemment ne saurait amener de modification immédiate dans le régime douanier des chiffons. Si quelques autres membres avaient des observations à présenter, je leur céderais volontiers mon tour de parole pour ne pas faire durer la discussion indéfiniment, me réservant de répondre à plusieurs orateurs à la fois.

M. Prévinaire. - Messieurs, je crois, avec l'honorable rapporteur de la commission d'industrie, que la Chambre doit être très peu disposée à engager une discussion sérieuse à propos d'une pétition dont on propose le renvoi au ministre des finances ; nous sommes tous d'accord sur ce renvoi.

Je ne comptais donc pas prendre part à une discussion qui me paraissait inopportune, puisqu'elle ne peut conduire à aucune solution, pour le moment.

D'après une déclaration du cabinet, nous devons être saisis de propositions ayant pour objet des modifications au tarif des douanes.

La question soulevée trouvera mieux sa place lors de leur examen, mais en présence des doctrines exposées dans le discours de l'honorable préopinant, je n'ai pas cru pouvoir garder le silence.

Depuis que je siège dans cette enceinte, j'ai toujours défendu des principes contraires, et je me devais à moi-même de protester contre un système économique qui se résume par l'exploitation de certains intérêts au profit d'autres intérêts.

Je ne puis pas comprendre qu'en présence de l'article 11 de la Constitution qui proclame hautement le respect de la propriété, on frappe celle-ci dans sa source.

Notre sollicitude doit s'étendre à tous les intérêts du pays, et nous nous montrons d'autant plus justes que certains intérêts n'ont pas de représentant direct parmi nous. Je crois donc remplir un devoir très sérieux en élevant la voix en faveur d'intérêts infimes, mais respectables, en faveur des chiffonniers. Cette mission plaît à mon cœur, répond à mes instincts.

L'entrave apportée à la libre disposition de la propriété est une expropriation, et la Constitution proclame que nul ne peut être privé de sa propriété sans indemnité.

Lorsque nos lois limitent l'exercice du droit de propriété, elles réalisent une pensée d'ordre public ; mais, dans la question qui nous occupe, le but est tout autre ; il s'agit pour le chiffonnier d'une sorte de servage vis-à-vis de la papeterie. La prohibition de sortie n'a pas de raison d'être dans un intérêt d'Etat, mais uniquement dans la pensée d'assurer un avantage à une autre branche de l'activité nationale. Tous reconnaissez tous qu'on ne peut enlever une parcelle de terre à son propriétaire sans l'indemniser, et cependant on soutient devant vous que l'on peut, sans violer la justice distributive, neutraliser une partie des produits du travail. Ces chiffons que toute une famille aura accumulés par un travail ingrat, dont la libre réalisation représente une valeur d'un bonnier de terre, sont-ils moins respectables que celui-ci ?

Messieurs, cela ne peut être ; il faut qu'une égale protection soit assurée par nos lois aux fruits du travail, quelque forme qu'ils aient revêtue ; il faut que l'humble chiffonnier trouve là même protection légale que la loi accorde à la propriété.

Les théories que nous avons entendu défendre sont celles qu'on professait quand on demandait la prohibition de la sortie des céréales ; on argumentait alors de la nécessité d'assurer l'alimentation du peuplée ; nous avons combattu ces théories dangereuses au double point de vu de la justice et des effets économiques désastreux que leur application devait entraîner. En se plaçant sur le terrain de la liberté, de l'équité pour tous, aucun antagonisme n'est à redouter entre des intérêts rivaux.

L'intervention de la loi pour régler les intérêts de l'industrie doit nécessairement produire les plus fâcheuses conséquences ; elle affaiblit d'une part le ressort industriel et donne ouverture à une injuste exploitation de certains intérêts au profit d'autres plus puissants.

Il faut que nous ayons le courage de poursuivre la tâche que nous avons entreprise depuis douze ans et où nous avons obtenu de bons résultats. Ainsi, pour le minerai de fer, on avait élevé la même prétention que pour les chiffons ; avons-nous à déplorer les mesures que nous avons prises lorsque nous avons modifié notre régime douanier ?

Les événements que nous venons de traverser récemment ont réduit la production du fer ; des hauts fourneaux ont été éteints ; sous le régime de la prohibition, l'extraction du minerai de fer aurait subi les mêmes phases ; grâce à la libre sortie, l'exploitation n'a pas cessé ,et cette partie du travail national a pu être maintenue en activité.. L'industrie métallurgique en a-t-elle souffert au temps de son activité ?

Au contraire, le marché s'est élargi et les approvisionnements se font dans des conditions plus avantageuses. Il en serait de même pour l'industrie de la papeterie, si à la prohibition succédait un régime de liberté de sortie ; Anvers deviendrait comme Livourne et Hambourg un marché d'approvisionnement où la papeterie puiserait facilement. Tous les fabricants de papiers reprendraient une indépendance qu'ils ont dû abdiquer pour se plier au régime du monopole le plus fortement organise que l'on puisse imaginer.

Je tiens en main la pétition des chiffonniers, objet de ce débat ; les pétitionnaires, qui sont de pauvres marchands, ont joint à leur pétition un contrat intervenu entre MM. L. de Naeyer et Cie d'une part, et plusieurs fabricants de papier d'autre part. L'honorable M. Nélis, dont le nom figure au nombre de ces fabricants, a décliné hier toute participation à ce contrat. Pour votre édification, messieurs, pour que vous compreniez ce que c'est que ce monopole, je vais vous donner lecture de ce contrat.

« Entre les soussignés L. de Naeyer et Cie, fabricants de papier et négociants en chiffons à Bruxelles, d'une part, et MM. les fabricants de papier soussignés d'autre part, il a été convenu ce qui suit :

« Les premiers nommés s'obligent à fournir à MM. les fabricants soussignés, pendant cinq années consécutives, à partir du 1er mai 1857, les chiffons nécessaires à leur fabrication. Cet engagement est pris aux conditions ci-après désignées.

« 1° Les fabricants soussignés devront commander au fur et à mesure de leurs besoins, en prévenant au moins quinze jours à l'avance, les chiffons qui doivent leur être fournis.

(page 79) « 2° Les prix des chiffons à livrer du n°1 au n°17 seront fixés trimestriellement par les fabricants réunis auxquels les premiers nommés auront droit de s'adjoindre avec voix délibérative.

« Ces prix s'entendent des chiffons pris à Bruxelles.

« 3° L'obligation prise par les premiers nommés de fournir à toute la consommation des fabricants soussignés, ne les empêchera pas d'acheter à d'autres marchands, mais ils ne pourront, dans ce cas, les payer qu'à raison de 2 fr. 50 c. par 100 kil. au-dessous des prix qu'ils donneront aux premiers nommés pour les n°1, 2, 3, 4, 5, 6, 8, 9, 12 et 15 ; et à raison d'un franc par 100 kil. pour les n°7, 10, 11, 13, 14, 16 et 17.

« 4° Ils leur feront connaître mensuellement la quantité et qualité des chiffons ainsi achetés et ils leur fourniront toutes les indications désirables ; les fournitures personnelles des premiers nommés se réduisant alors au complément des besoins mensuels. Ils auront en outre à payer aux premiers nommés, pour les achats opérés sans leur entremise, une prime de 2 fr. par 100 kil. sur la première catégorie de chiffons, et de 50 c. sur la seconde. »

Voici l'article le plus curieux :

« 5° S'il est reconnu que le pays ne fournit pas assez de chiffons pour la consommation générale, ou que toute autre cause tende à faire hausser les prix des chiffons, MM. les fabricants soussignés seront tenus d'en faire venir de l'étranger à leurs frais, afin de rétablir un juste équilibre.

« Dans le cas où les parties ne seraient pas d'accord sur la réalité de ce besoin, les premiers nommés pourraient faire venir des chiffons eux-mêmes de l'étranger, mais à charge de supporter un tiers de la perte que ces achats pourraient occasionner, »

Ainsi, messieurs, voilà une industrie dont les produits jouissent de 18 p. .- de droit d'entrée à titre de protection, en faveur de laquelle on a maintenu la prohibition de sortie. Non contente de cette position, elle organise un monopole formidable, c'est-à-dire l'entente de tous ceux qui consomment la matière première et l'on va, dans ce concert, jusqu’à dire que lorsque par le fait des achats, les prix tendraient à se relever, c'est-à-dire qu'il se produirait une sorte de compensation pour le chiffonnier par suite de la concurrence intérieure, l'on va jusqu'à stipuler dans un contrat que les achats cesseront dans le pays et que les achats se feront à l'étranger afin de faciliter l'avilissement du prix des chiffons.

Je vous le demande, rien peut-il justifier un semblable monopole !

Les défenseurs très rares, je l'espère, de ce régime, tombent dans une inconséquence étrange ; ils vantent les avantages du monopole au point de vue des intérêts du pays ; ils déclarent que la prohibition de sortie des chiffons permet de livrer au pays des papiers à meilleur marché, et cependant ils déclarent que la papeterie exporte considérablement, ce qui suppose que la Belgique vend à l'étranger à meilleur marché que l'étranger ne peut produire : d'autre part ils reconnaissent que la protection des droits d'entrée, droits s'élevant à environ 18 p. c, leur est nécessaire pour lutter en Belgique contre la concurrence étrangère.

M. Nélis. - Non.

M. Prévinaire. - Admettez-vous qu'on supprime les droits d'entrée sur le papier étranger ?

M. Nélis. - Oui.

M. Prévinaire. - Vous n'êtes pas sincère. Je poserai une autre question : Si le régime appliqué aux chiffons est si favorable au pays, trouverez-vous bon de l'appliquer au papier ?

M. Nélis. - Vous avez parlé d'un contrat entre la société de Naeyer et comp. et quelques fabricants.

Permettez-moi de vous faire observer que ce contrat n'est pas celui qui lie la société de Naeyer jeune et comp. et certains fabricants de papiers, comme j'ai eu l'honneur de vous l'exposer dans mon discours d'hier.

M, Prévinaireµ. - Je laisse de côté cette question que soulève l'objection de l'honorable M. Nélis. Il est possible qu'il existe divers contrats.

Ce qu'il' importe de savoir, c'est si celui que je viens de vous dire existe. Ce contrat est intervenu entre MM. Louis de Naeyer et comp. et MM. les fabricants dont les noms suivent : MM. Ch. Stevens, à Droogenbosch ; C.-J, Champagne, Ad. Rouwez et Cie à Dieghem ; Demeurs-Decorte, à la Hulpe ; Lammens et Cie, à Bruxelles, Ramacher et Cie, à Malines ; L. de Mulder, à Nivelles ; G.-J. Nélis, à Virginal ; Ed. Nerincx, à Lembecq ; F. de Meurs, à Rhode-Sainte-Genèse ; G. Demeurs, à Huyssinghen ; Planche et Guilmot, à Gand ; Vanhemelryck frères, à Hal ; Catala frères et Cie à Braine-le-Comte ; Vigniau, papetiers belges, à Wavre.

Eh bien, je dis que si le monopole organisé si énergiquement entre MM. les papetiers, est bon dans l'intérêt du pays, s'il porte des fruits, il faut l'appliquer au papier, parce qu'il y a à côté de la papeterie des intérêts beaucoup plus considérables qui ont besoin de ce produit. Si la prohibition à la sortie produit un abaissement du prix de revient, je demande que tous nos typographes, que tous nos journalistes, que tous ceux qui emploient le papier, jouissent du bénéfice qu'on veut octroyer à la papeterie ; je demande l'application du même principe à toutes les industries, parce que toutes sont solidaires.

Du reste, messieurs, la fausseté de ce principe a été depuis longtemps reconnue. La Chambre a depuis longtemps renversé ce système ; j'ai en main le tarif des douanes, voyons ce qu'il en reste.

Nous avions un grand nombre de prohibitions de sortie, le charbon de bois était, il n'y a pas longtemps, frappé d'un droit très élevé, d'un droit de 7 francs par 100 kil. Je crois qu'on a modifié ce régime dans la dernière session. Il en est de même des écorces à tan. La même observation s'applique aux étoupes de lin et de chanvre ; tous les minerais de fer peuvent sortir par certaines frontières ; le minerai oligiste sort librement, au grand bénéfice du pays ; cette modification à l'ancien régime a eu pour conséquence de maintenir le travail pendant le chômage de quelques établissements métallurgiques, ainsi que je l'ai déjà fait remarquer.

Ainsi, vous n'avez plus aujourd'hui que le minerai prohibé partiellement, ainsi que les chiffons. C'est la seule prohibition complète qui existe. La Hollande avait longtemps aussi, je ne sais pourquoi, maintenu le système de prohibition ; elle a récemment réduit à 10 florins par 1,000 kilog. le droit de sortie.

Je ne viens pas demander la liberté immédiate pour les chiffons ; mais je demande qu'à l'occasion des modifications que le gouvernement a l'intention de proposer à nos lois douanières, on pose un acte de justice et d'équité, en tenant compte des intérêts engagés dans la question qui se débat en ce moment, en entrant dans la voie des modifications pour cette prohibition à la sortie qui existe encore pour ainsi dire seule dans notre tarif.

Maintenant, toutes les raisons qu'on fait valoir en faveur du maintien de la prohibition aboutissent à mettre dans la poche de Paul ce qui appartient à Jacques.

Voilà certes un système bien commode et la prospérité d'une industrie est assurée, lorsqu'elle a la prudence de prévenir les effets de la concurrence qu'elle peut créer sur le marché intérieur. Nous avons vu que nos industriels ont prévu le péril et qu'ils n'ont pas manqué de l'éviter en s'engageantà acheter à l'étranger, lorsque leur marché intérieur d'approvisionnement manifesterait des velléités d'indépendance, .le leur conseille de faire un pas de plus ; il leur manque encore une chose, c'est une loi qui oblige à recueillir et à vendre les chiffons ; jusque-là rien ne sera bien assuré.

Messieurs, nous sommes ici pour faire des lois justes, pour faire, dans l'ordre des intérêts matériels, ce que nous avons fait dans l'ordre des intérêts moraux. Et quand tous les citoyens ont la liberté de penser et d'écrire, la liberté de s'associer, pourquoi leur enlevons-nous la liberté d'acheter au meilleur marché possible, et surtout la liberté de réaliser au mieux de leurs intérêts les fruits de leur travail ?

(page 83) M. Sabatier, rapporteur. - Messieurs, je vais répondre le plus brièvement possible aux observations qui ont été présentées hier et aujourd'hui sur le rapport que nous discutons en ce moment. La question, du reste, est beaucoup plus simple qu'on ne voudrait le faire croire.

Deux intérêts sont en présence : d'une part, le commerce des chiffons ; d'autre part, les papeteries. Il s'agit de savoir si le régime que les honorables préopinants voudraient voir appliquer aux chiffons, c'est-à-dire la substitution de la libre sortie à la prohibition à la sortie, ne viendrait pas jeter dans l'industrie papetière un trouble que nous devons éviter. Je ferai d'abord remarquer que si la commission d'industrie s'est placée à ce point de vue, elle ne s'est cependant pas prononcée d'une manière aussi absolue qu'on le dit ; elle a subordonné son opinion aux modifications qui pourraient être introduites au régime douanier des chiffons dans les pays qui nous avoisinent et est restée dans les termes de la discussion qui s'est élevée en 1855 sur le même objet, alors que le gouvernement lui-même maintenait la prohibition. Ce régime, vous le savez, est prohibitif ou à peu près. La France prohibe les chiffons à la sortie d'une manière complète. La Néerlande les soumet à un droit de sortie de 21 fr. 16 c. par 100 kilog., et le Zollverein à 22 fr. 50 c. Quant à l'Angleterre, elle laisse sortir librement les chiffons ; mais elle protège ses papeteries en frappant d'un droit de 25 fr. 50 c. par 100 kilog. l'entrée des papiers étrangers.

Du reste, l'Angleterre, le fait est constaté dans le rapport, manque de chiffons et en importe de grandes quantités, que la protection qu'elle accorde à ses papiers lui permet d'acheter à très haut prix.

Afin d'établir une comparaison entre les intérêts en présence, voyons quelle est la position de chacun d'eux. Il s'agit ici, veuillez bien le remarquer, d'une matière qui non seulement ne se produit que dans certaines limites, mais que les pays limitrophes conservent précieusement chez eux. Elle constitue donc une sorte d'exception parmi les matières premières et doit par cela même être envisagée à un point de vue exceptionnel.

Non seulement les chiffons ne se produisent que dans certaines limites, mais il n'y en a pas assez en Belgique pour alimenter les papeteries. On doit donc en faire venir une certaine quantité de l'étranger, et comme le prix en est très élevé, nos fabricants de papiers ont tout intérêt à accorder aux marchands de chiffons du pays un prix assez rémunérateur pour que la cueillette des chiffons soit aussi complète que possible.

Il n'y a donc pas à craindre, jusqu'à présent, que l'empêchement à la sortie constitue une expropriation de chiffons au profit exclusif de l'industrie papetière ; je dis que lorsqu'une marchandise manque et que lorsque celui qui la consomme a tout intérêt à ce qu'il n'en soit rien perdu, le commerce de cette matière est dans une bonne position. Faut-il maintenant améliorer encore cette position au détriment d'un intérêt plus puissant, celui de la papeterie, autrement dit faire un peu de bien aux chiffonniers pour produire un grand mal aux papetiers ? Je n'hésite pas à me prononcer pour la négative ; les chiffres montrent que je suis dans le vrai et les indications données par l'honorable M. Nélis doivent nous rassurer complètement sur ce point. Le commerce d’exportation qui forme les deux cinquièmes de l’importance des opérations de nos fabriques de papiers, ne jouirait pas soutenir la concurrence contre les usines françaises si nous devions payer nos chiffons plus cher, et c'est cependant ce qui arriverait si on en permettait la sortie. L'Angleterre viendrait nous les enlever, elle qui en manque constamment, pour pouvoir livrer assez de papiers à ses nombreuses possessions et la France nous enlèverait bien vite les débouchés que nous avons eu tant de peine à créer à l'étranger.

L'honorable M. Prévinaire nous a parlé de ses principes économiques de libre échange ; il ne veut pas qu'une classe de travailleurs soit expropriée au profit d'une autre classe. Vraiment, ce sont là de très grands mots pour peu de chose. Je me déclare aussi libre échangiste que M. Prévinaire, mais il paraît que je ne suis pas d'accord avec lui sur l'application du libre échange. Il s'agit, je le répète, d'une matière exceptionnelle en ce sens qu'elle trouve un débouché certain dans l'intérieur du pays, et que cette même matière est soumise à un régime prohibitif dans les pays où nous devrions pouvoir nous approvisionner et qui nous font concurrence au dehors, et surtout en ce sens que sa production est restreinte.

Mais s'il s'agit d'une matière exceptionnelle, pouvons-nous ne pas lui appliquer aussi un traitement exceptionnel, et ne devons-nous pas nous dire que si le pas le plus facile à faire dans la voie de la liberté commerciale, la libre sortie de toutes les matières, n'a pas été appliquée jusqu'ici aux chiffons, c's-t que des considérations sérieuses y ont mis obstacle. Ces considérations, je les ai indiquées.

Quant au libre échange, je crois que nous sommes tous d'accord sur ses principes. Il doit avoir pour effet d'abolir certains privilèges réclamés par des producteurs impuissants. Abolissons ces privilèges et de deux choses l'une, ou certaines industries seront forcées de progresser ou elles devront faire place à de plus habiles fabricants ; de toute manière les consommateurs qui forment en définitive la masse de la nation, s'en trouveront bien puisqu'ils pourront se procurer les objets fabriqués à de meilleures conditions.

Le libre échange doit avoir pour effet de diminuer le prix des matières premières qui sont grevées à l'entrée d'une manière exagérée. En un mot, le libre échange veut qu'on ne force pas la nature productive d'un pays, et doit avoir pour conséquence l'abaissement du prix des produits fabriqués. Or, c'est précisément le contraire qui arriverait pour le papier, si l'on autorisait la libre sortie des chiffons ; le fait a été amplement démontré.

Quant à la coalition, au contrat dont a parlé aussi l'honorable M. Prévinaire, voici ce que j'ai à dire. Le contrat dont cet honorable membre vient de nous donner lecture, a été envoyé à la Chambre avec une pétition et communiqué à la commission d'industrie qui me semble, en définitive, avoir résolu la question de la manière la plus sensée, en disant que s'il y avait coalition, le moyen le plus simple d'obtenir justice, c'était de s'adresser directement aux tribunaux. Je ne sache pas que la Chambre veuille s'ériger en tribunal correctionnel.

M. Prévinaire. - J'admets la coalition, mais je l'admets avec la liberté.

M. Sabatier, rapporteur. - Je n'admets la coalition en aucun cas, vous voyez que je suis encore plus difficile que vous.

Le parquet s'est ému de ce contrat, il a fait appeler les personnes qui l'avaient signé et, en définitive, on n'a pas poursuivi. Pour moi comme pour tous, messieurs, c'est là une preuve suffisante de l'absence de coalition dans le sens de l'article 419 du Code ; mais voici une autre preuve : ce contrat est signé par 14 fabricants de papier et par 70 marchands de chiffons ; or, il y a en Belgique quarante-huit fabriques de papier et 160 marchands de chiffons. Si réellement l'association dont s'agit devait procurer à ceux qui en font partie de si grands avantages, comment se fait-il que tout le monde n'y ait pas adhéré ? Personne n'en était exclu, et si le nombre des adhérents est si restreint, il est permis de se dire que la chose ne devait pas présenter des avantages bien considérables. Ceci n'est qu'une appréciation, je n'ai ni la prétention, ni le désir de me faire ici l'avocat des fabricants de papier, j'explique de quelle manière la commission d'industrie a envisagé la chose.

Je termine, messieurs, en donnant quelques mots de réponse à l'honorable M. Coomans. Cet honorable membre a parlé hier du rapport de la commission d'industrie en termes extrêmement peu bienveillants, c'était son droit ; mais sa critique a été par trop acerbe ; il trouve ce rapport très étrange, audacieux même. D'après lui, il semblerait que la commission se fût indignée de ce que les chiffonniers gagneraient trop d'argent. C'est trop absurde. L'honorable membre a aussi parlé de monopole, de coalition, etc., etc., etc.

Je dirai d'abord que nous sommes habitués aux attaques assez désagréables de M. Coomans, et que personne ne s'en fâche ; mais il me permettra de lui dire qu'il recherche trop une popularité de mauvais aloi. M. Coomans parle des pauvres, de l'intérêt des pauvres, absolument comme s'il était le seul qui s'en préoccupât ici.

L'honorable M. Coomans a parlé beaucoup aussi de liberté commerciale, de libre échange ; je lui ferai remarquer que si c'est encore dans l'intérêt des pauvres, il est, en tous cas, un libre échangiste de fraîche date.

En 1850, quand il s'agissait des céréales, on demandait cette fois, en faveur des pauvres, le pain à bon marché, et qui voulait porter le droit sur les céréales de 50 c. à 1 fr. ? C'était M. Coomans.

Maintenant l'honorable membre désire la libre sortie des chiffons, et il oublie que dans les chiffons de laine se trouvent 40 à 50 p. c. de déchet formant un excellent engrais. Cependant M. Coomans s'est aussi opposé en 1850 à la libre sortie des engrais non artificiels.

Voilà, messieurs, ce que j'avais à répondre à l'honorable M. Coomans. Je me réserve de reprendre ultérieurement la parole, s'il y a lieu.

(page 79) M. d'Hoffschmidt. - Messieurs, je ne prendrais pas la parole après les discours si concluants de mes honorables amis, MM. Nélis et Sabatier, si la question n'avait pas une immense importance pour une industrie florissante du pays. Si vous adoptiez les conclusions de la pétition et les opinions trop absolues des honorables préopinants, MM. Coomans et Prévinaire, vous porteriez un coup mortel à cette industrie, et loin de favoriser la classe ouvrière, qu'on met légèrement en avant, on lui porterait préjudice.

Je répéterai quelques-uns des arguments présentés par mes honorables amis ; je n'ai pas la prétention de dire quelque chose de nouveau après eux, mais il importe, pour qu'on comprenne la question, de remettre certains faits concluants sous les yeux de ceux qui veulent l'approfondir.

L'honorable M. Prévinaire s'étonne que la prohibition de la matière première dont il s'agit ne soit pas appliquée à d'autres industries, qu'on fasse une exception en faveur du chiffon.

La raison est simple, si on fait une exception en faveur des chiffons en les frappant d'un droit prohibitif, c'est qu'il y a nécessité évidente de faire cette exception à la règle générale, parce que cette matière première n'est pas dans les mêmes conditions que les autres. Elle ne peut pas se produire à volonté ; la production de cette matière première est limitée ; la consommation du papier augmente tous les jours, tandis que la matière qui sert à la fabriquer est restreinte ; c'est là une raison pour en prohiber la sortie qui n'existe pas pour les autres matières premières.

Ainsi si la consommation du fer augmente, on trouve du minerai pour satisfaire aux besoins de la fabrication. Il en est de même pour les autres industries. La même situation n'existe pas pour la fabrication du papier dont la consommation va toujours croissant, suivant en cela les besoins du pays et les progrès de la civilisation, tandis que la production de la matière première régie stationnaire.

(page 80) La production des chiffons n'est donc plus en rapport avec la fabrication du papier ; c'est si vrai que depuis longtemps des fabricants de papiers recherchent les moyens de le remplacer ; on a cherché à faire du papier avec de la paille et avec des matières textiles.

On n'a pas réussi d'une manière satisfaisante : ou le produit était trop cher, ou il était de mauvaise qualité.

Ne trouvez-vous pas que quand cette matière devient de plus en plus rare et hors de proportion avec les besoins chez nous comme dans les autres pays, il est convenable, comme le dit l'honorable rapporteur, et de l'intérêt bien entendu du pays, de ne pas laisser sortir cette matière première ?

Vous comprenez que, quelles que soient les théories économiques qu'on professe, quelle que soit leur vérité, vous ne pouvez pas les appliquer ici dans leur rigueur. Vous refuser à faire exception à la règle, ce serait aller à rencontre des intérêts qu'on veut défendre ; vous frapperiez une industrie sans satisfaire ceux que vous voudriez servir. Je le démontrerai tout à l'heure.

Si la Chambre et le gouvernement ont toujours fait une exception en faveur de cette matière première, c'est qu'elle se trouve dans une position exceptionnelle.

En 1851, l'honorable M. Frère, ministre des finances, a proposé un grand projet abolissant les droits de sortie sur les produits d'un grand nombre d'industries.

Le gouvernement n'a pas songé à proposer la suppression du droit de sortie des chiffons ; aucun membre ne l'a proposée, il n'en a pas été question, c'était pourtant bien plus le cas de s’en occuper qu'à propos d'une pétition.

En 1853, on a présente un autre projet abolissant les droits de sortie sur un très grand nombre d'objets ; on n'a pas proposé encore d'abolir le droit de sortie sur les chiffons nécessaires à la papeterie.

L'honorable M. Liedts, alors ministre des finances, a proposé la suppression du droit de sortie sur les chiffons de laine, il a été très fortement combattu, mais pour les chiffons servant à la fabrication du papier, il n'a pas proposé d'abolir les droits de sortie.

Savez-vous comment s'exprimait cet honorable ministre dans la séance du 1er mars ? Le voici :

« La liberté de sortie doit exister même pour les déchets ; mais lorsque ces déchets sont limités par leur quantité, comme les drilles et chiffons, quand ils sont une matière indispensable pour le pays, alors on fait un petit mal à ses concitoyens pour procurer un plus grand bien à l'ensemble du pays.

« C'est le cas oµ se trouvent les drilles et chiffons. Ils sont d'une production limitée ; nos voisins n'en permettent pas la sortie et la papeterie en a besoin.

« En permettant la sortie chez nous, ce serait donc la destruction de toutes nos papeteries, en supposant, toutefois, qu'on les exportât, ce qui est douteux pour moi ; mais cette industrie a trop de racines dans le pays pour qu'on puisse s'exposer à lui porter préjudice. Il convenait dès lors d'inscrire dans la loi une exception en faveur de ces matières. »

Je ne pense pas qu'il y ait des motifs pour que la Chambre revienne sur l'opinion qu'elle a toujours eue jusqu'ici et qu'on n'a jamais combattue. Depuis l'époque que je viens de rappeler, la consommation du papier a augmenté et la production de la matière première est restée dans les mêmes conditions ; et toujours la Chambre a repoussé la réclamation qu'où lui adresse.

Maintenant, je le demande, que gagneraient à son admission ceux dans l'intérêt desquels on l'appuie ?

Il semblerait vraiment que les chiffonniers vont gagner des millions. Je pense que, dans les premiers temps, il y aurait des bénéfices assez notables pour les chiffonniers, mais du moment qu'il n'y aurait plus qu'un très petit nombres de papeteries, l'étranger leur ferait la loi, et il se trouverait que les chiffonniers auraient tué la poule aux œufs d'or ; ils seraient forcés de vendre leurs chiffons à des prix qui seraient bientôt avilis.

Je n'admets pas qu'il y aurait là un avantage pour les chiffonniers. Ce n'est pas un moyen de vendre un produit beaucoup plus cher que de se passer en quelque sorte de la consommation intérieure.

Quand on plaide en faveur de la liberté commerciale, on fait toujours valoir l'intérêt des consommateurs. Eh bien, ici l'intérêt des consommateurs est tout à fait contraire à la mesure qu'on préconise. Il est certain que si vous preniez une mesure qui ferait tomber un grand nombre de nos papeteries, au lieu d'avoir le papier au prix très bas auquel nous le vendons, le prix de 85 centimes par kil. pour le papier d'impression, vous devriez l’acheter plus tard au prix de 1 fr. 20 à 1 fr. 30 comme en Angleterre, et les journaux notamment auraient une aggravation de charge incroyable.

Cette mesure serait en quelque sorte de nature à porter atteinte aux intérêts de la presse, au moins de la presse à bon marché. (Interruption.) Il est évident que si la publication des journaux devenait trop coûteuse, il en résulterait un grave préjudice pour la presse.

Je crois donc qu'une mesure semblable ne doit pas être recommandée au gouvernement. Au contraire, le gouvernement doit persister dans le système qui a été suivi jusqu'à présent.

M. Coomans. - Un mot de réponse d'abord à la récrimination finale de l’honorable M. Sabatier. Je suis, dit-il, un libre échangiste de fraîche date ; en 1851, je me suis opposé absolument à la libre entrée des denrées alimentaires et au droit modéré de 50 c. L'honorable M. Sabatier se trompe.

M. Sabatier. - Je n'ai pas dit cela. J'ai dit que vous vouliez un droit de 1 fr. 50 c.

M. Coomans. - Le fait est que nous n'étions séparés que de 50 c. avec le gouvernement. Cela ne valait pas la peine de me faire un procès incidentel. Je demandais 1 fr. 50 c, et mes adversaires 1 fr. Ils sollicitaient la libre entrée des denrées alimentaires en faveur du pauvre, et moi, c'est précisément en faveur du pauvre, en faveur du petit cultivateur, que je soutenais un autre système, une protection égale pour tous les travailleurs belges. Je condamnais les privilèges et les catégories.

Je n'ai modifié en rien ni ma conviction, ni mon langage. J'ai dit, à cette époque, ce que je dis aujourd'hui.

Il me semblait, comme il me semble encore, que la protection modérée et générale est, économiquement parlant, le système le plus avantageux à l'ensemble des industries nationales. Je la préférais à la liberté du commerce, quoique celle-ci ne m'ait jamais inspiré la moindre répugnance.

Mais ce que je plaçais, ce que je place encore au-dessus de tous les systèmes d'économie politique, au-dessus de toutes les théories économiques et politiques, c'est la justice, c'est l'équité. Or, disais-je en 1850 et longtemps avant 1850, voulez-vous de la liberté du commerce pour l'agriculture ? Je vous l'accorde, je la veux bien. De toutes nos industries l'agriculture est celle qui peut le mieux s'accommoder de la liberté du commerce.

C'est ma conviction profonde, et je commence à croire qu'elle s'en trouvera parfaitement bien, lorsque les autres industries auront daigné subir le même régime, ce qu'elles se gardent de faire jusqu'à présent.

Je disais donc : Voulez-vous de la liberté du commerce ? Je l'accepte très volontiers au nom de l'agriculture. Mais ce que je ne veux pas, c'est que vous vous réserviez tous les bénéfices de la protection, qui est de la prohibition, comme l'a très bien dit l'honorable ministre des finances, c'est que vous, y compris l'honorable M. Sabatier et beaucoup de ses honorables amis, vous vous réserviez tous les bénéfices de la protection, en appliquant aux autres la belle doctrine que vous vous bornez à vanter en paroles, mais que vous vous gardez bien d'appliquer à vos propres intérêts industriels et commerciaux.

Je disais en 1850 : Votre réforme économique appliquée à l'agriculture m'est suspecte, parce que j'ai lieu de croire que vous ne la porterez pas plus loin, qu'une fois qu’elle sera appliquée à l'agriculture, vous serez satisfaits de la grande réforme que vous vantez tant.

On me disait que non ; qu'immédiatement on allait étendre l'application du système libéral à toutes les autres industries. L'a-t-on fait ? Nullement. On voit que j'avais alors raison, ma prophétie s'est vérifiée. La protection, la prohibition est maintenue pour beaucoup d'industries, et Dieu sait quand elle sera levée. Je crois que l'honorable M. Sabatier ne fera pas beaucoup d'efforts dans ce but ; j'en juge d'après la vivacité avec laquelle il soutient les conclusions insoutenables de son rapport.

Vous voyez donc, messieurs, que je n'ai pas varié, que je mets au-dessus de l'économie politique, la justice, l'équité, principe qui a seul dicté hier mon langage. Car, si je ne consultais que mes intérêts personnels et mes convenances électorales, je ne prendrais certainement pas le parti des pauvres, de ceux qui vendent les chiffons, contre les fabricants de papier qui les achètent. Hélas ! messieurs, le drap est électeur, le coton, le fil est électeur, le charbon est électeur, le fer est électeur, le papier est électeur ; il est même député quelquefois. Mais le pauvre chiffon n'est rien du tout, et c'est pour cela que l'honorable M. Sabatier a dit, en commençant son discours, que la Chambre s'intéressait peu à ce débat et qu'on employait de gros mots dans une petite affaire.

M. Sabatier. - Non, je n'ai pas dit cela. Voilà deux fois que vous tronquez mes paroles.

M. Coomans. - Que cela ne valait guère la peine de s'en occuper.

M. Sabatier. - Non, je n'ai pas dit cela.

M. Coomans. - Je l’ai compris ainsi, et to ? N’importe, j’accepte toutes les rectifications et j’ajoute que si le chiffonnier était électeur, vous l’écouteriez avec l'attention que vous voulez bien me prêter en ce moment.

Et puis que fait l'honorable M. Sabatier, qui se plaint que je modifie, du reste bien involontairement, son langage ? Il n'a pas cessé dans son discours de me prêter un thème dont je n'ai pas parlé. Il me fait toujours prendre la défense du chiffonnier. Mais je ne m'occupe pas spécialement du chiffonnier ; je mets le fabricant de papier sur la même ligne que lui ; je parle du propriétaire de chiffons, du pauvre, à qui, d'après l'aveu de la commission et de mon honorable contradicteur, on enlève chaque année 2 millions de francs. Le propriétaire de chiffons, c'est le pauvre, et il n'a guère d'autre propriété que le chiffon. Je dis, permettez-moi le mot, que c'est une indignité de percevoir 2 millions de fr. sur les chiffons. C'est bien pis que de percevoir la même somme sur le blé étranger, mangé par tous les Belges.

(page 81) Vous percevez donc sur les chiffons environ 2 millions de francs ; la somme est même plus forte, de l'aveu de l'honorable M. Nélis, qui m'a dit qu'il y aurait, pour les chiffons, en cas de libre sortie, une plus-value de 17 francs par 100 kilogrammes

Je dis qu'il est indigne que ceux qui parlent toujours de justice, de libéralisme et de grands principes économiques, permettent que l'on prélève, ne fût-ce qu'un million, sur la défroque du pauvre. Et l'on osera me dire que je cherche ici une vaine popularité, une popularité de mauvais aloi ! Il n'en est rien, messieurs. Je cherche la satisfaction de ma conscience et celle-là me suffira, dans toutes les situations, alors même que je serais impopulaire ; l'honorable M. Sabatier sait bien que j'ai été moins populaire que lui et ses amis dans le mauvais sens du mot.

Messieurs, je ne sais (ce n'est pas assurément votre désir) si je dois réfuter le long discours de l'honorable M. Nélis et celui de l'honorable M. d'Hoffschmidt. Ces messieurs se sont donné beaucoup de peine pour démontrer une chose que je leur accorde : c'est que la libre sortie des chiffons froisserait les intérêts des papetiers. C'est la vérité ; il ne fallait pas, pour prouver cela, de si longs discours. Mais ces honorables membres ne m'ont pas répondu un mot à mon point de vue ; ils ne m'ont pas prouvé que la prohibition est une chose juste. Or, c'est de cela seulement que je m'occupe, et encore une fois je place la justice et l'équité bien au-dessus des intérêts des fabricants de papier. La Chambre et le gouvernement devraient en faire autant.

Et puis vraiment on allègue dans ce débat des arguments étranges. L'honorable M. Nélis nous dit qu'il faut prohiber la sortie des chiffons pour maintenir le papier à bon marché, attendu qu'il y va du progrès des lumières, etc. Et pourquoi alors prélève-t-ou 15 à 18 p. c. de droit d'entrée sur le papier ? Si vous tenez tant au bon marché, lassez entrer le papier étranger. Je suppose que ce droit de 18 p. c. dont l'honorable M. Nélis fait fi depuis très peu de temps, n'a pas été inscrit dans notre Code douanier pour le bon plaisir de MM. les ministres. Il l'a été évidemment à la demande de MM. les papetiers. S'il n'en est pas ainsi, qu'on le supprime immédiatement, puisqu'on fera plaisir à tout le monde. Laissez-nous nous approvisionner de papier à l'étranger, où nous pouvons nous le procurer à bon marché. M. Nélis a beau dire qu'il ne tient pas à la protection, je me servirai à cet égard de l'expression qu'a employée l'honorable M. Prévinaire.

Ensuite, l'honorable M. d'Hoffschmidt vient nous parler de la liberté de la presse. Je ne sais pas ce que la liberté de la presse a à voir là-dedans. Puisqu'on parle des intérêts de la presse, j'en dirai un mot. L'intérêt de la presse est d'avoir le papier en tout temps à bon marché, mais qu'est-il arrivé ? Pendant plusieurs années (j'en sais quelque chose), MM. les fabricants de papiers se sont entendus, ils ont fait une sorte de conjuration renouvelée du moyen âge pour imposer aux journalistes un certain prix pour le papier ; et quand les journalistes se plaignaient auprès de MM. les papetiers du haut prix de cette marchandise, que nous répondaient-ils isolément ? Je dis isolément, car ensemble ils nous opposaient un contrat ; « Le papier est cher, vous le payez trop cher, nous en convenons, c'est une ruine pour la presse ; mais nous ne pouvons pas le fournir un centime de moins, il y a une parole d'honneur donnée ; nous ne pouvons vendre au-dessous du prix convenu entre les fabricants. » (Interruption.)

J'affirme que cela est vrai ; cela m'a été dit par beaucoup de monde, que l'honorable M. Nélis n'insiste pas sur ce point. Les papetiers s'étaient entendus entre eux, ce que font du reste d'autres industriels, pour fixer le prix de leurs produits.

M. d'Hoffschmidt. - Je crois que vous êtes dans l'erreur.

M. Coomans. - Je déclare à M. d'Hoffschmidt que je ne suis pas dans l'erreur ; si d'honorables membres ont fabriqué du papier, j'en ai consommé énormément. Je crois avoir le droit de parler du papier dans cette enceinte plus qu'aucun de mes honorables collègues, moi qui en ai acheté pour près de 500,000 fr. en cinq ou six ans.

Ensuite, messieurs, troisième argument plus étrange encore que ceux qui se trouvent dans l'étrange rapport de l'honorable M. Sabatier ; si, dit l'honorable membre, il ne s'agissait que de faire payer le papier plus cher aux Belges, nous ne dirions rien ; nous laisserions faire. Mais il s'agit de favoriser l'exportation ; vous tueriez l'exportation. Ainsi, d'après l'honorable membre, nous devrions supporter l'impôt dont est frappé le chiffon, non pas au profit des Belges, mais au profit des étrangers, afin de pouvoir livrer à l'étranger le papier à bon marché. (Interruption.) Si ce n'est pas là la portée de l'argument, je ne sais plus ce que parler veut dire. Je crois vous avoir bien compris.

M. Sabatier. - Non du tout.

M. Coomans. - Alors vous me feriez plaisir de vous expliquer plus nettement.

- Des membres. - A demain.

M. Coomans. - Non, j'en finirai aujourd'hui.

Et puis, messieurs, remarquez bien, je vous prie, que le chiffon a peu de valeur en soi, que le transport en est difficile et que si l'étranger doit venir nous l'acheter il ne peut pas l'avoir à des conditions aussi avantageuses que nos fabricants indigènes. J'espère bien qu'on m'accordera cela, que le chiffon coûte moins à Bruxelles que quand il est transporté de Bruxelles à l'étranger. Pourquoi donc le fabricant belge ne pourra-t-il pas soutenir la concurrence du fabricant étranger, alors qu'il jouira toujours de la protection résultant des frais de transports, de commission, etc. ?

Nos fabricants de papiers pousseraient-ils la modestie jusqu'à dire qu'ils ne peuvent pas travailler aussi économiquement que les fabricants étrangers ? J'espère bien que vous avez la prétention de fabriquer à aussi bon marché que vos concurrents, et puisque les chiffons nous ont toujours manqué, vous ferez ce que vous avez toujours fait, vous achèterez à votre tour des chiffons à l'étranger. (Interruption.)

Vous en achetez une très grande partie à l'étranger, à Hambourg notamment et vous en achetez dans des conditions telles, qu'il y a lieu pour la Chambre de s'indigner de ce qu'on a fait sous ce rapport. M. Prévinaire vous a prouvé que l'on pesait sur les chiffons belges d’une manière non seulement illégale, mais immorale. Vous fixez un prix pour les chiffons, vous vous entendez entre vous pour ne pas permettre qu'on donne un centime de plus et quand les prétentions des chiffonniers belges s'élèvent, vous faites venir des chiffons de Hambourg et d'ailleurs pour forcer les détenteurs de cette matière première à vous la céder à vil prix.

Du reste, messieurs, la question de principe doit dominer. Il me semble toujours que les hommes vivent en société pour observer certaines règles de justice fixe et invariable, surtout dans le siècle où nous sommes.

Que signifient toutes ces contradictions et surtout que signifient-elles quand elles sont basées sur des intérêts privés ? En définitive, vous ne nierez pas que la prohibition est une expropriation et de quel droit expropriez-vous ? De quel droit surtout expropriez-vous le pauvre sans indemnité ?

L'impôt sur le chiffon ne fût-il que d'un million, il est encore beaucoup trop lourd ; mais il est de deux millions, d'après vos propres calculs.

Les chiffons manquent, dites-vous ; mais si la production du papier s'accroît, celle des chiffons s'accroît également, par l'excellente raison que les vêtements sont aujourd'hui moins solides, qu'ils ont moins de valeur qu'autrefois et qu'ils sont plus vite usés. Il en résulte qu'il y a une plus grande quantité de chiffons à votre disposition.

Du reste, messieurs, je le demande de nouveau, la prohibition est-elle juste ? Y a-t-il, tout au moins, un grand intérêt national qui commande de la maintenir ? Si on ne peut pas prouver cela, on a tort et j'ai raison. Sur quoi je termine.

M. le président. - Je vais mettre aux voix les conclusions de la commission.

M. Prévinaire et d'antres membres. - Sans rien préjuger.

M. le président. - Elles ne préjugent rien.

- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.

La séance est levée à 5 heures.