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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 21 mai 1862

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1861-1862)

(page 1313) (Présidence de M. Vervoort.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Florisone, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Boe, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Florisone, secrétaire, présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Filleul se plaint d'être victime d'une décision judiciaire. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres de l'administration communale et des habitants d'Oostham demandent la construction du chemin de fer de Hasselt à Eyndhoven par le camp de Beverloo, qui est projeté par le sieur Missalle-Vifquin. »

- Même renvoi.


« Le sieur Hanroy demande que la loi sur la contrainte par corps contienne une disposition fixant la durée de cette contrainte. »

- Même renvoi.


« Le sieur Mangeot, à Gerpinnes, demande un congé pour son fils Emile, milicien de la classe de 1859. »

- Même renvoi.


« La dame Vermandere, directrice d'une école dentellière à Pitthem, se plaint de ce qu'on lui impose une patente comme fabricante de dentelle. »

- Même renvoi.

M. le Bailly de Tilleghem. - Je crois devoir appuyer vivement le renvoi de cette requête à la commission des pétitions, tout en proposant ce renvoi avec demande d'un prompt rapport.

Ce document renferme des détails pratiques, de nature à être tout particulièrement appréciés, pour bien éclairer la conscience du gouvernement et de la Chambre sur la situation critique dans laquelle les écoles dentellières pauvres de nos communes se trouvent placées du chef de la patente qu'on prétend imposer à ces établissements.

Je demande la permission de pouvoir recommander l'examen de ces sortes de requêtes d'une manière toute spéciale à la sollicitude de la commission des pétitions.

- La proposition de M. Le Bailly de Tilleghem est adoptée.


« Le sieur De Boeck, ancien brigadier des douanes, réclame l'intervention de la Chambre pour que l'arrêté du 9 septembre 1835, qui l'a privé de son grade, soit rapporté ; qu'une démission honorable lui soit donnée avec jouissance des appointements de brigadier, depuis le 1er août 1835 jusqu'au 1er janvier 1862, et qu'on lui accorde une pension. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Nicolaï, sous-brigadier des douanes pensionné, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir la révision de sa pension. »

- Même renvoi.


« Le sieur Jacques Leroi, demeurant à Bruxelles, né à Grave (Pays-Bas), demande la naturalisation. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


«Le sieur Greden, cultivateur à Udange, demande un congé de six mois pour son fils Pierre, milicien de la levée de 1861. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur de Wattimeau demande que le gouvernement présente le projet de loi de modifications à la loi sur la milice. »

- Même renvoi.


« Le sieur de Muynck, ancien préposé des douanes, réclame l'intervention de la Chambre pour qu'il soit ordonné une enquête sur les faits qui ont motivé sa destitution. »

- Même renvoi.


« M. Dupret, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.


« M. Ansiau, obligé de s'absenter pour affaires, demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.


« M. Frison, retenu chez lui, demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.


« M. J. Jouret, se trouvant dans l'impossibilité d'assister aux séances, demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.


« M. Tack demande un congé pour cause d'indisposition. »

- Accordé.


« M. Nothomb demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.

Projet de loi relatif aux jurys d’examen universitaires

Dépôt

MiVµ. - Messieurs, d'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de soumettre aux délibérations de la Chambre un projet de loi sur les jurys d'examen chargés de la collation des grades académiques.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de çe projet et la renvoie à l'examen des sections.

Projet de loi portant le budget de la dette publique de l’exercice 1863

Rapport de la section centrale

M. Crombezµ dépose le rapport sur le budget de la dette publique pour 1863.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi révisant le code pénal

Rapport de la commission

M. Pirmez, rapporteur. - Messieurs, la commission chargée de la révision du Code pénal s'est occupée des questions que vous lui avez renvoyées. J'ai à vous faire connaître le résultat de son examen, quant à quatre des questions qui lui ont été soumises.

Elle n'a pu encore prendre une décision sur la proposition de M. Nothomb tendante à faire insérer dans le nouveau Code un article en vertu duquel toutes les dispositions générales de ce Code seraient applicables aux infractions punies par des lois spéciales. Il y aura donc lieu de vous présenter à cet égard un rapport ultérieur ; je ne dois vous entretenir aujourd'hui que des autres points indiqués par M. Nothomb et de la proposition de M. Devaux.

(page 1314) La première question soulevée par M. Nothomb est celle-ci :

Ne faut-il pas rétablir dans le nouveau Code la disposition du projet primitif, qui attribuait à l'Etat les amendes en toute matière ?

Comme vous le savez, messieurs, dans une de vos dernières séances, M. Nothomb a exprimé la crainte que, par suite de la suppression de la disposition du Code actuel qui attribue aux communes les amendes en matière de simple police, on n'éprouve de l'embarras à attribuer le montant de ces amendes. C'est pour éviter toute difficulté à cet égard que l'honorable membre propose une disposition expresse portant attribution de toutes les amendes à l'Etat.

Votre commission ne redoute pas, messieurs, qu'aucune difficulté puisse résulter du silence du nouveau Code pénal ; eu effet, l'article du Code actuel s'occupant du produit des amendes de simple police va se trouver abrogé comme tout le Code auquel il appartient. Aucune disposition de lois en vigueur ne conférera à la commune de droit à ces amendes ; elles appartiendraient donc nécessairement à l'Etat, à qui sont tous les biens sans maître, et toutes les amendes dont il n'est pas spécialement disposé.

Toutefois, comme il n'y a aucun inconvénient à satisfaire à la demande de M. Nothomb, votre commission vous propose de faire une addition à l'article 49, qui écartera tout scrupule.

Votre commission propose de dire dans le troisième alinéa :

« Elles seront perçues au profit de l'Etat. »

Il sera donc constant, messieurs, que toutes les amendes portées par le Code pénal, comme toutes celles que comminent des lois particulières sans en faire une attribution exceptionnelle, appartiendront à l'Etat.

Mais quant aux amendes dont certaines lois indiquent la destination, comme certaines lois fiscales, elles continueront à être régies par ces lois particulières, c'est un principe en effet qu'une loi générale ne déroge pas à une loi particulière.

La seconde question soulevée par l'honorable M. Nothomb est celle de savoir s'il ne faut pas rétablir dans le projet l'article 110 du projet primitif, portant que l'appréciation des circonstances atténuantes est réservée aux cours et tribunaux.

Au fond il s'agit de décider si c'est à la cour ou au jury qu'appartiendra la constatation des circonstances atténuantes.

Dans la forme, il faut déterminer si c'est dans le Code pénal que doit être inscrite la disposition tranchant cette question.

Votre commission a examiné la proposition à ces deux points de vue.

Quant au fond, votre commission par six voix contre une, est d'avis que la déclaration des circonstances atténuantes doit appartenir à la cour. La cour est en effet chargée d'apprécier l'intensité de la peine que mérite le fait constaté par le jury ; elle a aussi à tenir compte des circonstances qui ont accompagné l'infraction ; qu'il faille s'en occuper pour fixer la peine dans les limites du maximum et du minimum ou pour la faire descendre au-dessous du taux ordinaire, l’appréciation est une, et ne paraît pas devoir être divisée.

En présence de cette déclaration de principe, qui répond à ses vues, l'honorable M. Nothomb n'a pas insisté pour qu'une disposition expresse fût insérée dans le Code pénal.

Il a été reconnu, du reste, que la proposition soulevait plutôt une question de compétence qu'une question de droit pénal proprement dit, qu'il fallait aussi la réserver pour le Code d'instruction criminelle ou plutôt pour une loi transitoire qui devra être promulguée en même temps que le nouveau Code pénal.

Enfin, M. Nothomb propose de conserver sous la législation nouvelle, seulement, aux cours - chambres des mises en accusation - la faculté de correctionnaliser, par une décision rendue à l'unanimité, certains faits qualifiés crimes.

Votre commission, à l'unanimité de ses sept membres, est d'avis que cette disposition ne rentre, à aucun point de vue, dans la matière du droit pénal ; elle ne concerne qu'une question de forme ; il s'agit non pas de décider si l'admission de circonstances atténuantes pourra modifier la peine ou le degré de l'infraction, mais de déterminer l'autorité qui constatera et le moment où pourront être constatées les circonstances atténuantes.

Votre commission vous propose donc, sans rien préjuger quant au fond du débat, de ne pas changer le projet qui vous est soumis, en y introduisant des dispositions relatives à la correctionnalisation des crimes.

Cette matière devra faire l'objet de la loi transitoire que nous aurons à voter.

Messieurs, votre commission s'est ensuite occupée de la proposition de l'honorable M. Devaux. cette proposition est ainsi conçue ;

' » Je propose de soumettre à l'examen de la commission la question de savoir s'il ne faut pas rétablir, dans certains cas, la peine du bannissement. »

La commission s'est divisée sur l'accueil à faire à cette proposition.

J'ai à vous exposer les éléments du débat et l'opinion de la majorité.

Messieurs, il n'est pas de peine dont les avantages et les inconvénients aient été plus différemment appréciés que la peine du bannissement.

Les uns ont voulu l'appliquer à toutes les infractions d'une certaine gravité, quelle que soit leur nature, pensant qu'il suffit, pour protéger la société, d'écarter de son sein ceux qui ont porté atteinte à l'ordre qui doit y régner.

Mais on a fait remarquer avec beaucoup de raison que si un pareil système était admis dans tous les pays, la législation pénale reviendrait en dernière analyse à faire opérer un échange de criminels entre les divers Etats ; aussi, cette doctrine absolue a-t-elle eu très peu de partisans.

Plusieurs criminalistes distingués, repoussant cette évidente exagération, enseignent que si la peine du bannissement ne convient pas à la plupart des infractions, elle offre d'incontestables avantages appliquée à la répression des infractions politiques.

Ces infractions prennent plus souvent leur source dans les passions que dans la dépravation ; celui qui a attenté à l'existence du gouvernement de son pays, ne peut-il devenir un excellent citoyen en pays étranger où il sera forcément éloigné, par sa nationalité même, des affaires publiques ?

N'a-t-on pas garanti la société de ses entreprises coupables en le tenant à distance du lieu où seulement elles peuvent réussir ?

C'est aussi pour les matières politiques seulement que M. Devaux vous propose de rétablir la peine du bannissement. L'honorable membre ajoute à ces raisons souvent indiquées des considérations particulières. Il craint qu'à l'égard de certains condamnés, le gouvernement ne soit parfois contraint par la pression de l'opinion publique à ne pas maintenir l'exécution de la détention ; si le bannissement, complètement effacé du Code, ne peut être substitué à la détention, ne sera-t-on pas amené à accorder des remises entières de peines ?

La commutation de la détention en réclusion n'éviterait-elle pas le double écueil d'une répression repoussée par l'opinion ou d'une impunité dangereuse ?

Mais, messieurs, de graves objections s'élèvent encore contre le bannissement appliqué même seulement aux faits politiques.

D'abord cette peine est-elle suffisamment efficace ?

Si elle est très dure, cruelle parfois contre ceux qui ne peuvent trouver à l'étranger les moyens de subsister, elle perd toute rigueur à l'égard du coupable jouissant d'une position de fortune indépendante.

Cette peine est donc surtout entachée de ce vice d'inégalité de sévérité essentiellement contraire à la justice ; elle atteint les uns sans frapper les autres.

Mais offre-t-elle quelques garanties à la société ?

Si vous l'appliquez, par exemple, aux auteurs d'écrits provoquant à la révolte, qui empêchera ces écrivains de répondre encore leurs écrits incendiaires ? Vivant dans un pays voisin, n'ont-ils pas les mêmes facilités que s'ils habitaient encore parmi nous ?

L'appliquerez-vous aux auteurs de complots ? Mais souvent vous établirez des foyers de conspiration aux portes mêmes du pays. Ils y seront plus dangereux qu'au cœur du pays ; vous affranchirez les manœuvres coupables de toute surveillance et les auteurs de toute crainte du châtiment.

Et si les coupables sont sur vos frontières, quelles réclamations pourrez-vous faire aux gouvernements voisins ? Ne pourront-ils pas toujours vous répondre que vous vous plaignez à tort de la présence des bannis sur leur territoire, puisque vous les y avez envoyés ?

Si l'on examine surtout les motifs spéciaux qui ont guidé l'honorable M. Devaux dans la proposition qu'il a faite, on ne tarde pas à découvrir qu'ils ont moins d'importance qu'on ne leur en attribue au premier abord.

Pour l'honorable M. Devaux, la peine du bannissement doit être surtout un moyen d'éviter l'impunité.

M. Devaux. - J'ai dit tout le contraire.

M. Pirmez. - Mes souvenirs me serviraient bien mal, si M. Devaux n'avait pas indiqué le rétablissement du bannissement comme un moyen d'éviter l'impunité.

M. Devaux. - Comme un moyen de commutation de peine.

M. Pirmez. - C'est ainsi que je l'entends.

M. Devaux présente le bannissement comme devant remplacer la détention lorsque l'opinion publique réclamerait contre le maintien d'une incarcération trop prolongée ; le bannissement serait un moyen terme entre (page 1315) la privation de la liberté dont il faudrait faire remise et l'impunité qui serait à éviter.

Il s'agit donc de savoir si l'introduction de la peine du bannissement fournira un moyen de maintenir une répression suffisante des faits criminels politiques.

Il s'est opéré, messieurs, à l'égard de ces faits un phénomène moral très remarquable.

Les législations accumulaient toutes leurs sévérités contre les crimes de lèse-majesté ; la peine semblait pouvoir n'être pas assez rigoureuse lorsque le méfait s'attaquait au pouvoir social lui-même, et s'il se fût pas agi de supprimer la peine de mort, on eût sans doute été d'accord pour la conserver comme répression des attentats contre le gouvernement.

Nos lois se sont adoucies ; les châtiments mitigés ne sont encore appliqués qu'à regret, et la peine de mort n'est plus prononcée là où elle semblait à jamais être nécessaire.

Rien n'est plus heureux que le changement que je signale, il semble éloigner le danger de ces terribles rigueurs que l'histoire nous montre à chaque page, exercées par ceux qui ont le pouvoir contre ceux qui ne s'y soumettent pas.

Ces excès de répression ancienne ont produit surtout dans l'opinion publique, une réaction très grande.

On oublie le danger d'un complot ou d'un attentat quelconque, pour se livrer à une sécurité si confiante qu'elle tend toujours à considérer la répression comme trop sévère.

Le législateur est obligé à une prudence plus grande ; s'il doit être heureux de se conformer toujours à ce que commande l'adoucissement des mœurs, il faut qu'il craigne de désarmer complètement la société, de l'exposer seulement à être désarmée contre des faits qui peuvent jeter le plus grand trouble dans un Etat, renverser même les institutions qui font la prospérité et la gloire d'un peuple.

Si, dans beaucoup d'infractions politiques, le succès justifie et, au lieu de la peine qui suit d'ordinaire la condamnation du fait, il apporte honneur et dignité, il ne faut pas que l'échec innocente ; les espérances de la réussite doivent être balancées par la crainte des revers. Tout autre système serait un encouragement à des entreprises coupables contre la société.

Aussi, messieurs, à ce point la proposition qui nous est faite doit être regardée comme se rattachant aux devoirs les plus impérieux de la prudence imposée aux hommes d'Etat. Ce n'est pas assez que la loi inscrive dans ses textes une répression sérieuse, il faut encore que la répression édictée ne puisse être paralysée et surtout ne contienne en elle le germe même de son inefficacité.

Le rétablissement du bannissement, comme moyen de commutation de peine, aurait-il l'effet d'assurer une répression que nous pourrions craindre de ne pas avoir si cette peine n'était pas rétablie ?

Telle est la question, messieurs. Quand l'exécution d'une condamnation est nécessaire, c'est un acte de faiblesse de la part du gouvernement de faire remise de la peine.

Mais, si nous craignons ces défaillances du pouvoir, soit par des entraînements de confiance et de clémence, soit par la pression de l'opinion, serait-ce un remède salutaire que de lui présenter une espèce de moyen terme, cette ressource si ardemment saisie par les esprits faibles ?

S'il y a danger de voir l'impunité résulter de la grâce accordée à un détenu pour des faits politiques, il y a certitude que le gouvernement qui accorderait cette grâce intempestive n'hésitera pas à accorder la commutation qui le sauve des termes extrêmes.

La faculté du bannissement, dans ce cas, serait tout à la fois une arme pour demander et une excuse pour accorder ce qui peut-être sera dangereux. On eût reculé devant les dangers apparents de l'impunité, on passera sur les inconvénients égaux peut-être de l'exil.

Et ne serait-ce pas surtout à l'égard des coupables, dont la position dans la société rend les sollicitations puissantes, et pour qui le bannissement est sans rigueurs, que cette commutation sera fréquente, et n'est-ce pas alors qu'elle sera surtout regrettable ?

La proposition de M. Devaux ne ramène-t-elle pas ainsi, par une autre voie, l'impunité qu'elle tend à écarter.

Mais, messieurs, c’est en entrant dans l'examen des moyens de réaliser cette proposition que la majorité de la commission a reconnu la difficulté qu'elle présente.

La commission s'est trouvée en présence de deux systèmes.

Le premier consiste à établir le bannissement comme peine principale dans certains cas, ou au moins comme peine subsidiaire, comme pouvant servir à la commutation d'une autre peine. Il s'est présenté une position embarrassante.

Si on établit le bannissement comme peine principale ou subsidiaire, qu'arrivera-t-il si aucun des gouvernements voisins ne veut recevoir le banni ? Evidemment, on sera forcé de renoncer à cette peine, et l'on se trouvera dans la nécessité de laisser le condamné en liberté ; la peine d'abord prononcée a, en effet, disparu par la commutation.

Le bannissement est un mode de répression qui ne dépend pas seulement de nous, mais qui exige l'intervention des pays voisins ; cette difficulté a fait écarter cette peine du projet de Code qui vous a été soumis, elle milite encore pour l'empêcher d'y rentrer.

Nous devons pouvoir appliquer les peines que nous comminons. Pour éviter cet inconvénient on a proposé un autre système.

Ce système consisterait non à rétablir le bannissement comme peine, mais à permettre l'exercice du droit de grâce sous une condition.

Dans cet ordre d'idées, il pourrait être fait remise de la peine de la détention au condamné qui l'aurait encourue, à la condition de quitter le pays pendant la durée de la peine.

Après l'expiration de ce terme, il sera dans la même position que s'il l'avait subie ; la dette pénale sera acquittée.

S'il revient dans le pays auparavant, il sera soumis à l'exécution de la condamnation qu'il aura encourue et qui reprend tous ses effets par la contravention à la condition de la grâce.

Mais on se trouve ici en présence d'une nouvelle alternative, que la majorité de la commission a jugée également inadmissible.

Admettra-t-on que le condamné, saisi en Belgique après un exil de quelque temps, n'aura à subir que ce qui resterait à courir de sa peine, s'il était demeuré sous les verrous ? Mais on laisserait ainsi le choix de subir la peine qui lui plairait, le châtiment serait à la merci du condamné !

Lui fera-t-on au contraire reprendre l'expiation de la peine au point où elle était lors de la grâce conditionnelle ?

Mais si l'exilé revient, au moment où le terme est près d'expirer, n'arrive-t-on pas à un résultat bien rigoureux ? La durée de la peine a été mesurée ; le terme de l'expiation est arrivé et le condamné aurait encore de longues années de captivité à subir.

Il faut surtout, pour convaincre des positions inacceptables que peut entraîner l'admission de ce système de grâce conditionnelle, se mettre en présence du cas, où c'est la nécessité de se procurer des moyens d'existence qui ramène le banni dans sa patrie.

L'auteur principal du crime vivra dans l'aisance, peut-être la punition sera légère pour lui ; et si un complice, qui ne peut subsister à l'étranger, vient se présenter, vous serez forcé de le détenir, de le renfermer. Moins favorisé par la fortune qu'un autre plus coupable que lui, il devra subir un châtiment différent.

Ce résultat est complètement inadmissible. Il est impossible que vous soumettiez l'exécution des peines à des circonstances aussi complètement étrangères à la répression elle-même et aux méfaits qui ont été commis.

C'est par ces considérations que la majorité de votre commission refuse de replacer dans le Code pénal, sous une forme ou sous une autre, la peine du bannissement qui a été écartée sans difficulté par la Chambre et par le Sénat, lors de la révision du premier livre du Code pénal. La proposition de l'honorable M. Devaux a été rejetée par trois voix contre deux.

MpVµ. - Ce rapport sera imprimé aux Annales parlementaires. La Chambre désire-t-elle qu'il soit imprimé séparément comme pièce de la Chambre ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il est utile qu'on l'imprime séparément pour qu'il figure dans la collection des pièces de la Chambre.

- La Chambre décide que le rapport sera imprimé aux Annales parlementaires et comme pièce de la Chambre.

Discussion générale

MpVµ. - Rien n'empêche de s'occuper de la première proposition de M. Nothomb, puisque la commission est d'accord avec lui. Quant aux autres propositions, M. Nothomb étant absent, nous pourrons les réserver jusqu'à ce qu'il soit ici et commencer l'examen des modifications proposées au premier livre du Code pénal.

M. Coomans. - Une indisposition assez grave, qui exige des soins immédiats, empêchera l'honorable M. Nothomb, pendant deux ou trois jours, d'assister aux débats de la Chambre. Je pense qu'il n'y aura opposition de la part de personne, si je demande que les points essentiels soulevés par mon honorable ami, soient tenus en réserve jusqu'à ce que l'honorable membre puisse prendre part à la discussion.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, l'honorable M. Nothomb a appelé l'attention de la Chambre sur quatre points.

Le premier est relatif aux amendes de simple police, que M. Nothomb désire voir attribuer à l'Etat, par une disposition formelle de la (page 1316) loi. Il est fait droit à cette proposition, il n'y a donc pas lieu de s'y arrrêter.

La seconde observation de M. Nothomb est relative aux circonstances atténuantes, dont s'occupe l'article 90 du projet et que M. Nothomb voudrait voir dévolues, par le Code pénal, à l'appréciation des cours et tribunaux.

L'honorable M. Nothomb s'est rallié, au sein de la commission, à la résolution qui a été prise de laisser la décision de ce point à une disposition spéciale qui serait présentée ultérieurement par le gouvernement. Sous ce rapport encore, la présence de l'honorable M. Nothomb n'est pas nécessaire.

Une troisième proposition est relative aux circonstances atténuantes qui, aujourd'hui, permettent de renvoyer l'accusé devant le tribunal correctionnel.

Or, cette disposition n'a figuré dans aucune partie du Code qui a été proposé. Elle est tout à fait indépendante des dispositions soumises à la Chambre. Ce serait donc une proposition tout à fait nouvelle, et la Chambre aura à voir s'il y a lieu de s'en occuper ici. Mais, je le répète, cela ne se lie à aucun des articles adoptés lors du premier vote.

Enfin, messieurs, il y a un quatrième point.

Il s'agit de savoir s'il faut appliquer les dispositions générales du Code pénal aux matières spéciales.

Ce n'est que plus tard que la discussion surgira à cet égard, et j'espère qu'alors l'honorable M. Nothomb pourra y assister.

Ainsi, messieurs, en respectant toutes les convenances, nous pouvons aborder maintenant le premier livre du Code pénal.

M. Coomans. - Il n'entre certes pas dans les intentions de l'honorable M. Nothomb pas plus que dans les miennes de contrarier les convenances de la Chambre.

Je pourrai donc me rendre aux observations que vient de présenter l'honorable ministre de la justice, s'il était bien entendu que l'honorable M. Nothomb pourrait, avant la fin de la discussion, reproduire ses amendements et les observations qu'il a soumises à la Chambre.

Il est vrai que l'honorable M. Nothomb ne s'attache principalement qu'à deux points, la correctionnalisation et la question de savoir à qui attribuer l'appréciation des circonstances atténuantes.

M. Pirmez, rapporteur. - M. Nothomb s'est rallie à la proposition de la commission au sujet de la question de savoir qui connaîtra des circonstances atténuantes.

M. Coomans. - L'honorable membre tient à ce que l'appréciation des circonstances atténuantes n'ait jamais lieu que par les magistrats.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Nous sommes du même avis.

M. Coomans. - Alors je n'insisterai pas sur ce point.

Quant à la correctionnalisation, l'honorable M. Nothomb peut momentanément abandonner sa proposition pour la reproduire sous forme de disposition transitoire.

Messieurs, il me serait aisé de démontrer que ce n'est pas là une question de forme. Mon honorable ami l'a déjà fait. La correctionnalisation est la conséquence des principes du droit de grâce, des circonstances atténuantes et de l'échelle des peines. Ce sont des variétés, des nuances d'un même principe.

J'espérais ne pas avoir à insister. Je me résume en ce point-ci, c'est que je ne fais aucune opposition à ce que le débat continue, pourvu qu'il soit entendu que l'honorable M. Nothomb, dont nous apprécions tous la science et la loyauté, ait le droit de soutenir devant la Chambre les principes qu'il professe.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'occasion de soutenir ses principes et ses théories ne manquera pas à l'honorable M. Nothomb. Il est évident qu'avant la publication du Code, la Chambre devra être saisie d'un projet qui déterminera à qui appartiendra, de la cour ou du jury, l'appréciation des circonstances atténuantes.

La première commission qui a examiné le projet en 1851, comme la commission qui l'a élaboré, ont été d'avis que c'étaient les cours et tribunaux et non pas le jury qui devaient être investis de ce droit.

La commission actuelle est du même avis.

Tout le monde est donc d'accord à cet égard.

A cette occasion, messieurs, l'honorable M. Nothomb pourra soulever la question des circonstances atténuantes comme moyen, comme raison de correctionnaliser un crime.

L'on pourra examiner alors s'il y a lieu de maintenir le système actuel après que nous avons introduit dans le Code le droit pour la cour d'assises de diminuer de deux degrés la pénalité lorsque les circonstance atténuantes auront été reconnues.

Cette question est très grave, et j'ai eu l'honneur de dire dans une autre occasion que la commission qui a élaboré dans le temps le projet de loi d'organisation judiciaire était d'avis que ce système devait être abandonné. C'est une question qui donnera nécessairement lieu à d'assez longs débats qui n'appartiennent pas au Code pénal, qu'il n'y a pas lieu d'y mêler et qui trouveront très bien leur place ultérieurement.

M. Coomans. - Après les explications données par l'honorable ministre de la justice, je n'insiste pas davantage.

Discussion des articles amendés (Livre premier. Des infractions et de la répression en général)

Chapitre premier. Des infractions
Article 2

« Art. 2. Nul crime, nul délit, nulle contravention ne peuvent être punis de peines qui n'étaient pas prononcées par la loi avant qu'ils fussent commis.

« Néanmoins, si la peine établie au temps du jugement diffère de celle qui était portée au temps de l'infraction, la peine la moins forte est appliquée. »

La commission propose de dire à la fin du dernier paragraphe :

« ... la peine la moins forte sera appliquée. »

- Adopté.

Chapitre II. Des peines
Section I. Des divers espèces de peine
Articles 10 et 11

« Art. 10. L'emprisonnement de sept jours au plus est une peine de simple police. »

La commission propose de supprimer le mot « simple », et de dire :

« L'emprisonnement de sept jours au plus est une peine de police. »

- Adopté.


« Art. 11. L'interdiction de certains droits politiques et civils et le renvoi sous la surveillance spéciale de la police sont des peines communes aux matières criminelle et correctionnelle. »

La commission propose de dire :

«... des peines communes aux crimes et aux délits. »

- Adopté.

Section II. Des peines criminelles
Articles 14 à

« Art. 14. L'exécution aura heu publiquement dans la commune qui sera indiquée par l'arrêt de condamnation.

« Le condamné sera transporté de la maison de détention au lieu du supplice, dans une voiture cellulaire, accompagné du ministre du culte dont il aura réclamé ou admis le ministère.

« Il sera extrait de la voiture cellulaire au pied de l'échafaud et immédiatement exécuté. »

La commission propose de dire au deuxième paragraphe :

« Le condamné sera transporté de la prison au lieu du supplice... »

- Adopté.


« Art. 20. Les condamnés aux travaux forcés subissent leur peine dans des prisons appelées maisons de force.

« Les condamnés à la réclusion subissent leur peine dans des prisons appelées maisons de réclusion. »

La commission propose dans les deux alinéas de substituer le mot « subiront » au mot « subissent ».

- L'article ainsi modifié est adopté.


« Art. 21. Les condamnés aux travaux forcés et les condamnés à la réclusion sont renfermés, chacun isolément, dans une cellule. »

La commission propose la suppression de cet article à cause de l'article 41 nouveau introduit dans le projet de loi.

- La Chambre se réserve de se prononcer sur la suppression de l'article 21, après qu'elle aura statué sur l'article 41 nouveau.


« Art. 22. Chaque condamné est employé au travail qui lui est imposé.

« Une portion du produit de ce travail forme un fonds de réserve qui lui est remis à sa sortie ou à des époques déterminées après sa sortie.

« Cette portion ne peut excéder les quatre dixièmes pour les condamnés à la réclusion, et les trois dixièmes pour les condamnés aux travaux forcés. Le surplus appartient à l'Etat.

« Le gouvernement peut disposer de la moitié de ce fonds de réserve, au profit du condamné, pendant qu'il subit sa peine, ou au profit de la famille de celui-ci, lorsqu'elle se trouve dans le besoin. »

La commission propose de modifier cet article de la manière suivante :

« Art. 21. Chaque condamné sera employé au travail qui lui sera imposé.

Une portion du produit de ce travail forme un fonds de réserve, qui lui sera remis... »

- L'article ainsi modifié est adopté.


« Art. 21, Les condamnés à la détention sont renfermés dans une (page 1317) des forteresses du royaume ou dans une maison de réclusion ou de correction désignées par un arrêté royal. Ils ne communiquent pas entre eux.

« Ils ne communiquent avec les autres personnes de l'intérieur, ni avec celles du dehors, que conformément aux règlements. »

La commission propose de modifier le premier paragraphe de l'article de la manière suivante :

« Les condamnés à la détention seront renfermés... »

- Le premier paragraphe de l'article, ainsi modifié, est adopté.

La commission propose ensuite la suppression des deux derniers paragraphes ; la Chambre se réserve de se prononcer sur cette suppression, après qu'elle aura statué sur l'article 41 nouveau.


« Art. 26. La durée des travaux forcés à temps, de la réclusion et de la détention compte du jour où la condamnation est devenue irrévocable.

« Néanmoins, si le condamné ne s'est point pourvu en cassation, la durée de ces peines compte du jour de l'arrêt, nonobstant le pourvoi du ministère public, si ce pourvoi a été rejeté.

« Cette dernière disposition s'étend au cas où la peine a été réduite par suite du pourvoi, soit du ministère public, soit du condamné. »

La commission propose de modifier l'article de la manière suivante :

« Néanmoins, lorsque le condamné...

« ... si ce pourvoi est rejeté. Il en sera de même dans le cas où la peine... »

- L'article 26, ainsi modifié, est adopté.


« Art. 28. Toute condamnation à la peine de mort emporte, du jour où elle est devenue irrévocable, l'interdiction légale du condamné. »

- La commission propose de modifier cet article de la manière suivante :

« Toute condamnation à la peine de mort emporte l'interdiction légale du condamné. »

- L'article, ainsi modifié, est adopté.


« Art. 29. Sont en état d'interdiction légale, pendant la durée de leur peine :

« 1° Les condamnés contradictoirement aux travaux forcés, à la réclusion ou à la détention perpétuelle ou extraordinaire ;

« 2° Les condamnes contradictoirement à la détention ordinaire dans le cas de récidive ou du concours de plusieurs crimes prévus par l'article 75. »

La commission propose de rédiger le premier et le troisième paragraphe de la manière suivante :

« Seront en état... :

« 2° Les condamnés contradictoirement à la détention ordinaire dans le cas de récidive ou de concours de plusieurs crimes prévu par l'article 75. »

- Ces deux changements sont adoptés.

« 3° Les condamnés à mort dont la peine est commuée en une autre peine entraînant l'interdiction légale aux termes du présent Code. »

- La commission propose ensuite la suppression du dernier paragraphe.

Cette suppression est prononcée.


« Art. 31. Il est nommé au condamné, en état d'interdiction légale, un curateur pour gérer et administrer ses biens. Cette nomination n lieu dans les formes prescrites par le Code civil pour la nomination de tuteurs aux interdits. La commission propose de rédiger cet article de la manière suivante :

« Il sera nommé... Cette nomination aura lieu dans les formes... »

- L'article, ainsi modifié, est adopté.


« Art. 32. Lorsque l'interdiction a cessé, les biens du condamné sont remis et les comptes du curateur sont rendus à qui il appartient. »

La commission propose de modifier l'article comme suit :

« Lorsque l'interdiction aura cessé, les biens du condamné seront remis et les comptes du curateur seront rendus à qui il appartiendra. »

- L'article, ainsi modifié, est adopté.


« Art. 33. Pendant la durée de l'interdiction légale, il ne peut être remis au condamné aucune somme, provision ou portion de ses revenus. »

La commission propose de modifier l'article comme suit :

« Pendant la durée de l'interdiction légale, il ne pourra être remis... »

- L'article, ainsi modifié, est adopté.


« Art. 35. Les condamnés à l'emprisonnement correctionnel subissent leur peine dans des prisons appelées maisons de correction.

« Ils sont enfermés isolément dans une cellule. »

La commission propose de rédiger le premier paragraphe de la manière suivante :

« Les condamnés à l'emprisonnement correctionnel subiront leur peine dans des prisons appelées maisons de correction. »

- Ce paragraphe ainsi modifié est adopté.

La commission propose la suppression du deuxième paragraphe ; la Chambre se réserve de se prononcer sur cette suppression, après qu'elle aura statué sur l'article 41 nouveau.


« Art. 36. Les condamnés à l'emprisonnement correctionnel sont employés à l'un des travaux établis dans la maison, à moins qu'ils n'en aient été dispensés par le jugement ou l'arrêt de condamnation, qui devra toujours indiquer les motifs de cette dispense.

« Dans ce dernier cas, les condamnés peuvent se livrer aux occupations autorisées dans la maison. »

La commission propose de modifier l'article de la manière suivante :

« Les condamnés à l'emprisonnement correctionnel seront employés...

« Dans ce dernier cas, les condamnés pourront se livrer aux occupations autorisées dans la maison. »

- L'article ainsi modifié est adopté.


« Art. 37. Une portion du produit du travail du condamné à l'emprisonnement correctionnel est appliquée, partie à lui procurer quelques adoucissements, s'il le mérite, partie à former un fonds de réserve destiné à lui être remis à sa sortie ou à des époques déterminées après sa sortie. Cette portion ne peut excéder les cinq dixièmes. Le surplus appartient à l'Etat.

« Le gouvernement peut disposer de la moitié du fonds de réserve, en faveur de la famille du condamné, lorsqu'elle se trouve dans le besoin. »

La commission propose de modifier l'article de la manière suivante :

« Une portion du produit du travail du condamné à l'emprisonnement correctionnel sera appliquée...

« Le gouvernement pourra disposer... »

- L'article ainsi modifié est adopté.


« Art. 38. Lorsque le condamné se trouve eu état d'arrestation, la durée de la peine d'emprisonnement compte du jour du jugement.

« Si le condamné n'est écroué qu'après sa condamnation, la durée de la peine compte du jour de l'écrou.

« Toutefois, s'il y a eu appel ou pourvoi en cassation de la part du condamné, et que la peine n'ait pas été réduite, la durée de la peine ne compte que du jour où la condamnation est devenue irrévocable ou du jour de l'écrou, s'il est postérieur.

« Cette dernière disposition est applicable au cas où, par suite de l'appel ou du pourvoi du ministère public, une peine plus forte aurait été prononcée contre le condamné. »

La commission propose de modifier le premier paragraphe de la manière suivante : « ... du jour du jugement, nonobstant l’appel ou le pourvoi du ministère public et quel que soit le résultat de cet appel ou de ce pourvoi. »

Elle propose ensuite la suppression du dernier paragraphe.

- L'article ainsi modifié est adopté.

Section IV. De l'emprisonnement de simple police
Articles 39 à 41

« Art. 39. L'emprisonnement pour contravention ne peut être moindre d'un jour ni excéder sept jours. »

La commission propose de modifier l'article de la manière suivante :

« De l'emprisonnement, de police.

« Art. 39. L'emprisonnement pour contravention no peut être moindre d'un jour ni excéder sept jours, sauf dans les cas exceptés par la loi. »

- L’article ainsi modifié est adopté.


(page 1318) « Art. 40. Les condamnés à l'emprisonnement pour contravention subissent leur peine dans les prisons déterminées par le gouvernement. »

La commission propose de modifier l'article de la manière suivante :

« Les condamnés à l'emprisonnement pour contravention subiront leur peine dans les prisons déterminées par le gouvernement. »

- L'article ainsi modifié est adopté.


« Art. 41. Ils ne sont astreints à aucun travail et peuvent se livrer aux occupations autorisées dans la maison. »

La commission propose de modifier l'article de la manière suivante :

« Ils ne seront astreints à aucun travail et pourront se livrer aux occupations autorisées dans la maison. »

- L'article ainsi modifié est adopté.

Article 41 nouveau

La commission propose un article 41 nouveau, ainsi conçu :

« Dispositions communes aux sections II, III et IV. »

« Les condamnés aux travaux forcés, à la détention, à la réclusion et à l'emprisonnement, pourront être soumis au régime de la séparation.

« Dans ce cas, la durée des peines prononcées par les cours et tribunaux sera réduite dans les proportions suivantes :

« Des 4/12 pour la première année de la peine expiée par le régime de la séparation ;

« Des 5/12 pour les 2ème, 3ème, 4ème et 5ème années ;

« Des 6/12 pour les 6ème, 7ème, 8ème, 9ème et 10ème années ;

« Des 7/12 pour les 11ème, 12ème, 13ème et 14ème années ;

« Des 8/12 pour les 15ème, 16ème, 17ème et 18ème années ;

« Des 9/12 pour les 19ème et 20ème années.

« Cette réduction se calculera sur le nombre de jours de la peine ; elle ne s'opérera pas sur les excédants de jours qui ne donneraient pas lieu à une diminution d'un jour entier.

« La réduction sur les peines prononcées pour une partie d'année, se fera d'après la proportion établie pour l’année à laquelle cette partie appartient.

« La réduction sera la même, que le condamné ait été soumis au régime de la séparation d'une manière continue ou par intervalles, mais en ne tenant compte, pour la proportion à appliquer, que des années expiées par ce régime.

« Les condamnés aux travaux forcés à perpétuité et les condamnés à la détention perpétuelle ne pourront être contraints à subir le régime de la séparation, que pendant les neuf premières années de leur captivité. »

- Cet article est adopté.

La Chambre s'était réservé de se prononcer, après la discussion de l'art. 41 nouveau, sur la suppression de l'article 21, des deux derniers paragraphes de l'article 24 et du dernier paragraphe de l'article 35.

-La Chambre prononce successivement la suppression de ces diverses dispositions.

M. Coomans. - Je demande à la Chambre la permission de revenir un moment sur l'article. 41 nouveau qui vient d'être adopté. On y emploie le mot « séparation », et non le mot « isolement » qui a figuré dans d'autres articles. Je pense que le mot « séparation » est dans votre pensée parfaitement synonyme de mot « isolement » ; mais la synonymie n'est pas grammaticale. Des prisonniers peuvent être séparés, notamment par catégorie, sans être isolés. La substitution du mot « isolement » au mot « séparation » serait donc désirable.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est pour ne pas répéter à chaque instant le même mot.

MpVµ. - M. Coomans propose d'introduire le mot « isolement » au lieu de « séparation ».

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est le régime de l'isolement, du système cellulaire qui est réglé.

« Les condamnés aux travaux forcés, à la réclusion et à l'emprisonnement pourront être soumis au régime de la séparation. »

C'est parfaitement clair, il n'y a pas de doute, pas d'équivoque possible.

M. Coomans. - Ce n'est pas dans la grammaire.

M. Pirmez.— Je crois que l'observation ne porte pas sur les mots, comme le dit M. le ministre de la justice, mais que c'est une simple rectification. Je ne vois pas d'inconvénient à admettre le mot « isolement ». Cela revient exactement au même.

M. Moncheur. - Je ferai observer que le dernier paragraphe de l'article 35, qui contient le mot « isolement », est supprimé ; ce paragraphe est refondu dans l'ensemble de l'article 41.

L'espèce de bigarrure signalée par l'honorable M. Coomans, entre les mots « isolement » et « séparément » n'existe donc pas.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Comme on vient de le faire observer, le mot « isolement » disparaît de l'article 35.

Partout dans l'article 41, pour indiquer le système de l'isolement, on emploie le mot « séparation » ; il n'y a donc pas d'équivoque ni de doute possible.

- L'article est adopté.

Section V. Des peines communes aux crimes et aux délits
Articles 42 et 43

« Art. 42. Tout arrêt de condamnation à la peine de mort ou aux travaux forcés portera, pour le condamné, l'interdiction à perpétuité du droit :

« 1° De remplir des fonctions, emplois ou offices publics ;

« 2° De vote, d'élection, d'éligibilité ;

« 3° De porter aucune décoration, aucun titre de noblesse ;

« 4° D'être juré, expert, témoin instrumentale ou certificateur dans les actes ; de déposer en justice autrement que pour y donner de simples renseignements ;

« 5° De faire partie d'aucun conseil de famille, d'être appelé aux fonctions de tuteur, subrogé tuteur ou curateur, si ce n'est de ses enfants et sur l'avis conforme du conseil de famille ; comme aussi de remplir les fonctions de conseil judiciaire ou d'administrateur provisoire ;

« 6° De port d'armes, de faire partie de la garde civique ou de servir dans l'armée belge ;

« 7° De tenir école, d'enseigner ou d'être employé dans un établissement d'instruction à litre de directeur, de professeur, de maître ou de surveillant. »

- Adopté.


« Art. 43. Les cours d'assises pourront interdire en tout ou en partie, à perpétuité ou pour dix ans à vingt ans, l'exercice des droits énumérés en l'article précédent, aux condamnés à la réclusion ou à la détention. »

- Adopté.

Article 44

« Art. 44 (adopté en 1853). Les cours et tribunaux pourront, dans les cas prévus par la loi, interdire, en tout ou en partie, aux condamnés correctionnels, l'exercice des droits civils et politiques énumérés en l'article. 42, pour un terme de cinq à dix ans. »

« Art. 44 (amendement proposé). Les cours et tribunaux pourront interdire, en tout ou en partie, aux condamnés correctionnels, l'exercice des droits énumérés en l'article 42 pour un terme de cinq ans à dix ans.

« Ils ne prononceront cette interdiction que lorsqu'elle aura été autorisée ou ordonnée par une disposition particulière de la loi. »

- M. E. Vandenpeereboom remplace M. Vervoort au fauteuil.

M. Guilleryµ. - Il me semble que cette rédaction présente quelque chose d'anomal.

On dit dans le premier paragraphe : Les cours et tribunaux pourront interdire ; on leur donne donc une faculté, et dans le second on dit qu'ils ne pourront prononcer cette interdiction que lorsqu'elle aura été autorisée ou ordonnée par une disposition particulière de la loi. Il y a contradiction entre ces deux paragraphes.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Si l'on supprimait le dernier paragraphe, on pourrait inférer que les cours et tribunaux pourraient arbitrairement, en matière correctionnelle, interdire en tout ou en partie aux condamnés l'exercice des droits civils et politiques. C'est ce qu'on ne veut pas.

M. Guilleryµ. - D'accord.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Et c'est pour cela qu'il y a un paragraphe restrictif.

(page1319) M. Van Humbeeckµ. - Alors c'est comme si vous les supprimiez tous les deux.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il a fallu d'abord dire que les cours et les tribunaux pourraient prononcer cette peine en matière correctionnelle et il a fallu ajouter aussi qu'ils ne pourraient la prononcer que dans les cas déterminés par la loi.

M. Pirmez. - L'observation ne porte que sur la forme. Or, je crois qu'on pourrait la modifier de manière à faire disparaître les défauts qu'on signale, en disant :

« Les cours et tribunaux pourront, mais seulement dans les cas prévus par la loi, interdire, etc. »

M. Van Humbeeckµ. - C'est tout aussi inutile.

M. Moncheur. - C'est la première rédaction.

M. Pirmez. - Le but de l'article est de donner aux tribunaux correctionnels le pouvoir qu'ont les cours d'assises d'interdire, en tout ou en partie, aux condamnés l'exercice des droits civils et politiques ; mais les cours d'assises ont ce pouvoir dans tous les cas, et il faut bien dire que les tribunaux ne le feront que dans les cas où la loi leur en aura accordé le droit.

M. Van Humbeeckµ. - On fera donc une loi spéciale.

M. Pirmez. - Du reste, si l'on veut renvoyer l'article à la commission pour qu'elle y donne une autre forme, je n'y vois pas d'inconvénient.

M. le président. - On propose le renvoi à la commission.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je considère le renvoi à la commission comme une chose inutile. Quel est en définitive le but de l'article ? C'est de déclarer qu'en matière correctionnelle l'interdiction de l'exercice des droits civils et politiques pourra être prononcée dans les cas déterminés par la loi.

M. Guilleryµ. - La rédaction est excellente ainsi.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est la première rédaction. Si on la préfère, je ne vois pas d'inconvénient à la rétablir ; mais on a pensé qu'il valait mieux énoncer le principe dans un premier paragraphe et limiter par un second paragraphe ce droit aux cas prévus par la loi.

C'est, après tout, la même chose.

M. Moncheur. - La première rédaction me paraît meilleure.

M. Guilleryµ. - A moi aussi.

MpVµ. - S'oppose-t-on au renvoi à la Commission ?

M. H. Dumortier. - Il me semble que l'on est trop prompt à renvoyer aux sections, à la section centrale, ou à la commission spéciale dès que la moindre difficulté se présente. En vérité je ne sais pas où l'on aboutira si l'on continue à procéder ainsi.

Il s'agit ici d'une question sur laquelle on peut se mettre d'accord et sur laquelle on se déclare d'accord.

Pourquoi donc ces éternels renvois à la commission spéciale ?

M. Moncheur. - Je propose de mettre aux voix la première rédaction.

M. Guilleryµ. - C'est ce que je demande également.

M. Pirmez. - Voici comment je propose de rédiger l'article : « Les cours et tribunaux pourront, mais seulement dans les cas prévus par la loi, interdire en tout ou en partie, aux condamnés correctionnels l'exercice des droits énumérés en l'article 42, pour un terme de cinq ans à dix ans. »

Je supprime les mots « civils et politiques, » qui sont inutiles, parce qu'ils se trouvent dans un article précédent.

M. Van Humbeeckµ. - Les mots « mais seulement » sont inutiles.

M. Pirmez. - C'est pour indiquer que les cours et tribunaux n'ont pas les mêmes droits que les cours d'assises.

Ainsi, messieurs, on supprimerait les mots « civils et politiques » et au lieu de « 5 à 10 ans » on dirait « cinq ans à dix ans ».

M. le président. - Veuillez formuler votre proposition par écrit et me la transmettre.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - La première rédaction me semble bonne et elle pourrait être admise. La modification apportée à l'article 44 a été introduite par la commission qui a revu le livre premier ; cette commission a trouvé que la rédaction nouvelle était préférable. Quant à moi, je les trouve bonnes toutes les deux et je n'ai aucune préférence ; elles rendent l'une et l'autre l'idée qu'on a voulu exprimer.

M. Guilleryµ. - Je demande pardon à la Chambre d'insister ; cela peut paraître puéril ; mais en matière de lois et surtout de lois aussi importantes que celle-ci, il faut bien que nous discutions les questions de rédaction.

L'honorable rapporteur propose de dire : « Les cours et tribunaux pourront, mais seulement... » ; pourquoi ces mots : « mais seulement » ? Ils me paraissent inutiles. Je propose de les supprimer. On effacerait aussi les mots « civils et politiques », cela va de soi ; et l'on dirait « 5 ans à 10 ans » au lieu de « 5 à 10 ans ».

M. Pirmez. - Nous sommes d'accord.

M. le président. - Je mets aux voix l'article primitif, moins les mots « civils et politiques » et en remplaçant les mots « 5 à 10 ans » par ceux-ci : « cinq ans à dix ans. »

- L'article ainsi modifié est adopté.


« Art. 45. L'interdiction mentionnée dans les articles précédents produira ses effets du jour où la condamnation est devenue irrévocable.

M. Moncheur. - Je propose de dire « sera » au lieu de « est devenue irrévocable » ; c'est par oubli, sans doute, que le présent a été employé au lieu du futur.

- L'article 45 ainsi modifié est adopté.


« Art. 47. Les condamnés à une peine criminelle pourront être placés, par l'arrêt de condamnation, sous la surveillance spéciale de la police, pendant cinq ans au moins et vingt ans au plus.

« S'ils sont condamnés de nouveau à une peine criminelle, ils pourront être placés, pendant toute leur vie, sous cette surveillance.

« Tout condamné à mort, aux travaux forcés ou à la détention à perpétuité, qui obtiendra commutation ou remise de sa peine, sera de plein droit, sous cette surveillance pour un terme de vingt ans. »

L'amendement consiste dans la suppression du dernier paragraphe.

- Cette suppression est définitivement prononcée.

Section VI. Des peines communes aux trois genres d'infraction
Articles 49 à 54

« Art. 49. L'amende pour contravention est d'un franc à vingt-cinq francs.

« L'amende pour crime ou délit est de vingt-six francs au moins. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est ici qu'il faut ajouter la disposition proposée et qui a été admise par la commission et par le gouvernement. Cette disposition serait ainsi conçu :

« Elles seront perçues au profit de l'Etat. »

- L'article 49, ainsi complété, est adopté.


« Art. 51. En condamnant à l'amende, les cours et tribunaux ordonneront qu'à défaut de payement, dans le délai de deux mois à dater de l'arrêt ou du jugement, s'il est contradictoire ou de sa signification, s'il est par défaut, elle pourra être remplacée par un emprisonnement correctionnel, qui ne pourra excéder le terme d'un an, pour les condamnés à raison de crime ou da délit, et par un emprisonnement de police, qui ne pourra excéder le terme de sept jours, pour les condamnés à l'amende du chef de contravention.

« Les condamnés subiront ce supplément de peine dans la maison où ils ont subi la peine principale.

« S'il n'a été prononcé qu'une amende, l'emprisonnement est, suivant le cas, assimilé à l'emprisonnement correctionnel ou de police. » (suppression du mot « simple »).

- L'article 51 ainsi complété est adopté.


« Art. 52. Dans tous les cas, le condamné peut se libérer de cet emprisonnement en payant l'amende, il ne peut se soustraire aux poursuites sur ses biens en offrant de subir l'emprisonnement. »

- Adopté.


« Art. 54. La confiscation spéciale sera toujours prononcée pour crime ou délit.

« Elle ne sera prononcée pour contravention que dans les cas déterminés par la loi. »

Chapitre III. Des autres condamnations qui peuvent être prononcées pour crimes, délits et contraventions
Articles 55 à 59

« Art. 55. La condamnation aux peines établies par la loi sera toujours prononcée sans préjudice des restitutions et dommages-intérêts qui peuvent être dus aux parties. »

- Adopté.


« Art. 56. Lorsque la loi n'a point réglé les dommages-intérêts, la cour ou le tribunal en déterminera le montant, sans pouvoir toutefois en prononcer l'application à une œuvre quelconque, même du consentement de la partie lésée. »

- Adopté.


« Art. 57. L'exécution des condamnations aux restitutions, aux dommages-intérêts et aux frais peut être poursuivie par 1a voie de la contrainte par corps.

« Toutefois, cette contrainte ne pourra être exercée contre la partie civile, ni contre les personnes civilement responsables du fait, si ce n'est en vertu d'une décision du juge. »

- Adopté.


« Art. 59. La contrainte par corps ne sera exercée ni maintenue contre les condamnés qui auront atteint leur soixante et dixième année. »

- Adopté.

Article 60

« Art. 60. Lorsque les biens du condamné sont insuffisants pour couvrir les condamnations à l'amende, aux restitutions et aux dommages-intérêts, les deux dernières condamnations auront la préférence.

« En cas de concurrence de l'amende avec les frais de justice dus à l'Etat, les payements faits par les condamnés seront imputés en premier lieu sur ces frais. »

M. Guilleryµ. - On dit : lorsque les biens du condamné sont..., et plus loin : ... les deux dernières auront la préférence.

Il me semble qu'il faudrait employer le futur au commencement comme à la fin du paragraphe, ou le présent partout.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Soit !

M. Guilleryµ. - Ensuite cette expression : « les deux dernières condamnations auront la préférence » me paraît assez singulière.

M. le président. - Faites-vous une proposition ?

M. Guilleryµ. - Je me borne à soumettre cette observation à M. le ministre de la justice et à l'honorable rapporteur de la commission. Je voudrais « ces deux dernières condamnations seront appliquées de préférence » ou quelque chose d'analogue.

M. Moncheur. - Il s'agit encore une fois ici d'une éventualité ; c'est le même cas que celui dont j'ai parlé tout à l'heure ; il me semble donc aussi qu'il faut dire « seront ».

M. Guilleryµ. - Je ne fais pas de proposition, je considère ceci comme une simple conversation.

« Lorsque les biens du condamné sont insuffisants pour couvrir les condamnations à l'amende, aux restitutions et aux dommages-intérêts, les deux dernières condamnations ont la préférence. »

Je voudrais un autre mot.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est le mot du Code actuel, je ne vois pas la nécessité de le changer ; c'est le mot de l'article 54. « En cas de concurrence de l'amende avec les restitutions et les dommages-intérêts sur les biens insuffisants du condamné, ces dernières condamnations obtiendront la préférence. »

Veut-on dire « obtiendront » au lieu de « auront la préférence » ?

M. Guilleryµ. - C'est encore pire.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Comme cette expression n'a jamais soulevé de difficulté, je préfère la maintenir.

M. Coomans. - L'observation critique de M. Guillery me paraît fondée ; elle porte, dit-on, sur une expression déjà employée par le Code, Ce n'est pas une raison pour ne pas changer le mot ; si nous n'avions pas la prétention d'améliorer le Code actuel, notre travail n'aurait pas de but.

Je proposerai de dire : « Lorsque les biens... les deux dernières condamnations auront la priorité. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je maintiens l'expression employée.

M. Pirmez, rapporteur. - Le mot « priorité » est moins bon que le mot « préférence ». Il indique surtout l'antériorité ; or le but de l'article est de déterminer, quand l'exécution se fait en même temps, la condamnation qui est privilégiée. Le mot « préférence » est le terme exact.

M. Guilleryµ. - Je prendrai à l'article 54 ce qu'il me paraît avoir de bon ; « Dans le cas d'insuffisance des biens du condamné pour couvrir l'amende, les restitutions et les dommages-intérêts... les deux dernières condamnations seront seules appliquées.

M. Pirmez, rapporteur. - Je me rallierai à la modification que M. Guillery propose au commencement de l'article ; mais je ne puis admettre celle de la fin. Il en résulterait qu'en cas d'insuffisance pour payer une partie de l'amende, on n'en payerait aucune partie ; il faut qu'en cas d'insuffisance pour couvrir toutes les condamnations, les deux premières soient d'abord exécutées et l'autre à concurrence de ce qui reste.

M. le président. - Je mets aux voix la proposition de la commission, amendée par M. Moncheur.

M. Vilain XIIII. - Et l'amendement de M. Guillery ?

M. le président. - M. Guillery a dit qu'il ne faisait pas de proposition.

M. Guilleryµ. - Je propose, d'accord avec M. Pirmez, puisqu'il s'est rallié à ce changement : « En cas d'insuffisance des biens du condamné pour couvrir les condamnations, etc. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Vous commencerez alors les deux paragraphes de la même manière.

L'article, tel qu'il est rédigé, vaut mieux que les modifications qu'on propose.

- L'art. 60, proposé par la commission et amendé par M. Moncheur, est mis aux voix et adopté.

Chapitre V. De la récidive
Articles 66 et 67

« Art. 66 (dernier paragraphe). Si le crime emporte les travaux forcés de 15 à 20 ans, le coupable sera condamné à 17 ans au moins de cette peine. »

Au lieu de : « au maximum de la peine. »

- Cet article ainsi modifié est adopté.


« Art. 67 (dernier paragraphe). Si le crime emporte la détention extraordinaire, le coupable sera condamné à dix-sept ans au moins de cette peine. »

Au lieu de : « au maximum ».

- Cet article ainsi modifié est adopté.

Chapitre VI. Du concours de plusieurs infractions
Article 77bis

« Art. 77 bis. Lorsque le même fait constitue plusieurs infractions, la peine la plus forte sera seule prononcée.

- Cet article est adopté.

M. Pirmez. - Je demanderai que le numéro de l'article soit tenu en réserve. On trouvera moyen de fondre deux articles en un seul pour ne pas changer l'ordre qui a été définitivement adopté.

- Cette proposition est adoptée.

Chapitre VII. De la participation de plusieurs personnes au même crime ou délit et du recélement
Articles 80

« Art. 80. Ceux qui, connaissant la conduite criminelle des malfaiteurs exerçant des brigandages ou des violences contre la sûreté de l'Etat, la paix publique, les personnes ou les propriétés, leur auront fourni habituellement logement, lieu de retraite ou de réunion, seront punis comme leurs complices. »

Au lieu de « seront » et « sont ».

- Cet article, ainsi rédigé, est mis aux voix et adopté.

MpVµ. - L'intitulé du chapitre VII était ainsi conçu ;

« De la participation de plusieurs personnes au même crime ou délit et du recèlement. »

On propose la suppression des mots : « et du recèlement ».

- Cette suppression est adoptée.

Chapitre VIII. Des causes de justification et d’excuse
Articles 84 à 86

« Art. 84. L'accusé ou le prévenu, âgé de moins de seize ans accomplis au moment du fait, sera acquitté s'il est décidé qu'il a agi sans discernement ; mais il sera, d'après les circonstances, remis à ses parents ou conduit dans une maison de correction, pour y être élevé et détenu pendant un nombre d'années qui ne pourra dépasser l'époque où il aura accompli sa vingt et unième année. »

Amendement proposé à cet article :

« ...Mais il sera, d'après les circonstances, renvoyé à ses parents ou mis à la disposition du gouvernement, pour un temps qui ne pourra dépasser l'époque où il aura accompli sa vingt et unième année.

« Dans ce dernier cas, il sera placé dans un des établissements spéciaux de réforme, ou mis en apprentissage cites des cultivateurs, chez des artisans, ou dans un établissement de charité. Le gouvernement pourra le renvoyer h ses parents, si, dans la suite, il présente des garanties suffisantes de moralité. »

- L'article ainsi amendé est adopté.


(page 1321) « Art. 85. S'il est décidé qu'il a agi avec discernement, les peines seront prononcées ainsi qu'il suit :

« S'il a encouru la peine de mort, les travaux forcés ou la détention perpétuelle, il sera condamné à un emprisonnement de dix ans au moins et de vingt ans au plus.

« S'il a encouru la peine des travaux forcés à temps ou la détention extraordinaire, il sera condamné à un emprisonnement de cinq à dix ans.

« S'il a encouru la réclusion ou la détention ordinaire, il sera condamné à un emprisonnement d'un à cinq ans.

« Dans tous les cas, il pourra être placé, par l'arrêt ou jugement, sous la surveillance de la police, pendant cinq ans au moins-et dix ans au plus. »

Amendements proposés à cet article :

« ... à un emprisonnement de cinq ans à dix ans.

« ... à un emprisonnement d'un an à cinq ans. »

- L'article ainsi modifié est adopté.


« Art. 86. Lorsque l'individu âgé de moins de seize ans aura commis, avec discernement, un délit, la peine ne pourra s'élever au-dessus de la moitié de celle à laquelle il aurait été condamné s'il avait eu seize ans. »

Amendement proposé.

« En aucun cas, il ne pourra être placé sous la surveillance spéciale de la police, ni condamné à l'interdiction de tout ou partie des droits énumérés à l'article 42. »

- L'article ainsi modifié est adopté.

Chapitre IX. Des circonstances atténuantes
Articles 90 à 96

« Art. 90. Si l'existence de circonstances atténuantes est constatée en faveur d'un accusé déclaré coupable, les peines sont modifiées conformément aux dispositions qui suivent. »

Amendement proposé.

« ... les peines criminels seront réduites ou modifiées conformément aux dispositions qui suivent. »

- L'article ainsi modifié est adopté.


« Art. 93. Dans le cas où la loi prononce le maximum d'une peine criminelle, la cour appliquera le minimum de cette peine, ou même la peine immédiatement inférieure, conformément aux articles précédents. »

Amendement proposé.

« Dans le cas où la loi prononce une peine criminelle en en élevant le minimum, la cour appliquera le minimum ordinaire de cette peine ou... »

- L'article ainsi modifié est adopté.


« Art. 94. Les coupables dont la peine criminelle aura été commuée en un emprisonnement pourront être condamnés à une amende de vingt-six à mille francs.

« Ils pourront être interdits, en tout ou en partie, des droits mentionnés à l'article 42 du présent Code, pendant cinq ans au moins et dix ans au plus, à compter du jour où ils auront subi leur peine.

« Ils pourront, en outre, être placés, par l'arrêt, sous la surveillance spéciale de la police durant le même nombre d'années. »

Amendements proposés :

« ... à une amende de vingt-six francs à mille francs.

« Ils pourront être condamnés à l'interdiction de tout ou partie des droits mentionnés à l'article 42 du présent Code, pendant cinq ans au moins et dix ans au plus. »

- L'article ainsi modifié est adopté.


« Art. 95. Lorsqu'il existe des circonstances atténuantes en faveur du prévenu, les peines d'emprisonnement et d'amende, prononcées par le présent Code, pourront être modifiées ou réduites, conformément aux dispositions suivantes : »

Amendement proposé :

« ... les peines correctionnelles portées par le présent Code...

« Si l'emprisonnement et l'amende sont prononcés, ces peines pourront respectivement être réduites au-dessous de huit jours er au-dessous de vingt-six francs.

« Les juges pourront aussi appliquer séparément l'une ou l'autre de ces peines.

- Adopté.


« Art. 96. Si la peine d'emprisonnement est prononcée seule, elle pourra être réduite au-dessous de huit jours, et les juges pourront même y substituer une amende qui n'excédera pas cinq cents francs.

« Si l'amende seule est prononcée, cette peine peut être réduite au-dessous de vingt-six francs.

« En aucun cas, les peines d'emprisonnement et l'amende, réduites en vertu du présent article, ne pourront être inférieures à celles de simple police. »

Amendements proposés :

« Si l'emprisonnement et l'amende sont portés, ces peines...

« Si la peine d'emprisonnement est portée seule...

« Si l'amende seule est portée, cette peine pourra être réduite au-dessous de vingt-six francs.

« Si l'interdiction de tout ou partie des droits énumérés à l'article 42, ou la mise sous la surveillance spéciale de la police est ordonnée, les juges pourront prononcer ces peines pour un terme d'un an à cinq ans, ou les remettre entièrement...

« ne pourront être inférieures aux peines de police. »

- L'article ainsi modifié est adopté.

Chapitre X. De l’extinction des peines

 

M. Pirmez, rapporteur. - Il s'est glissé une faute dans l'impression du projet de loi.

Au chapitre X, « de l’extinction des peines », on a mis avant l'article 97 : « paragraphe premier : de la mort du condamné », et avant l'article 98 : « paragraphe 2, de la grâce ». Ces deux intitulés se trouvaient dans le rapport, mais ne doivent pas se trouver dans la loi.

- Ces deux intitulés sont supprimés.

Chapitre IX. Des circonstances atténuantes
Article 97

M. Guilleryµ. - A l'article 96 on a remplacé le mot « prononcées » par le mot « portées » parce qu'il s'agit de peines portées par la loi et que le mot « prononcées » s'applique aux peines prononcées par le juge.

Mais à l'article 97, où il s'agit de peines prononcées par des arrêts ou jugements, on a mis le mot « portées ». Je propose de dire : « prononcées ».

- Adopté.

M. Crombezµ. - Il y a lieu de faire la même modification aux articles 103, 104, 105 et 112.

- Adopté.


MpVµ. - La Chambre entend-elle passer maintenant au livre II ?

M. Devaux. - II doit être bien entendu que la discussion est réservée sur les matières qui ont fait l'objet du rapport, présenté à l'ouverture de la séance, par M. Pirmez.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne fais à cela aucune espèce d'objection.

La Chambre voudra probablement attendre que le rapport ait été distribué.

Plusieurs membres : A demain !

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - On pourrait alors continuer la discussion à demain et ensuite aborder le livre II. Je ne pense pas, du reste, qu'il y ait lieu à voter séparément sur l'ensemble du livre Ier ; les livres I et II se lient, ne forment qu'un tout.

M. Moncheur. - Je suis de l'avis de M. le ministre de la justice : tout le projet de révision du Code pénal ne forme qu'une loi, puisqu'il commence par l'article premier et qu'il va jusqu'au dernier article du Code.

M. Pirmez, rapporteur. - Il ne faut pas perdre de vue une circonstance essentielle, c'est que le premier livre a déjà été voté par la Chambre et par le Sénat. Nous ne sommes pas même saisis en ce moment du livre premier, nous ne sommes saisis que de quelques articles. C'est tellement vrai que le projet de loi dont nous nous occupons est conçu en un seul article portant :

« Le livre Ier du Code pénal adopté par les Chambres législatives en 1853, sera modifié comme il est indiqué à la seconde colonne de l'annexe à la présente loi. »

Le premier livre n'est donc qu'une annexe au projet de loi.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il y a un article qui n’a pas été réservé ; il s’agit de savoir si la disposition sera ajoutée à l’article 77 ou si elle deviendra l’article 78.

Chapitre X. De l’extinction des peines
Article 100 (nouveau)

M. Guilleryµ. - Messieurs, l'honorable M. Devaux a présenté des observations au sujet de la peine du bannissement ; je crois qu'après les paroles que nous avons entendues, il était disposé à proposer un (page 1322) amendement ; si telle est l'intention de l'honorable membre, je le prierai de vouloir bien déposer aujourd'hui cet amendement afin que nous puissions en prendre connaissance avant la séance de demain.

M. Devaux. - Messieurs, à votre dernière séance, j'ai soumis à la commission la question de savoir s'il ne serait pas utile, pour les crimes et délits politiques, de comprendre le bannissement dans l'énumération des peines ou de le mentionner dans le chapitre relatif au droit de grâce, pour laisser au gouvernement la faculté de faire servir à une commutation.

C'est particulièrement comme un adoucissement de peine que je réclame le bannissement ou une disposition qui y ressemble.

Dans la commission, la proposition que j'ai énoncée a paru, en principe, rencontrer l'assentiment presque général ; mais j'avais laissé à la commission elle-même le soin de la formuler et de l'introduire soit sous forme de peine, soit sous forme de faculté de commutation. On ne s'est pas entendu sur cette forme, et à la majorité de 3 voix contre 2, la forme a été écartée ; On n'a pas voté sur le principe.

Messieurs, je puis préciser la forme, ce que je n'avais pas fait, je serai très près d'être d'accord avec l'honorable rapporteur, car lui-même, dans la commission, avait formulé une rédaction qui ressemblait beaucoup à ce que j'aurai l'honneur de proposer.

Je demanderai qu'au chapitre X concernant le droit de grâce, on donne au pouvoir royal la faculté d'expulser du territoire belge les condamnés à la détention ou à l'emprisonnement du chef de délits politiques, pour le temps qui reste à courir de leur peine, et sous la condition que s'ils rentraient en Belgique ils continueront à subir leur peine antérieure qui sera diminuée du temps qu'ils auront passé à l'étranger.

J'ai dit que le bannissement ou l'exil est la plus politique des peines qu'on puisse infliger ; c'est une peine douce comparée à la détention et à l'emprisonnement ; et cependant elle est souvent suffisante, car souvent en matière politique il suffit de l'éloignement du coupable, surtout lorsque quelque temps s'est déjà écoulé depuis le délit.

Si l'on supprimait cette faculté de commutation, le droit de grâce pour le plus grand nombre de crimes ou délits politiques serait en quelque sorte paralysé entre les mains du pouvoir royal.

Ainsi, si les crimes contre la sûreté de l'Etat, soif à l'extérieur, soit à l'intérieur, qui sont prévus par le livre suivant du nouveau Code et qu'il punit d'une détention temporaire qui peut aller jusqu'à 20 ans ou d'une détention perpétuelle, ne peuvent donner lieu à d'autres commutations de peine que la mise en liberté pure et simple, il arrivera presque toujours un moment où accorder l'impunité complète sera impossible, où le pouvoir ne pourra pas raisonnablement s'y résoudre. L'exemple s'en est déjà présenté.

On a mal interprété mon idée, quand on a dit tout à 1'heure, dans le rapport, que mon but était de prévenir l'impunité. Messieurs, mon but est double : c'est de prévenir à la fois ou une impunité dangereuse ou des peines trop sévères et prolongées au-delà de ce qui est indispensable.

Dans le cas qui s'est présenté, le gouvernement a cru devoir commuer en bannissement la peine que les tribunaux avaient prononcée pour crime politique. Si le gouvernement, à cette époque, n'avait pas eu la ressource du bannissement, je crois ne pas me tromper en disant qu'il n'aurait pas mis le condamné en liberté, et sa détention se serait prolongée.

Il est souvent possible et par conséquent désirable, au bout de quelque temps, de se relâcher d'une première rigueur.

Lorsque le coupable n'a cédé qu'à la passion politique, que la perversité n'a pas été son mobile, le changement des circonstances peut rendre l'exemple d'une peine rigoureuse moins nécessaire et permettre au gouvernement de se contenter de l'éloignement du coupable.

Il y a dans le Code plus d'une espèce de délits politiques pour lesquels l'éloignement sera souvent une pénalité suffisante, et en quelque sorte naturelle. Je suppose le délit d'offense, commis avec plus ou moins de gravité, soit envers le chef de l'Etat, soit envers un membre de sa famille ; je suppose que dans sa générosité le Souverain veuille faire grâce à celui que les tribunaux auront condamné de ce chef. Le ministre de la justice n'éprouverait-il pas quelque peine à conseiller au chef de l'Etat de suivre l'élan de son cœur, si le condamné peut se retrouver le lendemain sur le passage du Souverain et recommencer ses offenses ?

Vous voyez, messieurs, que la faculté que je veux attribuer au gouvernement par ma proposition, de commuer l'emprisonnement ou la détention, pour délits politiques en une expulsion temporaire, que cette faculté est utile, humaine ; qu'elle peut prévenir à la fois la prolongation de peines trop rigoureuses et une impunité qui serait un scandale.

C'est dans cet ordre d'idées que j'ai rédigé l'amendement que je vais faire parvenir au bureau.

M. le président. - L'amendement proposé par M. Devaux est ainsi conçu :

« Les condamnés à la détention, ainsi que les condamnés à l'emprisonnement pour délits politiques, peuvent être expulsés du territoire belge pour le temps de leur peine qui n'est pas accompli, et sous la condition que, s'ils rentrent en Belgique, ils continueront à subir leur peine antérieure, qui sera diminuée du temps qu'ils auront passé à l'étranger. »

M. Devaux demande que cette proposition soit placée sous le n°100.

- La proposition sera imprimée et distribuée.

La séance est levée à 4 heures 1/2.