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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 22 juillet 1862

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1861-1862)

(page 1849) (Présidence de M. Vervoort.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Thienpont, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Boe donne lecture du procès-verbal de la séance du 19 juillet.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Thienpont présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants de la ville de Saint-Ghislain prient la Chambre de décréter la construction du canal de Jemmapes à Ath. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi de crédits pour l'exécution de travaux publics.


« Des habitants de Charleroi prient la Chambre de comprendre dans le projet de loi de travaux publics, l'élargissement total du canal de Charleroi à Bruxelles. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Jemmapes demandent la création d'un canal de Jemmapes à Ath, avec garantie d'un minimum d'intérêt et que le point de départ soit fixé à Jemmapes et non à Blaton. »

- Même disposition.


« Des habitants de Saint-Vaast demandent la mise à grande section du canal de Charleroi. »

- Même disposition.


« Des habitants d'Avelghem demandent la construction d'un chemin de fer de Courtrai à Braine-le-Comte par Swevegem, Avelghem, Renaix, etc., et de Courtrai à Audenarde vers Denderleeuw, soit directement par l'Etat soit par voie de concession. »

M. H. Dumortier. - Je regrette que cette pétition ait été adressée à la Chambre après le vote du projet de loi renfermant un assez grand nombre de concessions de lignes de chemin de fer.

Elle se rapporte à un projet des plus utiles qui a déjà été provisoirement concédé et qui malheureusement n'a pu se réaliser jusqu'ici à défaut de capitaux suffisants, car il ne comporte pas moins de 20 millions et peut-être davantage.

Aujourd'hui qu'il ne peut plus être question de renvoyer cette pétition à la section centrale qui a examiné le projet de loi précité, je dois me borner à demander son renvoi à la commission des pétitions en priant ce collège d'en faire l'objet d'un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Des habitants de Hasselt prient la Chambre de proclamer Léopold Ier le père de la patrie, de décréter que ce titre se trouvera gravé sur la monnaie nationale et de faire placer la statue équestre de S. M. dans la capitale du royaume. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil provincial de Namur demande l'intervention de l'Etat dans les frais d'entretien des chemins vicinaux de grande communication. »

- Même disposition.


« Le conseil communal de La Roche demande que, dans l'hypothèse de la construction du chemin de fer de l'Ourthe, une station soit placée sur le plateau entre Hampteau et Hotton. »

- Même disposition.

Rapports de pétitions

Rapport sur la pétition d’Uccle relative au respect de la liberté des cultes

M. Vanden Donckt, rapporteur. - Par pétition datée d'Uccle, le 12 juillet 1862, le bureau des marguilliers d'Uccle réclame le concours de la Chambre pour que la liberté des cultes soit respectée effectivement et que la Constitution reste pour tous une vérité.

Messieurs, votre commission, après avoir pris communication de la pétition du bureau des marguilliers delà commune d'Uccle, a examiné et discuté deux propositions qui ont surgi dans son sein :

L'ordre du jour d'abord, ensuite le renvoi à MM. les ministres de l'intérieur et de la justice avec demande d'explications.

Les deux grandes opinions qui divisent la Chambre se trouvaient en présence.

L'ordre du jour était basé sur ce que les pétitionnaires ayant demandé l'autorisation d'ester en justice, il n'y avait pas lieu, quant à présent, d'examiner cette affaire par la législature, mais d'attendre la décision judiciaire ; un membre ajoutait que dans son opinion le bourgmestre ayant agi conformément à la loi, qu'il a exécutée dans les limites de ses pouvoirs, il n'y avait pas lieu à délibérer.

L'ordre du jour mis aux voix a été repoussé par trois voix contre deux.

La majorité a combattu l'ordre du jour parce que, dans son opinion, dès qu'une atteinte à l'une de nos grandes libertés est dénoncée à la Chambre, quand même les pétitionnaires ne seraient pas fondés, leur demande doit être accueillie, elle est digne d'un examen sérieux, et comme on l'a déjà dit et répété souvent, toutes nos libertés sont solidaires ; dès que l'une d'elles est entamée, toutes les autres sont en péril ; c’st à la législature qu’incombe le devoir de les sauvegarder, c’est dans les Chambres qu’elles doivent trouver leurs garanties et leur plus fort soutien. Il n’y a donc pas lieu d’adopter l’ordre du jour.

La majorité a basé le renvoi aux départements de l'intérieur et de la justice, avec demande d'explications, sur un précédent de la Chambre. En 1859, une semblable demande a été adressée à la Chambre par les habitants de Ninove. J'ai sous les yeux le compte rendu de la séance du 2 avril 1859, où je lis, page 854 :

« M. Vander Donclu, rapporteur. - Messieurs, la commission s'est bornée à donner à la Chambre l'analyse de la pétition ; je n'ai pas incriminé l'action de l'autorité communale, mais l'honorable membre me permettra de lui dire que je suis loin d'approuver la conduite du bourgmestre dans cette occurrence. La commission a voulu laisser cette question entière ; elle s'est bornée à proposer le renvoi à M. le ministre de la justice, afin qu'on avise à des mesures promptes et efficaces pour que les conflits regrettables qui ont eu lieu à plusieurs reprises, depuis peu de temps, ne se renouvellent plus et qu'il puisse y avoir entente cordiale entre tous les habitants de la commune, entre l'administration communale et l'autorité ecclésiastique.

« Je crois, messieurs, que dans ce sens, je puis persister dans la demande du renvoi à M. le ministre de la justice. Quant à la demande d'explications proposée par l'honorable M. de Naeyer, je ne m'y oppose pas.

« M. le ministre de la justice. - Messieurs, je ne m'oppose pas au renvoi avec demande d'explication de la pétition au département de la justice, mais je demanderai le même renvoi au département de l'intérieur, que la chose concerne également. En effet, la police des cimetières appartient aux autorités communales, dont les actes se trouvent plus spécialement soumis au contrôle du ministre de l'intérieur.

« Toutefois en acceptant ce renvoi, le gouvernement n'entend pas prendre l'engagement de proposer des mesures nouvelles sur la matière ; il ne l'accepte pas non plus comme un blâme qui serait infligé à l'administration communale de Ninove, ni comme une espèce d'avertissement aux autorités communales de s'écarter des prescriptions du décret du 23 prairial an XII.

« Nous l'acceptons tous comme manifestation du désir de la Chambre, de connaître sur cette question l'opinion du gouvernement. Cette opinion, nous la ferons connaître dans les explications que nous donnerons à la Chambre. »

Ces explications n'ont pas encore été fournies. Votre commission n'a pas cru que la Chambre et le gouvernement auraient dévié de la ligne de conduite qu'ils ont tenue en 1859, mais que sur une pétition en tout semblable à la première, ils auraient adopté les mêmes conclusions.

Un membre a fait la réflexion suivante que le bourgmestre d'Uccle ayant agi de sa propre autorité, sans le concours du collège échevinal, il a dépassé ses pouvoirs ; que ce qui était licite du temps de l'empire pour les maires, n'est plus conforme aux lois constitutionnelles qui nous régissent et qu'il devait agir au nom du collège échevinal ; que l'ordre qu'il a donné n'est pas une ordonnance de police, mais un acte administratif qui rentre dans les attributions du collège.

Dans cette même séance du 2 avril 1859, l'honorable M. de Naeyer disait :

« Messieurs, j'entends le renvoi avec demande d'explications dans le sens que vient d'indiquer l'honorable ministre de la justice, c'est-à-dire que la question reste évidemment réservée et que la seule signification de ce renvoi, c'est que la Chambre désire connaître l'opinion du gouvernement avant de procéder à une discussion approfondie. »

En attendant ces explications à fournir par le gouvernement, votre commission n'a pas cru devoir examiner à fond cette affaire, qui est (page 1850) d'ailleurs incomplète Les renseignements lui manquaient, le plan du cimetière n'est pas joint au dossier, l'autorité communale attaquée n'a pas été entendue, (note d webmaster : une expression latine est illisible). Elle se borne donc à vous proposer le renvoi de la pétition à MM. les ministres de la justice et de l'intérieur avec demande d'explications.

Messieurs, je dois ajouter un mot au sujet de la demande en autorisation faite par le conseil de fabrique de l’église d’Uccle.

Il résulte des termes de la pétition que la fabrique d'église s'est adressée en effet à la députation permanente dans les conditions suivantes : elle a entendu que cette question était complexe ; qu'il y avait d'abord la question de la propriété du cimetière qu'elle prétend être sien, et c'est de ce chef qu'elle a demandé l'autorisation de plaider pour soutenir ses droits ; qu'il y avait ensuite le deuxième membre de la question consistant en une atteinte portée à la liberté des cultes ; et c'est à raison de ce second fait qu'elle s'est adressée à la Chambre.

MpVµ. - La commission propose le renvoi de la pétition à MM. les ministres de la justice et de l'intérieur avec demande d'explications.

La discussion est ouverte sur ces conclusions. La parole est à M. Julliot.

M, Julliotµ. - Messieurs, dans toutes les circonstances qui se sont présentées, vous m'avez vu l'adversaire de l'intolérance religieuse, comme de l'intolérance rationaliste, parce que la Constitution condamne l'une et l'autre.

Comme je n'aime pas la gêne dans la discussion, je ne m'occuperai pas du cas spécial soulevé en ce moment, je ne m'occupe de personne, mais je raisonne principe.

Selon moi. ce que l'on veut faire prévaloir depuis quelque temps, c'est l'intolérance irréligieuse, on veut que ceux qui renient et repoussent un culte pendant leur vie soient acceptés par les catholiques après leur mort, comme s'ils avaient vécu et s'ils étaient morts dans ce culte, c’est-à-dire que l'on veut faire profaner à la fois et le culte et la mémoire de celui qui tenait à honneur de ne pas appartenir à ce culte.

Imposer à un culte un mort qui pendant sa vie n'y appartenait plus, c'est la double violation de la liberté de ce culte et du sentiment moral du défunt, de son vivant.

Or, introduire un mort de cette espèce de force à l'église ou dans la terre bénite, c'est tout un.

Savez-vous quel est le mobile de ces tendances ? D'une part, c'est la haine de la religion catholique, et d'autre part, ce qu'on appelle le respect humain.

Je comprends la haine du catholicisme, et je n'ai pas à m'en occuper, chacun est libre à cet égard.

Mais le respect humain qui consiste à nier la foi de son vivant, afin de passer pour un esprit fort, puis ce même respect humain s'emparant en sens inverse de la famille du défunt pour le faire descendre dans une tombe catholique, alors qu'il n'est plus catholique, cela est trop fort ; c'est de l'hypocrisie. On transforme le mort en hypocrite contre son gré, on veut en faire accroire au public, on veut le relever d'une chute que l'on sait condamnée par le sentiment intime de l'homme.

Messieurs, je comprendrais ces efforts à fausser la position religieuse d'un défunt en Angleterre, où l'homme, qui ne pratique pas la religion dans laquelle il est né, perd la considération publique et devient parfois un objet de mépris, mais en Belgique il n'en est pas de même ; car celui qui renie la foi de ses pères est reçu dans le monde comme celui qui pratique, il ne perd ostensiblement que peu de sa considération après avoir répudié toutes les pratiques de son culte, on est tolérant à cet égard.

Pourquoi donc réclamer à la mort un drapeau qu'on a repoussé de son vivant ? Si un affilié à la Marianne, à la Solidaire ou à une autre loge, ayant renié, de son vivant, les statuts de ces affiliations, était proposé à sa mort pour être enterré avec les honneurs dus à tous ces titulaires, on y verrait un scandale tel qu'on lèverait des pavés plutôt que de laisser faire

Pourquoi donc veut-on violenter les consciences catholiques quand les autres sont respectées ?

Quand cette politique, qui tend à détruire la pratique religieuse tout en lui conservant provisoirement les apparences, aura pénétré dans toutes les couches de la population, la société pourra reprendre l’œuvre de la civilisation, car nous aurons rapproché les masses de la barbarie.

Mais nous n'en sommes pas là. Non.

Ceux qui heurtent le sentiment religieux des masses sont des aveugles, des imprudents. On dit que MM. les ministres se réservent sur ces questions ; je les en félicite, car si les ministres du roi Guillaume s'étaient toujours réservés sur des questions de cette nature, la maison d'Orange aurait encore son beau royaume, qu'elle n'a plus. MM. les libéraux de 1830 doivent être de mon avis, car, de deux choses l'une : ils ont entendu faire la révolution au profit de la liberté religieuse, ou ils n'ont su ce qu'ils faisaient, et je ne leur ferai pas l'injure d'opter pour la dernière hypothèse ; donc ils sont de mon avis.

Messieurs, permettez-moi de vous expliquer comment je comprends la liberté des cultes.

Cela veut dire que chaque citoyen est parfaitement libre de pratiquer, comme il l'entend, tel ou tel culte, ou de ne pas pratiquer du tout. L’Etat, qui défendait autrefois le travail du dimanche et autre chose encore, n’intervient plus, chacun fait ce qu'il veut.

Par contre, le ministre du culte est en droit de faire les offices, d'enterrer, de baptiser qui bon lui semble et comme il lui convient.

Quand nous, ou l'administration, nous voulons discuter la question de savoir si tel décédé est mort en catholique, s'il a été né ou élevé catholique, nous sommes absurdes au plus haut degré ; cela ne nous regarde pas.

Le curé seul est compétent, et doit savoir s'il le reconnaît catholique oui ou non. Il y a appel au doyen, à l'évêque et à Rome ; mais en dehors de la région ecclésiastique, il n'y a plus rien ce qui n'a pas empêché l'administration et la presse libérable de radoter sur ce point depuis dix jours.

Bref, vous êtes catholique ou vous ne l'êtes pas : si vous l'êtes, vous devez vous soumettre à l'Eglise. Le pénitent ne peut se confesser ni faire sa pénitence à sa manière : c'est à celle du curé qu'il doit la faire.

La famille d'un mort ne peut l'imposer au curé, ni à l'église, ni à la terre bénite qui fait religieusement partie de l'église, en un mot en invoquant le ministère du curé vous vous constituez sa machine et vous n'avez rien à décider en opposition avec votre curé.

Si cela ne vous convient pas, ne soyez pas catholique, mais aussi ne soyez pas hypocrite en vous en appropriant les apparences. Ayez et conservez la franchise dans vos convictions, mais respectez la conscience humaine dans les autres si la vôtre ne vous dit rien.

Quand M. De Fré que nous allons entendre tantôt, je l'espère, défendait la liberté du curé en chaire, il défendait implicitement la liberté du curé dans les processions et sur la terre bénite. Si cet honorable défenseur de la liberté n'est pas de cet avis, il en est un de nous deux qui ne se comprend pas ; car, si l'autorité civile peut déterminer la fosse à faire, il peut commander la procession comme il veut qu'elle se fasse.

Vous revendiquez des droits d'usage, si pas de propriété, sur tous les cimetières catholiques pour la commune et vous annoncez la sécularisation complète des conseils de fabrique qui ne seront que les délégués de la commune, et l'église une propriété communale où vous viendrez faire le maître et imposer ce que bon vous semble. Est-ce là qu'on veut en venir ? Oui, car la logique y mène tout droit.

Au point de vue de la Constitution, il n'y a pas de pouvoir religieux en Belgique ; pour la Constitution, les religions sont un fait constaté, rien de plus.

Et les quatre millions de catholiques n'ont pas plus de faveur à réclamer que les quatre cents juifs ou réformés qui se trouvent à côté d'eux, mais tous doivent être respectés dans la liberté de leur culte.

La religion catholique est d'institution divine dans ses dogmes et d'institution humaine dans ses formes extérieures, et l'opinion catholique fait fausse route quand elle veut emprunter le pouvoir pour faire ses affaires, elle abaisse le principe religieux dans ce qu'il a de plus élevé, elle doit tout demander et trouver dans la liberté.

Providence et liberté, tel doit être son programme ; cela lui suffit, et le jour où elle parviendra à réduire les budgets à leur strict nécessaire, qui se résume dans les dépenses d'ordre public, elle ne se verra plus surmenée par des adversaires, qui trouvent toute leur force dans les faveurs et les subsides gouvernementaux, dont la politique tend à faire croire que la Providence c'est l'Etat, et que le Paradis est le cabinet du ministre où, à défaut de mieux, on distribue de l'eau bénite de cour. Il ne suffit plus de gouverner à outrance les vivants, les morts vont y passer à leur tour et cela ne m'étonne pas : la doctrine y est dans son rôle, car sa mission c'est de vouloir substituer en tout, la souveraineté de sa raison au principe démocratique de la souveraineté populaire.

Si l'administration continue à vouloir troubler les consciences catholiques, en mêlant aux croyants ceux qui meurent en rationalistes ,il y a légalement une chose à faire, c'est d’établir des cimetières catholiques par association et de refuser de bénir les cimetières communaux où on mêle tous les morts indistinctement. Mais alors les masses sauront déclarer (page 1851) haut et ferme où elles veulent être enterrées, car il ne faut pas connaître son pays pour croire que le sentiment religieux est éteint en Belgique et que ces populations qui attendent la récompense de toutes leurs privations dans une vie future, consentiront à occuper la même tombe que celui qui leur dénie cet espoir.

A ces populations il faut la liberté religieuse à l'église comme au cimetière qui en est une partie dépendante.

L'autorité doit veiller à ce que l'enterrement se fasse sans danger pour la santé publique et voilà où se borne sa police.

Le corps appartient à la famille et non à l'autorité, et pour les catholiques c'est le curé seul qui peut décider si le défunt peut reposer en terre bénite.

Nous verrons où cette discussion conduira, car les libéraux constitutionnels les plus érudits en la matière, condamnent le procédé. Des docteurs en soupe salée sont seuls capables de soutenir le contraire, et nous les attendons à l'œuvre. Nous écouterons la suite de la discussion avant de nous prononcer sur la pétition.

M. De Fré. - Messieurs, dans la commission des pétitions j'ai demandé l’ordre du jour, parce que l'administration communale d'Uccle avait exécuté la loi, que le représentant de l'autorité civile avait agi dans les limites et dans les attributions de son mandat...

M. de Renesse. - Je demande la parole.

M. De Fré. - J'ai demandé l'ordre du jour, parce que si le bourgmestre d'Uccle avait fait ce qu'on lui reproche de ne pas avoir fait, le bourgmestre d'Uccle aurait violé la loi.

Je dirai à l'honorable M. Julliot que si j'ai demandé avec lui la liberté de la parole pour le prêtre dans son église ; si je laisse au prêtre le droit d'étaler son intolérance à l'endroit de toutes les doctrines philosophiques possibles, à l’endroit du gouvernement, à l’endroit des lois de son pays, je ne permets pas au prêtre de sortir de son église et de venir, par son intolérance, troubler les familles et vouloir profaner les tombeaux, car ce qu'on vous demande n'est autre chose qu'une profanation, (Interruption.)

Messieurs, depuis quelques jours, le pays assiste à un triste et affligeant spectacle. (Interruption.)

Dans une commune voisine de Bruxelles, un homme de bien, estimé de tous ceux qui l'ont connu, vient à mourir. Un débat s'élève entre l'autorité religieuse et l'autorité civile, entre l'église et la loi, et parce que l'autorité civile a fait respecter la loi, nous entendons et la presse catholique et la tribune catholique faire, autour de cette tombe où repose un homme de bien, un scandaleux tapage.

Hier c'était le conseil provincial ; aujourd'hui c'est la Chambre ; demain peut-être ce sera le Sénat, et tour à tour on entend dire que les cendres d'un homme de bien souillent un cimetière.

Il y a là une famille éplorée, pleine de respect pour celui qu'elle a perdu, et sans avoir égard à sa douleur, cette famille est menacée, comme au temps de la plus odieuse tyrannie...

M. B. Dumortier. - Je demande la parole.

M. De Fré. - ... de la flétrissure d'une exhumation. (Interruption.)

Les doctrines que vous défendez ne respectent ni les morts ni les vivants. Vous ne respectez ni le deuil des familles ni la sainteté du tombeau. Vos doctrines outragent l'humanité, elles frappent l'humanité au cœur.

M. de Montpellier. - On ne peut pas dire que les doctrines catholiques outragent l'humanité. Cela est impossible.

M. B. Dumortier. - Ce qui outrage l'humanité, c'est un pareil discours.

M. De Fré. - Je dirai à l’honorable M. Dumortier qu'il vaut mieux dire ces choses, ici, publiquement que d'aller les mettre, le soir, dans les Annales parlementaires.

Puisque nous avons à deux défendu la liberté de la parole, laissez-moi donc parler, M. Dumortier, et vous me répondrez à votre tour.

Messieurs, il y a quinze jours, avant le décès du colonel de Moor, il y eut à Uccle un suicide. Le corps du suicidé a été enterré au milieu du cimetière.

Ce n'est pas moi qui viendrai attaquer le curé parce qu'il n'a pas fait enterrer ce suicidé dans un endroit auquel l'opinion publique attache une réprobation. C'est donc pour des opinions émises ; c’est parce que le colonel de Moor avait vécu et est mort en dehors de l'Eglise, qu'on est venu faire autour de cette fosse tout ce bruit, je dirai tout ce scandale, et qu'on s'est adressé aux tribunaux pour exhumer son cadavre, et cela en vertu de la liberté des cultes !

Il y a quelque temps, à Anvers, on a volé une fille à sa mère ; cet attentat odieux, ce crime contre toutes les lois divines et humaines, en vertu de quoi a-t-il été commis ? En vertu de la liberté des cultes.

Lorsque, l'année dernière, nous défendions ici le droit de l'Italie d'être libre, on répondait ; Il faut que l’Italie reste dans l’esclavage, et c'est au nom de la liberté des cultes qu'on tenait ce langage. (Interruption.)

J'ai, plus d'une fois, signalé cette stratégie qui cache l'oppression sous des phrases libérales Mais ici elle est plus évidente encore ; c'est au nom de la liberte des cultes qu'on veut profaner les tombeaux.

Mais savez-vous, messieurs, ce que c'est que la liberté des cultes ? La liberté des cuites, mais c'est le drapeau de ceux qui ont lutté pendant des siècles contre l'oppression de l'Eglise.

Lorsque la foi était unique dans le monde, lorsqu'il n'y avait qu'une seule foi et que ceux qui avaient des croyances contraires étaient opprimés, on invoquait la liberté des cultes pour écarter l'oppression. Ils avaient droit à la protection de la loi comme tous les autres citoyens ; et ils demandaient à être libres dans l'exercice de leur culte. Et ce n'est qu'après quatre-vingts ans de luttes et de batailles que la liberté des cultes a été conquise contre l'oppression de l'Eglise ; elle a été inscrite la première fois dans le traité de Westphalie.

La liberté des cultes, mais c'est surtout pour celui qui vit en dehors de tout culte qu'elle est nécessaire : la liberté des cultes, ce n'est pas le droit d'opprimer celui qui n'admet pas les dogmes de l'Eglise ; la liberté des cultes, c'est le droit d'être contraire à ces dogmes ; la Constitution le dit en termes très précis : « Nul ne peut être contraint de concourir d'une manière quelconque aux actes et aux cérémonies d'un culte ni d'en observer les jours de repos. »

Le colonel de Moor était protégé par la Constitution, et c'est parce qu'il a fait usage de son droit, qu'on veut exhumer son corps, pour flétrir sa mémoire, pour condamner sa vie. Messieurs, cela n'est pas possible.

Si l'Europe apprenait qu'en Belgique, sous notre libérale Constitution, on peut, pour des opinions, pour des croyances librement manifestées, troubler les familles et violer les tombeaux, la Belgique serait mise au ban de la civilisation.

Aussi, messieurs, si nous nous levons et si nous venons protester contre vos doctrines, si nous venons protester contre ces tentatives d'exhumation, c'est pour la bonne renommée de la Belgique.

Nous devons empêcher que de pareilles doctrines ne se propagent ; nous ne voulons pas que nos populations croient que, pour des opinions émises, le clergé peut flétrir les morts ; cela n'est pas possible.

Non seulement nous devons défendre la réputation de la Belgique, mais aussi l'honneur de nos familles, car, pour avoir usé de la Constitution, pour avoir usé des libertés de notre pays, chacun de nous est exposé à son tour à être flétri et condamné, et pour préserver nos familles de pareilles flétrissures, il faut, par nos efforts, empêcher que les familles des autres ne les éprouvent.

Mais, messieurs, ces doctrines sont incompatibles avec nos mœurs ; je montrerai plus tard qu'elles sont contraires à la loi.

Elles sont incompatibles avec nos mœurs.

Qu'est-ce que vous voyez ? La société est-elle parquée comme dans certaines villes, quartier des juifs, quartier des protestants, et le reste aux catholiques ? Non, vous voyez dans les conseils et dans des assemblées à côté d'un juif siéger un catholique.

Les électeurs de Bruxelles ont envoyé au Sénat un enfant d'Israël et un protestant dans la Chambre des représentants.

Vous vivez tous en bonne intelligence, en bonne relation d'affaires et d'amitié avec des gens de différentes religions et vos cendres seraient profanées si après avoir siégé ensemble de votre vivant vous étiez couchés l'un à côté de l'autre après votre mort. Il y a eu jadis un ministre qui, obéissant sans doute à des convictions sincères, a ordonné, pour satisfaire à la demande d'un prêtre, l'exhumation d'un homme mort sans confession, donc, en dehors de l'église catholique, apostolique et romaine.

II y a trente ans, le pays a choisi, pour diriger ses destinées, un prince protestant.

Ce ministre ainsi que beaucoup de membres de la droite qui ont été ministres, se sont trouvés très honorés chaque fois qu'ils ont été en rapport avec le Roi.

Je leur demanderai si leurs cendres seraient déshonorées, si un jour elles devaient reposer à côté de celles du premier Roi des Belges.

Il y a dans vos doctrines beaucoup plus d'orgueil et de vanité que de sentiment religieux. Mon Dieu, mettez dans le même cimetière à côté l'un de l'autre un évêque et un philosophe, et dix ans après, vous ne trouverez plus que deux squelettes ; rien ne vous dit qui a été le philosophe, qui a été le prêtre ; Dieu seul juge les morts ; vous, vous ne les jugerez pas.

Vous ferez comme le peuple : quand un cercueil passe dans les rues, il s’incline avec respect ; nous aussi nous nous inclinons devant les tombeaux, vous ne vous ferez pas des fossoyeurs.

(page 1852) La loi a chargé l'autorité civile. d'inhumer les morts pour empêcher des actes d'intolérance ; la oui a voulu que l'autorité civile fût seule maîtresse ud cimetière, et vous allez en comprendre le motif.

L'autorité civile doit exécuter les lois. L'autorité civile est obligée de faire triompher les principes de tolérance qui sont dans la Constitution ; elle ne peut être que tolérante. Si la loi avait confié l'inhumation des morts aux prêtres, à un prêtre de n'importe quel culte, à cause de l'intolérance qui est au fond de leurs dogmes, le prêtre n'aurait pas toujours exécuté la loi, l'incident le prouve ; si le prêtre était chargé d'enterrer les morts, il y aurait bien des refus de sépulture.

On a donc, en chargeant l'autorité civile du soin d'inhumer les morts, voulu garantir la liberté des cultes. Cette liberté n'aurait été qu'un vain mot, si par des refus de sépulture dans le cimetière commun le prêtre pouvait flétrir, après sa mort, le citoyen qui aurait pratiqué cette liberté.

La loi de prairial, en chargeant des inhumations l'autorité civile, a eu en vue d'empêcher des scandales, elle a voulu que la tolérance fût respectée.

Le meilleur moyen de connaître une loi, c'est de rechercher l'opinion de ceux qui l'ont faite, c'est de voir par la discussion qui a précédé son adoption, quelle a été la pensée du législateur, quel a été le but qu'il a voulu atteindre. Or, voici ce que je lis dans le rapport du comte de Ségur, qui était chargé par la section de présenter le rapport au conseil d'Etat ;

« Le ministre permettait qu'on bénît les cimetières, la section a pensé que cette permission rendrait les catholiques seuls propriétaires des lieux de sépulture et serait contraire au système de tolérance établi par nos lois qui protègent également tous les cultes.

« Elle a cru qu'il fallait au contraire déclarer que les cimetières n'appartiennent à aucun culte exclusivement, qu'ils étaient propriétés communales et soumis seulement à la surveillance de l'administration.

« Cependant, comme la religion catholique exige que les morts soient enterrés dans une terre bénite, les prêtres de cette religion pourront bénir chaque fosse à chaque inhumation.

« La section a cru qu'il n'existait point d'autre moyen de satisfaire la piété sans réveiller les querelles des différents cultes. »

M. Julliot. - Cela se rapporte à une loi de l'an II.

M. De Fré. - C'est le rapport de la section qui a examiné la loi de prairial an XII, dont il s'agit ici.

M. de Haerne. - C'est contraire à la loi de prairial.

M. De Fré. - Il y a des membres qui n'ont pas lu et qui parlent comme s'ils avaient mieux lu que moi. Voici l'intitulé :

« Rapport fait au conseil d'Etat dans la séance du 2 prairial an XII, sur les cimetières, par le comte de Ségur. »

Vous trouvez ce rapport dans l'ouvrage de M. Flechet : l'Eglise et l'Etat.:

M. Guilleryµ. - Il n'y avait pas de comte de Ségur en l'an II.

M. Orts. - Et surtout pas de conseil d'Etat.

M. De Fré. - On viendra vous dire que dans ce rapport il est question de la propriété des cimetières dans le chef des communes et que, d'après un arrêt de la cour de cassation, les cimetières ont été restitués aux fabriques, et dans la pétition, dont tous avez entendu la lecture, la fabrique se base sur ce fait. Elle dit : Je suis propriétaire du cimetière. Donc j'ai le droit de faire dans le cimetière ce que je veux.

Eh bien, j'admets la propriété des cimetières dans le chef des fabriques. J'admets que les lois françaises ont rendu les cimetières aux fabriques. Mais est-ce que la fabrique est propriétaire ? La fabrique est une administration civile qui représente les catholiques, qui sont seuls propriétaires. Donc ce sont les catholiques qui sont seuls propriétaires du cimetière.

Est-ce que le ministre des finances est propriétaire des bois et forêts qu'il administre ? Les propriétés de la ville de Bruxelles n'appartiennent pas à l'administration communale.

Si vous dites : Les cimetières appartiennent aux fabriques, les cimetières nationalisés ont été restitués aux fabriques. Je réponds : Les cimetières appartiennent aux paroissiens.

Dans une paroisse, chaque paroissien a droit à autant de pieds de terre du cimetière. Ce droit, c'est un droit civil ; le paroissien a une part indivise dans la propriété du cimetière.

Or, le prêtre vient dire : « Je vous ai excommunié ; donc vous n'êtes plus propriétaire. » Car voilà où conduit votre système.

Mais le prêtre ne peut pas juger cette question de droit civil ; il ne peut pas venir dire : « Parce que vous n'avez pas vécu de telle façon, je vous ai excommunié ; parce que vous êtes excommunié, vous perdez votre part de propriété, »

Prenez l'Etat ; tous les biens de l'Etat appartiennent à tous les citoyens ; chacun de nous a une part indivise dans les biens de l'Etat ; est-il possible qu'on m'enlève ma part de ces biens ?

Dans la commune, on ne le peut pas davantage. L'administration communale ne peut pas venir me dire que je ne suis pas propriétaire indivis des biens de la commune.

Eh bien, un prêtre ne peut pas venir me dire, lorsque j'habite la paroisse, que je perds ma part indivise dans le cimetière. Ce n'est pas une question de religion ; car vous égarez les masses, afin de les mieux exploiter, en confondant toujours les questions d'ordre politique et d'ordre social avec les questions religieuses. La religion n'a rien à voir là-dedans.

Je défie les jurisconsultes de la droite de réfuter cet argument : une excommunication faite par un prêtre ne peut pas faire perdre à un citoyen un droit civil.

Et maintenant que l'honorable M. Julliot fasse de magnifiques tirades contre les francs-maçons et contre les libres penseurs, contre l'intolérance rationaliste et en faveur de l'intolérance catholique ; tout cela est de nature à égarer les masses, à les passionner ; mais cela n'est pas la question.

Si la fabrique administre, elle doit administrer d'après les lois ; or, la loi lui interdit de faire des divisions dans le cimetière. Le seul maître du cimetière, c’est le bourgmestre ; il a la police du cimetière. C'est l'administration civile qui seule a le droit de (aire inhumer, de faire exhumer ; c'est l'administration civile qui fait les concessions, qui permet les constructions de tombeaux dans les cimetières.

Si cela est vrai, le prêtre ne peut pas venir dire qu'on enterrera de telle manière plutôt que de telle autre manière ; il ne le peut pas, parce qu'il n'est pas le maître du cimetière. On confond l'acte d'inhumation avec la cérémonie religieuse. On ne peut plus (et sous ce rapport cet article du décret de prairial est abrogé par la Constitution) ; on ne peut plus forcer un prêtre à venir réciter des prières sur une tombe, on ne peut pas le forcer à ouvrir son église, pour y faire entrer le corps d'un excommunié.

Cela n'est plus possible ; pourquoi ? Parce que des prières constituent des cérémonies religieuses, que le culte est libre et que les cérémonies religieuses sont libres ; mais l'inhumation ne peut être refusée à personne.

Il n'en est pas de même en France. Vous savez tous les appels comme d'abus qui ont eu lieu dans ce pays, parce que dans des circonstances déterminées, des prêtres n'avaient pas voulu recevoir le corps dans l'église.

Un homme dont l'autorité doit être très grande, M. Portalis, dans le rapport qu'il a lait sur le concordat, a établi cette grande distinction ; et voici ce qu'il dit :

« Le convoi et l'inhumation sont des actes civils qui appartiennent à la police et que la police peut ordonner par des considérations déduites du devoir de veiller à la santé publique. Les obsèques religieuses consistent dans la présentation du corps à l'église, dans les prières pour les morts et l'accompagnement des prêtres qui suivent le convoi et qui assistent à l'inhumation. La sépulture, en ne comprenant sous ce mot que le convoi et l'inhumation, ne peut être refusée à personne. »

Et plus tard une circulaire de M. le ministre de la justice de France, du 16 juin 1847, il est fait la même distinction. Elle s'exprime ainsi :

« La sépulture donné aux morts peut être considérée sous deux points de vue :

« 2° La cérémonie religieuse, qui, de sa nature, touche au grand principe de la liberté des cultes, et à laquelle préside le ministre de chaque culte, dans l'enceinte du temple.

« Il est important de ne laisser s'établir aucune confusion entre ces deux actes, dont l'un n'est régi que par la loi civile, tandis que l'autre se rattache à un ordre d'idées exclusivement placées dans le domaine des choses religieuses. »

Messieurs, un enfant vient à naître ; l'autorité civile dresse l'acte de naissance ; acte civil. Après pour le faire bénir, on peut porter cet enfant soit chez les juifs, soit chez les protestants, soit chez les catholiques : acte religieux.

Pour le mariage ; la société a intérêt à les constater ; c'est une autorité tolérante encore une fois qui doit présider à cette cérémonie ; il ne faut pas que des idées de religion empêchent les gens qui ont la volonté de s'unir, de se marier.

(page 1853) L'autorité civile dresse l'acte de mariage ; en sortant de la maison communale, les époux peuvent aller faire bénir leur union dans tel temple qu'il leur plaît de choisir. C'est là une cérémonie religieuse.

Quand l'homme meurt, l'autorité civile choisit la place où doit être enterré le mort, elle fait l'inhumation. La famille peut prendre tel prêtre qui convient pour dire les prières.

Vous voyez que ce sont là deux choses distinctes : l'inhumation et la cérémonie religieuse. La manière dont l'inhumation doit être faite, où elle doit être faite, appartient à l'administration civile, celle-là est maîtresse du cimetière. Elle seule dispose du cimetière, en ce sens qu'elle règle l'ordre des inhumations.

Maintenant, messieurs, si elle seule est maîtresse, si elle seule peut faire ce qu'elle veut dans l'intérêt de la loi, dans l'intérêt social, elle ne peut avoir pour contradicteur une autre autorité.

Il n'est pas possible qu'après avoir investi l'autorité civile de la police du cimetière, celle-ci soit contredite par le prêtre pour des motifs que je respecte, que je comprends parfaitement, mais auxquels l'autorité civile ne doit avoir aucun égard.

Si donc, dans le cas dont il s'agit, le bourgmestre a appliqué la loi quoique l'application de la loi soit désagréable au prêtre, il n'y a pas lieu de crier à la violation d'un cimetière, il n'y a pas lieu de crier à la violation de la liberté des cultes.

Cela est rationnel ; seulement il ne faut pas se laisser entraîner par des passions qui ne font que troubler les esprits au lieu de les calmer et qui sont de nature à agiter la société d'une façon déplorable.

Maintenant que dit la loi ?

La loi, messieurs, fait une division pour les cultes professés ; elle ne fait pas de division pour les opinions. Il s'agit de savoir dans quel culte un homme est né pour déterminer la place qu'il doit avoir dans le cimetière.

Y avait-t-il des divisions dans le cimetière d'Uccle ? Toute division qui n'est pas créée par l'autorité, maîtresse du cimetière, est une division qui ne doit pas être respectée et c'est ainsi, messieurs, qu'en France on interprète le décret de prairial : M. le ministre de la justice par lettre du 20 août 1838, écrit à l'évêque de Châlons :

« Le décret du 23 prairial an XII, qui intervint peu après, dit formellement que le cimetière reste soumis à l'autorité, à la police, à la surveillance municipale.

« Ce n'est donc pas au curé, comme pourrait le donner à entendre votre instruction, mais au maire qu'il appartient de déterminer' l'ordre de sépulture et d'y faire des divisions, des séparations. C'est donc au maire que doivent s'adresser les curés qui désirent les voir s'établir.

« Il importe qu'ils soient bien éclairés sur leur compétence en pareil cas, car leur intervention directe dans la police du cimetière pourrait les exposer à des réclamations fondées sur un texte de lois positives... »

Vous voyez, messieurs, l'interprétation qui est donnée à la loi. C'est à l'autorité qui seule est maîtresse du cimetière, qu'il appartient de faire les divisions, de faire les séparations.

Quand faut-il faire des séparations ? Il faut les faire pour chaque culte professé.

Y avait-il à Uccle un autre culte professé que le culte catholique ? Non. Donc toute séparation qui existerait est une séparation illégale.

Ce n'est que pour des cultes dissidents professés qu'il peut y avoir des séparations. S'il n'y a pas de culte dissident professé, il n'y a pas séparation possible.

Pouvez-vous faire des séparations pour des opinions qui ne sont pas orthodoxes ? Evidemment non. La loi ne vous le permet pas.

La manière, messieurs, dont vous voulez interpréter la loi rendrait la loi inexécutable, car voici ce qui arriverait :

Il adviendrait que le clergé catholique trouverait qu'un tel n'est pas orthodoxe ; il déclarerait qu'il faut le mettre dans un cimetière séparé. Cela fait déjà deux cimetières.

Après cela, il faudrait un cimetière pour les juifs ; or, il peut y avoir des juifs non orthodoxes : donc encore deux cimetières ; cela fait quatre. De même pour les protestants. Cela fait six.

Vous irez ainsi à l'infini. Il faudrait un cimetière pour les suicidés, un cimetière pour ceux qui sont morts sans se confesser, un cimetière pour ceux qui ne sont pas baptisés.

Où arriveriez-vous ainsi ?

Cela est tout bonnement impossible. Je le répète, la loi ne serait pas exécutable, si elle avait cette portée.

Il n'y a qu'une chose, messieurs, qu'il faut admettre. C'est la sagesse de la loi. Une faut pas vouloir séparer ainsi les morts. Vous ne le pouvez, du reste pas en présence du texte de la loi.

J'ai établi que votre réclamation est contraire aux sentiments humains, quelle est incompatible avec nos mœurs ; je vous prouve aussi qu'elle est contraire à la loi.

Maintenant, messieurs, c'est parce que les honorables membres de la droite luttent toujours contre toutes les idées qui leur sont désagréables, en invoquant sans cesse les sentiments religieux, qu'on va puiser dans la question des cimetières une occasion pour combattre la société laïque, pour combattre le régime sous lequel nous vivons, et c'est là, messieurs, à la fois une tactique dangereuse pour vous et dangereuse pour le sentiment religieux que vous venez toujours défendre.

Il est évident que si continuellement vous venez au nom de la religion et troubler les familles, et porter atteinte à la liberté, et soutenir des doctrines qui froissent l'homme dans ses sentiments les plus intimes, vous ferez le plus grand tort à la religion que vous voulez défendre, car on vous demandera un jour quelle est cette religion au nom de laquelle vous attaquez tout progrès, tous les sentiments humains. Il ne faut pas, messieurs, que cette question soit un jour posée, je ne le désire pas, car, je le répète, il est dangereux pour vous de jouer ainsi avec le feu. Que la tolérance reste notre drapeau.

M. de Wasseigeµ. - Messieurs, parmi les belles et grandes libertés inscrites dans notre Constitution se trouve la plus précieuse des garanties, celle de la liberté des cultes et de conscience.

Vouloir y porter des atteintes, c'est commettre un acte contraire à notre pacte fondamental, c'est mal comprendre l'esprit et la lettre même de cette loi des lois.

Partisan de toutes nos libres institutions, de toutes nos grandes libertés constitutionnelles, je dois désirer qu'elles soient respectées aussi bien par l'autorité civile que par l'autorité religieuse, que chacun reste dans ses attributions légales et alors il ne pourra y avoir de conflits si regrettables, surtout s'ils touchent aux sentiments religieux de la nation que l'on ne devrait jamais froisser. C'est en les froissant parfois par l'esprit de parti, poussé outre mesure, que l'on sème la désunion si préjudiciable pour la concorde nationale, plus que jamais nécessaire pour nous prémunir contre les dangers du dehors. C'est parce que je suis sincèrement attaché aux principes du vrai libéralisme que je veux la liberté pour tous et en tout, qui n'exclut pas un sentiment religieux, que je crois devoir demander formellement que toutes les libertés garanties par la Constitution soient religieusement observées ; il faut donc, dorénavant, que l'administration civile ne cherche pas, comme à Uccle, à porter atteinte à la liberté des cultes et de conscience.

D'après le décret du 23 prairial an XII, l'autorité civile est chargée de la police des cimetières ; il ne résulte pas de là qu'elle ait le droit de décider que l'individu décédé est de telle ou de telle religion ; c'est aux ministres des différents cultes seuls à prendre une pareille résolution, et si un malade repousse, au dernier moment de sa vie, tout secours religieux, il faut respecter sa détermination.

C'est sa liberté de conscience que l'on doit tolérer, il faut alors l'enterrer dans le terrain neutre, où l'on inhume les enfants mort-nés et les personnes décédées en dehors de la foi catholique.

Aussi, dans le Répertoire administratif de MM. Ch. de Brouckere et F. Tielemans, où ces questions d'inhumation ont été traitées, il y est dit que, dans le cas du fait qui s'est passé à Uccle, l'inhumation devrait avoir lieu dans la partie du cimetière réservée pour l'enterrement de ceux que l'Eglise rejetterait de son sein ; c'est-à-dire dans la partie profane du cimetière.

Je ne puis donc approuver l'acte posé par l'honorable chef de l'administration communale d'Uccle, et, pour éviter que de pareils faits regrettables se reproduisent encore, il est à désirer que les honorables ministres de la justice et de l'intérieur s'entendent pour donner, à cet effet, des instructions formelles aux autorités locales, afin qu'aucune atteinte ne soit plus portés à la liberté des cultes et de conscience, garantie par la Constitution, et qui doit aussi bien être respectée que toutes nos autres grandes libertés.

M. B. Dumortier. - Messieurs, je ne puis mieux répondre à l'honorable député de Bruxelles qui vient de parler, qu'en donnant lecture de l'article 15 du décret de prairial an XII. Cet article est ainsi conçu :

« Dans les communes où l'on professe plusieurs cultes, chaque culte doit avoir un lieu d'inhumation particulier ; et, dans le cas où il n'y aurait qu'un seul cimetière, on le partagera en autant de parties qu'il y a de cultes différents, en proportionnant cet espace au nombre d'habitants de chaque culte. »

Voilà, messieurs, la loi ; voilà la disposition qui régit les cimetières ; je crois que la seule lecture de cette disposition est la réfutation la plus forte des paroles prononcées tout à l'heure par l'honorable député de (page 1854) Bruxelles qui, lui, soutient qu'en principe la question des cultes est une affaire indifférente ; qu'il n'y a pas lieu de partager les cimetières ; que c'est le bourgmestre et non l'autorité religieuse qui a le droit de désigner l'endroit du cimetière où chacun sera enterré.

Du moment, messieurs, que la loi stipule qu'il y aura dans les cimetières autant de divisions qu'il y a de cultes différents professés dans la commune, il est de toute évidence, pour tout homme non prévenu, une fois les divisions établies, que c'est au ministre des cultes à déterminer le lieu d'inhumation. C'est ce que vient de constater encore à l'instant même notre honorable collègue, M. le comte de Renesse, avec le bon sens qui caractérise toujours ses paroles. Cela ne concerne point l'autorité civile ; ce n'est point à l'autorité civile de décider que telle ou telle personne appartient ou n'appartient pas à un culte quelconque.

Ce serait là, messieurs, une violation flagrante de la Constitution ; ce serait dire que la liberté des cultes peut être anéantie par le bourgmestre.

L'honorable membre a été bien faible dans toutes les observations qu'il vous a présentées. Je n'ai point retrouvé là le défenseur de la véritable liberté, et cette chaleureuse éloquence qu'on trouve chez lui chaque fois qu'il est à la tribune pour défendre les grands principes de 1830.

Malheureusement, sa thèse aujourd'hui lui fait défaut ; ce n'est plus la liberté qu'il défend, mais le despotisme du bourgmestre. Voilà pourquoi sa parole a été si faible et qu'au lieu de ces accents chaleureux, nous avons entendu une dissertation diffuse dans laquelle il eût été très difficile de saisir ce que voulait l'orateur, sinon combattre les principes catholiques.

Comment ! Je poserai à l'honorable membre et à ceux qui partagent son opinion, cette question : Il y a, aux portes de Bruxelles, un cimetière où il y a des compartiments pour chaque culte, pour les catholiques, pour les protestants et pour les israélites ; eh bien, si le curé de telle paroisse s'avisait de vouloir inhumer un catholique au milieu d'un cimetière protestant ou israélite, je dis que l'honorable membre n'aurait pas assez de voix pour protester contre un pareil acte de fanatisme, contre un acte aussi attentatoire à la liberté des cultes.

M. Hymans. - Je demande la parole.

M. B. Dumortier. - Ainsi, ce que vous combattriez, s'il s'agissait d'un culte différent du culte catholique, vous l'approuverez parce qu'il s'agit du culte catholique, du culte de la majorité des Belges, d'un culte qui fait la force de notre nationalité, d'un culte qui est un des éléments les plus puissants de notre existence nationale.

Il faut être logique, il faut être conséquent avec soi-même : un principe qui a existé de tout temps et dans tous les lieux, c'est le caractère sacré des tombeaux, et ce principe est connexe avec le sentiment religieux.

Allez dans un cimetière, qu'y voyez-vous ? Sur chaque tombe vous voyez la croix, le signe de la rédemption humaine ; c'est au nom de la croix que chaque corps a été inhumé ; cette croix vous dit que ce sont des catholiques qui reposent en cet endroit ; et vous voulez, parce que vous êtes libre penseur, parce que vous avez toute votre vie combattu la croix, vous voulez pouvoir vous cacher à l'ombre de cette croix, à l'ombre d'un principe que vous avez combattu toute votre vie.

Eh bien, je dis qu'un pareil système est déplorable. Si vos principes de libre penseur vous conduisent jusque-là, suivez l'exemple de saint Martin de Liège, faites-vous enterrer dans .... et alors je vous comprendrai. Si les libres penseurs veulent avoir leur cimetière, qu'ils en établissent. Mais ils s'en garderont bien ! Ils n'oseraient pas se parquer ainsi : leur petit nombre constaterait trop visiblement qu'ils ne constituent qu'une infime exception. C'est pour cela qu'ils veulent s'emparer du domaine catholique et qu'ils viennent se cacher parmi nos morts après nous avoir combattus toute leur vie.

Ainsi, voyez l'étrangeté de leur logique : refuser d'enterrer dans la terre consacrée au culte catholique un homme qui, toute sa vie, et jusqu'à sa dernière heure a refusé de faire partie de la communion catholique, qui a repoussé la famille catholique dans laquelle il était né, car une religion est une famille, qui n'a pas voulu accepter les consolations de l'Eglise à l'heure suprême de la mort, c'est violer la conscience, c'est outrager l'humanité, c'est flétrir la mémoire de l'homme qui meurt ainsi.

Et soutenir le droit des fidèles d'avoir un champ de repos pour eux, soutenir pour les catholiques ce que vous soutenez pour les juifs, pour les protestants, c'est vouloir exploiter les masses ! Ainsi quand nous venons soutenir et réclamer pour nous ce qui existe dans le monde entier ; quand nous défendons ce principe sacré, qui de tout temps a régné chez toutes les nations, sans en excepter les plus barbares, de la consécration d'un lieu de repos commun pour les fidèles d'un même culte, quand après cela on vient ici nous représenter comme des monstres de l’humanité, qui ne cherchent qu'à l'outrager, je dis qu'il n'y a qu'une chose à faire pour répondre à de pareils écarts de langage, c'est de les livrer à l'indignation publique. Aussi, messieurs, c'est ce que je fais en terminant et en me rasseyant.

M. Hymans. - La question dont la Chambre est saisie est assurément très grave ; elle est, je le reconnais, de celles qui émeuvent vivement l'opinion publique. Elle touche à la liberté de conscience, la plus précieuse de toutes les libertés. Elle a donc besoin d'être discutée avec le plus grand calme, et je crois que ce calme est facile dès l’instant que l’on veut s'efforcer de maintenir le débat dans les régions élevées d'où il ne doit pas descendre.

Ce calme est facile encore parce que si la question est délicate, elle a du moins cet avantage qu'elle n'implique en aucune façon, en aucun point, la rivalité de deux sectes différentes ; elle n'implique aucun dogme, elle peut se résoudre, d'une manière absolue, par les principes du droit ; je dis même qu'elle est depuis longtemps résolue par l’usage, par la loi, par la philosophie et, par-dessus tout, par les principes de la tolérance moderne.

Aucun dogme n'est en jeu dans cette question ; tous les auteurs sont de cet avis, catholiques ou libéraux. La pétition qu'on vous a fait connaître demande l'exhumation du colonel de Moor parce que le cimetière est la propriété de la fabrique, non parce qu'un dogme a été violé. Il ne s'agit pas d'un dogme, tous les faits le prouvent ; tous les jours le clergé admet, dans le cimetière, des individus n'ayant pas reçu ou ayant refusé les secours de l'Eglise.

Je ne veux pas remonter bien haut ; à Namur, il y a quelques jours à peine, le 17 de ce mois, un sous-officier de l'armée a été inhumé en terre sainte, quoique ayant refusé de recevoir les sacrements. Il y a quelques années dans une commune située aux portes de Bruxelles, à Ixelles, un officier supérieur de l'armée acheta un terrain dans le cimetière et y fit construire un caveau pour sa famille.

Sa fille mourut avant lui, elle fut inhumée dans le caveau construit par son père, mais quelque temps après, le père mourut en libre penseur ; le clergé refusa de le recevoir dans la sépulture de la famille. Le bourgmestre qui appartenait, je crois, à l'opinion catholique l'y fit ensevelir.

Avant-hier, à Verviers, un honorable conseiller communal M. Masson, adressa au bourgmestre en séance publique du conseil l'interpellation suivante : « On accorde au cimetière des concessions temporaires et des concessions perpétuelles. Je suppose qu’il se présente le cas suivant : une concession est accordé à une famille appartenant au culte catholique ; si un membre de cette famille appartient à un culte dissident, pourra-t-il être enterré à côté de ses parents dans le terrain concédé faisant partie du cimetière catholique ? »

Le bourgmestre répond : « Nous avons des familles dont le mari et la femme appartiennent à des cultes différents ; ces deux personnes sont inhumées dans le même caveau. »

Et cela se fait sur tous les points du pays sans protestation du clergé qui se plaint aujourd'hui.

M. B. Dumortier. - C'est une erreur !

M. Hymans. - Je répondrai à M. Dumortier que je n'ai pas l'habitude de tronquer les documents dont je me sers.

Je viens de vous citer trois communes différentes ; je pourrais en citer beaucoup d'autres ; je pourrais citer de nombreux cimetières où le clergé consent à enterrer les réprouvés sans se croire obligé de débénir le cimetière, parce que ces réprouvés ont été inhumés en terre bénite. Il ne s’agit donc pas d'un dogme, mais d'une simple pratique que le clergé fait fléchir dans bien des circonstances, devant des considérations d'ordre public.

La question de propriété est aussi hors de cause. Tout le monde dans cette enceinte admettra, je pense, que le droit de police dérivant de la loi de prairial an XII est applicable aux anciens cimetières comme aux cimetières nouveaux.

Le dogme n'est pas en cause, la question de propriété non plus ; les termes de la loi de prairial sont formels.

D'ailleurs, si la propriété donnait le droit d'exclure du cimetière, le clergé aurait dû interdire l'entrée du terrain profane au colonel de Moor, car le terrain profane, comme le terrain bénit, est une propriété fabricienne.

La question de propriété n'est donc pour rien ici, pas plus que les principes religieux. En voulez-vous la preuve ?

Dans une autre commune limitrophe de Bruxelles, à Laeken, en vertu d'une convention qui a donné à la fabrique, moyennant une rente, la propriété du cimetière, en interdisant à la commune, chose contraire à la liberté des cultes, d'en établir une autre, la fabrique catholique exploite, (page 1855) sans s'occuper de la question religieuse, l'inhumation des juifs et des protestants.

Le clergé ne peut donc pas se fonder sur la question de dogme ou de propriété pour refuser l'inhumation. Voyons sur quoi peut se fonder le bourgmestre pour l'exiger.

Messieurs, en vertu des principes de 1789, qui, s'ils ne sont pas la base de notre existence politique, sont du moins la base de la société moderne, l'inhumation des morts n'est plus qu'un acte exclusivement civil, c'est l'opinion de tous les auteurs, c'est le terme dont se sert Portalis qui a négocié le concordat.

Je citerai M. Tielemans dont on a fait intervenir ici l'opinion, bien à tort, pour nous l'opposer :

« L’inhumation est une mesure de salubrité publique, dont l'exécution regarde exclusivement les communes, un fait de police auquel les citoyens peuvent bien ajouter les cérémonies de leur culte, mais qui est complètement indépendant de l'autorité ecclésiastique. »

Ce sont si bien là les principes de la société moderne, de la révolution française dont nous sommes tous les enfants, que le décret du 12 frimaire an II, auquel a été substitué le décret impérial de prairial an XII, prescrivait l’inhumation de tous les citoyens dans un même cimetière où les ministres des différents cultes venaient procéder chacun à leurs cérémonies.

Pourquoi la loi de prairial a-t-elle prescrit d'établir des cimetières sépares par des murs, des fossés ou des haies avec des entrées particulières ? Pour prévenir les collisions qui avaient lieu dans les cimetières de certaines communes, de l'Alsace surtout, où les protestants étaient à peu près aussi nombreux que les catholiques, si bien que des conflits regrettables se produisaient, sur les tombes, entre les ministres des deux cultes. C'est pour cela que le décret de prairial a été rendu.

Je ne crois pas que là où il existe différents cultes, que là où le décret a été fidèlement exécuté, on ait signalé des abus ; la loi de prairial exécutée à la lettre suffit aux exigences des différents cultes. Mais c'est ici que se pose la grande question : que deviennent les libres penseurs, les philosophes, ceux qui ne professent aucun culte, officiellement reconnu ?

M. Julliot. - Le culte de la raison.

M. Hymans. - Le culte de la raison, soit. Que ferez-vous des cendres de ceux qui professent le culte de la raison ? J'espère que vous ne les jetterez pas à la voirie, comme on jetait à la voirie les cadavres des protestants en Belgique avant le traité de Westphalie, comme on jetait à la voirie les cadavres des protestants en France après la révocation de l'édit de Nantes !

Dans un pays d'égalité, dans un pays comme le nôtre où nul ne peut être recherché pour ses opinions religieuses, il doit être permis de mourir en philosophe, de mourir en libre penseur, sans léguer à sa famille une flétrissure ; sans laisser à la foule ignorante en général, et parfois égarée, et par cela même qu'elle est ignorante, souvent à la discrétion de ceux qui la mènent, le droit d'aller étaler son mépris sur la tombe d'un honnête homme.

Dans un pays où l'on peut naître, vivre, enseigner, gouverner, régner en dehors de l'Eglise, il doit être permis de mourir sans subir une flétrissure.

- Plusieurs membres. - Certainement.

M. Hymans. - Vous dites certainement. Mais c'est une flétrissure, vous ne pouvez le contester, que cette inhumation dans ce que vous appelez, en termes propres, le coin des réprouvés, dans ce qu'on appelle quelquefois en chaire, à la campagne, le coin des chiens. (Interruption.)

Pour n'être plus catholique, vous voudrez bien admettre que l'on reste citoyen et que le tombeau d'un père, d'un frère, d'un époux, reste un lieu de pèlerinage dont on ne devrait approcher qu'avec un saint respect.

Or, messieurs, j'entre ici au cœur de la question, ces jours derniers, comme on parlait beaucoup de cette affaire d'Uccle, j'ai voulu juger par moi-même de la vérité de ce qu'on affirmait de part et d'autre. Je suis allé à Uccle et j'ai été voir le cimetière.

On m'a montré d'abord la tombe du colonel de Moor dans le terrain bénit des catholiques. J'ai vu là une tombe plantée de fleurs par la famille.

Quand j'ai demandé ensuite à un passant où était cette portion réservée du cimetière dans laquelle on avait voulu enterrer le colonel de Moor, on m'a montré un coin de quelques pieds, qui n'est séparé du reste du cimetière par rien, si ce n'est par quelques ronces que l'on voit à peine, qui n'a pas d'entrée particulière, qui est une espèce de coin vil dans le cimetière commun des catholiques, qui fait tache en un mot et une tache bien sensible et bien triste dans cet enclos si bien soigné par la piété des familles. On m'a dit : C'est là que l'on voulait enterrer le colonel de Moor, in het geusen kerkhof, dans le cimetière des gueux.

Eh bien, toute la question est là. Il n'y a pas à Uccle de cimetière réservé pour les dissidents, de cimetière tel que le prescrit le décret de prairial, séparé en diverses portions pour les différents cultes, par une haie, un mur ou un fossé. Il n'y a pas à Uccle de cimetière où l'on pût recueillir les restes du colonel de Moor, le clergé catholique ne voulant pas le recueillir dans le sien. Il y a quelques pieds de terre où l'on peut au plus déposer quatre personnes, une espèce de coin vil, banal, qu'aucune croix, aucune marque de respect ne distingue. (Interruption.)

M. le bourgmestre d'Uccle n'a pas voulu enterrer le colonel de Moor dans cet endroit, et je crois qu'il a bien fait. Il est resté dans les termes de la loi, qui accorde à l'autorité communale le droit de désigner le lieu de la sépulture, il a suivi les principes émis en 1845 par M. Mercier, gouverneur du Hainaut, sous le ministère de l'honorable M. d'Anethan et de l'honorable comte de Theux. Il a fait ce que bien d'autres magistrats ont fait avant lui, même aux portes de la capitale, sans que des protestations se soient jamais élevées d'aucune part. Il a compris en un mot que le cimetière est un lieu public qu'aucune bénédiction quelconque ne peut faire rentrer dans l'ordre des choses privées. (Interruption.)

Car enfin qu'est-ce que l'inhumation d'un mort ? C'est un usage qui a varié selon les temps et les lieux ; c'est un usage qu'un autre a précédé, que d'autres suivront peut-être, mais qui est certes sans influence aucune, je le suppose du moins, sur les destinées de notre âme immortelle. C'est un acte purement civil, qui, dans un pays où règne la liberté de conscience, ne peut être subordonné aux exigences d'un culte.

Le décret de prairial a voulu des cimetières différents pour chaque culte. Notre Constitution, bien entendu, ne peut plus admettre qu'un cimetière commun, non pas pour tous les fidèles, la Constitution ne connaît pas de fidèles, mais pour tous les citoyens.

S'il était autrement, mais la réputation d'un homme serait à la discrétion d'un ministre du culte. On excommuniera cet homme aujourd'hui, parce qu'il a refusé les sacrements ; demain, parce qu'il a professé des opinions politiques considérées comme dangereuses ; après-demain, parce qu'il n'a pas souscrit pour le denier de saint Pierre. Et quand un catholique aura été ainsi exclu du temple sans qu'aucune autre église le recueille chez elle, on lui refusera la sépulture dans un terrain dont l'autorité civile a la police, parce qu'il ne s'y accomplit que des actes purement civils ! Cela est inadmissible, cela est contraire aux principes de la raison et de l'équité, les seuls dont nous ayons à nous préoccuper dans cette enceinte.

Ce que je dis s'applique à toutes les religions. Quand un homme n'a pas publiquement abjuré un culte, il meurt, aux yeux de la loi civile, dans le culte où il est né, et c'est ce système qui a fait dire au commissaire d'arrondissement de Bruxelles dans sa lettre du 9 juillet, après d'autres autorités fort respectables : J'estime que le bourgmestre doit faire enterrer celui qui est né catholique et qui n'a pas embrassé publiquement une autre croyance, dans la partie du cimetière destinée à recevoir la sépulture des catholiques.

Cela paraît bien exorbitant à nos honorables adversaires.

Il n'appartient pas à un bourgmestre, s'écrie l'honorable M. Dumortier, de décider à quelle religion appartient un citoyen. Mais je voudrais savoir comment, dans certains cas, il serait possible qu'il en fût autrement ? Je demanderai ce qui arriverait, dans certains cas, si le bourgmestre chargé de faire faire l'inhumation, n'était pas là pour dire : Le citoyen, qui est peut-être là gisant sur .la voie publique, sera enterré dans tel cimetière, parce qu'il appartenait notoirement pendant sa vie à telle religion.

Quand il y a doute ou ignorance.il faut bien que le bourgmestre chargé de faire l'inhumation, puise quelque part les éléments de sa conviction.

Or, un individu, qui est né catholique, qui n'a pas embrassé d'autre culte pendant sa vie, est repoussé par le clergé catholique après sa mort. Que fera le bourgmestre ? Fera-t-il enterrer cet homme dans le cimetière protestant ? Evidemment non.

M. Julliot. - Ce n'est pas son affaire !

M. Hymans. - C'est certainement son affaire. L'autorité communale est chargée de l'inhumation des morts (Interruption.) Je demande où on le fera enterrer ? Ce sera évidemment dans le cimetière catholique, s'il n'y a que celui-là. (Interruption.) Je réponds à l'interruption de l'honorable M. Dumortier en disant que le bourgmestre ne permettra pas, si le défunt était un homme honorable, qu'on imprime une flétrissure à sa mémoire en le reléguant dans un endroit mal famé (Interruption.)

Un endroit malfamé, je le répète, et nous ne sommée plus au temps (page 1856) des anathèmes ; un prêtre n'a plus le droit d'exclure un homme de la société ni pendant sa vie ni après sa mort.

La doctrine que j'affirme ici, c'est celle de jurisconsultes éminents, d'écrivains qui passent pour très orthodoxes. Un auteur que l'honorable M. Nothomb citait un jour ici à l'appui de sa doctrine eu matière de propriété des cimetières, M. Gaudry, dans son Traité de l’administration des cultes, soutient que l'autorité laïque est compétente, non pas pour forcer à prier ni à faire, ni à absoudre, mais pour vérifier s'il y a atteinte portée à l'intérêt matériel ou à l'honneur de l'individu par le fait d’une sépulture pareille à celle qu'on voulait donner à Uccle au colonel de Moor.

Le même auteur va plus loin.

« Si dans une paroisse catholique le cimetière est en général la sépulture des individus morts dans le culte catholique, il est aussi la sépulture de toute personne décédée, quel que soit son culte ; ce n'est donc ni un lieu spécialement affecté au culte, ni un immeuble utile ; c'est une sépulture des citoyens. »

M. de Cormenin, dont on a également cité l'autorité contre nous dans cette affaire, M. de Cormenin, dans son Traité de droit administratif, tient exactement le même langage que l'auteur que je viens de citer.

M. l'abbé Glaire, doyen de la faculté de théologie de Paris, dont on ne contestera pas l'orthodoxie, ne parle pas autrement.

Mais il est vrai que tous ces auteurs établissent tout d'abord la distinction que nous faisons tous, entre l'acte civil et l'inhumation et les obsèques religieuses. Mais mon Dieu ! les obsèques religieuses nous nous inclinons avec respect devant le prêtre qui les refuse. Nous comprenons que ce refus soit un châtiment et un châtiment mérité pour un fils rebelle de l'Eglise. Je vais même jusqu'à admettre qu'ayant le droit de bénir la fosse, le prêtre ait le droit de la maudire ; mais le cadavre de mon père, de mon fils appartient à l'autorité civile et je ne veux pas que vous le déshonoriez.

M. de Moor a refusé les secours de l'Eglise, cela a été dit et redit. Je ne sache pas que la famille les ait réclamés.

Mais le colonel de Moor a reçu une sépulture convenable. Chacun est resté dans son droit comme on y est resté à Saint-Pierre-Capelle en 1855, sous le ministère de l'honorable M. Nothomb, comme on y est resté à Herve, sous l'administration de notre honorable collègue M. Moreau, comme on y est resté à Ixelles dans les circonstances que j'ai citées tout à l'heure.

Et si le peuple s'est ému, comme le pense l'honorable M. Julliot, et je crois pouvoir dire ici que l'émotion n'est ni vive ni dangereuse ; si les meetings d'Anvers ne l'étaient pas plus, je ne m'en préoccuperais guère ; si le peuple s’est ému, si une émotion s'est produite quelque part, je dirai, avec un écrivain belge dont je respecte la mémoire, que le peuple s'est prononcé et se prononcera toujours en faveur de la tolérance.

M. Julliot. - La tolérance est de notre côté.

M. Hymans. - Je vous dirai tout à l'heure ce que c'est que la tolérance, vous ne le savez pas.

Messieurs, je vous citais tout à l'heure, des autorités françaises. Voici maintenant comment s'exprime un magistrat beige, et vous verrez que la théorie de M. le commissaire d'arrondissement de Bruxelles, que l'on trouve à droite si extraordinaire, si naïve, si ingénue, si neuve, n'a rien d'extraordinaire, rien de neuf, rien d'inédit.

« Tout homme né catholique, dit. M. Flechet, ancien juge au tribunal de Liége, ancien commissaire d'arrondissement, tout homme né catholique, qui n'a pas adopté un autre culte pour lequel un cimetière distinct doit être établi, doit être enterré parmi les catholiques, peu importe qu'il ait satisfait le clergé dans ses derniers moments ! peu importe que le clergé l'ait repoussé du giron de l'église. Il doit en être ainsi parce que l'acte d'inhumation, aux yeux de la loi laïque, est un acte civil, et parce que les divisions ont été prescrites par le décret, bien plus dans un intérêt d'oirre public que dans un intérêt religieux.

« Quand l'autorité dit qu'un catholique hétérodoxe sera enterré dans le cimetière d'un culte dans lequel il est né, elle ne tranche pas pour cela une question d'orthodoxie, mais une question d'ordre public ; elle dit en outre que les pasteurs d'un autre culte n'auront pas le droit de venir faire des cérémonies à côté d’un prêtre catholique, en exposant des sectaires différents à se livrer à des collisions. »

Est-il rien de plus simple, de plus vrai, de plus conforme à tous les principes du droit et de la Constitution.

En France on en a jugé de même. L’honorable M. De Fré a déjà cité tout à l’heure la circulaire de M. Duchâtel, qui date de 1838 ; il en est une autre encore, beaucoup plus récente, émanée de . Billaut, actuellement ministre, aux terme de laquelle les catholiques exclus de l’église n'en restent pas moins catholiques aux veux de la loi, et ne peuvent être séparés de leurs coreligionnaires, parce qu'on ne peut faire de leur sépulture une sorte de châtiment public.

Voilà pourquoi je disais tout à l'heure que c'était infliger une flétrissure à un citoyen que de l'enterrer dans un endroit maudit.

Or, messieurs, c'est d'après ces principes qu'a agi le bourgmestre d’Uccle.

Mieux vaudrait sans doute une législation formelle et bien précise ; mais, je le répète, en attestant que la question soit résolue, l'opinion publique se rangera toujours du côté de la tolérance.

Ah ! dit l'honorable M. Dumortier, la tolérance c'est nous qui en avons le monopole ! Tolérance, cela veut dire la liberté du culte catholique, à la condition que le culte catholique soit en immense majorité dans le pays.

Tolérance, cela veut dire le droit de tout faire, nous le savons. La tolérance, c'est la même chose que la liberté d'association, que la liberté d'enseignement expliquées et commentées par les honorables MM. Dumortier, Dechamps et leurs amis.

Mais tout le monde n'entend pas la tolérance comme l'honorable M. Dumortier. Qu'il me soit permis de citer quelques preuves de la manière dont cette tolérance peut être entendue par les ministres d'un culte qui n’est pas celui de la majorité des Belges, et je répondrai par des exemples à cette tirade dans laquelle l'honorable M. Dumortier nous disait tout à l'heure qu'on n'aurait pas osé déposer le cadavre d'un catholique réprouvé dans le cimetière protestant, que la communauté protestante tout entière se serait soulevée d'indignation. Voyons les faits :

En Belgique et probablement ailleurs, je n'en sais trop rien, car je ne suis guère au courant des choses canoniques, le clergé catholique refuse d'inhumer dans la terre bénite les catholiques du rite grec. Eh bien, à Bruxelles, tous ces chrétiens, ces catholiques, excommuniés par le clergé catholique romain, sont recueillis successivement dans le cimetière protestant.

Le cimetière protestant de Bruxelles renferme les restes du fils d'un homme éminent, quoique libre penseur, de M. Edgard Quinet, et ce jeune homme appartenait comme sa mère, qui était la fille d'un illustre poète moldave, à la religion grecque.

Au mois d'octobre 1858, M. Rajicoski mourut à Bruxelles chez un particulier de la rue Saint-Jean. Ce dernier, qui était très catholique, s'empressa de prévenir le prêtre de sa paroisse qui refusa d'enterrer le défunt parce qu'il était schismatique grec.

Les amis de M. Rajicoski, s'adressèrent à M. Vent, pasteur évangélique, à Bruxelles, qui procéda à l'inhumation dans le cimetière protestant.

Autre fait, M. Grégorien, catholique grec, mourut l'année dernière à Bruxelles ; et avant de mourir, il voulut communier. Il n'y avait pas à Bruxelles de prêtre de son rite ; le pasteur évangélique appelé auprès de lui, lui donna la communion. Sur ces entrefaites, arriva le chapelain de l'ambassade russe à Paris ; le pasteur évangélique lui remit le cadavre ; le prêtre russe du rite grec procéda à l'enterrement de M. Grégorien dans le cimetière protestant de Saint-Gilles, selon le rite grec.,

Voilà de la tolérance, et j'ajouterai qu'à peine installé à Bruxelles, le prince Orloff, ministre de la Russie, alla remercier en personne le pasteur évangélique des soins vraiment chrétiens qu'il avait donnés dans une foule de circonstances, à ses coreligionnaires.

Ce n'est pas tout ; allez au cimetière protestant de Bruxelles, vous y trouverez la tombe d'un libre penseur, d'un homme que vous avez tous estimé, tous connu, qui a défendu les principes de la liberté illimitée, qui a plaidé la cause de la liberté, tour à tour dans l'intérêt des catholiques et dans l'intérêt de ceux que vous appelez des doctrinaires ; vous y trouverez la tombe d'un ancien membre du gouvernement provisoire, de M. de Potter. De Potter appartenait ouvertement à la société des solidaires.

Le clergé avait refusé de le laisser enterrer dans le cimetière catholique ; eh bien, sur la demande de sa famille, il fut enterré dans le cimetière protestant de Bruxelles, et le pasteur évangélique, M. Vent, donna en cela un magnifique exemple de tolérance ; il assista à l'enterrement en habit de ville, afin de prévenir toute espèce de désordre pendant la cérémonie.

Je demanderai à l'honorable M. Barthélemi Dumortier, si le consistoire évangélique s'est plaint dans cette circonstance, si les protestants ont trouvé que leur pasteur eût manqué aux devoirs de son ministère.

Cependant, de Potter était né catholique, il est mort en libre penseur ; il devait être enterré dans ce coin maudit ou profane, comme vous voudriez l'appeler, où l'on enterre les reprouvés.

Messieurs, je n'ajouterai rien à ces quelques considérations. Je crois avoir été très modéré, je crois qu'il n'en faut pas plus, qu'il n'en (page 1857) fallait pas autant pour éclairer vos consciences. Mais j'ai tenu à prouver, et c'est pour cela que j'ai pris la parole, que la tolérance n'est pas incompatible avec la loi, et que le bourgmestre d'Uccle n'a pas outre-passé la loi ni violé la liberté.

MpVµ. - La parole est à M. de Haerne.

M. de Haerne. - Vous devez comprendre, d'après les discours qui viennent d'être prononcés, que je devrai entrer dans d'assez longs détails. Il est 4 heures et demie ; j'en aurai probablement jusqu'à 5 heures et demie. Je demande la remise à demain.

- Des membres. - Continuons.

- D'autres membres. - A demain

M. B. Dumortier. - Messieurs, après une longue séance et à une heure aussi avancée, la Chambre n'a pas l'habitude de forcer un orateur à parler, surtout lorsqu'il déclare que les observations qu'il a à présenter seront assez longues.

Le même fait s'est présenté dans le courant de la semaine dernière et dans ce cas, comme dans toutes les circonstances semblables, la Chambre s'est montrée tolérante et bienveillante. Si elle en décide autrement aujourd'hui, elle commettra un acte d'intolérance. Voilà tout.

- La Chambre consultée remet la suite de la discussion à demain.

La séance est levée à 4 1/2 heures.