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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 29 juillet 1862

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1861-1862)

(page 1911) (Présidence de M. Vervoort.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Florisone, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Boe, secrétaire, lit le procès-verbal de la séance précédente.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Florisone, secrétaire,µ présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Les membres du conseil communal de Basècles demandent la construction d'un canal de jonction de la vallée de la Dendre au canal de Mons à Condé et que ce canal soit dirigé de Blaton sur Ath. »

« Même demande des membres de l'administration communale et d'habitants de Lessines, Bernissart, Ath, Blaton, Grandglise et Quevaucamps. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi de crédit pour l'exécution de travaux publics.

M. J. Jouret. - J'ai l'honneur d'appuyer la proposition qui est faite de déposer sur le bureau, pendant la discussion qui va s'ouvrir, la pétition dont vous venez d'entendre l'analyse. Cette pétition est extrêmement importante, elle émane du conseil communal de la ville de Lessines et des principaux industriels de cette localité.

Vous vous rappellerez, messieurs, que, lors de la discussion de la grande loi de travaux publics, en 1859, un amendement fut proposé par d'honorables collègues de Mons. Cet amendement forma l'article 8 de la loi ; il autorisait le gouvernement à exécuter, par voie de concession de péages, les travaux de canalisation de la Dendre, et en même temps l'établissement d'un canal d'Ath au couchant de Mons ou à Blaton. Vous le voyez, par cet article, l'alternative était laissée quant à la direction du canal : il pouvait, partant d'Ath, point extrême de la canalisation de la Dendre, aboutir à Mons ou à Blaton. Eh bien, c'est en faveur de cette dernière direction qui se prononcent maintenant d'une manière très énergique le conseil communal de Lessines ainsi que les industriels de cette ville.

Comme le moment n'est pas venu de se prononcer pour l’une ou pour l'autre direction, je m'abstiendrai de me prononcer, et je me bornerai à appuyer la proposition de déposer la pétition sur le bureau pendant la prochaine discussion.

M. Carlier. - Je n'ai demandé la parole que pour faire remarquer à la Chambre que si le conseil communal de Lessines s'est prononcé d'une manière très énergique, comme le dit mon honorable collègue, en faveur de la canalisation partant de Blaton vers Ath, il est, parmi les pièces dont le dépôt sur le bureau a été ordonné, une foule de pétitions de localités également importantes qui, très énergiquement aussi, se prononcent en faveur de la canalisation de Jemmapes à Ath. Je crois devoir rappeler ce fait à la Chambre pour poser les mêmes réserves que celles que vient de faire l'honorable M Jouret.

Pour ma part, je me réserve également de faire valoir devant la Chambre les raisons nombreuses en faveur du canal de Jemmapes à Ath.

M. J. Jouret. - Je veux seulement rectifier une partie des paroles prononcées par mon honorable collègue, et d'où il semblerait résulter qu'il n'y aurait que la ville de Lessines qui appuie le projet de canal vers Blaton. D'autres localités en nombre assez considérable ont également appuyé les directions que sollicite la ville de Lessines, et M. le secrétaire qui a fait l'analyse les a nommées.

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi de travaux publics.


« Le conseil communal de Termonde demande la construction du canal de Jemmapes à Ath, telle qu'elle est proposée par MM. Riche frères. »

M. de Terbecqµ. - Je demande le dépôt de cette pétition sur le bureau pendant la discussion du projet de loi de crédit pour l'exécution de travaux publics.

- Adopté.


« « Des industriels de la ville et de l'arrondissement de Huy demandent l'exécution complète et simultanée des travaux de canalisation de la Meuse, à partir de Chokier jusqu'à Sclaigneaux, ou du moins que le crédit de 1,400,000 francs, proposé par le gouvernement, soit appliqué aux travaux à exécuter en amont de Chokier. »

- Même décision.

« Les sieurs Wachter, Dupret, Dufour et autres demandent que les articles 38 et 39 du projet de loi d'organisation judiciaire soient remplacés par la disposition suivante : « Les membres des tribunaux de commerce sont élus dans une assemblée composée de tous les négociants de l’arrondissement dont le taux de la patente s'élève au moins à 50 francs. »

- Renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de loi d'organisation judiciaire.


« Le sieur Barthélemi demande une loi comprenant les fêtes anniversaires de septembre au nombre des fêtes légales reconnues par la loi du 29 germinal an X et l'arrêt du conseil d'Etat du 13 mars 1810, et portant que ces jours ne sont pas comptés pour l'exécution des formalités légales. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres du conseil communal et des habitants de Herck-la-Ville demandent que le chemin de fer d'Anvers à Hasselt passé par Baelen et Herck-la-Ville, pour de là se diriger sur Hasselt. »

- Même renvoi.


« Les membres du conseil communal et des habitants de Scheulen demandent que pour la direction du chemin de fer d'Anvers à Hasselt on adopte la ligne prise à droite, à partir de Diest pour Hasselt. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Wyneghem prie la Chambre de remplacer dans le projet de loi des travaux publics les mots : « un chemin de fer d'Anvers à Hasselt par Aerschot et Diest, » par ceux : « un chemin de fer d'Anvers à Hasselt par Nylen et Westerloo. »

- Même renvoi.


(page 1948) « Des habitants de Petit-Rumes demandent que le hameau de la commune de Rumes soit réuni à la commune de Tintegnies. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


(page 1911) « M. Kervyn de Lettenhove fait hommage à la Chambre d'un exemplaire des commentaires de Charles-Quint. »

- Dépôt à la bibliothèque.


« M. Edouard Sève fait hommage à la Chambre de son ouvrage sur les Etats du Nord. »

- Même décision.


« MM. d'Hoffschmidt et de Renesse, obligés de s'absenter, demandent un congé. »

- Accordé.


MpVµ. - Messieurs, dans la séance du 3 juillet dernier, M. le ministre des finances a déposé des projets de loi portant règlement définitif des budgets de 1851 à 1858 et la Chambre s'est réservé de statuer ultérieurement sur leur examen. Il est dans les usages de la Chambre de renvoyer l'examen de ces sortes de projets à la commission permanente des finances. Je propose à la Chambre de suivre en cette circonstance la marche qui a été adoptée jusqu'à présent.

- Cette proposition est adoptée.

Rapports sur des demandes en naturalisation

M. Van Volxemµ. - J'ai l'honneur de déposer plusieurs rapports sur des demandes en naturalisation.

- Ces rapports seront imprimés, distribués et portés à l'ordre du jour de vendredi.


M. de Boe. - J'ai l'honneur de déposer trois rapports sur des demandes en grande naturalisation.

- Ces rapports seront imprimés, distribués et portés à l'ordre du jour de vendredi.

Projet de loi ouvrant des crédits pour l’exécution de travaux d’utilité publique

Discussion générale

MpVµ. - Le gouvernement se rallie-t-il aux propositions de la section centrale ?

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Non, M. le président.

(page 1916) MpVµ. - La discussion s'ouvre donc sur le projet du gouvernement.

M. de Brouckereµ. - Messieurs, dans le cours de notre discussion sur le premier projet de travaux publics, il a été incidentellement question d'un canal qui relierait par la voie la plus directe les charbonnages du couchant de Mons à la Dendre. Mais il a été immédiatement reconnu que les observations, les propositions concernant ce canal se rattachaient plutôt à la loi dont nous commençons aujourd'hui l'examen, qu'à celle dont nous nous occupions alors.

Le moment est donc venu d'appeler votre attention sur cet important objet.

Je reconnais bien volontiers que parmi les dispositions que renferment les deux projets déposés le 14 juin sur notre bureau, il en est quelques-unes qui, dans la pensée du gouvernement, devaient avoir une certaine utilité pour les charbonnages du couchant de Mons.

Mais par suite de circonstances récentes, par suite de coïncidences que personne ne pouvait prévoir, les bonnes intentions du gouvernement seront entièrement stériles ; elles resteront une lettre morte.

Pour vous le démontrer, je ne puis mieux faire que de vous lire trois ou quatre lignes d'une requête très remarquable adressée récemment à la Chambre par tous les exploitants du couchant de Mons. Voici le passage qui fait allusion à ces travaux :

« La canalisation de la Mandel et la construction du canal de la Lys à l'Yperlée perdent tout leur prix, pour nous, depuis l'ouverture aux charbons du Pas-de-Calais de la navigation de la Lys. Il est évident que ces charbons, en descendant la rivière, arriveront dans la Mandel et dans l'Yperlée, à de bien meilleures conditions de transport que les nôtres.

« Quant au chemin de fer de Frameries à Chimay, nous n'en parlons pas : d’abord, parce que, comme le chemin de fer de Mons à Hautmont, il sera exécuté par l'industrie privée, sans aucun concours du gouvernement, et, aussi, parce que le chemin de Hirson à Achette, dont le Nord français vient d'obtenir la concession, nous ouvre une voie plus directe vers ces marchés de la Lorraine, de la Champagne et de l'Alsace, où nous aurons d'ailleurs bien de la peine à nous faire une part même minime, en luttant contre les efforts concertés de la compagnie française de l'Est et du bassin prussien de la Sarre. »

Ainsi, messieurs, vous le voyez, les exploitants de Mons n'attendent aucune espèce d'avantage ni du canal de la Lys à l'Yperlée, ni de la canalisation de la Mandel, ni du chemin de fer de Frameries à Chimay.

Quant à l'écluse de Deynze, qui figure dans le projet de loi dont nous nous occupons, c'est, messieurs, le payement d'une vieille dette. Vous n'ignorez pas que des fonds avaient été précédemment alloués pour cette écluse, que ces fonds ont été employés à un autre usage, et qu'aujourd'hui en en demandant de nouveaux, ce n'est qu'une simple restitution que l'on nous fait.

Je déclare cependant sans détour que je suis reconnaissant à M. le ministre des travaux publics de ses bonnes intentions. Nous avons dans le temps sollicité et le canal de la Lys à l'Yperlée, et la canalisation de la Mandel, et ce n'est ni la faute de M. le ministre des travaux publics ni la nôtre, si des circonstances récentes ont rendu ces travaux inutiles pour nous.

MiVµ. - Pas inutiles.

M. de Brouckereµ. - J'entends qu'on me dit : Pas inutiles. J'admets l'interruption ; j'admets très volontiers qu'il y a un peu d'exagération dans ce langage trop absolu. Mais une chose certaine et que l'on ne contestera pas, c'est que les avantages que nous pourrons retirer de ces divers travaux ne sont que bien peu de chose ou plutôt ne sont rien en comparaison de ceux qui résulteraient pour le bassin de Mons de la construction du canal de Jemmapes à Ath.

Messieurs, l'honorable M. de Decker l'a rappelé dernièrement, il a été bien anciennement question de ce canal et depuis un quart de siècle les députés de Mons n'ont cessé de le demander, de le solliciter, de le réclamer à cor et à cri. Je répéterai ces mots d'un de mes honorables amis dont je regrette beaucoup l'absence, de l'honorable M. Dolez....

- Plusieurs membres. - Il est ici.

M. de Brouckereµ. - L'honorable M. Dolez a été indisposé pendant quelque temps et n'a pu assister à nos séances. C'est avec un double plaisir que je le vois à la séance d'aujourd'hui. Il arrive fort à propos pour nous répéter un mot si juste qu'il a prononcé il y a quelque temps. Il vous a dit que nous ne cesserions de demander, de solliciter et de réclamer ce canal, que quand nous l'aurons obtenu, parce qu'il y a justice à ce qu'on nous l'accorde.

Mais si, de tout temps, ce canal a été regardé comme éminemment utile, comme éminemment avantageux, je n'hésite pas à dire qu'aujourd'hui il est devenu de la plus impérieuse nécessité. La plupart d'entre vous ignorent probablement quelle est en ce moment la situation du. bassin de Mons. Eh bien, cette situation est des plus tristes, est des plus déplorables ; et permettez-moi de vous le dire tout d'abord, je ne rencontrerai ici aucune contradiction, pas même celle du gouvernement qui, je crois, est parfaitement d'accord avec moi sur ce point.

La situation du bassin de Mons est des plus tristes, des plus déplorables Nos principaux débouchés ou nous échappent complètement ou vont s'amoindrissant, se rétrécissant de jour en jour.

(page 1917) Quelles sont les causes de cette décadence ? Il en est plusieurs, messieurs, et de natures diverses. J'en citerai seulement quelques-unes.

La première, c'est l'énorme développement qu'ont pris, depuis quelque temps, les charbonnages du Pas-de-Calais. Ces charbonnages aujourd'hui exploitent à peu près seuls toutes les contrées qui les environnent et nous ont complètement chassés de ces contrées où nous faisions jusques il y a peu de mois un commerce considérable.

En deuxième lieu, le traité que nous avons récemment conclu avec la France admettant le charbon français au droit d'un franc, tandis que nos charbons payent à l'entrée en France 1 fr. 80 c., les houilles françaises commencent à arriver en Belgique, particulièrement dans la Flandre occidentale, en très grande quantité. (Interruption.)

M. Rodenbach. - Il n'en arrive ni à Roulers ni à Courtrai. Tout le charbon employé pour les nombreuses usines de Roulers vient de Mons. MM. les députés de cet arrondissement ont un grand intérêt à ce que le canal de la Mandel s'exécute.

M. de Brouckereµ. - L'honorable M. Rodenbach me dit : « Roulers ne les reçoit pas. » Je remercie beaucoup Roulers et j'espère que, quoi qu'il arrive, Roulers continuera à prendre ces houilles de Mons. (Interruption.) Je ne veux pas faire ici la pratique. Mais j'accepte de grand cœur la préférence et je recommande tout particulièrement à la ville de Roulers les exploitants du couchant de Mons.

Mais enfin, messieurs, je le répète, les charbons français commencent à arriver dans la Flandre occidentale et ils y arriveront en plus grande quantité encore, par suite de la suppression du droit de 2 francs que l'on percevait à l'écluse de Comines.

En troisième lieu, le traité entre la France et l'Angleterre a tellement facilité l'entrée des houilles anglaises eu France, que le littoral de la mer du Nord s'approvisionne aujourd'hui presque exclusivement de houilles anglaises, à notre grand détriment.

Enfin, messieurs, les autres bassins du pays ont obtenu tellement de voies de communication, un si grand nombre d'avantages leur ont été accordés, que nous rencontrons aujourd'hui les produits des autres bassins jusque dans les localités dont nous avions le monopole, et je citerai pour exemple la ville de Gand.

Nous avions réellement le monopole de cette ville, nous rencontrons aujourd'hui à Gand les houilles de Charleroi qui s'y vendent avec grand avantage. Le fait ne sera nié ni par les députés de Gand, ni par les députés de Charleroi.

Ces causes et beaucoup d'autres encore que je passe sous silence ont amené pour le bassin de Mons un état de choses tel, qu'on n'y en a jamais vu de pareil.

Voulez-vous que je vous donne des preuves de la vérité de ce que j'avance ? Eh bien, messieurs, à l'heure où je parle, il y a sur les rivages du canal de Mons à Condé trois ou quatre millions d'hectolitres de houille qui attendent des acheteurs. De mémoire d'homme, on n'a jamais vu un pareil stock. Le stock ordinaire est d'environ 500,000 hectolitres.

Une autre circonstance, bien plus déplorable que celle-là, c'est l'état de misère dans lequel se trouvent bon nombre d’ouvriers du couchant de Mons.

Je me hâte de le dire ; je n'entends nullement faire allusion à la grève qui s'est manifestée ces jours derniers ; c'est là un incident qui ne sera, je l'espère, que passager, et je vous prie de croire que je n'invoquerai jamais un pareil incident pour m'en faire un argument. Je parle de la situation des ouvriers depuis un certain temps. (Interruption.)

C'est vrai ! dit-on en m'interrompant ; mais c'est beaucoup plus vrai qu'on ne le pense.

Je mets en fait, et je suis persuadé que le gouvernement en a été informé ; je mets en fait qu'il y a de nombreuses familles d'ouvriers dans le bassin du couchant de Mons qui ont à peine à manger une fois par vingt-quatre heures. Oui, messieurs, la misère y est arrivée au dernier point ; les ouvriers commencent à se rendre par bandes dans les communes voisines de leur résidence pour mendier des secours indispensables, pour tendre à l'aumône une main humiliée, habituée au travail.

M. le gouverneur du Hainaut, j'en ai la conviction, n'a pas manqué de porter ces faits à la connaissance du gouvernement ; car lui-même est plus d'une fois venu généreusement au secours de misères qu'un cœur sensible comme le sien ne peut voir sans chercher à les soulager.

Si encore il ne s'agissait pour le bassin du couchant de Mons que d'une crise momentanée, comme pour l'industrie cotonnière et pour d'autres industries, si l'on entrevoyait le terme de cette crise... Mais non, messieurs, ce n'est pas une crise passagère ; c'est le commencement d'une décadence qui, si on n'y porte pas remède, ira croissant de jour en jour.

Nos anciens débouchés nous échappent ; il faut que nous en cherchions de nouveaux.

Il y a une véritable transformation à faire pour le bassin du couchant de Mons.

Le mal toutefois n'est pas sans remède.

Pour trouver de nouveaux débouchés, il faut deux choses ; il faut d'abord les efforts intelligents, actifs, incessants des exploitants ; sous ce rapport vous pouvez être rassurés, leur intérêt vous est garant qu'ils ne négligeront rien ; mais il faut aussi le concours du gouvernement.

Eh bien, que demandent au gouvernement les exploitants du couchant de Mons ? J'ai en mains une requête signée par tous les exploitants du bassin du couchant de Mons ; ils demandent unanimement une seule et même chose : un canal reliant le bassin du couchant de Mons à la Dendre.

Ce canal n'est rien de nouveau pour vous ni pour le gouvernement.

Il a été décrété trois fois. Par un arrêté du 18 juin 1842, la concession du canal de Jemmapes à la Dendre a été provisoirement accordée au sieur Dubois-Nihoul ; par un autre arrêté de 1845, il a obtenu définitivement cette même concession, ce qui prouve qu'il avait déposé le cautionnement prescrit par le cahier des charges.

Le canal n'a pas été construit parce que le concessionnaire n'a pas trouvé les fonds nécessaires. La chose n'est pas étonnante, comme nous le verrons plus tard.

En 1859, le gouvernement et les deux Chambres ont de nouveau décrété une voie de communication entre le canal de Mons à Condé et la Dendre.

Voici, messieurs, les termes de la loi de 1859.

« Le gouvernement est autorisé à faire exécuter, par voie de concession de péages et aux conditions qu'il déterminera, les travaux nécessaires pour améliorer le régime de la Dendre ainsi que la construction d'un canal du couchant de Mons ou de Blaton à Ath.

« Les crédits ouverts au paragraphe 9 de l'article premier et au paragraphe premier de l'article 4 de la présente loi pour l'amélioration du régime des eaux de la Dendre pourront être alloués par le gouvernement à titre de subvention jusqu'à concurrence de 2,500,000 fr. à la compagnie qui se constituerait pour l'exécution de ces travaux. »

Ainsi, messieurs, voici une chose bien avérée, c'est qu'à trois reprises soit les deux Chambres, soit le gouvernement, ont reconnu l'utilité et je puis le dire, la nécessité d'un canal partant soit du couchant de Mons, soit de Blaton, puisqu'on a laissé l'alternative, et allant aboutir à la Dendre.

Il y a trois ans que cette loi a été votée.

Jusqu'ici aucun demandeur en concession n'a rempli les conditions voulues pour que la concession ait pu lui être accordée.

Nous sommes donc en droit de dire aujourd'hui que les conditions faites en 1842 et en 1859 n'ont pas abouti.

Est-ce une raison pour renoncer à un canal que l'on reconnaît utile et nécessaire ? Non !

Si les conditions que nous avons faites en 1859 ont été insuffisantes, il faut en décréter d'autres. Jamais la Chambre n'a reculé, je pense, devant une dépense alors qu'elle avait décrété l'utilité et la nécessité d'un travail.

Eh bien, messieurs, il y a, selon nous, deux moyens d'arriver à la construction de ce canal. C'est le minimum d'intérêt ou la construction du canal par le gouvernement.

Occupons-nous d'abord du minimum d'intérêt. Quelques-uns d'entre vous, messieurs, ont pu croire que le principe du minimum d'intérêt était une chose abandonnée, condamnée sans retour.

Il n'en est rien, car il y a précisément dix jours que nous avons fait, d'accord avec le gouvernement et sur sa proposition, une nouvelle application du principe du minimum d'intérêt.

M. Allard. - On nous l'a refusé, à nous.

M. de Brouckereµ. - J'espère que je ne serai pas mis sur la même ligne que vous et que j'obtiendrai ce que je demande.

Malgré toute l'amitié que j'ai pour vous, je dois séparer aujourd'hui mon sort du vôtre.

Je dis donc qu'on a fait, samedi passé huit jours, une nouvelle application du principe du minimum d'intérêt ; et pas pour une somme minime, mais pour une rente annuelle de 800,000 francs.

Eh bien, nous demandons, nous, qu'on fasse aujourd'hui une nouvelle application de ce principe, non pas pour 800,000 francs, mais seulement pour 500,000 francs.

M. le ministre des travaux publics nous dira sans doute pour repousser notre demande que ce canal, selon ses prévisions, ne produira pas un (page 1918) revenu assez élevé pour équivaloir au minimum qu'on décréterait. Je répondrai d'abord que, si je suis bien informé, les ingénieurs des ponts et chaussées qui ont fait des études préparatoires doivent avoir évalué des produits du canal à une somme qui approche fort de 300,000 fr.

Si donc leurs prévisions se réalisent, les produits du canal équivaudraient à la rente que vous voteriez aujourd'hui, et le budget n'aurait rien à supporter.

Mais j’admets, je serai large dans mes concessions, j'admets que les calculs des ingénieurs, ou n'arrivant pas tout à fait au chiffre de 500,000 francs, ou, s'ils y arrivent, qu'ils ne sont pas bien établis. Eh bien, si le canal ne produit pas 500,000 francs, il produira toujours bien 400,000 fr. ; je consens à descendre à 350,000 fr.

Quelle en serait la conséquence ? C'est que vous voteriez, pour un certain nombre d'années, une somme de 150,000 fr. à porter au budget.

Et vous reculeriez devant une pareille dépense qui ne saurait altérer en aucune façon l'équilibre budgétaire et au moyen de laquelle vous rendriez un service inappréciable à tout le bassin de Mons en donnant du travail à ces nombreux ouvriers qui aujourd'hui ne savent que faire pour donner le strict nécessaire à leur famille !

Non, messieurs, ma conviction est que vous ne reculerez pas devant le minime sacrifice que nous sollicitons.

Messieurs, nous avons fait de nombreuses applications de ce principe du minimum d'intérêt et je ne sache pas que nous ayons lieu de nous en repentir. En fait de chemins de fer, nous avons accordé un minimum d'intérêt au chemin de fer du Grand-Luxembourg, au chemin de fer de Manage à Wavre, au chemin de fer de la Flandre occidentale, au chemin de fer de Sambre-et-Meuse, au chemin de fer de Charleroi à la frontière française, au chemin de fer de Charleroi à Louvain.

Remarquons en passant, messieurs, que de ces six chemins de fer auxquels on a accordé la garantie d'un minimum d'intérêt, il y en a trois qui sont particulièrement utiles au bassin de Charleroi. J'espère que cette observation ne blessera personne ; je n'ai ni envie, ni jalousie, au contraire, je félicite sincèrement mes honorables collègues de l'arrondissement de Charleroi d'avoir obtenu ces concessions ; mais je tiens à constater qu'il y a des bassins qui ont été mieux traités que celui de Mons.

Voilà donc six chemins de fer auxquels a été accordée la garantie d'un minimum d'intérêt. Mais nous avons été plus loin : nous avons appliqué ce même principe à un canal. Le canal de Bossuyt à Courtrai, comment a-t-il été construit ? A l'aide d'un minimum d'intérêt. Pourquoi ne ferait-on pas pour le canal de Jemmapes à Ath, ce qu'on a fait pour le canal de Bossuyt à Courtrai ? Est-il moins utile ? J'affirme qu'il est plus utile ; qu'il rendra plus de services. Maintenant le canal de Bossuyt à Courtrai donnera-t-il relativement des produits plus considérables que ne donnerait probablement le canal de Jemmapes à Ath ? Nous en sommes encore à des calculs hypothétiques aussi bien quant au canal de Bossuyt à Courtrai qu'en ce qui concerne le canal de Jemmapes à Ath.

Cependant, en attendant que les faits aient dissipé tout doute à cet égard, je n'hésite pas à dire qu'ils s'annoncent comme plus favorables au canal de Jemmapes.

Mais, nous dira peut-être M. le ministre des travaux publics, si vous attendez de si bons résultats de votre canal, comment se fait-il que vous ne trouviez pas de concessionnaire ?

Je voudrais d'abord qu'on m'indiquât pour quel canal, - sauf pour le canal de Charleroi à Bruxelles, qui se trouve dans des conditions exceptionnelles, comme tout le monde le sait, - on a trouvé des demandeurs en concession au moyen d'un simple abandon de péages.

Mais, messieurs, tous les canaux en Belgique, - sauf le canal de Charleroi, - ont été construits par l'Etat ou à l'aide d'un minimum d'intérêt.

Pourquoi donc faire une exception pour le canal de Mons ? En vérité, je ne puis m'en rendre compte.

Pourquoi ne trouvons-nous pas de concessionnaire ? Des demandeurs en concession, il n'en manquera pas ; mais ce que nous ne trouvons pas, ce sont des bailleurs de fonds ; les bailleurs de fonds ne se prêtent pas aux combinaisons des canaux : les canaux ne sont pas à la mode.

Ah ! parlez-moi de chemins de fer ! Un chemin de fer, si mauvais qu'il soit, ne dût-il rien produire, ce chemin de fer trouve des actionnaires. Mais les canaux, on les considère comme une institution surannée ; les canaux doivent, dit-on, faire place aux chemins de fer ; d'ici à quelque temps, ils ne produiront plus rien. Trouvez donc des financiers qui soient disposés à s'associer pour la construction d'un canal et avec garantie d'un minimum d'intérêt.

Je ne vois donc aucune raison quelconque pour ne pas accorder cette garantie au canal qui doit relier le bassin de Mons à la Dendre, comme on l'a accordé à tant d'autres voies de communication.

Au surplus, messieurs, nous n'y tenons pas à ce minimum d'intérêt et nous serons tout aussi satisfaits si le gouvernement veut se charger lui-même de la construction du canal de Jemmapes à Ath.

M. Allard. - Vous n'êtes pas difficile !

M. de Brouckereµ. - Je suis très raisonnable ; je ne demande que ce qu'on a accordé à tout le monde, excepté à nous ; je vais le prouver à l'honorable M. Allard.

Je dis que la règle générale chez nous, c'est que les canaux sont construits par l'Etat. Il n'y a eu d'exception que pour le canal de Charleroi à Bruxelles, et pour le canal de Bossuyt à Courtrai.

- Un membre. - Et le canal de Pommeroeul à Antoing ?

M. de Brouckereµ. - Cela, c'est de l'histoire ancienne ; je ne m'occupe, pour ce moment, que d'histoire moderne ; et je ne veux pas, dans l'examen que je vais faire, reculer au-delà de 1859, de peur de fatiguer votre attention.

Voici, messieurs, des travaux hydrauliques décrétés par la loi de 1859.

Canal de Deynze à la mer du Nord, 900 mille francs.

Ce n'est qu'une allocation supplémentaire ; je crois que ce canal, qui est un canal de déviation (interruption), on l'emploiera secondairement à la navigation, mais il a été fait spécialement pour un service de déviation, il a coûté de 10 à 12 millions.

Approfondissement du canal de Gand à Bruges, 1,340,000 fr.

Elargissement du canal de la Campine, 400,000 fr.

Amélioration du port d'Ostende, 650,000 fr.

Canal de la Lys, 300,000 fr.

Encore une petite somme complémentaire.

Approfondissement de la Sambre, 1,000,000 fr.

Amélioration de la Grande-Nèthe et de l'Yser, 900,000 fr.

Amélioration de la Dendre, 1,500,000 fr.

Amélioration de l'Escaut supérieur, 550,000 fr.

Voilà les allocations qui figurent au projet de loi. (Interruption.)

J'espère que nous profiterons, pour une petite part, des travaux à l'Escaut, mais ce ne sera pas pour la plus grande. Si ces travaux ont été faits pour nous comme pour les autres, c'est vous qui avez voulu les faire ; j'espère que vous ne changerez pas de manière d'agir, que ce que vous avez fait pour l'Escaut, vous le ferez pour la vallée de la Dendre.

J'arrive à 1861.

Port de refuge et écluses de Blankenberghe, 1,500,000 fr.

Travaux d'amélioration au port de Nieuport, 200,000 fr.

Canalisation de la Meuse depuis Namur jusqu'à Chokier, 1,600,000 francs.

Canal de Turnhout à Anvers, 1,000,000 fr.

Voilà les allocations qui figurent dans la loi de 1861, vous avez sous les yeux les nombreuses demandes de fonds qui se trouvent inscrites pour canaux, canalisation et travaux hydrauliques de tout genre dans la loi que nous discutons.

Enfin M. le ministre nous a rappelé dernièrement que depuis qu'il est au département des travaux publics, département qu'il dirige avec tant de distinction, il a demandé en comprenant ce qu'il sollicite aujourd'hui 48 millions pour travaux publics et de ces 48 millions une notable partie a eu pour destination les canaux à construire, les canalisations de rivières, l'approfondissement de canaux, l'amélioration de ports et même la construction d'un port.

Comment ces travaux ont-ils été exécutés ? Comment doivent-ils s'exécuter ? Aux dépens exclusifs du trésor. Il est un seul de ces travaux pour lequel on a demandé le concours des riverains. Peu après, on y a renoncé.

Ainsi, je le répète, la règle pour les canaux, les canalisations, les améliorations et approfondissements de canaux, la création de ports nouveaux comme pour l'amélioration de ports anciens, pour tous les travaux hydrauliques enfin, la règle est qu'ils se font aux frais du trésor. Pourquoi fait-on une seule et unique exception à cette règle au détriment du bassin charbonnier de Mons ?

Est-ce que tous les canaux dont je viens de parler ont produit des péages qui indemnisent l'Etat de la dépense qu'il a faite ?

Pas un seul. Le canal que je préconise en ce moment est dans de meilleurs conditions que la plupart de ceux que je viens d'énumérer.

Pourquoi avoir deux poids et deux mesures ; pourquoi être plus sévère, plus exigeant vis-à-vis de nous que vis-à-vis du Luxembourg, de la province de Liège, de la province d'Anvers et des deux Flandres ? Partout on a accordé canaux et canalisation.

Je viens demander la réparation de cette injustice, je viens demander qu'on applique à un canal que vous reconnaissez utile, que vous avez décrété, qui est véritablement urgent, je viens demander qu'on lui (page 1919) applique la règle générale qui a été appliquée depuis 1850 à tous les travaux hydrauliques qui ont été exécutés dans le royaume.

Il y a une objection que je redoute davantage que celle que j'ai déjà prévue, à laquelle j'ai répondu, je crains que le ministre ne vienne dire : Rien ne presse, vous aurez votre canal ; il est d'une utilité incontestable, mais rien ne presse ; ayez un peu de patience. Je crois, moi, que la chose est très pressante.

Remarquez que ce canal doit être mis en rapport avec la Dendre canalisée pour que cette canalisation soit fructueuse ; si l'on ne construit pas simultanément le canal et les travaux de canalisation de la Dendre, il en résultera qu'on perdra un temps précieux et les péages de la Dendre même seront improductifs jusqu'au moment où le canal, qui est le complément de cette canalisation, sera fait. Il faut donc faire les deux choses en même temps.

Vous avez déjà décrété les travaux de canalisation de la Dendre ; ils vont être l'objet d'une adjudication immédiate. Bientôt M. le ministre viendra vous demander une nouvelle allocation de 4,500,000 fr. qui portera à 7 millions la somme totale demandée pour cet objet. Je ne crains pas d'être faux prophète en disant qu'il y aura bien un petit million d'imprévu.

Voulez-vous que ces sept ou huit millions restent improductifs ? Ils le seront si vous ne décrétez pas le canal qui est le complément de la canalisation.

En voulez-vous la preuve ? Les travaux qui vont s'exécutera la Dendre se font dans une grande proportion, uniquement en vue du canal ; si on ne prévoyait pas l'exécution de ce canal, les travaux se feraient sur une plus petite échelle.

C'est un fait ; les travaux de canalisation de la Dendre sont combinés pour être mis en rapport avec le canal ; n'est-il pas naturel de faire les deux sections d'une même voie d'eau en même temps ? Si l'exécution est certaine, pourquoi ne pas la faire plus tôt que plus tard ? Il y a même une raison particulière pour le décréter immédiatement, c'est que les nombreux ouvriers du Borinage qui sont sans travail pourront être employés au canal ; ce qu'ils demandent c'est du travail ; s'ils ne peuvent pas manier la pioche dans les mines, ils manieront la pelle en faisant les travaux du canal. C'est, je le répète, du travail qu'ils demandent, car c'est à contre cœur, et c'est avec humiliation qu'ils vont mendier aujourd'hui le pain qu'ils préfèrent gagner à la sueur de leur front.

Messieurs, j'espère que M. le ministre des travaux publics fera, aux observations que je viens de présenter, un accueil favorable. J'espère qu'il voudra bien nous tenir un langage rassurant. J'espère qu'il consentira ou à laisser insérer, dans le projet de loi dont nous nous occupons aujourd'hui, une disposition relative au canal de jonction de Jemmapes à Ath, ou du moins qu'il nous donnera des assurances très formelles que le canal s'exécutera dans un très bref délai. S'il n'en était pas ainsi, les députés de Mons et d'autres encore, je suppose, se regarderaient comme obligés de formuler une proposition.

Je dis que d'autres députés se joindraient à nous. Et, en effet, les députés de Saint-Nicolas, les députés de toute la Flandre orientale, les députés de la province d'Anvers ont un grand intérêt à la construction du canal qui doit aller rejoindre la Dendre, parce que, par ce moyen, dans ces arrondissements, on aura le charbon à de bien meilleures conditions.

Messieurs, je terminerai ici, car j'ai été déjà beaucoup plus long que je ne croyais l'être, si je n'étais obligé de relever un petit passage du rapport de la section centrale.

L'honorable organe de la section centrale, après avoir rappelé que, d'après les calculs du gouvernement lui-même, il faudrait encore approximativement 22 millions pour achever les travaux décrétés ou proposés, fait remarquer qu'à ces travaux il faut en ajouter quelques-uns encore qui ne sont pas moins nécessaires ; et ces travaux, d'après les estimations de l'honorable rapporteur, s'élèvent, si je ne me trompe, à environ 30 millions.

En voici, messieurs, l'énumération :

Le raccordement des stations Nord et Midi de Bruxelles ;

Un palais des beaux-arts ;

Un palais de justice pour lequel 1,200,000 fr. seulement ont été alloués ;

L'élargissement du canal de Charleroi ;

La canalisation de la Meuse comprise entre Namur et la frontière française.

Messieurs, je dois le dire en toute sincérité, j'ai admiré l'art, l'habileté avec lesquels se trouve ici encadré l'élargissement du canal de Charleroi. (Interruption.) Je ne formule ni accusation ni reproche ; j'admire et je voudrais pouvoir imiter.

M. Sabatier, rapporteur. - Vous êtes trop modeste.

M. de Brouckereµ. - Non, ce que je dis, je le dis très sincèrement, et si j’avais été à votre place, j’aurais fait ce que vous avez fait.

Mais je suis persuadé, j'ai même la certitude que mon honorable ami M. Sabatier, ne trouverait pas que l'élégance et les proportions de son cadre seraient très compromises dans le cas où on l'agrandirait un peu, par exemple, en y ajoutant le canal de Jemmapes à Ath.

Pourquoi mon honorable ami ne m'a-t-il pas parlé dans sa nomenclature du canal de Jemmapes à Ath ? Mais pour une très bonne raison. Il a bien fait de n'en pas parler.

Que demandions-nous pendant l'examen du projet de loi dans les sections ? Nous demandions un minimum d'intérêt. Et pourquoi demandions-nous un minimum d'intérêt ? Je vais vous le dire.

On a fait, et M. le rapporteur de la section centrale le constate lui-même, un usage non pas exagéré, mais très large au moins de l'emploi des excédants par anticipation, et notre pensée, comme celle de la section centrale, était qu'il serait difficile d'aller plus loin dans cette voie.

D'un autre côté, nous savons parfaitement que le gouvernement n'a pas grandement à cœur de recourir à des ressources extraordinaires.

Eh bien, nous demandions le minimum d'intérêt, précisément pour ne susciter aucun embarras au gouvernement ; nous lui disions : Accordez un minimum d'intérêt pour la construction du canal et vous n'aurez pas à demander l'emploi anticipé de nouveaux excédants et vous n'aurez pas à proposer d'avoir recours à des moyens extraordinaires.

La seule chose que vous aurez à faire, sera de porter à votre budget une somme relativement minime qui n'en dérangera pas du tout l'équilibre.

Mais je suis persuadé que si nous avions été trouver l'honorable rapporteur, et si nous avions dit : Nous renonçons au minimum d'intérêt et nous vous prions de faire figurer le canal de Jemmapes à Ath parmi les travaux qui doivent nécessairement être exécutés dans un bref délai, aux frais de l'Etat, l'honorable M. Sabatier aurait accueilli favorablement notre demande et qu'il aurait élargi son cadre.

Je suis convaincu, en outre, qu'il voterait le cadre ainsi élargi, et à cette condition je ne suis pas éloigné de voter moi-même ce qu'il a si bien encadré.

(page 1911) M. Sabatier. - Messieurs, l'honorable M. de Brouckere vient d'appeler l'attention de la Chambre et d'interpeller en quelque sorte le gouvernement au sujet d'un travail, le canal de Jemmapes à Ath, dont l'utilité ne sera sans doute contestée par personne. Il a réclamé l'octroi d'un minimum d'intérêt pour la construction de ce canal, et je ne vois là jusqu'à présent rien d'anomal.

J'ajouterai, pour répondre aux observations qui terminaient le discours de l'honorable membre, qu'il est exact de dire que si la section centrale n'a pas compris le projet qu'il patronne dans l'énumération des travaux à exécuter dans un prochain avenir, c'est que l'Etat n'a pas à s'en charger directement.

(page 1912) Mais, messieurs, l’un des objets dont les sections et la section centrale ont eu à s'occuper en dehors des propositions comprises dans le projet de loi actuel, se rapporte à un travail que vient d'indiquer mon honorable ami M. de Brouckère comme ayant été habilement encadré dans le rapport, c'est son expression, je veux parler de l'élargissement du canal de Charleroi.

Quatre sections se sont intéressées à ce travail, et la section centrale a émis à l'unanimité un vote très formel, très nettement exprimé en faveur de son exécution.

Les résolutions de la section centrale sont consignées au rapport dans la discussion générale ; je crois donc le moment opportun pour en entretenir la Chambre et réclamer du gouvernement des explications complémentaires.

Je ne veux pas produire dès maintenant les arguments d'où ressortirait à l'évidence que l'élargissement du canal de Charleroi est d'utilité générale, si tant est qu'un doute puisse être émis à ce sujet ; je ne veux pas non plus prouver en ce moment que l'abaissement de fret à résulter de la navigation des bateaux de fort tonnage profiterait exclusivement aux consommateurs ; enfin, je laisserai pour plus tard, si cela est nécessaire, la démonstration de ce fait, qu'il n'est pas de travail plus fructueux au point de vue du trésor que l'amélioration de cette vache à lait qu'on appelle le canal de Charleroi.

Si la réponse que j'aurai à réclamer du gouvernement n'est pas satisfaisante, ces faits seront développés en même temps que l’amendement que nous aurons l'honneur de déposer.

Ce que je dois me borner à faire pour le moment, c'est d'indiquer à la Chambre quelle a été la position de la section centrale en présence de la réponse que nous a faite l'honorable ministre des travaux publics, et pour quels motifs les sections ont dû s'étonner de ne voir aucune allocation comprise dans le projet de loi pour l'élargissement réclamé depuis si longtemps.

La section centrale déférant aux vœux de quatre section comprenant quarante et quelques membres de cette Chambre a adressé au gouvernement la question suivante :

« Où en sont les études pour l'élargissement des écluses du canal de Charleroi, et pour quel motif le gouvernement n'a-t-il pas compris ce travail dans le présent projet ?

L'honorable ministre des travaux publics dans sa réponse a épuisé tout l'arsenal des arguments que l'on met en avant lorsqu'on n'a pas envie de faire une chose. « Les études ne sont pas achevées, je ne sais pas au juste ce que coûtera le travail demandé, et si même je le savais, le gouvernement n'aurait pu le comprendre cette fois dans son projet parce que l'emploi déterminé des excédants de recettes laissera le trésor à sec. »

C'est là, à peu près, le sens de la réponse qui nous a été transmise.

Que devait faire la section centrale ? Deux moyens s'offraient à elle. Ou bien elle pouvait discuter avec le gouvernement la réponse que je viens de résumer, ou en laisser au ministre des travaux publics la responsabilité, sauf à en reprendre l'examen en séance de la Chambre. Le premier moyen devait amener de longues correspondances et un retard considérable dans le dépôt du rapport ; nous avons préféré nous en tenir au second moyen, il permettra de présenter pendant la discussion toutes les considérations qui devraient déterminer au moins l'adoption du principe de l'élargissement du canal de Charleroi.

Quant aux sections, messieurs, vous comprendrez aisément pourquoi elles ont chargé la section centrale de demander des explications sur l'oubli dans lequel on laissait le canal de Charleroi, lorsque je vous aurai rappelé ce qui s'est passé l'an dernier lors de la discussion du projet de loi des travaux publics au mois de mai.

Les députés de Charleroi ayant alors réclamé vivement en faveur de cette voie navigable, l'honorable ministre des travaux publics répondant à un discours de l'honorable M. Dechamps, disait que l'élargissement, d'après les études provisoires faites, coûterait une dizaine de millions, et que si l'on devait suppléer à l'alimentation, le coût total serait de 12 millions.

Il ajoutait que le gouvernement ne méconnaissait pas la grande utilité du travail réclamé pour le canal de Charleroi ; qu'il prévoyait même que ce travail devrait être réalisé dans un avenir assez prochain, qu'il l'avait fait pressentir et l'avait formellement indiqué dans la discussion du projet de loi concernant la réduction des péages.

L'honorable ministre dans la même séance, c'est-à-dire le 4 mai, donnait l’indication des instructions transmises le 9 mars précédent, à l'administration des ponts et chaussées pour l'étude de l'élargissement du canal.

Ces instructions sont bien celles consignées dans la réponse du gouvernement, et nous avons pu dire que cette réponse était calquée sur les déclarations précédentes du ministre des travaux publics, et que depuis 15 mois, l'étude en question ne semblait pas avoir fait un pas.

L'honorable M. d'Hoffschmidt, appuyant les réclamations des députés de Charleroi, rappelait que la question d'élargissement du canal de Charleroi était bien vieille puisqu'elle était à l'ordre du jour lorsqu'il faisait partie du ministère en 1845 et ajoutait qu'il était partisan de ce travail et qu'il prévoyait que le gouvernement ne pourrait pas y échapper.

Dans la séance du 13 mai l'honorable M. Joseph Lebeau interprétait de la manière suivante les paroles du ministre des travaux publics :

« Le travail de l'élargissement du canal de Charleroi n'est plus douteux. L'honorable membre a prononcé des paroles qui, sorties de la bouche d'un organe du gouvernement, doivent être à tous les yeux un engagement formel. En bon français, ce qu'a dit le ministre signifie qu'au commencement de la session prochaine, un projet de loi sera certainement présenté. S'il ne l'était pas, les députés de Charleroi pourraient user de leur initiative et, en présence d'un tel langage, je serais très heureux de mettre ma signature à côté de la leur. »

Un amendement fut présenté alors par mes collègues tendant à allouer au département des travaux publics une somme de 10,000 fr. pour les études à faire sur l'élargissement du canal. Il s'agissait de donner une sanction aux déclarations si formelles du gouvernement, interprétées comme je viens de le dire.

Le gouvernement invoqua la question de savoir si cette proposition était ou non un amendement et déclara qu'il n'avait pas besoin de ces 10,000 fr., puisque les études se faisaient et se poursuivaient à l'aide de ressources ordinaires.

Eu présence de ces faits, j'espère que le gouvernement comprendra qu'en laissant à l'écart le canal de Charleroi, il va à l'encontre des espérances qu'il nous a données et de l'opinion générale. Je dirai en outre qu'un fait tout nouveau est venu mettre le gouvernement en demeure de nous donner satisfaction.

J'entends parler du traité conclu avec la Grande-Bretagne. Il va falloir aider toutes les industries dans la lutte qu'elles auront désormais à soutenir, et, j’ai eu l'occasion de le dire déjà à la Chambre, l'aide la plus efficace que puissent recevoir nos industriels réside tout entière dans la question du trafic. Ne devons-nous pas dès lors insister sur l'évidente nécessité, pour la Belgique, de prendre toutes les mesures capables de doter le pays de moyens de transport à bon marché.

Nous avons reçu tout récemment une pétition des exploitants du bassin de Charleroi qui font ressortir ce fait que les charbons de ce bassin si éminemment propres à l'alimentation des fabriques n'arrivent en Flandre qu'au prix de 5 francs la tonne, tandis que les charbons d'Anzin alimentent les usines et les industries similaires de Lille et de Roubaix à un prix de fret d'environ 2 francs 50 centimes la tonne.

J'engage beaucoup les industriels gantois à prendre ce fait en sérieuse considération, et à réclamer comme nous l'amélioration des voies navigables, l'abaissement des péages et des tarifs de chemin de fer. On leur doit une compensation, c'est dans le bas prix des transports qu'ils la trouveront.

Je termine, messieurs, en demandant au gouvernement s'il ne croit pas devoir prendre l'initiative d'un amendement qui viendrait sanctionner les bonnes dispositions qu'il témoignait l'année dernière, et qui paraissent s'être singulièrement refroidies depuis. La réponse qui nous sera faite réglera notre conduite.

M. de Mérode-Westerloo. - Le but que cherche à atteindre le gouvernement par la présentation du projet de loi soumis aujourd'hui à la discussion de la Chambre, c'est évidemment le développement de la prospérité publique par les divers moyens que les progrès de la science ont mis à la disposition des sociétés modernes. On peut cependant s'étonner à bon droit de ne point trouver dans ce projet une plus grande place pour la première, la plus ancienne branche de la véritable richesse publique, je veux parler de l'agriculture en général.

Le gouvernement a plusieurs moyens de lui venir en aide, mais je ne veux parler ici que d'un seul, celui qui a pour but de la préserver du tort immense que font à nos prairies surtout, les inondations d'été, causées souvent par des orages répétés à courts intervalles. On se ferait difficilement une idée du dégât produit ainsi en quelques heures parfois. Comme vous le disait si justement l'honorable M. Coomans dernièrement, les inondations d'été dans la vallée de la Grande Nèthe enlèvent souvent plus de foin à l'agriculture que n’en produisent les prés artificiels créés par les irrigations du canal de la Campine.

Or, messieurs, ce n'est certes point là le résultat plus que négatif auquel la législature a voulu arriver, en portant les lois si utiles sur les irrigations.

(page 1913) Elle voulait, au contraire, doter le pays d'un accroissement dans la production des céréales, pour lequel il fallait avant tout créer des engrais et par conséquent multiplier et augmenter les étables.

La perte de nombreux fourrages se fait donc au détriment non-seulement de l'intérêt privé, mais aussi de l'intérêt général.

C'est pourquoi je voudrais une grande mesure, une mesure générale qui embrasserait l'élude des cours d'eau non classés, si je puis dire, au point de vue des dommages qu'ils causent fréquemment et des services importants qu'ils pourraient rendre à l'agriculture.

La question des irrigations est loin d'avoir dit son dernier mot dans notre pays, et j'espère qu'un jour, peu éloigné, le code rural promis depuis si longtemps viendra régler cette intéressante et si utile question.

La section centrale a adressé à M. le ministre des travaux publics une demande relative à l'état des travaux extraordinaires effectués à la Grande-Nèthe au double point de vue, fixé par la loi qui les a décrétés, de la navigation et de l'écoulement des eaux.

Il ressort de la réponse faite parM. le ministre, que les crédits qui ont été mis à sa disposition présenteront dans l'ensemble une insuffisance de 9 p. c. d'après les comptes des travaux déjà exécutés ; ensuite que rien autre chose n'a encore été fait en amont de Lierre que la mise en adjudication du pont-barrage de Loodyck, et qu'enfin, on ne fera pas grand-chose de plus pour l'amont.

Voici en effet, à cet égard, le texte de la réponse officielle :

« En vue d'apporter une grande amélioration à la navigation, l'on a profité de la reconstruction obligée du pont de Loodyck, pour en changer à destination ; c'était une mesure aussi opportune qu'avantageuse, mais il va de soi que, si dans le désir de reproduire, sur les divers points de la rivière, l'amélioration qui sera obtenue à Loodyck, on devait multiplier les barrages de ce genre, on sortirait tout à fait des limites des premières prévisions, qui étaient d'améliorer le cours de la rivière au point de vue de l'écoulement des eaux, et de faire tourner cette amélioration au profit de la navigation, mais non d'opérer une transformation complète de cette dernière. »

Voilà des paroles propres à jeter de nouveau dans l'incertitude et à mécontenter la vallée de la Grande Nèthe, qui de par la loi a droit à voir exécuter un ensemble de travaux destinés à assurer la navigation au moins dans les conditions où elle existe par le fait de la nature.

Je demanderai donc à M. le ministre de vouloir bien nous dire, une bonne fois, quels sont les travaux projetés en amont de Lierre sur la Nèthe, pour en assurer et l'écoulement plus rapide des eaux, dans certains moments, et la navigation, dans d'autres, dans de meilleures conditions qu'aujourd'hui.

Je ne cesserai de le répéter, c'est le vœu de la loi, c'est le droit de la province d'Anvers, vis-à-vis de laquelle l'Etat est engagé par un contrat synallagmatique, dont la province aura rempli, pendant l'exercice 1863, ses obligations, en payant le dernier cinquième d'une somme de 222,000 fr. pour sa part contributive aux travaux en question. Cette contribution de la province, dans les conditions où elle a eu lieu, est une onéreuse et exceptionnelle application de la loi française du 16 septembre 1807, dont nous ne trouvons d'application en Belgique, depuis 1830 au moins, qu'aux rivières de l'Yser et de la Nèthe, quoique toutes deux soient reprises par l'Etat et fassent partie de son domaine.

J'ai donc bien le droit de demander à M. le ministre des travaux publics de faire connaître aux intéressés le genre de travaux qu'il compte exécuter afin de satisfaire à la lettre et à l'esprit des lois des 8 mars 1858 et 8 septembre 1859.

M. Notelteirs. - J’accorde en général très volontiers mon appui aux travaux d’utilité publique. Il est évident que la création et l’amélioration de voies de communication et de transport est le moyen le plus puissant pour développer et pour répandre sur toute la surface du pays l’activité et la prospérité ;

Pour atteindre ce but il ne suffit pas de porter une attention presque exclusive sur les grands centres de l'industrie et du commerce ; il faut aussi sauvegarder les intérêts des localités d'un ordre inférieur et ne pas sacrifier ni négliger les intérêts et les besoins de l'agriculture.

Personne n'ignore cette vérité, personne ne la conteste, mais, il faut bien l'avouer, en fait elle est trop souvent oubliée ; voilà pourquoi j'ai cru de mon devoir de la rappeler à l'occasion du projet de loi en discussion.

Je serai court, messieurs, je me bornerai à signaler un seul exemple.

C'est une heureuse et féconde idée, messieurs, que celle qui a fait décréter la jonction de la Meuse à l'Escaut par le Rupel. Cette jonction des deux fleuves, par une voie facile de communication à l'intérieur du pays, tout en favorisant les grandes cités d'Anvers et de Liège, donnait satisfaction aux intérêts si légitimes d'une foule de localités secondaires.

Plus tard, messieurs, le projet présenté fut modifié ; au lieu d'utiliser la Petite Nèthe déjà canalisée et le Rupel, l'on a trouvé bon de laisser là ces voies intérieures, et de percer le canal de la Meuse à l'Escaut, à partir d'Herenthals en ligne droite jusqu'à l'Escaut, en aval d'Anvers. Je n'entends pas ici critiquer cette modification au projet primitif, elle raccourcit la distance entre Liège et Anvers, elle est par conséquent favorable à ces deux grandes villes ; mais je me plains et à bon droit de l'abandon dans lequel est délaissée la jonction intérieure primitive par la Nèthe a le Rupel.

Deux causes faciles à redresser ont produit ce délaissement : d'abord les péages qui pendant trop longtemps furent beaucoup plus élevés sur la Nèthe canalisée que sur le canal de la Meuse à l'Escaut.

Il est vrai que récemment le tarif général a été rendu applicable, à la Petite-Nèthe canalisée ; mais si je ne me trompe, quelques inégalités existent toujours, et j'engage le gouvernement à les faire disparaître.

La seconde et principale cause, qui continue à empêcher la voie de communication intérieure de rendre les services que les localités qu'elle traverse et une grande partie du pays, sont en droit de réclamer, c'est la différence entre la capacité des écluses. Celles du canal direct sont à grande section, celles de la Petite-Nèthe canalisée ne sont qu'à petite section, de sorte que l'on peut dire que la communication libre et nécessaire n'existe pas. J'engage le gouvernement à redresser ce défaut. Herenthals, Grobbendonck, Lierre, Duffel, Rumpst et Boom n'y sont pas seuls intéressés, les intérêts de toutes les parties du pays en communication avec le Rupel et les Nèthes réclament le redressement de ce défaut capital.

Un mot maintenant sur les intérêts de l'agriculture.

J'entends beaucoup de plaintes sur les dégâts causés par le canal de la Meuse à l'Escaut aux terrains bas qu'il traverse ; mais n'ayant pu par moi-même constater leur fondement, je n'insiste pas pour le moment sur ces réclamations ; mais je ne puis m'empêcher de parler de la vallée traversée par la Petite-Nèthe canalisée, surtout à partir des environs de Grobbendonck jusqu'à Lierre. Ne croyez pas, messieurs, que c'est l'amour de mon clocher qui me fait parler, les quatre cinquièmes au moins du territoire dans l'intérêt duquel je vous parle appartiennent à l'arrondissement d'Anvers.

La longue et large vallée de la Petite-Nèthe se compose de prairies fertiles et d'excellente nature ; jadis elles étaient une source de prospérité pour l'agriculture des contrées voisines ; aujourd'hui, depuis bientôt 25 années, une grande partie se trouve convertie en marais stériles et malsains.

Sur la rive gauche de la Petite-Nèthe, quelques travaux exécutés à propos ont produit de l'amélioration, sans cependant remédier complètement au mal ; mais sur la rive droite, la situation faite aux prairies, est et demeure réellement désastreuse.

Depuis quelques années, en plein été, aux moindres pluies, un millier d'hectares de prairies situées sous Pulle, Viersel, Broechem et Emblehem, en amont et en aval de Molternethe se trouvent envahis par les eaux. C'est ce qui vient d'avoir lieu trois années de suite. Pendant trois années consécutives, la presque totalité des foins d'un millier d'hectares a été perdue.

Messieurs, c'est un devoir pour le gouvernement de mettre fin à cet état déplorable causé par la canalisation. Le gouvernement n'ignore pas cet état de choses ; il y a une dizaine d'années, il a commencé des travaux qui ont été interrompus, et la lacune laissée rend stériles les travaux exécutés. Le canal de jonction direct vers l'Escaut a singulièrement aggravé le mal dont je viens de parler. En aval du pont de Massenhoven l'on a construit un déversoir dont les eaux se jettent dans le ruisseau dit Tapelbeek, qui lui-même se décharge dans les prairies à Mollternethe.

Eh bien, l'on s'est contenté de trouver le moyen de débarrasser le canal, sans s'inquiéter des voies d'écoulement nécessaires à ces eaux, ni aux dégâts qu'elles doivent inévitablement causer.

Messieurs, l'exemple que je viens de citer n'est pas le seul sans doute dans le pays, et j'ai eu raison de dire que trop longtemps et trop souvent les besoins et les intérêts de l'agriculture sont négligés et sacrifiés en matière de travaux publics.

Ce que je viens de signaler au sujet de la Petite-Nèthe canalisée ne doit pas effrayer sous le point de vue financier. A peu de frais, l'on pourra faire beaucoup euny mettant de la bonne volonté et des soins, et c'est ce que je réclame du gouvernement.

Ce que je viens vous exposer, messieurs, est relatif à la Petite-Nèthe canalisée. Je prie la Chambre de ne pas confondre celle-ci avec la Grande-Nèthe. Les questions relatives à la Grande-Nèthe sont infiniment plus graves, le mal est plus étendu et les frais à faire sont plus considérables, ci ici encore les retards qu'éprouve la solution de ces questions, les phases qu'elles subissent démontrent une fois de plus combien il est (page 1914) difficile aux localités d'un ordre secondaire et aux besoins de l'agriculture de se faire rendre justice en fait de travaux publics.

Le rapport que nous discutons contient deux demandes d'explications adressées au gouvernement par la section centrale et les réponses de M. le ministre relatives à la Grande-Nèthe. Avant de discuter ces demandes et ces réponses, je dois d'abord jeter un coup d'œil en arrière et exposer la situation.

La ville de Lierre, messieurs, est située au confluent des deux Nethes. A cinq ou six kilomètres en amont de Lierre, s'arrête le flux de la marée.

C'est à Lierre que les eaux de la marée montante et les eaux descendant des deux Nèthes, se rencontrent, et par leur action contraire font déborder la rivière. L'écoulement des eaux descendantes se trouve arrêtée deux fois par jour pendant un temps plus ou moins long par la marée montante.

Ces circonstances rendent naturellement la situation de la ville de Lierre très critique et ont de tout temps, exigé pour Lierre des soins et des travaux particuliers.

Dans ces derniers temps la situation de Lierre et des bords des Nèthes s'est trouvée singulièrement aggravée.

Pendant plus d'un demi-siècle l'entretien de la Grande-Nèthe a été laissé dans l'abandon le plus complet, tandis que les eaux versées dans son lit s'augmentaient constamment, par le défrichement des terrains incultes et des marais de la Campine et par le déboisement.

Enfin les eaux étrangères provenant des irrigations ont comblé la mesure et ont fini par déranger complètement l'économie des anciennes voies d'écoulement et ont rendu la situation des bords des Nèthes réellement intolérable.

Les pertes causées à Lierre et aux bords des Nèthes sont incalculables.

Pendant une quinzaine d'années, ces plaintes si fondées ont fait le tourment du conseil provincial d'Anvers, impuissant à y porter remède. Enfin, la loi du 8 mars 1858 a décrété l'exécution des travaux nécessaires au point de vue de la navigation comme de l'écoulement des eaux. Et les offres de concours faites par la province en son nom et en celui des communes et des particuliers ont été fixées à la somme de 222,500 francs. Cette intervention insolite n'est nullement justifiée, messieurs ; mais nous ne l'avons pas combattue, nous n'avons pas même signalé la disproportion consacrée par cette loi entre la contribution imposée aux deux provinces. Sur une dépense présomptive de 1,500,000 fr. ; celle imposée à la Flandre occidentale fut limitée à 216,666 fr. 67 c ; tandis que celle imposée à la province d'Anvers, sur une dépense présumée de 890,000 fr. seulement, fut porté à 222,500 fr.

Nous n'avons pas combattu cette contribution ni la disproportion que je viens de signaler ; pourquoi ? Parce que nous étions forcés par la nécessité d'accepter ce qui nous était offert. Un simple ajournement nous eût été bien plus fatal ; car, remarquez-le bien, chaque année de retard nous cause des dommages énormes. Si vous avez visité aux premiers jours de juillet de cette année les bords des Nèthes, vous reconnaîtrez que je n'exagère rien, car vous auriez cru vous trouver dans un lac, et aujourd'hui encore les inondations s'étendent au loin.

Depuis 20 ans ces justes plaintes surgissent, au conseil provincial, et dans cette Chambre par des pétitions et par nos réclamations annuelles au budget ; depuis quatre ans, la province, les communes et les particuliers payent la somme qui leur est imposée par la loi du 8 mars 1858, c'est donc à bon droit que je réclame l'exécution prompte et complète des travaux nécessaires, et je prie la Chambre de juger de l'étonnement qu'a dû nous causer la lecture de la réponse incroyable du gouvernement imprimée dans le rapport.

« La convenance qu'il pourrait y avoir d'effectuer des travaux d'amékioration aux Nèthes, n'a pas, jusqu'à présent, été signalée au département des travaux publics, etc. »

Cette réponse, messieurs, je ne saurais l'attribuer qu'à une distraction ; je ne m'en occupe plus et je passe à la réponse faite à la première demande de la section centrale : Quelle est la somme restée disponible pour les travaux à exécuter à la Grande-Nèthe, etc., etc. ?

Je vois par cette réponse que les dépenses faites pour la dérivation de Lierre, n'ont que très légèrement dépassé les évaluations primitives. Je crois, messieurs, que ces travaux ont été exécutés avec tous les soins désirables, et j'espère qu'ils auront les effets salutaires qu'on en attend.

L'exécution de ces travaux devait nécessairement précéder des travaux supérieurs, parce qu'avant d'amener plus rapidement les eaux d'amont au confluent des deux Nèthes, il fallait créer sur ce point de nouvelles voies d'écoulement. Ces nouvelles voies créées, rien ne s'opposera plus à l'exécution immédiate des travaux nécessaires en mont, si vivement et si longtemps attendus. Sur ce point, je suis d'accord avec la réponse de M. le ministre des travaux publics, mais je ne suis plus d'accord avec lui sur la suffisance des crédits votés. Je crois que les crédits dont il dispose ne sauraient suffire à une bonne et complète exécution des travaux indispensables, reconnus nécessaires et votés en principe par la Chambre.

Je vois, par la réponse de M. le ministre, qu'il compte sur la réalisation d'une économie de 140,000 fr., résultant de la suppression des travaux projetés pour opérer l'isolement complet de la ville de Lierre. Je ne saurais partager cette opinion de M. le ministre des travaux publics ; je dois m'opposer à l'abandon de ce projet, car ce serait condamner la ville de Lierre à des inondations annuelles, certaines dès que les eaux supérieures des Nèthes auront acquis la nouvelle rapidité que les travaux projetés doivent leur imprimer nécessairement.

Il est évident, messieurs, que cette nouvelle rapidité doit inonder la ville de Lierre lorsque la descente de fortes eaux coïncidera avec la haute marée, de la nouvelle ou de la pleine lune. Dans ces moments-là, tout écoulement se trouve arrêté par la marée et la rivière doit nécessairement déborder. L'exhaussement des rues ne saurait compenser les effets de la nouvelle rapidité qui va être imprimée aux eaux supérieures.

Je prie donc instamment M. le ministre de n'abandonner en aucune manière le projet d'isoler la ville de Lierre, et je désirerais savoir, si l’administration communale de Lierre a été consultée sur cette suppression, et quelle a été la réponse de cette administration.

Je crois, messieurs, avoir démontré qu'un nouveau crédit est indispensable pour les Nèthes. Il est dans l’ordre d'une bonne administration d'assurer les moyens d'exécution des travaux reconnus nécessaires et déjà en voie d'exécution, avant de passer à d'autres travaux nouveaux, et je me réserve, messieurs, dans le cours des débats de proposer, avec quelques-uns de mes honorables collègues, un supplément de crédit pour les Nèthes.

MpVµ. - La parole est à M. Tack.

M. Tack. - Messieurs, mon intention est de présenter à la Chambre des observations sur la proposition de la section centrale relative à la construction du canal de la Lys à l'Yperlée ; mais si la Chambre désire continuer la discussion soulevée par les honorables MM. de Brouckere et Sabatier (Oui ! oui), je prierai M. le président de vouloir bien m'inscrire sur l'article 2.

MpVµ. - M. Tack, je vous ai inscrit sur l'article 2.

La parole est à M. Vander Donckt.

M. Vander Donckt. - Messieurs, j'ai écouté attentivement les honorables MM. de Brouckere et Sabatier, l'un en faveur du canal de Mons à Ath par Blaton à la Dendre, l'autre, en faveur de l'élargissement du canal de Charleroi ; je ne viens pas m'opposer à ces propositions ni aux dépenses qui en sont le corollaire, elles sont incontestablement utiles et très favorables aux localités intéressées, j'en conviens sans peine.

Mais elles tendent à produire un grand vide dans le trésor public ; et je dis que lorsque l'agriculture et la propriété contribuent largement à combler le déficit du trésor ; je dis, ainsi que je l'ai déjà fait observer dans une autre occasion, que les mines n'y contribuent que pour une part minime, les mines qui ne sont taxées aujourd'hui qu'à une redevance de 2 1/2 p. c, tandis qu'en France, en Prusse, en Angleterre et dans les autres pays, elles sont taxées à 5 pour cent.

Eh bien, puisque toutes les propositions qui viennent d'être faites doivent avoir pour résultat d'améliorer encore la position des propriétaires de mines qui est si prospère aujourd'hui, je demande que les charbonnages contribuent pour une part équitable à combler le vide que ces propositions vont faire dans le trésor public.

Je me réserve de revenir plus amplement sur ces propositions, si les amendements annoncés éventuellement par les honorables M. de Brouckere et Sabatier sont déposés sur le bureau.

MpVµ. - La parole est à M. Landeloos.

M. Landeloos. - M. le président, je vous prie de m'inscrire sur le premier paragraphe de l'article premier.

MpVµ. - M. Landeloos, je vous inscris sur le premier paragraphe de l'article premier.

La parole est à M. Laubry.

(page 1915) M. Laubryµ. - Je remercie l'honorable M. Vander Donckt qui vient de se rasseoir ; il a reconnu, comme les députés de Mons et de Charleroi, l'utilité que présente l'exécution des travaux qu'ils réclament, et il a raison ; car ce n'est pas en faveur d'un intérêt particulier, dans un intérêt de clocher qu'ils ont élevé la voix, c'est surtout en faveur de l’intérêt général, en faveur de l'intérêt des consommateurs.

Je ferai seulement observer à l'honorable préopinant que si le gouvernement intervient pour assurer l'exécution de ces travaux, cette dépense sera fructueuse, puisqu'elle doit contribuer au développement de notre richesse nationale.

Comme on vous l'a dit, messieurs, le canal du bassin de la Haine à Termonde par la vallée de la Dendre est l'objet des vœux incessants du couchant de Mons, qui n'a cessé de le réclamer, et la haute utilité générale en a été reconnue à diverses reprises par la Chambre.

Cette voie navigable serait, en effet, un auxiliaire très puissant de son industrie, puisqu'elle doit, en lui ouvrant et assurant de nouveaux marchés belges, lui frayer un chemin facile vers la Hollande, où elle pourra exporter ses produits.

Messieurs, on vous a fait remarquer avec raison que dans les divers projets de travaux publics qui ont été présentés à la Chambre en 1851, 1859, 1861, l'arrondissement de Mons avait été assez mal partagé.

Je ne me plains pas des faveurs accordées à d'autres parties du pays, mon intention n'est pas de récriminer, car tous les travaux décrétés sont très utiles et ont une très grande importance pour les arrondissements qui les ont obtenus.

Ce que je tiens à constater, c'est que l'année dernière encore l'arrondissement de Mons a été oublié dans la répartition des travaux publics et qu'il n'a pas grand-chose aujourd'hui.

Toutefois pour être juste, il faut reconnaître les bonnes intentions du gouvernement, Mon arrondissement avait réclamé à diverses reprises parmi d'autres travaux le canal de la Lys à l'Yperlée, on a tenu compte de sa recommandation.

Ce canal, qui autrefois devait avoir une très grande utilité pour l'industrie houillère, n'a plus aujourd'hui la même importance.

Les charbonnages du Pas-de-Calais, qui ont pris et continuent à prendre un grand développement, pourront avec le système actuel des canaux français, arriver sur les marchés de la Lys et autres de la Flandre occidentale faire une rude concurrence a nos produits.

Par notre traité de commerce avec la France, le droit d'entrée sur les charbons français est de 1 fr., au lieu de 1 fr. 80 qu'il était autrefois, et aujourd'hui la taxe de 2 francs qu'on percevait à l'écluse de Comines est abolie.

D'un autre côté, avec la réduction des droits sur les charbons anglais, le couchant de Mons a perdu une grande partie de ses clients dans une zone très large, tout le long du littoral de la mer du Nord eu France et en Belgique, et des marchés qui étaient alimentés presque exclusivement par nos houilles.

L'honorable M. de Brouckere vous l'a dit, les charbonnages en général laissent beaucoup à désirer ; nos bassins sont encombrés de houille. Jamais le stock n'a été plus grand et jamais aussi nos malheureux ouvriers n'ont eu plus à souffrir.

La crise que nous traversons peut encore durer longtemps. Il faut trouver un remède.

Le seul, à mon avis, pour sauvegarder le sort de notre industrie, c'est de faciliter l'exécution de ce canal que nous réclamons ; et nos malheureux ouvriers trouveront ainsi du travail pour nourrir leurs familles.

Je vous ai dit, messieurs, que les charbonnages du couchant de Mons étaient menacés de perdre leur principale clientèle en France, ils doivent s'attendre aussi à soutenir une rude concurrence sur les marchés belges, principalement dans la Flandre occidentale.

Il y a urgence à chercher de nouveaux débouchés vers l'Escaut et la Hollande, et nous ne pouvons les obtenir qu'avec le canal du couchant de Mons à Termonde.

Pour en faire ressortir l'importance, je vous prie de remarquer que nos exportations vers Termonde ont à parcourir aujourd'hui 200 kilomètres par les canaux de Condé, de Pommerœul et l'Escaut ; tandis que par la nouvelle voie navigable et la Dendre, le parcours ne sera plus que de 109 kil.

La durée des voyages, aujourd'hui de 37 à 39 jours aller et retour, ne sera plus que de 12 à 14 jours.

Le devoir du gouvernement, comme l'a dit M. le ministre des travaux publics, et comme l'a répété l'honorable rapporteur à la section centrale, est de chercher à étendre les voies de communication directes. Car les conditions en fait de transports sont facilité, promptitude, économie. Tous ces avantages sont réalisés dans le travail que nous recommandons.

La navigation sera aussi facile alors, qu'elle est difficile, dangereuse sur l'Escaut.

Comme conséquence du raccourcissement du parcours, les frais de transport diminueront et il y aura une économie de 1 fr. 45 c. à 1 fr. 50 c. au tonneau. Ce sera un grand avantage pour Termonde et les autres villes de l'Escaut.

Messieurs, la Dendre, comme vous le savez, est canalisée de Termonde à Alost, elle le sera d'Alost à Ath. Nous avons voté un premier crédit de 2,500,000 fr. pour les premiers travaux qui doivent être adjugés prochainement.

Il reste une lacune à combler, c'est de continuer le canal d'Ath au couchant de Mons.

La canalisation de la Dendre a sans doute une très grande utilité pour les industries des arrondissements d'Ath, Soignies et Termonde, mais elle ne peut acquérir d'importance que quand elle sera reliée au bassin de Mons.

L'honorable M. de Decker, qui comprend si bien les avantages que retirerait le pays de cette voie nouvelle de communication, a fait un appel aux députés de Mons, pour insister sur l'utilité générale de cette nouvelle voie de communication. Je suis persuadé de son concours et j'espère qu'il joindra ses efforts aux nôtres, pour engager le gouvernement à la faire exécuter aux frais de l'Etat, ou tout au moins à intervenir pour en garantir l'exécution, en accordant un minimum d'intérêt.

Cette garantie de minimum d'intérêt, comme on vous l'a dit, a été accordée pour faciliter l'exécution d'autres travaux publics, qui n'ont pas l'importance de celui que nous recommandons. N'y aurait-il pas une injustice, je le demande, à ne pas faire, pour mon arrondissement, ce que l'on a cru devoir faire en faveur d'autres ?

Aussi, je déclare que je suis disposé à signer toute proposition qui aurait pour objet une demande de minimum d'intérêt.

Cette garantie, à mon sens, sera plutôt nominale que matérielle, le grand trafic qui s'opérera sur le canal, couvrirait en peu d'années les capitaux engagés.

Mais cette garantie est nécessaire, car les capitaux privés sont timides et s'engagent difficilement dans des entreprises de navigation, et quels que soient les travaux les plus utiles à exécuter, les capitalistes ne veulent pas les entreprendre sans le concours de l'Etat. Sans ce concours, le canal de Bossuyt ne serait pas fait et les canaux de la Lys à l'Yperlée et la Mandel resteraient encore très longtemps à l'état de projet.

Enfin, messieurs, je finis en réclamant au nom de tous les grands intérêts des charbonnages, au nom des consommateurs, votre bon concours pour obtenir l'exécution d'un canal du bassin de Mons à Termonde par la vallée de la Dendre. C'est un travail de haute utilité pour le pays, dont l'exécution immédiate serait une occasion de donner de l'ouvrage à de nombreux ouvriers du Borinage qui sont aujourd'hui dans une position malheureuse.

M. de Haerne. - Messieurs, je n'entrerai pas dans la discussion du canal de la Lys à l'Yperlée. Il a été entendu que cette discussion aura lieu à l'article où il est question de ce canal.

L'honorable membre qui vient de se rasseoir a un peu empiété sur la discussion future ; je n'examinerai donc pas les considérations qu'il a fait valoir. Je ne veux faire qu'une seule remarque relativement à cette assertion que l'on percevait précédemment à l'écluse de Comines un droit de 2 fr. par tonneau, au profit des concessionnaires du canal de Bossuyt et qu'on n'est plus autorisé à faire cette recette.

Si je suis bien informé, messieurs, il existe en ce moment un conflit à ce sujet entre le gouvernement et la compagnie.

La compagnie soutient, d'après les précédents admis par le ministère, que ce droit doit être perçu, non seulement sur certains produits du Hainaut transitant par la France, mais aussi sur certains produits français importés en Belgique par bateaux naviguant sur la Lys.

C'est à la compagnie à s'entendre avec le gouvernement ou à faire valoir ses droits en justice. C'est une question de droit.

Pour ce qui concerne la question générale qui a été traitée à l'occasion du canal que proposent quelques honorables membres, je dois dire, messieurs, que dans plus d'une circonstance, l'expérience m'a fait reconnaître une erreur qui est assez généralement accréditée dans cette matière.

Je dois le dire, j'avais conçu moi-même autrefois une opinion un peu trop absolue à l'endroit des intérêts du trésor, qui sont engagés dans cette question. J'exagérais parfois les pertes éventuelles en pareil cas.

Aussi, je ne crois pas pouvoir trancher la question relativement au canal dont il s'agit, d'une manière aussi radicale que l'honorable préopinant, qui croit que le trésor serait exposé à une perte certaine. Si j'avais (page 1916) la conviction que le sacrifice dût être considérable et permanent pendant toute la durée de la concession demandée pour le creusement du canal, je ne soutiendrais certes pas ce projet ; mais là est précisément la question, et c'est cette question qu'il faut examiner à fond.

Les arguments que l'honorable M. de Brouckere et d'autres membres ont fait valoir tout à l'heure en faveur de ce canal sont très sérieux, et aussi longtemps qu'on ne les aura pas réfutés en entrant dans les détails, je devrai persister dans l'appui que je donne à la proposition des honorables députés du Hainaut. J'attendrai donc les explications de M. le ministre des travaux publics pour me prononcer définitivement.

Qu'il faille, au commencement, s'imposer un sacrifice, cela est possible, c'est, du reste, ce que nous avons vu se produire à propos de plusieurs entreprises semblables ; mais ces sacrifices ne sont souvent que momentanés et bientôt le gouvernement, au lieu d'y perdre, y gagne au contraire dans bien des cas. Quelles n'ont pas été les craintes qu'on a exprimées quand il s'est agi du chemin de fer du Grand-Luxembourg !

Pour ma part, j'ai voté pour cette grande ligne internationale ; mais j'étais persuadé que pendant dix ans, 15 ans peut-être le trésor aurait eu à servir le minimum d'intérêt garanti ; j'espérais toutefois qu'après une vingtaine d'années, les recettes auraient rendu la garantie inutile. Eh bien, n'est-il pas évident que nous avons été tous trompés par la prospérité rapide de ce chemin de fer ? Cet exemple n'est pas le seul, et il doit nous servir d'instruction relativement aux conséquences des nouvelles concessions avec garantie d'un minimum d'intérêt. Je serais désolé aujourd'hui si j'avais voté par esprit d'économie contre ce railway.

D'autres entreprises sont en perte, mais présentent un bel avenir. Ainsi le canal de Bossuyt ne couvre pas encore à beaucoup près ses frais, mais cela tient à diverses causes : d'abord la dépense, au lieu de n'être que de 3,000,000, s'est élevée à 6,200,000 fr. ; il y a donc dans la dépense une part de 1,200,000 fr., sur laquelle il n'est accordé aucune garantie, et qui constitue une perte, qu'une compagnie moins puissante que celle de Bossuyt supporterait difficilement, d'autant plus que, les obligations primant les actions, celles-ci donnent lieu à une autre perte très sensible, mais, selon moi, momentanée.

Ensuite, on avait compté sur divers avantages qui devaient assurer le succès du canal. Ainsi on avait en perspective la construction future d'un canal de la Lys à l'Yperlée qui devait nécessairement augmenter la circulation sur le canal de Bossuyt ; on espérait aussi la canalisation de la Mandel. On avait compté également sur l'abaissement du péage sur la Lys, qui est triple du péage perçu sur l'Escaut. On était persuadé que le canal de Deynze à Schipdonck allait être livré à la navigation. Tous ces projets sont arrêtés aujourd'hui de la part du ministère et ne tarderont pas, j'espère, à s'exécuter. Je suis convaincu que, lorsque ces améliorations auront été réalisées, le canal de Bossuyt couvrira ses frais, et que le gouvernement pourra alors, comme il l'a fait récemment pour d'autres entreprises, proposer de reporter sur quelque nouveau travail d'utilité publique la garantie d'intérêt, dont ce canal a encore besoin aujourd'hui.

C'est ce que l'on voit dans bien des cas. La prospérité de telle ou telle voie de communication tient souvent à tel ou tel autre autre travail à faire. Il y a une réaction productive de chaque voie nouvelle sur l'ensemble de celles qui existent déjà.

Avant donc de me prononcer, j'attendrai les explications que donnera le gouvernement sur la proposition qui nous est soumise, et je m'y rallierai définitivement, si l’on ne me démontre pas qu'elle aurait pour conséquence d'imposer un sacrifice notable et permanent au trésor public. Je m'y rallierai, parce que je pense que le canal dont il s'agit doit être avantageux aux consommateurs autant qu'aux exploitants de houillères, qu'en un mot c'est une entreprise d'intérêt général.

M. Coomans. - Je me proposais d'appuyer en peu de mots les observations très justes qui nous ont été présentées par les honorables MM. de Mérode et Notelteirs ; mais je désire d'abord, pour ne pas me répéter, attendre les explications de M. le ministre des travaux publics.

- Plusieurs voix. - A demain !

La séance est levée à 4 1/2 heures.