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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 3 février 1863

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1862-1863)

(page 281) (Présidence de M. Vervoort.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Florisone, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Moor, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance précédente.

- La rédaction en est approuvée.

M. de Florisone présente ensuite l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« L'administration communale du Maeseyck présente des observations sur la partie du rapport de la session centrale du budget de l'intérieur, relative à l'arrondissement de Maeseyck et prie la Chambre de voter le rétablissement du commissariat. »

M. de Renesse. - Par pétition datée de la ville de Maeseyck, le 1er février courant, le collège des bourgmestre et échevins de cette ville a cru devoir adresser à la Chambre des observations sur certains passage du rapport de la section centrale du budget de l'intérieur ; notamment en ce qui concerne la prétendue facilité de communication qui existerait actuellement ente les communes de l'arrondissement de Maeseyck et la ville de Hasselt ; en outre, ce collège fait ressortir que la députation permanente du Limbourg a présenté, à plusieurs reprises, au gouvernement, de sérieuses observations sur ce que la suppression du commissariat de Maeseyck a été une mesure fâcheuse, sous tous les rapports, et qu'elle a été nuisible à la bonne administration de cette contrée du Limbourg.

J’ai l’honneur de proposer à la Chambre de vouloir ordonne, le dépôt de cette pétition sur le bureau de la Chambre, pendant la discussion du budget de l'intérieur.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur Vandervoort, ancien combattant de 1830, réclame l'intervention de la Chambre, pour qu'on lui accorde la pension dont jouissent les décorés de la croix de Fer et pour obtenir la décoration de l'Ordre Léopold. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« D'anciens combattants de 1830 demandent la révision de la liste des volontaires qui peuvent avoir des droits à la croix de Fer et à la pension qui y est attachée. »

- Même renvoi.


« Des employés du commerce demandent la restitution du droit de patente qu'ils ont dû payer depuis huit années et qu'à l'avenir ils ne soient plus imposés de ce chef. »

- Même renvoi.

M. Rodenbach. - Je demande que la commission des pétitions soit invitée à faire un prompt rapport.

- Adopté.


« Le sieur Rosseels, ancien volontaire de 1830, demande une récompense honorifique ou pécuniaire. »

- Même renvoi.


« Le sieur Deck, ancien combattant de 1830, demande une récompense honorifique ou pécuniaire. »

- Même renvoi.


« Le sieur Dutranoit, ancien volontaire de 1830, demande une récompense. »

- Même renvoi.


« Le sieur Collignon, faisant connaître que sa pétition datée du 23 janvier est devenue sans objet, se plaint d'une lettre du parquet de Dinant concernant une condamnation prononcée contre lui. »

- Même renvoi.


« Le sieur Pollet demande soni élargissement du dépôt de mendicité de Mons. »

- Même renvoi.


» Plusieurs pêcheurs de la Panne demandent qu'il soit pris des mesures pour faire cesser la destruction de la petite pêche côtière.

- Sur la proposition de M. Rodenbach, renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.

« Le sieur Peeters, secrétaire communal à Veerle, prie la Chambre d'allouer annuellement sur les fonds de l'Etat un subside à répartir par la députation permanente entre les divers secrétaires communaux et d’après le plus ou moins de mérite et d’exactitude de ces fonctionnaires. »

M. de Mérode-Westerloo. - Cette pétition renferme des considérations très intéressantes sur les services rendus à l'administration générale par les secrétaires communaux, et mérite l'attention de la commission des pétitions, à laquelle j'en demande le renvoi, avec prière de faire un prompt rapport.

MpVµ. - Ne croyez-vous pas que cette pétition doit être déposée sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.

M. de Mérode-Westerloo. - Je demande ce dépôt et ensuite le renvoi à la commission.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur Declercq, ancien préposé des douanes, demande une pension. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Capouillet demande que le projet de loi sur la milice exempte du service militaire le frère d'un enrôlé volontaire, quel que soit le grade acquis par ce dernier. »

- Renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de loi.


« Le sieur Dessart, blessé de septembre, demande la pension dont jouissent les décorés de la croix de Fer. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Jean-Pierre Muller, cultivateur à Bibange, né à Niederpellen (grand-duché de Luxembourg), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le sieur Dumoulin présente des observations contre la faculté du remplacement ou de la substitution en fait de service militaire. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Le sieur Daussoigne-Mehulprie la Chambre d'assimiler les directeurs des conservatoires royaux de Bruxelles et de Liège aux professeurs des universités de ces deux villes en ce qui concerne l'éméritat qui pourrait leur être accordé après 30 ans de service. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.


« Le sieur Delasalle prie la Chambre de décider si la vente à la roue est une vente ou un jeu de hasard et si la surprise dite à la roue est défendue. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Casterlé prient la Chambre d'accorder au sieur Boucquié-Lefebvre la concession d'un chemin de fer direct d'Anvers sur Dusseldorff. »

- Même renvoi.


« Le sieur Fontaine prie la Chambre d'abolir les dispositions qui exemptent du service de la milice ou de la garde civique les ministres des cultes et les étudiants en théologie, ainsi que les dispositions décidant que les ministres du culte ne seront pas portés ou cesseront d'être portés sur la liste des jurés. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur la milice, pour la partie qui s'y rapporte et, pour les autres, à la commission des pétitions.


« Par dépêche du 31 janvier, M. le ministre de l'intérieur adresse à la Chambre les tableaux de l'emploi des fonds alloués pour l'instruction primaire, pendant l'année 1861, tant par le gouvernement que par les provinces et les communes/ »

-- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.


« M. A. Lambert, agent d’immeubles à Bruxelles, adresse à la Chambre 120 exemplaires d'un opuscule intitulé : Redressement de l'avenue de la Cambre.

- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.


« Le sieur Levrat adresse à la Chambre le rapport de l'Institut médical universel qu'il a fondé à Bruxelles. »

- Dépôt à la bibliothèque.


Il est procédé au tirage au sort des sections de février.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1863

Discussion générale

MpVµ. - La discussion générale est ouverte.

M. Thienpont. - Messieurs, depuis quelque temps le gouvernement fait de louables efforts pour propager l'usage des paratonnerres.

Le rapport, qui vient de nous être distribué, reproduit une réponse de M. le ministre de l'intérieur, qui nous fait connaître et les actes posés par le gouvernement pour atteindre ce but, et les résultats qui sont parvenus a sa connaissance.

La première note de M. Dupiez fut insérée au Moniteur en 1860. Elle (page 282) contribua puissamment à instruire les populations sur les avantages d'un bon paratonnerre.

Ces avantages sont généralement reconnus aujourd'hui, et les préjugés nombreux d'autrefois ne se remontrent plus guère. C'est qu'en effet, l'efficacité des paratonnerres a été trop souvent constatée pour laisser le moindre doute sur leur utilité.

Plus tard, dans le Moniteur du 2 mai 1862, et toujours à la demande du gouvernement, M. Duprez nous donne les instructions, nous indique les principes et formule les règles à suivre dans la construction et le placement de ces appareils.

En ce qui me concerne, j'approuve les efforts du gouvernement ; j'approuve ces circulaires et je ne puis que le louer lorsque je le vois user de son influence pour engager les administrations publiques à prendre de salutaires et sages précautions.

Seulement je n'admets pas qu'en cette matière, le gouvernement ne puisse agir autrement que par voie de conseil, comme il le déclare dans sa réponse à la section centrale.

Bien certainement ces conseils sont utiles, je viens de dire que je les approuve sans réserve ; mais cela n'empêche pas qu'un vaste champ soit ouvert devant lui. Tout en continuant ses bons conseils et ses recommandations, il serait aussi à désirer qu'il prêchât quelque peu d'exemple, et qu'il mît lui-même plus de zèle à prémunir, contre les effets redoutables du fluide électrique, et ses palais, et ses stations et ses constructions de toute espèce.

En dehors des magasins à poudre, je connais peu de bâtiments, formant propriété de l’Etat, qui soient pourvus de paratonnerres.

Les avertissements cependant ne nous manquent pas. Les sinistres ne sont que trop fréquents.

Nous savons tous quelles traces de destruction à jamais regrettables laisse souvent, en éclatant, un coup de foudre.

Le paratonnerre écarte tout danger. Il prévient, il empêche le désastre.

Son action et son efficacité, connues depuis plus d'un siècle, sont telles que le gouvernement verra bientôt son usage se généraliser, qu'il donne ou non, en son emploi, l'exemple d'une confiance qu'il s'efforce d'inspirer aux autres.

Il va sans dire que le constructeur, pour placer un paratonnerre qui soit bon, utile et efficace, a à suivre certaines règles bien connues, bien déterminées, et qu'il se gardera de prendre pour modèle le premier appareil qu'il rencontre.

Nous n'avons pas à nous occuper ici de ces règles. Je tiens seulement à vous dire qu'il existe des paratonnerres très défectueux placés par le gouvernement lui-même sur des constructions où la plus petite étincelle électrique peut avoir des conséquences graves et où des soins minutieux et une attention toute particulière devraient présider tout autant à leur conservation qu'à leur construction.

Dans l'exemple que je vais citer, le département de l'intérieur n'est pas eu cau5e ; mais l'objet me paraît assez important pour mériter quelque attention, et en tout cas, pour ne pas le passer sous silence.

Depuis que le magasin à poudre, situé dans la ville d'Audenarde, a été évacué, l'accès n'en est plus défendu par des factionnaires ; les consignes sévères sont levées et il est permis d'en approcher. J'en ai profité, il y a peu de temps, pour examiner les paratonnerres placés sur le bâtiment, évidemment dans l'intention de le protéger contre le feu du ciel. Eh bien, messieurs, je n'hésite pas à le dire, cet appareil tel qu'il est fait, en le supposant en bon état, sans altération ni détérioration, serait détruit par le premier coup de foudre qui viendrait à le frapper.

Je ne connais pas la disposition des paratonnerres qui se trouvent ailleurs sous la surveillance directe du département de la guerre ; mais le maintien d'appareils aussi complètement, aussi profondément, aussi essentiellement défectueux n’est pas sans dangers sur un magasin à poudre.

Il consiste en trois tiges ayant chacune à peu près deux mètres d'élévation.

Mais, messieurs, il est inutile de décrire l'appareil et la disposition du bâtiment ; je passe cette description pour indiquer uniquement le point défectueux ; c'est le point capital.

Un conducteur unique, consistant en une feuille de plomb ayant 10 centimètres de largeur et tout au plus 2 millimètres d'épaisseur, part de la tige du milieu.

Cette lame, couchée sur la toiture en tuiles, descend jusqu'à la hauteur du mur sur lequel elle est ensuite clouée à des intervalles de 20 à 20 centimètres. A 50 centimètres au-dessus de terre, elle est réunie à une plaque en fer qui plonge dans le sol.

Sans pousser l'examen plus loin, il est permît de répéter et d'affirmer avec assurance ; qu'un appareil aussi radicalement défectueux serait mis en pièces et détruit par un coup de foudre ; parce que le plomb, ayant ici une section trop petite, est d'ailleurs un métal trop fusible, en même temps qu’il conduit très mal l'électricité. Depuis longtemps il est connu et prouvé à la dernière évidence que le plomb, même avec une section convenable, doit être complètement proscrit dans la construction d'un paratonnerre.

Mais j'abandonne à MM. les académiciens le soin d'éclairer le gouvernement à cet égard. Je laisse ce soin au savant professeur M. Duprez, dont les études spéciales sont connues de nous tous, et dont la compétence, lorsqu'il s'agit des lois de l’électricité, ne sera récusée par personne. Leur voix a une incontestable autorité ; elle sera religieusement écoutée et contribuera puissamment à réparer au plus vite-une faute grave, si toutefois cette faute se répétait sur d'autres bâtiments ; peu importe que ces bâtiments présentent ou non des dangers plus grands par les matières fulminantes qu'ils abritent.

Depuis 1823, les instructions de l'Académie française, et plus tard, celles de notre propre Académie, par l'organe de M. Duprez, ont rendu simples, claires, nettes et précises, les règles à suivre pour la pose d'un bon paratonnerre, à tel point que déjà, dans des communes rurales, l'on trouve des personnes exécutant parfaitement ce travail.

Dans une commune de la Flandre occidentale, j'ai rencontré un constructeur très intelligent et très habile, achevant et plaçant l'appareil dans les meilleures conditions.

Ce constructeur n'a reculé devant aucune difficulté pour obtenir toute la somme de garantie désirable, en portant l'appareil à sa plus grande perfection.

Il a voulu rigoureusement suivre le principe, reconnu et recommandé depuis longtemps, qu'il faut, autant que possible, éviter les joints et les raccordements de toute espèce.

Dans le courant de la semaine dernière, un paratonnerre à raccordement, avec manchons et écrous à double pas de vis, et placé depuis moins de cinq mois, fut non seulement disloqué, mais brisé et emporté par le vent.

Outre ces dislocations mécaniques, les pièces les mieux ajustées ne laissent pas d'offrir d'autres inconvénients encore, signalés par tous les hommes spéciaux, inconvénients que le sieur Carette évite en forgeant et brasant d'une pièce toutes les parties en fer depuis la pointe jusqu'à -'extrémité opposée qui vient plonger dans le réservoir commun.

La pointe seule étant en platine ou en tout autre métal peu oxydable et bon conducteur de l'électricité, est vissée et soudée avec soin sur l'extrémité de la tige, conformément aux modèles présentés par M. Deleuil à l'Académie des sciences de Paris et pleinement approuvés par elle.

Cette manière de construire le paratonnerre offre des difficultés réelles, sérieuses, telles, que M. Duprez les considérait encore comme insurmontables en 1862, alors que plus de deux années auparavant ces difficultés avaient été vaincues ; et vaincues dans des conditions où il fallut, pour préserver le bâtiment, placer et relier entre elles quatre tiges, ayant chacune sept mètres d'élévation, a deux conducteurs, d'un développement total de plus de 125 mètres.

J'ai la conviction, je le dis en terminant, que le paratonnerre doit nécessairement et rapidement se propager. Lorsque son action sera bien connue et bien appréciée partout, son usage deviendra aussi généralisé qu'il l'est déjà dans d'autres contrées de l'Europe et surtout en Amérique. Par ce moyeu simple autant que sûr et précieux, nous éviterons bien des malheurs et nous préserverons nos monuments de l'action destructive de la foudre.

(page 341) M. Vander Donckt. - Messieurs, il y a peu de jours, j'ai eu l'honneur d'appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la question de liberté des administrations communales dans la gestion de leurs finances et de leurs affaires administratives.

L'honorable ministre m'a donné entière satisfaction en déclarant que le gouvernement s'abstient de régler les dépenses communales, qu'il n'a pas le droit d'agir autrement, et que quand il intervient dans la fixation de certaines dépenses communales, c'est pour assurer l'exécution des lois, et plus loin, quand il dit : qu'aujourd'hui les communes peuvent disposer de la part qui leur revient du fonds communal en toute liberté comme elles l'entendent, sauf que les faits posés et dont j'aurai l'honneur de vous entretenir, ne correspondent nullement à ces belles paroles, à ces beaux sentiments dont l'honorable ministre est animé.

Je ne parlerai pas, pour le moment, des dépôts de mendicité et du domicile de secours ; nous aurons une occasion très prochaine de traiter cette affaire dans tous ses détails. Mais j'ai quelques mots à dire au sujet de l'exécution de la loi de l'enseignement primaire.

Je demanderai à l'honorable ministre s'il est vrai que dans la commune de Saint-Géry, arrondissement de Nivelles, où il y a un beau bâtiment d'école, et où la commune satisfait à toutes les exigences du service, on maintient un instituteur qui ne répond nullement à ce qu'on est en droit d'en attendre ? Et c'est dans l'intérêt de l'enseignement primaire que je parle.

Les conseils communaux, les administrations, n'ont pas, selon moi, une action suffisante sur le personnel de l'enseignement primaire.

Ce maître d'école, si mes informations sont exactes, n'a pas d'élèves, ou il n'a que des élèves étrangers à la commune. Les habitants de Saint-Géry s'adressent aux instituteurs des communes voisines pour leur confier l'instruction de leurs enfants.

Est-il vrai que, sous l'honorable prédécesseur de M. le ministre, cet instituteur a été sur le point d'être destitué et que, par l'influence d'un personnage haut placé, cette destitution n'a pas eu lieu, quoiqu'il persiste encore dans sa conduite peu convenable, puisque les parents ne veulent pas lui envoyer leurs enfants, et que la commune est obligée de fournir et de satisfaire à toutes les exigences de la loi, sans qu'elle jouisse des avantages qu'elle est légitimement en droit d'en attendre ?

Messieurs, je voudrais qu'il y eût plus de liberté pour la commune de décider que tel instituteur qui ne satisfait pas à ses devoirs, soit révoqué ou suspendu.

Voici un autre point, messieurs, que je me permets de soumettre à l'honorable ministre de l'intérieur : dans une grande commune de la Flandre orientale, une commune de plus de 9,000 âmes, il y a deux écoles communales, deux écoles adoptées et une école libre ; les inspecteurs du gouvernement ont insisté pour que cette cinquième école fût également subsidiée par la commune, et le subside a été accordé. Mais on ne s'est pas contenté de cela et on veut maintenant que la commune construise une troisième maison d'école.

Vous comprenez, messieurs, que c'est là un excès. Il ne faut pas que, contrairement aux vœux des habitants, contrairement aux vœux de l'administration communale, on puisse imposer à la commune une construction qui ne lui convient pas. Quand les finances de cette commune lui permettront de construire cette troisième maison d'école, elle la construira, mais il ne faut pas qu'elle ait, ici encore, la main forcée par l'autorité supérieure.

J'appelle l'attention de l'honorable ministre sur cette espèce d'abus de pouvoir. Quand une commune a satisfait à la loi sur l'enseignement primaire, quand elle a déjà, pour une population de 9,000 âmes, 2 écoles communales, deux écoles adoptées et une école libre, on veut remplacer l'instituteur de cette école libre par un instituteur sorti des écoles normales, et on exige la construction d'une maison d'école sur l'emplacement de cette école libre.

Il me semble qu'il faut laisser à une administration communale qui est douée de tout le zèle, de tout le dévouement possible pour l'instruction primaire, son libre arbitre pour décider la question de savoir s'il y a lieu de construire une troisième maison d'école toute neuve.

Je suis donc fondé à réclamer pour les administrations communales plus de liberté pour la gestion de leurs affaires et surtout pour le règlement de leurs finances non seulement du chef de l'instruction primaire mais encore du chef des dispositions des lois sur les dépôts de mendicité et du domicile de secours.

Messieurs, j'ai encore un mot à dire au sujet des secrétaires communaux., Déjà, par d'innombrables pétitions, ces fonctionnaires ont demandé que le gouvernement indemnisât d'une manière quelconque les secrétaires communaux du chef du travail extraordinaire qu'ils font et pour le gouvernement et pour les provinces.

Jusqu'ici on n'a rien fait.

Ce ne sont pas des fonctionnaires de l'Etat, objecte-t-on. Moi, je dis oui et non ; en droit non, mais en fait je dis que ce sont des fonctionnaires de l'Etat.

En effet, qu'est-ce qu'un fonctionnaire de l'Etat.

C'est celui qui donne ses soins et sa peine aux affaires du gouvernement ; or, à ce point de vue-là, les secrétaires communaux sont des fonctionnaires de l'Etat ; s'ils ne le sont pas par le droit, ils le sont par le fait. Eh bien, le temps me paraît être venu de donner satisfaction à ces humbles fonctionnaires. Les communes sont dans l'impossibilité d'aller au-delà de ce qu'elles doivent pour le travail que ces fonctionnaires font pour les communes.

Mais il est évident que sans les travaux que leur imposent le gouvernement et la province, ils n'auraient pas la moitié de la besogne qu'ils ont aujourd'hui.

Par exemple, qui est-ce qui prépare les travaux de la statistique ? Ce sont les secrétaires communaux qui forment le canevas sur lequel viennent broder les statisticiens dans le centre du gouvernement.

Tous les jours, nous entendons dire et répéter avec raison que toute peine mérite salaire.

Eh bien, n'est-il pas juste que le gouvernement rémunère les secrétaires communaux du chef des travaux extraordinaires que ces fonctionnaires font pour le service de l'Etat et pour celui de la province ? Ces travaux augmentent d'année en année ; l'honorable M. Hymans a un jour, dans un rapport sur de nombreuses pétitions, donné une liste détaillée des travaux extraordinaires qui sont imposés aux secrétaires communaux.

Messieurs, je demande alors qu'on augmente les traitements de tous les fonctionnaires publics, je demande qu'on ne délaisse pas une catégorie de fonctionnaires qui rendent des services réels à l'Etat, services pour lesquels ils ne reçoivent aucune rémunération. C'est un véritable déni de justice, sur lequel j'appelle encore l'attention très sérieuse de l'honorable ministre de l'intérieur.

Je me bornerai là pour le moment. Je me réserve de présenter d'autres observations, quand la Chambre sera arrivée aux articles respectifs du budget qui s'y rapportent.

(page 282) M. Rodenbach. - Messieurs, j'ai demandé la parole lorsque l'honorable M. Thienpont s'est occupé de la question des paratonnerres.

Je dois à la vérité de déclarer que la circulaire de M. le ministre de l'intérieur et le travail de M. Duprez, professeur de physique à l'université de Gand, ont contribué à amener dans plusieurs de nos communes l'établissement de paratonnerres.

M. Thienpont a étudié spécialement les paratonnerres ; il a fait de nombreux voyages à l'étranger ; nous l'avons vu, en Belgique, dans plusieurs communes où des paratonnerres ont été établis ; on lui doit les principaux perfectionnements qui ont été apportés à ces appareils, et notamment, un nouveau système que, par modestie, il a attribué à M. Carette de Meulebeke, mais dont il est réellement l'auteur, car c'est sous sa direction qu'ont été placés quelques paratonnerres établis dans la Flandre occidentale, entre autres celui de Meulebeke à son château et sur la tour de l'église.

(page 283) Aussi, messieurs, quand il s'est agi de placer un paratonnerre sur l’église de Rumbeke où je suis bourgmestre, j'ai écrit au savant M. Duprez pour lui demander si le système de M. Carettc était praticables sans danger, et la réponse qu'il s'est empressé de me faire a été tout à fait satisfaisante.

D'après le nouveau système établi à Rumbeke, l'on doit avoir soin de faire la tige d'une seule pièce. Le conducteur le plus parfait est celui qui consiste en une barre de fer faite d'une seule pièce. Pour obtenir ce résultat on est forcé de réunir plusieurs barres bout à bout. Ces barres doivent être réduites au plus petit nombre possible, afin d'éviter la multiplicité des joints, et il faut prendre bien garde qu'elles ne présentent aucune lacune dans les endroits où elles sont réunies ; cette condition est indispensable, et on peut admettre, pour ce qui concerne l'écoulement de la foudre, que le simple contact d'une pièce métallique est, le plus souvent, l'équivalent d'une lacune, à cause de l'oxydation qui se produit avec le temps, et des corps étrangers qui se déposent entre les surfaces.

Mais, messieurs, il ne suffit pas que le gouvernement recommande l'emploi du paratonnerre ; il serait fort à désirer qu'il prêchât lui-même d'exemple et qu'en même temps qu'il adresse des circulaires à cet effet, il eût soin de pourvoir de paratonnerres tous les bâtiments appartenant à l'Etat. Il se montrerait ainsi logique et vraiment progressif.

Messieurs, j'ai écouté avec intérêt l'honorable M. Vander Donckt et je suis tout à fait d'accord avec lui que la moitié de la besogne des secrétaires communaux leur est imposée par le gouvernement et par la province, attendu qu'elle a principalement pour objet la production de renseignements statistiques et une foule d'autres travaux réclamés par l'administration centrale. Dès lors, il serait extrêmement juste que le gouvernement indemnisât ces modestes fonctionnaires du surcroît de travail qu'il leur impose.

M. le ministre de l'intérieur s'est naguère déclaré partisan de la décentralisation et, tout récemment, il nous a donné la preuve que ce sentiment de sa part n'est pas purement théorique. Eh bien, messieurs, il lui serait très facile de développer davantage encore l'application de ces idées, auxquelles j'applaudis.

Je me bornerai à ce peu de mots ; j'ai voulu simplement appuyer les observations qui ont été faites par mes honorables collègues, MM. Thienpont et Vander Donckt et appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la question des paratonnerres et sur la position des secrétaires communaux, qui ont été trop négligés jusqu'à présent.

M. Julliot. - Messieurs, je suis heureux de constater que les tendances que manifeste l'honorable ministre de l'intérieur annoncent qu'il veut être de son époque, qu'il pense avec beaucoup d'autres que la Belgique est trop gouvernée et demande qu'on lui lâche un peu les lisières.

La section centrale seconde ces vues ; et c'est de bon augure. M. le rapporteur sous ce rapport m'inspire de la confiance, il se montre partisan d'une administration progressive et intelligente.

Le département de l'intérieur en Belgique est remarquable sous plusieurs rapports ; d'abord, il compte onze divisions, et comme conséquence son budget pour 1863 est plus élevé que tous ses devanciers.

Néanmoins, je crois pouvoir prédire que ce budget n'éprouvera pas d'opposition dans son ensemble, parce qu'on a foi dans les principes économiques du chef qui le présente.

Puis encore, beaucoup d'entre nous envisagent ce ministre comme un héritier sous bénéfice d'inventaire, et des héritiers pareils inspirent de l'intérêt aux créanciers comme aux débiteurs. Sous ce rapport, la discussion des articles nous donnera raison.

Messieurs, ce budget s'élève à fr. 10,265,145-23.

En présence de ce chiffre, je me souviens, qu'en 1840 ce même budget était arrêté à 5 millions 432 mille francs, et en 1848 lors de mon entrée à cette Chambre, j'entendais proclamer du haut de la tribune que les budgets, qui jusqu’alors n'avaient été que des mensonges, allaient devenir des vérités. Et moi le premier d'applaudir à cette belle el heureuse réforme !

On s'arrêtait dans les rues pour se communiquer cette nouvelle, mais nul de nous n’en connaissait le secret. Or, depuis nous avons appris que, quand un budget de 5 millions est un mensonge, on le double en le multipliant par deux, et immédiatement ce budget devient une vérité et même une grosse vérité.

Telle est, en effet, la coûteuse plaisanterie à laquelle j'assiste depuis quinze ans, faute de pouvoir y remédier. Je ne me gêne pas pour le dire. Les ministères qui se sont succédé depuis, se déclarant tous libéraux tout court ou libéraux modérés, se valent sons ce rapport, et je n'y vois pas de différence à mon point de vue.

Néanmoins, je dois le reconnaître, l'honorable M. de Decker, en arrivant au pouvoir, me fit l'honneur de me confier son projet de réforme large et grandiose ; mais six semaines après, la bureaucratie avait réuni toutes les toiles d'araignée des bureaux pour envelopper le ministre ; il était pris comme une mouche, et ne sut plus bouger.

L'honorable M. Vandenpeereboom va réduire, dit-on, le nombre des divisions à cinq, et je lui souhaite meilleure réussite.

Si l'honorable ministre de l'intérieur, se dégageant courageusement de cette atmosphère paperassière qui l'entoure, continue à préconiser et surtout à pratiquer les idées qu'il a énoncées depuis son avènement, je deviens ministériel et il pourra compter sur mon concours dévoué.

Messieurs, les institutions constitutionnelles ont les défauts de leurs qualités. Dans tout parlement il y a deux partis, quelle que soit leur dénominations qui se combattent.

Dans chaque parti se trouvent quelques hommes désignés par le parti même pour occuper le pouvoir.

Ce pouvoir passe itérativement aux mêmes hommes, chaque fois que l'un parti renverse l'autre, et ces revenants tour à tour traînent à leur suite un bagage considérable et gênant d'hommes et de choses.

La société, elle, marche et demande périodiquement des hommes nouveaux pour la diriger.

Je vous le demande, les anciens ministres qui ont préconisé les droits différentiels, la protection générale du travail national, des primes en tout et pour tout, puis le prêt de quelques millions sans intérêt pour faire des chemins de fer à l'étranger, c'est-à-dire qu'on donnait dix francs à la Prusse pour en faire gagner trois aux commissionnaires d'Anvers peu reconnaissants, ces ministres, que viendraient-ils nous dire en reprenant le pouvoir, quand tous les principaux sujets de leur attention ont disparu ?

Et à propos de ces millions prêtés aux chemins de fer de Prusse, j'ouvre une parenthèse. Pas plus longtemps qu'hier, j'ai reçu un journal qui m'engage à voter 4 millions pour le rachat de deux canaux français, pour que l'une moitié passe dans la poche des consommateurs français, l'autre moitié dans celle des charbonniers belges ; voilà, j'espère, un partisan de l'ancien système, un contemporain de l'honorable abbé de Foere, à qui certes je ne confierais pas le pouvoir.

M. Pirmez. - Quel est ce journal ?

M. Julliot. -C'est l’Union de Charleroi, qui m'est venue gratis. Sans doute la Belgique compte des hommes de valeur dans son sein, nous avons des hommes d'Etat qui à bon droit peuvent être fiers de leur passé.

Mais nous n'avons ni des Palmerston, ni des Peel qui peuvent, à une heure donnée, forcer une grande fraction de leur parti à faire une volte-face économique complète.

Je pense donc que chaque génération veut être gouvernée par les siens et que des hommes nouveaux et ceux qui savent suivre le progrès social sont seuls aptes à nous donner un régime libéral réel en fait comme dans les discours, et dans toute son extension.

Je suis de ceux qui veulent qu'après avoir proclamé les principes les plus larges dans la liberté, on ne vienne pas en confisquer les conséquences du moment où les conséquences ne sont pas favorables au triomphe de telle ou telle opinion, et ici je ne distingue pas entre les partis.

Messieurs, on a reconnu que les droits différentiels et la protection par la douane belge étaient des obstacles permanents au développement de la production.

Au début, quelques-uns s'enrichissaient, ces bénéfices appelaient des capitaux trop considérables, tous voulaient prendre leur part à ce gâteau, et les uns ruinaient les autres, et en fin de compte la perte sur l'ensemble dépassait les bénéfices.

Comment ne pas reconnaître que les millions que l'Etat sacrifie à l'agriculture, à l'industrie, aux lettres et aux arts opèrent de la même manière ?

Ici ce ne sont pas des droits différentiels, ce sont des devoirs différentiels que l'Etat s'impose ; il aide les uns et n'aide pas les autres. Ces derniers, il les entraîne dans une fausse voie, il les trompe.

Sans connaître les besoins de la société, il provoque une pléthore dans les agriculteurs sans terre, les industriels sans capitaux, les musiciens sans auditoire, les livres sans lecteurs et les peintres dans commandes, et dans dix ans nous voterons des fonds pour l’exportation de tous les produits de l'Etat. C'est-à-dire qu'après avoir employé l'impôt pour créer, nous demanderons à l'impôt pour corriger notre étourderie.

Déjà dès à présent quand l'Etat commande un tableau ou une statue d'église, dix pinceaux et dix ciseaux se présentent à la fois et l'honorable ministre ne le démentira pas, et ceux mêmes qui en approuvent le principe disent que l'application qu'on en fait est mauvaise.

(page 284) MRAEµ. - Votre Ambiorix, vous n'en parlez pas.

M. Julliot. - Je vais en parler. La statue d'Ambiorix confirme ce que j’avance. Votre interruption n'est pas heureuse. Quand Ambiorix devait être fait, dix concurrents se sont présentés, et on ne le niera pas.

MRAEµ. - Vous ne faites pas ce que vous dites.

M. Julliot. - Ce que vous dites-là, M. Rogier, n'est pas gracieux. Je demande à la Chambre, si je ne suis pas toujours convenable dans mes expressions, et je déclare que s'il m'arrivait d'appliquer des termes qui ne le fussent pas, c'est au défaut de connaissance parfaite de la langue qu'il faut l'attribuer.

- Des voix. - Vous êtes toujours convenable.

M. Julliot. - Je me demande donc si le moment n’est pas venu pour M. le ministre d'l'intérieur, qui n'est lié par aucun antécédent, d'examiner de près quelle est la somme d'utilité produite par ces dépenses réunies qui s'élèvent annuellement à 2 millions 300 mille francs.

L'entrave à l'activité personnelle et l'appât à la sollicitation énervent les populations.

Chaque année on couvre le pays de nouvelles lois et de nouveaux règlements, puis il faut de nouveaux fonctionnaires pour les exécuter, pour peu que cela continue, nous serons tous, comme des moines, soumis à la règle et au supérieur.

Cette centralisation est la méthode du système préventif appliqué à tout.

Or, selon moi, c'est le contraire qui serait utile au pays. Ce que le pays veut, c'est qu'on ne lui demande pas de nouveaux impôts.

Qu'on remplace, partout où faire se peut, les moyens préventifs par les moyens répressifs et qu'on réduise à la dernière limite cette procédure administrative qui ne mérite qu'une médiocre confiance.

Ce qu'il veut encore, c'est qu'on le débarrasse d'une bonne partie de ces 27,000 lois de la République, de l'empire et des Pays-Bas qui ne s'emboîtent pas dans la Constitution ; toutes ces lois dont l'application est douteuse et de celles dites tombées en désuétude.

Je me résume et je dis :

La tâche qui nous incombe c'est de simplifier nos institutions et non pas de les compliquer.

M. le ministre de l'intérieur a un bel avenir : il dépend de lui de l'utiliser au profit de son pays. Qu'il s'occupe sans cesse à décentraliser tout ce qui peut l'être, et il laissera des traces utiles de son passage aux affaires.

Je voterai le budget dans son ensemble.

MVIµ. - Je crois devoir répondre quelques mots aux honorables orateurs qui viennent de prendre la parole dans la discussion générale,.

L'honorable M. Thienpont, qui s'est levé le premier, vous a entretenus, messieurs, de la question des paratonnerres.

Je ne le suivrai pas sur le terrain scientifique où il s'est placé. Un seul point m'a touché dans son discours, c'est lorsque l'honorable membre nous a dit que le gouvernement ne devrait point se borner à recommander l'usage du paratonnerre àa moyen de circulaires ; mais qu'il devrait intervenir (si je l’ai bien compris) d'une manière plus efficace.

Le gouvernement ne peut pas demander à la Chambre des crédits destinés à donner des subsides aux communes pour l'établissement de paratonnerres, cela est impossible. (Interruption.) Donc, sous ce rapport, nous sommes parfaitement d'accord.

Quant aux paratonnerres à placer sur les bâtiments de l'Etat, ce n'est pas à propos de la discussion du budget de l'intérieur que cette question aurait dû être soulevée, ce n'est pas dans les attributions de ce département que se trouve l'administration des bâtiments de l'Etat. Quand on s'occupera du budget du département des travaux publics, on pourra examiner la question de savoir où il peut être nécessaire de placer des paratonnerres ; au reste il en existe déjà sur la plupart des édifices publics affectés à mon département, notamment sur les musées de l'Etat, la bibliothèque, etc.

L'honorable M. Vander Donckt a soulevé plusieurs questions que je me permets de qualifier de petites. En effet, il m'est impossible de donner des explications concluantes sur l'état de l'enseignement primaire dans la commune de Saint-Géry, arrondissement de Nivelles. Le ministre ne peut pas connaître les divers incidents, les détails qui se présentent dans telle ou telle commune du pays.

Je crois cependant me rappeler que l'instituteur de Saint-Géry a très peu d'élèves, mais qu'il a été nommé régulièrement. Jusqu'ici le gouvernement n'a pas cru devoir le destituer, il est en effet du devoir du gouvernement, et la Chambre partagera cette opinion, de soutenir et de protéger les instituteurs communaux qui, dans certaines circonstances, peuvent être l'objet de vexations de la part de certains habitants et rencontrer soit dans le conseil communal, soit ailleurs, des adversaires acharnés et peu justes.

Si le gouvernement cédait trop facilement à des demandes de destitution, il briserait souvent injustement l'avenir de ces modestes fonctionnaires, car il est difficile parfois de les déplacer, comme cela peut se faire pour d'autres fonctionnaires.

Un instituteur destitué, permettez-moi cette expression, est un homme sur le pavé. Avant donc de prononcer la destitution d'un instituteur primaire, il faut des motifs graves.

Quant à la commune populeuse où l'on a voulu faire subsidier une cinquième école à côté des 4 autres écoles qui y existent déjà et où cette cinquième école fonctionne très mal, je ne la connais pas ; l’honorable membre ne l'a pas nommée.

M. Vander Donckt. - C'est la commune de Hamme.

MVIµ. - J'ignore complètement les faits auxquels l'honorable membre fait allusion, et la Chambre comprendra que je ne puis pas classer dans ma mémoire de pareils détails.

L'attention du gouvernement a été appelée encore sur un autre point, et ce n'est pas la première fois, sur la position des secrétaires communaux. Souvent mes prédécesseurs ont fait connaître leur opinion sur cette question, la Chambre elle-même a manifesté l'opinion qu'il n'est pas possible, par quelque moyen que ce soit, de transformer même indirectement en fonctionnaires de l'Etat, les secrétaires des communes.

Je tâcherai de simplifier la besogne de ces fonctionnaires chaque fois que l'occasion s'en présentera. Quand des projets de travaux statistiques me sont transmis, je supprime autant que possible quelques-unes des nombreuses colonnes tracées sur ces tableaux ; d'un autre côté, je ne cesse d’inviter les communes à améliorer la position de leurs secrétaires, et sous ce rapport on a déjà obtenu des résultats relativement satisfaisants.

Aujourd'hui les traitements des secrétaires communaux dans les différentes communes du pays nous sont connus par suite de l'établissement de la caisse de retraite de ces fonctionnaires.

En 1861, 450 secrétaires touchaient moins de 100 fr., ce nombre se trouve réduit en 1862 à 322. Aujourd'hui pour 985 secrétaires communaux les traitements varient de 100 à 250 fr. Ce chiffre n'était que de 929 l'année passée.

Enfin, messieurs. 775 secrétaires communaux touchent en moyenne de 250 à 500 fr. de trait ment.

Pour me résumer, je dirai qu'en une seule année, à la demande du gouvernement, les communes ont consenti à augmenter les traitements de leurs secrétaires de 60,000 francs.

Aujourd'hui, 974,000 francs forment le total des traitements des secrétaires communaux, tandis qu'en 1861 ce chiffre n'était que de 914,000 fr.

Je suis convaincu que les députations permanentes et les gouverneurs aidant, on arrivera à améliorer encore, dans de justes proportions, le traitement et la position des secrétaires communaux.

Messieurs, on s'est plaint des proportions exagérées que prennent les budgets de l'Etat en général et celui de l'intérieur en particulier depuis 1840.

Cette augmentation de chiffres est une conséquence inévitable des institutions nouvelles qui ont été créées ; et parmi ces institutions, il en est plusieurs, je pense, que l'honorable M. Julliot a votées et qu'il a votées même avec plaisir.

L'honorable membre est assez coulant sur les faits, mais en paroles il est agressif.

L'honorable membre a voté, par exemple, les augmentations de crédits pour les chemins vicinaux.

Cette dépense a déjà produit en grande partie le gonflement exagéré dont parle l'honorable M. Julliot.

L'honorable membre a voté aussi, et il a bien fait, les crédits pour construction de bâtiments d'écoles, pour augmentation des traitements des instituteurs ; il a voté d'autres dépenses encore qui concernent l'enseignement public et différents autres services.

Or, voilà la cause inévitable de la situation qui se présente aujourd'hui ; et dans ce moment que se passe-t-il, messieurs ?

Le gouvernement a cru devoir proposer d'augmenter dans une proportion équitable le traitement des différents fonctionnaires de l'Etat et quand il vient présenter à la Chambre ses propositions, de divers côtés (page 285) se produisent des amendements à l'effet d'accroître les majorations, si je puis me servir de ce mot, de crédits que nous demandons.

Est-ce donc uniquement la faute du gouvernement si les budgets s'enflent ? Evidemment non.

La Chambre doit prendre pour elle une partie des reproches que l'honorable M. Julliot a adressés au gouvernement, et si l'honorable membre veut être juste envers lui-même comme envers les autres, il peut en prendre une certaine part pour lui-même.

Messieurs, notre collègue m'a beaucoup engagé à diminuer les effets du système de centralisation qui, d'après lui, a toujours prévalu et à simplifier autant que possible les écritures et les formalités administratives ; il m'invite à me défier de mes bureaux et à me soustraire à la pression qu'ils ont fait, qu'ils font et feront peser, d'après lui, sur tous les ministres présents, passés et futurs.

Je déclare, pour ma part, que jusqu'ici je n'ai nullement senti cette pression. On a pu me faire quelques observations quand j'ai proposé de modifier certaines choses. Parmi ces observations quelques-unes étaient fondées, les autres ne l'étaient pas. J'ai jugé en dernier ressort, et ce que je puis et dois déclarer très haut, c'est que je trouve dans le département de l'intérieur des collaborateurs dévoués et un concours efficace et éclairé pour tout ce qui concerne les simplifications. Je pourrais citer le nom des chefs de division, mais je crois inutile de le faire. Je me bornerai à dire que du moment où je demande des propositions dans un tel but, elles sont faites de bonne foi et avec intelligence.

On semble faire un reproche à plusieurs de mes honorables prédécesseurs d'avoir maintenu l'administration dans une situation que l'on trouve exagérée au point de vue du nombre des employés.

Ce reproche n'est pas fondé, et je le repousse.

Déjà, au budget de 1847, si ma mémoire est fidèle, on vous a fait connaître les simplifications de détail, en ce qui concerne les écritures, qui avaient été introduites dans l'administration du département de l'intérieur. Il me serait facile de vous citer la longue liste des modifications qui ont été introduites avant cette époque et depuis.

Quant au personnel, je vous prie de remarquer que l'arrêté organique du département de l'intérieur, qui date de 1846, autorisait la nomination, si je ne me trompe, de 87 fonctionnaires et employés ; ce nombre n'a jamais été atteint ; dans ce moment où l'on pourrait croire que le nombre d'employés, est plus grand que jamais au département de l'intérieur, il ne dépasse pas le chiffre de l'effectif. On est donc resté au-dessous de l'organisation de 1846.

Cependant, depuis lors, un nombre considérable de services ont été adjoints au département de l'intérieur. Je viens de vous parler de la voirie vicinale. En 1848, l'instruction moyenne n'était pas organisée, et c'est là un service considérable et important.

Depuis 1848, on a beaucoup fait dans l’intérêt de l'agriculture, et la direction générale des beaux-arts a pris de son côté un grand et brillant développement, et malgré l'organisation de tous ces services nouveaux, mon honorable prédécesseur et ceux qui l'ont précédé n'ont jamais augmenté le nombre des fonctionnaires au-delà de celui qui avait été fixé par l'arrêté de 1846. Ce chiffre n'a même jamais été atteint.

L'on me dira peut-être : Mais si vous croyez pouvoir diminuer le nombre des fonctionnaires, pourquoi vos honorables prédécesseurs ne l'ont-ils pas fait ? Remarquez qu'il est certains services que l'on ne peut simplifier que lorsqu'ils ont fonctionné pendant quelque temps, lorsque les principes sont bien connus dans le pays et lorsque, les précédents établis, l'administration peut pour ainsi dire marcher seule.

D'ailleurs, il faut bien le reconnaître, il existe en toutes choses, et surtout dans notre pays, certains courants. En 1848, comme l'a rappelé l'honorable M. Julliot, c'était le courant des grandes économies ; quelque temps après, c'était le courant contraire, et aujourd'hui le courant de l'opinion nous porte vers l'amélioration de toutes les positions, et comme conséquence, vers l'augmentation des dépenses à faire par l'Etat.

Quant à moi, l'honorable M. Julliot peut se rassurer. Je n'ai pas la crainte d'être pris dans les filets de l'administration, et si je devais y être pris, je pense que je pourrais m'en dégager assez facilement. Du reste, depuis le peu de temps que j'ai l'honneur de siéger au ministère, j'ai cherché à appliquer les principes que j'ai toujours défendus dans cette Chambre. Déjà des simplifications d'une certaine importance, et que l'on ne doit pas méconnaître, ont été introduites dans divers services du département de l'intérieur. C'est ainsi que l'ensemble des travaux de la statistique a déjà été diminué.

Les statistiques des haras étaient compliquées. Je les ai simplifiées. J'ai pensé, par exemple, que le ministre avait peu d'intérêt à connaître la robe des juments qui étaient saillies dans telle localité du pays. J'ai simplifié ce service, et l'honorable M. Rogier, avant moi, y avait déjà introduit des simplifications notables. Pour tout ce qui concerne la direction de l'agriculture, les concours, l'achat des reproducteurs, le placement en station de ces reproducteurs, tous ces services sont remis ou sont à la veille d'être remis complètement aux administrations provinciales. Je pense, par exemple, que ce n'est pas au département de l'intérieur d'ordonner la vente d'un taureau mis hors de service ou de donner l’ordre d'abattre un verrat.

D'un autre côté, j'ai eu l'honneur de présenter à la Chambre un projet de loi sur les chemins vicinaux qui aura pour conséquence d'introduire des simplifications sérieuses.

Vous aurez pu lire également, il y a peu de jours, au Moniteur, un arrêté qui défère à l'autorité provinciale la juridiction sur les établissements dangereux et insalubres.

De ces deux chefs, il y aura déjà une simplification d'écritures très notable à l'administration centrale, sans augmentation de travail cependant pour les députations permanentes qui auront à statuer et qui aujourd'hui donnent leur avis ; elles n'auront qu'à modifier un mot de leurs arrêtés et à dire au lieu de « est d'avis », « arrête ».

Enfin, d'autres projets de simplification sont encore à l'étude, et j'espère pouvoir soumettre à la Chambre divers projets de loi dans ce but.

Je ne m'étendrai pas davantage sur cette question. Le rapport de la section centrale indique ce qui a été fait, et en partie ce que l'on se propose de faire ; je crois pouvoir m'y référer complètement.

MRAEµ. - La Chambre me permettra d'ajouter quelques mots. Je remercie mon honorable successeur des paroles bienveillantes pour moi qu'il a prononcées, mais je me crois obligé de répondre à certaines observations de l'honorable député de Tongres.

Les augmentations de dépenses, selon l'honorable membre, ont pris des proportions effrayantes au budget de l'intérieur. Cette critique a d'ailleurs circulé dans la presse et l'honorable membre a cru devoir la reproduire ici.

Messieurs, depuis 1840 en effet, le budget de l'intérieur, comme tou" les autres budgets, a pris de grandes proportions, a vu augmenter la plupart de ses crédits en même temps que les ressources du pays se sont accrues dans la même proportion et même dans des proportions plus fortes.

Mais si l'on veut comparer le budget de 1862 ou de 1863 au budget de 1840, et justifier les augmentations, rien ne sera plus facile.

D'abord, en 1840, si je ne me trompe, deux branches de service avaient été distraites du département de l'intérieur pour passer aux travaux publics, c'était l'instruction publique et les beaux-arts. Plus tard ces deux grandes divisions rentrèrent au département de l'intérieur et y rentrèrent nécessairement avec les dépenses qu'elles nécessitent.

Depuis lors le budget s'est accru. Mais s'est-il accru par suite d'un désir de dépenses inutiles, de prodigalités ? S'est-il accru parce que le gouvernement a pris l'initiative de toute espèce de dépenses ?

Ou s'est-il accru pour des dépenses reconnues utiles et par le gouvernement et par la Chambre elle-même ?

Voilà la question, et si vous trouviez au budget de l'intérieur des dépenses véritablement inutiles, c'était le moment de les signaler et d'en demander la radiation. Vous ne l'avez pas fait.

Puisque vous avez l'avantage de rencontrer un ministre qui, suivant vous, est animé des meilleures intentions, à votre point de vue, il fallait lui signaler la nécessité de ces réductions de dépenses, de la suppression de ces crédits qu venaient grossir d'une manière si effrayante le budget de l'intérieur. Vous ne l'avez pas fait ! Pourquoi ?

Parce que vous étiez dans l'impuissance de le faire, parce que vous n'auriez pu le faire qu'en vous mettant dans la plus éclatante des contradictions avec vous-mêmes.

Messieurs, le budget de l'intérieur s'est accru ; mais les causes, l'origine de l'accroissement des dépenses sont parfaitement présentes à l'esprit de tout le monde.

Prenons un des premiers articles, voyons la voirie vicinale ; elle figure aujourd'hui au budget avec une autre branche de service, l'hygiène, la santé publique, pour un chiffre de 1,175,000 francs. En 1840 il n'y avait pas un centime de ce chef au budget. Nous eûmes l'honneur de prendre l’initiative d'une proposition ayant pour objet de porter au budget de l840-1841, une somme de 100,000 francs pour la voirie vicinale ; cette somme fut combattue par les amis de l'honorable député de Tongres, mais elle fut admise par la Chambre et depuis lors elle s'est accrue d'année en année jusqu'à concurrence de 1,175,000 francs.

(page 286) En différentes circonstances elle s’est accrue par l'initiative de la Chambre et contre le gré du gouvernement, qui croyait que la Chambre allait trop loin. Il y aurait donc une grande injustice à faire un reproche au gouvernement de ces augmentations de dépenses qui s'élèvent, je le répète, à 1,175,000 francs.

Maintenant vient l'instruction publique. L'instruction publique figure au budget pour une somme de 4,500,000 francs ;'eh bien, messieurs, quelqu'un, dans la Chambre, trouve-t-il cette dépense trop élevée ? Si ce quelqu'un existe, qu'il fasse la proposition de réduire les sommes consacrées à l'instruction primaire, à l'instruction moyenne, à l’instruction supérieure. Alors, au lieu de vaines récriminations, nous aurons un terrain fixe sur lequel nous pourrons nous défendre.

Comparez, messieurs, l'année 1840 aux années 1862 et 1863 ; en 1840 l'instruction primaire était à peine organisée. Je suis convaincu que le chiffre de l'instruction primaire a été sextuplé depuis 1840, successivement les services indispensables à l'instruction primaire ont été organisés. J'indiquerai entre autres l'enseignement normal et particulièrement l'enseignement normal destiné aux institutrices, branche complètement nouvelle, branche qui était tout à fait inconnue en 1840.

A-t-on eu tort de porter ces dépenses au budget ? A quelle époque en a-t-on demandé la suppression ? A quelle époque a-t-on proposé de réduire le chiffre des écoles normales, de réduire le crédit pour construction et ameublement d'écoles ? Toutes ces dépenses proviennent à la fois de l'initiative du gouvernement et de l'initiative de la Chambre, et très souvent j'ai entendu des membres plus ardents que les ministres reprocher à ceux-ci de ne pas dépenser assez pour les écoles.

Voilà donc plusieurs millions d'augmentation.

Faut-il s'en plaindre ? Faut-il en faire une reproche au gouvernement ? Non, messieurs, il faudrait l'en louer. Le pays doit être fier de pareilles dépenses, ce ne sont pas des gaspillages, ce sont des dépenses utiles et patriotiques, qui tendent à répandre partout le bien-être et la civilisation.

J'arrive aux beaux-arts. Le budget des beaux-arts est aujourd'hui beaucoup plus considérable qu'il ne l'était en 1840, parce que la fortune publique s'est accrue et que, quand le pays s'enrichit, il est convenable que comme les particuliers qui font de bonnes affaires, il consacre quelques fonds aux dépenses de luxe, si l'on peut appeler dépenses de luxe, celles qui se font pour les beaux-arts dans un pays comme le nôtre.

Combien de fois n'ai-je pas entendu des plaintes sur la modicité ridicule des crédits destinés aux beaux-arts ?

Nous avons eu plusieurs années des rapports de la section centrale et des discours d'honorables membres siégeant notamment sur les bancs de la droite, où l'on gémissait sur la pénurie des crédits destinés aux beaux-arts. L'honorable M. Julliot, lui-même, dont les discours sont toujours écoutés si attentivement par un groupe d'amateurs de ce genre de récréation, l'honorable député de Tongres ne peut point blâmer d'une manière absolue les allocations destinées aux beaux-arts. Je sais bien qu'il a toujours eu en horreur l'intervention de l'Etat en toutes choses. Je sais bien qu'il n'aime pas les ministres qui se bornent à faire des discours sans peser des actes, mais je me permettrai de faire remarquer à l’honorable M. Julliot qu'en plusieurs circonstances il a admis parfaitement l'intervention de l'Etat et qu'il se borne à faire des discours avec lesquels ses actes ne sont pas toujours d'accord. Je ne veux pas faire de personnalités, je dis seulement que la position de M. Julliot est la même que celle de tous ses collègues, avec cette seule différence que les collègues de M. Julliot ne font pas des discours contre l'intervention de l’Etat lorsqu'ils réclament l'intervention de l'Etat.

Voilà en quoi ils diffèrent de l'honorable M. Julliot et voilà comment j'aurais pu être amené, en lui répondant, à faire en quelque sorte une question personnelle.

D'où viennent, messieurs, les dépenses pour les beaux-arts ? De l’impulsion de la Chambre, de l'impulsion des communes. C'est, messieurs, un grand honneur pour les communes belges, d'être très fières de leurs traditions historiques. Il n'est pas de commune qui ne soit à la recherche de quelque figure historique. C'est ainsi qu'on a vu parfois surgir dans toutes les provinces du pays des héros plus ou moins considérables, plus ou moins authentiques. Il en est de très bons dans la province de Limbourg ; on a découvert un illustre guerrier, qui a résisté avec le plus grand courage à l'invasion étrangère ; il est né, dit-on, à Tongres ou dans ses environs. Eh bien ! cette petite ville de Tongres a déclaré être la patrie d'Ambiorix comme plus tard probablement elle déclarera être la patrie de l'honorable M. Julliot. (Interruption.)

Vous m'avez conduit sur ce terrain-là.

Eh bien, Tongres a donc voulu élever un monument à Ambiorix ; et il faut bien que l'honorable M. Julliot en fasse publiquement l'aveu, il a demandé lui-même l'intervention de l’Etat ; il a trouvé bonne l'intervention de l'Etat pour un monument à élever à Ambiorix.

M. Van Overloop. - C'est la fable du Chien qui porte le dîner de son maître et qui en prend sa part, quand il ne peut plus le défendre contre d'autres chiens.

M. Allard. - Ne faites pas intervenir les chiens ici.

MRAEµ. - Lorsqu'il s'est agi de l'intervention du trésor public pour la construction de chemins de fer, l'honorable M. Julliot n'a pas fait fi de l'intervention de l'Etat ; il a provoqué, lui aussi, l'intervention de l'Etat.

Ce ne sont pas là des récriminations personnelles contre l'honorable M. Julliot. Je répète que la position de l'honorable membre est la même que celle de tous ses collègues ; il n'est pas dès lors étonnant que le gouvernement soit entraîné à intervenir. (Interruption.)

J'explique comment l'intervention du gouvernement prend quelquefois des proportions plus considérables que celles qu'il voudrait lui-même ; il y est entraîné par le régime représentatif où chacun de nous a son mot à dire, sa part d'influence à exercer, ses comptes à rendre à ses mandants. Il y a des occasions d'intervenir qui n'existent peut-être pas dans d'autres pays. La question est de savoir si l'intervention de l'Etat est utile ; eh bien, sous rapport, je ne vois pas qu'on ait critiqué telle ou telle branche d'administration où l'intervention de l'Etat ait eu un caractère exagéré ou se soit produite d'une manière fâcheuse.

Maintenant je dirai un mot de l'observation qu'on a faite sur le nombre des employés du ministère de l'intérieur ; on a dit que ce nombre était trop considérable.

Eh bien, je constate avec plaisir ce résultat qui déjà a été mis en lumière par mon honorable successeur : les attributions du département de l'intérieur se sont considérablement agrandies depuis 1846 ; le travail a sans doute été triplé, et le nombre des employés n'a jamais atteint le maximum fixé par l'arrêté organique de 1846.

Je sais que j'ai été accusé aussi d'avoir augmenté démesurément le nombre des employés, d'avoir créé trois directeurs généraux.

Eh bien, je n'ai pas augmenté d'un seul le nombre des employés du département de l'intérieur ; le nombre des employés que j'ai trouvés en 1857 était justement le même quand j'ai quitté le département de l'intérieur en 1861, alors que la besogne, je le répète, avait été peut-être triplée dans l'intervalle.

Voilà ce que j'ai à dire de la prétendue augmentation du nombre des employés.

'Maintenant, en ce qui concerne les directeurs généraux, il est vrai que j'ai fait conférer ce grade à trois directeurs ; mais pour quelles attributions' ? Pour l'instruction publique, pour l'industrie et l'agriculture, pour les beaux-arts, les lettres et les sciences, c'est-à-dire pour trois divisions qui chacune, dans d'autres pays, occupe un ministère spécial. Y avait-il dès lors quelque exagération à donner le titre de direction-générale à des divisions qui, ailleurs, ont donné lieu à la création de ministères spéciaux. Du reste, ces trois directeurs n'ont entraîné aucune augmentation de dépenses au budget.

Je constate encore, et l'honorable M. Julliot peut s'en assurer par lui-même, que tant que j'ai été ministre de l'intérieur, je n'ai jamais demandé un centime d'augmentation au crédit du personnel. En 1849, j'ai même réduit ce crédit de 10,000 francs ; cette somme a été rétablie plus tard, mais ce n'est pas sous mon administration.

M. Julliot. - Messieurs, je tiens pour vrai que les représentants du pays ont le droit, et je dirai le devoir, de contrôler l'administration de MM. les ministres. L'honorable M. Rogier paraît s'en étonner, on dirait que l'honorable ministre trouve ma conduite audacieuse.

Messieurs, je ne pouvais m'attendre à ce que, par mes modestes observations, je fusse exposé à provoquer, chez l'honorable M. Rogier, tant de mauvaise humeur et d'esprit à la fois.

Je n'ai pas séparé l'honorable ministre de ses devanciers, ni même de la Chambre, qui, aussi, a ses courants de générosité. J'ai même fait l'éloge du bon cœur de l'ancien ministre de l'intérieur. Ce bon cœur allait tellement loin, qu'il promettait, même quand il n'avait pas le sou : cela s'est passé à ma connaissance.

Maintenant je ne fais pas ce que je dis, c'est-à-dire que je fais des discours de non intervention, et je réclame l'intervention moi-même. Eh ! mon Dieu, cela s'explique naturellement.

Je parle et vote souvent contre le principe des dépenses interventionnistes, et du moment qu'elles me sont imposées par la majorité, je ne suis pas le dernier à en réclamer ma part, non pas à titre de faveur, cela ne serait pas d'accord avec mes principes, mais à titre de restitution, on (page 287) reprend son bien partout où on le trouve, et quand l'Etat dévalise mes commettants en leur prenant de l'impôt pour intervenir.

Pendant six ans je me suis borné à voter contre ces dépenses et n'ai rien demandé au gouvernement ; mais ce rôle de dupe ne me convient plus. Maintenant du moment qu'on voudra élaguer les principes de dépenses facultatives, on me trouvera disposé à y tenir la main. En attendant on ne n'empêchera pas de dire ce que je pense de la marche de l'administration. C'est mon droit, et je n'y renonce pas.

- La discussion générale est close. On passe aux articles.

Discussion du tableau des crédits

Chapitre premier. Administration centrale

Articles 1 à 4

« Art. 1er. Traitement du Ministre : fr. 21,000. »

- Adopté.


« Art. 2. Traitements des fonctionnaires, employés et gens de service et frais du comité de législation et d'administration générale : fr. 267,242. »

- Adopté.


« Art. 3. Fournitures de bureau, impressions, achats et réparations de meubles, éclairage et chauffage, menues dépenses et souscription au Bulletin administratif du ministère de l'intérieur : fr. 46,330.

« Charge extraordinaire : fr. 2,000. »

- Adopté.


« Art. 4. Frais de route et de séjour, courriers extraordinaires : fr. 4,300. »

- Adopté.

Chapitre II. Pensions et secours

Articles 4 à 8

« Art. 5 Pensions. Premier terme des pensions à accorder éventuellement : fr. 6,000. »

- Adopté.


« Art. 6. Subvention à la caisse centrale de prévoyance des secrétaires communaux : fr. 20,000. »

- Adopté.


« Art. 7. Secours à d'anciens employés belges aux Indes, ou à leurs veuves ; charge extraordinaire : fr. 4,094 06. »

- Adopté.


« Art. 8. Secours à d'anciens fonctionnaires et employés, à des veuves et enfants d'employés qui, sans avoir droit à la pension, ont néanmoins des titres à l'obtention d'un secours, à raison de leur position malheureuse : fr. 10,000.é

- Adopté.

Chapitre III. Statistique générale

Articles 9 et 10

« Art. 9. Frais de bureau et jetons de présence de la commission centrale de statistique. Frais de bureau des commissions provinciales. Vérification des registres de la population : fr. 9,000. »

- Adopté.


« Art. 10. Frais de rédaction et de publication des travaux du bureau de statistique générale, de la commission centrale et des commissions provinciales : fr. 5,300. »

- Adopté.

Chapitre IV. Frais de l’administration dans les provinces

Discussion générale

M. de Renesse. - Comme il y aura probablement une discussion assez longue sur les chapitres IV et V, j'ai l'honneur de proposer à la Chambre de vouloir ajourner à demain l'examen de ces chapitres, d'autant plus que l'heure de la séance de ce jour est déjà assez avancée et que l'on ne pourra guère terminer aujourd'hui la discussion sur ces chapitres.

- Plusieurs membres. - Il n'est que quatre heures. Continuons.

M. de Renesse. - Si l'on veut continuer, je demanderai que la Chambre tienne en suspens jusqu'à demain les chapitres IV et V, et qu'elle passe maintenant au chapitre VI.

M. Gobletµ. - A quoi bon ? Il y aura probablement aussi discussion sur le chapitre VI.

MIVµ. - D'après ce que j'ai entendu, il y aurait une discussion spéciale sur le chapitre V concernant les commissaires d'arrondissement, mais je ne pense pas qu'il doive y avoir une très grave discussion sur le chapitre IV.

Je ne vois donc pas pourquoi nous ne pourrions pas discuter aujourd'hui le chapitre IV. Quant à moi, j'en fais la proposition.

MpVµ. - La parole est à M. Hymans.

M. Hymans, rapporteur. - Je ne l'avais demandée que pour faire la même proposition.

- La Chambre décide qu'elle passera immédiatement à la discussion du chapitre IV.

M. Muller. - J'ai à présenter à la Chambre quelques observations sur l'organisation des gouvernements provinciaux.

Cette organisation résulte d'un arrêté royal du 11 mai 1857, qui règle le nombre de chefs de division, de chefs de bureau et de commis de première classe pour les différents gouvernements provinciaux. Cet arrêté règle en même temps le maximum et le minimum des traitements afférents à chaque grade. Mais, messieurs, il est incomplet et en partie inefficace en ce sens que si le nombre des chefs de division, des chefs de bureau et des commis de première classe est limité, MM. les gouverneur restent libres de nommer autant de commis de seconde et de troisième classe et d'expéditionnaires qu'ils jugent convenable d'en avoir.

Or, c'est là une situation irrégulière, à laquelle il est indispensable de mettre un terme, parce qu'elle a des conséquences désastreuses pour le sort et l'avenir du personnel des gouvernements provinciaux.

Quelques mots d'explication suffiront pour convaincre la Chambre. On nous propose au budget une augmentation de rémunération évaluée à 5 p. c. pour les employés de ces administrions ; grâce à l'octroi de cette somme on pourrait supposer que tous les employés provinciaux vont obtenir au moins le minimum de leurs traitements.

Eh bien, non, messieurs, il n'en sera pas ainsi : il y a un assez grand nombre d'employés provinciaux qui n'ont pas le minimum de leurs traitements Il en est ainsi notamment au gouvernement provincial de Liège : là, non seulement plusieurs employés inférieurs n'ont pas ce chétif minimum, mais les autres n'ont guère que cela, et pas un seul ne jouit du maximum de son grade.

Ainsi, le chef de division le plus ancien, dont la carrière a commencé en 1816 et qui est investi de Son titre actuel depuis 1845, celui-là, messieurs, en est encore au minimum de son traitement (3,000 fr.).

N'avais-je pas raison de dire, messieurs, qu'un tel état de choses appelle une réforme sérieuse ? Or, ce qui a surtout contribué à le prolonger depuis l'arrêté royal de 1857 jusqu'aujourd'hui, c'est le défaut délimitation du nombre des trois dernières catégories d'employés des gouvernements provinciaux. MM. les ministres savent bien, eux, et la Chambre le demande, s'imposer des bornes dans l'organisation du personnel des administrations centrales ; je crois qu'il en devrait être également ainsi dans les gouvernements provinciaux. Sans cela, l'on ne parviendra jamais à rien faire d'efficace dans l'intérêt des employés. Maintenant, en ce qui concerne l'augmentation de 5 ou de 10 p. c. proposée, il est désirable, en tenant compte des diverses positions, qu'elle soit répartie avec intelligence.

Il faudrait, selon moi, commencer par donner le minimum à tous les employés qui ne l'ont pas encore. Mais alors que restera-t il pour les autres ? Très peu de chose, et c'est en quoi je considère la mesure comme insuffisante, inefficace.

Cette situation est très grave, messieurs ; elle n'est point particulière au gouvernement provincial de Liège ; il en est de même dans tous les autres.

J'ai sous les yeux un tableau de tous les employés du gouverneur de ma province, et je puis dire qu'il est réellement douloureux de voir de loyaux serviteurs, comptant de 30 à 40 ans de services, attendre encore de l'Etat quelque chose de plus que le minimum de leurs traitements ; d'en voir d'autres réduits à aspirer, depuis plusieurs années, à ce minimum fixé par l'arrêté de 1857, et qui est resté pour eux tout à fait illusoire, en dépit des sympathies du gouvernement et de la législature.

(page 288) Que faudrait-il, messieurs, pour obtenir au moins justice sur ce point ? En ce qui concerne la province de Liége, il suffirait d'une somme de 1,900 fr. en plus de ce qui est proposé. Le chiffre ne m'est pas connu pour les autres administrations provinciales ; mais il importerait d'être fixé à cet égard.

On m'objectera qu'il faut patienter, qu'il convient d'attendre une prochaine réorganisation ; mais qu'il me soit permis de faire remarquer que ce sont surtout les plus malheureux qui vont souffrir de cet ajournement.

N'allons pas jeter, messieurs, le découragement dans les rangs de ces humbles employés qui n'ont pas de quoi vivre, dont les traitements sont insuffisants, inférieurs à ce que vous, gouvernement et législature, vous avez voulu qu'ils fussent.

En terminant ces observations qui s'appliquent au chapitre du budget de l'intérieur que la Chambre vient d’aborder, je demanderai à l'honorable ministre, d'une part, si son intention est de soulager dès maintenant les employés qui ont le plus de motifs sérieux de se plaindre, en leur faisant attendre le minimum auquel ils ont droit, je lui demanderai dans cette hypothèse, comment il pourra équitablement rémunérer les autres ; d'autre part, le projet de réorganisation qu'il a annoncé, contiendrait-il des dispositions de nature à empêcher désormais que l'organisation des gouvernements provinciaux ne soit illusoire et dépourvue de garantes d'exécution ?

M. Hymans, rapporteur. - Je viens appuyer les observations de l'honorable M. Muller, tout en faisant observer que le gouvernement, sur la demande de la section centrale, a consenti à faire, pour les employés inférieurs plus qu'il n'avait proposé d'abord.

Il avait eu l'intention de donner à tous les employés une augmentation de 10 p. c. dont cinq seulement au budget actuel. Il a consenti, sur la demande de la section centrale, à donner immédiatement les 10 p. c. aux employés inférieurs et à répartir 5 p. c des 10 p. c. demandés pour les employés en général sur les petits employés, de telle sorte que ces derniers recevraient immédiatement une augmentation de 15 p. c.

En outre la section centrale, faisant droit à des réclamations qui ont paru parfaitement justes, propose de reporter sur les employés inférieurs des administrations provinciales l'économie de mille francs qu'elle faisait sur l'augmentation proposée pour les gouverneurs.

La Chambre peut ne pas partager cette opinion. Si elle ne l'admet pas il faudra augmenter d'autant les crédits demandés pour les employés inférieurs.

L'honorable M. Muller vient de révéler une situation qui n'était pas tout à fait un mystère pour tout le monde. Ce qu'il a dit de l'administration provinciale de la province de Liège existe dans toutes les administrations provinciales.

J'ai inséré dans le rapport de la section centrale un tableau des appointements des employés inférieurs de la Flandre orientale ; ici des employés comptant 28 années de services ne touchent qu'un traitement de 800 francs ; ailleurs des employés ayant six et huit années de service n'ont qu'un traitement de 400 francs. L'honorable membre demande que l'augmentation soit calculée sur le minimum établi par le règlement de 1857.

Or, ce minimum est de 400 fr. Si on y ajoute 10 p. c. on arrive à 440 fr. Un grand nombre des employés des administrations provinciales touchent moins que ce minimum de 400 fr., qui, d'après les explications de M. le ministre de l'intérieur, serait de 750 fr.

II faut, comme l'a dit M. Muller, introduire une réforme radicale dans l'administration des gouvernements provinciaux, nous n'avons accepté la modification que M. le ministre a consenti à introduire qu’à la condition qu'une mesure radicale fût promise pour le prochain budget.

Partout les gouverneurs ont dépassé les limites des règlements pour leur administration.

Dans le Hainaut, l'administration compte presque autant d'employés que l'administration centrale.

M. H. Dumortier. - Il y a beaucoup plus d'affaires que dans les autres provinces.

M. Hymans. - Quand cela serait, je demande quel travail utile on peut attendre d'employés auxquels on donne de 400 à 600 fr. On aime mieux avoir deux employés à 400 fr. qu'un seul à 800 fr.

Cependant un employé à huit cents francs ferait beaucoup mieux et beaucoup plus que deux employés auxquels on ne donne pas de quoi vivre ; qui, s'ils ont de la famille, sont obligés, pour la nourrir, de chercher du travail ailleurs et peut-être font ce travail dans les bureaux de l'administration provinciale.

Dans la réorganisation que se propose de faire M. le ministre de l'intérieur, on ne pourra pas limiter à 400 fr. ni même à 750 fr. le minimum du traitement des employés.

M. le ministre a dit à la section centrale qu’il comptait faire donner un traitement de 1,000 fr. au moins aux employés inférieurs des commissariat d'arrondissement.

De cette façon ceux-ci seraient mieux payés que les employés des gouvernements provinciaux.

Cela ne serait pas juste. Il ne faut pas qu'on se fasse une fausse idée des connaissances que doivent avoir les employés des administrations provinciales ; on exige d'eux au moins autant d'instruction que des employés de l’administration centrale. Là, en effet, il y a des service spéciaux, tandis qu'à l'administration provinciale un même employé est obligé un peu de tout faire.

Il doit avoir des connaissances plus étendues qu'à l’administration centrale.

Je vois faire sur quelques bancs des signes de dénégation, je ne les admets pas ; j'ai pris mes renseignements aux sources les plus sûres. J'ai consulté les hommes les plus compétents. Quand on veut s’éclairer sur ces questions, il faut s'adresser en bas plutôt qu'en haut, c’est ce que j'ai fait ; et j'ai acquis la conviction que pour bien faire le travail des administrations provinciales il faut des hommes intelligents qui puissent consacrer la plus grande partie de leur temps à la chose publique. Vous ne les trouverez pas avec un minimum de 400 tr. ; vous ne les trouverez pas davantage avec un minimum de 750 fr.

MRAEµ. - Vous prenez l'exception.

M. Hymans. - M. Muller m'a montré un tableau sur lequel figuraient un grand nombre d'employés à 400 fr. J'ai prouvé l'année dernière que parmi les employés du gouvernement provincial du Brabant, il y en a un certain nombre qui n'ont que 400 fr. Eh bien, si le ministre des finances a cru devoir fixer à 800 fr. le minimum du traitement des douaniers, vous n'admettrez pas qu'un commis doive être moins payé qu'un douanier.

MRAEµ. - Un copiste ! Un débutant !

M. Coomans. - Il ne faut pas de débutants dans l'administration.

M. Hymans. - Un commis qui débute, puisque vous parlez de débutants, a bien le droit d'être payé autant qu'un ouvrier ou qu'un manœuvre. Où sont les ouvriers qui gagnent un salaire de 400 francs par an ?

Vous seriez très embarrassé de m'en citer ; et comme le dit fort bien l'honorable M. Coomans, il ne faut pas de débutants dans l'administration.

Tous ceux qui se sont occupés de ces questions reconnaissent une chose incontestable, c'est que la plaie de l'administration est le surnumérariat. Le surnuméraire est la mauvaise herbe qui ne périt pas, c'est la graine des hauts fonctionnaires de l'avenir. Il me semble qu'alors qu'on se montre si difficile pour l'admission à toute espèce de fonctions libérales dans l'exercice desquelles le gouvernement ne garantit absolument aucun avantage, on pourrait bien exiger quelques preuves de capacité de celui qui entre dans une administration.

J'ai entendu avec beaucoup de plaisir l'honorable ministre de l'intérieur déclarer à la section centrale qu'il avait l'intention d'exiger à l'avenir des diplômes des commis de première classe de son administration.

Vous avez institué le grade de gradué en lettres. Qu'au moins il serve à quelque chose. Exigez que les employés de vos administrations aient fait des éludes convenables, qu’ils sachent au moins l'orthographe, car pour faire un bon copiste, il faut savoir lire et écrire convenablement, il aurait savoir écrire sous la dictée sans faire de fautes ; et je pourrais vous montrer des pétitions qui me sont venues d'employés d'administrations provinciales, conçues dans un style et écrites d'une orthographe fort peu académiques.

- Un membreµ. - Ceux-là sont trop payés.

M. Hymans. - San s doute : mais il ne devrait pas y avoir de pareils employés dans les administrations. Un employé dont on ne peut rien exiger ne devrait pas être admis.

Un expéditionnaire à 400 fr. devient au bout d'un temps plus ou moins long premier commis, chef de bureau et ne sait pas plus l’orthographe quand il est arrivé à ce grade que lorsqu'il était expéditionnaire.

Or, ce n'est point par des motifs d'humanité, dans le but de faire des rentes à un certain nombre de citoyens belges, que nous réclamons des augmentations de traitement, mais afin d'améliorer l'administration, afin que le contribuable soient mieux servi, afin que vous mettiez en rapport avec eux des fonctionnaires capables de les satisfaire quand ils (page 289) s'adressent à eux ; en un mot dans l'intérêt de l'administration et des administrés.

Je ne sais pas, messieurs, ce que nous devons faire dans ce moment. La position est fort embarrassante. M. le ministre de l'intérieur nous promet un projet de réorganisation pour l'année prochaine.

J'ai la conviction que ce projet sera présenté, mais d'ici là, que feront ces malheureux à qui vous allez donner une augmentation de 10 p. c, sur un traitement de 400 francs ? L'administration marchera-t-elle mieux.' Ne craignez-vous pas de consacrer, par cette augmentation même, la position de ceux que vous considérez aujourd'hui comme inutiles ? Cela est extrêmement grave, et cette question mérite un examen sérieux.

En présence des promesses de M. le ministre de l'intérieur et de l'impossibilité ou nous sommes de demander à la Chambre des sommes considérables pour augmenter dès aujourd'hui des employés qu'il faudra peut-être supprimer l'année prochaine, nous n'avons plus qu'à voter en faisant nos réserves. Nous ne serons peut-être plus ici l'année prochaine, mais si nous n'y sommes plus, nous espérons que nos successeurs s'inspireront des sentiments qui nous animent et qu'ils rafraîchiront la mémoire du gouvernement de manière à obtenir pour les fonctionnaires inférieurs, ce que nous n'avons pu leur faire accorder aujourd'hui.

MVIµ. - Messieurs, déjà le département de l'intérieur s’est adressé à MM. les gouverneurs des provinces afin de leur donner des instructions pour la répartition ses crédits que la Chambre voterait et pour les consulter sur l'organisation future de leur administration.

Il serait difficile d'arrêter aujourd'hui définitivement quoi que ce soit.

Le mal signalé par l'honorable M. Muller existe, et il existe parce que souvent on est trop facile à accueillir les demandes des jeunes gens qui désirent être employés dans les administrations provinciales.

En d'autres termes, on augmente trop facilement le nombre des surnuméraires et des employés inférieurs.

Souvent une personne influente, un fonctionnaire, demande l'admission de son fils, de son neveu, de son parent, de son protégé.

Voulant lui être agréable, on accède à cette demande que l'on peut accueillir sans qu'il en coûte rien pour le moment. Mais, au bout de quelque temps, le jeune surnuméraire devient employé et on ne peut lui refuser un petit traitement.

Comme les crédits sont limités, il arrive alors qu'on ne peut donner aux employés déjà anciens même le minimum fixé par le régentent.

Dans le projet du règlement qui sera soumis à la Chambre le plus tôt possible, le nombre de ces fonctionnaires sera limité.

Vous comprenez, messieurs, que si aujourd'hui, sans examiner quel est le nombre d'employés qu'e doit avoir chaque gouvernement provincial, on donnait comme semble le désirer l'honorable M. Muller, à chacun de ceux qui sont en fonction, le minimum de leur traitement, on favoriserait les administrations provinciales qui ont abusé de la facilité de nommer des fonctionnaires. Il faut donc un examen préalable.

On doit indiquer le nombre d'employés qui pourraient être attachés à chaque gouvernement provincial et fixer ensuite les traitements minimum et maximum qui pourront leur être attribués.

Messieurs, l’honorable M. Hymans nous a dit que les employés des gouvernements provinciaux n'ont pas de besogne spéciale comme les employés des ministères, que ce sont des employés pour tout faire. Cela peut être vrai pour les expéditionnaires, mais en ce qui concerne tous les employés sérieux tels que les chefs de division, les chefs de bureau et les commis, ces allégations ne sont pas exactes. Tous ont des attributions spéciales.

Pour le moment donc, à l'effet d'améliorer transitoirement et d'une manière aussi convenable que possible les traitements des employés des gouvernements provinciaux, il convient de se borner à voter les 10 p. c. demandés par le gouvernement et admis favorablement par la section centrale. On verra plus tard s'il faut aller au-delà.

Il est une proposition de la section centrale à laquelle je ne puis me rallier, c'est celle de réduire de 1,000 francs le traitement proposé pour les gouverneurs de province, et d'attribuer la moitié de cette somme aux employés inférieurs de leur administration.

Si les traitements des employés sont insuffisants, on pourra plus tard augmenter le crédit pour cet objet : et je crois que la Chambre ne reculera pas devant une augmentation de 1,000 francs par gouvernement provincial. Mais d'un autre côté, je crois devoir maintenir la proposition concernant les gouverneurs. Les 17,000 francs que l'on accorderait à ces fonctionnaires qui sont les premiers après les ministres dans l'ordre hiérarchique ne constituent pas, je pense, une amélioration exagérée.

Un gouverneur est astreint à beaucoup plus de frais de représentation que tout autre fonctionnaire.

Quand un personnage marquant arrive dans le chef-lieu de la province, le gouverneur doit le recevoir. Lorsque des fêtes publiques ont lieu, c'est encore au gouverneur qu'incombe le soin d'intervenir de sa personne et souvent de sa bourse. Les gouverneurs doivent donner des fêtes et recevoir les membres des conseils provinciaux.

Lorsqu'il y a des souscriptions, soit pour les pauvres, soit pour des fêtes, c'est encore le gouverneur qui doit donner l'exemple et en quelque sorte, l'élan à ces souscriptions. Un traitement de 17,000 francs accordé aux gouverneurs de nos provinces n'est donc pas exagéré. Vouloir diminuer de mille francs ces traitements c'est, permettez-moi de le dire, une espèce de lésinerie. La question n'est certes pas capitale. Les gouverneurs ne seront pas ruinés, s'ils ont mille francs de moins. Mais il n'est pas convenable de les priver d'un traitement qui me semble leur être dû, quand on tient compte des grands frais de représentation qu'ils doivent faire s'ils veulent se tenir à la hauteur de leur position.

Il faut surtout maintenir le chiffre de 17,000 fr. si l'on veut que les fonctions de gouverneur soient accessibles aux personnes qui n'ont pas le bonheur d'avoir de la fortune ou même une certaine aisance. Je ne puis donc, par ces motifs, me rallier à la proposition de la section centrale et je prie la Chambre de voter la proposition du gouvernement,

(page 291) M. Dolez. - Messieurs j'ai demandé la parole, en entendant l'honorable M Hymans signaler à l'attention de la Chambre le grand nombre d'employés du gouvernement provincial du Hainaut.

Que la chambre me permettre de lui expliquer ce grand nombre d'employés et je le fais, messieurs, avec d'autant plus d'intérêt que cela me donnera l’occasion de vous faire connaître que les employés du gouvernement du Hainaut sont les plus mal rétribués par suite même de ce qu'ils sont les plus nombreux.

Voici, messieurs, quel est le nombre des communes de chacune de nos provinces, et cette citation vous dira par elle-même comment il se fait que, dans le Hainaut, il faut plus et beaucoup plus d'employés que partout ailleurs.

La province d'Anvers a 145 communes, le Brabant 358, la Flandre occidentale 248, la Flandre orientale 293, la province de Liége 319, le Limbourg 198, le Luxembourg 194, la province de Namur 345 et, enfin, le Haineut 427 communes.

C'est-à-dire que le Hainaut a 90 communes d» plus que la province de Brabant, et 82 de plus que la Flandre orientale.

Je n'ai pas besoin de le dire à la Chambre, une grande partie du territoire du Hainaut est double quant aux affaires qu'il amène à l'administration provinciale. Ainsi le territoire souterrain, le territoire minier donne à l'administration provinciale du Hainaut des affaires plus importantes que le territoire superficiel.

L'importance de la province d Hainaut, attestée par les éléments que je viens de rappeler, explique d'une manière toute naturelle comment il faut plus d'employés au gouvernement provincial de cette province que dans les autres.

Et cependant par une incroyable contradiction, j'allais dite par une inexcusable injustice, au moment de la réorganisation faite en 1857, on ne tint pas compte au Hainaut de cette différence de situation, et c'est ainsi qu'à l'heure qu'il est, le Hainaut, qui a près de cent communes de plus que le Brabant, n'a pour frais d'administration provinciale exactement que la même somme que cette autre province.

Il en résulte que nous avons, dans cette administration du Hainaut, des employés qui sont traités de la manière la plus misérable. Le cœur saigne, quand on a sous les yeux le tableau des traitements qui leur sont assignés.

Cependant, messieurs, le nombre des employés y a été réduit dans les limites les plus extrêmes par les soins de l’honorable gouverneur. Depuis 1857, le nombre des employés, qui était alors de 58, a été ramené à 47 seulement, et l'honorable gouverneur déclare qu'en dessous de ce nombre, il lui est impossible de faire marcher ses bureaux.

Dès lors quelle conséquence faut-il équitablement déduire de cette situation ? C'est qu'il faut tenir compte au Hainaut de l'importance des affaires que l’administration provinciale a à traiter, et par conséquent lui donner une somme plus importante qu'à toute autre province pour ses frais d'administration. On arrivera seulement alors à faire aux fonctionnaires de cette province une situation égale à celle qu'obtiennent leurs collègues dans les autres provinces. La section centrale et le gouvernement paraissent d'accord sur la nécessité d'améliorer immédiatement la condition de tous les employés provinciaux. J'applaudis de grand cœur à cet acte de justice.

Je voudrais, de plus, que l'on fît droit à une partie de la proposition de la section centrale, en ce qui concerne les petits employés provinciaux. La section centrale propose de répartir entre cette catégorie de fonctionnaires, outre l’accroissement accordé à tous les autre, une somme de neuf mille francs. Pour mon compte, j'approuve cette propositions. Seulement je n'accepte pas le moyen de la réaliser que propose la section centrale, c’est-à-dire une réduction sur le traitement des gouverneurs. Les propositions du gouvernement, quant à ces traitements, n'ont rien d'exagéré. Je crois donc qu'il faut les accueillir, sauf à voter 9,000 francs de plus pour les administrations des provinces. Nos finances n'en seront point affectées, on agira ainsi équitablement envers tous et dans l'intérêt bien entendu de la chose publique.

Un mot encore pour mettre en relief la situation exceptionnelle de l'administration provinciale du Hainaut.

II y a peu de jours, en limitant le traitement des membres de ces députations à un chiffre que, pour mon compte, je considère comme étant trop peu élevé, on a argumenté de la possibilité dans laquelle Ils se trouvent de s'occuper encore d'autres soins, parce que, dit-on, leurs fonctions ne réclament pas la totalité de leur temps.

Messieurs, il n'en est pas ainsi dans le Hainaut. La députation permanente du Hainaut, pendant l'exercice 1861, a eu à expédier 11,500 affaires, et pour faire face à tant de travaux, elle a dû tenir, pendant le cours de la même année, 102 séances, c'est-à- dire qu'elle s'est réunie deux fois par semaine.

C'est, messieurs, à peu près le nombre d'audiences que consacrent beaucoup de nos tribunaux à l'expédition des affaires judiciaires, et l'on reconnaît cependant que nos magistrats doivent tout leur temps à leurs importantes fonctions.

Soyez convaincus qu'il en est ainsi pour la députation permanente du Hainaut. Ses membres se livrent, avec une sollicitude incessante et de tous les jours, aux importantes fonctions qui leur sont confiées. Et cependant, je le dis à regret c'est à ces fonctionnaires que l'on a accordé, il y a quelque temps, un accroissement de traitement de 500 fr. !

Il se peut que, dans d'autres provinces, la condition des membres de la députation permanente est telle, quant au travail, qu'ils puissent s'occuper d'autres soins. Mais, dans le Hainaut, cela est radicalement impossible.

Je crois donc que ce qui a été fait récemment quant aux députations permanentes doit être considéré comme chose provisoire encore, et j’espère qu’à l’occasion de cette réorganisation dont M. le ministre de l’intérieur nous promet de s'occuper avec le zèle qui le caractérise, il aura soin de comprendre dans une étude nouvelle la situation des députations permanentes, d'examiner avec courage nommément s'il est juste de maintenir à toutes le même traitement.

Quant à moi, messieurs, je ne crois pas que ce soit juste.

MVIµ. - La loi vient d'être votée.

M. Dolez. - Je le sais, mais par cela même que vous annoncez l'examen d'une organisation nouvelle des administrations provinciales, je vous convie à examiner avec soin s'il ne convient pas de donner une rémunération différente aux membres des députations permanentes suivant le plus ou moins de travail qui pèse sur chacun d'elles. Pour moi, je crois fermement que la justice réclame qu'il en soit ainsi.

(page 289) - La chambre, sur la proposition de M. le président, met le budget de la justice à la suite de l'ordre du jour,

- La séance est levée à 5 heures.