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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 20 mars 1863

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1862-1863)

(page 609) (Présidence de M. E. Vandenpeereboom, premier vice-présidentµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Thienpont, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et demie.

M. de Boe, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Thienpont présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Le sieur de Villers demande un congé de trois mois pour son fils Guillaume, soldat au 10ème régiment de ligne. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Jalhay se plaignent qu'un brigadier forestier tient un débit de boissons contrairement à la loi forestière. »

- Même renvoi.


« Le baron deWoelmont, conseiller provincial du Limbourg, demande que la route de Hasselt à Tongres soit reliée à celle de Bilsen, à la hauteur de Zavelberg. »

M. de Renesse. - M. le baron de Woelmont d'Oplieuw, conseiller provincial du Limbourg, s'adresse à la Chambre, pour demander la rectification de la grande roule de l'Etat de Tongres à Hasselt, au lieu-dit : Zavelberg.

A la sortie de la ville de Tongres vers Hasselt, il y a deux montagnes à pentes très rapides ; cette rectification se ferait à peu de frais, en reliant la route de Tongres à Hasselt à celle de Tongres à Bilsen ; cette rectification a été fortement appuyée l'année dernière par le conseil provincial sur la proposition de douze conseillers. J'ai l'honneur de proposer à la Chambre de vouloir ordonner le dépôt de cette requête sur le bureau de la Chambre pendant la discussion du budget des travaux publics.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi relatif aux chemins vicinaux

Rapport de la section centrale

M. Muller. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi tendant à apporter une modification aux articles 14 et 28 de la loi du 10 avril 1841 sur les chemins vicinaux.

- Ce rapport sera imprimé et distribué et son objet mis à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1863

Discussion générale

M. le président. - M. le ministre se rallie-t-il aux amendements proposés par la section centrale ?

MVSTPµ. - Non, M. le président.

M. le président. - La discussion s'ouvre donc sur le projet du gouvernement.

La discussion générale est ouverte.

M. G. de Muelenaereµ. - Dans la séance du 13 mai dernier, l'honorable ministre des travaux publics a sollicité de la Chambre un crédit spécial de 325,000 francs pour l'extension des lignes et appareils télégraphiques.

Ce crédit devait surtout être affecté à relier au réseau télégraphique les cantons de justice de paix qui se trouvaient éloignés des chemins de fer.

J'ignore, messieurs, comment cette répartition a été faite dans d'autres parties du pays, mais ce que je puis assurer, c'est que l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter dans cette enceinte n'en a profité d'aucune manière.

Il existe dans l'arrondissement de Thielt quatre cantons de justice de paix. Ruysselede et Oostroosebeke sont à 5 ou 6 kilomètres de distance d'une station de chemin de fer.

Ils se trouvent donc dans la catégorie des cantons que le ministre avait en vue de doter d'une ligne télégraphique, quand il est venu demander ce crédit à la Chambre, et cependant ils conservent toujours leur même position et aucune mesure n'a été prise jusqu'à présent pour les faire jouir de cette faveur.

Mais un fait complètement insolite et qui me paraît incompréhensible se présente pour Thielt et Meulabeke, deux centres de population très importants, qui sont traversés par le chemin de fer de la Flandre occidentale sur lequel est établi sur une ligne télégraphique. Un appareil même se trouve dans la station de Thielt et quand quelqu'un se présente avec une dépêche, on refuse de la recevoir, la ligne servant exclusivement aux besoins de l'administration.

Je vous avoue, messieurs, que j'ai de la peine à m'expliquer comment le public n'est pas admis à pouvoir profiter de ce télégraphe, car sur tous les chemins de fer concédés où on l'établit, une convention intervient entre le gouvernement et la compagnie concessionnaire, afin que le télégraphe soit mis à la disposition de tout le monde.

Cette convention n'existe-t-elle peut-être pas entre l'Etat et la société de la Flandre occidentale ?

S'il en est ainsi, j'engage instamment l'honorable ministre des travaux publics à vouloir bien se concerter avec le conseil d'administration de cette compagnie, pour que ces localités ne soient pas plus longtemps privés des mêmes avantages dont tant d'autres sont déjà en possession.

Je me permettrai de soumettre encore une observation à l'honorable chef du département des travaux publics, concernant les postes.

Sur dix-huit communes, dont se compose l'arrondissement de Thielt, deux seulement ont une perception de postes ; dans les seize autres il se fait une seule distribution de lettres par jour.

C'est certes une des parties du pays où les bienfaits de la poste se font le moins sentir.

Cependant plusieurs demandes pour l'obtention d'une perception ou au moins de deux distributions par jour ont été itérativement adressées au département des travaux publics, notamment par les communes d'Aerzeele et de Wacken, et jusqu'à présent elles n'ont obtenu aucune satisfaction.

Ces localités, tout comme Wyngene, Pitthem, Zwevezeele, gagnent tous les jours en importance ; l'industrie, le commerce et l'agriculture y acquièrent un grand développement.

Je pense donc que le gouvernement devrait tâcher de remédier à cet état de choses, faire en sorte de laisser profiter ces communes du même bénéfice de la poste dont jouissent déjà beaucoup d'autres qui souvent sont moins importantes.

J'ose espérer que l'honorable ministre voudra prendre en sérieuse considération les observations que j'ai cru devoir lui présenter en faveur de ces différentes localités qui ont des titres incontestables à la bienveillance et à la sollicitude du gouvernement.

M. Sabatier. - Messieurs, je me suis proposé, à l'occasion du budget des travaux publics, de présenter à la Chambre quelques observations relatives au transport des marchandises. Je le fais dans la discussion générale, parce que mes observations comportent plusieurs objets : les voies navigables, à propos desquelles je m'occuperai des péages et des chemins de fer, qui m'amèneront à traiter la question des contrats spéciaux, dont la Chambre a été saisie déjà à plusieurs reprises.

Je suis tenté de m'excuser du peu d'attraits que présente un pareil sujet ; mais heureusement pour ma thèse et pour moi que la question des transports est d'intérêt général ; par une raison bien simple, c'est que tout le monde à peu près expédie des marchandises et tout le monde aussi en reçoit directement ou indirectement ; et puis, messieurs, il ne faut pas oublier que pour beaucoup de matières, pu r celles surtout de première nécessité, le prix du transport entre pour une quotité assez importante dans le prix de revient, et que conséquemment au fur et à mesure qu'on pourra abaisser le coût du transport, les prix de la marchandise baisseront d'autant au profit de tous les consommateurs.

Du reste la question des transports est à l'ordre du jour à peu près partout. Les chambres de commerce, lorsqu'elle ont été consultées sur les modifications à introduire dans notre régime douanier, ont posé en grande partie comme condition de leur approbation l'abaissement général des transports.

Ces mêmes chambres de commerce sont revenues à la charge après la conclusion de nos derniers traités.

Plusieurs membres de la législature ont saisi toutes les occasions possibles de faire ressortir la nécessité pour le gouvernement d’abaisser le prix des transports.

Je dirai encore que tout récemment, dans le rapport fait par le jury (page 610) français sur l’exposition universelle de Londres, Michel Chevalier, dont personne ne niera la compétence, a consacré à cette même question quelques pages fort remarquables.

Enfin je rappellerai qu'au mois de septembre dernier, s'est ouvert à Bruxelles le congrès des sciences sociales et que ce congrès n'a pas dédaigné de mettre à son ordre du jour : « de l'influence des prix de transport sur le développement de la richesse publique et industrielle. »

A tous égards, messieurs, je me trouve donc en très bonne compagnie pour m'occuper à mon tour de la question et je l'eusse même fait plus tôt, je l'eusse fait d'une manière plus rationnelle à propos du budget des voies et moyens, si l'honorable ministre des travaux publics à qui j'en avais écrit, ne s'était trouvé indisposé lors de la discussion de ce budget.

Messieurs, en manière d'exorde, je constate que depuis 1847, époque à laquelle, je pense, on s'est occupé sérieusement dans cette enceinte de la libre entrée des céréales, de grands progrès économiques ont été réalisés, et j'imagine que bientôt, le traité que nous venons de faire avec la Suisse en est la preuve, on pourra mettre en oubli ce qui reste encore des tarifs ou de la loi générale de 1822.

La Belgique est donc entrée résolument, courageusement, on peut le dire, dans la voie de la liberté des échanges. C'est-à-dire que chaque jour davantage elle est attirée sur le terrain de la concurrence. Mais d'autres membres avant moi vous l'ont dit, messieurs, il ne suffit pas de proclamer les bienfaits du free trade ; il ne suffit pas de faire ressortir les avantages qui doivent en résulter pour les consommateurs ; le gouvernement a encore un autre devoir à remplir, c'est de donner, dans la mesure de ses forces, aide aux producteurs, il doit rechercher, ou admettre tout ou moins les moyens de rendre cette aide efficace.

Eh bien, messieurs, parmi ces moyens il en est deux qui viennent tout naturellement à l'esprit. L'un concerne les transports. Nous sommes d'accord sur ce point avec M. le ministre des travaux publics, en théorie bien entendu, et j'en trouve la preuve dans l'exposé des motifs du projet de loi qui a été déposé, il y a quelques jours, sur de nouvelles concession de chemins de fer ; l'autre se rapporte à la liberté à accorder aux associations de capitaux. Ce dernier objet n'a rien de commun avec le budget des travaux publics. Nous en avons touché un mot dernièrement à propos du budget des affaires étrangères ; je n'y reviendrai donc pas en ce moment.

Quant aux transports, j'ai deux propositions à énoncer et par conséquent à défendre.

La première est celle-ci : Je dis que la conséquence logique des principes économiques qui guident le gouvernement en matière de liberté commerciale, c'est l'abaissement de tous les transports, et en second lieu, je dis que la première application à faire du principe si utile de la concurrence doit être la révision des péages dans le sens d'une plus grande uniformité.

Je reprends la première proposition, messieurs, pour la développer en £pu de mots.

Quel langage a-t-on tenu aux industriels alors que l'on a modifié notre régime douanier ?

On leur a dit très justement, selon moi, que l'abaissement des droits de douane amènerait la concurrence ; que la concurrence, ce stimulant énergique du progrès, amènerait le bon marché des produits, et que dès lors, grâce à cette situation nouvelle, la consommation se développerait, qu'un vaste débouché s'offrirait à notre activité et que nos industries prendraient un développement considérable.

On a dit encore que les industriels, s'ils voulaient progresser, devaient modifier l'économie générale de leurs usines, améliorer leur outillage, imiter ce que font les Anglais.

Le bénéfice par unité de travail serait sans doute moins élevé que par le passé, mais en multipliant ce bénéfice par un chiffre de production beaucoup plus grand, le résultat serait essentiellement favorable à leurs opérations au point de vue financier.

Eh bien, messieurs, le gouvernement ne doit pas trouver étonnant que les industriels retournent la proposition, en lui disant : Qui donc profitera tout d'abord des développements de l'industrie si ce ne sont les transports ? Il est, en effet, évident que si par suite des progrès que ces industriels réaliseront, si par suite des sacrifices qu'on leur impose la production se développe, c'est, avant tout, le trafic qui y trouvera son compte ; il est permis, dès lors, de demander pourquoi le gouvernement ne viendrait pas en aide à l'industrie en général, en abaissant les tarifs, soit sur les canaux soit sur le chemin de fer.

Messieurs, puisqu'il est vrai que le bas prix des objets, amène une consommation plus grande et permet à la Belgique de lutter avec l'étranger sur un vaste marché, il me paraît que le devoir du gouvernement est tout tracé, c'est de favoriser la production par des transports réduits à une limite qui ne compromette pas les intérêts du trésor.

Puis, il y a une autre considération à faire valoir, c'est que par suite des transports moins élevés à courtes distances par exemple, beaucoup d'industries qui se trouvent dans l'obligation de se grouper vers certains centres, vers les bassins houillers pourraient se disséminer dans le pays, s'étendre sur un plus vaste rayon, et qu'il en résulterait encore pour nos voies de transport des avantages qu'il est superflu d'indiquer.

Messieurs, s'il pouvait rester quelques doutes dans votre esprit sur la manière dont les principes économiques du gouvernement doivent être interprétés au point de vue des transports, il me suffirait de vous rappeler ce qu'a dit l'honorable M. Orts, dans son rapport sur le traité anglo-belge. Voici comment s'exprime l'honorable rapporteur au nom de la section centrale tout entière :

« Pour mériter les bienfaits que la liberté répand sur son passage, il faut déblayer sa route des entraves artificielles qui l'obstruent.

« La Belgique a aboli les droits différentiels et les douanes intérieures aux portes de nos villes. Les impôts grevant le travail et les denrées alimentaires ont été réduits.

« Toutefois, bien des progrès restent à réaliser dans une matière ou rien n'est fait aussi longtemps qu'il reste à faire.

« Il faut, avant tout, pour faciliter l'arrivée, la transformation et la réexportation des matières premières et des produits, il faut que nos voies de transport à l'intérieur soient dégrevées de tous péages excessifs, qu'elles soient débarrassées des entraves de toute nature ; que nos canaux et nos routes, que nos chemins de fer splendides soient améliorés, simplifiés, complétés. »

Voilà les armes que nous réclamons.

Messieurs, j'aborde maintenant la seconde proposition que j'ai énoncée, celle qui consiste à dire que la première application à faire du principe si utile de la concurrence, c'est la révision de nos péages.

La démonstration ne me paraît pas bien difficile.

S'il est vrai que la concurrence soit utile au progrès industriel lorsqu'il s'agit de pays à pays, de peuple à peuple, évidemment ce principe doit être d'une application tout aussi vraie, quand il s'agit des différer les parties d'un même pays.

Eh bien, je dis que la liberté de concurrence n’existe pas en Belgique, et elle n'existera que du jour où chacun pourra profiter de sa position naturelle, et où l'on aura supprimé cette sorte de protection dont on entoure les uns au détriment des autres, et au détriment des consommateurs.

Je fais précisément allusion ici aux péages qui, par les écarts qu'ils présentent, ne permettent pas aux industriels de se procurer certaines matières indispensables, dans toutes les conditions de bon marché désirables.

Je place en première ligne les charbons, qui forment un des éléments de consommation les plus importants de toutes les industries et par conséquent du trafic de toutes nos voies de transport.

C'est, messieurs, le principe de libre concurrence consacré par nos récents traités de commerce qui a amené la section centrale du budget des travaux publics à adresser à l'honorable M. Vanderstichelen la question suivante :

« La section centrale demande si le gouvernement ne compte pas bientôt appliquer aux péages des canaux le principe de la libre concurrence ? Les différences que l'on constate entre les péages des diverses voies navigables du pays peuvent moins que jamais s'expliquer, aujourd'hui que les traités de commerce placent la Belgique sur le terrain de la lutte industrielle. »

M, le ministre des travaux publics me paraît avoir fait le raisonnement suivant à propos de cette question ; il s'est dit : Comment ! on se plaint de contradictions dans nos principes économiques, on trouve que l'application qui en est faite laisse à désirer, on demande la révision des péages, tout cela n'a qu'une seule et même origine : c'est le canal de Charleroi probablement qui me suscite de nouveaux embarras.

L'honorable ministre se trompe et je vais le lui prouver dans un instant. Il ne s'agit pas seulement de réviser les péages du canal de Charleroi : mais puisqu'il nous a amenés sur ce terrain, et je ne puis que l'en remercier, j'accepte une discussion sur ce point spécial.

Le canal de Charleroi, ce grand coupable, messieurs, nous avons eu souvent l'occasion de le faire remarquer, a une navigation tout à fait imparfaite ; et nous n'avons que trop raison de nous plaindre qu'il ne puisse porter que des bateaux jaugeant 70 tonneaux ; et j'ajouterai que nonobstant ces conditions défavorables il produit à lui seul une somme équivalente au bénéfice réalisé sur toutes les voies navigables du pays.

(page 611) La taxe ou le péage que l'on acquitte sur le canal de Bruxelles à Charleroi est de 62 p. c. plus élevée que sur le canal de Mons à Condé, que sur les canaux de la Campine et que sur le canal latéral à la Meuse. Si le canal de Charleroi fait payer si cher les services qu'il rend, c'est que, par une absurdité inconcevable, le chemin de fer peut lui faire utilement concurrence du moins en ce qui concerne les transports vers Gand, Anvers, etc.

Un autre point essentiel à faire ressortir en faveur du canal de Charleroi se rapporte aux recettes qu'on y a opérées depuis trois ans. Vous vous rappelez, messieurs, que le 19 février 1860 a été promulguée une loi qui réduisait de 40 p. c. les péages sur cette voie.

A cette époque, on ne s'est pas fait faute de prétendre que l’abaissement du péage amènerait un déficit proportionnel des recettes et l'exposé des motifs de ladite loi ou du moins de son projet disait qu'avec une réduction de 40 p. c. la perte nette pour le trésor serait de 700,000 fr.

Eh bien, la vérité, la voici :

En 1860, première année d'application de la loi, les recettes se sont élevées en chiffres ronds à un million de francs.

En 1861 les recettes n'ont été que de 900,000 francs ; mais, le chemin de fer faisant concurrence au canal, il en est résulté un manque de recette que j'évalue à 100,000 francs.

Je dois m'arrêter un instant ici, messieurs, pour expliquer comme quoi je donne parfaitement raison à M. le ministre des travaux publics au sujet de la concurrence que fait le chemin de fer au canal de Charleroi.

L'honorable ministre agit tout à fait dans l'intérêt du trésor.

Ainsi, quand on transporte du charbon par chemin de fer jusqu'à Gand par exemple, l'administration du chemin de fer fait évidemment le raisonnement suivant : De Charleroi à Gand la tonne embarquée produit par traités spéciaux fr. 5-25 par tonne ; le coût de l'exploitation, dans ces conditions, est compris entre 40 et 50 p. c, de sorte que le bénéfice pour le trésor est de fr. 2-50 environ.

Tandis que par le canal de Charleroi le parcours principal au profit de l'Etat est de 1 centime 62 ; 100 par tonne kilométrique sur 73 ou 74 kilomètres, développement du canal, soit fr. 1,20, je laisse de côté d'autres péages insignifiants,

Par conséquent l'opération du chemin de fer est profitable au trésor.

Mais encore une fois, si la concurrence du railway de l'Etat est possible, nous devons y trouver la preuve de l'imperfection des voies navigables.

Je reprends l'examen des recettes du canal de Charleroi et je trouve qu'en 1862 le produit dépasse de beaucoup 900,000 francs, il est de 970,000 francs auxquels il faut ajouter, je pense, 100,000 francs du chef de la concurrence du chemin de fer.

J'ai fait partie de la commission des péages, dont l'honorable ministre des travaux publics parle dans sa réponse ; j'y avais pour collègues deux ingénieurs en chef, qui croyaient très sincèrement que le trafic du canal ne se développerait pas. Vous venez de voir à quels résultats satisfaisants on est parvenu déjà, et je dis qu'ils doivent paraître assez concluants en faveur de la réduction des péages.

Je ferai remarquer en outre que si l'on avait adopté la proposition que 35 membres de cette assemblée ont appuyée, de porter la réduction des péages à 60 p. c., et si l'on n'avait même fait payer au bassin du centre que la distance parcourue, nous ne constaterions à l'heure qu'il est d'autre déficit sur les recettes que celui prévu de 700,000 francs. Il me semble que cet argument plaide fortement en faveur de ma thèse.

Je reprends maintenant, messieurs, la réponse que M. le ministre a faite à la section centrale, je lui ai fait remarquer qu'il ne s'agissait pas seulement du canal de Charleroi quand nous parlons de la nécessité de réviser les péages de nos voies navigables en raison du principe de libre concurrence qui résume, en définitive, les principes économiques admis par cette Chambre ; nos observations s'appliquent à d'autres voies navigables du pays.

Ainsi, l’honorable ministre sait bien que les péages aujourd'hui varient dans la proportion de 1 à 15 entre les canaux ; les rivières canalisées, la Sambre et la Petite-Nèthe ont des taxes qui sont beaucoup plus élevées que pour certains canaux. Sur les rivières non canalisées les péages varient dans la proportion de 1 à 4.

Ainsi la Dendre paye 4 fois plus, et la Lys paye 5 fois plus que l'Escaut ; cependant il n'y a réellement aucune raison pour maintenir ces différences, en admettant même le principe que les péages puisent être fixés en raison des services rendus.

Messieurs, un premier pas a été fait en 1860 en faveur de l'uniformité des péages. On a abaissé de 40 p. c. les péages du canal de Charleroi, nous demandions nous un tarif calculé à raison d'un centime par tonne kilométrique, tarif appliqué sur le canal de Mons à Condé. Nous croyions équitable d'obtenir cette égalité, alors même que la navigation du canal de Charleroi laisse tant à désirer. On a abaissé le 20 février 1860 de 50 p. c, le péage sur tous les canaux de la Campine, les embranchements compris. Le tarif était précédemment de 2 centimes par tonne kilométrique ; on l'a donc réduit à 1 centime, ce que nous voudrions voir appliquer au canal de Charleroi. Les péages sur le canal de Liège à Maestricht ont été abaisses de 3 centimes à 1 1/2 centime par un premier arrêté, celui du 20 février 1860 et quelques mois après, le 18 septembre 1860, ils ont été réduits à un centime, toujours le chiffe que nous avions réclamé.

Une autre voie navigable qui passe à Charleroi, mais qui dessert on même temps d'autres localités, la Sambre canalisée est frappé d'un péage de 1 2/10 centimes, soit 20 p. c. de plus que les canaux dont je viens de parler.

Cependant la Sambre n'est qu'une rivière, c'est-à-dire elle ne sert pas seulement à la navigation ; elle doit recevoir les eaux de la vallée ; et elle remplit donc deux fonctions et il en résulte des interruptions très préjudiciables à l'expédition des marchandises.

Aussi l'année dernière nous avons eu cent et quelques jours d'interruption de la navigation, tandis que sur les canaux l'interruption n'a duré que 15 jours ou trois semaines.

Le gouvernement a reconnu implicitement que les péages de la Sambre étaient trop élevés, mais on nous répète sans cesse qu'on ne croyait pas pouvoir les diminuer avant que le gouvernement impérial n'ait racheté la Sambre française et le canal de jonction de la Sambre à l'Oise ou bien que les concessionnaires de ces deux voies n'aient abaissé leurs tarifs.

Vous avez pu vous assurer dernièrement, messieurs, que notre gouvernement n'avait pas fait de bien grands efforts pour arriver à la solution du rachat ; aucune négociation n'avait été entamée à ce sujet il y a 3 mois. Je ne sais ce qui a été fait depuis lors et je serais heureux d'apprendre que l'on s'est enfin décidé à s'occuper de cette affaire.

En attendant qu'elle aboutisse, les péages de la Sambre belge n'en restent pas moins très élevés et j'applique à cette voie navigable les observations que j'ai présentées il n'y a qu'un instant sur la nécessité d'une révision.

Je devrais parler encore de la Petite-Nèthe, du canal de Plaschendaele, de l'Yser, du Demer et de la Dyle dont les péages devraient être aussi révisés, mais je ne poursuivrai pas plus loin mes observations.

Je comprends fort bien qu'elles ne peuvent pas donner lieu à une discussion approfondie ; je sais également qu'aucun amendement relatif aux objets dont je me suis occupé ne peut trouver place dans le budget des travaux publics.

Cependant je désirerais qu'un examen sérieux pût étre fait des questions qui se rattachent aux péages.

Le gouvernement pense que tout est pour le mieux ; il croit sa thèse excellente ; je ne crois pas moins bonne celle que je viens de développer et je ne connais pas de meilleur moyen de s'assurer de quel côté est la vérité que de tenter l’épreuve d'un projet de loi. A moins donc que le gouvernement ne fournisse, dans sa réponse, des arguments qui renversent mes observations, je déposerai avec quelques collègues une proposition formelle de révision des péages dans le sens d'une plus grande uniformité.

Il s'agit de savoir s'il ne faut pas mettre d'accord les principes de la libre concurrence, qu'ils s'appliquent à différents pays entre eux ou à différentes parties d'un même pays.

Messieurs, j'aurais maintenant à entamer la question des traités spéciaux, mais il est très possible que je sois d'accord avec l'honorable ministre des travaux publics, sur la manière d'envisager les questions qui se rattachent à ces traités.

Ainsi que je viens de le rappeler, j'ai eu l'honneur de lui écrire à ce sujet, il y a deux mois ; si la réponse de l'honorable ministre était satisfaisante, il serait parfaitement inutile d'entrer dans une discussion trop longue. J'attendrai donc cette réponse, avant de commencer le débat.

Je préciserai seulement une question, c'est de savoir si l'honorable ministre s'est mis en mesure de faire rentrer les traités spéciaux dans les tarifs spéciaux. Ces traités ont eu leur raison d'être ; c'était une expérimentation qu'on a voulu faire de tarifs réduits pour amener au railway de l'Etat le plus de transports possible.

Je ne puis qu'approuver l'essai, mais ce que je trouve mauvais, c'est que M. le ministre des travaux publics fasse durer un peu longtemps un système dont l'application donne lieu à l'arbitraire, ainsi que l’a fait ressortir l’honorable ministre lui-même, lorsque en 1859 il en a été parlé dans cette Chambre.

Depuis cette époque, M. le ministre des travaux publics a fait à la Chambre quelques déclarations extrêmement rassurantes. Je désirerais qu'elles soient définitives et que cette question des traités spéciaux fût enfin vidée.

(page 612) Si M. le ministre des travaux publics veut bien me faire une réponse satisfaisante, je m'abstiendrai d'entamer une discussion désormais inutile ; sinon je serai forcé de reprendre la question à son origine ; je désire qu'il n'en doive pas être ainsi et pour la Chambre et pour moi-même.

M. Ch. Lebeau. - Messieurs, je viens appuyer les observations qui vous ont été présentées par l'honorable M. Sabatier au sujet de la réduction des péages sur nos canaux et chemins de fer. Pour ne pas répéter ce qu'a dit mon honorable collègue, je me bornerai à faire quelques remarques générales concernant les péages du canal de Charleroi.

Bien que la Chambre ait eu à s'occuper, à différentes reprises, des péages sur ce canal, qu'il me soit permis de l'en entretenir encore pendant quelques instants. Je ne serai pas long.

Plusieurs fois des réductions ont été obtenues sur les péages établis sur le canal de Charleroi. Il y a trois ans, la législature en a voté une de 40 p. c. comme vient de le rappeler l'honorable préopinant. A cette époque le gouvernement prétendait que cette réduction aurait des conséquences très fâcheuses pour le trésor ; qu'il y aurait une diminution considérable dans les recettes du canal.

Eh bien, messieurs, ces prévisions ne se sont pas réalisées : la diminution n'a pas été, il s'en faut de beaucoup, aussi forte qu'on le supposait ; la réduction de 700,000 fr. qu'on avait annoncée ne s'est pas réalisée (Interruption.)

C'est précisément ce que nous disions ; nous disions : « Abaissez les péages et vous aurez un accroissement dans les transports. » C'est ce qui a eu lieu. Et pour augmenter le chiffre des transports, vous avez même accordé des primes aux éclusiers, afin d'écluser un plus grand nombre de bateaux par jour ; mais on en est arrivé aujourd'hui à peu près au maximum : car on écluse maintenant environ le double de bateaux depuis que cette mesure a été prise.

Je crois que mes renseignements sont exacts sur ce point.

Or, nous venons insister pour qu'un nouvel abaissement de péages ait lieu sur le canal et comme l'a annoncé M. Sabatier, s'il y a dissentiment entre le gouvernement et nous, un projet de loi sera déposé, et alors, nous le discuterons. Si nous insistons pour une nouvelle réduction après trois ans, c'est que nous pensons qu'il faut enfin faire cesser un acte d'injustice qui date depuis trop longtemps, et que d'ailleurs des faits nouveaux se sont produits depuis 1860, date de la dernière réduction.

En effet, des traités de commerce ont été conclus avec différentes nations étrangères.

Or, en prenant pour base de ces traités la liberté commerciale au lieu du régime protecteur, tout le monde a compris qu'une grande concurrence allait s'établir sur tous les marchés entre les producteurs des différents pays. Voilà un fait qui ne peut être dénié par personne. Quels seront les vainqueurs dans cette grande lutte ? Ce sont ceux qui auront les transports à meilleur marché.

Car on est à même de produire au même compte dans les lieux de production ; la différence sera dans le prix de transport.

Le gouvernement l'a compris comme nous. Ou vous a rappelé les termes du rapport de la section centrale sur le traité de commerce avec l'Angleterre. Je me permettrai de rappeler ce que disait le gouvernement en présentant ce traité de commerce, dans la séance du 55 juillet 1862.

« Les questions de transport acquièrent, de jour en jour, une plus grande importance dans le mouvement des échanges internationaux. En vain abaisse-t-on le taux des droits d'entrée quand l'accès du marché n'est pas dégagé d'entraves. »

Sur ce point, nous sommes d'accord avec le gouvernement. Toutes conditions égales, je crois que nos producteurs, nos industriels sont à même de soutenir la lutte avec les étrangers ; la Belgique est assez bien dotée en fait de matières premières de toutes qualités ; elle ne l'est peut-être pas aussi bien que l'Angleterre, mais elle l'est aussi bien au moins que la France. Nos industriels sont laborieux, actifs, intelligents ; la main-d'œuvre est à bon compte, les capitaux sont abondants, le taux de l'intérêt n'est pas élevé, que nous faut-il ? Des transports à bas prix.

Donc la lutte s'établira sur les transports. Le gouvernement français l'a parfaitement compris de cette manière. Après qu'il eut fait le traité de commerce avec l'Angleterre, traité qui avait pour base la liberté commerciale dans une certaine mesure, le gouvernement français s'est immédiatement occupé de racheter presque tous les canaux et d'abaisser d'une manière très considérable les péages qui y étaient établis, il a senti que s'il laissait introduire les produits étrangers en concurrence avec ceux de ses nationaux, il devait une compensation aux producteurs ; il leur a donné les transports à bas prix. Il a dit au consommateur : Le traité de commerce va vous favoriser en ce qu'il vous permettra d'obtenir les produits étrangers concurremment avec les produits nationaux.

Mais il a dit aux producteurs : Je vous donnerai une compensation, j'abaisserai les péages sur les canaux ; et pour arriver à l'abaissement, le gouvernement n'a pas reculé devant le rachat des canaux dont il a abaissé les péages, en attendant qu'il puisse arriver à la gratuité de la navigation.

Je crois que c'est là le but du gouvernement français.

S'il est dans notre pays des péages qui sont trop élevés et qui l'ont toujours été, ce sont ceux du canal de Charleroi. On ne comprend pas pourquoi ces péages ont été maintenus jusqu'à ce jour à un chiffre plus élevé que celui qui existe sur les autres canaux. Malgré les réductions notables qui ont été accordées, les péages sont encore de 62 centimes par tonne kilométrique plus élevés que sur les autres canaux.

On se demande vainement quelle est la cause de cette élévation, quel peut être le motif pour lequel les péages sont plus élevés sur le canal de Charleroi que sur les autres canaux du pays. (Interruption.) Tandis que, sur tous les canaux le péage est de 1 centime par tonne et par kilomètre, sur le canal de Charleroi il est de 1 centime 62/100. Il est impossible de nous rendre compte de cette surtaxe du canal de Charleroi.

Est-ce que par hasard le canal de Charleroi coûterait aujourd'hui plus cher à l'Etat que les autres canaux du pays ? Mais tout le monde sait que le gouvernement a été remboursé du prix de l'acquisition avant l'expiration du terme de la concession. Est-ce que le canal de Charleroi demande plus d'entretien que les autres canaux ? L'entretien est presque nul. Est-ce qu'il est moins fréquenté que les autres et qu'il faut établir un droit plus fort pour arriver à une recette plus forte ? C'est le canal le plus fréquenté du pays, car c'est l'unique voie navigable pour transporter les produits des deux bassins du Hainaut vers la capitale et le centre du pays. Enfin, est-ce que la navigation y est plus facile, moins coûteuse ? C'est le contraire, la navigation est plus lente parce que le canal est très fréquenté ; la navigation est difficile parce qu'elle se fait avec des bateaux de 70 tonneaux au lieu de 250 comme sur les autres canaux ; ensuite la navigation est plus coûteuse parce qu'il faut des frais de halage aussi considérables pour des bateaux de 70 tonneaux que pour des bateaux de 250 tonneaux.

Je demande donc pourquoi on maintient un péage plus élevé sur le canal de Charleroi que sur les autres canaux. Je n'ai pas trouvé de motif. Je n'en vois pas d'autre que celui-ci : c'est qu'à l'origine on a établi sur ce canal des péages à un taux tout à fait exagéré, et que le gouvernement tient à ses recettes.

Cette élévation des péages provient de ce que le gouvernement n'a pas construit lui-même ce canal et qu'il l'a fait construire par voie de concession.

Or, le terme de concession n'ayant été que de 32 ans au lieu de 90, comme cela arrive souvent, il en résulte que les concessionnaires, pour se rembourser en peu d'années du capital, des intérêts, des frais d'entretien, et pour avoir un certain bénéfice sur lequel ils pouvaient compter, ont dû établir des péages plus élevés qu'ils n'eussent dû l'être dans les conditions ordinaires, et cela au détriment non seulement des producteurs, mais des consommateurs de nos produits, car les consommateurs sont les plus frappés par ce surcroît de péage. Maintenant nous demandons si, aujourd'hui que ce capital est remboursé, il n'y a pas lieu d'établir des péages en raison des dépenses à faire pour l'entretien du canal, où tout au moins si nous ne sommes pas fondés à demander au gouvernement qu'il établisse les péages sur ce canal au même taux que sur les autres canaux, car je crois que le gouvernement n'est même pas remboursé des frais de construction de la plupart de ses canaux.

Il y a plus, messieurs, plusieurs canaux ne rapportent absolument rien, et coûtent chaque année des frais d'entretien assez considérables, tandis que, comme on l'a dit tout à l'heure, le canal de Charleroi produit à lui seul autant que les autres canaux du pays.

Les péages ayant été très élevés pendant tout le temps de la concession. Les concessionnaires auront sans doute été déjà remboursés des frais de construction et le gouvernement qui a racheté la concession est lui-même remboursé du prix d'achat, donc plus de péages à exiger de ce chef.

Evidemment, messieurs, si le gouvernement venait de construire le canal de Charleroi, je me demande s'il oserait établir sur ce canal d'autres péages que ceux qui existent sur les autres canaux du pays ? S'il venait vous proposer d'établir des péages plus élevés, assurément vous diriez qu'il n'y a pas de raison de traiter différemment le canal de Charleroi que les autres canaux du pays.

Nous sommes précisément dans une position analogue, aujourd'hui que le gouvernement a racheté la concession avant le terme de l'expiration de cette concession.,

Je crois que tout ce qu'il peut prétendre c'est d'établir sur ce canal les mêmes péages que sur tous les autres canaux. Messieurs, on ne peut évidemment maintenir plus longtemps cette (page 613) injustice commise au détriment des consommateurs et des producteurs du bassin du Centre et de Charleroi au profit des autres bassins.

En agir autrement c'est un véritable impôt que l'on frappe sur les producteurs et consommateurs. Remarquez, messieurs, que l'injustice est d'autant plus grande qu'elle atteint deux intérêts belges. Ainsi le canal de Charleroi sert à transporter les produits belges chez les consommateurs ; belges, tandis que la plupart des autres canaux servent à transporter les uns les produits étrangers en Belgique, les autres les produits belges à l'étranger.

M. Muller. - C'est une erreur. Ils transportent aussi des produits belges en Belgique.

M. Ch. Lebeau. - Est-ce que les canaux de la Flandre ne servent pas à transporter les produits anglais en Belgique ?

Est-ce que la Sambre et le canal de Mons à Condé ne servent pas à transporter les produits belges en France ?

Si vous frappez le canal de Charleroi de droits plus élevés que le canal de Mons à Condé et que les canaux de la Flandre, vous frappez les producteurs et les consommateurs belges, tandis que si vous favorisez les produits transportés vers la France, vous favorisez le consommateur français.

M. Muller. Les autres canaux servent aussi à transporter des produits en Belgique.

M. Ch. Lebeau. - Oui, mais ils servent principalement aux transports de ou vers l'étranger. Du reste, vous me répondrez tout à l'heure si vous le désirez.

Il me paraît impossible, messieurs, de maintenir cette injustice.

Nous attendrons les observations qui seront présentées par le gouvernement, pour savoir si nous devons persister dans le dépôt du projet de loi que nous sommes bien décidés à déposer si nous n'obtenons pas satisfaction sur ce point.

M. Moncheur. - Messieurs, je saisis l'occasion que nous présente la discussion générale du budget des travaux publics pour adresser quelques interpellations à M. le ministre des travaux publies, pour lui faire, ainsi qu'à la Chambre, quelques observations générales. Ces observations, messieurs, auront pour but de démontrer la nécessité d'arriver le plus tôt possible, en Belgique, au transport à bon marché de toute espèce de marchandises et de matières premières.

Il est un fait incontestable, c'est que du moment que nous sommes entrés dans le système très large de la lutte de l'industrie indigène, avec l'industrie étrangère, nous avons dû admettre toutes les conséquences de ce système.

Or, la première et la principale de ces conséquences, c'est qu'il faut affranchir le transport des matières premières et des produits industriels de toutes les entraves qui peuvent le gêner en en augmenter le prix.

Nous sommes, d'ailleurs, forcés de le faire, par l'exemple même de nos voisins.

Ainsi, messieurs, la France, qui jusqu'à présent était restée en arrière de nous au point de vue des intérêts matériels, nous devance aujourd'hui quant à la question des transports à. bon marché.

Elle rachète ses canaux pour en offrir la gratuité à l'industrie ; elle abaisse ses péages ; elle fait enfin ce que la raison et la logique commandent de faire pour soutenir la concurrence étrangère ; et cependant veuillez remarquer que la France n'a fait qu'un pas timide dans le libre échange, alors que nous nous y sommes engagés beaucoup plus loin qu'elle.

Il faut donc nous hâter, messieurs, afin de ne pas arriver trop tard.

Je vais à présent préciser davantage mes interpellations à M. le ministre des travaux publics, relativement à quelques voies navigables que je connais plus particulièrement.

La canalisation de la Meuse est commencée entre Chokier et Namur, et je reconnais que ceux des travaux qui ont été adjugés sont poussés avec vigueur ; mais je voudrais savoir en combien d'années l'honorable chef du département des travaux publics pense que ce travail si important, si nécessaire, sera achevé.

Je pense, messieurs, qu'on aurait pu mettre en adjudication un nombre d'écluses ou de barrages plus considérable que celui qu'on y a mis.

MVSTPµ. - C'est une question d'argent.

M. Moncheur. - Précisément, mais je n'approuve point que la question d'argent puisse prédominer ici sur la question industrielle.

L'on a cherché à répartir sur un grand nombre d'exercices les dépenses à faire pour arriver enfin au résultat que l'on veut obtenir, mais cette combinaison purement financière n'était nullement nécessaire et elle est très préjudiciable à la prospérité publique.

Lorsqu'il est démontré à un gouvernement, qui jouit d'un crédit aussi bien établi que le gouvernement belge, qu'un travail est non seulement utile, mais nécessaire et urgent, ce gouvernement devrait se mettre en mesure de le faire le plus tôt possible, fût-ce même au moyen d'un emprunt. Certes, cet emprunt, il le contracterait à des conditions bien favorables, puisqu'il est même question de conversion et de réduction d'intérêt sur la dette actuelle.

On ne peut calculer la perte qui résulte pour l'industrie de ces longs retards.

Je n'ai parlé jusqu'à présent, que de la canalisation de la partie de la Meuse entre Liége et Namur. Mais je désirerais aussi savoir à quoi en sont les études des travaux à faire dans la partie supérieure de la Meuse, c'est-à-dire entre Namur et la frontière française vers Givet. Vous n'ignorez pas, messieurs, que la partie de la Meuse qui est sur le territoire français est canalisée. Toute la Meuse sera donc parfaitement navigable depuis son embouchure jusqu'à Namur, puis sur le territoire français. Il ne restera donc plus à améliorer qu'une lacune relativement restreinte entre Namur et la frontière de France. Le gouvernement voudra sans doute combler cette lacune dans le plus bref délai possible.

Messieurs, les deux honorables préopinants viennent de vous parler longuement des péages, permettez-moi de vous en dire aussi quelques mots.

Lorsque la commission qui a été nommée par M. le ministre des finances, pour s'occuper de cette matière, s'est mise à l'étudier, elle a été frappée du chaos qui y existait.

C'était un véritable dédale, non seulement quant au mode de perception des péages, mais encore quant au taux même de ceux-ci. Vous concevez que le taux est la chose principale, c'est le fond : le mode de perception n'est que la forme.

Or, à la suite du travail de la commission, on a déblayé le terrain ; quant au mode de perception, on y a introduit une certaine uniformité ; mais quant au taux des péages, la diversité, l'inégalité et l'injustice sont restées les mêmes qu'auparavant, sauf la réduction décrétée sur le canal de Charleroi.

Ainsi, les canaux du pays qui sont les plus utiles, les plus nécessaires à l'industrie et dont plusieurs sont très défectueux au point de vue de la navigation, sont, en général, ceux sur lesquels les péages sont les plus élevés ; les canaux, au contraire, qui sont les moins utiles, les moins nécessaires, et qui cependant présentent le plus de facilité à la navigation, sont ceux sur lesquels les péages sont les plus modérés.

Ceux-ci descendent même quelquefois à zéro. Ainsi, je citerai à cet égard à l'honorable ministre des travaux publics, et surtout à l'honorable ministre des finances, une loi vraiment inexplicable, c'est celle du 10 mai 1845, qui affranchit de tous droits les transports entre Ostende et Gand, pour les marchandises venant de la mer, n'importe que ces transports soient opérés par navires de mer ou par bateaux ordinaires.

Cette loi du 16 mai 1845 est ainsi conçue : « L'exemption de tous droits résultant de l'article 26 du traité du 5 novembre 1842 pour la navigation maritime du canal de Terneuzen, sera appliquée, pour le parcours des canaux d'Ostende à Bruges et à Gand, aux navires venant par ces canaux de la mer en Belgique et vice-versa, et à ceux qui, sans venir de la mer, seraient employés au transport ultérieur de la cargaison desdits navires. »

Ainsi, il résulte de cette loi que les charbons anglais, par exemple, qui sont amenés à Gand, soit par navires de mer, soit par bateaux ordinaires, prenant la cargaison des navires à Ostende, sont affranchis de toute espèce de droits.

MVSTPµ. - Il n'en vient pas.

M. Moncheur. - M. le ministre dit qu'il n'en vient pas. C'est possible, mais il en est déjà venu et que savons-nous s'il n'en viendra pas encore ? Et pourquoi n'en vient-il pas, si tant est qu'il en soit ainsi ? C'est que l'industrie belge, qui est engagée dans des dépenses énormes, doit nécessairement faire les plus grands efforts et les plus grands sacrifices pour rester maîtresse de son marché naturel ; ces efforts et ces sacrifices souvent l'épuisent. Il est surtout injuste de les augmenter par un privilège en faveur de l'industrie étrangère.

Voici l'état des choses actuel : Les houilles belges partant de Charleroi, de Mons, de Namur et de la basse Sambre ne peuvent arriver à Gand qu'après avoir vaincu les plus grandes difficultés, après avoir payé sur nos voies navigables des droits fiscaux considérables et si considérables même que les houilles provenant, par exemple, de la basse Sambre, sont complètement exclues du marché de Gand, tandis que le (page 614) charbon anglais est affranchi de tout droit pour arriver sur le même marché de Gand.

Encore, si l'on n'avait affranchi des droits que les navires de mer belges seulement, l'on aurait pu dire que c'était là une protection pour la marine marchande belge, quoique ce mot de protection de l'un au préjudice de l'autre sonne très mal aujourd'hui à nos oreilles ; mais il ne s'agit pas seulement de navires de mer belge, mais de tous navires quelconques employés au transport ultérieur vers Gand d'une cargaison arrivée de la mer eu Belgique.

Eh bien, je dis qu'il est impossible de justifier, à quelque titre que ce soit, une pareille loi.

Mais, dira-t-on peut-être, ce canal d'Ostende à Gand n'a rien coûté à l'Etat ; c'est un canal ancien et il est inutile d'y percevoir des droits qui ne seraient que la rémunération de services qui n'ont pas été rendus par l'Etat belge et la restitution de capitaux que celui-ci n'y a pas employés.

Messieurs, si cette objection était fondée, on pourrait, comme l'a dit un honorable préopinant, l'appliquer à plus forte raison aux canaux de Charleroi et de la Sambre canalisée qui ont remboursé à l'Etat deux et trois fois ce qu'ils ont coûté.

Ceux-là n'exigent plus non plus une rémunération ni un remboursement quelconque ; mais pareille objection ne serait pas fondée en ce qui touche le canal de Bruges à Gand, car on vient de dépenser entre cinq et six millions pour l'élargir.

Eh bien, c'est pourtant sur ce canal que l'on affranchit de toute espèce de droits de navigation les marchandises quelconques qui viennent de l'étranger, tandis que l'on frappe de droits de navigation les marchandises provenant de l'intérieur du pays.

Messieurs, expliquera qui pourra une pareille anomalie dans notre législation, quant à moi, je ne le pourrais pas.

MVSTPµ. - C'est que le canal de Terneuzen est affranchi en vertu des traités.

M. Moncheur. - On conçoit que le canal de Terneuzen soit affranchi, parce que c'est un canal international ; mais ce n'est pas une raison pour affranchir l'un des canaux intérieurs du pays plutôt que les autres.

MVSTPµ. - Les charbons anglais, s'il nous en arrivait, suivraient la voie du canal de Terneuzen.

M. Moncheur. - Mais sur le canal de Terneuzen on n'affranchit des droits que les navires de mer, tandis que d'Ostende à Gand, on affranchit non seulement les navires de mer, mais encore les bateaux ordinaires prenant à Ostende les cargaisons des navires de mer ; de sorte par exemple, qu'un bateau de 200 tonneaux de charbon provenant d'une cargaison anglaise et naviguant d'Ostende vers Gand est complètement exempt de droits, tandis qu'un autre bateau de charbon provenant d'un charbonnage belge et allant de Gand vers Ostende est soumis aux droits ordinaires de navigation. Je demande si cela est juste, si cela est raisonnable.

Messieurs, je désire qu'on ne se méprenne pas sur le sens de mes paroles ni sur mes intentions. Je suis tellement l'ami des transports à bon marché que je félicite beaucoup les localités du pays qui possèdent des canaux affranchis de tout droit de navigation. Je les félicite de cet avantage et je désire qu'elles le conservent, niais ce que je désire aussi c'est qu'on se rapproche autant que possible du beau idéal et que les uns ne payent pas tout tandis que les autres ne payent rien...

- Une voix. - Et la Meuse ?

M. Moncheur. - Et la Meuse ? dit-on. Je reconnais que les péages de la Meuse sont très modérés, parce que c'est un fleuve international et que les droits ont été fixés par les traités ; mais si on considère la canalisation de la Meuse et si l'on veut faire une répartition juste et équitable, dans tout le pays, des droits de navigation, la Meuse sera prête à payer sa part.

MVSTPµ. - C'est impossible, les traités s'y opposent.

M. Moncheur. - Les traités ne sont pas immuables, et le fait de la canalisation complète du fleuve serait assez important pour qu'on les modifiât au besoin. (Interruption.)

J'ajoute que dans la plupart des pétitions adressées à la législature par les industriels pour obtenir la canalisation de la Meuse, on prévoyait l'éventualité de la modification des traités à cet égard et que l'on déclarait qu'on préférait de beaucoup voir des droits nouveaux établis sur la Meuse canalisée que de rester en présence d'une navigation presque impossible sur ce fleuve abandonné à lui-même.

MVSTPµ. -Une fois la, canalisation faite, ils ne tiendront plus ce raisonnement,

M. Moncheur. - Au surplus, si vous êtes en présence d'une force majeure qui vous empêche d'établir un péage plus élevé sur la Meuse, ce n'est pas une raison pour maintenir un état de choses dont on se plaint dans toutes les autres parties du pays où cette force majeure n'existe pas.

Messieurs, je crois en avoir dit assez sur la question des péages ; elle doit, à mon avis, être l'objet d'une révision entière.

J'arrive maintenant à un autre objet. Je désirerais que l'honorable ministre des travaux publics voulût bien faire son possible pour arriver à l'établissement d'une seconde voie sur le chemin de fer de la compagnie du Luxembourg, tout au moins entre Bruxelles et Namur.

Le trafic sur cette ligne est extrêmement important ; cette ligne est prospère et elle déjà concédée depuis quelque chose comme 17 ans ; il semble que le temps est bien arrivé pour établir la seconde voie, partout où celle-ci est le plus nécessaire. Dans tous les cas, je rappellerai à M. le ministre des travaux publics que de la loi de concession du 18 juin 1846 il résulte que tout au moins sur la section de Bruxelles à Ottignies, il y a obligation pour la compagnie d'établir la seconde voie que je réclame. Voici, en effet, messieurs, comment s'exprime l'article 3 du cahier des charges, qui est joint à la convention faite entre la compagnie du Luxembourg et le ministre des travaux publics.

« Art. 5. Le chemin de fer sera à double voie.

« Les concessionnaires sont toutefois autorisés à ajourner l'établissement de la deuxième voie sur les sections autres que celle de Bruxelles à Wavre, ainsi que sur les embranchements, jusqu'à l'époque où l'activité de la circulation leur en fera reconnaître la nécessité. »

Vous voyez, messieurs, que sur la section de Bruxelles à Wavre, à laquelle est substituée aujourd'hui la section de Bruxelles à Ottignies, il y a obligation pour la compagnie du Luxembourg d'établir une seconde voie. Quant au reste de la ligne, on lui a donné, il est vrai, carte blanche. L'article 3 dit bien d'abord que le chemin de fer sera à double voie, mais on ajoute ensuite que la compagnie pourra ajourner la seconde voie jusqu'à l'époque où les besoins de la circulation en rendront l'établissement nécessaire.

J'appelle l'attention de l’honorable ministre des travaux publics sur ce point parce qu'il y a toujours beaucoup de danger à n'avoir qu'une simple voie sur un chemin de fer où se trouve une grande circulation.

M. d’Hoffschmidtµ. - L'intérêt de la compagnie doit l'y engager.

M. Moncheur. - C'est mon avis, mais il paraît que jusqu'à présent elle est un peu sourde à la voix de son propre intérêt.

Enfin, je désirerais, messieurs, savoir où en est la ligne du chemin de fer de l'Ourthe. Dans la réponse donnée par M. le ministre des travaux publics à une question qui lui était adressée par la section centrale, le gouvernement a dit qu'il avait l'espoir de pouvoir donner, dans un avenir prochain, un caractère définitif ; je désirerais savoir si cet espoir s'est réalisé.

MVSTPµ. - Oui, c'est fait.

M. Moncheur. - 'en suis très satisfait.

Je borne ici mes observations pour le moment.

M. Rodenbach. - Messieurs, nous voyons avec beaucoup de plaisir, dans l'intérêt du pays, dans l'intérêt des ouvriers de Gand et de Courtrai, que le gouvernement prend à cœur les travaux de la Mandel ; nous espérons qu'on mettra la main à l'œuvre cet été, et que l'on commencera à Roulers l'exécution de ce canal. Je recommande instamment cet objet à la sollicitude de M. le ministre des travaux publics.

Messieurs, la régence d'Iseghem, arrondissement de Roulers, me signale que sur toute la ligne du parcours du chemin de fer de la Flandre occidentale, une ligne télégraphique a été établie, mais qu'il y a une lacune à Iseghem. Iseghem est une petite ville assez importante, elle a au-delà de 9,000 habitants.

Il y a des fabriques de toile et des usines considérables. On y trouve au moins 400 cordonniers, Iseghem envoie des chaussures dans toute la province, même à Bruxelles. On en exporte en France et en Angleterre. C'est donc une industrie importante.

La brosserie, à Iseghem, occupe également un grand nombre d'ouvriers. Pourquoi cette ville, intéressante à tant de titres, n'est-elle pas reliée à la ligne télégraphique ? Le commerce se ressent trop de cet état de choses, pour que je n'appelle pas sur ce point l'attention bienveillante de M. le ministre des travaux publics.

J'ai encore reçu des plaintes de l'administration communale et de la chambre de commerce de Roulers ; il s'agit de l'organisation des convois sur la ligne ferrée de la Flandre occidentale ; le départ du train du matin de Roulers ne correspond pas avec le premier départ du chemin de fer de l'Etat pour la France, Gand et Bruxelles. Je ne sais à quoi attribuer ce (page 615) vice d'organisation ou plutôt d'administration qu'il importe de faire cesser au plus tôt dans l'intérêt des localités lésées.

La situation faite à la ville de Roulers, qui fournit incontestablement la plus grande somme de ressources à la compagnie, ne se justifie point.

On a fait, à cet effet, des démarches auprès de la société des chemins de fer de la Flandre ; mais elles n'ont pas été couronnées de succès.

Je prie l'honorable M. Vanderstichelen de vouloir bien tenter un nouvel effort auprès de cette compagnie pour faire cesser ces irrégularités dans le service.

Messieurs, j'approuve l'augmentation qui est proposée en faveur des facteurs de poste ruraux et autres.

Si je suis bien instruit, l'intention de M. le ministre des travaux publics est d'augmenter le nombre des bureaux de distribution des lettres lorsque dans le prochain budget on allouera une plus forte somme pour l'amélioration de la poste ; j'ai réclamé un bureau de distribution pour les communes d'Ostroosebeke, Hooglede et Aerseele ; ces communes sont très importantes, les affaires commerciales y prennent de jour en jour un plus grand développement.

J'ai confiance dans les bonnes intentions de M. le ministre, et j'aime à croire que les réclamations dont je me suis fait l'organe recevront une bonne solution.

Projet de loi relatif aux concessions minières

Rapport de la section centrale

M. Pirmez. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi apportant des modifications à la loi du 21 avril 1810.

- Impression, distribution et mise à l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1863

Discussion générale

M. de Gottal. - Messieurs, je désire présenter quelques observations à M. le ministre des travaux publics. Si je ne reproduis pas celles que je me vois malheureusement obligé de présenter à chaque discussion du budget des travaux publics, relativement à l'état de navigabilité de l'Escaut, c'est uniquement pour ne pas abuser des moments de la Chambre.

Mais il me semble que cette question a été un peu négligée depuis l'année dernière ; je crois savoir que les sondages qui ont été effectués, l'ont été d'une manière très imparfaite.

Non seulement à mes yeux la queston n'a pas perdu de son importance ; mais un fait récent me prouve que les craintes qu'on a manifestées ne sont pas dénuées de fondement. Vous avez vu qu'à la dernière visite de la princesse Alexandra de Danemark, des navires ont dû rester à Flessingue. Or, on ne peut pas considérer ce fait comme s'expliquant par l'état des marées, car les marées, à cette époque de l'année, sont plus hautes que dans la bonne saison.

J'appelle donc de nouveau sur ce point l'attention spéciale de M. le ministre.

Je crois qu'il serait intéressant pour la Chambre de voir, à chaque présentation du budget, indiquer par le département des travaux publics le résultat des sondages opérés dans l'année. On pourrait se rendre aussi compte des perturbations successives, auxquelles j'engage le gouvernement à porter remède autant et aussi promptement que possible.

Il est un autre point sur lequel j'appelle l'attention de l'honorable ministre ; je veux parler de la reconstruction des musoirs des nouveaux bassins, à Anvers. J'espère que cette reconstruction n'éprouvera pas de retard ; j’espère aussi que cette fois on n'y procédera plus avec la légèreté, je devrais même peut-être dire avec la même incurie, que l'on a mise à exécuter les travaux primitifs.

Les avis n'ont cependant pas manqué au département des travaux publics, et les craintes, les tristes prévisions que l'on avait sur la construction, telle qu'elle se faisait, ne se sont malheureusement que trop réalisées.

Si sur ces deux points je me crois obligé de stimuler quelque peu le zèle de l'honorable ministre, je ne saurais assez le faire pour obtenir que l'on mette enfin la main aux travaux du canal de St-Job in 't Goor, pour lesquels des crédits ont déjà été votés par la Chambre. Je ne conçois pas vraiment le motif qui peut s'opposer à ce qu'on mette la main à l'œuvre, alors qu'il s'agit d'un travail de la plus grande utilité pour des contrées qui forment une des parties les plus déshéritées de notre territoire.

Quelles que soient les explications que l'honorable ministre pourra me donner à ce sujet, je n'en insisterai pas moins pour que l'on ne retarde plus, sous aucun prétexte, l'exécution d'un travail si vivement réclamé.

Messieurs, une dernière observations qui a son importance, et je termine.

D'après les conventions conclues avec les compagnies concessionnaires auxquelles le gouvernement a garanti un minimum d'intérêt lorsque les recettes dépassent un certain taux, l'excédant des recettes doit faire retour au trésor jusqu'au remboursement complet des sommes payées pour parfaire le minimum d'intérêt.

Il paraît que cette clause n'est pas toujours exécutée. Quand les compagnies ont quelque chose à réclamer de l'Etat, elles ne manquent pas de lui envoyer à temps leurs comptes annuels ; mais quand le minimum est dépassé et que les compagnies n'ont rien à réclamer, elles mettent un très long retard à envoyer leurs comptes et même parfois l'oublient entièrement ; de cette manière, le gouvernement ne peut pas s'assurer que la clause à laquelle je viens de faire allusion est exécutée ; il ne saurait donc faire rentrer au trésor les sommes qui aux termes de cette clause doivent être remboursées.

J'appelle sur ce point l'attention toute spéciale de M. le ministre des travaux publics, et l'engage à tenir sévèrement la main à ce que les sommes dues de ce chef au trésor y soient réintégrées.

M. Cumontµ. - Messieurs, je commencerai par remercier le gouvernement des nombreux projets de concession qu'il propose d'accorder ; je remercierai principalement M. le ministre des travaux publics pour le canal de Mons à Alost qui est aussi d'une grande utilité pour l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter ici.

Messieurs, si je suis bien renseigné, les fonds alloués pour ces travaux sont insuffisants pour les pousser avec toute l'activité désirable, dans l'intérêt des localités que le canal doit desservir. Je prierai M. le ministre des travaux public de prendre les mesures nécessaires afin que ces travaux ne soient pas entravés. lI y a avantage à cela sous tous les rapports.

D'abord pour faire jouir les riverains des avantages incontestables que ce canal doit procurer ; ensuite, parce que, plus tôt les travaux seront achevés, plus tôt le gouvernement rentrera dans les péages qui doivent en payer les intérêts.

Maintenant, messieurs, je me permettrai d'attirer l'attention de M. le ministre des travaux publics sur le projet de chemin de fer de Courtrai à Denderleeuw.

Ce chemin de fer jusqu'à Sottegem et Audenarde traverse des localités très importantes ; mais arrivé à Sottegem on le fait se diriger sur Denderleeuw et traverser des localités assez insignifiantes ; tandis que s'il se dirigeait de Sottegem vers Alost il trouverait plusieurs communes très populeuses, ainsi que vous pourrez vous en convaincre par la nomenclature suivante :

Grootenberghe, 897 habitants, Herzele 2,000, Hillegem 1,151, Ressegem 825, Aygem 1,707, Bambrugge 760, Borsbeke 977, Burst 783, Haltert 3,149, Meire 2,468, Erpe 2,003 et Nieuwkerken 2,355. Total, 19,033 habitants.

Quant à la distance, je l'ai encore mesurée aujourd'hui ; j'ai constaté qu'elle serait beaucoup plus longue par Denderleeuw que par Alost.

MpVµ. - M. Cumont, vos observations me semblent se rattacher plutôt au projet de concession de nouveaux chemins de fer que nous aurons à discuter bientôt.

M. Cumontµ. - Si la Chambre le désire, j'ajournerai mes observations.

- Plusieurs membres. - Non ! non ! continuez !

M. Cumontµ. - J'ai cru pouvoir appeler dès maintenant l'attention de M. le ministre des travaux publics sur ce point, parce que la convention devant être conclue sous peu, il serait possible qu'une détermination fût prise, sur laquelle il fût difficile de revenir plus tard. Je prie donc M. le ministre des travaux publics de bien examiner s'il n'y aurait pas lieu de diriger le chemin de fer, à partir de Sottegem, vers Alost plutôt que vers Denderleeuw. Pour moi, je suis convaincu qu'il y aurait tout avantage et pour la compagnie concessionnaire et pour les localités à adopter la direction que je recommande.

M. Tack. - La section centrale a demandé à M. le ministre des travaux publics si le gouvernement s'occupe des améliorations à faire dans le bassin de la Lys. M. le ministre a répondu qu'une adjudication (page 616) avait eu lieu pour deux écluses, celle d’Astene et celle de Vive-Saint-Eloy, il a ajouté que, moyennant ces travaux et quelques améliorations à apporter à des ouvrages d'art, notamment à l'écluse d'Harlebeke, il considérait la canalisation de la Lys comme terminée.

J'ai été heureux d'apprendre que les travaux d'amélioration de la Lys vont être poussés, cette année, avec beaucoup d'activité et d'énergie ; mais je ne puis pas admettre la conclusion que, moyennant les travaux annoncés, la canalisation de la Lys puisse être considérée comme achevée. Mais d'abord, en ce qui concerne l'écluse d'Harlebeke, je pense qu'il ne s'agit point là d'une simple modification à faire à l'écluse ; pour atteindre le but qu'on se propose, à savoir la continuité de la navigation, il faudrait faire à Harlebeke un travail analogue à celui qui a été exécuté à l'écluse de Vive-Saint-Eloy, c'est-à-dire qu'on devrait y établir une écluse à sas, de manière à rendre la navigation continue entre le canal de Bossuyt et le canal de Deynze à Schipdonk qui sera incessamment livré à la navigation, et aussi entre le canal de Bossuyt à Courtrai et le canal de la Mandel, dont la construction a été décrétée, si tant est qu'on embranche ce dernier canal en aval d'Harlebeke.

Mais un autre travail sur lequel j'appelle l'attention spéciale de M. le ministre des travaux publics et que déjà antérieurement j'ai signalé à diverses reprises, c'est le redressement des courbes et des anfractuosités que présente la rivière sur différents points : Il est tel endroit de la Lys où, après une navigation de 5 à 6 heures, on arrive au point de départ.

On pourrait rectifier aisément ces détours en faisant des coupures qui n'exigeraient pas une grande dépense, et on économiserait beaucoup de temps à la navigation. On a objecté, je le sais, que ces travaux pourraient occasionner des dangers, au point de vue des inondations, en occasionnant un écoulement des eaux trop rapide ; mais je ne pense pas que cette objection soit bien sérieuse. Le canal de Schipdonck fonctionnera sous peu comme canal de dérivation et par conséquent l'évacuation des eaux de la Lys pourra se faire promptement par cette voie, comme d'autre part on restera constamment maître, au moyen des barrages, de ralentir le cours des eaux, s'il le fallait.

Il serait donc extrêmement facile de conjurer tout danger d'inondation.

C'est du reste en opérant promptement un vide dans le bassin inférieur qu'on parviendra à faire écouler les eaux surabondantes provenant de la haute Lys, de la Scarpe et des autres cours d'eau qui ont leur origine en France.

J'appelle donc l'attention de M. le ministre des travaux publics sur ce point, et j'insiste aussi pour qu'il veuille bien ordonner des études pour rechercher s'il n'y aurait pas nécessité de mettre immédiatement la main à l'œuvre et faire les redressements dont je viens de parler en vue principalement de la prochaine ouverture du canal de Schipdonck à la navigation.

La question des péages qu'a traitée tout à l'heure M. Sabatier me paraît également digne de la sollicitude de l'honorable ministre.

Effectivement, messieurs, le péage sur la Lys est trois fois plus élevé que celui perçu sur l’Escaut.

La compagnie concessionnaire du canal de Bossuyt a fait des sacrifices en abaissant les péages sur cette nouvelle voie navigable dans de notables proportions ; c'est une raison pour le gouvernement d'en faire autant et de suivre en cela le bon exemple qui lui a été donné.

Ce n'est que par l'abaissement des péages qu'on attirera la navigation dans le bassin de la Lys et c'est aussi le seul moyen pour le gouvernement d'arriver à payer le moins possible du chef de la garantie du minimum d'intérêt qu'il s'est engagé à payer à la compagnie concessionnaire du canal de Bossuyt.

L'honorable M. Cumont a signalé à l'attention de M. le ministre des travaux publics la ligne projetée de Courtrai à Denderleeuw ; et il a demandé que contrairement au projet soumis à la Chambre, la ligne qui doit se diriger sur Denderleeuw soit détournée de cette direction pour prendre celle d'Alost.

Cette discussion, messieurs, est évidemment prématurée et je ne m'appesantirai pas sur les motifs qui militent contre l'opinion de l'honorable M. Cumont. Je me bornerai à dire que le but de la ligne projetée est de permettre aux habitants de la Flandre occidentale d'arriver le plus tôt possible dans la capitale, c'est de raccourcir la distance qu’il y a entre la ligne de la Flandre occidentale et Bruxelles.

Or, d'après l'honorable M. Cumont, il s'agirait, au contraire, de faire décrire au nouveau chemin de fer des courbes qui allongeraient la distance, ce qui ne serait rien moins que d'enlever à la nouvelle voie ferrée sa raison d'être.

Quand le moment sera venu de discuter cette question, je la traiterai d'une manière plus approfondie, si l'honorable M. Cumont persiste dans sa demande,

M. Hymans. - Je désire soumettre quelques observations a. M. le ministre des travaux publics, sur deux ou trois objets qui intéressent l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter.

Je demanderai d'abord s'il y aurait un obstacle à ce qu'on établît une halle sur la ligne du chemin de fer de Bruxelles à Malines, entre cette dernière station et Vilvorde. Le chemin de fer passe là entre deux communes très populeuses, Sempst, qui compte 3,000 habitants, et Weerde, qui en compte 700.

Dans un rayon assez limité, il y a plusieurs communes dont la population réunie s'élève à 10,000 habitants. Je ferai remarquer que la ligne de Bruxelles à Malines est la seule qui, sur une si grande distance, n'ait qu'une seule station.

De Malines à Louvain, pour 24 kilomètres, il y a trois stations (Boort-Meerbeek, Haecht et Wespelaer) ; de Malines à Anvers, 24 kil., 3 stations (Duffel, Contich, Vieux-Dieu) ; de Malines à Termonde, 26 kilom., 4 stations (Cappellc, Londerzeel, Malderen, Buggenhout) ; de Bruxelles à Malines, 20 kilom., une seule station.

On me répondra qu'on avait établi autrefois une station à Sempst et qu'on a dû la supprimer parce qu'elle ne produisait pas une recette suffisante.

Je ferai remarquer que c'était au commencement de l'exploitation du chemin de fer et que les communes intéressées n'avaient pas alors de communication avec la voie ferrée.

Aujourd'hui quelques petites voies pavées suffiraient pour mettre les communes de Sempst, de Wcerde et les environs en relation directe avec le chemin de fer et créer ainsi un trafic assez notable.

Voilà le premier point sur lequel j'appelle l'attention de M. le ministre.

Ma seconde observation porte sur le péage du pont qui se trouve sur la Senne à l'extrémité du prolongement de la rue des Palais, à Schaerbeek. Ce péage est très onéreux pour les ouvriers.

M. Coomans. - Et très ennuyeux.

M. Hymans. - Il est ennuyeux, désagréable pour tout le monde, mais onéreux surtout pour les ouvriers qui travaillent dans les usines avoisinantes et qui sont forcés, s'ils ne veulent subir un impôt répété trois ou quatre fois par jour, de faire un détour considérable.

Le pont a été fait par une compagnie à une époque où l'Etat devait consacrer ses ressources à des travaux plus urgents.

Aujourd'hui que la situation a changé, on ferait acte de justice en rachetant la concession de la compagnie.

M. Muller. - Partout ailleurs aussi.

M. Hymans. - Permettez-moi de défendre mes commettants, vous défendez très bien les vôtres.

J'appelle sur ce point l'attention bienveillante de M. le ministre des travaux publics.

Ma troisième observation se rapporte au chemin de raccordement entre les stations du Nord et du Midi à Bruxelles.

Il y a longtemps qu'on parle de porter ce chemin à l'extérieur de la ville. Je demanderai à M. le ministre à quoi en sont les études sur ce point. Ce chemin est très gênant pour les habitants.

Si mes renseignements sont exacts, il existe une convention entre l'Etat et la ville, aux termes de laquelle les convois doivent marcher lentement là où ils traversent nos rues. cette convention n'est pas exécutée.

Puisque j'ai la parole, je me permettrai d'appuyer les observations présentées, au début de la séance, par l'honorable M. Sabatier. Le canal de Charleroi n'intéresse pas seulement l'arrondissement que représente mon honorable ami, il intéresse aussi à un haut degré les consommateurs de l'arrondissement de Bruxelles.

Les observations de M. Sabatier se rattachent d'ailleurs a une question générale, elles sont très importantes au point de vue financier et au point de vue économique.

Au point de vue financier je crois avec l'honorable membre que l'abaissement des péages amènerait une augmentation de recettes ; au point de vue économique mon opinion est, je crois que c'est aussi celle du gouvernement, que l'abaissement des péages et des transports doit marcher de pair avec l'extension de la liberté commerciale.

Plus on activera la concurrence sur ce terrain, plus on développera le travail national, et la richesse publique. Je verrais donc avec plaisir présenter la proposition de loi annoncée par nos honorables amis et je m'y rallierais avec empressement.

Projet de loi exemptant de droits de douanes certaines marchandises incendiées

Rapport de la section centrale

M. de Boe. - J'ai l'honneur de déposer le rapport sur le projet de loi portant exemption du droit de douane en faveur des marchandises détruites lors de l'incendie de l'entrepôt Saint-Félix, à Anvers.

(page 617) Ce rapport sera imprimé et distribué, et mis à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1863

Discussion générale

M. Coomans. - Je demande depuis longtemps, sans pouvoir obtenir de réponse qui me satisfasse, pourquoi on ne joint pas de simples waggons aux trains exprès.

La Belgique est un des pays où les chemins de fer devraient être le plus libéralement administrés, parce que les chemins de fer y sont en grande partie entre les mains du gouvernement, qui se trouve ainsi à même de prêcher d’exemple ; je n'ai jamais été de l'avis de ceux qui veulent que les chemins de fer soient exploités commercialement en Belgique et je n'admets pas que le gouvernement soit trafiquant.

On a organisé chez nous des trains express, comme en d'autres pays, on a parfaitement fait ; il est inutile d'arrêter souvent des voyageurs qui n'ont rien à faire aux stations intermédiaires. D'abord on n'avait mis dans ces trains que des voitures de première classe, des véhicules aristocratiques, ensuite à certains trains on a ajouté des voitures de deuxième classe. Mais on s'est refusé à y adjoindre des voitures de troisième classe.

- Une voix. - C'est la loi.

M. Coomans. - Eh bien, la loi est mauvaise si elle existe ; c'est d'ailleurs une mauvaise raison à donner à des législateurs disposés à modifier cette loi. (Interruption.)

Je doute que la loi défende d'ajouter des waggons aux trains express, quoique l’honorable ministre me l'affirme. Si la loi permet à M. le ministre de fixer les péages à son gré, je ne vois pas pourquoi elle lui défendrait de composer les trains de telles ou telles voitures.

Du reste, peu importe ! Je suis enchanté d'apprendre qu'il n'y a que l'obstacle de la loi. Celui-là, nous pouvons le renverser si le gouvernement y met un peu de bonne volonté.

J'avais entendu une autre objection ici, mais on l'a sans doute trouvée si faible que l'on aura la prudence de ne pas la reproduire. On avait dit qu'il résulterait de cette réforme une grande diminution de recettes.

Je ne le pense pas, mais quand même cela serait vrai, je ne reculerais pas devant cette perte négative.

Notre but principal ne doit pas être de ramasser de l'argent, mais bien de nous montrer justes avant tout.

Or, nous commettons ici une injustice flagrante et d'autant plus absurde qu'elle est inutile. Nous empêchons les classes inférieures de profiter d'un avantage offert à toutes les autres.

Quel intérêt a donc l'Etat à forcer les pauvres à faire un trajet double en durée de celui des voyageurs riches ? Pourquoi ne permettez-vous pas au pauvre ouvrier de traverser la Belgique en 5 heures ? Pourquoi l'obliger à consacrer 12 heures à ce trajet ? Vous lui votez son temps, son travail, sa principale, presque sa seule propriété.

Il n'est pas vrai que l'exploitation des trains express coûte plus cher que les autres. C'est tout le contraire qui est vrai. Les trains express coûtent moins cher que les trains ordinaires parce qu'ils vont plus vite et qu'ils causent moins d'usure au matériel. (Interruption.)

Le transport d'une voiture par train ordinaire coûte plus cher que le transport de cette même voiture par train express. Je n'ai pas besoin, je pense, d'insister sur cette démonstration.

Ici se présente naturellement cette remarque qu'il est inconcevable que, les trains express coûtant moins cher que les trains ordinaires, le gouvernement les fasse payer plus cher au public. C'est là encore une anomalie dont je ne puis me rendre compte.

Du reste à cet égard le gouvernement belge est presque seul de son avis, puisque dans la plupart des pays de l'Europe il n'y a pas deux tarifs. (Interruption.) Dans la plupart des pays où j'ai voyagé, j'ai pu me convaincre que le prix des express est le même que celui des trains ordinaires.

L'honorable ministre des travaux publics me contredira peut-être, mais j'affirme que cela est vrai en général pour la France, pour l'Allemagne et pour L’Italie.

Messieurs, j'insiste sur l'injustice qu'il y a de ne pas adjoindre de voitures de troisième classe aux trains express. C'est une injustice criante et une injustice inutile.

C'est une injustice parce que vous ne pouvez pas priver les classes pauvres des avantages que vous accordez aux classes supérieures et c'est inutile parce que cela ne rapporte pas un centime à l'Etat.

Je suis convaincu que beaucoup de personnes pauvres s'abstiennent de voyager parce qu'il leur est impossible de voyager au prix des premières.

Les ouvriers qui par nécessité ou par plaisir voudraient se transporter en un jour dans un certain endroit et en revenir s'en abstiennent parce qu'il leur faudrait prendre un express et que leurs moyens ne leur permettent pas cette dépense.

Je désire que l'honorable ministre, puisqu'il ne semble trouver d'autre obstacle à la réforme que je sollicite, que la prétendue loi qui existe, vienne vous proposer des modifications à cette loi.

Messieurs, un mot sur une autre anomalie dont je ne parviens pas à me rendre compte. On a permis de fumer dans les voitures de première classe et je pense que l'on a bien fait. Mais pourquoi n'a-t-on pas permis de fumer dans les voitures de seconde ? Pourquoi n'a-t-on pas créé des compartiments particuliers pour les fumeurs dans les voitures de deuxième classe ? Je ne le comprends pas.

Est-ce pour obliger les fumeurs à prendre des premières ?

Messieurs, je n'admets pas la coaction en ces matières.

A l'origine de l'exploitation de nos chemins de fer on dénudait les voitures de troisième classe pour mouiller sciemment les voyageurs afin de les obliger à prendre des voitures d'un prix supérieur.

J'ai trouvé cela inhumain et bête, je lâche le mot. Cet usage a persisté plusieurs années. Enfin on s'est dit qu'il est déraisonnable de forcer les voyageurs par des violences physiques, à prendre des places que leur bourse ne leur permet pas facilement d'atteindre. On a couvert les waggons, et l'on a bien fait.

Un jour, avant cette réforme, un fonctionnaire supérieur essaya de mjeconvaincre qu'il serait dangereux de couvrir les waggons et de rendre ces voitures, de même que les secondes, trop commodes, parce qu'il en résulterait de grands déficits au budget ; il admirait le régime anglais qui supprime sur beaucoup de chemins de fer et sur beaucoup de convois les bancs, et force les voyageurs à rester debout. Il proposa au ministre d'enlever les bancs de nos troisièmes.

Je fis observer à ce haut fonctionnaire qu'il y avait un moyen bien simple et très économique d'arriver au même résultat : je l'engageait à ne pas supprimer les bancs, travail coûteux et long, mais à les garnir de clous, pour empêcher le public de s'asseoir. (Interruption.) Mon idée ne fut pas adoptée ni la sienne non plus.

Ne rendons pas les voyages plus incommodes qu'ils ne le sont, Rendons-les aussi commodes, aussi économiques que possible.

Améliorons toutes les voitures.

Les premières sont encore améliorables. Les secondes aussi de même que les troisièmes.

Améliorez tout ; économisez surtout le temps des voyageurs. Admettez le peuple au prix des trains ordinaires, sur vos trains express qui, je le répète, coûtent beaucoup moins cher que les autres et vous agirez sagement. Je crois aussi que vous ne feriez pas mal d'établir des compartiments spéciaux pour les fumeurs. C'est précisément parce que je ne suis pas fumeur que je soumets cette idée à l’honorable ministre, car il me répugne quand je me trouve en seconde et qu'un voyageur me demande poliment la permission de fumer, il me répugne, dis-je, de l’en empêcher.

Mais s'il y avait des voitures spéciales, les personnes des deux sexes, qui n'aiment pas le cigare pourraient obliger les amateurs à se rendre dans les compartiments spéciaux. Et au point de vue financier, je ferai remarquer que cette amélioration serait assez ingénieuse, parce qu’on m’assure qu'il y a aujourd'hui des personnes qui, sous prétexte qu'on ne peut pas fumer dans les secondes, vont se mettre dans les troisièmes. Enlevez-leur ce prétexte, et vous amènerez quelques écus de plus dans la caisse.

Mais j'insiste surtout sur l'adjonction de voitures de seconde et de troisième classe à tous les trains express.

Un mal encore.

J'ai été souvent indigné de la rapacité ingénieuse avec laquelle, je ne dis pas le gouvernement, mais des compagnies arrangent les coïncidences ; c'est-à-dire qu'il y a de prétendues coïncidences ou la coïncidence cesse ; ou vous devez sortir des waggons ou des secondes pour prendre forcément des premières sous peine de ne pouvoir continuer le voyage.

J'ai vu sous ce rapport des scènes très tristes, des personnes qui avaient pris juste l'argent nécessaire pour faire le voyage et qui peut-être n'en avaient pas davantage, ne connaissant pas bien tous ces petits calculs financiers, se sont trouvés dans un fâcheux embarras. Elles étaient forcées de prendre des premières ou de rester dans le débarcadère, où on les avait déposées. Faute d'argent elles ont couché à la belle étoile.

Messieurs, ce sont là des petitesses, ce sont des inconvénients, et lorsqu'on est gouvernement, lorsqu'on est le maître des chemins de fer, on devrait les faire cesser le plus tôt possible. A la place de M. le ministre, je ne laisserais pas passer la semaine prochaine sans avoir donné deux ou trois bonnes petites signatures dans ce sens.

M. d'Hoffschmidt. - J'ai demandé la parole seulement pour obtenir quelques renseignements de l'honorable ministre des travaux publics.

(page 618) Nous avons voté l’année dernière un assez grand nombre de concessions de chemins de fer, d'un développement de plus de 600 kilomètres. Je désirerais savoir si les concessionnaires s'occupent de l'exécution de leurs engagements, et s'il y a espoir de voir bientôt commencer la plupart de ces travaux. Si M. le ministre peut nous donner quelques explications satisfaisantes à cet égard, je crois que cela fera plaisir au pays ; car la question intéresse un très grand nombre de localités.

Les conditions qui figurent dans les cahiers des charges donnent une certaine action au gouvernement sur les compagnies concessionnaires. Il y a, par exemple, celle qui consiste à obliger les concessionnaires à présenter à l'approbation du gouvernement les plans des tracés et les profils endéans les six mois de l’arrêté royal qui accorde la concession définitive.

Je crois que M. le ministre des travaux publics doit tenir la main à l'exécution de cette obligation, car de cette exécution dépend le commencement plus ou moins prompt des travaux.. Il y a certaines concessions dont le délai pour l'achèvement du chemin de fer date, non pas de l'arrêté royal qui accorde la concession définitive, mais de l'approbation par le gouvernement des plans présentés par la société. Il s'ensuit que si la société tarde à soumettre ses plans au gouvernement, les travaux sont nécessairement retardés.

Du reste, c'est l'intérêt des compagnies, comme c'est l'intérêt du pays que ces grandes lignes de chemin de fer qui ont été accordées avec tant de faveur ne restent pas longtemps lettre morte, qu'elles soient exécutées, aussi promptement que possible.

Je le répète donc, je crois que M. le ministre des travaux publics doit tenir très fortement la main à ce que les sociétés concessionnaires accomplissent ce premier engagement, de soumettre dans le délai, déterminé leurs plans à l'approbation du gouvernement. Ce n'est du reste leur demander qu'une chose très simple, très facile. Mais déjà maintes fois il est arrivé que dans des occasions semblables les compagnies restaient en arrière et qu'il en résultait de longs retards dans le commencement des travaux.

Si M. le ministre des travaux publics veut bien nous donner quelques explications, non pas aujourd'hui, car la séance est très avancée, mais demain, nous lui en serons reconnaissants.

- La séance est levée à 4 heures trois quarts.