Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 19 novembre 1863

( Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1863-1864)

(Présidence de M. Lange, doyen d'âgeµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 35) M. Jacobsµ procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Conninckµ donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.

Vérification des pouvoirs

Arrondissement de Bruges

MpLangeµ. - Le premier objet à l'ordre du jour est le rapport supplémentaire sur l'élection de Bruges. Je demanderai à M. le rapporteur de la commission qui est chargée de vérifier cette élection si elle est prête à déposer son rapport sur l'enquête judiciaire.

M. Nothomb, rapporteurµ. - Messieurs, le dossier m'a été remis hier ; il est très volumineux ; j'en ai commencé l'examen dès hier ; j'y ai consacré une partie de la nuit et la matinée tout entière ; je suis seulement parvenu à trier le dossier, et à classer les dépositions des témoins selon les faits auxquels elles se rapportent : il m'est dès lors impossible de déposer un rapport en ce moment et même de convoquer la commission.

MpLangeµ. - Je pense dès lors qu'il ne reste à la Chambre que de s'ajourner ; on ne peut pas intervertir l'ordre du jour. A quand la Chambre veut-elle fixer sa prochaine séance ?

- Des membres. - A mardi.

- D'autres membres. - A mercredi.

M. Mullerµ. - Messieurs, avant de parler de nous ajourner à mardi ou à mercredi, il faut d'abord savoir ce qu'il y a lieu de décider, relativement au rapport sur les élections de Bruges.

Or, je pense qu'une enquête judiciaire ayant eu lieu, et cette enquête étant très volumineuse, il est indispensable que les pièces de cette enquête soient imprimés.

M. de Theuxµ. - Nous sommes d'accord.

M. Mullerµ. - Et le plus vite possible.

- Des membres. - Oui !

M. Mullerµ. - Et traduites, puisqu'on dit qu'une grande partie des pièces sont rédigées en flamand.

- Un membre. -Presque tomes.

M. Mullerµ. - Pour gagner du temps, il faudrait que l'impression des pièces fût décidée aujourd'hui par la Chambre. (Oui 1 oui !)

M. Hymans. - Messieurs, quand l'honorable M. Muller a proposé à l’assemblée de faire imprimer les pièces de l'enquête judiciaire, j'ai entendu dire de l'autre côté de la Chambre : « D'accord. » Je ferai observer que dès hier, j'ai proposé dans la commission l'impression de cette enquête, et à l'unanimité, la commission a dit non...

M. Ortsµ. - Moins votre voix.

M. Hymans. - Naturellement. Je désire qu'on veuille bien s'entendre sur ce point. Le dossier de l'enquête est très volumineux, et c'est précisément parce qu'il est très volumineux que j'en ai demandé l'impression, Il faudra bien qu'on finisse par le faire imprimer.

(page 36) Lorsque j'ai proposé à la Chambre d'ordonner la production de l'enquête judiciaire faite à Bruges, ce n'était pas en vue de faire examiner ce dossier par une commission de vérification des pouvoirs, désigner par le sort ; mon intention était d'amener le dépôt du dossier sur le bureau, pour venir plus tard en demander l'impression afin que tout le monde pût s'éclairer. Le dossier a été renvoyé à la commission de vérification des pouvoirs. J'avais pensé que là, l'impression aurait été ordonnée immédiatement, puisque en tout état de cause il faudra finir par là. Lorsque l'honorable M. Nothomb, au nom d'une commission dans laquelle ses honorables amis ont l'unanimité, sauf une voix, présentera un rapport sur le dossier, il est bien évident que la minorité de la commission aura le droit et le devoir de demander l'impression des pièces, afin que toute la Chambre puisse s'éclairer.

Puisqu'on vient de dire qu'on est d'accord, je me joins à l'honorable M. Muller pour demander que la Chambre ordonne l'impression des pièces et que ce travail soit fait dans le plus bref délai possible.

M. Nothombµ. – Il y aurait peut-être, messieurs, à élever des objections contre l'impression de l'enquête judiciaire telle qu'elle est demandée, impression et partant publicité qui ne laissent pas que de présenter des inconvénients de plus d'une nature ; toutefois, comme je vois la Chambre disposée à ordonner cette impression, je ne veux pas m'y opposer formellement, mais je dirai qu'elle doit être tout au moins précédée du dépôt du rapport de votre commission, sinon personne ne comprendrait plus quel est le rôle d'une commission. Evidemment, ce rôle doit rester sérieux, et vous n'avez pas renvoyé le dossier à la commission pour qu’elle se borne à remettre les pièces sur le bureau en vous disant « Imprimez-les. » L'honorable M. Hymans ajoute qu'en demandant naguère la production du dossier, il n'a pas entendu attribuer à la commission le droit de l'examiner et de le discuter ; or, la Chambre s'est prononcée sur ce point, elle a renvoyé les documents à la commission.

M. Hymans. - Sans examen.

M. Nothombµ. - Sans examen ? Mais à quoi bon dès lors le renvoi ? Que signifierait-il ? Rien. C'est ce que la Chambre n'a pu vouloir. D'ailleurs, il y a le précédent d'hier : l'élection de Dinant. On a communiqué le dossier à la commission ; la commission l'a examiné, elle est venue apporter ses conclusions et la Chambre a statué. Pourquoi ce changement en 24 heures ; pourquoi créer un précédent inconnu jusqu'ici, car c'est la première fois que, dans cette Chambre, on demande qu'une commission, chargée de l'examen d'une question, s'en dessaisisse avant qu'elle ait pu donner et motiver ses conclusions. Ce ne serait point là, messieurs, un rôle digne d'une commission qui, en définitive, est l'émanation de la Chambre.

L'honorable M. Hymans pense que la commission aurait dû ordonner l'impression.

Mais, messieurs, la commission n'avait pas ce pouvoir ; elle n'a qu'un rôle et ce rôle lui est impérieusement tracé par les précédents, par la raison, par le règlement et par la nature des choses ; c'est d'examiner le dossier et de venir ensuite vous faire connaître le résultat de cet examen. Or, pour qu'elle puisse s'y livrer, il faut nécessairement lui en donner le temps.

Le dossier, messieurs, contient près de 300 numéros ; il renferme la déposition de plus de 200 témoins. J'ai commencé le triage de ce volumineux dossier, ce travail m'a pris une grande partie de la nuit et toute la matinée d'aujourd'hui ; tous ceux qui ont compulsé des dossiers de ce genre savent combien les travaux de cette espèce sont longs et fastidieux.

Il me serait absolument impossible de continuer mon travail si je devais me dessaisir du dossier pour le livrer immédiatement à l'impression : et je n'aurais plus qu'à renoncer à un mandat devenu impraticable et qui, je vous l'assure, n'est pas attrayant du tout.

M. de Theuxµ. - Quand l'honorable M. Muller a demandé l'impression des pièces de l'enquête judiciaire, je me suis écrié à l'instant : D'accord ! Il me semble, en effet, qu'il serait impossible de discuter cette affaire sans avoir toutes les pièces sous les yeux. Maintenant, je pense qu'il n'y a qu'une chose à faire, c'est d'autoriser la commission à faire imprimer son rapport en même temps que les pièces. La commission ne peut pas se dessaisir des pièces avant de les avoir étudiées. Quand elle aura arrêté son rapport, elle fera imprimer simultanément les pièces du rapport et nous serons ainsi saisis de tous les documents relatifs à cette affaire.

Maintenant, pour le cas où le rapport et les pièces pourraient être imprimés avant mardi, je demande qu'ils soient envoyés à domicile en province ou à notre résidence à Bruxelles, selon le désir des membres.

M. Mullerµ. - J'ai réclamé encore la parole, messieurs, pour demander une explication. Lorsque j'ai demandé l'impression de l'enquête judiciaire, je n'ai nullement entendu dessaisir la commission ni la dépouiller du droit de faire son rapport. Mais comme l’enquête judiciaire est très volumineuse, j'ai dit que, pour gagner du temps, il importait que dès maintenant l'enquête fût livrée à l'impression, sauf à la commission à y joindre aussi son rapport.

- Plusieurs voix. - Nous sommes d'accord.

M. Delaetµ. - L'honorable M. Muller vous a proposé, messieurs, de faire traduire les pièces de l’instruction rédigées en flamand. Elles permettront ainsi à la Chambre de former son opinion sur les élections de Bruges.

Je trouve cette demande très fondée. Cependant je sais par expérience que toutes les traductions sont plus ou moins inexactes. Très souvent une nuance dans la traduction donne au fait inculpé un tout autre caractère. Or, messieurs, je crois qu'il faut absolument, dans l’intérêt de la justice, dans l’intérêt du droit, dans l’intérêt de la vérité, que le texte original soit imprimé avec la traduction en regard, parce qu’alors, si la traduction laisse à désirer, les personnes qui connaissent la langue flamande pourraient apprécier en connaissance de cause.

M. Allard. - Cela se fait toujours.

- Plusieurs membres. - Oui ! oui ! on est d'accord.

M. Hymans. - Je me rallie à la proposition de l'honorable M. de Theux, de faire imprimer les pièces du dossier en même temps que le rapport de l'honorable M. Nothomb ; seulement je crois que dans ces conditions et comme l’honorable M. Nothomb vient de le dire, il est absolument impossible que la Chambre se réunisse mardi prochain. Il faut d'abord que l'honorable M, Nothomb étudie le dossier et fasse un rapport.

Il faut qu'il soumette le dossier et le rapport à la commission. Il faut ensuite que le dossier soit livré à l'impression, que les pièces soient traduites.

Il est absolument impossible d'ici à mardi de faire tout cela. Je demanderai donc que la Chambre s'ajourne indéfiniment et que M. le président veuille bien convoquer la Chambre lorsque le rapport sur l'enquête de Bruges aura été imprimé et distribué.

M. Nothombµ. - Je désire faire encore une observation. C'est à propos de la traduction. Cette traduction doit-elle être faite en même temps qu'on imprimera le texte ? Dans ce cas je prierai la Chambre de donner une direction à cet égard à la commission.

MfFOµ. - Cela se fera au greffe.

M. Nothombµ. - Voici le but de ma demande. La commission peut-elle choisir le traducteur ?

M. Allard. - On fera clans cette circonstance ce qu'on fait ordinairement.

Lorsque des textes hollandais ou flamands sont adressés à la Chambre, la questure les fait traduire par un traducteur juré.

Puisque j'ai la parole, messieurs, je dirai que, d'après moi, il y a lieu de charger M. le président de nous convoquer quand le rapport sera prêt. Car fixer la réunion de la Chambre à mardi, c'est, je crois, nous exposer à venir ici avant que le travail soit terminé.

MpLangeµ. - On propose que la Chambre soit ajournée jusqu'à convocation ultérieure de la part du bureau.

M. Wasseigeµ. - Je comprends parfaitement bien que la Chambre ne puisse être utilement convoquée avant la distribution du rapport qui va être imprimé, mais il me paraît que ce rapport, qui est très volumineux, qui demandera un examen minutieux de la part de nous tous, devrait nous être remis au moins vingt-quatre heures avant la réunion. Le rapport serait envoyé à domicile en province, et l’honorable président serait chargé de convoquer vingt-quatre heures ou deux fois vingt-quatre heures après cet envoi.

M. Rodenbachµ. - Il faut davantage. Il faut au moins quarante-huit heures.

M. Mullerµ. - La Chambre va être forcément ajournée, d'après ce que l'on vient de dire. Y aurait-il inconvénient à constituer le bureau dès maintenant ? (Interruption.)

Voulez-vous me permettre de m'expliquer ? La Chambre jugera. C'est une proposition que je soumets dans l'intérêt de l'activité de ses travaux et qui n'a, à coup sûr, aucun caractère de parti, puisque les forces des deux fractions qui divisent l'assemblée seront les mêmes après l'ajournement de la vérification des pouvoirs des députés de Bruges et de Bastogne.

Si la Chambre prononçait aujourd'hui l'ajournement de la vérification des pouvoirs des élus de Bruges, comme elle l'a fait hier pour Bastogne, vous auriez, en vertu du règlement, je pense, le droit de constituer votre bureau et de vous livrer à vos travaux. (Interruption.)

C'est une question que je soulève dans l'intérêt du pays, parce qu'il (page 37) importe que nous ne nous séparions pas, alors que nous pourrions légalement poursuivre le cours de la cession qui commence.

Sans doute, messieurs, vous avez le droit de ne pas décider l'ajournement de la vérification de pouvoirs des élus de Bruges. Si vous ne voulez pas de cette mesure, nous devons forcément nous ajourner. Mais si vous croyez que nous puissions nous livrer à nos travaux, vous avez le droit, je le répète, sans rien préjuger, de prononcer l'ajournement de la vérification des pouvoirs des élus de Bruges.

MpLangeµ. - Faites-vous une proposition ?

M. Mullerµ. - S'il n'y avait pas, de la part de nos adversaires politiques, une opposition que je ne m'expliquerais d'ailleurs pas, je ferais la proposition de prononcer, sans rien préjuger, l'ajournement de la vérification des pouvoirs des élus de Bruges, et alors nous pourrions nous constituer.

M. Hymans. - Quel que soit mon désir d'activer les travaux de la Chambre et de voir commencer immédiatement nos discussions, je crois que nous ne devons pas ouvrir une session par une violation de règlement.

La proposition de l’honorable M. Muller me paraît tout à fait inacceptable. Elle est contraire au texte même du règlement qui dit que la Chambre se constitue après la vérification des pouvoirs. Or, la vérification des pouvoirs n'est pas faite.

Les pouvoirs des députés de Bruges ne sont pas vérifiés. Vous avez renvoyé à une commission l'examen d'un dossier judiciaire. Ce n'est pas là un ajournement.

Aucun rapport ne nous est présenté, et il me semble qu'il est absolument impossible de prendre une décision avant qu'on se soit prononcé sur les conclusions du rapport. M. Muller propose l'ajournement des députés de Bruges, mais nous ne pouvons pas ajourner l’admission de trois de nos collègues sans savoir si, oui ou non, leurs pouvoirs sont sérieusement infirmés.

J'ajoute cette considération que si le règlement nous permettait de constituer aujourd'hui le bureau, il nous permettrait aussi d'aborder dès demain la discussion de l'adresse dont nous exclurions, sans débat, trois membres de cette assemblée.

Je demande donc que la Chambre adopte la proposition de l'honorable M. de Theux, à laquelle je me suis rallié et qui consiste à s'ajourner jusqu'après l'impression du rapport.

M. Tackµ. – Par les motifs que vient de développer l'honorable M. Hymans, je crois qu'il est de toute impossibilité d'ajourner l'admission des élus. Voici, au reste, une raison péremptoire qui s'y oppose et que n'a pas invoquée l'honorable préopinant. C'est que vous ôteriez aux plus la possibilité de se défendre devant la Chambre. Or, ils en ont le droit en vertu de votre règlement. Vous ne savez pas si réellement l'ajournement doit avoir lieu.

Vous n'avez rien examiné, vous n'avez pas entendu les intéressés les plus directs et vous leur enlèveriez leur droit acquis et vous vous prononceriez avant de vous être occupés en quelque sorte de l'objet en discussion.

Cela est inadmissible et ne comporte pas même de discussion.

M. Pirmez. - Je ne comprends pas que les honorables préopinants voient une violation du règlement dans ce que propose M. Muller. Je crois qu'ils n'ont pas réfléchi aux conséquences du système qu'ils défendent. Si nous devons attendre, pour former le bureau, que tous les élus aient été admis, nous devons attendre la fin de l’enquête de Bastogne. (Interruption.)

Ainsi donc on admet que pour Bastogne parce qu'on a prononcé l'ajournement, on peut constituer le bureau, eh bien, M. Muller propose de faire pour Bruges exactement la même chose, de prononcer l'ajournement.

Nous avons le droit de prononcer l'ajournement, non seulement lorsque nous ordonnons une enquête, mais dans tous les cas où nous avons besoin de nous éclairer.

N'est-il pas évident que la seule considération qui doive diriger l'assemblée en ce moment, c'est l'intérêt de ses travaux ? (Interruption.)

On pourra m'interrompre, mais on ne m'empêchera pas de continuer jusqu'au bout.

M. Rodenbachµ. - Déchirez le règlement !

M. Pirmez. - L'honorable M. Rodenbach, qui ne donnera aucune espèce de raison, me dit : Déchirez le règlement.

Mais que dit le règlement ? Il permet de constituer le bureau lorsqu'il y a ajournement. Or, nous sommes tous d'accord que l'ajournement peut être prononcé chaque fois que nous ordonnons une mesure d'instruction. (Interruption.)

Je le demande aux honorables membres, où ont-ils lu que l'ajournement ne peut être prononcé que lorsqu'il y a une enquête ? L'ajournement peut être prononcé dans tous les cas où une instruction est nécessaire, sans cela la vérification des pouvoirs pourrait empêcher l'assemblée, pendant un temps indéfini, de siéger. Je suppose que l'espèce d'instruction que nous avons ordonnée, quant aux élections de Bruges, doive prendre plus de temps qu'on ne le suppose ; prétendra-t-on qu'il ne peut y avoir de séance d'ici à la fin de cette instruction ? Quelle différence y a-t-il que nous fassions une enquête par témoins ou une instruction par l'examen des pièces ? N'est-ce pas également une instruction ?

On dit que les élus doivent pouvoir se défendre ; est-ce que vous empêcherez M. Van Hoorde de se défendre ? (Interruption.)

L'élection de Bastogne a été discutée, me dit-on ; il y a eu un rapport. Mais la question d'ajournement peut aussi être discutée ; rien n'empêche la Chambre de renvoyer cette question à la commission et de voter à la suite du rapport de la commission. Je ne conçois pas qu'on veuille enrayer les travaux de l'assemblée pendant un mois. (Interruption.)

C'est sous un prétexte aussi frivole que la distinction entre une enquête et une instruction écrite que nous irons nous ajourner indéfiniment. Après la discussion sur les élections de Bruges nous devrons nous ajourner encore pour que la commission d'adresse nous présente un projet ; ce n'est qu'en janvier peut-être que nous pourrions nous occuper de ce projet ou tout au moins des budgets. Ce n'est pas ainsi que nous pouvons faire les affaires du pays. Nous ferons chose utile en prononçant l'ajournement dé la vérification des pouvoirs des députés de Bruges.

M. B. Dumortier. - L'honorable membre reconnaît avec tout le monde que la Chambre a le droit de s'ajourner pour l'examen d'une question, et il part de là pour proposer l'ajournement sans vote, sans examen, de l'admission des députés de Bruges. Il n'est pas possible de prononcer l'ajournement sur une élection sans examen et sans un vote de la Chambre après examen. Le règlement est formel. En effet que dit l'article 2 : En cas de renouvellement intégral ou par moitié, six commissions de sept membres sont formées par la voie du sort pour vérifier les pouvoirs. Tous les membres élus prendront part à cette vérification, à l'exception de ceux dont l'admission a été ajournée.

Ainsi tous les membres élus doivent prendre part à la vérification des pouvoirs. Quand les pouvoirs d'un élu sont contestés, il faut qu'il soit ici pour défendre l'œuvre du corps électoral qui l'a nommé. Ce n'est pas parce qu'une enquête extra-légale, inconstitutionnelle a été faite qu'on peut ajourner sans discussion l'admission d'un député.

Une enquête judicaire est extralégale et inconstitutionnelle en matière de vérification de pouvoirs ; cette vérification est exclusivement du ressort de la Chambre.

Je demande si une pareille enquête peut justifier une proposition qui est la confiscation du droit des membres élus, de prendre part à la vérification des pouvoirs.

Le règlement ne nous permet pas de prononcer l'ajournement sur une élection, lorsque cette élection n'a pas été l'objet d'un rapport suivi d'un vote de la Chambre.

M. Mullerµ. - Quand j'ai proposé l'ajournement de la vérification des pouvoirs des élus de Bruges, je n'ai pas été guidé par un intérêt d'opinion puisque cet ajournement éloignait deux membres de nos bancs et un seulement des bancs de la droite.

Je comprends qu'on discute cette proposition ; mais ce que je n'admets pas, c'est que ce serait une violation flagrante du règlement, car, dans ce cas, la Chambre, ce qui n'est pas à supposer, s'en serait rendue coupable dans la séance du 12 novembre 1841.

Il s'agissait de la vérification des pouvons des élus d'Anvers. La Chambre a été saisie d'une réclamation contre l'élection de M. Cogels ; les pièces n'étaient pas de nature à mettre les représentants en état de statuer immédiatement.

Pour ne pas entraver ses travaux, pour ne pas retarder la constitution du bureau définitif, la Chambre, sur la proposition des honorables MM. Devaux et d'Huart, a prononcé l'ajournement du rapport jusque dans le courant de la semaine suivante, et dans la séance même elle a procédé à la constitution de son bureau.

Ainsi donc, ce que vous considérez comme une violation du règlement n'a pas été envisagé comme tel ; il n'y pas même eu d'opposition...

M. de Naeyer. - On a passé outre, précisément parce qu'il n'y avait pas d'opposition.

M. Mullerµ. - Non, mais parce qu'il n'y avait pas violation de règlement. Vous ne pouvez pas supposer que la Chambre de cette époque n'ait pas été aussi fidèle aux prescriptions du règlement que nous pouvons l'être aujourd'hui.

Or, séance tenante, M. Fallon a été nommé président.

(page 38) Je ne me suis donc pas avancé légèrement, lorsque j'ai proposé, exclusivement dans l'intérêt du pays, et pour qu'on ne pût pas faire retomber sur nous la responsabilité de l'interruption de nos travaux ; lorsque j'ai proposé, dis-je, une mesure qui était marquée au coin de l'impartialité pour les deux opinions qui divisent la Chambre.

Du reste, je suis prêt à maintenir ma proposition.

M. Vermeireµ. - Messieurs, je viens invoquer à mon tour le règlement, qui est le droit de la minorité, pour m'opposer à l'adoption de la proposition de l'honorable préopinant.

Je comprends que si toute la Chambre était d'accord pour procéder immédiatement à la formation du bureau, nous pourrions le faire ; mais du moment qu'il y a un seul opposant ou que cet opposant se fonde sur un article du règlement, on ne peut passer outre.

Messieurs, on vous a déjà cité des articles du règlement ; qu'il me soit permis, à mon tour, de vous lire l'article 5.

« La Chambre, après la vérification des pouvoirs, procède à l'élection d'un président, de deux vice-présidents et de quatre secrétaires. »

Or, la Chambre n'a pas encore terminé la vérification des pouvoirs, puisqu'il y a un rapport qui ne nous a pas été communiqué jusqu'ici ; il faut que la Chambre ait pris une décision sur ce rapport, pour qu'on puisse procéder à la formation du bureau.

M. de Brouckereµ. - Messieurs, quand un rapport sur une élection nouvelle est présenté, nous pouvons faire de trois choses l'une : ou valider l'élection, ou annuler l'élection, ou prononcer l'ajournement.

Le député ajourné doit quitter la Chambre et ne peut plus prendre part à nos délibérations. Mais nous ne pouvons prononcer l'ajournement que quand il y a eu examen des opérations électorales. Or, vous n'avez pas examiné les opérations électorales de Bruges ; par conséquent, vous ne pouvez pas prononcer l'ajournement dans le sens du règlement et exclure de vos délibérations trois députés dont l'élection n'a pas été examinée. Cela me parait évident.

L'honorable M. Muller a cité ce qu'il a appelé un précédent ; ce n'est pas un précédent, et je vais vous le montrer.

Il est très vrai qu'en 1841 M. Cogels a été ajourné ; mais pourquoi a-t-il été ajourné ? M. Cogels était lui-même en demeure de produire des pièces qu'il déclarait ne pas pouvoir produire immédiatement. C'était donc par le fait même de M. Cogels que nous ne pouvions pas procéder à l'examen de son élection. L'honorable M. Cogels ne pouvait donc pas se plaindre de ce qu'il était ajourné, puisque c'était par son propre fait.

Mais aujourd'hui, nous avons toutes les pièces relatives à l'élection de Bruges. Que manque-t-il ? Le rapport ; que ce rapport soit présenté le plus tôt possible ; mais ne prononçons pas, dès aujourd'hui, l'ajournement qui empêcherait les députés de Bruges de continuer à siéger parmi nous. Et remarquez qu'on les priverait du droit qu'ils ont de défendre leur élection, lorsque nous examinerons les opérations électorales de Bruges. Cela me paraît de toute évidence. (Aux voix ! aux voix !)

- La Chambre, consultée, décide qu'elle s’ajourne jusqu'à convocation par le bureau, deux jours après la distribution, à domicile, du rapport de la commission sur l'enquête judiciaire, et des pièces de l'enquête.

- La séance est levée à trois heures et un quart.