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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 9 janvier 1864

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1863-1864)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 227) M. de Moor, secrétaire, procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

M. Thienpont, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Moorµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Les membres du conseil communal de Rillaer et de Winghe-Saint-Georges demandent une loi dans l'intérêt de la langue flamande. »

- Renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.


« Des habitants de Voroux-lez-Liers demandent une loi qui règle le mode de sépulture. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants d"Eeeloo prient la Chambre de rejeter la disposition du paragraphe 2 de l'article 6 du projet de loi relatif à la substitution en matière de milice. »

- Renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de loi.

Projet de loi portant le budget des dotations de l’exercice 1864

Rapport de la section centrale

M. Vander Donckt. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le budget des dotations.

MpVµ. - Ce rapport sera imprimé et distribué, et mis à la suite des objets à l'ordre du jour.

Ordre des travaux de la chambre

M. Allard. - On ne peut mettre à l'ordre du jour le budget des dotations, attendu que la Chambre n'a pas encore voté son budget. Le rapport sur le budget de la Chambre sera déposé probablement dans quelques jours.

Je crois qu'il y aura lieu de le mettre à l'ordre du jour avant le budget des dotations.

MpVµ. - Plusieurs objets sont à l'ordre du jour avant le budget des dotations, de manière qu'il pourra être fait droit à l'observation de M. Allard.

M. Coomans (pour une motion d’ordre). - Si vous le permettez, M. le président, j'appellerai votre attention et celle de la Chambre sur la nécessité d'accueillir promptement le projet de loi présenté par M. le ministre de l'intérieur au sujet de la substitution militaire.

M. Moreau. - J'ai l'honneur de faire observer que la section centrale a terminé ses travaux. L'honorable M. Muller est nommé rapporteur et déposera son rapport dans quelques jours.

M. Muller. — J'ai été nommé avant-hier rapporteur du projet de loi sur la substitution.

J'ai dû, en exécutant les instructions de la section centrale, me mettre en rapport avec le département de l'intérieur pour lui demander des explications.

Je compte, dès mercredi, soumettre à la section centrale mon rapport et le déposer sur le bureau de la Chambre.

M. Coomans. - Ces explications me satisfont pleinement, pourvu qu'il soit bien entendu que, selon les internions de M. le ministre de l'intérieur, et, je l'espère, selon nos intentions à tous, ce projet puisse être voté à temps, pour que le Sénat le vote également et qu'il puisse être mis à exécution pour le prochain exercice militaire.

- Plusieurs membres . - Oui ! oui !

Rapports sur des pétitions

M. Wasseigeµ. – Il a été déposé hier sur le bureau de la Chambre une pétition datée de Bruges se plaignant de certains faits qui se passent à Bruges à propos de l'élection qui doit avoir lieu mardi prochain. Ces faits sont l'immixtion d'agents de police dans la distribution d'écrits imprimés, sans contenir de nom d'imprimeur ni d'éditeur. Il a été demandé sur cette pétition un prompt rapport. L'honorable M. Vander Donckt vient de me faire connaître que son rapport est prêt. Il me paraît indispensable qu'il soit fait avant l'élection. Sans cela, il n'aurait plus de raison d'être.

Je demande donc que la Chambre veuille bien entendre ce rapport.

MpVµ. - Lorsque M. Vander Donckt demandera la parole pour cet objet, la Chambre statuera.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Pour satisfaire au désir d'honorables membres et de la commission qui a déclaré l'urgence, je demande à pouvoir faire rapport sur cette pétition.

MpVµ. - S'il n'y a pas d'opposition, je donne la parole à l'honorable M. Vander Donckt pour déposer son rapport.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Plusieurs habitants notables de Bruges s'adressent à la Chambre pour se plaindre de ce que les agents de police, se mêlant des élections avant même qu'elle aient lieu, colportent des écrits anonymes et les distribuent dans les cabarets et dans les maisons particulières de la ville. Ils signalent cet abus et disent que les élections ne sont plus sincères du moment que, soit la police soit tout autre autorité vient peser sur les électeurs.

Ils signalent un deuxième abus, qui est le colportage d'écrits sans nom d'auteur ni d'imprimeur.

- Des membres. - C'est l'affaire du procureur du rot.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Votre commission a cru qu'il convenait de renvoyer la pétition à MM. les ministres de la justice et de l'intérieur, d'abord pour ce qui concerne l'écrit anonyme distribué par les agents de police et, en deuxième lieu, pour obvier aux inconvénients graves qui doivent résulter de ce que les agents de police se permettent de distribuer des écrits anonymes, des écrits sans nom d'auteur ni d'imprimeur, se mêlant ainsi des élections en faveur des candidats libéraux

- Plusieurs membres. - La lecture de la pétition !

MpVµ. - S'il n'y a pas d'opposition, il va être donné lecture de la pétition.

M. Vander Donckt, rapporteur. – « A messieurs les président et membres de la Chambre des représentants/

« Messieurs,

« La majorité de la Chambre a annulé les élections qui ont eu lieu à Bruges, le 9 juin dernier. Elle a usé d'un droit que nous ne voulons pas contester. Mais à notre tour, nous venons vous prier, messieurs, de prendre des mesures pour faire respecter nos droits et la liberté de l’électeur.

« Cette liberté n'existe pas à Bruges : elle est subordonnée à l'action de la police qui abuse de son pouvoir. Celui-ci lui a été confié par la loi pour protéger les citoyens, sans distinction d'opinion, pour faire observer l'ordre et les dispositions légales.

« Or, ici la police est transformée en courtière électorale : elle parcourt la ville et surtout les cabarets pour engager les électeurs à voter pour la liste des candidats libéraux. Bien plus, on a vu hier et avant-hier des agents de police parcourir les rues de Bruges, distribuant l'écrit anonyme dont un exemplaire est ci-joint. Cet écrit ne porte ni nom d'auteur ni d'imprimeur ; il tombe, par conséquent, sous l'application de la loi pénale, et c'est la police qui prête la main à cette violation de la loi. Ces faits, un très grand nombre de témoins peuvent les attester.

« Avec un pareil système, la liberté électorale n'est plus qu'un leurre, et toutes les sages dispositions que le législateur a prises pour assurer cette liberté deviendront illusoires.

« Nous venons donc vous prier, messieurs, de prendre immédiatement des mesures pour faire cesser cette intervention illégale de la police dans la lutte électorale.

« Agréez, messieurs, l'hommage de notre profond respect.

« (Suivent les signatures.)

« Bruges, le 7 janvier 1864. »

Cette pétition, comme vous le voyez, est signée par des hommes les plus honorables et les plus dignes de foi de Bruges. Vanderhofstade, le Bailly de Tilleghem, Deschietere de Lophem-Peesteen, Vanhoutryve, Eud. de Cock, E.-F. Van Houte, Verstrate, etc., etc.

Votre commission a conclu au renvoi de cette pétition à MM. les ministres de l'intérieur et de la justice.

(page 228) MpVµ. - Les conclusions de la commission sont le renvoi à MM. les ministres de la justice et de l'intérieur.

M. Coomans. - Messieurs, je n'entends certes pas faire opposition au renvoi à MM. les ministres ; je désire, au contraire, que le renvoi soit considéré par eux comme une chose très sérieuse.

Messieurs, je ne présenterai pas d'observations politiques ; je me bornerai à faire remarquer que depuis de longues années on a appliqué, contre la presse, avec une sévérité, légale je le veux bien, mais surtout excessive, les lois relatives à la signature ; on a poursuivi et condamné des journaux qui de très bonne foi avaient omis la signature de l’imprimeur. Récemment encore dans un procès devenu assez fameux, un Anversois a été condamné à une peine bien dure, pour avoir publié une chanson sans nom d'imprimeur.

Quoique je ne voie pas un grand inconvénient à ce qu'un journal ne soit pas signé alors que le domicile de l'imprimeur, du rédacteur et souvent des propriétaires est connu, je ne viens pas demander une réforme à cet égard dans le Code pénal.

La signature est obligatoire, les journalistes et les imprimeurs doivent se conformer à cette disposition de la loi.

Mais si la loi doit être observée par de simples citoyens, il me paraît que le personnel de la police devrait bien prêcher d'exemple et qu'il est scandaleux (cette fois le mot n'est pas trop fort) de voir les mêmes fonctionnaires publics qui ont à intervenir pour faire respecter les lois, se prêter à la violation des lois.

Si les faits qu'on signale sont vrais, et, d'après la signature des personnes qui nous les révèlent, il n'y a pas à en douter, si ces faits sont vrais et ils doivent l'être, puisque j'apprends que des pièces justificatives sont jointes à l'appui de la pétition, ils méritent toute l'attention de la Chambre et celle du gouvernement ; et je finirai par un mot, c'est que c'est bien en cette matière-ci qu'une enquête serait nécessaire.

MPVµ. - Messieurs, pour édifier la Chambre, je dois dire que la pièce que j'ai sous les yeux commence par ces mots : « Extrait de l’Indépendance belge du 11 juin 1863 » ; et que d'autres paragraphes portent aussi, en tête, des noms d'auteurs.

Je ne veux rien préjuger en faisant cette observation, mais j'instruis la Chambre de cette circonstance.

Quelqu'un demande-t-il la parole ?

M. B. Dumortier. - La pétition sur laquelle il vient d'être fait rapport revêt un caractère d'excessive gravité, surtout dans la circonstance actuelle. Elle serait grave toujours, elle l'est doublement aujourd'hui. Elle le serait toujours, car il est impossible d'admettre que, dans les élections, l'action de la police puisse être un auxiliaire en faveur d'un parti quelconque. Elle est doublement grave aujourd'hui, parce que la Chambre a annulé les élections de Bruges ; qu'elle a fait un appel au corps électoral, et que, dans une pareille situation, il importe que toutes les influences légitimes puissent se faire jour et qu'elle ne soit point contrecarrée par des influences illégitimes.

Or, il est un fait que personne ne peut contester, c'est que l'action de la police en pareille matière est l'influence la plus illégitime, la plus corruptrice qu'il soit possible d'imaginer au monde. Comment ! la police qui peut chaque jour mettre en contravention tout cabaretier, soit pour un motif, soit pour un autre, par exemple parce que son établissement n'aurait pas été fermé à l'heure prescrite ; la police qui peut, à l'égard de tel autre cabaretier, user de tolérance, la police pourra d'autant plus peser de tout son poids sur une élection et anéantir d'autant plus sûrement toutes les influences légitimes, qu'elle possède, sur une certaine catégorie d'électeurs, une influence corruptrice au premier chef, menaçant ceux-ci de rigueurs futures, promettant à ceux-là d'être traités avec faveur.

Eh bien, je dis qu'un pareil fait est le comble de la corruption et qu'il n'est point possible d'imaginer une corruption électorale ornée d'une pression plus violente sur la conscience des électeurs.

Messieurs, dans un pays voisin que je suis heureux de vous citer pour modèle, un ministre de l'intérieur a fait dernièrement une circulaire que j'aurais apportée avec moi si j'avais prévu cette discussion, circulaire tendante à défendre aux autorités communales d'exercer la moindre influence en matière d'élections.

C'est M. le ministre de l'intérieur des Pays-Bas qui vient nous donner cette leçon. Il déclare que l'élection devant juger souverainement du gouvernement, c'est aux influences légitimes du pays à se prononcer et non point à l'action du bourgmestre à intervenir en matière d'élections. Voila, messieurs, les véritables principes constitutionnels, voilà les principes par excellence : l'élection est une lutte d'influences ; l'influence des partis doit se manifester par la seule action des électeurs et en dehors de toute pression étrangère et surtout de l'action du pouvoir que l'élection est appelée à soumettre au creuset du vote populaire.

Je prends acte de ce fait si grave, de cette position prise par la police, car elle peut avoir des conséquences excessivement graves. Je me réserve, le cas échéant, de demander une enquête. Je me réserve d'en tirer les conséquences.

Comment ! vous avez annulé les élections de Bruges pour de prétendues fraudes électorales, parce qu'on aurait payé deux ou trois litres de bière pour régaler des électeurs trois semaines après les élections, et vous pourriez avant les élections, au milieu de la lutte, faire intervenir la police usant du droit qu'elle n'a pas, pour forcer les électeurs à émettre un vote contraire à leur opinion, à leur conscience, sous l'empire de la crainte de poursuites de police ? On ne peut rien imaginer de plus scandaleux en matière d'élections. Si ma voix n'a pas d'écho sur les bancs de nos adversaires, c'est qu'ils veulent que la violence et la pression président aux élections dans le pays. Je demande donc avec l'honorable rapporteur le renvoi de la pétition aux deux ministres ; mais les faits qui se sont accomplis ne peuvent pas être effacés : je me réserve le cas échéant de faire tel usage qu'il conviendra de la pétition qui vous est adressée.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, à la fin de la séance d'hier, l'honorable M. de Theux, soutenu par M. B. Dumortier, demandait qu'on réglât par une loi les enquêtes à faire par les députations permanentes en matière d'élections.

Lei honorables membres se plaignaient surtout de ce que la législation actuelle permette d'accuser et de juger sans entendre ceux contre qui plainte était faite ; et aujourd'hui l'honorable M. Dumortier, qui accuse les autres de violence, vient ici, d'un ton très haut, soutenir des accusations adressées à la Chambre par des particuliers de Bruges, et condamner sur une simple dénonciation sans preuves, sans qu'on ait pu les entendre, ceux qu'on accuse peut-être injustement.

Une dénonciation est portée devant la Chambre, avant de rien préjuger, n'est-il pas équitable d'entendre ceux qui sont mis en accusation ?

De quoi se plaignent les pétitionnaires ? D'une part, de ce que des écrits non signés, sans nom d'auteur ou d'imprimeur, auraient été distribués à Bruges ; d'autre part, de ce que ces écrits auraient été colportés par des agents de police.

Ces faits sont à vérifier, mais si la seconde accusation n'est pas plus fondée que la première, je puis dire, dès à présent, que l'honorable membre a fait de l'éloquence et de l'indignation en pure perte.

J'ai entre les mains le corps du délit, l'écrit incriminé sur lequel M. Coomans appelle les foudres du procureur du roi. Cet écrit, bien qu'il ne porte pas de nom d'imprimeur, n'est pas un factum anonyme, car, s'il n'est pas signé, le nom de l'auteur y est inscrit en toutes lettres, et vous n'apprendrez pas sans surprise les noms de ceux qui, par leurs écrits, se permettent d'exercer en ce moment une pression si forte, si illégitime sur le corps électoral de Bruges. La pièce incriminée n'est qu'une réunion d'articles de journaux et de discours prononcés dans diverses circonstances ; d'abord j'y lis un extrait de l'Indépendance belge, du 11 juin 1863, puis un extrait du Journal de Liège, du 10 juin, les auteurs sont donc connus. (Interruption.)

De bonne foi, messieurs, pouvez-vous soutenir qu'un extrait d'un journal est un écrit anonyme, dont l'auteur est inconnu et irresponsable ?

Le troisième paragraphe est extrait de l'Etoile belge du 10 juin 1863.

Le quatrième de l'Union libérale, de Verviers, du 11 juin dernier.

Je n'en passe aucun.

Le cinquième paragraphe est extrait du journal la Meuse, du 11 juin 1863.

Le sixième est extrait du journal l'Office de Publicité, du 13 décembre 1863.

Le septième est extrait - voici un auteur bien connu, un auteur que vous connaissez tous - d'un discours de M. H. de Brouckere, prononcé dans la séance de la Chambre des représentants du 11 décembre 1863.

Voilà un auteur bien connu et qui acceptera parfaitement la responsabilité de ses paroles.

Le huitième est extrait du discours prononcé par M. Hymans, dans la séance du 8 décembre 1863.

Je crois que l'honorable M. Hymans aussi se reconnaîtra responsable de son discours.

M. Ortsµ. - Il est inviolable.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Oui, mais il en acceptera la responsabilité morale.

Le neuvième paragraphe appartient à un auteur qui a toutes vos sympathies, que vous ne renierez pas. Ce paragraphe est extrait d'un discours prononcé par l'honorable M. de Naeyer, dans la séance du 12 décembre 1863.

M. B. Dumortier. - Il faudrait voir si on ne lui fait pas dire autre chose que ce qu'il a dit.

(page 229) M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). – Je ne puis le croire ; du reste, l’honorable M. de Naeyer pourra vérifier le fait. Si l’on avait dénaturé ses paroles, ce serait un fait grave.

M. Wasseigeµ. - On ne lui a pas fait dire tout ce qu’il a dit.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Voici encore un extrait du discours de l'honorable M. de Vrière, prononcé dans la séance de l'Association libérale de Bruges, du 21 décembre 1863.

Enfin les deux derniers paragraphes sont extraits, l'un de l'adresse à M. Paul Devaux, votée par le conseil communal de Bruges, le 12 juin dernier ; l’autre, d’un article de la Patrie de Bruges, publié après les élections de 1848.

Vous voyez donc que l'un des griefs qu'on articule n'existe pas et s'il en est ainsi pour le premier, ne peut-on pas croire qu’il en peut être de même pour le second ?

Qui peut dire, du reste, que les agents de police aient abusé de leurs pouvoirs ? Car enfin ils peuvent être électeurs et dès lors ils ont, comme les vicaires et les curés, le droit d'exercer leurs droits électoraux.

M. Bouvieµ. - C'est la liberté de la presse en action et non en paroles.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je pense donc, messieurs, qu'il ne faut pas se prononcer avant d'avoir examiné les faits. Il ne faut rien préjuger.

On parle beaucoup de manœuvres électorales ! mais permettez-moi de ne pas vous cacher ma pensée tout entière et de vous dire que ce qui se passe en ce moment peut fort bien être une manœuvre électorale légale, si vous voulez, mais qui a pour but de peser sur l'élection de Bruges.

Si vous voulez qu'on ne se livre pas à des manœuvres répréhensibles dans le pays, ne nous bornons pas à flétrir ces manœuvres, mais prêchons d'exemple et permettons au corps électoral de Bruges d'exercer librement son droit. Quand il aura prononcé, on verra ce qui reste à faire.

M. Coomans. - Je trouve bien imprudente l'argumentation de l'honorable ministre et non moins imprudente l'adhésion que beaucoup de membres semblent y donner ; car, à en croire l'honorable ministre, toutes les citations qu'il vient de nous lire sont exactes.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je n'ai pas dit cela. J'ai dit qu'elles sont signées.

M. Coomans. - Je ne vois pas de signature. Je vous prie de me montrer les signatures.

Vous allez me comprendre. J'insisterai sur mon argument, parce que je le trouve très intéressant pour la presse et très intéressant pour l'honorable ministre de la justice dont j'invoque le témoignage en ce moment.

De deux choses l'une : ou les citations indiquées par l'honorable ministre sont exactes et alors j'ai le droit évident de conclure qu'il a lu cet écrit, qu'il s'en porte garant. Ou elles sont inexactes, ce qui est très possible, et alors je vous demande où sera la répression d'un acte que l'honorable ministre vient de qualifier de très répréhensible. Car enfin, s'il suffit d'indiquer des noms de journaux et des noms de députés pour reproduire sous l'anonyme et impunément des articles ou des discours avec plus ou moins d'exactitude, je vous le demande, n'allez-vous pas à rencontre des intentions du législateur ?

Les journaux, comme nous tous, ne sommes-nous pas intéressés à connaître le nom de l'auteur ou de l'imprimeur qui nous emprunte nos discours ?

Vous venez de me dire que l’honorable M. H. de Brouckere est connu. Certainement ; mais l'honorable M. H. de Brouckere a le plus grand intérêt à ce que, pas plus à Bruges qu'ailleurs, l'on ne tronque ses discours, et la garantie de l’exactitude, c'est la signature de l'imprimeur ou c'est tout au moins la signature de l'auteur.

Ainsi donc la question reste debout dans toute sa gravité. Je n'ai pas lu cet imprimé. Je n'en avais aucune connaissance avant l'interpellation faite par un honorable membre de la droite, et à coup sûr, ce n'est pas à moi que l'insinuation d'intrigue électorale est applicable et je suis très convaincu qu'elle ne l'est à personne sur ces bancs.

Si l'argumentation de l'honorable ministre est bonne, il faut dès aujourd'hui supprimer la loi qui exige la signature de l'imprimeur. Voici, messieurs, l'article 283 du Code pénal : « Toute publication ou distribution d'ouvrages, écrits, avis, bulletins, affiches, journaux, feuilles périodiques ou autres imprimés dans lesquels ne se trouvera pas l'indication vraie des nom, prénoms et demeure de l'auteur ou de l'imprimeur sera, pour ce seul fait, etc. »

Il n'y a pas dans nos Codes de texte plus formel que celui-ci.

Je déclare, en réponse à une étrange interruption que je viens d'entendre, que la signature de l'imprimeur est une garantie de la vraie liberté de la presse, une garantie de la liberté de la tribune, une garantie de la loyauté des discussions.

Eh quoi, messieurs, ne comprenez-vous pas le déplorable abus que l'on pourrait faire de la doctrine de l'honorable ministre ? Le témoignage d'un journal important comme l'Indépendance belge peut être invoqué et dénaturé par des ennemis.

Qu'auriez-vous dit si les catholiques de Bruges avaient imprimé un pamphlet pareil à celui-ci avec des citations fausses, si l'on avait attribué à l’Indépendance belge un article non imprimé par l’Indépendance belge ; si l'on avait attribué à l'honorable M. de Brouckere un discours ou des parties de discours non prononcés par l'honorable M. de Brouckere ? D'après l'honorable ministre de l'intérieur, les faits seraient complètement anodins ; les auteurs seraient connus, d'après lui.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Mais non.

M. Coomans. - Mais, messieurs, ils seraient connus ; ce serait un mensonge ; ce serait, comme l'a dit l'honorable ministre, un acte extrêmement répréhensible.

Par conséquent il ne suffit pas de mettre en tête d'un imprimé, des noms de journaux, des noms de citoyens, des noms de députés pour que l'on satisfasse à la prescription de la loi. L'honorable ministre est complètement dans l'erreur à cet égard et, je le répète, je désire vivement que M. le ministre de la justice se prononce entre son honorable collègue et moi. Et je reviens sur ce fait que l'autre jour un Anversois très connu à Anvers, le seul de son nom, signe une chanson de ce nom Jacques Karsman. Eh bien, la justice a trouvé que cette indication vraie du nom de l'auteur était insuffisante et elle a appliqué à ce citoyen une peine telle, qu'il a cru devoir, pour s'y soustraire, abandonner le pays.

Messieurs, ceci est extrêmement grave. Ce n'est pas moi assurément qui voudrais diminuer les prérogatives de la presse à l'heure où elles son violemment et judaïquement attaquées, au point que nous allons être forcés sous peu de déposer un projet de loi spécial garantissant les libertés constitutionnelles de la presse.

Mais je veux aussi que la liberté des citoyens soit garantie ; je veux surtout la loyauté et la justice, et c'est en même temps en faveur de la presse que je demande la signature exacte des imprimeurs.

Messieurs, il me semble que ceci n'est pas discutable.

Je suis persuadé que si la police de Bruges n'était pas en jeu en faveur de M. Devaux, nous n'aurions pas eu de discussion. Le gouvernement, comme c'était son droit et son devoir, se serait élevé le premier contre un pareil abus, contre une violation aussi évidente de la loi ; et venir soutenir, au nom du gouvernement, que l'indication peut-être frauduleuse, je n'affirme rien, mensongère, du nom d'un journal ou d'un député suffit pour qu'un écrit ne soit pas anonyme, ceci me semble une énormité, une des plus grosses énormités qui aient depuis longtemps été articulées dans mon pays.

Encore une fois, il ne faut pas deux poids et deux mesures. Si vous permettez à la police de violer la loi, permettez-le à Jacques Karsman, et à une foule d'autres imprimeurs et auteurs qui ont été cités devant les tribunaux et condamnés par eux.

Messieurs, je veux être franc, je ne me plaindrais pas si de pareils faits avaient été posés par de simples citoyens et ils l'ont été souvent de part et d'autre ; on a imprimé des affiches et autres écrits sans nom d'auteur.

Je ne blâme même pas (je pourrais le faire) la poste d'avoir donné suite à l'expédition de ces écrits, de ces brochures, quoiqu'elle eût le droit de les retenir dans ses bureaux ; pourvu que cette petite violation de la loi se fasse impartialement, je n'y vois pas grand mal dans la lutte électorale. (Interruption.) J'aime mieux qu'elle ne se produise pas et j'aimerais surtout mieux que le gouvernement ne vînt pas la justifier.

Mais quand de pareils faits sont commis par des fonctionnaires, par cette partie des fonctionnaires publics dont le devoir plus spécial est de faire respecter la loi, eh bien, non pas ma conscience de membre de la droite, mais ma conscience de citoyen se révolte contre un pareil abus de l'esprit de parti.

M. B. Dumortier. - Messieurs, ainsi que vous l'a dit M. le ministre de l’intérieur, la pétition soulève deux questions, l’impression sans nom d’imprimeur et l’action de la police sur les cabaretiers pour fausser l’élection. M. le ministre s’est bien gardé de traiter la seconde. Il a parlé longuement de la question de l’imprimé distribué sans noms d’auteur ; il n’a pas dit un mot du grief essentiel, fondamental de la pétition, celui de l’intervention de la police pour fausser l’élection de Bruges.

La pétition porte, à ce que j'ai écrit pendant qu'on la lisait, que la police abuse à Bruges de son pouvoir, que ses agents sont transformés (page 230) en courtiers électoraux, qu'ils parcourent les cabarets. Je n'ai écrit que ces simples extraits ; je n'ai pas la pièce sous les yeux ; mais cela me suffit.

A mes yeux, voilà le grand grief, le grief essentiel de la pétition.

Quant à l'écrit imprimé, j'ai interrompu mon honorable collègue, M. le ministre de l'intérieur, lorsqu'il a cité le nom de mon honorable ami, M. de Naeyer, en lui disant que je serais fort surpris si l'on avait imprimé ce qu'a dit, bien entendu tout ce qu'a dit cet honorable collègue, et je serais fort curieux de savoir de mon honorable ami qui vient de jeter les yeux sur la pièce, si ce qu'il a dit au sujet des élections de Bruges se trouve rapporté exactement, c'est-à-dire complètement dans la pièce ou si l'on s'est borné à en détacher quelques phrases sans donner le correctif. J'espère que l'honorable membre qui vient de voir la pétition voudra bien éclairer la Chambre sur ce point.

Je me bornerai là pour ce point,

Maintenant, que nous a dit M. le ministre ? Il nous accuse de faire en ceci une manœuvre électorale.

Ainsi un grief des plus graves, des plus sérieux nous est signalé la veille des élections et c'est une manœuvre électorale de s'en occuper ; c'est un crime, c’est un délit.

La manœuvre électorale honteuse et coupable qui se commet à Bruges n'est rien ; mais la critiquer, c'est une manœuvre électorale. Voilà le résumé du discours de M. le ministre de l'intérieur. Eh bien, je vous laisse juges, je laisse le pays juge de cette manière si habile de détourner la question de sa véritable portée.

. Comment ! le droit de pétition n'est donc plus un droit sacré ? Un abus ne pourra plus vous être signalé sans se rendre coupable de manœuvres ?

J'ai eu l'honneur de vous le dire en arrivant dans cette Chambre ; j'ignorais même que cette pétition nous fût soumise, et si je l'avais su, je le répète, je serais arrivé ici avec la circulaire de M. le ministre de l'intérieur de Hollande.

Pourquoi ne l'ai-je pas sur moi ? Parce que j'ignorais qu'il y avait une pétition qui fût relative à cet abus.

Et l'on vient dire que, parce que nous réclamons à la tribune contre les abus dont se plaignent les pétitionnaires, nous faisons une manœuvre électorale.

De manière que la police de Bruges, en courant les cabarets, en pesant sur les cabaretiers, ne se livrent pas à une manœuvre électorale, et nous, quand nous signalons ce fait, nous sommes coupables de manœuvre électorale.

MfFOµ. - Vous affirmez sans savoir.

M. B. Dumortier. - Nous affirmons sans savoir ! J'entends M. le ministre de l'intérieur mettre en rapport ce que l'honorable M. de Theux et moi avons dit hier avec ce que nous disons aujourd'hui.

Hier, à propos d'une enquête, c'est-à-dire à propos des éléments d'une résolution d'annulation des élections, nous avons dit que l'enquête devait être contradictoire, et ce que nous avons dit d'une enquête on vient l'appliquer au droit de pétition !

Mais ne voyez-vous pas que votre raisonnement c'est l'annulation du droit sacré de pétition ? Plus jamais on ne pourra adresser une pétition à la Chambre si vous voulez commencer par faire une enquête. Je dis que les personnes honorables qui ont signé la pétition, et parmi les noms que M. le rapporteur nous a indiqués, il en est plusieurs que je connais personnellement et qui ne sont pas capables de tromper la Chambre, eh bien, je dis que ces noms honorables et la responsabilité que les pétitionnaires encourent devant la ville qu'ils habitent, par la publicité que leur pétition donne aux faits dont ils se plaignent, sont une garantie complète de la vérité des faits qu'ils signalent.

Ah ! je sais pourquoi vous voudriez nous empêcher de parler ; lorsque vous aurez une deuxième fois vicié les élections de Bruges, alors vous viendrez dire que les faits sont inexacts. Mais alors il n'y aura plus de remède. Eh bien, en vertu du mandat que je tiens du peuple souverain de la Belgique, je proteste avec toute l'énergie de mon âme. (Interruption.)

Quoi ! chaque jour vous nous demandez si nous croyons à la souveraineté du peuple, et quand nous exerçons cette souveraineté nous sommes interrompus par vos rires !

Je dis qu'en vertu du mandat que je tiens du peuple souverain de la Belgique, j'ai le droit de réclamer contre cet abus scandaleux : l'intervention de la police dans les élections. Je dis que ce fait présente la plus haute gravité qui ait jamais existé en matière de corruption électorale. Est-il un cabaretier qui ne soit tous les jours exposé à des procès-verbaux, qui ne soit tous les jours exposé à être traîné devant le tribunal de simple police, soit parce que son cabaret aura été fermé quelques minutes trop tard, soit pour tout autre fait d'aussi peu d'importance ? Or quand les agents qui intentent ces poursuites interviennent dans les élections, je demande ce que devient la liberté des électeurs.

Ce que vous devriez tous vouloir avec nous, c'est qu'il n'y eût dans les luttes électorales que des influences légitimes, les influences du pays lui-même et qu'il n'y eût aucune intervention des pouvoirs publics dans les élections. Mais vous ne voulez qu'une seule chose, c'est d'avoir un pouvoir fort et de fausser la représentation nationale.

Votre conduite ne prouve qu'une chose, c'est que vous sentez que le pays est contre vous et qu'après avoir annulé, comme vous l'avez fait, l'élection de Bruges, c'est par la corruption la plus effrénée que vous voulez arriver à un triomphe qui vous fuit !

M. de Naeyer. - Messieurs, j'ai vérifié les paroles qui me sont attribuées dans l'écrit qui fait l'objet de cette discussion et j'ai constaté qu'elles sont extraites littéralement de mon discours ; mais je dois ajouter ceci : c'est qu'évidemment le sens de cette citation est complètement dénaturé parce que l'auteur de la publication qui a caché son nom n'a pas eu la loyauté d'ajouter la phrase qui suivait immédiatement et qui était indispensable pour compléter ma pensée et faire ressortir le véritable sens de mes paroles. Ce procédé, je ne veux pas le qualifier, je le livre à l'appréciation des honnêtes gens.

M. Pirmez. - J'avoue, messieurs, que je ne comprends pas cette discussion.

On croirait, à entendre les honorables préopinants, que nous sommes déjà mercredi prochain, que nos adversaires politiques ont été battus à Bruges et qu'ils demandent l'annulation des élections. A quoi cette discussion peut-elle servir aujourd'hui ?

A rien.

On nous dit qu'un écrit sans nom d'auteur ni d'imprimeur a été distribué à Bruges.

Mais s'il en est ainsi, si l'on croit devoir provoquer une condamnation ce n'est pas à la Chambre qu'on doit s'adresser, c'est au procureur du roi ou au juge d'instruction, et c'est devant les tribunaux que l'on aura à décider si la théorie de l'honorable M. Coomans est fondée ou non.

M. Coomans. - Je n'ai pas fait de théorie, j'ai lu un article du code.

M. Pirmez. - J'avoue qu'une simple observation sur un texte ne mérite pas le nom de théorie, je dirai donc que si l'interprétation donnée par M. Coomans à la loi, est fondée, les tribunaux condamneront et que, dans le cas contraire, ils acquitteront.

Mais une chose ici m'étonne.

L'honorable M. Coomans est partisan de la liberté absolue de la presse, il ose avancer ici qu'on veut détruire la liberté de la presse sournoisement, traîtreusement, il s'en constitue le défenseur.

Que fait-il cependant ? II s'empare précisément de la première question qui est soulevée, pour soutenir de toute son énergie l'interprétation la plus rigoureuse contre la presse.

Mais laissons ce point ; il est évident que la Chambre n'a pas à s'en occuper.

Doit-elle s'occuper davantage du second point de la réclamation, celui qui concerne l'intervention de la police dans les élections de Bruges ?

Il y a quelque temps nous avons discuté la validité des élections.

Les honorables membres auxquels je réponds nous démontrent qu'une enquête faite devant le juge d'instruction n'avait aucun caractère probant et par conséquent, non seulement la plainte d'où sort cette instruction mais cette longue instruction elle-même, ne peuvent servir à fonder une décision. Et l'on nous demande aujourd'hui d'admettre comme faisant preuve non pas une instruction, mais une simple réclamation qui pourrait seulement provoquer une instruction.

L'honorable M. Dumortier affirme qu'il faut ajouter une foi entière à la plainte que les personnes honorables ont signée...

.M. Dechamps. - Vous avez ordonné l'enquête de Bastogne.

M. Pirmez. - Il ne s'agit pas de voter une enquête comme en ce qui concerne l'élection de Bastogne, enquête que, du reste, je n'ai pas votée.

Les honorables membres n'ont pas même voulu d'une enquête quant à cette élection ; ils soutenaient, quant à l'élection de Bruges, qu'une enquête judiciaire ne constitue pas une preuve, et ils affirment aujourd'hui que la preuve est complète parce qu'il y a une dénonciation qui émane des hommes de leur parti.

Je ne veux pas, messieurs, me prononcer sur les faits ; je repousse autant que personne la pression dans les élections ; mais je me demande comment il se fait que c'est au moment où mes contradicteurs annoncent qu'ils vont présenter un projet de loi pour soustraire à l'action du (page 231) gouvernement les chefs de la police communale, pour faire nommer par le électeurs les bourgmestres et les échevins, ils veulent que la Chambre s'adresse au gouvernement pour qu'il exerce une action sur les chefs de la police communale !

M. Coomans. - Pour faire exécuter la loi.

M. Pirmez. - Pour faire exécuter la loi, dit M. Coomans.

Mais encore ici je trouve une contradiction complète avec tout ce que vous avez entendu il y a quelques jours.

La droite professe cette doctrine qu'il n'y a de grief contre une élection que lorsqu'une disposition positive de la loi a été violée, et j'avoue que j'incline à adopter cette manière de voir ; mais l'honorable M. Coomans pourrait-il nous dire par quelle loi sont prévus les faits dont on se plaint ?

Aucune loi ne s'en occupe, et dès lors je ne comprends plus sa réclamation.

Il est évident que cette discussion ne peut rien produire ; elle ne peut que faire perdre le temps de la Chambre ; et je trouve que l'on a mauvaise grâce, quand on s'est plaint que la Chambre a perdu trop de temps à l'examen des pouvoirs d'élections, on vienne, même avant des élections, en discuter la validité.

En présence de cette discussion sans but, sans issue possible, j'avoue que je ne puis y voir qu'une de ces deux choses : ou bien c'est un moyen électoral pour influencer le résultat des prochaines élections de Bruges ; ou bien c'est un moyen de préparer une nullité dans la prévision d'un résultat défavorable au parti qu'on désire voir triompher.

M. de Theuxµ. - L'honorable M. Pirmez a dit avec raison que nous avons soutenu qu'aucune élection ne pourrait être annulée que pour contravention à la loi. Cette thèse, je l'ai personnellement soutenue et je la soutiendrai encore. Mais je répondrai à l'honorable membre que si l'on veut appliquer aux élections des membres du parti conservateur une théorie contraire, je ne souscrirai jamais à ce que la Chambre juge les élections d'après deux théories différentes. Je n'admets pas que quand il s'agit de membres libéraux on vienne nous dire : Vous soutenez qu'il faut une violation de la loi ; il n'y en a pas ici ; donc nous maintenons l'élection ; qu'au contraire quand il s'agit de l'élection de membres de la droite, on vienne nous dire : Peu importe que la loi n'ait pas été violée, il suffit qu'il y ait eu des manœuvres, pour qu'il faille annuler l'élection.

Quant à moi, je ne souscrirai jamais à une pareille doctrine, et l'honorable M. Pirmez a trop de loyauté pour ne pas reconnaître, après y avoir réfléchi, qu'elle est complètement inadmissible, attendu qu'elle implique deux manières de procéder tout à fait différentes dans des cas tout à fait identiques.

L'honorable membre dit : A quoi bon cette discussion ? Elle ne peut aboutir à rien. Mais, messieurs, quand des citoyens viennent dénoncer à la Chambre une violation de la loi, il est du devoir de la Chambre de renvoyer leur réclamation au gouvernement pour examiner si réellement il y a eu violation de la loi. Aucun de nos amis n'a demandé que la Chambre décide dès aujourd'hui et à l'instant même qu'il y a eu violation de la loi, aucun de nos amis n'a demandé que la Chambre décide que les faits allégués par les pétitionnaires sont vrais. On ne demande rien de semblable, on demande simplement le renvoi de la pétition à MM. les ministres de l'intérieur et de la justice.

Quand une violation de la loi est dénoncée, le gouvernement prend des informations et agit en conséquence. C'est encore ce qu'il fera dans le cas actuel.

MjTµ. - Le gouvernement n'a pas fait la moindre opposition aux conclusions proposées au nom de la commission des pétitions. Si donc l'on s'était borné à demander le renvoi de la pétition au gouvernement pour la vérification des faits, il y a longtemps que cette discussion serait terminée. On a donc voulu autre chose.

Je comprends que cette discussion eût surgi si le gouvernement avait contesté le renvoi demandé ; mais, je le répète, il n'a pas fait la moindre objection à la proposition de renvoi ; cependant on a voulu discuter, on a voulu donner à cette affaire des proportions énormes, des proportions qu'elle ne comporte pas.

Eh ! messieurs, l'on s'est beaucoup récrié lorsque mon honorable collègue a dit que cela semblait être une manœuvre électorale ; tandis qu'il y a quelques jours, alors que l'honorable M. Delaet disait à l'honorable M. Hymans que tout son discours n'était qu'une manœuvre électorale à l'endroit des élections de Bruges, la droite n'a pas protesté le moins du monde.

Il est vrai qu'alors le reproche s'adressait à un membre de la gauche ; cela devait suffire pour que le reproche fût de très bonne guerre ; mais quand un reproche semblable est adressé à la droite, cela devient un crime. C'est toujours le même procédé, la mène justice, la même impartialité qu'on emploie à l'égard de la gauche (Interruption.)

L'honorable M. Coomans a beaucoup insisté pour que j'intervienne dans ce débat ; il a voulu à toute force connaître mon opinion.

En ce qui concerne l'écrit imprimé, il y a manifestement deux questions : il y a une question légale et une question morale. Quant à la question légale, ce n'est pas à la Chambre qu'il fallait la soumettre et si l'on n'avait voulu de solution que sur cette question ; si l’on n'avait voulu autre chose que la répression d'un abus, il me semble qu'il y avait une marche beaucoup plus simple à suivre ; c'était d'envoyer l'écrit au procureur du roi, qui eût immédiatement poursuivi, car il ne s'agit pas ici d'un délit politique.

M. Moncheur. - En amendant, les manœuvres auraient continué.

MjTµ. - Mais le procureur du roi est bien mieux en mesure que le ministre d'agir sans perte de temps.

- Un membre. - Et s'il ne le fait pas ?

MjTµ. - On aura alors à dénoncer au ministre le magistrat qui n'aura pas fait son devoir. Mais il est évident que ce n'est point des poursuites qu'on s'est sérieusement préoccupé.

Je ne connais pas la date de cette pétition.

M. de Mérode. - Elle est arrivée hier.

MjTµ. - Si elle est arrivée hier, il est bien certain que les pétitionnaires n'espéraient pas un rapport aussi prompt et qu'ils ne s'attendaient pas à ce qu'on le discutât aujourd'hui.

MfFOµ. - Le rapport n'était pas même à l'ordre du jour.

MjTµ. - Je suis, pour mon compte, un peu surpris de la diligence qu'a mise la commission dans cette affaire.

- Un membre. - La commission n'a pas même été convoquée.

MjTµ. - Je me demande si c'est bien sérieusement qu'on a pu espérer qu'une pétition, parvenue hier seulement à la Chambre, pourrait être discutée et envoyée assez à temps au gouvernement pour que celui-ci pût prendre aucune mesure avant les élections qui doivent avoir lieu mardi prochain ? Assurément non ; j'y mettrais la plus grande diligence, j'écrirais ici même, de mon banc, au procureur du roi, comment voulez-vous que ce magistrat puisse, s'il existe un abus, le faire cesser avant mardi prochain ?

Ce n'est donc pas la répression d'un délit qu'on a voulu obtenir ; on a voulu faire grand bruit d'un fait signalé dans une pétition, et faire croire que les plus graves abus se préparaient pour les prochaines élections de Bruges ; les pétitionnaires ont voulu exercer une espèce de pression parlementaire en vue des élections de Bruges, et nullement amener, au point de vue légal, la répression d'un fait qui peut être apprécié de différentes manières, mais sur la légalité duquel les tribunaux seuls ont à prononcer.

M. Nothombµ. - La pétition est datée du mois de décembre.

MjTµ. - Comment alors n'est-elle parvenue à la Chambre qu'hier ?

M. Mullerµ. - Quand la commission s'est-elle réunie ?

MfFOµ. - Elle n'a pas été convoquée. (Interruption.) Oh ! nous avons parfaitement vu les manœuvres.

MjTµ. - Il surgit ici un nouvel incident qui viendrait confirmer ce que je disais tout à l'heure ; seulement, ce que je disais ne se rapporterait plus simplement aux pétitionnaires que j'accusais d'avoir employé une manœuvre en envoyant si tardivement leur pétition.

On prétend que la commission n'a pas été convoquée (interruption) et qu'on a prié M. Vander Donckt de faire un rapport en son nom à la Chambre ; c'est ce que j'entends murmurer autour de moi, je laisserai à d'autres le soin de vider l’incident. (Interruption.)

Je disais donc qu'il y avait un point de vue moral et un point de vue légal.

La question, au point de vue légal, doit être résolue par les tribunaux ; au point de vue moral, si la pièce n'est que la reproduction d'articles qui réellement ont été publiés dans d'autres journaux, évidemment le cas n'est pas très coupable, surtout en ce qui concerne l’imprimeur, car il n’avait aucun intérêt à ne pas se faire connaître. Je n’entends pas résoudre la question de savoir si tout imprimé quelconque ne doit pas porter le nom de l’imprimeur. (Interruption.)

Si les tribunaux ont prononcé, je n'entends pas infirmer leur (page 232) décision, je n'entends pas, dans une question de droit, qui surgit inopinément émettre immédiatement une opinion, j'entends apporter dans ces cas une extrême réserve.

Il serait peu convenable et très imprudent, de la part d'un ministre de la justice, de décider des questions semblables sans les avoir examinées ; car il s'exposerait à voir son opinion condamnés par les tribunaux du pays. Aussi souvent qu'une question de droit a surgi sur laquelle je n'avais pas d'opinion arrêtée, j'ai demandé le temps de l'examiner, et je me propose d'en faire autant chaque fois que le cas se présentera.

Au point de vue moral, j'admets parfaitement bien que lorsqu'on reproduit des parties de certains discours il faut les reproduire dans leur entier, c'est le devoir de l'auteur de la reproduction ; mais en ce qui concerne l'imprimeur et au point de vue de sa responsabilité, la chose est sans importance.

Il peut y avoir là une question de loyauté pour l'auteur mais non une question de pénalité pour l'imprimeur. La reproduction d'une partie du discours de M. de Naeyer ne peut en raison de ce qu'elle est incomplète, entraîner aucune espèce de peine contre l'imprimeur ; il n'avait donc aucun intérêt à se cacher. (Interruption.)

La loi oblige l'imprimeur à mettre son nom sur tous les écrits qui sortent de ses presses pour qu'en cas de délit la loi puisse recevoirh son exécution.

Or, contre tout ce qui a été reproduit il n'y a pas de pénalité possible. (Interruption.)

Vous n'en savez rien, dites-vous. Je raisonne dans l'hypothèse où on a reproduit exactement. Sans doute, il ne suffira pas d'écrire, par exemple : « Extrait du discours de M. de Naeyer », pour échapper à la loi si l'on insinue autre chose que ce qu'a dit M. de Naeyer. Mais je répète que si l'imprimeur n'a fait que reproduire des extraits de journaux ou de discours qui ne pouvaient donner lieu à aucune poursuite, il n'avait aucun intérêt à dissimuler son nom, qu'il n'y a aucun reproche à lui faire au point de vue moral, et que l'on a tort de donner à cette affaire une proportion qu'elle n'a pas.

Un mot du deuxième grief que M. Dumortier a élevé à la hauteur d'un motif de nullité contre des élections qui ne sont pas faites.

Messieurs, il ne faut pas s'étonner de voir intervenir dans les élections les agents de l'autorité civile. (Interruption.)

Non, il ne faut pas s'en étonner. Cela est inévitable. Nous aurons beau vouloir dissimuler la véritable situation du pays elle se révélera toujours dans toute sa clarté, quoi que nous puissions en dire. Il est constant qu'il y a en présence deux pouvoirs : l'autorité civile et l'autorité ecclésiastique. L'autorité ecclésiastique descend dans l'arène électorale avec toutes ses forces. Le pouvoir spirituel engage la lutte avec toute sa puissance morale et tout son personnel. Qu'y a-t-il d'extraordinaire à ce que l'autorité civile le suive. Si elle ne le suivait pas... (Interruption.) Elle a, dites-vous, des pénalités ; mais le pouvoir spirituel a des pénalités bien autrement puissantes, bien autrement sérieuses que les pénalités civiles ; il menace de peines bien autrement redoutables que celles dont dispose l'autorité civile.

Quand l'autorité religieuse sonne le branle-bas de combat en appelant à elle toutes ses forces, il est tout naturel que l'autorité civile s'y trouve également. Quand nous blâmons l'intervention du clergé dans les élections, que répond-on ? Le prêtre est un citoyen, vous n'avez pas le droit de l'empêcher d'intervenir.

Messieurs, si la raison est bonne pour nos adversaires, pourquoi la raison n'est-elle pas bonne pour l'autorité civile ?

Pourquoi ne dirait-on pas : le commissaire de police est un citoyen. Le commissaire de police a le droit d'intervenir dans les élections.

Mais, a dit l'honorable M. Dumortier, vos agents de police ne sont pas tous électeurs. Je demande, moi, si tous les vicaires sont électeurs et si, parce qu'ils ne sont pas électeurs, ils n'interviennent pas dans les élections.

Nous avons vu, d'après l'enquête faite au sujet des élections de Bruges, des démarches faites par des vicaires dans des cabarets. Il faut donc admettre chez vos adversaires ce que vous pratiquez vous-mêmes sur une si large échelle.

Quant à moi, je vous le dis très franchement, le jour où le clergé n'interviendra pas dans les élections, ce jour-là je condamnerai de la manière la plus absolue l'intervention de l'autorité civile dans les élections ; mais aussi souvent que le clergé y interviendra, aussi longtemps qu'il y interviendra, surtout comme il y intervient à Bruges, par ordre partait d'en haut, par ordre ne partant pas des citoyens, car l'évêque de Bruges ne parle pas comme citoyen, c'est du haut de la chaire qu'il parle, c'est par des mandements ; aussi longtemps qu'il interviendra de cette manière, aussi longtemps il faut qu'à titre légitime défense, sous peine, pour le pouvoir temporel, d'être absorbé, sous peine de voir régner la théocratie dans le pays, il faut que l'autorité civile intervienne er se défende contre les entreprises du clergé. (Interruption.)

M. De Lexhyµ. - Messieurs, je fais partie de la commission des pétitions du mois de janvier, et c'est à ce titre que j'ai demandé la parole.

Il est de principe réglementaire, qu'une pétition envoyée à la Chambre appartient à la commission pendant la durée de laquelle cette pétition arrive à la Chambre. Je crois que cela est incontestable.

M. Allard. - Surtout pour les pétitions au sujet desquelles on demande un prompt rapport.

M. De Lexhyµ. - La compétence de la commission de janvier relativement à cette pétit'in est indiscutable.

En effet, s'il est vrai que cette pétition soit arrivée hier, comme on l'a dit tantôt à droite, si je ne me trompe, il est fort étrange qu'on n'ait pas convoqué la commission de janvier et qu'on ait convoqué au contraire celle de décembre.

Il y a certainement un motif à cette préférence accordée à la commission de décembre et ce motif n'est pas difficile à découvrir. C'est que cette commission a l'avantage, aux yeux de l'honorable M. Vander Donckt, de posséder quatre membres de la droite et seulement deux de la gauche.

La commission de janvier au contraire, qui est sans doute très hérétique aux yeux de l'honorable président de la commission de pétitions, renferme quatre libéraux et deux conservateurs.

Messieurs, c'est sans doute là le motif de la préférence que l'honorable M. Vander Donckt a accordée à la commission de décembre.

M. Vander Donckt. - Je m'expliquerai.

M. De Lexhyµ. - Je proteste de toutes mes forces contre un procédé semblable qui ressemble fort, permettez-moi l'expression, puisqu'on s'en est servi si souvent, à une manœuvre électorale.

Ce procédé est d'autant plus étonnant de la part de l'honorable M. Vander Donckt, que cet honorable membre règne à perpétuité dans la commission des pétitions et que son règne, il faut le dire, n'a jamais été contesté ni envié ; mais au moins puisque l'honorable membre connaît les us et coutumes, et les règles et traditions de la commission des pétitions, il devrait chercher à les appliquer avec plus d'impartialité.

En conséquence, on devrait renvoyer la pétition en question à la commission compétente, qui seule a le droit de saisir la Chambre de cette affaire ; ce serait logique et conforme au règlement.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, l'honorable ministre de la justice vient de dire qu'on lui a dit qu'il n'y a pas eu de réunion de commission et que j'avais, par complaisance, élaboré instantanément un rapport.

Eh bien, messieurs, je le déclare franchement, sur mon honneur, jamais, au grand jamais je n'ai usé de cette complaisance ni envers mes amis ni envers mes adversaires, et aucun honorable membre ne me l'a demandé. Jamais je ne ferai rapport sur une pétition sur laquelle la commission n'aurait pas statué et adopté les conclusions. Je puis donc dire que cela est inexact et que l'honorable ministre a été mal renseigné.

Une commission a été convoquée ; elle l'a été dûment, légalement. C'est la commission de décembre.

M. Prévinaire. - A quel titre ? elle n'existe plus.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Cette commission existe encore ; veuillez me permettre de m'expliquer. Je vais vous dire pourquoi j'avais d'abord fait convoquer cette commission, c'était pour examiner plusieurs prompts rapports qui sont depuis quelque temps dans les dossiers, car je n'avais aucune connaissance de la pétition dont il s'agit en ce moment. Voici les faits, qui ne seront démentis par personne.

La commission de janvier était réunie pour se constituer et répartir les dossiers, et quand nous sommes entrés dans la salle, la séance était commencée et le renvoi de la pétition en question était ordonné ; le soir, j'ai reçu cette pétition de janvier. Or, depuis le temps que je fais partie de la Chambre et de la commission des pétitions, il a été de jurisprudence constante dans la commission des pétitions que toutes les pétitions qui arrivent jusqu'à ce que la nouvelle commission soit constituée, appartiennent à la commission du mois précédent.

Donc, d'après cette jurisprudence, les pétitions des premiers jours de janvier devaient être examinées par la commission de décembre. (Interruption.)

Permettez, La commission de janvier examinera encore les pétitions du (page 233) commencement de février pour le cas où la commission de février ne serait pas constituée, car il y a pour cela une raison péremptoire que la Chambre appréciera, c'est qu'il faut bien, en cas d'urgence, pouvoir les renvoyer à une commission quelconque. Or, quand la commission n'est pas constituée, elle n'est pas apte à examiner des pétitions.

Par conséquent, j'ai cru suivre les anciens errements en joignant cette pétition au dossier du mois de décembre. J'ai eu même l'honneur de dire à plusieurs honorables membres que les pétitions auxquelles ils s'intéressaient étaient soumises à la commission de décembre.

Voilà, messieurs, le véritable motif de ma conduite. Je n'ai été guidé par aucune idée politique. Mon but a été d'assurer la liberté et la sincérité des élections et j'aime à croire que c'est l'intention de tous les membres de cette Chambre.

Vous en avez eu, messieurs, la preuve dans toutes les circonstances ; je me suis conduit d'une manière telle, qu'on ne peut pas dire que je sois plutôt porté pour tel parti que pour tel autre.

J'ai toujours été modéré dans mes rapports et dans l'examen des pétitions. J'ai cru que j'étais dans le droit, que c'était la commission de décembre qui devait examiner la pétition dont le rapport vous est soumis, et quant aux observations de l'honorable M. Bouvier, elles ne sont pas à mon adresse ; cela ne me regarde pas.

MpVµ. - Messieurs, pour empêcher que cet incident, qui semble vouloir empiéter sur l'autre, ne prenne de trop grandes proportions, je vais lire l'article 60 du règlement.

« Tous les mois, chaque section nomme un de ses membres pour former la commission des pétitions. Cette commission est chargée de l'examen et du rapport des pétitions. »

M. Bouvierµ. - Messieurs, je n'ai qu'un fait à constater. La commission des pétitions de janvier s'est réunie hier et s'est constituée. Eîaient présenls l'honorable M, Van Humbeeck, l'honorable M. Vander Donckt et moi.

Que s'est-il passé ? Il y avait un grand nombre de dossiers. L'honorable M. Van Humbeeck a lu l'analyse de chacun de ces dossiers et nous nous les sommes partagés.

A l'heure qu'il est, aucun de ces dossiers n'est arrivé à mon domicile, et en entrant tout à l'heure, je demandai à l'honorable M. Vander Donckt si déjà il avait reçu ceux qui lui étaient destinés. Il m'a dit : Non ; mais ils vont arriver.

J'ai été fort étonné tout à l'heure que l'honorable M. Vander Donckt ait fait un rapport sur une pétition que l'honorable M. Van Humbeeck pas plus que moi, n'avions l'honneur de connaître.

Je n'en dirai pas davantage, parce que je ne veux pas abuser des moments de la Chambre.

M. Hymans. - Messieurs, je ne veux suspecter en rien la bonne foi de l'honorable M. Vander Donckt. J'ai toujours considéré l'honorable M. Vander Donckt comme un excellent collègue, comme un homme fort impartial, et chaque fois que j'ai eu l'honneur de siéger avec lui à la commission des pétitions, ce qui est arrivé souvent, je n'ai eu qu'à rendre hommage à son impartialité.

Seulement, dans la circonstance actuelle, il y a de la part de l'honorable M. Vander Donckt une confusion de souvenir et une fort singulière erreur.

L'honorable rapporteur vient de vous dire qu'il était d'usage de renvoyer à la commission du mois antérieur toutes les pétitions arrivées pendant le commencement du mois, alors que la commission nouvelle n'était pas constituée.

Or, en supposant que cette doctrine soit la bonne, ce que je n'admets pas, l'honorable M. Vander Donckt commet encore ici une erreur de fait.

La pétition dont il s'agit aujourd'hui a été renvoyée hier à la commission des pétitions avec la demande d'un prompt rapport faite par l'honorable M. de Theux. La commission des pétitions du mois de janvier s'était constituée une heure avant la séance.

Par conséquent, en admettant même que la thèse de l'honorable M. Vander Donckt soit la vraie et que nous devions nous y conformer, la pétition sur laquelle il vient de vous être fait rapport devait évidemment être renvoyée à la commission du mois de janvier qui était constituée et qui était parfaitement à même d'en prendre connaissance. Or, j'ai l'honneur de faire partie de cette commission et pas plus que l'honorable M. Bouvier je n'ai été convoqué, et j'ai été très surpris d'entendre l'honorable M. Vander Donckt faire un prompt rapport sur une pétition dont je n'avais aucune connaissance.

Dans cet état de choses, il me semble que la commission qui a fait rapport sur la pétition de Bruges n'était pas compétente pour faire ce rapport, n'avait pas le droit de s’occuper de 1a pétition, de l'examiner et que la Chambre n'a qu'une chose à faire, c'est de renvoyer la pétition à l'examen de la commission du mois de janvier qui devait en être régulièrement saisie.

J'en fais la proposition formelle.

M. Bouvierµ. - Je l'appuie.

M. Wasseigeµ. - Messieurs, la discussion est commencée ; elle est presque épuisée, faut-il l'étouffer sous prétexte d'un vice de forme ?

On a taxé tout à l'heure de manœuvre électorale ma proposition d'ouvrir immédiatement la discussion du rapport sur la pétition de Bruges. Je crois que je pourrais accuser à bien plus juste titre de manœuvre électorale la proposition qui est faite de renvoyer la pétition à l'examen de la commission du mois de janvier, car il est positif que dans ce cas aucun résultat utile ne pourra être amené par la discussion.

Je le répète, la discussion est très avancée, et il me paraît que le gouvernement dans sa loyauté et 1a Chambre dans son impartialité, doivent désirer qu'elle aboutisse. MM. les ministres ont déjà accepté le renvoi, et je ne crois pas que ce soit sérieusement que l'honorable M. Hymans vienne faire une proposition qui, sous un prétexte de procédure, serait l'enterrement du fond.

Je demande donc que la discussion continue.

Van Humbeeckµ. - Je ne voudrais pas prolonger ce que l'honorable président a appelé avec raison l'incident dans l'incident. Cependant comme membre de la commission des pétitions du mois de janvier, je crois devoir confirmer les déclarations faites par mes honorables collègues de cette commission.

La commission du mois de janvier était évidemment seule compétente, aux termes des articles 60 et 65 du règlement, pour statuer sur une pétition arrivée hier. Cette commission s'était constitué hier même, une heure avant la séance, elle n'a pas été convoquée aujourd'hui pour délibérer. Le rapport qui vous a été présenté émane donc évidemment d'une commission incompétente.

On prétend que la proposition de l'honorable M. Hymans, qui n'est que la consécration de cette vérité, doit être considérée comme une manœuvre électorale. C'est dire que l'observation du règlement est une manœuvre électorale et que pour rendre aux élections toute leur sincérité, il faut violer le règlement dans ses dispositions les plus formelles. Cela ne se discute pas.

M. H. de Brouckereµ. - Je voulais dire précisément ce qu'a dit l'honorable M. Van Humbeeck ; la discussion a eu lieu sur le rapport d'une commission incompétente, et nous n'avons qu'une seule chose à faire, c'est de renvoyer la pétition à la commission compétente.

M. B. Dumortier. - Je suis convaincu que mon honorable collègue et ami M. Vander Donckt a exécuté dans cette affaire le règlement comme il doit l'être d'après les traditions.

De quoi s'agit-il ?

Il ne s'agit pas d'une pétition ordinaire, mais d'une pétition sur laquelle la Chambre a ordonné l'urgence, a ordonné un prompt rapport. Eh bien, l'article 65 du règlement stipule formellement qu'il peut être dérogé pour les cas d'urgence.

Dès lors, ce que mon honorable ami a fait... (Interruption.) En cas d'urgence, la Chambre peut intervertir l'ordre, et c'est ce qu'elle a fait en demandant un prompt rapport. La commission qui était sous la main de l'honorable rapporteur était donc celle qui devait examiner la pétition.

Je dis, messieurs, que ce sont là de mauvais moyens ; ce sont des moyens de procédure qui n'ont qu'un seul but, c'est d'enterrer une affaire qui vous gêne.

M. Wasseigeµ. - Je réclame la parole pour sous-amender la proposition de M. Hymans. Je demande que si la pétition est renvoyée à l'examen de la commission du mois de janvier, cette commission, vu l'urgence, se réunisse immédiatement et fasse son rapport séance tenante.

M. Gobletµ. - Messieurs, il est impossible de procéder de la sorte ; ce serait encore une violation du règlement. D'abord la Chambre peut seule intervertir l'ordre et il n'y a eu aucune décision de la Chambre qui renvoyât la pétition à la commission du mois de décembre. C'est donc par une violation manifeste du règlement que cette commission a été saisie. Pourquoi voulez-vous maintenant, si vous n'ayez aucun autre intérêt en vue que le bon ordre, pourquoi voulez vous qui la séance soit interrompue et que la commission fasse un rapport séance tenante ? Cela est fort inutile, car le rapport peut être discuté mercredi aussi bien qu'aujourd'hui.

M. Wasseigeµ. - Oui nous en avons un, et bien légitime, c'est la sincérité des élections de Bruges, qui nous paraît menacée et que nous voulons sauvegarder.

(page 234) M. Gobletµ. - Il est évident que vous n'êtes si pressés que parce que vous rattachez cet incident à l'élection de Bruges. Voilà le fait ; que les intentions soient bonnes ou mauvaises, peu importe, mais voilà le fait. Eh bien, j'admets parfaitement la bonne foi pleine et entière de l'honorable M. Vander Donckt ; je le connais assez pour n'avoir pas l'ombre d'un doute à cet égard, mais vous voulez profiter d'une erreur qu'il a commise et vous vous obstinez à vouloir profiter de cette erreur, alors qu'il est évident que le règlement a été violé.

Je dis, messieurs, qu'il ne peut pas y avoir de doute, qu'il faut adopter la proposition de M. Hymans.

M. Wasseigeµ. - Si jamais une proposition, comme celle que j'ai l'honneur de soumettre à la Chambre, a été justifiée, c'est bien dans cette occasion-ci.

Nous pensons, nous, que des manœuvres coupables se pratiquent à Bruges au bénéfice des candidatures libérales ; elles nous sont signalées par d'honorables citoyens, en qui nous avons confiance. Nous avons à faire cesser ces manœuvres autant qu'il est en notre pouvoir ; eh bien, si le rapport ne pouvait pas être discuté et voté aujourd'hui, nous n'aurions plus aucun moyen d'action, nous serions forclos.

L'absence momentanée de quelques-uns de nos honorables collègues faisant partie de la commission du mois de janvier, pour statuer sur une pétition qu'ils connaissent déjà parfaitement, puisqu'elle vient d'être discutée et sur laquelle ils n'ont plus, pour ainsi dire, qu'à émettre un vote, cette absence, dis-je, n'interrompra pas la séance.

Nous croyons, nous, qu'il y a des mesures à prendre qui ne peuvent être prises utilement qu'aujourd'hui. Si le gouvernement est loyal, s'il est impartial, il peut faire cesser les manœuvres signalées dans la pétition et diminuer en grande partie le mauvais effet qu'elles peuvent avoir déjà produit ; s'il le refuse, je le répète, il s'y associe en tant qu'il est en son pouvoir et prend ouvertement parti. De notre part, au contraire, il n'y a pas de manœuvre, il y a désir ardent de faire cesser celles qui nous sont signalées à Bruges ; nous demandons que les élections soient loyales et sincères, cela nous suffit pour espérer le triomphe de notre opinion. J'insiste donc, et je demande, messieurs, que si le renvoi à la commission de janvier est ordonné, la Chambre décide en même temps que la commission se réunira immédiatement et fera son rapport séance tenante.

M. Hymans. - Messieurs, je ne vois pas de bonne raison pour s'opposer à la proposition que vient de faire l'honorable M. Wasseige. Je crois, en effet, que la commission des pétitions peut parfaitement se réunir immédiatement et faire séance tenante son rapport sur cette question, qui a été discutée. Mais je me permettrai de faire observer que l’insistance de la droite, en ce qui concerne ma proposition, tendrait à faire suspecter la bonne foi de l’honorable M. Vander Donckt.

- Plusieurs membres. - Non ! non !

M. Hymans. - Nous avons reconnu très loyalement que l'honorable M. Vander Donckt s'était trompé, mais en insistant comme on le fait pour le maintien d'une décision irrégulière, on tend à faire croire qu'il nous a trompés.

- La proposition de M. Hymans et l'amendement de M. Wasseige sont mis aux voix et adoptés.

Projet d’adresse en réponse au discours du trône

Discussion des paragraphes

Paragraphes 13 et 14

« La Chambre ne peut qu'encourager les tendances du gouvernement vers ce but de sage décentralisation administrative. »

- Adopté.


« Les sentiments de patriotisme qui animent la garde civique et l'armée affirment l'excellence de l'esprit national. »

- Adopté.

Paragraphe 15

« Les progrès accomplis dans les arts, les sciences et les lettres démontrent d'autre part la noble émulation des intelligences pour contribuer au développement moral de la patrie. »

M. Coomans. - Je ne tiendrai pas longtemps la Chambre. Je me bornerai à être l'organe du blâme dont l'opinion publique a très généralement frappé la manière dont la dernière exposition des beaux-arts a été organisée. Il y a eu beaucoup de plaintes, selon moi, très fondées, sur la manière d'exposer les tableaux, sur la manière de récompenser les artistes, sur la manière d'admettre le public.

Ce dernier point m'a frappé.

Le gouvernement a dépensé pour cette exposition une somme d'une centaine de mille fr., et le public qui payait cette forte somme a été presque systématiquement exclu du salon. On a exigé le payement d'un franc, excepté le dimanche. Or, il est de notoriété publique que, le salon a été presque complètement désert les jours de la semaine, et que le dimanche consacré à la foule, il y avait une affluence telle que la circulation était souvent impossible.

Je suis de ceux qui pensent que les deniers du public doivent être dépensés pour le public. Je pourrais à cet égard entrer dans beaucoup de considérations. Je me borne à une seule : c'est que je suis bien sûr que les artistes sont unanimes pour désirer la libre entrée du salon. Un artiste qui a exposé comme un journaliste qui écrit |comme un député qui parle, aiment la publicité.

Les tristes résultats, les piètres résultats donnés par la loterie démontrent assez que le système pratiqué est détectable.

J'espère que l'honorable ministre de l'intérieur ne verra dans mes observations rien de clérical, attendu que l'abus que je blâme a été généralement pratiqué par tous les ministres et une fois pour toutes je désire que l'on sache que ce sont des questions de principe et jamais des questions de personnes que je discute, surtout en pareille circonstance.

J'appelle donc la très sérieuse attention du gouvernement sur les plaintes qui se sont produites de la part des artistes et de la part du public au sujet de la dernière exposition.

Quant au gaspillage d'une centaine de mille francs pour construire une affreuse baraque, à l'abri de laquelle on n'a pu, certains jours, mettre ni les tableaux, ni les artistes, ni le public, il est trop évident pour que je craigne qu'il se reproduise.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, je ne vois rien de clérical ni de libéral dans cette affaire, et je ne repousserai pas les observations de l'honorable membre parce qu'il siège à droite. L'honorable M. Coomans me rendra cette justice que, plus d'une fois, j'ai eu égard à ses observations, lorsqu'il en a fait qui étaient de nature à pouvoir être accueillies.

Ainsi, l'honorable M. Coomans, à propos de l'Exposition, m'avait fait une recommandation en ce qui concernait les parapluies et les cannes. (Interruption.) J'ai tenu compte de ses réclamations ; les cannes ont pu entrer à l'Exposition et les parapluies n'en ont été exclus que les jours de pluie.

M. Coomans. - C'était ces jours-là qu'il fallait des parapluies. Il pleuvait à travers la toiture.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - On n'a pu, ces jours, accorder la libre entrée aux parapluies, parce que les salles auraient été inondées et les visiteurs arrosés.

L'honorable M. Coomans voit donc que je suis plein d'égards pour les observations qu'il veut bien me faire.

Messieurs, l'honorable membre nous dit que le monde artistique et le public en général se sont plaints de la manière dont on a admis et placé les tableaux, ainsi que de la façon dont les récompenses ont été décernées.

Je ferai observer à la Chambre et à l'honorable M. Coomans que les tableaux sont placés par une commission nommée par les artistes eux-mêmes et que les récompenses, les médailles sont également décernées par ce jury.

M. Coomans. - Avec votre approbation.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Non, sans mon approbation. Le jury décide souverainement. On a toujours admis que les artistes devaient être jugés par leurs pairs. .

M. Coomans. - Et où est la responsabilité ministérielle ?

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - La responsabilité ministérielle fait ici complètement défaut, comme dans tous les cas où un jury statue en dernier ressort ; alors le ministre ne pouvant pas intervenir, sa responsabilité est dégagée.

Je crois, d'ailleurs, que l'honorable M. Coomans ne peut pas se plaindre de ce que l'action ministérielle soit nulle ici, puisqu'il demande toujours que le gouvernement intervienne le moins possible et laisse pleine liberté à l'action individuelle. Je crois aussi que les artistes, nommant eux-mêmes leur jury, ne peuvent pas se plaindre d'être jugés par leurs pairs, par les mandataires que la majorité des exposants élit librement.

D'après l'honorable M. Coomans, le public n'aurait pas été assez souvent admis gratuitement à l'exposition et, d'autre part, l'honorable membre se plaint de ce qu'on aurait dépensé, gaspillé, d'après lui, une somme de 100,000 francs.

Il y a quelque chose de contradictoire dans ces deux reproches car, si les admissions gratuites avaient été plus nombreuses, la somme à payer par l'Etat eût été plus élevée encore. Cependant je reconnais avec l'honorable membre qu'il serait bon à l'avenir d'admettre plus souvent gratuitement le public aux expositions.

J'admets également qu'il y a quelques modifications à faire pour l'organisation des expositions nationales des beaux-arts. Ainsi, par exemple, (page 235) je voudrais qu'à l'avenir la loterie, qui a peu produit, fût organisée d'après un autre système. Les actions pourraient être fixées à un prix moins élevé, 10 francs, c'est beaucoup ; ces actions devraient être accessibles à toutes les fortunes. Mais ce sont là des améliorations de détail.

Il me reste à répondre à une accusation : c'est celle qui concerne le local provisoire, vulgairement appelé baraque.

Je ne suis pas plus amoureux que l'honorable M. Coomans de ces constructions provisoires, comme je n'en admire pas plus que lui la grâce et le style architectural. Mais quand on doit organiser une exposition, il faut nécessairement un local, et quand on n'en a pas, il est indispensable d’en construire un.

J'ai cherché à faire faire cette construction le plus économiquement possible. Mais vous remarquerez que ce local, étant isolé sur une place publique, a coûté plus que s'il avait été adossé à un bâtiment. Du reste, j' vais un autre projet. La commission de l'exposition a vivement critiqué ce projet, et pour ne pas faire manquer l'exposition, j'ai été obligé de faire construire la baraque ou le local dont il s'agit, et je constate ici que les dispositions intérieures du local ont mérité l'approbation unanime des artistes ; ce fait est important.

Ce local n'a pas coûté autant que le dit l'honorable membre ; il nous a coûté 63,000 fr., et le reste du crédit a servi à couvrir d'autres frais, attendu que les entrées, etc., etc, n'ont pas rapporté beaucoup, et je serai même, à cause de cette circonstance, obligé de demander, lors de la discussion du budget, un crédit pour acheter quelques tableaux.

Il est désirable, personne ne le conteste, que la capitale possède un édifice définitif pour les expositions des beaux-arts et les fêtes publiques.

Le gouvernement s'occupe de cette question, mais il est beaucoup plus difficile que vous ne le croyez de la résoudre. De nombreux projets ont été élaborés ; malheureusement, quand une idée surgit, une foule d'objections se produisent et provoquent souvent de très vives oppositions.

Dans le cas présent, nous avons à nous mettre d'accord avec la capitale, et peut-être avec la commune limitrophe où le palais des beaux-arts serait érigé.

On ne peut se dissimuler, messieurs, que la construction d'un palais des beaux-arts occasionnerait une dépense très considérable, et peut-être le moment actuel n'est-il pas très opportun pour demander à la législature un crédit important.

Du reste, on s'occupe activement de cette affaire ; et sans pouvoir donner aucune certitude quant à la solution qu'elle recevra, je dirai qu'on examine en ce moment une combinaison qui permettrait peut-être de concilier les divers intérêts.

- Le paragraphe 15 est mis aux voix et adopté.

Paragraphe 16

« Londres et Bruxelles ont vu l'école belge maintenir comme elle saura continuer dignement notre ancienne et glorieuse renommée. »

- Adopté.

Paragraphe 17

« L'enseignement public à tous les degrés est une dette sainte de l'Etat envers les populations. »

M. Julliot. - Avant de voter un projet, il faut toujours savoir quelle est la portée de ce que l'on va voter.

Je demanderai donc à M. le rapporteur une définition claire et nette de sa phrase religieuse que voici :

« L'enseignement public à tous les degrés est une dette sainte de l'Etat envers les populations. »

Cela veut-il dire qu'il faut lire l'article 17 de la Constitution comme suit :

Il doit y avoir un enseignement de l'Etat à tous les degrés dans tout le pays, la Constitution l'ordonne.

Si telle est l'interprétation du paragraphe, je dis que, selon moi, M. Orts prend la Constitution pour une Bible de Comblute, où on lit tout ce qu'on veut y lire.

Selon moi, le paragraphe de la Constitution où il est dit : « L'enseignement donné par l'Etat est réglé par la loi, » n'a d'autre portée que celle de la constatation d'un enseignement par l'Etat à l'époque de la discussion de la Constitution.

Dans cette interprétation, je pourrais appeler à mon aide un ancien membre du Congrès qui siège ici dans le parti libéral, dont la voix fait autorité et qui ne recule jamais devant ses convictions ; mais il ne lui convient pas, en ce moment, de prendre la parole.

Messieurs, quand la Constitution a voulu consacrer un principe, elle l'a fait en termes clairs et précis, elle a co-mencé par poser le principe avant de parler de son organisation.

Pour la cour de cassation, pour la garde civique, elle ne dit pas : La cour de cassation, la garde civique sont organisées par la loi ; non elle dit :

« Il y a une cour de cassation, il y a une garde civique, dont l'organisation sera faite par la loi. »

Ce sera donc de la définition de cette question que dépendra mon vote, car je me refuse à consacrer ce que j'appelle une contre-vérité constitutionnelle. On connaît depuis assez longtemps mes principes en cette matière comme sur toutes nos libertés en général pour qu’on ne soupçonne pas que je cherche un prétexte à mon vote.

Quant dix fois peut-être on m'a dit à cette tribune que je me contentais d'un gendarme pour gouvernement, on ne doit pas s'étonner de me voir disposé à pincer le bras de l'Etat chaque fois qu'il veut s'allonger. Je pense que l'instruction sans l'éducation est nuisible, elle forme des maîtres d'école comme ceux de France en 1848.

Messieurs, faites du guizotisme pour votre compte, mais préférez Guizot après 48 à Guizot avant 48.

J'attendrai la définition du paragraphe pour fixer mon vote.

M. Orts, rapporteurµ. - C'est une simple question qu'on me pose et j'y répondrai en des termes beaucoup plus concis encore que la question elle-même qui a été formulée. Voici la pensée du paragraphe, je la donne sous une forme que je déclare d'avance empruntée à un homme qui a été ministre avec l'appui de la droite. C'est la traduction de l’article 17 de la Constitution proclamant la liberté de l'enseignement et la nécessité de réglementer l'enseignement par la loi. Cette traduction est celle-ci : « Instruire est pour tous un droit ; pour l'Etat c'est une obligation. »

M. de Theuxµ. - Un mot de réponse à l'honorable M. Orts.

Cette question, messieurs, n'eût point été agitée si la Constitution faisait une obligation absolue à l'Etat d'organiser un enseignement à tous les degrés. Eh bien, il suffit de lire le texte de la Constitution et de la joindre à l’article final pour se convaincre que cette prétention d’imposer au gouvernement cette obligation de donner l’enseignement à tous les degrés n’existe en aucune manière dans la Constitution. Ce que la Constitution a voulu, c’est que, lorsque l’enseignement public est donné, cet enseignement public soit réglé par la loi.

Mais elle ne va pas plus loin. Lorsque la Constitution prescrit des devoirs à remplir, elle le fait en termes formels, positifs, et non d'une manière indirecte. Le congrès constituant connaissait parfaitement la langue française et savait toujours trouver l'expression propre à rendre exactement sa pensée.

Partout où la Constitution a entendu imposer une obligation, elle l’a dit en termes exprès ; or, ici on ne trouve rien de semblable en matière d'enseignement.

Messieurs, je remarque un certain luxe de l'adresse en ce qui concerne l'enseignement ; elle n'y consacre pas moins de cinq paragraphes.

C'est aller beaucoup au-delà de la juste sollicitude qu'on doit accorder à l'enseignement. Evidemment, il faut que l'Etat pourvoie à l'instruction des classes inférieures, moyennes et supérieures lorsque la liberté ne suffit pas et seulement dans les limites où la liberté fait défaut.

La pensée de la commission est d'exprimer dans l'adresse tout un système que l'on trouve dans l'exposé des motifs de la loi de 1850 sur l'enseignement moyen et d'après lequel il faut faire concurrence à l'enseignement libre, lors même que cet enseignement serait très bon et très suffisant. Or, messieurs, cette pensée a été vivement combattue dans la discussion de la loi de 1850 et elle a été repoussée par la majorité de la Chambre.

Ne semblerait-il pas, messieurs, en lisant ces cinq paragraphes que la Belgique soit dépourvue de moyens d'instruction ; qu'elle soit, vis-à-vis des autres nations, dans un état évident d'infériorité intellectuelle ? Or, je n'hésite pas à le dire, sous le royaume des Pays-Bas, dont le gouvernement était si vivement loué à raison des soins qu'il donnait à l’instruction, conformément à la loi fondamentale, sous ce gouvernement on ne dépensait pas en Belgique le quart de ce que l'on consacre aujourd’hui à l'enseignement primaire, moyen et supérieur ; on ne dépensait presque rien pour l'enseignement professionnel ni pour l'enseignement des arts.

Eh bien, je proteste contre la signification qu'on pourrait donner, à l'étranger, à une semblable adresse. Je maintiens que, sous le rapport de l'enseignement, la Belgique se trouve dans une situation plus belle que beaucoup d'autres pays ; et cette situation est telle, qu'on ne s’explique pas qu'il faille y consacrer cinq paragraphes qui autoriseraient à croire au contraire que tout est à faire encore chez nous en matière d'enseignement.

Sans doute, il y a encore à faire sous certains rapports, il manque encore, par exemple, des bâtiments d'écoles communales dans certaines localités ; mais les améliorations qui restent à réaliser ne sont certes pas de nature à justifier le langage de l’adresse.

Il est vrai que le troisième paragraphe parle avec éloge de la liberté constitutionnelle d'enseignement. « L'initiative individuelle, y est-il dit, pratiquant la liberté constitutionnelle d'enseignement, a doté le pays (page 236) de fructueux résultats. La Chambre s’est félicite hautement ; elle y applaudit de tout cœur. »

Ce paragraphe mérite sans doute notre approbation mais, encadre comme il n’est dans les quatre autres qui développent outre mesure le système de l’enseignement par l’Etat, ce paragraphe passe en quelque sorte inaperçu et laisse en complète évidence les autres paragraphes qui proclament la nécessité de l’intervention de l’Etat en termes tels, que cette intervention pourrait aller jusqu’à l’homicide de la liberté.

D’autre part il est évident que par les mesures prives et celles qu'on se propose de prendre encore, la concurrence à l'enseignement public devient pour ainsi dire impossible, et que l'on va remplacer peu à peu l’enseignement privé par l'enseignement public. Quel sera le résultat de l’enseignement public ainsi développé ? C'est de ne donner aucun contre-poids à l'enseignement de l'Etat et de lui remettre la formation intellectuelle et morale de la population, c'est de former la Belgique à l'image du gouvernement, et non le gouvernement à l'image de la Belgique, ce qui serait plus rationnel. Pourquoi, en effet, la liberté d’enseignement a-t-elle été proclamée ? Pourquoi les autres libertés morales ont-elles été proclamées, si ce n'est pour favoriser le développement libre, spontané de ce mouvement intellectuel et moral ?

Pour moi, ce sens est clair, est évident ; il est de l'essence du gouvernement représentatif ; car concentrer dans les mains du gouvernement toutes les forces vives de l'Etat, lui donner en outre la formation intellectuelle et morale de toutes les générations, c'est lui dire : Formez la Belgique à votre image.

Je suis convaincu que de tous les membres qui ont voté la liberté d'enseignement au Congrès, il n'en est pas un seul qui ait donné à l'article de la Constitution le sens qu'on veut lui donner aujourd'hui. Ce sens était celui de la minorité qui s'opposait avec énergie à la liberté d'enseignement.

Il y a tendance manifeste de la part de certaines personnes à altérer le sens vrai, le sens naturel de nos institutions constitutionnelles. Je ne proposerai aucun amendement à ces cinq paragraphes, mais je ne leur donne pas mon assentiment. Je m'exprimerai sur l'ensemble de l'adresse, quand on arrivera au paragraphe politique. Quoique je ne propose aucun amendement, je ne donne en aucune façon mon assentiment aux divers paragraphes formulés par la commission de l’adresse.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - J'ai cru comprendre que l'honorable M. de Theux a bien voulu reconnaître que le gouvernement en matière d'enseignement avait bien rempli sa tâche. Je le remercie ; mais je ne puis admettre avec lui que le gouvernement va trop loin en matière d'enseignement. Je tiens à déclarer que le gouvernement n'a pas l'intention d'aller au-delà des limites actuelles. Des lois ont fixé le nombre des établissements d'enseignement supérieur et moyen, le gouvernement n'en organisera pas davantage et n'a point l'intention d'en augmenter le nombre.

Si j'ai pris la parole, c'est surtout pour combattre une assertion de l'honorable comte de Theux qui a dit que l'enseignement de l'Etat tend à se développer de façon à ne laisser aucune place à l'enseignement libre. C’est là une assertion sans fondement aucun.

Quand on examine les statistiques, quand on voit ce qui se passe, on doit reconnaître que le gouvernement se renferme strictement dans les limites tracées par la loi.

Je crois qu'il serait inopportun d'ouvrir en ce moment une discussion approfondie sur ce point, je me bornerai à donner quelques explications succinctes sur la part du gouvernement dans l'enseignement en général.

S’agit-il de l'enseignement normal primaire pour les instituteurs, il existe 11 établissements, le clergé en dirige sept ; sept écoles sont patronnées par le clergé.

Le gouvernement n'a que deux écoles normales ; deux sections normales seulement étaient en 1860 adjointes aux écoles moyennes. Il est vrai qu'à la suite d'un vote émis par la législature, le gouvernement a organisé deux nouvelles sections normales, l’une à Gand et l’autre à Huy.

Le nombre des établissements normaux est donc aujourd'hui de 13, dont 7 établissements libres, c'est-à-dire la majorité.

La population des 11 établissements normaux était en 1860 de 650 élèves, dont 413 dans les établissements des évêques et 257 seulement dans les établissements laïques.

Vous voyez donc, messieurs, ce qu'il y a de vrai dans cette assertion souvent répétée : L'Etat enlève les élèves aux établissements libres. Il est constaté, au contraire, que les établissements épiscopaux forment plus d’instituteurs que les établissements de l’Etat. Si, après avoir examiné la situation de l'enseignement normal pour les garçons, on examine la situation de cet enseignement pour les filles, on trouve que là il n'y a pas de chiffre à comparer, car le gouvernement n'a rien. Tous les établissements normaux pour les institutrices sont libres et patronnés par le clergé. (Interruption.)

De quoi vous plaignez-vous ? C'est à gauche qu'on devrait se plaindre et on s'y plaint. (Oui ! oui ! )

Toutes les institutrices diplômées sortent des établissements patronnés par le clergé et vous trouvez que l'Etat fait trop ! Ce n'est pas raisonnable.

Il s'agit de voir maintenant ce que les écoles normales ont fourni d'instituteurs et d'institutrices.

D'après les statistiques qui vont jusqu'à 1860, les écoles épiscopales ont fourni 1,154 instituteurs, tandis que les écoles de l'Etat ou sections normales n'en ont fourni que 801.

Pour les institutrices, il y a 13 établissements libres, et, toutes les institutrices sortent des écoles agréées par l'Etat.

Messieurs, on nous dira peut-être que le nombre d'établissements primaires communaux est un obstacle au développement et même à l’existence de l'enseignement libre ; quelques chiffres encore détruiront cette allégation.

Les établissements de l'enseignement primaire sont de trois catégories : Ecoles gardiennes, écoles primaires proprement dites, écoles d’adultes.

Au 31 décembre 1860, sur 405 écoles gardiennes, 55 étaient des écoles communales et 350 des établissements patronnés adoptés ou totalement libres !

Les premières n'avaient que 7,239 élèves, tandis que les 350 écoles adoptées et privées en avaient 35,374.

Voilà donc encore une différence considérable en faveur de l'enseignement libre, et vous vous plaignez !

Si, des écoles gardiennes pour les deux sexes, je passe aux écoles primaires, voici la situation :

Il y a 5,558 écoles primaires ; 3,095 sont des écoles communales et 2,463 des écoles adoptées ou libres ; ainsi, pour l'enseignement primaire,, les écoles communales sont dans la proportion de 55 p. c, tandis que les écoles libres sont encore dans la proportion de 45 p. c ; est-ce là un monopole ? et les écoles communales sont-elles organisées malgré le clergé ? et celui-ci n'y exerce-t-il pas certaines prérogatives ? Ces écoles ne sont-elles pas en quelque sorte mixtes ? le clergé ne leur prête-t-il pas son concours ?

Quant aux écoles d'adultes, messieurs, il y en a 1,145 ; 954 sont des écoles libres ou patronnées, 191 seulement sont communales !

Il me semble que là encore il n'y a pas lieu de se plaindre, l'avantage est complètement pour la liberté ; la commune intervient-elle trop directement dans l'organisation de ces établissements ?

Messieurs, je pourrais étendre ces renseignements, mais je crois que ce n'est pas le moment ; nous aurons peut-être, plus tard, sur ce point une discussion plus approfondie.

Un mot quant à l'enseignement moyen.

Le gouvernement, comme je l'ai dit, exécute la loi. Il y a dans le pays, indépendamment des 10 athénées, 15 collèges communaux subsidiés, total 25 !

Je ne connais pas exactement le nombre des établissements libres, mais, à côté de ces établissements laïques d'enseignement moyen du degré supérieur, il y en a 48 autres qui prennent part aux concours, qui y envoient des élèves et qui sont des collèges libres ou patronnés.

Ainsi, tandis que l'autorité laïque a 25 établissements du premier degré, le clergé, la liberté, si vous le voulez, en a 48 !

De quoi donc vous plaignez-vous ? la liberté est-elle étouffée ? ne laissons-nous aucune place à l'enseignement libre ? vos reproches sont-ils fondés ?

Je prétends moi, messieurs, qu'il y a trop peu d'établissements laïques et je regrette que la Chambre ait rejeté, lors de la discussion de la loi de 1850, un amendement qui avait pour objet de créer 10 collèges royaux.

Ce rejet a eu des conséquences funestes. Dans certaines provinces, il n'existe pour ainsi dire pas d'établissements d'enseignement moyen dirigés par l'Etat ou les communes.

Dans les deux Flandres il n'existe que l'athénée de Bruges, l'athénée de Gand et un seul collège communal, celui d'Ypres, soit 3 établissements pour 2 grandes provinces.

Dans la province de Namur, il n'existe qu'un athénée. Dans la province de Luxembourg, il n'y a que 3 établissements laïques.

il n'est donc pas étonnant que les établissements de l'Etat fournissent, dans quelques provinces, dans les Flandres surtout, si peu d’élèves aux universités,

En effet, si l'on compare le nombre des candidats qui se présentent, (page 237) aux examens de gradués en lettres, on verra que de ce côté encore l'avantage est tout à fait du côté des établissements privés.

Ainsi en 1863, sur 359 jeunes gens qui se sont présentés aux examens, 129 seulement sortaient des établissements de l’Etat ou communaux, et 230 des établissements libres ou patronnés.

Je ne me plains pas de ce résultat, j'admets parfaitement la libre concurrence, mais je constate qu'on a grandement tort de venir prétendre que le gouvernement veut tout absorber et qu'il veut exercer le monopole de l'enseignement.

Je crois inutile, messieurs, de parler de l'enseignement supérieur. Vous savez que si l'Etat a deux universités, ce n'est pas au parti libéral que l'on en doit la création. Ces établissements ont été créés à une autre époque ; je crois que l'honorable comte de Theux était alors ministre de l'intérieur et il est probable que, s'il ne l'avait pas été, la Belgique n'aurait eu qu'une seule université de l'Etat et qu'elle eût été placée à Louvain.

Mais le fait existe, et s'il y a deux universités de l'Etat, ce n'est pas à nous qu'il faut en faire un reproche.

En résumé, messieurs, je comprends donc, quant à moi, les paragraphes de l'adresse relatifs à l'enseignement comme une approbation que la Chambre donne au système suivi par le gouvernement en matière d'enseignement public en général.

J'espère que les honorables membres de la Chambre qui partagent cette opinion voudront bien voter pour ces paragraphes.

M. de Theuxµ. - Messieurs, je n'ai qu'un mot à dire relativement aux deux universités de l'Etat.

Lorsqu'il s'est agi de décider la question de savoir s'il y aurait une ou deux universités, une commission fut instituée et l'on me fit l'honneur de me comprendre parmi les membres de cette commission, où se trouvaient MM. Ernst, professeur à l'université de Liège, M. Warnkœnig, également professeur à Liège, M. d'Hane de Gand, M. Devaux de Bruges.

MjTµ. - Et M. de Gerlache.

M. de Theuxµ. - Et M. de Gerlache qui comme M. Ernst appartenait à la province de Liège.

Je dis que, par ce seul fait de la composition de cette commission, les deux universités étaient créées.

Personne ne représentait l'université de Louvain. Moi j'appartenais au ressort de Liége par la province de Limbourg. Il était donc tout naturel que nous proposions de maintenir les deux universités.

Du reste, messieurs, cette question a été discutée alors et je ne pense pas que le gouvernement ait à se plaindre qu'il y ait deux universités de l'Etat.

Quant à moi, si le gouvernement présentait aujourd'hui la proposition d'une seule université, je me rallierais peut-être à son opinion, mais je ne pense pas qu'il en soit question.

Il y a en quelque sorte un droit acquis, et je ne pense pas qu'il y ait quelque chose à changer à cette situation.

- Le paragraphe est adopté.


M. B. Dumortier. - Les prompts rapports.

MpVµ. - La Chambre entend-elle interrompre la discussions de l'adresse.

- Plusieurs membres. - Non ! non !

M. Mullerµ. - Finissons l'adresse.

MaeRµ. - Continuons l'adresse.

MpVµ. - Puisqu'il n'y a pas de proposition, je vais continuer la lecture de l'adresse.

Paragraphes 18 à 23

« Lorsque les pouvoirs politiques, dans la mesure de leurs attributions respectives, répandent à larges flots sur les masses les lumières de l'instruction populaire, ils ne font que leur devoir. »

- Adopté.


« L'initiative individuelle, pratiquant la liberté constitutionnelle d'enseignement, a doté le pays de fructueux résultats. La Chambre s'en félicite hautement ; elle y applaudit de tout cœur. »

-Adopté.


« Mais le succès de l'action privée n'autorise nullement l'Etat à abdiquer sa mission sociale. Il lui impose au contraire une obligation d'honneur : celle de faire plus et mieux chaque jour dans une voie où l'on ne saurait trop faire. »

- Adopté.


« Le gouvernement de Votre Majesté rencontrera l'appui chaleureux du pays entier pour toute proposition tendante à faciliter aux enfants du peuple l'accès vers l’école. »

- Adopté.


« Les projets annoncés par Votre Majesté complètent, avec ceux dont elle nous avait précédemment entretenus, le programme d'une session utile. »

- Adopté.


« Une politique d'ordre, de modération et de progrès inspirait les mesures que le Roi nous rappelle ; le pays les attend avec une légitime confiance. »

Paragraphe 24

M. Orts, rapporteurµ. - Messieurs, il s'est glissé dans le paragraphe final de l'adresse une faute d'impression qui peut avoir une conséquence fâcheuse pour l'interprétation des quatre paragraphes qui précèdent et qui sont destinés à reproduire la même pensée.

Le dernier paragraphe de l'imprimé est ainsi conçu :

« Sire, pour réaliser aussi le vœu public, le gouvernement peut compter sur notre concours efficace et loyal. »

Au lieu de « aussi », il faut « ainsi ». Car la pensée est celle-ci : en suivant la politique indiquée par les quatre paragraphes qui précèdent, il s'assurera le concours efficace et loyal de la Chambre.

M. de Theuxµ. - En présence de la discussion générale qui a eu lieu, je ne compte pas m'étendre longuement sur ce paragraphe. Cependant comme il est essentiellement politique, je demande la permission de vous faire part de quelques considérations.

La première, messieurs, est que le projet d'adresse est en dehors des usages parlementaires. L'Angleterre, qui est le pays parlementaire par excellence, procède d'une tout autre manière. Quand le discours du Trône a été prononcé et qu'il s'agit d'y répondre, c'est un membre ministériel qui, d'accord avec le ministère, prend la parole pour déposer la réponse au discours royal, cette réponse n'est rien autre que la paraphrase du discours même, de cette manière toutes les convenances sont observées.

Je conçois que quand l'opposition veut introduire quelque chose de nouveau par voie d'adresse, elle fasse des propositions qui s'écartent plus ou moins de l'adresse. Mais je ne conçois guère qu'une adresse rédigée dans la pensée du cabinet aille bien au-delà du discours du Trône. Je crois que les convenances parlementaires s'y opposent.

N'y eût-il que ce seul motif, il suffirait pour me faire voter contre l'adresse.

Le paragraphe, messieurs, loue la politique d'ordre, de modération, de progrès.

II nous est impossible de nous associer à cette louange. Le progrès, nous en avons eu un à l'ouverture de la session ; ce sont les enquêtes judiciaires à propos des élections faites à Dinant et à Bruges. Dans la vérification des pouvoirs, nous avons signalé tous les dangers d'une semblable immixtion de l'ordre judiciaire dans les affaires politiques. Nous avons revendiqué pour la Chambre la prérogative éventuelle de s'occuper elle-même de la vérification des pouvoirs et des faits qui ont accompagné les élections. C'est pour la première fois que nous avons vu annuler les élections sur le simple rapport d'un juge d'instruction.

C'est là, messieurs, une innovation des plus dangereuses au. point de vue de nos prérogatives, et j'ajouterai au point de vue de la considération de l'ordre judiciaire. Car cette considération repose essentiellement sur l'impartialité. C'est pour ce motif que tous les membres de l'ordre judiciaire ont été écartés du parlement en 1848. Nous n'avons pas voulu que les membres de l'ordre judiciaire continuassent à siéger dans le parlement, parce qu'ils pouvaient y contracter plus ou moins des habitudes politiques de nature à influencer leur impartialité.

Messieurs, j'ajoute à ce fait qui, à mon avis, est fâcheux pour l'ordre judiciaire, une autre circonstance qui a également porté atteinte à la considération de notre premier corps judiciaire : c'est que l'on a déféré à l'interprétation des pouvoirs parlementaires un arrêt de la cour de cassation avant que la juridiction de l'ordre judiciaire soit épuisée. C'était le cas de renvoyer la question au juge d'appel suivant une disposition de la loi organique de l'ordre judiciaire. On a porté alors une grave atteinte à la considération de la cour suprême, et je dirai que l'on a encore porté une atteinte aux institutions de l'ordre judiciaire en saisissant prématurément et exceptionnellement la Chambre d'une question qui était encore de sa compétence, qui par ce fait a dégénéré en une interprétation politique, infligeant en quelque sorte un blâme à la cour de cassation, par l'adoption d'une loi conçue dans un sens différent.

Deux mots seulement sur un autre grief.

Vous savez que la question de la liberté de la chaire est encore soumise au Sénat. Nous avons protesté contre la disposition maintenue dans le Code pénal nouveau,

En ce moment, messieurs, et déjà depuis quelques années, il se produit un fait à mon avis extrêmement regrettable et dont j'ai d'abord signalé à la Chambre les graves conséquences ; c'est, messieurs, de (page 238) permettre aux autorités communales de ne pas respecter la loi sur les sépultures, sur la séparation des cultes. Je sais, messieurs que l’on nous dit : « La police appartient à l'autorité locale, » mais je sais aussi que la Constitution garantit à chaque culte l'intégrité de son libre exercice ; or, il est notoire que dans tous les pays et particulièrement en Belgique, il est un usage constant pour le culte catholique, c'est de bénir le cimetière et c’est d’en exclure les personnes qui se séparent de ce culte.

Eh bien, messieurs, il me semble qu'il y aurait un moyen très simple de concilier les deux intérêts : le respect dû à la famille, le respect dû à la dépouille mortelle d'un homme qui a cru ne pas devoir suivre les prescriptions du culte catholique, et d'autre part la liberté du culte lui-même, c’est d'établir soit des cimetières séparés, soit la division des cimetières existants, division qui devrait être opérée de la manière la plus convenable, qui devrait être opérée de manière que personne ne puisse être offensé d'être inhumé hors du cimetière consacré à tel ou tel culte.

Je dis que procéder ainsi ce serait respecter la volonté présumée du défunt, car on ne peut pas supposer que celui qui a abandonné le culte catholique veuille être enterré dans le cimetière bénit. Je sais qu'il y a que quelquefois des situations embarrassantes pour l'autorité locale, mais le moyen le plus simple d'obvier aux difficultés qui peuvent se présenter, c'est d'établir franchement une séparation suivant les cultes et de ne pas imposer au culte catholique l'obligation de recevoir dans le cimetière bénit quelqu'un qui a refusé de pratiquer ce culte. Ceci, messieurs, est en usage dans les pays qui comprennent parfaitement la liberté. Ainsi, en Amérique, les catholiques ont leurs cimetières parfaitement distincts, et jamais on ne s'avise d'y introduire une dépouille mortelle contre le gré de ce culte. La police a toujours le droit, même dans le cimetière le plus spécialement affecté à l'un des cultes pratiqués dans le pays, d'intervenir en ce qui concerne la salubrité publique, en ce qui concerne la préservation des tombes de toute espèce de violation ou d'insulte, mais son action ne doit pas aller au-delà.

Messieurs, encore un mot en ce qui concerne les fondations charitables et les fondations pour l'enseignement. Vous savez combien nous avons protesté dans la dernière session contre la loi sur les bourses d'études ; nos protestations demeurent dans leur entier, et avec la plus profonde conviction nous croyons que, à l'instar de ce qui se pratique en Angleterre, en Amérique, en Allemagne, dans les Pays-Bas, on devrait laisser une certaine latitude, réglée par les lois, pour ces deux sortes de fondation.

Déterminer les limites par la loi, déterminer d'avance des formes garantissantes pour la société, cela appartient au législateur, mais supprimer la faculté de faire des fondations quelconques, cela me paraît excéder les bornes de la justice.

Une loi nous a été annoncée sur le temporel des cultes, eh bien, encore en cette matière j'invoque la législation actuelle du royaume des Pays-Bas, la législation de l'Allemagne, la législation anglaise et la législation américaine. En Amérique on va tellement loin que tout repose sur la tête de l'évêque. (Interruption.) Positivement. L'un des évêques les plus éminents, avec lequel j'ai eu une conversation sur cette matière, m'a donné, à cet égard, des renseignements complets.

Asservir le temporel des cultes comme il semble que doit le faire la loi annoncée, c'est asservir le culte lui-même, au moins en grande partie, et je m'étonne qu’on veuille restreindre en Belgique les dispositions favorables au culte, qui existent en France, alors que par contre le royaume des Pays-Bas a, au contraire, étendu les attributions des conseils de fabrique et donné plus de liberté au culte.

On nous a parlé, messieurs, du cardinal Wiseman ; il a été cité à deux reprises : eh bien, je suis convaincu que le cardinal Wiseman n'adhérera jamais ni à une loi qui est destinée à violer la volonté des fondateurs en ce qui concerne les bourses d'études, ni à une loi qui empêche toute espèce de fondation charitable faite dans un esprit de liberté, ni à une loi qui asservirait le temporel du culte.

En Angleterre, messieurs, la liberté est très grande ; il n'existe point là de dispositions pénales contre la lecture des mandements des évêques dans les églises ni contre la prédication des ministres des cultes ; cette prédication se fait comme se font tous les discours, toutes les publications sous la responsabilité de leurs auteurs devant la loi commune ; mais il n'y a pas de lois spéciales.

En Angleterre il existe depuis peu de temps des dispositions toute aussi larges que les nôtres, pour la nomination des évêques et des ministres du culte et leurs rapports avec Rome.

En Angleterre on n'a à se plaindre d'aucun de ces chefs.

Si donc le cardinal Wiseman a loué notre situation, c'est à un autre point de vue, c’est au point de vue de la misère des catholiques, en Angleterre, par suite d'une longue oppression, une longue privation de toute liberté ; mais en même temps il s'est félicité de la générosité d'un grand nombre de catholiques qui ont consacré tout ou partie de leur fortune à l'édification d'églises, à d'autres édifications et a des fondations pieuses ; il a aussi loué la générosité de protestants qui ont concouru à des œuvres de même nature.

Vous comprenez, messieurs, qu'après la courte énumération que je viens de faire, mon intention n'est point de voter pour l'Adresse ; je voterai contre, et je croirai, en le faisant, exercer un droit et remplir un devoir de bon citoyen.

MfFOµ. - Je ne puis laisser sans réponse les observations de l'honorable M. de Theux.

Ces observations sont le résumé des prétendus griefs de l’opposition contre le gouvernement et contre la majorité libérale.

Je désire les rencontrer aussi brièvement que possible.

L'honorable M. de Theux, comme d'autres orateurs l'avaient fait dans la discussion générale, a vu lu établir une opposition entre le discours du Trône et le projet d'adresse en réponse à ce discours. Selon cet honorable membre, il y a une différence radicale entre ces deux actes ; le même esprit ne s'y rencontre pas ; il y trouve une sorte d'opposition, en ce sens que l'adresse va bien au-delà du discours du Trône.

Messieurs, pour le gouvernement, pour nos amis, pour les membres de la majorité, le discours du trône et l'adresse expriment identiquement la même pensée. Personne n'a pu sérieusement concevoir même un doute à cet égard.

Je sais parfaitement que l'on a essayé de cette tactique, la plus vulgaire qu'emploient ordinairement les partis, de représenter le discours du Trône comme dépourvu de caractère politique, ou tout au moins comme annonçant une politique tout autre que celle que le gouvernement déclarât ultérieurement vouloir faire prévaloir. On avait, à l'aide d'une pareille tactique, un double but à poursuivre : le premier, c'était de tenter d'établir une division dans nos rangs, en essayant de faire croire à des personnes défiantes que le gouvernement allait abandonner quelques-uns des principes de sa politique antérieure, et l'on poursuivait aussi, je pense, cet autre but d'essayer de faire croire, par une supposition très peu constitutionnelle, que le discours du Trône n'était pas l'œuvre du cabinet. C'est ce que la presse a eu soin d'expliquer.

Je ne m'arrêterai pas, on le comprend, à ce dernier point. Je me bornerai, messieurs, à constater qu'il n'y a pas de méprise possible ; il est évident, évident pour tout le monde, que le discours du Trône est l'expression complète de la politique que le cabinet a l'intention de suivre, de la politique ferme, persévérante et modérée qu'il a constamment pratiquée. Je ne pense pas qu'aucun membre de cette assemblée se soit réellement mépris à cet égard. Je ne pense pas qu'aucun d'entre vous ait pu croire un seul instant, sérieusement, que le cabinet se préparât à modifier la politique qui a inspiré tous les actes qu'il a posés depuis qu'il représente le libéralisme au pouvoir.

Et pourquoi l'eût-il fait ? Pour complaire à l'opposition ? Mais, messieurs, l'opposition était-elle donc elle-même modifiée ? L'opposition annonçait-elle donc vouloir suivre elle-même une politique différente de celle qu'elle a invariablement suivie jusqu'à présent ? annonçait-elle une politique de modération, de conciliation ? Mais nullement ! Tout au contraire : la politique de l'opposition était devenue plus violente que jamais. Sa politique, qui se résume dans les résolutions prises au congrès de Malines, dont on a dévoilé hier le programme, cette politique imposait au gouvernement l'obligation de persévérer plus énergiquement que jamais dans l'affirmation des principes de la société moderne.

Messieurs, la politique du gouvernement a toujours été ferme, franche et loyale ; mais, en même temps, elle n'a pas cessé un seul jour d'être modérée, et c’est précisément parce que cette politique a été modérée, qu'elle a été acceptée par le pays sans interruption depuis près de dix-sept ans.

Vous semblez oublier, en effet, qu'il y a tantôt dix-sept ans que les libéraux sont arrivés au pouvoir.

Depuis 1847, ils n'ont été que par accident, et pendant un terme très court, dépossédés du pouvoir. Ils l'ont été, non pas parce que le pays s’était prononcé contre eux, mais parce qu'une modification s'était faite dans l'opinion d'un certain nombre de membres de cette Chambre. Et cela est tellement vrai, que le jour où l'opinion catholique est arrivée au pouvoir, d'ailleurs dans sa nuance la plus modérée et avec la prétention même de faire représenter l'opinion libérale dans le sein du cabinet, ce jour-là la présidence était encore occupée par un de nos amis, par l'honorable M. Delfosse, qui continuait à être l'expression du vœu de la majorité.

Cette politique a donc reçu pendant cet espace de temps l'appui, l'assentiment incontestable du pays.

(page 239) En vain nous a-t-on dit que, dans des élections successives, depuis le second avènement du cabinet, l'opinion s'était tournée contre nous, que l'opinion nous avait abandonnés, que ces élections avaient donné de nouveaux renforts à nos adversaires.

Messieurs, soyons de bonne foi, soyons sincères en agitant ces questions. Parce qu'en 1861, par exemple, vous avez exploité à Gand 1a question du coton, parce que vous avez alarmé les intérêts industriels, en annonçant, et cela a été l'objet de la polémique électorale, que le gouvernement avait préparé des projets de loi qui devaient nécessairement avoir pour résultat de ruiner l'industrie ; parce que, grâce à de pareilles manœuvres, qu'un parti fort de ses principes devrait dédaigner d'employer, vous avez gagné trois ou quatre voix, croyez-vous de bonne foi que votre opinion politique ait été sanctionnée par le pays ?

Et lorsque, en 1863, profitant des troubles qui ont éclaté à Anvers, exploitant sans songer au lendemain, une agitation impossible à approuver et qui avait déclaré n'avoir rien de politique, lorsque vous faites perdre ainsi cinq voix à l'opinion libérale, qui croira, qui croit même parmi vous, sur vos bancs, qui donc dans le pays croit que l'opinion catholique a triomphé à Anvers, et qu'elle a obtenu là un renfort naturel et légitime ?

Voilà, messieurs, quelle est la situation véritable et voilà pourquoi, si par événement et dans de telles circonstances l'opinion libérale venait à perdre la direction des affaires, vous auriez une situation bien difficile. Car vous auriez contre vous l'opinion publique, d'autant plus irritée qu'elle ne pourrait pas vous considérer comme étant légitimement en possession du pouvoir.

Messieurs, l'honorable M. de Theux vous a dit tout à l'heure qu'il ne pouvait s'associer à cette politique qualifiée d'ordre et de progrès par le projet d'adresse.

Quel progrès ! dit-il. Nous avons vu au début de cette session, des enquêtes judiciaires devenir la base des décisions de la Chambre !

Mais l'honorable membre est donc bien oublieux ? Ne se rappellerait-il point, par hasard, que c'est lui qui, en cette matière, avait provoqué les enquêtes judiciaires.

M. de Theuxµ. - Mais non.

MfFOµ. - C'est lui qui, lors de la discussion sur les élections de Louvain, lorsqu'on proposait l'enquête parlementaire, déclarait que les enquêtes judiciaires lui inspiraient au moins de la confiance, mais que des enquêtes parlementaires, des enquêtes politiques ne lui en inspiraient aucune. (Interruption.)

Cela est ainsi ; je rapporte fidèlement, d'après mes souvenirs, les paroles de l'honorable M. de Theux.

MjTµ. - C'est parfaitement exact.

M. de Theuxµ. - Oui, mais on peut faire de mes paroles ce qu'on a fait à Bruges des paroles de l'honorable M. de Naeyer.

MfFOµ. - Non, on ne dénature pas votre pensée. C'est exactement ce que vous avez dit. Vous ne vouliez pas d'enquête parlementaire, parce qu'une enquête parlementaire était une enquête politique ; mais vous vouliez qu'on fît appel à l'impartialité des magistrats de l'ordre judiciaire. Eh bien, je dis que, dans cette circonstance, lorsqu'il y avait eu une plainte de particuliers qui dénonçaient des faits, des actes délictueux, si le ministère s'était mis en travers, s'il avait empêché qu'une enquête judiciaire fût faite, vous n'auriez pas manqué de le signaler comme voulant conquérir par des moyens politiques, ce qu'il n'aurait pas obtenu par une enquête judiciaire.

Son devoir était donc de laisser cette enquête judiciaire se poursuivre.

Est-ce que, par hasard, une enquête ainsi faite paralysait d'ailleurs en quelque manière que ce fût les droits de la Chambre ? Est-ce que l'enquête judiciaire liait la Chambre ? Est-ce que la Chambre était obligée de se courber devant cette enquête judiciaire ?

M. Wasseigeµ. - Elle t'a fait.

MfFOµ. - Si elle l’a fait, c'est qu'elle a jugé convenable de le faire. Elle a usé de sa liberté, de son droit constitutionnel. La Chambre, dans la plénitude de ses prérogatives, avait le droit de tenir compte de cette enquête, d'en ordonner une autre, de se déclarer suffisamment éclairée, de prescrire une enquête parlementaire ou d'annuler l'élection.

Voilà ce qu'elle avait le droit de faire. Et de ces divers droits que la Chambre possédait, duquel a-t-elle use ? De celui de se déclarer suffisamment éclairée par la production des pièces qui lui étaient soumises et d'annuler l’élection. Voilà ce qu’elle a fait ! Quel reproche avez-vous donc à adresser de ce chef à la majorité ?

Ainsi, messieurs, il faudra vous résigner à biffer ce grief de votre liste Il est évident que ce prétendu grief n'existe pas, qu'il ne saurait être sérieusement soutenu ni sérieusement écouté.

M. B. Dumortier. - Oh ! oh !

MfFOµ. - Permettez, c'est mon opinion que j'exprime et non la vôtre.

M. H. de Brouckereµ. - Ce grief, d'ailleurs, s'adresse à la Chambre.

MfFOµ. - C'est évident ; de sorte que, dans tous les cas, ca n'est pas le ministère qui peut être rendu responsable de l'acte qu'on lui reproche. Cet acte émane de la Chambre, qui a usé avec justice d'un droit constitutionnel incontestable ; c'est la majorité la Chambre, et non le gouvernement qui a prononcé la décision qui vous irrite si fort.

M. Baraµ. - Ce n'est pas un programme tout cela.

MfFOµ. - Mais nous avons, paraît-il, bien d'autres méfaits à nous reprocher. Nous avons, malgré un arrêt de la cour de cassation, fait admettre par la Chambre et par le Sénat l'interprétation par voie d'autorité de l'article 84 de la loi communale !

Comment l'honorable M. de Theux a-t il qualifié notre conduite en cette circonstance ? « N'est-ce pas l’acte le plus mauvais, le plus pernicieux, le plus inconstitutionnel que l'on pût jamais soumettre à législature, et un pareil acte ne constitue-t-il pas une véritable offense faite au pouvoir judiciaire ? »

Il paraîtrait que, suivant les nécessités de la discussion, on a peu ou beaucoup de déférence pour le pouvoir judiciaire. Quoi qu'il en soit, l'honorable M. de Theux me paraît ici méconnaître à la fois le texte et l'esprit de la Constitution.

La Constitution a prévu deux modes d'interprétation : l'interprétation dans les cas particuliers, qui se fait conformément à la loi d'organisation judiciaire, et qui oblige le gouvernement à saisir les Chambres d'un projet de loi interprétative lorsque, après cassation dé deux jugements ou deux arrêts rendus dans un même sens, la cour suprême, chambres réunies, croit devoir maintenir une opinion contraire à celle des juges dont la décision lui a été déférée.

Tel est le premier cas dans lequel il y a lieu à interprétation de la loi.

II en est un autre ; c'est lorsque l'interprétation se fait par voie d'autorité. Il arrive que, abstraction faite d'un cas particulier qui rend une interprétation nécessaire pour la solution d'un litige, il arrive, dis-je, que le gouvernement et les Chambres jugent que le sens que l'on donne à une disposition de loi n'est pas conforme à l'esprit, à l'essence même de cette loi. Dans ce cas, le gouvernement peut saisir la législature d'un projet de loi pour rétablir la véritable portée de la disposition.

Mais ce qui m'étonne au plrs haut point dans le reproche que me fait l'honorable M. Theux, c'est qu'il oublie que, dans la fameuse loi des couvents, dans la fameuse loi sur la charité, il se trouvait une disposition ayant pour objet de faire interpréter, par voie d'autorité, par la législature, le décret de 1809 dans un sens directement contraire à celui qui avait été attribué à ce décret par divers arrêts de la cour de cassation et par de nombreux arrêts des cours d'appel qui avaient eu à en faire l'application.

Voilà, messieurs, ce qui a été proposé par la droite en 1857 ; voilà ce qui a été appuyé alors par l'honorable M. de Theux, et il me semble qu'en présence d'un pareil précédent, l'honorable membre est malvenu à nous reprocher aujourd'hui d'avoir fait interpréter l'article 84 de la loi communale, dans des conditions assurément bien différentes de celles que je viens rappeler.

Mais, ce n'est pas tout encore. Nous avons violé la liberté de la chaire !

Messieurs, je ne veux pas, et vous en comprendrez facilement la raison, examiner et discuter de nouveau cette affaire, qui n'est au surplus qu'une simple question de police de certains lieux publics. Je veux seulement qualifier le grief dont l'honorable chef de la droite croit habile de se faire une arme contre le ministère.

En quoi donc consiste ce grief ? Il consiste à essayer de persuader ici, et surtout à essayer de persuader au-dehors, que le gouvernement et les Chambres ont innové en cette matière ; tandis que la disposition qu'on incrimine existe dans le Code pénal, depuis 1810, qu'elle n'a jamais cessé d'être en vigueur, et qu'elle continua à être appliquée maintenant comma elle l'a été sous tous les ministères de la droite, sans soulever aucune observation de part de ceux qui l'attaquent si violemment aujourd'hui !

(page 240) Il y a mieux, messieurs : c'est qu'une amélioration a été introduite dans cette législation, au point de vue de la nature du délit et de la peine qui le réprime, et que c'est nous, nous que l'on accuse, qui l'avons proposée dans le nouveau Code pénal ! Et voilà, messieurs, comment la droite est juste envers nous ! Vous voulez faire croire au pays que c'est nous, ministère libéral, que c'est nous, majorité libérale, qui avons apporté des restrictions à la liberté de la chaire, vous osez affirmer que telle est votre conviction et que telle est la véroté, alors que, pendant que vous étiez au pouvoir, dix prêtres ont été traduits devant les tribunaux et condamnés en vertu de la loi pénale de 1810, et que vous n’avez rien fait pour modifier cette loi !

M. de Theuxµ. - Il y a bien d'autres lois à modifier.

MfFOµ. - Cela se peut ! Mais voici, ce me semble, ce que vous auriez à faire au lieu de nous adresser des accusations dont l'inanité saute aux yeux de tout homme qui réfléchit, de tout homme qui raisonne, mais qui peuvent très bien égarer, et c'est à le but, des esprits crédules et peu éclairés : vous pourriez dire simplement, modérément : La disposition pénale que nous critiquons existe, il est vrai, dans le Code ; mais nous la trouvons mauvaise, et nous croyons qu'il y a lieu de la faire disparaître. Nous devons cependant reconnaître que nous l'avons maintenue nous mêmes, que nous l'avons appliquée nous-mêmes...

M. B. Dumortier. - Pas du tout !

MfFOµ. - C’est vraiment inconcevable '.

Je dis, malgré vos dénégations, qu'elle a été dix fois appliquée à des prêtres sous vos yeux ; que vous avez, depuis 1830, pu faire disparaître la disposition pénale dont vous vous plaignez, et que cependant vous l'avez maintenue ! (Interruption.)

M. B. Dumortier. - La question constitutionnelle n'a jamais été examinée.

M. Ortsµ. - M. le ministre de la justice d'alors, M. le baron d'Anethan, n'a pas même fait grâce aux condamnés.

MfFOµ. - Et, comme le fait justement remarquer l'honorable M. Orts, non seulement la disposition a été appliquée sous les ministères de la droite, mais de plus M. d'Anethan, ministre de la justice alors, a maintenu les condamnations et fait exécuter les jugements rendus en vertu de cette disposition contre les membres du clergé.

Ce que j'établis devant le pays, messieurs, c'est que l'opposition est tellement dénuée de griefs, après quinze années d'exercice du pouvoir par des ministères libéraux, qu'il faut qu'elle invente ceux qu'elle allègue aujourd'hui contre l'opinion libérale !

J'admets sans doute que l'on discute les questions, que l'on trouve bon ou mauvais tel ou tel principe. Mais ce que je constate, c'est l'inanité complète, absolue, de ce grief politique qui consiste à dire que nous aurions porté atteinte à la liberté de la chaire, tandis que la disposition dont on parle, bonne au mauvaise, je ne discute pas, existe dans nos lois depuis un demi-siècle et que la droite au pouvoir n'en a pas même demandé l'abrogation. Je dis, messieurs, que cela n'est pas sérieux, et qu'une pareille attitude n'est pas digue d'hommes politiques.

Vient après cela la question des inhumations : Nous permettons aux autorités communales de violer la loi sur les inhumations !

Mais, je le demande à l'honorable M. de Theux, - toujours me plaçant sur le terrain politique et abstraction faite de la question du fond, - pourquoi, pendant qu'il était au pouvoir, n'a-t-il pas proposé de modifier cette législation ? pourquoi, au contraire, l'a-t-il maintenue et l'a-t-il laissé appliquer, absolument comme elle l'est aujourd'hui ? (Interruption.) Toujours la législation a été appliqué de la même manière, aussi bien avant 1830 que depuis lors, aussi bien sous le gouvernement des Pays-Bas que sous le gouvernement français !

Voilà la vérité. Il n'y a de notre part ni innovation, ni changement quelconque, et par conséquent le grief politique consistant à nous dire : Vous portez atteinte à la liberté des cimetières, est absolument chimérique ; c'est une pure invention de votre part ; c'est un nouveau prétexte, à défaut de motifs politiques sérieux, pour agiter des populations. Car, non seulement vous avez, pendant de longues années, vu appliquer comme elle l'est aujourd'hui la législation sur les cimetières ; mais pendant que l'honorable baron d'Anethan était au pouvoir et l'honorable M. Mercier à la tête de l’administration provinciale du Hainaut, l'ordre a été donné et exécuté de faire exhumer un cadavre qu'un curé a ait fait enterrer dans un lieu ignoble, pour le faire déposer dans la partie bénite du cimetière.

Voilà ce qu'ont fait vos propres amis. Et vous viendrez après cela essayer d'agiter les populations avec ce que vous appelez la liberté de la mort ! Et vous ferez signer des pétitions à tour de bras par des femmes et par des enfants, pour tâcher de persuader qu’on porte réellement atteinte aujourd'hui en Belgique à la liberté des cimetières.

- Nombreuses voix à gauche. - C'est cela ! très bien ! très bien !

M. Bouvier.µ. - Moyen électoral et pas autre chose.

MfFOµ. - Mais ce dont se préoccupe surtout l'opposition, ce sont les fondations charitables et les fondations relatives à l'enseignement.

Il faudrait, selon nos adversaires, que l'on donnât quelques facilités sous ce double rapport ; qu'on permît aux bonnes écoles qu'on trouve à propos de fonder, de recevoir des donations et des legs ; et il faudrait en outre que les mêmes facilités fussent assurées aux établissements de bienfaisance.

Encore une fois, je ne veux pas traiter de nouveau cette question en principe et en droit ; je n'entends me placer en ce moment que sur le terrain purement politique, et je dis qu'en produisant cette prétention vous faites de la réaction contre l'œuvre du Congrès national, contre l'esprit qui régnait au sein de cette grande assemblée.

En effet, ce que vous persistez à vouloir imposer au pays, ce que vous annoncez la prétention de lui faire subir, et ce que vous avez si imprudemment essayé de réaliser en 1857, vous l'avez tenté également au sein du Congrès national. Mais le Congrès a nettement repoussé vos prétentions.

On avait proposé, presque dans les mêmes termes qu'aujourd'hui, d'accorder aux associations de charité et de bienfaisance (c'est toujours sous ce manteau que l'on déguise les couvents), la faculté de posséder comme corps moral, comme personne civile. (Interruption.)

Cela a été proposé au Congrès ; mais l'opposition qu'une pareille idée a soulevée alors a été tellement formidable, qu'on a dû l'abandonner.

M. de Theuxµ. - Qu'est-ce que cela veut dire ?

MfFOµ. - Cela veut dire que quand cette prétention exorbitante, qui nous eût ramenés immédiatement à l'ancien régime de la mainmorte, a été produite au Congrès national, une opposition considérable l'a repoussée, en disant : « Ce sont les couvents que vous voulez établir... » (Interruption.)... la discussion entière l'atteste ! Que vous a répondu alors la majorité du Congrès national ? « Les capucins, les jésuites, les dominicains et les carmes s'associeront en Belgique et s'y établiront, soit ! C'est un droit qu'ils auront en vertu de la Constitution, comme tous les autres citoyens, et ce droit nous le ferons respecter : mais ils n'auront pas de privilège ; nous n'entendons pas leur en conférer ; ils doivent se contenter du droit commun. » Voilà ce qu'on vous a dit au Congrès et voilà ce que nous vous répétons en 1864.

Et, par événement, il se trouve qu'au moment où cette prétention quant au droit de fonder était émise au sein du Congrès par le parti de la droite, la question des inhumations y était aussi incidemment soulevée.

Quand il s'est agi de savoir si le mariage civil aurait la priorité sur le mariage religieux, question très grave dont la solution permit de constater que, contrairement aux assertions de l'honorable M. Dechamps, vous n'aviez pas la majorité au Congrès...

M. B. Dumortier. - C'est trop fort !

- Un membre. - Vous n'y étiez pas !

M. B. Dumortier. - Non, mais j'ai suivi de très prés tout ce qui s'y est passé.

MfFOµ. - L'honorable M. Dumortier m'oblige à ouvrir ici une parenthèse. Je veux signaler une tactique fort habile de la droite. On essaye de faire accroire, surtout à l'étranger, que si les Belges ont proclamé l'indépendance du pays, la liberté de la presse, la liberté d'enseignement, la liberté des cultes, la liberté d'association et toutes les autres libertés constitutionnelles dont la Belgique est heureuse et fière de jouir, c'est grâce aux catholiques. Ils étaient en majorité au Congrès, et voilà l'œuvre glorieuse de cette majorité. Il y avait au Congrès une minorité exclusive et intolérante et elle a été vaincue par les catholiques. Telle est l'histoire que l'on voudrait bien faire accepter.

D'abord, c'est le gouvernement provisoire, composé presque exclusivement de libéraux, qui a proclamé le premier toutes les libertés qui ont été inscrites ensuite dans la Constitution.

Mais voyons cependant quelle était l'opinion qui formait majorité au Congrès.

Lorsqu'il s'agit de choisir le président de cette assemblée, les catholiques s'entendirent sur le choix de leur candidat ; mais les libéraux, (page 241) comme il arrive souvent, se diviseront. Le candidat des catholiques était M. de Gerlache. Un premier scrutin eut lieu : il constata que les deux candidats libéraux, un sceptique et un voltairien, réunissaient autant de voix que le candidat catholique ; une deuxième épreuve donna les mêmes résultats.

M. B. Dumortier. - Grâce aux unionistes.

MfFOµ. - Est-ce que les libéraux unionistes étaient des catholiques ?

On procède enfin à un troisième scrutin, et cette fois les 63 voix, si mes souvenirs ne me trompent pas, qui avaient été données d'abord à M. de Gerlache lui restèrent acquises, mais le candidat libéral, l'honorable baron Surlet de Chokier, fut élu par 102 voix.

M. de Theuxµ. - J'ai voté pour M. Surlet de Chokier.

MfFOµ. - C'est possible.

M. Vilain XIIII. - J'ai voté pour M. Surlet de Chokier au premier tour de scrutin.

MfFOµ. - Je le veux bien.

Je veux seulement constater ce fait important : Vous aviez un homme considérable, investi déjà de votre confiance aux états généraux, comme il l'est encore au congrès de Malines ; des individualités ont pu l'abandonner dans le scrutin ; mais il est évident que ses amis l'ont vivement défendu dans trois votes successifs ; il est non moins évident que vous vous trouviez en minorité au Congrès national, quand il s'est agi pour vous de le porter aux premières fonctions de notre nouvel Etat, et que votre candidat a échoué devant une majorité libérale.

Sans doute, je comprends parfaitement qu'au milieu des grands événements de cette époque, il n'a pas pu y avoir entre vous cette union parfaite qui se remarque aujourd’hui dans vos rangs ; mais voilà le grand fait qui domine cette époque : 102 voix données au candidat libéral, contre 62 ou 63 au candidat catholique !

Et voici qui est non moins remarquable encore.

M. Vilain XIIII. — Presque tous les catholiques ont voté pour que le mariage civil précédât le mariage religieux.

M. de Theuxµ. - Les catholiques étaient divisés et les libéraux aussi.

MfFOµ. - Le hasard avait fait qu'au Congrès national les quatre plus jeunes membres de l'assemblée fussent deux catholiques et deux libéraux ; ils furent secrétaires provisoires. Et quand le Congrès fut appelé à se prononcer pour la constitution de son bureau définitif, il donna, comme le fait la Chambre aujourd'hui, une place de secrétaire à la minorité, à l'opinion catholique ; mais la majorité libérale du Congrès, que l'honorable M. Dechamps affirme aujourd'hui n'avoir pas existé, se réserva les trois autres places de secrétaire, en remplaçant M. de Haerne par M. Forgeur.

M. de Haerne. - J'avais renoncé à la candidature.

MfFOµ. - Vous avez eu cependant le même nombre de voix que M. de Gerlache.

Et plus tard, lorsque M. Forgeur donna sa démission, il y eut encore lieudle faire acte de majorité pour compléter le bureau, et ce fut encore un libéral, l'honorable M. Henri de Brouckere, qui fut nommé.

On dit autour de moi : « Et le régent ? » On connaissait si bien la prépondérance de l'opinion libérale, qu'il n'y a pas même eu de lutte sérieuse pour l’élection du régent. Des catholiques, certains libéraux unionistes mêmes, l'honorable M. Rogier, l'honorable M. Devaux entre autres, ont voté pour M. le comte de Mérode ; mais la grande majorité se prononça pour M. Surlet de Chokier.

Voilà donc l'histoire véritable de la majorité au Congrès national, et il y aurait beaucoup d'autres faits à citer pour montrer de quel côté elle était. Mais c'est assez pour le moment.

Je reviens à ce que je disais tout à l'heure : C'est une œuvre de réaction contre l'esprit du Congrès, qui anime à présent le parti catholique.

Toutes ces questions de prétendues libertés qu'on soulève aujourd'hui et qui ne sont que des questions de privilège et de domination, ne sont pas nouvelles ; elles ont été indiquées alors, y compris celle des inhumations.

Voici dans quel sens je disais que le Congrès national s'occupa incidemment des inhumations, lorsqu'il eut à résoudre la question de prééminence du mariage civil sur le mariage religieux.

On pensait que si l'on admettait le principe de l'indépendance absolue des cultes, comme quelques-uns l'entendaient, avec toutes ses conséquences, le mariage religieux pourrait par exemple précéder le mariage civil et qu'il en résulterait des désordres dans la société. La priorité du mariage civil est, je le reconnais, une exception au principe admis de la liberté des cultes, et cette exception a paru commandée au Congrès par un grand intérêt social.

Mais l'on ajoutait encore qu'en vertu de ce principe, entendu dans un sens absolu, on pourrait peut-être enfreindre la loi sur les inhumations. M. Charles de Brouckere demandait si l'on ne pourrait pas, par exemple, faire comme autrefois des inhumations dans les églises. (Interruption.) Mais si votre prétention est aujourd’hui fondée quant aux cimetières, il en serait de même quant aux églises !

Qu'arriva-t-il cependant, quand M. Charles de Brouckere émit une pareille appréhension ? Immédiatement, sur les bancs de la droite de l'époque, on se récria ; on dit : Nous ne pouvons vouloir pareille chose ; ce qui appartient au culte dans les inhumations, ce sont les prières et les cérémonies religieuses. Et quant à nous, c'est ce que nous disons encore aujourd'hui. Et l'honorable M. H. de Brouckere, qui était un peu défiant à cet endroit, voulut même introduire un amendèrent dans la Constitution, pour dire qu'on maintiendrait les lois sur la priorité du mariage civil et les lois sur les inhumations. Il ne fut cependant pas autrement question de ce dernier point, tant il paraissait sans doute évident à tout le monde que les lois sur les inhumations, qui sont d'ordre public, continueraient à être respectées.

Vous le voyez donc, toutes les prétentions que vous émettez en l'an de grâce 1864, sont des prétentions qui se faisaient jour déjà au Congrès national, et qu'elles ont été combattues et repoussées dès cette époque.

M. de Haerne. - L'enterrement dans les églises était une question de salubrité.

MfFOµ. - Est-ce qu'on n'a pas résisté aux lois qui l'ont interdit ?

Maintenant, quant à la question du temporel des cultes, l'honorable comte de Theux me permettra de lui dire que ce n'est pas non plus une question nouvelle.

Nie-t-il à l'autorité civile le pouvoir d'intervenir en cette matière ?

M. de Theuxµ. - On ne peut pas nier cela.

MfFOµ. - On l'a nié. Mais pour nous, le droit est évident ! La question a été décidée en 1809. Si l'autorité intervient en cette matière, c’est à titre de la position privilégiée et exceptionnelle d'un certain culte qui se trouve organisé, et pour lequel on crée une adminit'ration spéciale civile. L'autorité intervient à raison d'une faveur faite au culte catholique.

Le clergé pourrait parfaitement se soustraire à cette intervention, si elle lui paraissait aussi gênante qu'on l'affirme, en renonçant à sa position privilégiée. Mais la prétention consiste en ceci : Nous aurons des biens que nous pourrons posséder en vertu de la loi civile ; mais quant à rendre compte, point !

M. De Fré. - C'est clair. (Interruption.)

- Plusieurs voix à gauche. - C'est incontestable !

MfFOµ. - Toute la question est là, elle n'est pas autre !

Eh bien, l'autorité civile prétend que les garanties qui existent aujourd'hui ne sont pas suffisantes. On en demande d'autres. C'est l'objet de la réforme qu'il s'agit d'introduire. Je conçois qu'on puisse attaquer et défendre l'extension que l'on croit pouvoir donner au principe ; mais certes le principe lui-même n'est pas contestable. Si vous ne voulez pas l'admettre, renoncez au temporel du culte, et n'ayez pas la prétention exorbitante de posséder des biens dont vous êtes dotés de par la loi, que vous voulez pouvoir gérer et employer comme vous l'entendez, d'une part, avec l'obligation pour les communes de pourvoir aux nécessités du culte, à l'insuffisance de vos dotations ; et, d'autre part, avec interdiction aux communes de s'immiscer dans l'administration du temporel l Renoncez donc à l'intervention de la commune. Dites que vous ne réclamez rien, qu'il n'y aura aucune espèce de charge à imposer aux contribuables, et alors du moins vous serez logiques.

Mais vouloir que les contribuables supportent des charges et qu'ils n'aient pas le droit d'examiner si ce qu'on leur demande est juste, c'est la prétention la plus absurde, la plus incroyable que l'on puisse imaginer. Elle est d'ailleurs inconstitutionnelle. D'après les institutions qui nous régissent, et ceci est tellement élémentaire qu'on ne conçoit pas qu'il faille vous le rappeler, le contribuable choisit des mandataires appelés à tout examiner, à tout contrôler, en matière de recettes et de dépenses publiques.

On a beaucoup parlé de ce qui se fait en cette matière en d'autres pays, en Angleterre et aux Etats-Unis, par exemple.

(page 242) L »honorable M. de Theux me permettra de croire qu'il n'a pas suffisamment étudié la législation de ces pays. Il s'en rapporte trop complaisamment à ce qu'on lui a dit à cet égard. Il est difficile de connaître exactement la législation des pays que l'on cite : aux Etats-Unis la législation n'est pas la même partout ; elle varie dans les différents Etats ; mais ce que je sais, c'est qu'il existe une déclaration de divers évêques américains, qui indiquent au fond l'insuffisance de la législation dans le sens de leurs vœux. Ils indiquent les moyens qu'il faut employer pour faire passer par des personnes interposées les biens qu'ils entendent garder pour leur culte.

Il y a là une indication formelle : je la cite de mémoire, mais je pourrai la faire mieux connaître à l'honorable membre. Dans ses termes généraux, son assertion n'est pas exacte. Mais si même, dans tel ou tel pays, une législation autre que la nôtre existait, ce ne serait pas une raison pour l'appliquer chez nous. Les législations sont faites d'après les conditions sociales dans lesquelles les pays se trouvent. On fait très bien de s'en éclairer ; mais conclure de ce qu'elles existent ailleurs, qu'elles doivent exister ici, cela n'est évidemment pas admissible.

On concevrait parfaitement qu'aux Etats-Unis, où l'Etat ne donne rien au clergé, on lui fît d'autres avantages qu'en Belgique ; mais prétendre que, dans un pays où on lui accorde une certaine dotation, dans un pays où l'on impose des charges aux contribuables pour le culte, on n intervienne pas dans l'administration du temporel, cela n'est pas soutenante. Nous sommes dans une position particulière et nous avons à statuer conformément à notre état social et à nos institutions politiques.

M. de Haerne. - Le clergé n'a pas été spolié en Amérique.

M. De Fré. - Il n'a rien.

M. Baraµ. - Il n'a pas fait le moyen-âge non plus.

MfFOµ. - Que le clergé ait une dotation formée de biens retirés de la circulation ou qu'il ait cette dotation par une contribution imposée aux citoyens, c'est, au point de vue où nous sommes placés, absolument la même chose. C'est toujours une dotation accordée au clergé par la société. Le mode est seul différente. Ainsi, qu'il soit doté comme il l'était autrefois ou qu'il soit renté comme il l'est aujourd'hui, à l'aide de prélèvements sur les contribuables, la loi a également à s'occuper de ce qui doit être fait dans le temporel des cultes.

Je crois, messieurs, avoir rencontré les divers griefs allégués par l'honorable M. de Theux, et en avoir fait complètement justice au point de vue politique, le seul dont il s'agit en ce moment.

- Voix nombreuses à gauche. - Très bien ! très bien !

M. B. Dumortier. - Messieurs, quand un débiteur tombe en faillite, il est d'usage qu'il dépose son bilan, et s'il ne le dépose pas, ses créanciers ont le droit de le déposer pour lui. Dans la faillite d'un pouvoir qui tombe en déconfiture, j'aurais voulu vous présenter son bilan, montrer le mal qu'il a fait au pays dont il a compromis jusqu'à l'existence ; mais vous voulez en finir et j'aurais tant à dire ! D'autre part, je viens, messieurs, d'entendre le bilan présenté par M. le ministre des finances. D'après lui, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possible ; la conduite des affaires publiques a été, sous sa direction, irréprochable, et c'est lui qui est resté dans la constitution, dans les principes du Congrès, dont il a entrepris de tracer uns histoire toute nouvelle. Il y a plus, il est, lui, plus catholique que nous. Le ministère n'a fait que des actes magnifiques. Sa politique est merveilleuse, et en résumé nous devons tous approuver son système.

Eh bien, quant à moi je ne partage pas l'opinion de l'honorable membre et je crois que sa manière de faire de l'histoire est en parfaite harmonie et en parfaite coïncidence avec sa manière de gouverner.

Cette manière de faire l'histoire, c'est aussi de la politique nouvelle. Ecoutez : au Congrès les catholiques étaient en minorité. Vous l'entendez, messieurs, probablement la plupart de vous l'entendent pour la première fois. C'est au bout de 33 ans que cette révélation arrive à la Chambre.

Les catholiques qui ont doté le pays de toutes ses libertés... (Interruption.) Oh ! je sais que cela vous gêne, vous prétendus libéraux, dont le libéralisme ne consiste qu'à vouloir ravir la liberté des autres. Vous voudriez refaire l'histoire pour tromper le pays. Je le répète donc, ceux qui ont doté le pays de toutes ses libertés, de ces libertés que les libéraux ne cessent de lui ravir chaque jour, ils n'étaient qu'une faible minorité du Congrès ; ils n'y figuraient que par tolérance.

Eh bien, je renverrai l’honorable ministre à tous les auteurs sans exception qui ont écrit sur l'histoire du Congrès, et je le prie de prendre, au besoin, la liste des personnes qui composaient le Congrès national ; il verra de la manière la plus claire, la plus évidente...

M. H. de Brouckereµ. - ... que les libéraux formaient la majorité du Congrès.

M. B. Dumortier. - Que les libéraux étaient en petite minorité au Congrès, et que lorsque l'honorable M. H. de Brouckere, qui m'interrompt, et son frère présentaient des propositions libérales au Congrès, ces propositions étaient écartées par les trois quarts de l'assemblée, par 140 voix contre 30.

Voilà, messieurs, la vérité des faits, et cette vérité vous prouve ce qu'il faut croire de tout ce que vous dit M. le ministre des finances et de sa manière de faire l’histoire de nos institutions.

M. le ministre des finances nous a demandé pourquoi le cabinet aurait modifié sa politique. Il ne veut pas voir, il nie l'antithèse, qui a frappé tout le monde, entre le discours du Trône et le projet d'adresse que nous avons à examiner.

Le discours du Trône respirait la modération. Qu'est-ce que l'adresse, et notamment les derniers paragraphes qui nous restent à voter ? C'est un défi jeté à la droite ; ce sont les dernières convulsions de l'agonie d'une politique expirante. Certes l'état de l'Europe, le péril imminent de la patrie, l'étincelle allumée au Nord et qui demain peut-être embrasera le monde, étaient des motifs bien sérieux pour que le ministère arrivât enfin à une politique de modération tracée par le discours du Trône. Au lieu de cela, en comparant les deux textes, il est inutile d'arriver ici avec toutes ces superfluités si spirituelles qu'invente le génie de l'honorable membre qui vient de se rasseoir, pour voir combien l'adresse est loin du discours du Trône, M. le ministre a beau le démentir, il suffit de comparer les deux textes pour voir qu'il y a antithèse complète, désaccord complet entre le discours du Trône et l'adresse que vous êtes appelé à voter.

Les derniers paragraphes de l'adresse, qu'est-ce que c'est ? Encore une fois, c'est un défi jeté à la droite. C'est le programme de la politique à outrance, et cela dans un moment où le ministère libéral, réduit à une infime majorité, se trouve dans l'impossibilité de l'exécuter. Oh ! j'aurais conçu ces déclarations de lois oppressives contre nous, alors que vous aviez une majorité puissante ; je les aurais conçues quand vous aviez une majorité de 40 voix, comme cela est arrivé, lorsque vous avez escaladé le pouvoir, chacun sait comment. Mais ce que je ne conçois pas, c'est de vous voir prendre ici des engagements de lois violentes et passionnées, de lois réactionnaires, de lois divisant profondément le pays, et cela lorsque vous n'avez plus qu'une majorité de 2 ou 3 voix, et qu'à chaque instant vous pouvez avoir des échecs.

Je ne le conçois pas dans la position où se trouve l'Europe, alors que la patrie a besoin plus que jamais de l'union de tous ses enfants.

Je dis que cette conduite est un acte que je ne puis qualifier de sensé, je dis que cet acte ne prouve qu'une chose, c'est que vous êtes tombés par la faiblesse dans la violence et que votre violence s'accroît par votre faiblesse. Quand vous étiez forts, vous étiez beaucoup moins violents ; vous l'étiez sans doute déjà ; mais maintenant que vous voyez que le pouvoir vous échappe, votre violence redouble. Ce sont les derniers accès de délire d'une politique qui tombe et d'un ministère qui s'éteint.

Quand vous aviez une majorité de 40 voix, vous n'arriviez pas avec une adresse qui est une menace et un défi vis-à-vis de cette assemblée. Vous arriviez alors avec des lois. Maintenant c'est la menace qu'il vous faut, et encore une fois parce que vous êtes faibles, parce que la majorité vous échappe, vous vous irritez d'une manière superbe, vous affichez votre violence.

Et de quoi donc vous irritez-vous ? Vous vous irritez de ce que le pays a compris votre politique, de ce que le pays entier a compris où cette politique à outrance peut mener le pays. Vos fautes ont fait la force de nos discours que vous avez méprisés et le pays vous a compris et il vous repousse.

Voyez les élections à la suite de cet événement qu'on a appelé les pavés. Vous êtes arrivés au pouvoir ; vous avez fait la dissolution ; vous avez eu une majorité de 30 à 40 voix ; nous n'étions, nous, que 20 ou 25.

Que s'est-il passé depuis ? C'est qu'à chaque élection, malgré votre système de pression ministérielle, malgré toutes les influences que vous avez employées contre nous, notre nombre s'est constamment accru ; il s'est tellement accru que notre minorité n'est plus que de six voix et que peut-être, dans quelques jours, elle ne sera plus que de deux voix.

Qu'est-ce que cela prouve ? Cela prouve-t-il que c'est nous qui trompons le pays ? Non, cela ne prouve qu'une seule et unique chose, c'est que la politique violente du ministère détache le pays de son système. La pays n'aime pas la violence des partis. Le pays est opposé à tout ce qui est violence ; et quand il voit qu'un ministère depuis six ans ne procéder que par la violence, quand il le voit se faire le persécuteur de la pensée religieuse, quand il le voit organiser tout dans l’intérêt de son existence (page 243) propre, le pays se sépare incessamment d'un telle politique à outrance et se rapproche de nous. Et au lieu de comprendre la grande voix du pays, c'est par des violences nouvelles que vous prétendez garder un pouvoir que vous voyez, avant tant de regrets, échapper de vos mains.

Si je voulais examiner la conduite du ministère, oh ! les actes ne me manqueraient pas.

D'abord ce sout les lois réactionnaires, les lois d'exception. Comment ! Vous osez parler du Congrès national et invoquer ses principes ! Mais la première maxime du Congrès était celle-ci : Pas de lois d'exception. Pour lui, les lois devaient être égales pour tous, l'égalité des citoyens devant la loi était la base de nos institutions, les lois d'exception étaient flétries à jamais sur le sol belge.

Car les lois d'exception, c'est la tyrannie des partis ; c'est la patrie divisée en vainqueurs et en vaincus.

Eh bien, qu'avez-vous fait ? Vous êtes arrivés ici avec des lois d'exception, avec des lois dirigées contre certaines classes de citoyens, et ne s'appliquant pas à d'autres classes de citoyens. C'était une violation flagrante, sinon du texte littéral, mais de l'esprit de la Constitution qui a toujours proclamé l'égalité et la liberté pour tous les citoyens.

Et l'on viendra nous parler de privilèges ! Oui, il y a pour nous un privilège : il y a un privilège pour nos croyances et ce privilège, le voici : c'est de mettre l'Eglise hors la loi ; c'est de mettre les catholiques hors la loi, c'est de mettre hors la loi quiconque a des croyances catholiques.

Qu'avez vous fait des fonctions publiques ?

Dans tout ce qui est collation d'emplois, vous avez considéré les catholiques comme des parias, comme des ilotes, comme des étrangers au pays, et il suffit qu'un membre de la droite appuie un candidat à une fonction, pour qu'il soit stigmatisé et qu'il ne soit admissible à aucune fonction publique, écartant ainsi de la table du budget quiconque est attaché à la foi de ses pères.

Vous ne vous êtes pas contentés de cela.

Vous avez constitué l'Etat en parti. L'Etat, pour vous, est devenu un parti, et tout à l'heure encore, que disait M. le ministre de la justice ? Il disait que la lutte était entre l'autorité civile et l'autorité religieuse. Ainsi, d'après votre propre aveu, dans ce pays catholique, l'autorité civile est en lutte avec l'autorité religieuse. Et quand vous amenez ces luttes, quand notre foi est menacée, vous voulez que tous les Belges qui tiennent leurs principes catholiques ne luttent pas contre vous, ne se défendent pas contre un pareil système ?

Depuis que vous êtes au pouvoir, vous n'avez pris que des mesures contre la pensée religieuse. Votre loi sur la charité, sur les fondations charitables, vos dispositions pour refaire les testaments, pour violer la volonté du testateur, la pensée qu'exprimait hier M. le ministre des affaires étrangères au sujet de la nomination des ministres du culte, cette révélation si curieuse de votre programme sur la constitution civile du clergé que vous méditez, vos dispositions spoliatrices sur les bourses d'étude, et, demain encore, vos dispositions pour les fabriques d'église, vos mesures concernant les inhumations, tout cela constitue des lois réactionnaires, des lois d'exception contre une partie du pays qui a été, à toutes les époques de notre histoire, la garantie la plus forte de notre indépendance nationale.

Au lieu de l'union que voulait le congrès, vous avez organisé la division dans le pays, et pour y mieux réussir vous avez introduit les mandats impératifs : il faut voter toujours, toujours, toujours, avec le ministère !

Voilà le mandat impératif que vous avez introduit. Je dis que c'est le servilisme le plus abrutissant qui ait jamais été imaginé. Que dis-je ! le servilisme, vous l'avez érigé en vertu, sous le nom de discipline.

C'est par le servilisme, ce honteux esclavage des âmes, que vous prétendez vous maintenir au pouvoir, dégradant ainsi ce qu'il y a de plus élevé dans le cœur de l'homme, l'indépendance des caractères. C'est par le servilisme que vous avez établi votre domination arbitraire : Servitutem pro dominatione : et par là vous avez affaibli tous les ressorts de la nationalité elle-même.

Car la servitude, c'est l'énervation des âmes ; avec elle, plus de fierté, et sans fierté, plus de courage, plus de patriotisme.

MpVµ. - M. Dumortier, vous ne pouvez pas dire qu'il y a du servilisme dans la Chambre.

M. B. Dumortier. - J'ai dit que le ministère a organisé le servilisme dans le pays ; chacun peut interpréter nies paroles, c'est son droit.

C'est par ce système de violence, de politique à outrance, de guerre aux intérêts moraux de nos populations catholiques, par cette fatale division des Belges en vainqueurs et vaincus, que vous avez détaché le pays de notre cause, et vous osez représenter votre politique violente et dissolvante comme formant le vœu public, alors que le pays vous quitte successivement. Ah ! ouvrez les yeux ; le flot monte, il monte contre vous ; il monte, il monte encore, et demain vous serez engloutis !!

MpVµ. - La parole est à M. Vilain XIIII.

M. Vilain XIIII. - M. le président, il est trop tard pour faire l'histoire du Congrès. Je renonce à la parole.

--Le paragraphe 25 est mis aux voix et adopté.

Articles 26 à 28

« Ferme et sincère, cette politique veut, malgré les difficultés de la tâche, tenir toutes ses promesses, celles d'hier comme celles d'aujourd'hui. »

- Adopté.


« La Chambre loue cette vaillante persévérance ; la volonté de ne rien abandonner que semblable persévérance accuse, est aussi la volonté des Représentants de la Nation. »

- Adopté.


« Sire, pour réaliser ainsi le vœu public, le gouvernement peut compter sur notre concours efficace et loyal. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet qui est adopté par 58 voix contre 52.

Ont répondu oui :

MM. Mouton, Muller, Nélis, Orban, Orts, Pirmez, Pirson, Prévinaire, Rogier, Sabatier, Tesch, Alphonse Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Volxem, Allard, Ansiau, Bara, Bouvier, Braconier, Cartier, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Bronckart, de Brouckere, de Florisone, De Fré, de Kerchove, De Lexhy, de Macar, de Moor, de Paul, de Renesse, de Rongé, Dolez, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Lange, Laubry, Ch. Lebeau, J. Lebeau, Le Hardy de Beaulieu, Lesoinne, Mascart, Moreau et Ernest Vandenpeereboom.

Ont répondu non :

MM. Notelteirs, Nothomb, Rodenbach, Royer de Behr, Snoy, Tack, Thibaut, Thienpont, Thonissen, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Wasseige, Beeckman, Coomans, Coppens, Debaets, Dechamps, de Conninck, de Decker, de Haerne, Delaet, Delcour, de Liedekerke, de Mérode, de Montpellier, de Muelenaere, de Naeyer, de Ruddere de te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, de Theux, d’Hane-Steenhuyse, Dubois, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Hayez, Jacobs, Janssens, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Le Bailly de Tilleghem, Magherman et Moncheur.

Proposition de loi

Dépôt

MpVµ. - J'ai reçu, de six membres de l'assemblée, une proposition de loi ; elle est renvoyée aux sections, conformément au règlement.

Rapport sur une pétition

M. Van Humbeeckµ. - Messieurs, j'ai l'honneur de vous présenter le rapport sur une pétition d'habitants de Bruges, qui prient la Chambre de prendre des mesures pour faire cesser l'intervention de la police de cette ville dans la lutte électorale.

Les pétitionnaires, dans les griefs qu'ils exposent à la Chambre, se placent successivement dans deux ordres d'idées ; ils se plaignent d'abord de ce qu'un écrit sans nom d'imprimeur et ayant un but électoral ait été distribué à Bruges ; ils se plaignent, en second lieu, de ce que cette distribution ait été opérée par des agents de la police, qui par ce fait et par d'autres, que les pétitionnaires laissent entrevoir mais ne spécifient en rien, auraient été transformés en courtiers électoraux.

Dans le premier ordre d'idées, les pétitionnaires se bornent à signaler à la Chambre un fait qu'ils croient être un délit.

Or, la Chambre, corps politique, n'a pas à recevoir de dénonciations de délits ; les délits doivent être dénoncés aux parquets et à la police judiciaire.

Si le parquet et la police judiciaire ne font pas leur devoir, c'est au département de la justice qu'on doit s'adresser pour faire cesser cette inaction ; si, à son tour, le département de la justice ne fait pas exécuter la loi par ceux qui sont chargés de cette mission, alors seulement le recours à la Chambre peut avoir sa raison d'être.

Si donc les pétitionnaires se bornaient à ce premier ordre d'idées, il faudrait prononcer purement et simplement l'ordre du jour sur leur réclamation.

Mais dans le deuxième ordre d'idées la compétence de la Chambre devient évidente. Les pétitionnaires se plaignent d'actes administratifs, qu'ils prétendent attentatoires à la liberté des électeurs. Je dis que la compétence de la Chambre est évidente, mais je dois me borner à (page 244) constater cette compétence, sans rien préjuger sur le fond de la réclamation.

II n'est possible ni à la commission des pétitions ni à la Chambre elle-même de se prononcer sur la valeur des allégations qui sont produites dans la pétition.

Sont-elles exactes ? ne le sont-elles pas ? C'est un point sur lequel il nous est complètement impossible de nous prononcer. Et si les faits dénoncés sont réels, quelle en est la portée ? C'est encore un point qu'il a été impossible à la commission de trancher et qu'il est impossible à la Chambre elle-même de trancher davantage. Les faits signalés le sont presque toujours en termes vagues. Nous n'y rencontrons le plus souvent rien de précis.

Ainsi l'on dit que la liberté électorale à Bruges est subordonnée à l'action de la police qui abuse de pouvoirs qu'elle a reçus pour en user en faveur de tous les citoyens, tandis qu'en les mettant au service des citoyens d'une seule opinion, elle s'est transformée en courtière électorale. Il n'y a certainement là rien de précis, et le vague le plus complet domine dans cette articulation.

La seule allégation un peu précise consiste à prétendre que la police parcourt la ville, et surtout les cabarets, recommandant les candidats libéraux et distribuant un écrit imprimé en faveur de ceux-ci sans porter le nom de l'éditeur ; on ajoute que des agents de police auraient même été vus la veille et l'avant-veille de la date de la pétition distribuant ce même écrit dans les rues de Bruges.

Voilà, je le répète, le seul fait dans lequel il y ait un peu de précision.

Or, les pétitionnaires ne nous disent pas si, d'après quelques motifs particuliers, cette action d'agents de police devrait être considérée comme spontanée ou comme imposée, combinée, ordonnée. Les renseignements à cet égard manquent de la manière la plus complète, et il est évident que, si un agent de police n'a fait qu'user de son droit de citoyen, qu'il soit électeur ou non, si ce n'est pas en qualité d'agent de police qu'il a distribué la circulaire dont il est question, le fait perd à l'instant même toute signification. Si même il en était autrement, il serait encore à remarquer que l'écrit par lui-même, à quelque nombre d'exemplaires qu'il ait été distribué, ne contient rien qui puisse ressembler à une pression, à une menace. C'est la reproduction de fragments d'articles de journaux et de discours à l'éloge de M. Devaux, et ils ne sont accompagnés d'aucun commentaire tendant à montrer des conséquences redoutables qui pourraient résulter de l'insuccès de ce candidat.

Cependant tout ce qui touche à la liberté du scrutin est grave ; cette liberté, aux yeux de la commission, ne peut jamais être assez sauvegardée ; il peut donc être utile que les faits soient vérifiés et leur portée appréciée ; par cette considération seulement la commission propose le renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur, sans rien préjuger cependant.

Permettez-moi, en terminant, un mot d'explication pour que la Chambre ne se méprenne pas sur la signification de ma présence à la tribune.

Dans le premier débat qui a eu lieu tout à l'heure, plusieurs membres de la commission des pétitions appartenant à une opinion contraire à celle du président de cette commission, se sont plu à rendre hommage à sa loyauté, à son impartialité ; tous ont déclaré que l'incident qui se produit aujourd'hui ne peut en rien porter atteinte à son honorabilité parlementaire. Je me suis joint de cœur à ces déclarations. Au sein de la commission des pétitions, un membre avait même voulu, pour que cette pensée parût bien celle de la commission tout entière, qu'on conservât à l'honorable M. Vander Donckt la qualité de rapporteur. La commission ne s'est pas associée à cette proposition, mais elle s'est associée, du moins unanimement, à l'intention qui l'avait dictée. Si l'honorable M. Vander Donckt n'a pas été maintenu dans les fonctions de rapporteur, c'est que ses concluions premières étant modifiées, on a craint de lui créer une position trop délicate. Cependant sa loyauté sort intacte de ce débat. Il y a eu erreur de sa part, mais il n'y a eu qu'erreur.

MpVµ. - Les conclusions sont le renvoi pur et simple à M. le ministre de l'intérieur.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Sans rien préjuger.

MpVµ. - C'est un renvoi pur et simple.

M. Wasseigeµ. - A condition que M. le ministre veuille bien indaguer le plus tôt possible sur les faits.

- Un membre. - On indaguera. (Interruption.)

- Les conclusions de la commission sont adoptées.

Projet d’adresse en réponse au discours du trône

Composition de la députation chargée de présenter à Sa Majesté

Le sort désigne pour faire partie de cette commission : MM. Sabatier, Henri Dumortier, Moreau, de Smedt, Jos. Jouret, Laubry, de Ruddere, Goblet, Le Hardy de Beaulieu, Delcour et Jamar.

- La séance est levée à 5 heures et demie.