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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 31 mai 1864

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1863-1864)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 406) M. Thienpont procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Moorµ donne lecture du procès-verbal de la dernière séance (19 mars).

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Thienpont communique l'analyse des pièces adressées à la Chambre :

« Le sieur Van Hoorebeke, commis des postes à Gembloux, se plaint d'avoir été colloque dans un hospice. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Vander Planken demande l'abrogation de la loi du 16 juin 1836 sur la position des officiers et la révision du Code pénal militaire. »

- Même renvoi.


« Des officiers, sous-officiers et gardes civiques de la légion de St-Josse-ten-Noode, membres de la société centrale de tir et d'exercice, se plaignent que le chef de la légion leur interdit de sortir en tenue et en armes pour se rendre aux tirs à la cible de cette société. »

- Même renvoi.


« Le sieur Janssens-Vantilt demande une réduction sur le prix de la 2ème classe du tarif n° pour des transports de pannes de Louvain à Tirlemont. »

- Même renvoi.


« Le sieur Van Mullem, exploitant des services de transports par bateau sur le canal de Bruges à Gand, demande une indemnité pour le dommage que lui a causé une interruption de navigation prolongée au-delà du terme fixé par le gouvernement. »

- Même renvoi.

« Le sieur Bernard Laperre, sergent au 12ème régiment de ligne, pensionné provisoirement et se trouvant à l'hôpital militaire de Louvain, demande qu'on lui donne, ainsi qu'à ses collègues à l'hôpital, une partie de leur pension. »

- Même renvoi.


« Le sieur Langlier, milicien de la levée de 1861, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir son exemption définitive du service. »

- Même renvoi.


« Le sieur Mestdagh demande l'établissement d'un bureau de poste et télégraphe dans la section du quartier Saint-Sauveur à Gand. »

- Même renvoi.


« Le sieur Coekelbergh, ancien chauffeur et manœuvre au chemin de fer de l'Etat, demande qu'il lui soit fait application de l'article 84 du règlement sur les pensions. »

- Même renvoi.


« Le sieur Stuyck, lieutenant de cavalerie en non activité, réclame l'intervention de la Chambre pour être entendu devant la cour militaire sur les faits qui ont provoqué sa mise en non activité. »

- Même renvoi.


« Le sieur Pol présente des observations relatives à son essai de guide du semeur de blé sur les terres labourées et de la culture en tourteaux. »

- Même renvoi.


« Le sieur Troussef, docteur en résidence à Wavre, demande la grande naturalisation. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le sieur Agniez, dit Agnesi, artiste lyrique à Paris, né à Erpent, province de Namur, demande la naturalisation ordinaire. »

- Même renvoi.


« Les membres du conseil communal de Romagne prient la Chambre de passer à l'ordre du jour sur les pétitions qui ont pour objet la séparation des cultes dans les cimetières. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de Woumen demande que le chemin de fer projeté d'Ostende vers le Nord de la France passe par Dixmude et prie la Chambre d'autoriser la concession d'un chemin de fer de Roulers à Ypres.

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Charleroi demande le maintien de l'indépendance et des droits du pouvoir civil en matière d'inhumation ».

- Même renvoi.


« Des habitants de Rongy protestent contre une pétition de cette commune relative à la police des cimetières. »

- Même renvoi.


« Des habitants d'Anvers prient la Chambre de consacrer par la loi : 1° la propriété des cimetières aux communes ; 2° le droit pour l'autorité civile compétente d'exercer exclusivement la police et la surveillance des cimetières ; 3° la suppression du monopole des pompes funèbres en faveur des fabriques d'église ou consistoires et subsidiairement, si ces points sont consacrés par la législation existante, ils demandent la reconnaissance formelle de cette législation et sa mise à exécution. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Bruxelles présente des observations au sujet de la législation des cimetières.

s Mêmes observations du conseil communal de Gand et de l'administration communale de Brasschaet. »

- Même renvoi.


« Le conseil de fabrique de Sainte-Gudule, à Bruxelles, proteste contre un nouveau règlement des inhumations arrêté par le collège échevinal et demande que les droits des catholiques en matière d'inhumation soient sanctionnés, au besoin, par une disposition législative nouvelle. »

- Même renvoi.


« Des membres de l'administration communale et du bureau de bienfaisance d'Orp-le-Grand prient la Chambre de rejeter les pétitions qui dénient à l'autorité communale le droit de régler les inhumations dans les cimetières publics. »

« Même demande de l'administration communale d'Alost. »

- Même renvoi.


« Le docteur Crommelinck se plaint des mesures prises contre lui par l'administration de la justice. »

- Même renvoi.


« Les bourgmestre, échevins, conseillers communaux et habitants de diverses communes du canton d'Hoogstraeten, demandent la création d'un canal de Ryckevorsel à Bréda.»

- Même renvoi.


« L'administration communale de Mons prie la Chambre d'accorder au sieur Hoyois la concession d'un chemin de fer de Binche à Lessines. »

- Même renvoi.


« Les instituteurs du canton d'Erézée se plaignent de n'avoir rien reçu des crédits supplémentaires votés en faveur de l'instruction primaire pour les exercices 1861, 1862 et 1863. »

- Même renvoi.


« Le sieur Pol soumet une méthode pour semer du blé sur tourteaux. »

- Même renvoi.


« La dame de Saeger, veuve du sieur de Meersman, portier-consigne à Mons, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir la révision de sa pension. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Roosbeek se plaignent d'abus dans le mode de sépulture et prient la Chambre d'aviser aux mesures nécessaires pour les faire cesser. »

« Même demande d'habitants de Bautersem. »

- Même renvoi.


« Le sieur Léonard demande le retrait de la loi sur le défrichement et sur le partage des aisances, des modifications aux lois sur la chasse et sur les successions, une indemnité ou dédommagement des droits de succession payés à l'Etat par sa famille et la remise des droits que ses enfants durent payer en raison de la mort de leur mère. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Nieuport demandent la révision de la loi sur la nationalisation des navires. »

- Même renvoi.


« L'administration communale de Thisselt demande que les concessionnaires du chemin de fer d'Anvers à Tournai soient obligés d'établir, une station ou une halte à Thisselt. »

- Même renvoi.

« Le conseil communal de Lierre demande que les concessionnaires (page 407) d'un chemin de fer d'Anvers à Douai soient obligés de construire l'embranchement sur la station de Contich. »

- Même renvoi.


« L'administration communale de Denderleeuw demande que les concessionnaires d'un chemin de fer d'Anvers à Tournai soient obligés de construire des embranchement sur Denderleeuw et sur Contich. »

- Même renvoi.


« Des habitants de la Panne demandent qu'il soit pris des mesures pour la pêche maritime. »

- Même renvoi.


« Des ouvriers piocheurs au chemin de fer de l'Etat demandent une augmentation de salaire. »

- Même renvoi.


« Les membres de l'administration communale et des habitants de Nederbrakel demandent que le chemin de fer d'Anvers à Tournai passe par Nederbrakel. »

- Même renvoi.


« Les membres du conseil communal de Bossuyt demandent qu'il soit pris des mesures pour amener l'abaissement des droits de navigation sur le canal de Bossuyt à Courtrai. »

« Même demande de l'administration communale et d'habitants de Moen. »

- Même renvoi.


« Les membres de l'administration communale et des habitants de Tubize prient la Chambre d'accorder au sieur Fierens la concession d'un chemin de fer d'Enghien à Landen et de décider que cette ligne passera par Tubize. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Bruxelles prient la Chambre de ne pas proroger la loi du 22 septembre 1835, relative aux étrangers, dans les termes où elle est conçue. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi concernant les étrangers.


« Le collège maritime d'Anvers prie la Chambre de maintenir en vigueur les dispositions de l'arrêté royal du 12 janvier 1853, concernant l'examen des lieutenants et des capitaines pour la marine marchande belge. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Verkindert demande que l'arrêté ministériel du 16 avril, relatif à l'examen des candidats surnuméraires pour l'administration des chemins de fer, postes et télégraphe», soit révisé quant à la connaissance du flamand. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Balatre prient la Chambre d'autoriser la concession d'un chemin de fer de Gembloux, par Fosses, à la Meuse vers Dinant, avec prolongement jusqa'à Rochefort. »

« Même demande d'habitants de Saint-Martin, Bothey, Mazy, Bossières, Onoz, Spy, Corroy-le-Château, Ham-sur-Sambre. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de Namur déclare appuyer la pétition par laquelle le conseil communal de Schaerbeek demande que les membres des conseils provinciaux et communaux ne puissent être poursuivis ou recherchés à raison des discours prononcés au sein de ces assemblées, lorsque ces discours ne contiennent que des imputations étrangères à la vie privée. »

- Même renvoi.


« Le sieur Pollet présente des dispositions additionnelles à la proposition de loi concernant les dommages-intérêts et la visite domiciliaire en matière de presse. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition.


« L'administration communale de Liège demande que la canalisation de la Meuse s'effectue le plus tôt possible dans tout le parcours du fleuve. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.


« L'administration communale de Berchem prie la Chambre d'accorder aux sieurs Gillon et Peeters-Baertsoen la concession d'un chemin de fer d'Anvers à Tournai vers Douai. »

« Même demande des administrations communales d'Hekelgem, Meldert, Michelbeke et Hacquegnies. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de Nieuport demande que le chemin de fer projeté d/Ostende à Armentières suive le tracé sur Nieuport, puis sur Dixmude et Ypres ou qu'il soit dirigé directement sur Dixmude avec embranchement sur Nieuport. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Balatre, Sainte-Aldegonde, prient la Chambre d'accorder aux sieurs de Haulleville et Wergifosse, la concussion d'un chemin de fer d'Anvers à Saint-Vith, par Braine et Namur. »

« Même demande des conseils communaux de Vielsalm, Maxenzele, Perrière, Hamoir, Ernonheid, Werbomont, Hemixem, Arbrefonaine, Merchtem, et d'habitants de Mazy, Esschene, Mozet, Lennick-Saint-Quentin et Lennick-St-Martin. »

- Même renvoi.


« Le sieur Th. F. Van Oorschot, peintre en bâtiments à Turnhout, né dans cette ville, demande la naturalisation. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Le sieur César Degreny, ancien sous lieutenant d'infanterie, né à Termonde, demande à recouvrer la qualité de Belge qu'il a perdue en prenant du service militaire à l'étranger. »

- Même renvoi.


« Des commerçants et industriels à Bruxelles prient la Chambre d'aviser aux moyens de mettre en tout temps les ressources financières de la Banque Nationale en rapport avec les besoins des transactions commerciales du pays. »

M. Jamar. - Cette pétition, messieurs, présente un très grand intérêt, et la solution des questions qu'elle ne peut manquer de soulever a une importance qui n'échappera à personne. Elle mérite, à tous égards, l'attention sérieuse de la Chambre.

Je crois qu'il est utile que la discussion de cette pétition s'engage sur un travail préparatoire qui me semble rentrer dans les attributions de la commission d'industrie.

Je propose donc à la Chambre d'ordonner que cette pétition soit renvoyée à la commission de l'industrie avec demande d'un prompt rapport.

M. de Brouckereµ. - A la commission des finances plutôt.

M. Jamar. - L'organisation du crédit industriel me semble rentrer complètement dans les attributions de la commission de l'industrie.

M. B. Dumortier. - Que l'on renvoie les pétitions aux deux commissions.

M. Jamar. - Soit. Je modifie volontiers ma première proposition en demandant le renvoi de la pétition aux commissions des finances et de l'industrie.

Seulement, j'insiste sur la demande d'un prompt rapport : il importe, en effet, que cette question soit résolue le plus promptement possible. Si, comme le disent les pétitionnaires, la Banque Nationale n'est pas en situation d'apporter au commerce et à l'industrie du pays un concours en rapport avec son titre et le privilège que la loi lui accorde, il y a lieu d'aviser le plus promptement possible aux mesures que cet état de choses réclame.

Si, au contraire, la Banque Nationale, dans les limites de la loi de 1850, peut rendre au commerce tous les services que le pays est en droit d'en attendre, il importe d'établir nettement à quelles causes il faut attribuer la situation financière dont se plaint le commerce.

M. Vermeireµ. - Je ne veux pas entrer aujourd'hui dans le fond de la question que soulève la pétition ; mais je crois que cette pétition devrait suivre la filière ordinaire, c'est-à-dire qu'elle devrait être renvoyée purement et simplement à la commission des pétitions, qui pourrait nous proposer le renvoi ultérieur, soit à la commission de l'industrie, soit à la commission des finances, soit même à M. le ministre des finances, M. le ministre pourrait nous faire un rapport plus complet, plus circonstancié que la commission des finances.

Je demande donc le renvoi de la pétition à la commission des pétitions.

MpVµ. – La dernière proposition de M. Jamar est un amendement, je dois donc la mettre la première aux voix.

M. Coomans. - Il faudrait d'abord préciser, je pense, le but de la motion de l’honorable membre. Veut-il que les deux commissions siègent séparément et nous présentent chacune un rapport ; ou bien entend-il qu'elles siègent ensemble et ne fassent qu'un seul rapport ? Voilà la question.

Pour ma part, je pense qu'il y aurait quelque inconvénient à saisir séparément les deux commissions de la pétition dont il s'agit, car il pourrait arriver que les deux commissions nous proposassent des conclusions différentes et même opposées. Il faudrait donc s'expliquer avant tout sur ce point essentiel.

MpVµ. - Je prie M. Jamar de préciser si proposition.

(page 408) On renvoie très souvent une proposition simultanément à deux ministres, lesquels en font l’objet d'un seul rapport. Il me semble que les connussions de l'industrie et des finances pourraient agir de même dans le cas qui nous occupe.

Maintenant si la Chambre pense qu'il est préférable de renvoyer la pétition à la commission des finances, je n'insiste pas ; mais, dans tous les cas, je ne pense pas que ce soit à la commission des pétitions que le renvoi doive être ordonné, comme on le propose.

M. Vermeireµ. - Je suis d'avis que le renvoi à la commission des finances aurait un sérieux inconvénient. En effet, de quoi s'occupe généralement la commission des finances ? De l'examen de la comptabilité spéciale de la Chambre ; elle vérifie si les comptes des dépenses de la Chambre sont exacts ; si les crédits alloués ne sont pas déposés.

La mission de la commission des finances n'a pas d'autre but. Il me semble donc que puisque ce sont des intérêts industriels qui sont en jeu, c'est à la commission d'industrie que la pétition devrait être renvoyée. C’est la commission d'industrie qui, selon moi, est la mieux placée pour juger cette question.

Comme je l'ai déjà dit, je ne veux pas entrer dans le débat ; je crois que si le renvoi pur et simple à la commission des pétitions n'a pas lieu, c'est à la commission d'industrie qu'il faut prononcer le renvoi. La commission des finances n'est pas instituée pour examiner de pareilles questions.

- Le renvoi à la commission des finances avec demande d'un prompt rapport, est mis aux voix et prononcée après une épreuve douteuse.


« Par vingt messages, en date du 6 avril dernier, le Sénat informe la Chambre qu'il a donné son adhésion à autant de projets de loi de naturalisation ordinaire. »

« Par messages, en date du 8 et du 9 avril 1864, le Sénat informe la Chambre qu'il a donné son adhésion aux projets de loi suivants :

« 1° Libre entrée des navires et des bateaux ;

« 2° Crédit de 100,000 fr. au département des travaux publics pour l'extension des lignes et des appareils télégraphiques ;

« 3° Crédits supplémentaires au budget de l'intérieur pour l'exercice 1863 ;

« 4° Prorogation pour les deux sessions de 1865 du mode de nomination des jurys d'examen universitaires ;

« 5° Crédits supplémentaires au département de la justice (exercices 1863 et 1864) ;

« 6° Crédit de 600,000 fr. au département des finances pour payer les dépenses de la révision des évaluations cadastrales ;

« 7° Prorogation de l'article premier de la loi du 11 avril 1835, concernant les péages sur les chemins de fer de l'Etat ;

« 8° Crédits provisoires à valoir sur les budgets non votés de 1864 ;

« 9° Remise des droits d'entrée sur 69,000 kilog. de sulfate de soude formant la cargaison du bateau la Force ;

« 10° Crédit d'un million au département de la justice ;

« 11° Incorporation au territoire de la capitale du bois de la Cambre, de son avenue et des zones latérales ;

« 12° Crédit supplémentaire de fr. 1,660,620-65 au département des travaux publics ;

« 13° Crédit extraordinaire de fr. 449,430 au département de la guerre, pour fabrication de fusils ;

« 14° Concession d'un chemin de fer d'Ostende à la frontière de France et d'un chemin de fer de Lokeren à Selzaete ;

« 15° Transfert au budget de la guerre pour l'exercice 1863 ;

« 16° Crédit spécial de fr. 718,437-50 pour le service des bateaux à vapeur entre Ostende et Douvres ;

« 17° Concession des chemins de fer d'Anvers à Tournai et de Roulers à Ypres. »

- Pris pour notification.


Il est fait hommage à la Chambre :

« Par M. de Laveleye, d'an exemplaire d'un ouvrage intitulé : Histoire des 25 premières années des chemins de fer belges. »

« Par le même, d'un exemplaire de son ouvrage intitulé : Etude de l’eau.

« Par la chambre de commerce d'Arlon, d'un exemplaire de son rapport pour l'année 1863.

« Par M. Le Hardy de Beaulieu, de 120 exemplaires d'un travail sur la question des fraudes électorales.

« Par M. le ministre des travaux publics, de 122 exemplaires des premier et deuxième cahiers du tome XXI des Annales des travaux publics.

« Par M. Fortamps, directeur de la Banque de Belgique, de 120 exemplaires d'une notice relative à un nouveau service que cette Banque vient d'organiser dans ses bureaux, celui des dépôts de titres et d'espèces,

« Par M. Ed. Dartevelde, de 125 exemplaires d'une pétition adressée à MM. les membres de la Chambre des représentants, concernant l'augmentation des fonds de roulement de la Banque Nationale.

« Par M. Van S..., de 116 exemplaires d'une brochure traitant de la question des tarifs de chemins de fer. »

- Dépôt à la bibliothèque et distribution aux membres.


M. le ministre des finances transmet à la Chambre, en exécution de la loi du 15 novembre 18i7, sur la caisse d'amortissement et celle des dépôts et consignations, le compte rendu des opérations de ces deux caisses pendant l'année 1863.

- Il est donné acte de ce dépôt.


M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, diverses demandes en obtention de la naturalisation ordinaire.

- Renvoi à la commission des naturalisations.

Naissance de la princesse Stéphanie

MpVµ. - J'ai une communication à faire à la Chambre d'un message de M. le ministre de la justice en date du 21 mai 1864.

« M. le président,

« D'après les ordres du Roi j'ai l'honneur d'annoncer à la Chambre des représentants l'heureuse délivrance de S. A. I. et R. Madame la Duchesse de Brabant, qui a donné le jour à une princesse.

« La princesse a reçu les noms de Stéphanie-Clotilde-Louise-Herminte-Marie-Charlotte.

« Agréez, M. le président, l'assurance de ma haute considération.

« Signé, Victor Tesch. »

M. de Brouckereµ. - Comme cela a eu lieu à l'occasion de la naissance de S. A. R. la princesse Louise, j'ai l'honneur de proposer à la Chambre de nommer une commission pour aller complimenter le Roi et S.A. R. le Duc de Brabant. Je crois que, dans la circonstance que je viens de rappeler, la commission était composée de 11 membres et présidée par le président de la Chambre.

- Cette proposition est adoptée à l'unanimité.

Il est procédé au tirage au sort de la commission.

Elle est composée comme suit MM. Hayez, de Kerchove, Moreau, Delaet, de Mérode, Grosfils, de Baillet-Latour, Orts, Vander Donckt, Vilain XIIII et Dolez.

Vérification des pouvoirs

Arrondissement de Bastogne

M. Van Humbeeckµ donne lecture de ce rapport.

MpVµ. - Messieurs, vous avez entendu les conclusions de la commission. Quand la Chambre entend-elle en aborder la discussion ?

- Plusieurs membres. - De suite !

MpVµ. - La discussion est ouverte.

- Personne ne demandant la parole la discussion est close.

Les conclusions de la commission qui propose l'admission de M. Van Hoorde sont mises aux voix et adoptées.

En conséquence l'élection de Bastogne est validée.

M. Van Hoorde est introduit dans la salle, il prête le serment prescrit par la Constitution et est proclamé membre de la Chambre des représentants.


MpVµ. - Nous avons à procéder maintenant au tirage des sections.

M. Gobletµ. - De quel mois ?

MpVµ. - Du mois prochain.

Mi. B. Dumortierµ. - Messieurs, il est arrivé tout à l'heure des pétitions qu'il importe d'examiner.

Il faut savoir à la commission des pétitions de quel mois elles seront (page 409) renvoyées. Je suppose que c'est à la commission qui va être tirée au sort si j'en juge d'après une discussion qui a eu lieu récemment dans cette Chambre.

MpVµ. - La commission appartient au mois pour lequel elle a été nommée. Il a été pris une résolution à cet égard.

M. B. Dumortier. Alors il n'y a pas de sections pour le mois de mai.

MpVµ. - Si elles existent, les pétitions seront renvoyées au sections du mois de mai.

M. B. Dumortier. - Il n'y a pas de sections pour le mois de mai.

MpVµ. - Nous allons les tirer au sort, et il sera procédé plus tard au tirage au sort des sections du mois de juin.

M. Ortsµ. - Je trouve que c'est une perte de temps incroyable. Tirer des sections au sort aujourd'hui pour examiner des pétitions, tirer des sections au sort demain, c'est parfaitement inutile. On pourrait demain tirer au sort les sections du mois de juin et leur renvoyer les pétitions qui ont été déposées aujourd'hui. (Adhésion.)

M. B. Dumortier. - C'est la même proposition

- La Chambre décide qu'il sera procédé demain au tirage au sort des sections de juin et que les pétitions analysées aujourd'hui leur seront renvoyées.

Explications sur la crise ministérielle

MaeRµ. - Messieurs, dans la séance du Ier mars dernier, j'ai fait connaître à la Chambre les circonstances qui avaient empêché le Roi de donner suite aux démissions que les ministres avaient eu l'honneur de remettre, dès le 14 janvier, entre les mains de Sa Majesté.

En consentant, sur la demande de Sa Majesté, à continuer la gestion des affaires, sans retirer leurs démissions, les ministres avaient insisté auprès du Roi, pour qu'il voulût bien faire de nouveaux efforts afin d'arriver à la constitution d'une administration nouvelle.

Prenant en considération les instances du cabinet démissionnaire ainsi que les déclarations faites au nom de la droite dans les dernières discussions, Sa Majesté se mit de nouveau en rapport avec les membres de l'opposition qui, après avoir décliné à deux reprises la mission de prendre la direction des affaires, avaient manifesté, depuis, des dispositions contraires.

Ces honorables membres ayant cette fois accepté la mission qui leur était offerte, présentèrent à Sa Majesté un programme qui a été publié presque textuellement par la presse de l'opposition.

Ce n'est pas le moment de discuter ce programme dont plusieurs articles ont jeté la surprise, pour ne rien dire de plus, au sein même du parti au nom duquel il est venu à se produire.

Quoi qu'il en soit, les propositions de M. Dechamps n'ayant pas été agréées par Sa Majesté, la négociation entamée avec lui fut considérée comme rompue, et, par une communication du 2 mai, Sa Majesté me proposa de prendre la tâche de pourvoir à la situation. Je portai le fait à la connaissance de mes collègues.

Dans le même temps, la presse de l'opposition annonça que le programme de M. Dechamps avait été repoussé dans son ensemble sans être discuté dans ses détails, et que la combinaison de l'honorable représentant se trouvant écartée, la constitution d'un cabinet extra-parlementaire paraissait arrêtée dans la pensée du Roi.

Avant de délibérer sur les ouvertures qui leur étaient faites, les ministres démissionnaires désirèrent d'être éclairés et fixés sur ces deux points.

En ce qui concerne le dernier, ils demandèrent à connaître les intentions formelles de Sa Majesté, ne voulant, en aucune manière, écrivaient-ils, faire obstacle à ce que la prérogative royale s'exerçât dans toute sa plénitude, et épuisât tous les moyens qui pouvaient encore s'offrir à la Couronne de constituer un nouveau cabinet. (Lettre du 7 mai.)

Il nous fut répondu de la part de Sa Majesté que la composition d'un cabinet extra-parlementaire n'était nullement arrêtée dans la pensée du Roi.

Quant à l'autre point, c'est-à-dire le rejet du programme de l'opposition sans discussion des articles, nous insistâmes auprès de Sa Majesté (lettre du 9 mai), pour qu'Elle voulût bien se mettre de nouveau en rapport avec les auteurs du programme, afin d'établir les points sur lesquels se révélaient des dissidences et de chercher, s'il était possible, à arriver à une entente. (Lettre du 9 mai.)

En conséquence, Sa Majesté qui, depuis le commencement jusqu'à la fin de cette longue et laborieuse crise, a fait constamment preuve d'un vif désir d'aplanir les difficultés, n'a pas hésité à reprendre encore une fois les négociations avec les auteurs du programme. Un honorable sénateur de leurs amis fut chargé de leur indiquer certaines modifications que Sa Majesté jugeait nécessaires. Ces modifications portaient principalement sur l'article 2 du programme relatif à la réforme électorale.

Le Roi ne pouvait admettre qu'une réforme électorale dont il n'avait pas été fait mention même en 1848, fût commandée soit par les besoins du pays soit par les exigences de l'opinion publique.

De leur côte les auteurs du programme, tout en modifiant la rédaction de l'article 2, n'ayant pas voulu renoncer au principe qu'il consacrait, la dissidence sur ce point fut constatée comme définitive par l'honorable intermédiaire, qui a considéré dès lors sa mission comme terminée.

A la suite de cet incident et après avoir examiné attentivement et de nouveau sans être arrivé à un résultat, les possibilités de former un cabinet en dehors des Chambres, le Roi me fit appeler auprès de lui et voulut bien me charger de nouveau de la mission qui m'avait été confiée.

Je fis part à mes collègues de mon entretien avec S. M. et de la correspondance qui l'avait suivi et qui en confirmait les points essentiels.

Le concours sincère et bienveillant de Sa Majesté nous était assuré ; Sa Majesté comprenait qu'avec une majorité très faible, la faculté de dissoudre les Chambres pouvait être nécessaire pour assurer la marche des affaires ; Elle ne la refuserait donc pas. Sa Majesté comprenait également la nécessité pour le cabinet de maintenir le programme qui avait été annoncé aux Chambres.

Après en avoir mûrement délibéré, mes collègues et moi nous avons reconnu que, sous peine de prolonger indéfiniment la crise déjà longue que nous traversions, et en présence des nécessités de la situation, il ne nous était pas permis de persister davantage dans le maintien de nos démissions, et chacun des ministres se rangea à l'avis qu'il y avait lieu de les retirer.

Une lettre du 25 mai a porté cette résolution à la connaissance de Sa Majesté.

Ainsi que nous l'avions fait dans la séance du 1er mars, en rendant compte à la Chambre des divers incidents de ce qu'on peut appeler la première période de la crise ministérielle, nous venons de rapporter, sans autre prétention que d'être vrais et clairs, les faits qui appartiennent à la seconde période.

Nous en livrons l'appréciation à l'impartialité de la Chambre et du pays.

Si le pouvoir dont nous avons, avec persistance, fait l'abandon pendant plus de quatre mois est resté entre nos mains, le cabinet peut se rendre le témoignage qu'il n'a rien fait, absolument rien, pour amener ce résultat.

Dès le début de la crise, l'opposition a eu la pleine liberté de prendre le pouvoir sans réserve ni conditions. La prérogative royale a pu de son côté s'exercer dans toute sa liberté et sa plénitude.

Après plus de quatre mois de provisoire et d'essais infructueux, les opinions les plus divergentes sur d'autres points se sont du moins trouvées d'accord en ceci, qu'il était urgent et nécessaire de mettre fin à un état de choses qui, en se prolongeant, compromettait la force morale de nos institutions et pouvait porter atteinte à l'honneur même du gouvernement représentatif.

En acceptant de nouveau la lourde charge du pouvoir, nous n'avons fait que céder au sentiment d'un devoir à remplir vis-à-vis du Roi et du pays. Si nous l'avons accepté sans l'avoir désiré, ce n'est pas à dire que nous voulions le porter avec hésitation ou faiblesse, ni permettre qu'on l'abaisse ou le stérilise en nos mains. La Chambre n'attend pas, je le présume, de nouvelle profession de foi du cabinet. Fermes et modérés dans notre politique, amis de tous les progrès sages et vrais, adversaires des prétentions surannées aussi bien que des innovations irréfléchies, sous quelque bannière qu'elles s'abritent, nous sommes en droit d'espérer qu'aucun obstacle absolu ne viendra entraver notre marche, et, en tous cas, nous en appellerions avec confiance au jugement du pays.

(page 411) .M. Dechamps. - Messieurs, j'attendais avec une certaine curiosité, qui était sans doute partagée par la Chambre, les explications que M. le ministre des affaires étrangères allait donner sur h détermination prise par le cabinet de retirer les démissions offertes en janvier dernier, de mettre fin ainsi à la longue crise ministérielle que ces démissions avaient provoquée. J'éprouvais une certaine impatience d'apprendre comment, après avoir manifesté sans cesse, en toute occasion, à haute voix, l'intention irrévocable de ne pas rester au pouvoir, après avoir provoqué pendant cinq mois la droite à l'accepter, au nom de la loyauté politique, comme un devoir qui lui était imposé et auquel elle ne pouvait pas se soustraire, comment, dis-je, subitement le ministère avait changé d'avis, le jour même où la droite s'est déclarée prête à accepter les portefeuilles abandonnés.

Messieurs, l'honorable ministre des affaires étrangères vient de nous expliquer ou de tâcher d'expliquer cette situation. Selon lui, la détermination prise par le cabinet était inévitable ; il a été forcé de prendre le pouvoir parce que personne n'avait voulu l'accepter ; toutes les combinaisons essayées avaient échoué, tous les efforts qui avaient été faits pour constituer un ministère de centre gauche, un ministère neutre, un ministère d'affaires, un ministère de droite, toutes ces tentatives n'avaient pu aboutir, tous ces efforts avaient été infructueux. Le ministère se résigne donc à rester au pouvoir, à retirer sa démission ; il est devenu, bien malgré lui, un ministère nécessaire et presque inamovible. Entouré de toutes ces impossibilités, de tous ces refus, de tous ces insuccès, il s'est trouvé en présence, a-t-il dit, d'un grand devoir envers la royauté, envers le pays ; ce devoir, il l'a rempli.

Messieurs, l'honorable ministre a oublié, me paraît-il, une chose, en constatant ces insuccès, il ne nous a pas dit quelle avait été la cause de tous ces avortements ministériels. Pourquoi les ministères de centre gauche, pourquoi les ministères non politiques, qu'on a appelés ministères d'affaires, pourquoi les ministères de droite n'ont-ils pas pu réussir les uns à se former, les autres à se faire accepter ?

Ne serait-il pas vrai que l'opinion libérale dont le ministère est l'organe, dont il est la main dirigeante, que l'opinion libérale et le ministère qui la représente au pouvoir, ont rendu tout impossible afin de se rendre elle-même-indispensable ? (Interruption.) Messieurs, c'est là la question politique posée au fond de ce débat.

En ce qui concerne les ministères de centre gauche, les ministères intermédiaires, les ministères d'affaires, les faits sont patents, avérés ; nous avons les aveux de la tribune.

Messieurs, vous n'avez pas oublié que, dans les débats politiques de l’adresse, les orateurs les plus autorisés de la majorité parlementaire, et particulièrement M. le rapporteur de la commission d'adresse, parlant au nom de cette majorité, vous n'avez pas oublié que ces orateurs ont déclaré que le seul ministère libéral possible était le ministère actuel. On a déclaré que si des hommes politiques appartenant à la majorité avaient été tentés de vouloir prendre sa succession, le concours de la gauche leur serait complètement refusé. L'honorable M. de Brouckere, qui a été appelé par le Roi à former un ministère de ce genre et de ce caractère, nous l'a déclaré à la tribune ; il a reconnu que s'il avait cru possible, ce qui n'était pas, de constituer un ministère de centre gauche, bien loin d'y être engagé par ses amis, son acceptation eût été considérée par eux comme une véritable défection, et que le concourt, de ses amis politiques lui eût donc été absolument refusé.

Le prince de Ligne, qu'on avait désigné pour être le chef d'un ministère non politique, a fait la même déclaration au Sénat ; un ministère de transaction était impossible, a-t-il dit ; il serait mort en naissant, parce qu'il aurait manqué de l'appui de la gauche parlementaire. (Interruption.)

Il est donc vrai, et c'est cela seulement que je veux établir, que toutes les combinaisons longuement essayées de ministères intermédiaires, de transaction, de trêve politique, que toutes ces combinaisons, dis-je, qui ont été conseillées par nous et auxquelles nous avions promis notre concours loyal et impartial, que toutes ces combinaisons ont été conseillées par nous et empêchées par vous.

Les aveux de la tribune sont manifestes, les faits sont avérés, aucun doute sérieux ne peut être permis désormais : C'est le ministère libéral, doctrinaire et la majorité dont il est l'organe, qui, par un refus de concours absolu, ont rendu impossible la constitution d'un ministère de centre gauche ou de tout ministère neutre. (Interruption.)

La droite ? Vous savez, messieurs, qu'un ministère de droite a été formé ; vous en connaissez la composition ; cette composition a été pleinement agréée par le Roi ; elle n'a pas été attaquée par la presse libérale ; je puis donc dire, sans risquer un langage immodeste, que cette combinaison avait le caractère sérieux que nous avions le droit et la prétention de lui donner.

Ce ministère, formé dans ces conditions, se mît d'accord sur la rédaction d'un programme. Le programme qu'il adopta, je n'aurai pas de peine à l'établir, était tout à la fois modéré et libéral, et j'ajoute : plus modéré encore que libéral, dans le sens vrai et constitutionnel du mot. Ce programme n'a pas été accepté ; je me trompe : ce programme, comme vient de le dire exactement M. le ministre des affaires étrangères, ce programme n'a pas été repoussé dans son ensemble ; le dissentiment a été établi sur un seul article.

Je ne veux pas dire que le reste du programme a été définitivement approuvé. Cependant je dois croire que nous n'aurions pas rencontré d'obstacle infranchissable dans le reste du programme, si le dissentiment sur l'article 2 avait pu être évité. Cet article consacrait un abaissement modéré du cens communal et du cens provincial.

Nous avions proposé d'abaisser le cens électoral de manière à ne pas descendre au-dessous de 10 francs pour la commune, et au-dessous de 30 ou de 35 francs pour la province ; c'est-à-dire que nous réduisions le cens communal d'un cinquième pour les communes rurales, et le cens provincial, de moins d'un quart.

Messieurs, ces chiffres étaient un minimum au-dessous duquel nous ne voulions pas descendre ; mais, comme je le ferai connaître tout à l'heure d'une manière plus précise, nous sommes allés plus loin, nous avons consenti, pour obéir au sentiment de déférence que nous éprouvions pour le désir du Roi, à apporter une nouvelle garantie de la modération qui nous guidait. Nous avons proposé, tout en maintenant le principe de l'abaissement du cens électoral pour la commune et pour la province, qu'avant de fixer la quotité de la réduction, les députations provinciales, ces tutrices naturelles des communes et qui connaissent particulièrement les couches de populations, jusqu'où l'on aurait pu descendre sans danger, les députations provinciales auraient été consultées.

Ce n'est qu'après avoir reçu ces avis, que le ministère, de concert avec la Couronne, aurait déterminé le nouveau cens électoral pour la commune et la province, sans que, toutefois, ce cens pût descendre au-dessous de dix francs pour la commune, et de 30 à 35 francs pour la province.

Eh bien, c'est pour avoir proposé ce principe de l'abaissement modéré du cens communal et provincial, que la droite n'est pas arrivée au pouvoir ; c'est sur ce point que le dissentiment a été établi.

Messieurs, le ministère, et je suis convaincu qu'il n'élèvera, à cet égard, aucune contestation, le ministère, en restant au pouvoir, a assumé la responsabilité complète, entière de ce refus.

MaeRµ. - Complétement et parfaitement.

.M. Dechamps. - Je n'en doutais en aucune manière. C'est donc d'après les conseils du ministère....

MaeRµ. - Non ! non ! Nous n'avons pas été consultés sur votre programme et nous ne l'avons connu que par la publication qu'en ont faite les journaux.

.M. Dechamps. - Si mon expression vous déplaît, j'en emploierai une autre qui aura la même valeur politique.

MaeRµ. - Soit, mais soyez exact.

.M. Dechamps. - Je crois que j'avais le droit de dire, quand je me trouve devant un ministère responsable et quand il s'agit d'un acte posé par la Couronne, que le conseil de l'acte posé et qui a été cause du résultat de la crise politique, que ce conseil a été donné par un ministère responsable. (Interruption.) Mais, messieurs, je n'ai pas besoin d’insister ; il me suffit que le refus de notre programme ait été accepté, approuvé pleinement par vous, pour dire, avec raison, que vous en êtes responsable.

MaeRµ. - La responsabilité, nous l'acceptons parfaitement.

.M. Dechamps. - Eh bien, et j'appelle sur ce point l'attention de mes adversaires comme de mes amis, car il s'agit d'une question d'impartialité, de bonne foi : c'est donc non pas parce que nous avons proposé un chiffre de réduction exagérée du cens électoral pour la commune et pour la province, la quotité de cette réduction n'était pas déterminée, mais c'est parce que nous avons voulu poser le principe d'un abaissement quelconque du suffrage communal et provincial, que vous avez barré à la droite le chemin du pouvoir !

- Voix à droite. - C'est cela.

.M. Dechamps. - Et sous quel ministère voyons-nous se produire ce fait étrange ? Sous un ministère dans lequel je vois MM. Frère et (page 412) Rogier, ministres qui se nomment sagement progressifs et qui ont inauguré leur politique nouvelle, non pas en demandant un abaissement timide du cens communal et provincial, mais en faisant décréter un abaissement radical du cens législatif à 42 francs, à la dernière limite fixée par la Constitution ! C'est donc parce que nous avons proposé de faire descendre le cens communal de 15 à 10 francs peut-être à un chiffre plus élevé, après avoir consulté les députations permanentes, et le cens provincial de 42 à 30 ou 35 francs, que vous êtes assis aux bancs ministériels et que nous n'y sommes pas.

Voilà la responsabilité politique que vous avez assumée !

MfFOµ. - Certainement.

.M. Dechamps. - S'il est vrai que cette extension que nous demandions pour le suffrage communal et provincial est une exagération radicale, un danger, un principe exorbitant et qui renferme dans ses flancs, pour ainsi dire, la destruction de la Constitution elle-même, si tout cela est vrai, vous avez raison : nous nous sommes rendus impossibles ; nous avons présenté un programme inacceptable, vous avez le droit d'être au pouvoir.

Mais si le contraire est établi, si vous ne pouvez pas justifier votre reproche impossible, si au lieu d'être téméraires, nous avons été prudents et presque timides, si nous sommes restés en dessous du degré de la liberté communale dont jouissent autour de nous presque tous les pays de l'Europe, il sera démontré que c'est un prétexte politique que vous nous avez opposé, et que vous n'avez empêché notre avènement au pouvoir que pour vous y perpétuer.

- Voix a droite. - C'est cela ! très bien ! (Applaudissements dans les tribunes.)

MpVµ. - J'avertis les tribunes que je les ferai évacuer si elles se livrent encore à une manifestation quelconque.

- Une voix à gauche. - Non ! non ! une seule personne a applaudi.

.M. Dechamps. - Avant d'entrer dans cette discussion qui est le fond du débat politique, la Chambre doit me permettre de lui donner quelques explications relatives aux faits qui nous concernent dans cette longue crise ministérielle, afin qu'elle puisse parfaitement en apprécier le caractère.

Je ne veux pas faire remonter ces explications au-delà des derniers débats parlementaires du mois de mars.

Vous n'avez pas oublié que l'honorable comte de Theux et moi ayant été appelés par le Roi, nous avons donné à Sa Majesté le conseil de former un ministère intermédiaire, un ministère non politique, pouvant éviter la dissolution des Chambres et permettre au pays de dénouer, d'une manière régulière, pacifique, normale aux élections de 1865, la situation difficile où nous sommes.

Notre refus, comme je l'ai dit déjà, était la conséquence logique du conseil que nous donnions ; mais je prie l'honorable M. Rogier d'y faire attention, il a été peu exact en ce point, notre refus n'était point absolu, il avait un caractère conditionnel. Cela est tellement vrai, que nous avons hautement déclaré à la tribune, que si les combinaisons conseillées par nous venaient à échouer, la droite saurait remplir sans hésitation le devoir que la situation lui imposait.

Que s'est-il passé depuis ? L'absence prolongée du Roi a naturellement suspendu les pourparlers engagés avec la droite ; cependant je dois ajouter que ces pourparlers n'ont pas été complètement rompus. Peu de temps avant le retour de Sa Majesté, ces pourparlers ont été repris.

Le Roi, avant son retour de Londres, a connu la composition du ministère et le programme sur lequel les membres de ce cabinet futur étaient tombés d'accord.

Quelques jours après le retour du Roi, je fus appelé au palais, et dans l'entretien que j'eus l'honneur d'avoir avec Sa Majesté, le Roi a bien voulu me déclarer, dans les termes les plus bienveillants, que la composition ministérielle était pleinement agréée par lui.

Sa Majesté n'ouvrit pas de discussion sur les détails du programme soumis à sa haute approbation ; elle se borna à faire des observations générales ayant un certain caractère critique, il est vrai, sur l'idée même d'un programme ayant ce caractère. Le Roi me fit connaître que le but qu'il poursuivait dans les circonstances où le pays se trouvait, était la formation d'un ministère non politique, extraparlementaire, destiné à éviter la dissolution et à laisser au pays le soin de manifester, aux élections de 1865, sa volonté politique.

M. le ministre des affaires étrangères vient de dire que le Roi n'avait pas une pensée arrêtée à cet égard ; je n'ai donc pas à affirmer que cette pensée arrêtée existait, mais j'affirme que le but que le Roi voulait poursuivre, et les faits ultérieurs confirment mon affirmation, était d'éviter la dissolution, par la formation d'un ministère d'affaires ; je ne vais pas plus loin.

Messieurs, cette appréciation de Sa Majesté, la Chambre comprendra que je n'avais pas à la discuter. J'étais appelé par Sa Majesté. Je lui ai déclaré que la droite était prête ; que la composition ministérielle proposée avait le bonheur d être agréée par elle ; que les membres du cabinet formé étaient préparés à discuter le programme politique et disposés à tenir respectueusement compte des observations que le Roi aurait à faire, pour en fixer les limites.

Après cette entrevue, je ne sais ce qui s'est immédiatement passé, quelles furent les tentatives faites pour former le ministère dont le Roi m'avait parlé, et comment ces tentatives échouèrent.

L'honorable M. Rogier nous a appris que c'est à cette époque que le Roi le pria de retirer les démissions offertes et qu'il conseilla à Sa Majesté de faire de nouveaux efforts, de continuer les pourparlers avec la droite et de discuter son programme ; ce conseil a été suivi.

Le 10 mai, l'un de nos amis du Sénat, ancien ministre, l'honorable M. Malou, reçut la mission de nous faire connaître les modifications à introduire dans notre programme. Cet honorable ami consentit donc à être l'intermédiaire entre nous et le haut dignitaire dont il a été plusieurs fois parlé à cette tribune et qui est entouré de la confiance royale.

Nous avions deux écueils à éviter : ne rien céder ou céder trop. Ne rien céder, c'était confirmer, en apparence du moins, l'accusation dont la presse libérale avait fait son thème contre nous, l'accusation d'avoir rédigé un programme impossible, pour nous rendre inacceptables. Céder trop, c'était nous exposer aux accusations contraires ; ceux qui nous reprochaient d'avoir exagéré notre programme pour déguiser notre refus, nous auraient accusé de tout abandonner, programme, conviction et principes pour nous emparer du pouvoir, d'avoir tout sacrifié à notre ambition politique.

- A droite. - Très bien.

.M. Dechamps. - Je ne puis mieux faire que de vous donner lecture de la note que l'honorable sénateur dont je vous ai parlé a remise entre nos mains et qui résume cette dernière phase de la crise ministérielle.

« Le 10 mai, Sa Majesté m'avait chargé d'exprimer à mes amis, membres du futur cabinet, dont elle agréait le personnel, le désir de voir modifier le programme de la manière suivante :

« A. Supprimer les n°1 et 2 relatifs à la nomination du bourgmestre et des échevins, et à l'abaissement modéré du cens électoral provincial et communal.

« B. Préciser le n° , questions financières.

« C. Se borner, quant au n°7 relatif à la solution à donner aux difficultés soulevée par l'exécution des travaux des fortifications d'Anvers, se borner à annoncer l'intention de nommer une commission spéciale.

« Le reste était admis sans difficultés.

« Vous avez admis à votre tour, par déférence pour le désir du Roi :

« N°1. La nomination du bourgmestre par le Roi dans le sein du conseil, la députation provinciale entendue.

« Nomination des échevins par le conseil communal.

« Maintien de la loi en vigueur, quant aux nominations de bourgmestres en dehors du conseil.

« N° 2. Le cens provincial n'aurait pas pu être abaissé au-dessous de 30 francs, ou même de 35 francs.

« Pour le cens communal, vous mainteniez le principe d'une réduction modérée. On aurait consulté les députations permanentes sur la quotité de cette réduction.

« N°5. La rédaction de ce paragraphe était admise.

« N°7. Vous conserviez la rédaction primitive, énonçant le but a atteindre et là caractère de la solution à rechercher ; mais vous ajoutiez cette phrase : Au besoin, nomination à ces fins d'une commission spéciale.

« Le 12 mai, je fus informé que Sa Majesté n'admettait aucun abaissement du cens communal ou provincial. Vous avez cru qu'il n'était pas possible d'admettre la suppression complète du n° 2 du programme.

« Le dissentiment s'est établi sur ce point. En constatant le dissentiment sur le n°2, on n'a plus échangé d'inutiles explications sur les autres points. »

MaeRµ. - Messieurs, par discrétion, je n'ai pas donné communication à la Chambre du programme de M. Dechamps. Je crois qu'il serait utile, pour la clarté de nos débats, que l'honorable membre voulût bien faire ce que je n'ai pas fait, et qu'il donnât lecture du programme ou que ce programme fût imprimé.

(page 413) J'aurais lu ce programme si je n'avais cru que ce soin appartenait à l'honorable M. Dechamps.

.M. Dechamps. - Mais vous le connaissez tous.

MfFOµ. - Il n'a pas été publié textuellement. Tout ce qui est relatif à l'abaissement du cens a été omis.

.M. Dechamps. - Le principe seul de cet abaissement était écrit dans le programme.

MfFOµ. - Non, cela était compris dans le programme primitif.

Ce programme contient les chiffres de votre proposition. Or, lors de la publication du programme, on n'a point donné de chiffres.

C'est là un point important.

- Plusieurs membres. - Lisez le programme.

MfFOµ. - L'abaissement était de 1/3 pour la commune, et il allait jusqu'à 25 fr. pour la province.

.M. Dechamps. - Messieurs, j'avoue que je n'ai pas prévu qu'on m'aurait demandé la production du texte du programme qui a été publié.

J'ai chez moi le texte du programme primitif, je n'ai ici que la note de M. Malou. Je l'imprimerai au Moniteur.

MfFOµ. - Je parle du programme que vous avez primitivement présenté. Ce programme contient les chiffres de la réduction proposée. Les taux censitaires étaient gradués, selon l'importance des populations, de 10 francs, minimum, à 25 francs, maximum pour les villes d'une population de 25,000 âmes et au-dessus. C'est ce qui n'a pas été publié jusqu'à présent, et c'est ce que nous tenons à faire constater officiellement.

.M. Dechamps. - Cela n'est pas inscrit dans notre programme.

J'ai fait connaître verbalement que notre chiffre était au minimum de 10 fr. pour la commune, en conservant la même proportion pour les autres échelons du cens, et de 25 ou 30 fr. pour la province.

MfFOµ. - Nous ne sommes pas d'accord. II faut éclaircir ce fait.

M. de Naeyer. - C'est ainsi.

- Plusieurs membres. - Qu'on lise le programme.

MfFOµ. - Voici, sur ce point, la communication qui nous a été faite :

« (...) 2° Abaissement modéré du cens pour les élections communales et provinciales ;

« Réduction de 1 /3 du cens électoral communal.

« 10 francs pour les communes de 5,000 âmes et au-dessous.

« 15 francs pour les communes de 5,000 à 10,000 âmes.

« 20 francs pour les communes de 15,000 à 25,000 âmes.

« 25 francs pour les communes d'une population supérieure à ce dernier chiffre. »

Quant au cens pour les élections provinciales, on proposait 25 francs.

Voilà les bases qu'indiquait le programme primitif.

.M. Dechamps. - Je dois déclarer une chose, c'est que dans le programme, tel qu'il a été rédigé par mes honorables collègues et moi, nous n'avions pas déterminé les chiffres de l'abaissement du cens. Nous voulions laisser ce point à la discussion.

M. de Naeyer. - C'est positif.

MfFOµ. - Qui les a fixés ?

.M. Dechamps. - Dans les pourparlers, dis chiffres ont pu être indiqués, comme point de départ de la négociation, mais le principe seul était écrit dans le programme.

Plus tard, dans la négociation que M. Malou a été chargé de conduire, le chiffre de la réduction pour la province a été fixé à 30 ou à 35 francs ; pour la commune, aucun chiffre n'a été déterminé ; nous consentions à une enquête administrative par les députations provinciales pour le déterminer ; voilà la vérité.

Messieurs, vous voyez que bien loin d'avoir exagéré notre programme, bien loin de l'avoir rédigé de manière à nous rendre impossibles, nous avons admis d'importantes modifications.

Nous avons admis, en partie, la modification qu'on nous proposait pour la question anversoise. J'ignore si nous aurions rencontré là un dernier obstacle ; rien ne m'autorise à le croire. Si nous avions pu accepter la suppression de l'article 2, je dois penser que nous n'aurions pas rencontré d'obstacles nouveaux.

MaeRµ. - L'article premier qui enlève au Roi la nomination des échevins a-t-il été accepté par le Roi ?

.M. Dechamps. - Je dois dire qu'il est difficile que je puisse répondre catégoriquement à la question que l'honorable M. Rogier me pose ; je l'ai posée moi-même à l'honorable négociateur, à M. Malou. Il m'a répondu : Je ne puis pas dire que cet article a été accepté par le Roi, mais mon impression personnelle est que si vous aviez adopté la suppression de l'article 2, l'article premier n'eût point fait obstacle à votre entrée au pouvoir.

Je viens d'être interrompu et interrogé par mes adversaires d'une manière presque continuelle ; je désire que ces dialogues cessent ; ils rompent la suite des idées et jettent la confusion dans le débat.

Messieurs, il y avait deux choses dans notre programme, le programme politique et le programme d'affaires.

Le programme politique comprenait la réforme communale et, à un autre point de vue, la question d'Anvers.

Le reste formait le programme d'affaires : question de la milice, ayant pour base l'exonération, questions financières, bon marché des transports.

Toutes ces questions avaient une très grande importance à nos yeux.

Mais elles n'étaient pas politiques ; nous n'avions pas à craindre des obstacles politiques de ce côté.

On nous a dit que c'était un plagiat du programme libéral.

Je pourrais très légitimement le contester, mais ne serait-ce pas une raison pour que nos adversaires acceptassent au moins cette partie de notre programme, sans récrimination ?

Notre programme politique comprenait donc la réforme communale et la question d'Anvers.

Que demandait-on de nous ? C'était l'abandon de notre programme politique.

On demandait la suppression de la réforme communale tout entière et on laissait planer un certain doute sur la rédaction que nous avions proposée relativement à la question anversoise.

Messieurs, voici la position qui nous était faite. Pas de retrait des lois que nous avions combattues dans l'opposition ; pas de lois politiques dans le sens des luttes de partis, sur le terrain des questions religieuses, pas de lois politiques dans le sens libéral, dans le sens des franchises communales et de la décentralisation.

Suppression du programme politique, maintien du programme d'affaires, cela voulait dire que nous n'étions acceptés que comme un ministère d'affaires et de transition.

Je comprends que nous aurions pu accepter le pouvoir sans programme, ce programme nous l'aurions écrit dans nos actes, si nous n'avions pas dû faire la dissolution immédiate des Chambres. Mais nous n'étions qu'une minorité, et dès lors la dissolution nous était imposée comme une nécessité.

Nous aurions donc dû faire la dissolution, faire un appel à l'opinion, dans l'attitude d'un ministère d'affaires et de transition, sans dire au pays la pensée politique que nous voulions chercher à faire prévaloir au gouvernement. Nous nous serions présentés au pays électoral, rien dans les mains, autorisant nos adversaires à nous appeler un ministère de parenthèse vide, destiné exclusivement à servir de Ifein pour ralentir la marche du char libéral, à servir de lest pour empêcher que le navire libéral ne marchât trop vite ou ne vînt à chavirer.

Je comprends que cela aurait pu convenir à nos adversaires. Ils auraient eu toute facilité de nous défigurer ; ils nous auraient dit : Vous êtes des évêques au pouvoir, vous êtes là pour servir exclusivement les intérêts du clergé ; vous êtes une conspiration permanente contre l'indépendance du pouvoir civil. Vous n'apportez aucune idée politique ; nous n'avons que vos figures à discuter et nous les déclarons antipathiques à l'opinion libérale.

Voilà la position qu'il convenait admirablement à nos adversaires de nous faire. Nous nous serions présentés devant l'opinion, sans programma, sans idée politique, en contradiction avec les promesses que nous avions faites dans l'opposition, faisant avec d'impuissance et méritant le désaveu de nos amis.

- A droite. - C'est cela.

.M. Dechamps. - Eh bien, je comprends que cela peut convenir à nos adversaires ; mais évidemment cela ne nous convenait pas. Nous ne l'avons pas voulu. Si nous avions commis cette faute, oh ! alors on nous aurait habillé, suivant l'expression d'un spirituel orateur, on nous aurait habillé en ancien régime, en moyen âge, en Philippe II, en grand inquisiteur. Autour de notre abstention et de notre silence, on aurait amoncelé les préjugés que nos adversaires sont si habiles à exploiter, et c'est sur ces préjugés et non sur un programme politique avoué par nous, qu'on aurait demandé à l'opinion de nous juger.

Au lieu de nous laisser habiller par nos adversaires, nous avons (page 414) préféré nous habiller nous-mêmes, dire clairement au pays la politique que nous voulions suivre et faire triompher. Messieurs, ce programme est-il exagéré ?

Est-il exagéré à tel point, qu'il n'était pas même discutable, à tel point qu'à priori on ait dû refuser à un grand parti l'entrée au pouvoir ? J'attire l'attention de toute la Chambre, de mes adversaires comme de mes amis politiques, sur ce que je vais dire. lI ne s'agit pas ici de discuter notre programme, comme si nous étions assis aux bancs ministériels. Je comprends que si nous étions au pouvoir, vous auriez le droit de discuter chacun des articles de notre programme, de demander la portée de chacun, c'est nous qui serions discutés ; mais nous ne sommes pas au pouvoir, c'est votre maintien aux affaires qui est en discussion. De quoi s'agit-il dans ce débat ?

Il s'agit de ceci et uniquement de ceci : Quelle est la cause pour laquelle vous êtes assis au banc ministériel et quelle est la cause pour laquelle nous n'y sommes pas ?

- Plusieurs membres. - Votre programme.

.M. Dechamps. - Non ; l'ensemble du programme n'a nullement été repoussé. cette cause, c'est le refus de l'article 2 de notre programme, dont vous avez assumé la responsabilité.

Vous avez pris la responsabilité de déclarer qu'un abaissement de 15 à 10 fr. pour la commune, et peut-être moindre encore après avoir entendu les députations permanentes, qu'un abaissement à 30 fr. ou à 35 fr. pour la province, était une mesure inacceptable.

Il ne s'agit pas de savoir si ce programme devait vous plaire ; nous n'avions pas eu l'intention de le rédiger pour qu'il fût agréé par vous ; mais s'il contenait une telle énormité, qu'il devait à priori nous fermer l'accès aux affaires.

Quand l'honorable M. Rogier en 1847 est venu au pouvoir, quand il a présenté à l'acceptation du Roi son programme politique, dans lequel figuraient le retrait de ce qu'on appelait les lois réactionnaires, des mesures politique comme la loi d'enseignement moyen, une réforme électorale, non pour la commune, mais pour les Chambres, avec adjonction des capacités, question que nous regardions comme très grave, puisque à nos yeux cette réforme était inconstitutionnelle, l'honorable M. Rogier n'avait pas eu l'intention non plus de rédiger un programme acceptable par ses adversaires. Il l'avait rédigé pour son opinion, pour ses amis.

Mais voici la question : Si l'on était venu dire à l'honorable membre que cette réforme électorale que nous regardions même comme inconstitutionnelle, était un motif suffisant pour l'empêcher d'arriver au pouvoir, aurait-il regardé cette raison comme légitime ? Evidemment non. Quand nous avons proposé notre programme et vous le vôtre, nous avons proposé ce programme pour être discuté, nous savions que nous serions combattus par vous, comme vous saviez d'avance que vous seriez combattus par l'opposition.

La question n'est donc pas de savoir si notre programme vous paraît bon ou mauvais, s'il vous paraît même dangereux ; la question est celle-ci : Ce programme est-il discutable ? Eh bien, vous avez dit qu'il n'était pas digne d’être discuté.

Messieurs, je serais curieux d'apprendre comment une réforme consistant dans le principe de l'abaissement modéré du cens provincial et communal, les députations permanentes entendues, était une proposition indiscutable. Vous auriez eu le droit de dire : Quand vous présenterez cette mesure, nous la combattrons, nous prouverons qu'elle est mauvaise, nous la regardons comme ouvrant la porte à des innovations dangereuses.

Je comprends cela ; cette opposition eût été légitime. Mais ce que je ne comprends pas, ce qui n'a jamais eu lieu dans aucun parlement, c'est de voir un ministère démissionnaire prendre la responsabilité de cette déclaration : Vous n'arriverez pas au pouvoir, parce que vous avez proposé cette réduction timide du cens communal et provincial. Cela vous ferme à priori l'entrée aux affaires.

Eh bien, je dis que cela n'est pas soutenable, et j'avais raison d'affirmer que vous nous avez rendus impossibles pour vous rendre indispensables.

Messieurs, je viens de vous le dire, avant toute discussion, avant tout examen, il n'est pas possible, pour vous surtout, membres appartenant à l'opinion libérale, de venir soutenir que cet article de notre programme renfermait tant de dangers dans ses flancs, qu'il dût empêcher l’avènement de la droite au pouvoir, avénement que vous aviez provoqué pendant cinq mois, en nous raillant de notre impuissance et de notre peur, en nous accusant de manquer à tous nos devoirs. Et quand nous venons remplir ce devoir constitutionnel, vous nous barrez le chemin, vous vous mettez en travers de notre avènement légitime au pouvoir, vous dites ; Non, cette proposition seule de l'abaissement modéré du cens communal et provincial doit vous faire écarter du pouvoir. Vous ne serez pas même admis à saisir le pays consulté par vous de la proposition de cette réforme ! Cela n'est pas sérieux.

MaeRµ. - C'est votre programme qui n'est pas sérieux.

.M. Dechamps. - Messieurs, permettez-moi encore quelques mots. Je serai bref, parce que l’heure est avancée, et que je suis fatigué.

Je vais dire à la Chambre les motifs principaux pour lesquels nous avons cru que la réforme communale, telle que nous l'avons présentée, était chose utile et bonne pour la commune, pour le gouvernement, pour le pays.

Messieurs, je pourrais me dispenser de traiter la question de la nomination des bourgmestres et échevins par la raison que je viens de dire, parce que ce n'est pas sur ce point que le dissentiment s'est établi et que le refus a été prononcé.

Je pourrais concentrer, je pourrais m'obstiner à concentrer le débat sur l'article 2. Mais permettez-moi de vous donner en passant, d'une manière très succincte, les motifs de notre proposition relative à la nomination des bourgmestres et échevins.

Messieurs, nous avons voulu tout simplement écrire dans la loi, pour la nomination des bourgmestres et échevins, la règle administrative dont le gouvernement n'aurait jamais dû se départir, sinon dans de rares exceptions. Cette règle administrative, c'est que le bourgmestre et les échevins doivent être nommés dans la majorité du conseil ; c'est pour cela, messieurs, que nous demandions la nomination des échevins par le conseil et que tout en maintenant la prérogative royale pour la nomination des bourgmestres, nous circonscrivions le choix du gouvernement dans le collège échevinal lui-même.

De cette manière, messieurs, c'était dans la majorité du conseil communal qu'en règle générale les nominations auraient été faites. Mais nous ouvrions la porte à toutes les exceptions utiles.

Dans le cas, par exemple, où le bourgmestre nommé n'aurait pas accepté, le Roi aurait pu nommer en dehors du collège, et dans tous les cas il aurait pu choisir dans le conseil, sur l'avis motivé de la députation permanente.

Ne trouvez-vous pas, messieurs, que chaque fois qu'il y aurait un intérêt administratif réel à nommer le bourgmestre dans le conseil, en dehors du collège échevinal, jamais l'avis de la députation permanente n'aurait fait défaut.

Ainsi nous avons voulu écrire dans la loi la règle administrative que le gouvernement doit généralement suivre, et les exceptions laissaient à la prérogative royale toute latitude utile !

Vous savez que nous avons porté souvent à la tribune ce grief, un des principaux griefs de l'opposition, l'abus, l'abus considérable qui a été fait des nominations politiques dans la commune.

Les nominations politiques ont été substituées trop souvent aux nominations administratives, et il en est résulté un grand trouble dans les administrations communales.

Messieurs, c'est la réparation de ce grief que nous voulions et que nous avons le droit d'obtenir. Nous demandions que désormais on ne pût nommer le bourgmestre que dans la majorité du conseil, à moins d'exceptions assez larges que nous avions nous-mêmes déterminées. Relativement aux échevins, la question ne pouvait pas soulever d'opposition sérieuse, depuis que la loi de 1842 a distrait des attributions du collège échevinal pour en charger le bourgmestre seul, l'administration de la police locale. Depuis ce changement dans la législation, il n'y a plus, selon nous, aucun intérêt, ni aucune bonne raison pour ne pas restituer au conseil communal la nomination des échevins.

M. Ortsµ. - Il fallait le faire en 1842.

.M. Dechamps. - Je m'attendais à cette objection et je me réserve d'y répondre. Je ne fais maintenant que résumer très brièvement ce que je pourrais appeler l'exposé des motifs de cette partie du programme que nous avons présenté à Sa Majesté.

Messieurs, lorsque nous avons rencontré une résistance sur la question de la nomination du bourgmestre, et comme il s'agissait d'une prérogative royale, par une déférence respectueuse envers cette haute prérogative, nous avons cru nécessaire de faire une concession ; nous avons consenti, tout en croyant le premier système préférable, nous avons consenti à ce que la nomination du bourgmestre se fît comme maintenant, dans le sein du conseil communal ; seulement nous avons demandé que la députation permanente fût toujours entendue. Que voulions-nous par là ? Aujourd'hui les propositions de nominations des bourgmestres émanent des commissaires d'arrondissement et des gouverneurs^ mais les avis de ces fonctionnaires sont secrets ; ils passent des bureaux des gouverneurs dans le cabinet particulier du ministre et là toutes les (page 415) influences politiques ont leur libre jeu. Ce que nous avons voulu, car notre but était d'empêcher les nominations politiques, c'était la garantie de la publicité.

Nous voulions l'avis d'un corps électif. Nous pensions que le jour où la députation permanente, délibérant publiquement pour ainsi dire, devrait donner son avis au gouvernement, ce jour-là il serait impossible que des nominations ayant un caractère de parti eussent lieu. Nous avions une garantie de publicité, et demander cette garantie de publicité, c'était de notre part un acte d'impartialité et de modération.

Nous aurions pu, en effet, à notre tour, faire des nominations politiques. N'oubliez-pas que depuis 1847, c'est-à dire, depuis 17 ans, les conseils communaux ont été renouvelés trois ou quatre fois, et qu'il s'est trouvé, par une chance heureuse pour l'opposition, que les nominations des administrateurs communaux lui ont toujours été dévolues. L'opinion conservatrice n'a fait depuis 17 ans aucune nomination de bourgmestres et d'échevins.

Nous aurions pu nous dire : Nous userons de représailles, nous ferons à notre tour des nominations politiques, pour faire contre-poids à l'influence des nominations politiques qui ont été faites par l'opinion doctrinaire. Nous ne l'avons pas fait ; nous avons préféré nous enlever à nous-mêmes comme à vous cette arme dangereuse, cette cause de conflits perpétuels dans les communes. Notre réforme dans la nomination des bourgmestres et échevins était donc dictée par une pensée d'impartialité politique et de justice administrative. C'était aussi une force plus grande ajoutée à la force heureuse de nos libertés communales.

Messieurs, quant à l'abaissement du cens électoral, j'aurais bien des choses à en dire encore, mas je crois avoir exposé tout à l'heure d'une manière assez complète les motifs pour lesquels nous avons cru et nous croyons qu'il n'y aurait aucun danger à suivre de loin le mouvement qui s'est produit en Europe, autour de nous.

Le cens communal que nous proposions était plus élevé que celui qui existe à peu près partout en Europe. Eh bien, nous avons cru que nous restions dans les limites d'une parfaite modération en proposant une réforme aussi restreinte.

Messieurs, j'ai donc raison de dire que le refus, non pas de notre programme mais de l'article sur lequel le dissentiment s'est établi, que ce refus, à mes yeux et aux yeux de tous nos amis, n'a pas été une raison politique, mais un prétexte politique.

Lorsque vous provoquiez la droite à prendre le pouvoir, vous l'y provoquiez parce que vous comptiez sur notre impuissance à nous constituer d'une manière sérieuse et dans des conditions durables.

Mais le jour où vous avez vu un ministère de droite constitué, prêt à prendre le pouvoir et à faire appel à l'opinion sur un programme modéré et sagement progressif, vous avez eu peur. Vous savez parfaitement que la dissolution, faite dans ces conditions, devait nous donner une victoire politique et assurer votre défaite pour longtemps peut-être.

Vous avez eu peur de notre programme ; vous avez voulu nous empêcher de faire la dissolution et vous réserver de la faire vous-mêmes, non pas aujourd'hui ; vous ne l'oseriez pas.

MaeRµ. - Cela dépend de vous.

.M. Dechamps. - Vous vouliez vous réserver de la faire à votre heure, au moment où notre programme aurait été un peu oublié, quand les circonstances vous auraient paru meilleures.

Ce jour-là, vous voulez vous réserver de soulever une de vos questions cléricales dont votre arsenal politique est plein. Vous vous réservez de nous présenter la loi sur les fabriques d'église, de la faire discuter ; on essayera de réchauffer un peu l'opinon qui s'est refroidie à votre endroit ; et c'est alors, à l'heure que vous croirez propice, que vous arriverez armé de la dissolution. Eh bien, je vous le dis sincèrement : ce n'est plus là de la loyauté politique, ce n'est plus du gouvernement représentatif franchement pratiqué ; le gouvernement parlementaire n'existe pas dans de pareilles conditions, et j'ai le droit de vous redire pour la troisième fois : Vous nous avez rendus impossibles pour vous rendre un ministère indispensable, et le mot restera. (Longue interruption.)

MaeRµ. - Messieurs, si l'honorable M. Dechamps était curieux et impatient d'entendre les explications que j'avais à fournir à la Chambre, j'avoue que je n'étais pas moins impatient et curieux d'entendre les siennes ; j'étais curieux d'entendre les explications de l'honorable M. Dechamps, parce que, je dois le dire, à la première apparition de son programme, je n'ai pu considérer comme sérieuse cette œuvre venant de lui et de ses honorables amis. (Interruption.)

Comment ! nous voyons à la tête d'une reforme communale, d'une réforme électorale entreprise au nom des principes libéraux ceux-là même contre la réaction desquels nous avons défendu la loi communale, la loi électorale ! Comment ! les représentants de la droite, des hommes que j'ai considérés comme sérieux jusqu'ici, viennent tout à coup, sans y avoir été poussés par les exigences de l'opinion publique, sans qu'à aucune époque, dans cette Chambre, on ait fait aucune motion relative à ces réformes ; viennent inopinément, dis-je, proposer des réformes qui répugnent à tous leurs antécédents.

Une réforme électorale par l'abaissement du cens proposé par l'honorable M. Dechamps, cela, je le répète, n'est pas sérieux. En 1848, les libéraux restant sur leur terrain, revêtus de leur armure et de leur véritable costume, sont venus proposer une réforme électorale, un abaissement du cens électoral pour les Chambres, et pour les communes où le cens dépassait le minimum de 20 florins fixé par la Constitution.

Eh bien, messieurs, comment s'exprima l'honorable M. Dechamps, à l'occasion de cette réforme ? Voici ce que je lis dans le compte rendu de la séance du 4 mars 1848, discours de M. Dechamps :

« Messieurs, le gouvernement par cette réforme hardie (20 fl.) a voulu devancer toutes les exigences, a voulu désarmer toutes les oppositions sincères et constitutionnelles, et ne pas permettre à d'autres nations d'offrir à l'envie de la Belgique des institutions plus libérales que les siennes. C'est là une belle et noble pensée. Le gouvernement, messieurs, a atteint la dernière limite au-delà de laquelle il n'y a plus de réforme possible que le renversement de la Constitution. »

Voilà, messieurs, le langage qui a été tenu eu 1848, par l'honorable M. Dechamps ; à cette époque, personne dans cette Chambre ne songea à demander un cens plus bas encore, soit immédiatement, soit pour l'avenir.

Je me trompe ; je dois excepter l'honorable M. de Haerne qui avait de bonnes raisons, dans ses antécédents, pour demander l'abaissement du cens électoral jusqu'au suffrage universel ; et, d'après les amis de l'honorable M. Dechamps, c'est là, je pense, qu'on veut nous conduire. L'honorable M. de Haerne qui, en sa qualité d'ancien républicain, inclinait vers le suffrage universel, aurait bien voulu proposer un abaissement plus considérable du cens électoral ; il s'en expliqua clairement devant la Chambre ; il disait dans la même séance du 4 mars 1848 :

« C'est dans les grands centres de population qu'on rencontre surtout les personnes qui s'occupent des affaires publiques, c'est là qu'on trouve le plus de capacités électorales, le plus d'hommes capables d'apprécier la portée d'un vote politique. »

L'honorable membre aurait voulu proposer un cens plus bas ; voici la raison pour laquelle il ne l'a pas fait :

« En 1830, lorsque je demandais un cens plus bas que celui qui était proposé, savez-vous, messieurs, ce qui me fut répondu ? On me répondit qu'un cens trop bas était calculé en faveur de l'aristocratie, eu faveur du clergé, parce que, disait-on, avec un cens trop bas, les grandes influences se font sentir sur les masses électorales en les conduisant à leur gré. »

L'honorable M. Dechamps et ses amis dans les propositions inopinées qu'ils nous font, recherchent-ils ce but devant lequel l'honorable M. de Haerne reculait ? Eh non ! ce n'est pas l'influence de l'aristocratie qu'on veut favoriser ; ce n'est pas l'influence du clergé qu'on veut étendre ; c'est, messieurs, à l'opinion libérale elle-même qu'on veut donner satisfaction. Et ce n'est pas à l'opinion libérale dansses limites modérées ; c'est à l'opinion libérale dans ses éléments extrêmes ; c'est à cette queue du libéralisme dont l'honorable M. Dechamps nous a parlé tant de fois avec de si superbes dédains, à cette queue qu'il nous reprochait de suivre à la trace, servilement, à cette queue enfin à laquelle il vient de s'attacher d'une manière si honteuse. (Longue interruption.)

Messieurs, cette tactique est tellement grossière, qu'il faudrait fermer volontairement les yeux à la lumière pour ne pas en voir la trame enfantine.

On s'est dit : les libéraux sont endormis, ils sont malades, ils sont au bain. (Interruption.)

Si nous nous emparions de leurs habits en leur absence ! si nous essayions aussi de faire du libéralisme, et si, avec ce drapeau libéral d'emprunt et ce costume de contrebande, nous nous mettions à faire une élection, en appelant à nous les libéraux avancés, en faisant avec eux une coalition contre ces infâmes doctrinaires qui oppriment notre pays, qui persécutent notre sainte religion ; si, accoutrés et accouplés de la sorte, nous tentions une dissolution, il est (page 416) probable que nous parviendrions à jeter le désarroi dans le camp libéral et à nous constituer une majorité quelconque.

Voilà le plan ; il est très simple ; il n'annonce pas une grande imagination ; il n'y a pas là beaucoup d'invention ; il n'y a dans tout cela qu'un petit stratagème que je signale à tous nos amis politiques quelle que soit leur nuance. Une fois nos adversaires maîtres de la situation, leur programme si modéré, plus modéré encore qu'il n'est libéral, nous verrions quelles transformations il ne tarderait pas à subir.

Il y a deux parties, a dit M. Dechamps dans son programme : il y a la partie économique et la partie politique. Mais il y a une autre partie sur laquelle l'honorable membre s'est prudemment tu et qu'il importerait cependant de connaître, car je ne peux pas supposer qu'un grand parti, comme il s'appelle, qu'un grand parti, après avoir usé de tant d'éloquence et déployé tant d'efforts de tout genre pour renverser le ministère, pour délivrer le pays de cette politique qui lui pèse, je ne puis pas croire, dis-je, que ce grand parti, arrivé enfin au pouvoir, déclarerait qu'il se résigne devant les faits accomplis, qu'il ne veut pas revenir sur le passé, que ce qui est fait est bien fait et qu'on n'y touchera pas.

M. Thonissenµ. - Pas du tout !

MaeRµ. - Evidemment il ne vous est pas possible de remplir un pareil rôle, il ne vous est pas possible de faire croire au pays, après une guerre acharnée qui dure depuis tant d'années, que notre politique est tellement innocente qu'elle n'implique même le retrait d'aucune loi, d'aucune mesure administrative. (Interruption.)

II se peut que j'aie mal compris l'honorable membre, mais je lui demande s'il a dit, oui ou non, qu'il ne toucherait pas aux lois votées. (Interruption.)

Dans tous les cas, le programme se tait complètement sur ce point. Nous voyons bien ce qu'il y a dans le programme et nous le discuterons ; mais nous ne voyons pas les choses sous-entendues et que nous serions bien charmés connaître.

Messieurs, on a parlé de notre programme de 1846. Quand nous avons tenté de constituer un cabinet libéral en 1846, notre programme annonçait nettement tout ce que nous voulions ; nous indiquions clairement, à côté des mesures que nous entendions proposer, celles dont nous comptions demander le retrait : nous avons demandé le retrait des lois réactionnaires en même temps que nous avons indiqué les principes de la politique nouvelle que nous inaugurions.

Que ferez-vous donc des lois que vous appelez inconstitutionnelles, spoliatrices ? Qu'en ferez-vous ? Les conserverez-vous, oui ou non ? Il fallait vous en expliquer dans votre programme, puisque vous parlez de sincérité.

Mais vous n'avez rien dit et pourquoi ? Parce qu'il était important de ne pas se brouiller avec ces bons et honnêtes libéraux de l'extrême gauche et qu'il était prudent de leur cacher provisoirement le sort qu'on leur réservait dans la suite. Il fallait d'abord se servir d'eux pour faire ses propres affaires, sauf à s'en passer quand on n'en aurait plus besoin.

M. De Fré. – Toujours les enfarineurs ?

MaeRµ. - Pour la réforme communale, ma surprise a été plus grande encore que pour la réforme électorale. Notez d'abord, messieurs, que je n'admets nullement le thème de M. Dechamps. M. Dechamps vient dire aux libéraux : c'est parce que nous avons proposé un faible abaissement du cens électoral que vous avez combattu notre programme ; dans votre ambition de rester au pouvoir, vous ne nous avez pas permis d'arriver avec un programme fort innocent qui n'admet qu'un faible abaissement du cens électoral.

JI y a autre chose ; il y a la réforme communale. Vous avez été arrêtés sur le principe de l'article 2, mais étiez-vous d'accord sur l'article premier qui consacre la réforme communale ? Avez-vous bien mesuré la portée de cette réforme ? Savez-vous où vous allez en jetant dans le pays la velléité de réformer la loi communale ?

La commune, prenez-y garde, si vous étiez arrivés à déposer votre projet, vous aurait demandé autre chose ; vous auriez vu surgir d'autres réformes que celles que vous mettez en avant et auxquelles vous êtes loin de vous attendre.

Il y a beaucoup de choses à faire pour la liberté de la commune ; la commune, par exemple, n'est pas maîtresse de ses écoles primaires, de ses conseils de fabrique. (Interruption.)

MfFOµ. - Elle ne voudra pas seulement nommer ses échevins, mais aussi ses conseillers de fabrique.

MaeRµ. - J'en reviens à la réforme dont il est parlé dans le programme de M. Dechamps. En quoi consiste cette réforme ? Enlever au Roi la nomination des échevins, limiter la prérogative royale quant à la nomination des bourgmestres.

Je demande depuis 1836 dans quel temps, dans quelle réunion électorale, dans quel meeting, dans quelle Chambre, dans quelle discussion la proposition a été faite d'enlever la nomination des échevins à la prérogative royale. (Interruption de M. Dumortier.)

Si ce programme était sorti de la plume de l'honorable membre qui m'interrompt, je ne m'en étonnerais pas, il a toujours été grand partisan de la liberté communale, il a proposé la nomination du bourgmestre par les électeurs, il a fait sous ce rapport exception dans son parti. (Interruption.)

Nous avons été témoins d'une réforme faite par la droite en 1842, mais dans quel sens ?

Dans le sens de l'extension de la prérogative royale pour lui donner la nomination du bourgmestre en dehors du conseil, proposition que, fidèle à ses principes, l'opinion libérale a combattue. Et ce sont les mêmes hommes qui ne rougissent pas de proposer aujourd'hui un système diamétralement contraire à celui que nous avons combattu contre eux et contre lequel nous avons réagi ! Je dis que tout cela n'est pas sérieux.

Je ne puis pas admettre ce mot que M. Dechamps a trouvé très joli puisqu'il l'a répété si souvent, que nous avions rendu son avènement impossible, parce que nous prétendions être indispensables.

Tout ce que je puis dire pour la justification de M. Dechamps, c'est que jeté dans un monde extérieur, peu attentif aux besoins, aux nécessités de la politique, tout ce que je puis admettre pour le comprendre et pour l'excuser, c'est qu'il a voulu présenter un programme qui le rendît impossible. En voici la preuve

Dans la première période de la crise en janvier dernier, M. Dechamps n'a-t-il pas eu la faculté de faire un ministère, sans condition, sans réserve ? A-t-il, oui ou non, décliné cette faculté ? Il l'a eue tout entière. A cette époque il n'avait pas imaginé d'arriver avec un programme emprunté pour les trois quarts aux idées économiques du cabinet actuel et le reste à je ne sais quelle opinion qui n'est pas la sienne. Au début il n'avait pas de programme, il pouvait entrer de plain-pied au pouvoir sans réserve, sans condition avec la dissolution.

Pourquoi, quelques mois après, vient-on proposer au Roi un programme qu'il lui était impossible d'accepter ?

En effet on lui proposait de se dépouiller de ses prérogatives, quand rien, dans le pays, ne révélait l'opportunité, la nécessité d'une pareille réforme.

.M. Dechamps. - Je l'avais déclaré à la tribune d'une manière catégorique.

MfFOµ. - Après avoir été appelé la première fois.

.M. Dechamps. - Dans la discussion de l'adresse.

MaeRµ. - Le Roi a refusé ; il a bien fait de refuser ; nous approuvons son refus et nous en prenons la responsabilité.

Nous ne voulons pas discuter en ce moment les autres articles de ce programme. Toutefois, il en est deux sur lesquels j'aurais été curieux d'entendre aujourd'hui les explications de M. Dechamps. Mais ma curiosité n'a pas été satisfaite. M. Dechamps les a tenues sous le boisseau.

Il nous a souvent édifiés des mots union, pacification, conciliation, mots magnifiques. Ces mots se trouvent encore dans le programme de M. Dechamps, mais il en a ajouté deux autres qui pour rimer sont quelque peu discordants avec ceux d'union, pacification, conciliation ; il a ajouté cette fois destitution, dissolution.

Voilà nos fonctionnaires avertis. Prenez garde ! Si vous ne voulez pas la pacification, si vous ne voulez pas l'union, si vous ne voulez pas la conciliation, si vous ne voulez pas qu'on s'embrasse, prenez garde à vous ! On vous destitue, vous aurez à embrasser tout le monde sous peine de mort.

La dissolution. Mais lorsque en 1846 j'introduisis, pour la première fois, ce mot dans un programme, il n'y eut pas, sur les bans de la droite, assez de cris d'horreur contre cette proposition.

MfFOµ. - C'était une abomination.

MaeRµ. – On me considérait comme un ennemi du Trône. J'étais déjà un ennemi de l'autel.

Je voulais dépouiller le Roi de sa plus belle prérogative, parce que j'avais demandé la dissolution.

Et quant aux destitutions vous savez comment le ministère libéral était traité. C'était, d'après un mot d'un honorable membre, mot qui a fait fortune, c'était le cabinet de la politique destitutionnelle et dissolutionnelle. On a vécu de ces deux mots-là pendant des années.

(page 417) Voilà M. Dechamps arrivé au pouvoir et tombant en plein dam la politique destitutionnelle et dissolutionnelle.

Je signale, messieurs, cette inconséquence pour montrer que véritablement à nos yeux ce programme ne peut avoir aucun caractère sérieux et que pour l'honorable M. Dechamps lui-même il ne peut pas non plus avoir un tel caractère.

Messieurs, je demande non pas aux membres de l'opposition, mais aux membres de la gauche, si la conduite tenue par leurs amis au pouvoir n'a pas été ce qu'elle pouvait et ce qu'elle devait être, si nous n'avons pas fait tous nos efforts pour amener sur ces bancs un autre ministère que le nôtre, si nous n'avons pas tout tenté pour que le ministère de la droite vînt siéger sur ces bancs.

M. de Moorµ. - C'est la vérité.

MaeRµ. – Je n'attends pas d'impartialité de la part de la droite, c'est à mes propres amis que je m'adresse ; c'est par eux que j'entends être jugé.

M. Thibaut. – Il faut s'adresser à la Chambre ou au président.

MaeRµ. - A mes yeux, nous avons poussé la condescendance beaucoup trop loin. Mon opinion personnelle était que du jour où l'honorable M. Dechamps avait été convaincu d'impuissance en ne parvenant pas à former un ministère, notre devoir était de rester en possession du pouvoir.

Mes amis ont cru qu'il ne fallait pas agir de cette façon, qu'il fallait tenter les derniers efforts pour céder la place à d'autres. Je me suis rendu à cette opinion. Nous avons tenté tous les moyens pour amener le Roi à nous trouver des successeurs.

Le Roi après avoir fait loyalement tous les efforts, cédé a toutes les exigences et à tous les caprices, a enfin reconnu qu'il ne lui était pas possible de changer la politique ni les hommes du ministère et dès lors il a fait un dernier appel à notre dévouement.

Ce dévouement ne lui a pas fait défaut. J'espère que nos amis de la gauche reconnaîtront que nous avons fait notre devoir et nous apporteront un appui plus énergique encore que par le passé.

(page 409) – La séance est levée à 5 1/2 heures.