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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 30 mars 1865

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1864-1865)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 720) M. de Moor, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

M. de Florisone, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la Chambre

M. de Moor, secrétaireµ, présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« M. Flechet fait hommage à la Chambre de 120 exemplaires d'une brochure qu'il a publiée en décembre 1862 sur la nécessité pour l'industrie drapière d'établir à Verviers et aux environs une abondante distribution d'eau industrielle et ménagère. »

- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.


« M. Thibaut, retenu chez lui par la perte d'un de ses enfants, et M. Vleminckx empêché par une indisposition, demandent un congé de quelques jours. »

- Ces congés sont accordés.

Projet de loi approuvant la convention internationale relative au régime des sucres

Discussion des articles

Articles 2 et 3

MpVµ. - Nous sommes arrivés à l'article 2.

« Art. 2. L'accise sur les sucres bruts est fixée comme il suit :

« Sucres bruts étrangers (les 100 kilogrammes) :

« Au-dessous du n°7 : fr. 40 50.

« Du n°7 au n°10 exclusivement fr. 43.

« Du n°10 au n°15 exclusivement fr. 45.

« Du n°15 au n°18 exclusivement fr. 46.

« Sucres bruts indigènes (les 100 kilogrammes) : fr. 45. »

« Art. 3. § 1. Les droits d'entrée sur les sucres, les sirops et les mélasses sont fixés comme il suit :

« Sucres raffinés (les 100 kilogrammes) :

« Candis : fr. 59.

« En pains : fr. 55 50.

« Sucres bruts (les 100 kilogrammes) :

« Au-dessus du n°18 : fr. 55 50

« n°18 et au-dessous : fr. 1 20.

« Mélasses incristallisables provenant de la fabrication ou du raffinage du sucre, et contenant moins de 50 p. c. de richesse saccharine (les 100 kilogrammes) : fr. 15.

« § 2. Les mélasses contenant 50 p. c, ou plus, de richesse saccharine et les sirops de fabrication contenant du sucre cristallisable, sont assimilés aux sucres bruts pour les droits d'accise et de douane.

« § 3. Le gouvernement pourra ramener les droits à l'importation des sucres raffinés au taux des drawbacks fixés pour les mêmes sucres par l'article 4, dès que ces droits auront été établis d'après la même base dans les Pays-Bas.

« § 4. Le gouvernement est en outre autorisé à supprimer le droit d'entrée de 1 fr. 20 c, sur les sucres bruts, lorsque la surtaxe de 2 francs, imposée à l'entrée des sucres de betterave en France, sera supprimée. La décharge à l'exportation sera modifiée en même temps, de manière à maintenir entre l'accise et le drawback le rapport qui existe aujourd'hui entre les droits d’accise et de douane et le drawback.

« § 5 Les sucres du n°18 exclusivement au n-°20 inclusivement peuvent être admis, par arrête royal, à un droit d'entrée supérieur de 2 p. c. au moins au montant du droit d'accise sur les sucres des n°15 à 18. »

M. Carlier. - - Messieurs, sur la proposition du gouvernement, la section centrale a cru devoir admettre par voie d'amendement un paragraphe 5 à l'article actuellement en discussion.

Ce paragraphe est ainsi conçu :

« Les sucres du n°18 exclusivement au n°20 inclusivement, pourront être admis, par arrêté royal, à un droit d'entrée supérieur de 2 p.c. au moins au montant du droit d'accise sur les sucres des n°15 à 18. »

C'est de cet amendement que je me propose de vous entretenir et c'est cet amendement que je vous demande de repousser.

Dans le discours que l'honorable ministre des finances vous a fait entendre dans la séance d'avant-hier, il a reproché aux orateurs qui avaient été entendus contre le projet de loi de s'efforcer d'empêcher la conclusion d'une convention évidemment favorable à la fabrication des sucres.

Je repousse ce reproche pour ma part, parce que, ainsi que j'aurai l'occasion de le dire lorsqu'il sera question d'un autre amendement, que j'ai eu l'avantage de vous présenter, je n'ai jamais rien réclamé qui fût contraire à la convention qui vous est soumise et que le projet de loi que vous avez à voter est destiné à consacrer ; j'ai seulement proposé à la Chambre des mesures qui me paraissent pouvoir parfaitement s'accorder avec l'esprit et la lettre de la convention et qui me paraissent pouvoir être admises par vous sans que cette convention soit mise en péril.

L'honorable ministre, messieurs, en combattant l'amendement que j'ai eu l'avantage de vous soumettre, nous a fait remarquer, et avec raison, que si cet amendement était admis et, en même temps, le minimum de six millions qu'il demande dans l'article 6 du projet, l'effort que je tentais en faveur de la fabrication du sucre était inutile, qu'il était certain que toujours et en toute circonstance, la somme de six millions que le trésor veut retirer du sucre, resterait acquise et que si une restitution supérieure à 43 francs était accordée ce ne serait qu'à titre purement aléatoire et que du moment qu'il y aurait déficit sur les six millions ceux qui auraient obtenu cette restitution aléatoire seraient forcés de la rapporter au trésor par une voie plus ou moins directe .

M. le ministre a parfaitement senti que l'amendement que je proposais pouvait présenter pour la fabrication du sucre un avantage ou un péril, et le péril, il l'a indiqué de la façon la plus précise en nous disant qu'il pouvait se faire qu'un déficit se rencontrât sur le minimum de 6 millions et que ce déficit les fabricants de sucre et les raffineurs de sucre seraient forcés de le combler.

Cette perspective menace les fabricants non seulement au point de vue de l'amendement que j'ai eu l'honneur de présenter, mais encore au point de vue de l'amendement que la section centrale a cru devoir admettre sur la proposition du gouvernement.

Cet amendement, messieurs, je le repousse parce qu'il est contraire à l'article premier de la convention d'abord, et parce qu'il est également contraire à l'article 4 du projet de loi.

L'article premier de la convention est ainsi conçu :

« Art. 1er. Le minimum du rendement des sucres au raffinage est réglé provisoirement, ainsi qu'il suit, par cent kilogrammes de sucre brut.

« Numéros de la série des types hollandais : 18 à 15 : sucres raffinés en pains : 87 kilog.

« Numéros de la série des types hollandais : 14 à 10 : sucres raffinés en pains : 85 kilog.

« Numéros de la série des types hollandais : 9 à 7 : sucres raffinés en pains : 81 kilog.

« Au-dessous de 7 : sucres raffinés en pains : 76 kilog.

« Les nuances intermédiaires entre deux classes appartiendront à la classe inférieure. »

Il résulte de cet article premier, que l'on n'a considéré comme sucre brut que les types n'excédant pas le n°18 et, par conséquent, que l'on a considéré comme sucre raffiné ou comme sucre se rapportant aux sucres raffinés tous les types supérieurs au n°18, c'est-à-dire les types n°19 et 20. Admettre que ces types n°19 et 20 ne soient pas ainsi que l'article 3 du projet de loi le propose, soumis au droit de 53 fr. 50 c. au lieu de rester soumis, ainsi qu'ils le seraient par l'amendement, au droit de 46 fr. 92 c., c'est évidemment porter atteinte à l’article premier de la convention et à l'article 3 du projet de loi.

Quelles seraient pour les fabricants de sucre et pour les raffineurs les conséquences de cet amendement ? C'est que les négociants, les spéculateurs qui importeraient en Belgique du sucre n°19 et 20 au droit de (page 721) fr. 46-02 pourraient, soit en les exportant immédiatement et tels qu'ils sont, soit en leur faisant subir une préparation extrêmement facile et peu coûteuse, faire au détriment du trésor au cas où le minimum ne serait pas accordé, au détriment des fabricants de sucre et des raffineurs au cas où le minimum serait accordé, un bénéfice de 5 fr. et quelques centimes.

En effet, messieurs, si le droit de 45 fr. qui doit être payé à l'entrée sur ces sucres est majoré de 2 p. c. ainsi que le propose l'amendement, ce droit sera porté à fr. 40 92. Puis, que ces sucres qui sont blancs soient exportés et ils obtiendront de même que tous les sucres raffinés la restitution de fr. 53 50.

Il y a donc écart de fr. 46 93 à fr. 53 50 qui profitera aux spéculateurs qui vont se livrer à cette opération.

Je suppose qu'on ne puisse pas considérer ces deux types laissés dans l'état primitif comme des sucres raffinés. Eh bien, on pourra très bien, à l'aide d'une manipulation extrêmement facile et peu onéreuse, les granuler, ce qui les rendra complètement raffinés, et ils auront dès lors un droit incontestable à la restitution de fr. 53 50.

Cette opération coûtera peut-être 1 p. c. au fabricant et laissera un bénéfice notable à celui qui s'y livrera.

L'honorable ministre a reconnu qu'il pouvait y avoir là un danger pour ce que j'appellerai la caisse des fabricants de sucre, puisque c'est une sorte de dépôt qui leur est confié et qui doit être complété par eux jusqu’à concurrence de 6 millions, si ce chiffre n'est pas atteint.

Eh bien, messieurs, il est clair que, si le fabricant de sucre voit remettre aux spéulateurs que je viens de signaler une prime de 5 fr. et quelques centimes, et cela à son détriment peut-être, puisqu'il aura à subir la responsabilité de cette prime, il a le droit de se plaindre.

M. le ministre a parfaitement senti le danger que couraient là les fabricants de sucre, car, dans les développements qu'il a cru devoir donner à la section centrale pour appuyer l'admission de cet amendement, il a déclaré que ces sucres n'entreraient dans le pays que pour la consommation.

J'ai vainement cherché, messieurs, la démonstration de l'exactitude de cette assertion de M. le ministre. J'ai vainement cherché à m'assurer que les sucres ainsi importés en Belgique ne serviraient jamais qu'à la consommation du pays.

Je ne crois pas qu'il existe dans nos lois de douane aucun moyen d'empêcher qu'un sucre quelconque qui a acquitté complètement les droits de douane et d'accise ne sorte du pays.

On ne peut estampiller chacune des molécules des sucres dont il s'agit de telle façon que la sortie puisse en être prohibée ; il n'y a de défendu en Belgique que ce que la loi défend ; il n'y a pas de loi qui prononce cette défense, la sortie de ces sucres est donc facultative et à supposer même qu'il y ait un moyen de forcer ces sucres à rester en Belgique, s'ils n'entraient en Belgique que pour la consommation ne produiraient-ils pas une concurrence qu'il est avantageux pour nous d'éloigner ?

Je crois donc que l'amendement présenté par le gouvernement, et la section centrale doit être repoussé d'abord parce qu'il est contraire à l'article premier de la convention ; ensuite, parce qu'en vertu de l'article 3 ce sucre obligerait à une rétribution au détriment du trésor, beaucoup plus considérable qu'une prime véritable ; finalement, parce que, à supposer qu'il entre dans la consommation, ce ne sera qu'au détriment de nos fabricants.

MfFOµ. - L'honorable préopinant s'est beaucoup occupé, dans la première partie de son discours, des intérêts du trésor ; je croyais qu'ils m'étaient particulièrement confiés et que j'avais accoutumé la Chambre à me les voir défendre très sérieusement. Je m'étonnais beaucoup du zèle qu'apportait l'honorable membre à défendre la caisse de l'Etat dans cette circonstance. Mais ses dernières paroles m'ont donné la véritable explication de l'opposition qu'il fait à l'introduction du paragraphe 5 dans l'article 3. C'est que les sucres dont il est parlé dans la disposition qu'il critique pourraient venir faire concurrence au sucre indigène sur le marché intérieur.

Voilà la véritable raison de son opposition.

M. de Naeyer. - Ce n'est qu'une prime.

MfFOµ. - En aucune façon. Ils payeront une surtaxe de 2 p. c. au moins du montant de l'accise des n°15 à 18.

L'honorable membre prétend que l'amendement dont nous nous occupons n'est pas conforme au système consacré par l'article premier de la convention. Mais de quoi s'occupe cet article ? Uniquement du rendement des sucres au raffinage, et pas le moins du monde du sucre brut, des n°18 à 20, dont il est question dans le paragraphe 5 de l'article 3 du projet de loi.

Ce paragraphe n'a rien de commun avec l’article premier de la convention, et par conséquent il ne peut en aucune façon y être contraire.

Examinons maintenant, messieurs, les considérations que l'on a fait valoir pour sauvegarder les intérêts du trésor. Voici l'argument de l’honorable M. Carlier : Lorsque les sucres bruis n°18 à 20 auront été introduits en Belgique à un droit qui, avec la surtaxe, ne s'élèvera pas à une somme supérieure à 46 fr. 92 c., ces sucres pourront être exportés avec une décharge de fr. 55-50 et par conséquent au grand préjudice du trésor et de l'industrie nationale.

M. Crombezµ. - C'est en effet l'objet principal de l'observation.

MfFOµ. - Eh bien, je dis qu'une pareille supposition est absolument irréalisable. Et pourquoi, messieurs ? Parce que la décharge de fr. 53.50 n'est accordée qu'aux sucres en pain, et qu'il s'agit ici de sucres en poudre.

M. Crombezµ. - Et l'article 9 ?

MfFOµ. - Permettez-nous allons y venir. Mais voici le premier point que je constate : le sucre en poudre ne peut être exporté de Belgique avec la décharge de l'accise qu'à une condition : c'est qu'il ait été pilé en entrepôt. (Interruption.) Dans l'état actuel de la législation et abstraction faite de l'article 9 de la convention, du sucre en poudre ne peut être exporté avec décharge de l'accise qu'à la condition d'avoir été pilé en entrepôt, et ce pilage en entrepôt est exigé précisément afin d'éviter les abus que l'on paraît craindre.

Ainsi, à ce point de vue, il ne peut pas y avoir d'inconvénient. Reste la difficulté qui naît de l'article 9 de la convention., Voici ce que porte cet article :

« Les sucres dits poudres blanches, rendus par un procédé quelconque égaux en qualité aux sucres melis, recevront à l'exportation le même drawback que ces derniers sucres, à la condition : 1° d'être assimilés, quant à la perception de l'impôt de consommation ou des droits d'entrée, aux sucres raffinés ; - c'est ce qui ne se présente pas dans l'espèce ; cette première condition fait donc défaut ; - 2° d'être parfaitement épurés et séchés, et conformes à l’échantillon-type établi par la législation actuelle de la Grande-Bretagne, lequel type deviendra obligatoire pour ceux des pays contractants qui voudraient user de la faculté prévue par le présent article. »

Voilà, messieurs, qui est décisif ; voilà où est l'obstacle : Pour pouvoir être exporté dans les conditions déterminées par l'article 9, le sucre dont il s'agit, et qui est du type hollandais n°20, devrait être conforme à l'échantillon-type obligatoire dont parle ledit article. Or, messieurs, il est évident que cette condition ne saurait être remplie ; il suffit de comparer les deux types, c'est-à-dire, le n°20 hollandais et le type anglais qui va devenir obligatoire en vertu de l'article 9, pour se convaincre que l'opération est tout à fait impossible. Ces deux types je les ai en poche ; les voici. (Interruption.)

M. Delaetµ. - Il n'est pas fourni le type anglais.

MfFOµ. - Il n'est pas fourni ! mais je l'ai ici : le voici ; et si quelqu'un croit à la possibilité de confondre les deux types, alors j'admettrai que sous ce rapport au moins l'objection tirée l'article 9 est fondée.

(MM. Delaet, Jacobs, Dumortier, Crombez, Carlier et de Naeyer s'approchent de M. le ministre des finances et examinent les échantillons qu'il leur soumet.)

On doit comprendre d'ailleurs, messieurs, que s'il y avait réellement lieu de redouter les dangers que l'on indique, je devrais moi-même repousser la disposition du paragraphe 5, car le danger serait particulièrement pour le trésor. Mais c'est parce que nous avons la conviction contraire que l'amendement a été introduit.

Au surplus, messieurs, veuillez-le remarquer, il n'y a rien d'obligatoire dans l'amendement.

Le paragraphe 5 dit que ces sucres peuvent être admis à l'importation dans les conditions qu'il stipule. C'est donc une faculté laissée au gouvernement qui aura l'appréciation des circonstances suivant lesquelles il croira devoir faire ou non usage de cette faculté.

Je veux d'ailleurs aller au-devant des craintes les plus absolues, je veux supposer qu'un abus vienne à se révéler ; dans ce cas on fait cesser les effets de la disposition. Personne ne sera admis à réclamer comme un droit l'application de cette disposition. C'est une simple faculté que la loi donne au gouvernement. Il faudra donc une autorisation gouvernementale pour que l'admission des sucres dont il s'agit puisse avoir lieu.

Ainsi, messieurs, s'il y avait des abus, comme les abus se commettraient principalement au détriment de l’Etat, le gouvernement ferait cesser à l'instant même les effets de la disposition, On ne peut dès lors concevoir (page 722) aucune crainte au sujet de l’application éventuelle du paragraphe additionnel proposé à l’article 3.

M. Dumortier. - Messieurs, bien qu’en dise M. le ministre des finances, je partage complètement les craintes qui viennent d'être exprimées, à mon avis, avec infiniment de raison, par l’honorable député de Mons.

Il est une chose qui m'a beaucoup frappé dans l'article 3. Aux termes de l'article 2 du projet de loi primitif du gouvernement, les sucres dits poudres blanches devaient être introduits au droit de 55 fr. 50 centimes. Veuillez lire l'article 2 du projet primitif, et vous verrez que les sucres bruts au-dessous du n°18 sont placés sous la même accolade que les sucres en pains et sont imposés, à l'entrée, au droit de 55 fr. 50 centimes.

Maintenant, par l'amendement qui vous est présenté, du droit de 55 fr. 50, ces sucres tombent au droit de 46 fr. 92, ce qui fait une différence de 8 fr. 58 par 110 kilogrammes en faveur de ces sucres et au détriment du trésor.

On est dès lors en droit de se demander, avec l’honorable M. Carlier, si la première disposition, savoir celle du projet primitif, ou la seconde, savoir celle de l'amendement, est en harmonie avec la convention. Evidemment, si l'une des deux dispositions est en harmonie avec la convention, l'autre est en désharmonie avec cette même convention ; et je dis que l'honorable député de Mons a eu parfaitement raison de soutenir que l'amendement n'était pas en harmonie avec l'article premier de la convention.

M. le ministre des finances a beau dire que la disposition n'a aucun rapport avec l'article premier de la convention. C'est là une erreur des plus complètes.

L'article premier de la convention limitant la prise en charge au n°18, considère évidemment comme sucres raffinés tout ce qui est au-dessus du n°18. Ainsi l'observation de l’honorable M. Carlier est parfaitement fondée. L'article premier fait donc obstacle à l'amendement qui est présenté aujourd'hui.

Maintenant, dans quelle catégorie les sucres dits poudres blanches doivent-ils entrer ? L'article 9 de la convention est aussi clair que le jour, et je ne conçois pas comment il est possible d'équivoquer à ce sujet. Que porte l'article 9 ?

« Les sucres dits poudres blanches, rendus par un procédé quelconque égaux en qualité aux sucres mélis, recevront à l'exportation le même drawback que ces derniers sucres, à la condition : 1° d'être assimilés, quant à la perception de l'impôt de consommation ou des droits d'entrée, aux sucres raffinés... »

Ainsi, les sucres des poudres blanches sont assimilés aux sucres raffinés pour l'impôt.

Vous voyez donc bien que le projet de loi primitif était tout à fait en harmonie avec la convention et que l'amendement qui est proposé est au contraire une violation de la convention, puisque l'article 9 exige que ces poudres blanches soient assimilées pour l'impôt aux sucres raffinés.

« Et ici, dit M. le ministre des finances, la condition est évidente, c'est d'être parfaitement épurés et séchés, et conformes à l'échantillon-type établi par la législation actuelle de la Grande-Bretagne, lequel type deviendra obligatoire pour ceux des pays contractants qui voudraient user de la faculté prévue par le présent article. »

M. le ministre présente des échantillons et il croit avoir démontré victorieusement qu'il est impossible de faire sortir à l'exportation les sucres dits poudres blanches de Hollande en les mettant en comparaison de l'échantillon anglais. Mais, veuillez-le remarquer, par la plus petite opération de fabrique, on rendra ce sucre tout à fait conforme et complètement identique avec l'échantillon anglais. Par la plus légère opération, le moindre fabricant vendra immédiatement ce sucre conforme à l'échantillon anglais.

Alors, quelle en sera la conséquence ? C'est ce que vous a dit l'honorable M. Carlier, ces sucres, au moyen d'un petit travail, sortiront avec une prime. Et quelle prime ? J'appelle ici votre attention sur ce point. Ces sucres seront entrés en Belgique à 46 fr. 92 c. En sortant, ils seront exportés au droit de 53 fr. 50 c., de manière qu'à chaque 100 kilog. de sortie, il y aura une prime de 6 fr. 58 c. par 100 kilog.

Je vous le demande, quand vous aurez créé une nouvelle prime en faveur du sucre étranger, ne sera-ce pas autant de déficit que vous créerez dans le minimum ? Et qui devra compenser cette perte ? qui sera frappé ? Ce sera le fabricant de sucre. Vous aurez accordé une série de primes que l'on donnera avec la dernière facilité, et Dieu merci, quand on a pour un léger travail de fabrication 6 fr. 58 c. à gagner par 100 kilog., il ne manquera pas de gens qui se livreront à cette espèce d'industrie ; ce sera une espace d'industrie frauduleuse pour le trésor.

Dès lors, ce n'est pas par les considérations que dit M. le ministre des finances, c'est surtout dans l'intérêt de l'industrie indigène que l'honorable M. Carlier a présenté ses observations et que je les appuie.

Je déclare que si l'amendement qu'a présenté le gouvernement et qui vient renverser le projet primitif est adopté, il est évident que vous aurez créé une perte énorme pour le trésor public, perte que vous comblerez, je le sais bien, mais en puisant dans la bourse des fabricants, dans la bourse des sucriers.

Je ne veux pas de ce régime de prime, et je voudrais bien savoir comment il se fait qu'alors que le projet primitif était en harmonie complète avec la convention, on est venu proposer cette modification qui est une nouvelle violation de la convention.

Messieurs, j'aurai aussi un amendement à présenter à cet article, relativement à la sortie. Au paragraphe 4, il est dit que le gouvernement est autorisé à supprimer le droit d'entrée de fr. 1-20 sur les sucres bruts, lorsque la surtaxe de 2 fr., imposée à l'entrée des sucres de betterave en France, sera supprimée.

C'est là une mesure de réciprocité à laquelle je me rallie volontiers ; mais à une condition, c'est que cette mesure de réciprocité n'aille pas au-delà de la réciprocité. Si la France nous fait une concession, rien de plus juste que de lui accorder une concession analogue ; si la France renonce au droit de 2 francs sur le sucre de betterave belge, rien de plus juste que de supprimer de notre côté le droit de douane sur le sucre français. Mais faut-il supprimer sur les sucres des autres pays cette petite faveur de 1 fr. 20 c. ? Veuillez-le remarquer, ce droit de 1 fr. 20 c. sur le sucre étranger n'équivaut pas à la contribution qui est prélevée sur le sucre indigène, et quand vous faites du libre échange, il est juste de tenir compte de l'impôt qui est payé dans le pays. Chaque hectare de terre paye un impôt, les fabriques payent un impôt. Si vous employez de la houille, et je vous ai dit qu'on brûlait 5 kilo. de houille par kilo. de sucre obtenu, il y a l'impôt sur les mines qui a frappé cette houille d'un impôt.

Si donc vous faites à la France un avantage en raison de celui qu'elle vous fait, il est inutile d'accorder cet avantage aux autres pays. Je propose donc de dire : « Le gouvernement est en outre autorisé à supprimer le droit d'entrée de 1 fr. 20 c. sur les sucres de betteraves français. »

Quand la France supprimera le droit de douane sur le sucre de betterave belge, nous lui rendrons le même procédé, nous supprimerons le droit sur le sucre de betterave français. Mais il n'y a pas de motifs pour étendre cette faveur au-delà du sucre de betterave français. Je pense, d'ailleurs, que c'est là la pensée qui a dicté la disposition.

MfFOµ. -Assurément non, je ne veux pas établir de droits différentiels.

M. Dumortier. - Il ne s'agit pas de droits différentiels.

MfFOµ. - Mais si.

M. Dumortier. - Où y a-t-il là un droit différentiel ? Un droit de douane est-il un droit différentiel ? Est-ce que par hasard la France entend supprimer la surtaxe de pavillon à l'entrée en France ? Voilà un droit différentiel, et la France n'a pas consenti à le supprimer.

Vous avez le droit, dans l'intérieur, d'établir l'impôt comme vous le voulez. Voilà la convention. Donc il est évident que vous avez le droit de conserver l'impôt de douane de 1 fr. 20 c. par 100 kilog. Si cela était contestable, vous ne pourriez maintenir ce droit, vous devriez le supprimer d'emblée. C'est une mesure de réciprocité pour l'introduction du sucre de betterave de France en Belgique et de Belgique en France. Mais la réciprocité ne doit pas aller au-delà de la réciprocité ; elle ne doit pas aller jusqu'à donner à l'étranger une faveur véritable en faisant payer à votre industrie tous les impôts, l'impôt-patente, l'impôt des contributions diverses, et en ne faisant rien payer comme compensation aux produits étrangers.

Je pense donc que l'argumentation de M. le ministre de s finances n'est pas soutenable. Il ne s'agit pas de droit différentiel ; il s'agit d'un droit de douane, et je le répète, la France maintient un droit de faveur pour son industrie puisqu'elle conserve la surtaxe sur les navires étrangers. Si la France établit cette surtaxe, vous avez le droit d'en établir aussi une.

(page 727) M. Delaetµ. - Messieurs, j'ai été quoique peu étonné de voir la section centrale introduire par amendement, pour les sucres des types 19 et 20 de Java, la faveur de ne payer qu'un droit supérieur de 2 p. c. au droit qui frappe le sucre brut des types 10 à 18, J'ai vainement cherché à comprendre dans quel intérêt une modification a été introduite dans la loi ; j'y vois bien des inconvénients : je n'y vois qu'un seul avantage et cet avantage est excessivement restreint. Les types 19 et 20 de Java ont un usage spécial ; ils sont employés à la fabrication des candis très blancs, de candis d'un type tout à fait supérieur.

Cette fabrication ne se fait en Belgique qu'en vue de l'exportation ; aussi n'y a-t-il que deux ou trois fabriques qui s'en occupent, et ces fabriques sont à Anvers. II y aurait donc peut-être un intérêt anversois engagé dans la proposition de la section centrale ; mais je ne crois pas que ce minime intérêt suffise pour nous faire fermer les yeux sur tous les inconvénients graves de cette proposition. Je désire savoir dans quel intérêt cet amendement est introduit, et dans tout ce que nous a dit M. le ministre des finances, il n'a pas un moment insisté sur les motifs de l'introduction de cet amendement ; le rapport de la section centrale est muet sur ce point. Par contre, je vois très bien l'intérêt que peut y avoir la Hollande, et si M. le ministre venait nous dire : « C'est un amendement introduit d ns la loi par voie diplomatique ; il y a en Hollande un intérêt colonial qui fait obstacle à la convention, et pour donner en une certaine mesure satisfaction à cet intérêt, la section centrale a introduit l'amendement, » je le comprendrais, mais hors de là, je ne comprends pas la mesure proposée.

Je viens de voir les deux types qu'a bien voulu nous exhiber l'honorable M. Frère. M. le ministre des finances dit : « Ces types sont différents. » J'ai moi-même ici par devers moi un type n°20 sensiblement plus blanc que celui que M. le ministre nous a montré. Mais l'honorable M. Frère, qui connaît très bien l'économie de la loi sur les sucres, sait mieux que la Chambre peut-être, combien dans le temps il a fallu prendre de mesures pour empêcher la fraude au moyen de ce qu'on appelle les sucres tapés. A l'avenir, au moyen des sucres 19 et 20, introduits au droit des sucres bruts jusqu'au n°18, augmenté de 2 p. c. sur chaque numéro, on viendrait faire une double concurrence à l'industrie belge et par cette concurrence même épuiser la recette.

Une première concurrence serait de fabriquer avec les numéros 19 et 20 des sucres tapés et de les verser dans la consommation. La seconde, car il ne faut pas perdre de vue les termes de l'article 9 de la convention, la seconde serait d'organiser la fraude à Anvers même sur une vaste échelle. Notre port vous prendrait une grande partie de votre recette, parce que vous feriez restituer par les raffineurs et les betteraviers de l'intérieur du pays.

Voici ce que dit l'article 9 de la convention :

« Les sucres dits poudres blanches, rendus par un procédé quelconque égaux en qualité aux sucres mélis, recevront à l'exportation le même drawback que ces derniers sucres, à la condition : 1° d'être assimilés, quant à la perception de l'impôt de consommation ou des droits d'entrée aux sucres raffinés ; 2° d'être parfaitement épurés et séchés, et conformes à l'échantillon-type établi par la législation actuelle de la Grande-Bretagne, lequel type deviendra obligatoire pour ceux des pays contractants qui voudraient user de la faculté prévue par le présent article. »

« Par un procédé quelconque » ! Messieurs, si l'en prend le type n°20 et qu'on en fasse des pains tapés, on peut en soumettant ces pains à un léger turbinage qui ne coûterait certes pas deux francs de main-d'œuvre les rendre identiques au sucre en poudre anglais.

Je comprendrais que s'il y avait un grand intérêt industriel ou un grand intérêt du trésor engagé dans la question, M. le ministre insistât sur l'amendement de la section centrale, qu'il n'a pas songé, lui, organe du gouvernement, à introduire d'emblée dans la loi.

- Un membre. - C'est lui qui l'a envoyé à la section centrale.

M. Delaetµ. - Je ne voulais pas le dire, mais puisque...

MfFOµ. - La lettre par laquelle j'envoie cet amendement se trouve à la page 38 du rapport de la section centrale.

M. Delaetµ. - Je ne trouve pas l'amendement à la page 38.

- Un membre. - C'est à la page 12.

M. Delaetµ. - On m'envoie d'Hérode à Pilate.

Ceci du reste est un détail sans importance. Je savais que M. le ministre des finances avait envoyé cet amendement à la section centrale et j'en avais vainement cherché la justification dans le rapport, à la discussion des articles. (Interruption à gauche.)

Messieurs, il paraît que mon argumentation est tellement fort, tellement décisive et qu'elle vous gêne à ce point que vous voulez, pour faire dévier le débat, mettre à profit une légère erreur qui n'en est pas même une, comme je vais le démontrer. Du reste, je remercie M. le ministre de sa rectification, parce qu'elle prouve ce que je n'avais fait que deviner, que c'est par voie diplomatique que l'amendement a été introduit. C'est donc un amendement hollandais, pas autre chose.

Je désire que M. le ministre des finances veuille bien motiver l'amendement soit au point de vue de l'industrie belge, soit au point de vue du trésor belge.

Quant à moi, je l'ai dit déjà, je ne vois qu'un seul intérêt belge qui se rattache à l'amendement, c'est l'intérêt de deux et trois fabricants de candi blanc destiné à l'exportation ; il n'y eu a pas d'autre, et quelque respectable qu'il soit, il n'est pas assez important pour nous décider à comprendre l'économie de la loi.

Messieurs, quand on aura introduit des numéros 19 et 20 au droit de 45 fr. plus 2 p. e., qu'en en aura fait des sucres tapés et turbinés, on les présentera à l'exportation, probablement en une assez grande quantité et en vertu même de ces mots de l'article 9 : « Procédé quelconque » vous n'aurez pas le droit de refuser la restitution à la sortie. Or, trouvez-vous qu'il soit équitable de faire payer les raffineurs sérieux, les fabricants de sucre pour une diminution de recettes à laquelle ils n'auraient pris aucune part ?

La question d'équité domine toutes les lois et surtout toutes les lois de ce genre ; on ne peut prendre dans la poche de l'un pour mettre dans la poche de l'autre. C'est là pourtant ce que ferait l'amendement présenté à l'article 3. Messieurs, je désire que M. le ministre des finances puisse nous démontrer dans quel intérêt belge l'amendement a été introduit. S'il parvient à faire cette démonstration, je me rendrai à l'évidence.

Jusque-là je croirai avoir démontré qu'aucun intérêt national n'est engagé dans l'amendement, que l'intérêt étranger est seul en question et qu'il y aura un déficit à payer par les fabricants et les raffineurs belges, en d'autres termes que vous aurez créé une prime au détriment du trésor ou, si le minimum est maintenu, au détriment de nos raffineurs et de nos fabricants.

(page 722) MpVµ. - Je dois faire remarquer que le paragraphe dont il s'agit ne constitue pas un amendement. La discussion est ouverte sur les propositions de la section centrale qui est d'accord avec le gouvernement sur ce point.

M. de Brouckereµ. - Messieurs, dans le sein de la section centrale dont j'ai eu l'honneur de faire partie, j’ai voté l'amendement dont nous nous occupons en ce moment.

(page 723) A ce titre je demande à la Chambre la permission de lui expliquer quels ont été les motifs du vote que j'ai émis.

Je dois dire d'abord que les raisons invoquées par mon honorable ami M. Carlier contre l'amendement de l'honorable ministre des finances sont de nature à faire une certaine impression sur mon esprit.

L'honorable M. Carlier a bien dit quelques mots des intérêts du trésor, mais ceux qu'il a particulièrement défendus et ceux que, comme moi, il est particulièrement appelé à défendre dans cette enceinte, ce sont ceux des fabricants de sucre de betterave.

Or, si le minimum est admis chaque fois que l'on aura fait sur les sucres n°19 et 20 une restitution montant à un chiffre supérieur au droit qui a été payé à l'entrée sur ces sucres, cela peut tourner au préjudice des fabricants de sucre, car il en peut résulter une diminution dans la recette, et vous savez qu'en vertu du minimum - toujours dans la supposition qu'il soit admis - ce sont les fabricants de sucre qui doivent ce déficit.

Il est donc évident que l'intérêt des fabricants de sucre est ici directement en jeu. Mais on a perdu de vue, messieurs, les raisons pour lesquelles le gouvernement a présenté cette disposition. Il l'a dit de la manière la plus expresse à la page 39 du rapport.

On dit, pour combattre l'article dont nous nous occupons, qu'il a été introduit non pas pour favoriser les intérêts belges, mais pour favoriser les intérêts hollandais.

Il ne faut pas, messieurs, chercher dans de simples suppositions les motifs pour lesquels le minstre a présenté l'amendement.

Il dit de la manière la plus catégorique, à la page 39, qu'il l'a fait au point de vue des Pays-Bas.

Le rapport est bien long et c'est une matière bien aride et bien sèche. Je veux bien admettre que tout le monde n'a pas lu le rapport, mais permettez-moi de vous dire, qu'à la page 39, vous trouverez l'explication la plus catégorique de l'amendement dont nous nous occupons. Il est présenté au point de vue des Pays-Bas. Pourquoi ?

Chacun peut s'en rendre compte, et selon moi, c'en un peu la convention elle-même qui est mise en cause.

Remarquez que cette convention doit être votée ailleurs qu'en Belgique et qu'il ne faut pas qu'elle se présente ailleurs d'une manière trop désavantageuse. La grande question dont je me préoccupe, moi, c'est celle de savoir si la convention est avantageuse aux fabricants de sucre, oui ou non.

Je me le demande et je me le suis demandé dès le principe, et je vous déclare que je me suis occupé de l'affaire des sucres avec la même sollicitude qu'en 1860, bien qu'aujourd’hui je ne me mette pas sur la brèche comme à cette époque, mais je me suis demandé : la convention est-elle oui ou non avantageuse aux fabricants de sucre ? Je puis me tromper, mais je crois qu'elle est avantageuse pour eux.

M. Dumortier. - Pas le moins du monde.

M. de Brouckereµ. - L'honorable M. Dumortier me dit : Pas le moins du monde. Je connais son opinion depuis longtemps puisqu’en section centrale l'honorable M. Dumortier s'est trouvé seul contre nous six. Il aurait donc pu se dispenser de m'interrompre puisque j'ai dit que c'était mon opinion, que je ne l'impose à personne et que je n'entends nullement déclarer d'une manière absolue que j'ai raison.

Je vais maintenant, puisque l’honorable M. Dumortier m'interrompt, rappeler un fait dont vous pourrez tous rendre témoignage.

Hier, nous avons voté l'article premier de la loi. Combien de membres se sont levés contre cette disposition ? 8 tout au plus.

M. Dumortier. - Tous ceux qui ne se sont pas levés étaient contre.

M. de Brouckereµ. - M. le président, me permettez-vous de continuer ?

MpVµ. - M. de Brouckere a la parole. Je prie les honorables membres de ne pas interrompre.

M. de Brouckereµ. - Je fais un appel aux souvenirs de tous les membres de la Chambre.

Je ne veux pas m'en rapporter à moi-même, mais je crois pouvoir dire qu'il n'y a pas eu plus de huit membres contre la convention.

Donc, l'opinion que j'ai émise est, j'ose le dire, l'opinion de la Chambre. La Chambre trouve que la convention est avantageuse aux fabricants de sucre, j'ai été heureux de le constater hier.

Eh bien, messieurs, on ne peut se dissimuler que la convention a encore d'autres épreuves à subir que celle qu'elle subit en ce moment en Belgique. Je ne suis pas convaincu, moi, que la convention est aussi avantageuse à tout le monde qu'elle l'est aux fabricants de sucre de betteraves belges.

Chacun examinera cela à son point de vue, et résoudra la question comme il la voudra. Je tiens si peu à l'amendement dont nous nous occupons et que j’ai consciencieusement voté en section centrale, que pendant que les adversaires de cette disposition parlaient, je me suis approché de M. le ministre des finances et je lui ai dit : Tenez-vous à cet amendement ? L'honorable ministre m'a donné des raisons que je ne puis trouver mauvaises. D'après sa réponse, la disposition n'est pas dans l'intérêt du trésor, mais dans l'intérêt des fabricants de sucre.

Le gouvernement vous demande simplement de pouvoir dire dans la loi : Le gouvernement est autorisé à admettre les sucres n°19 et 20 de telle manière et à faire telle restitution sur ces sucres à la sortie. Vous a-t-il dit d'une manière formelle que cette disposition serait appliquée ? Nullement ; s'il fait un essai et que cet essai tourne à notre détriment, il le cessera immédiatement.

M. Delaetµ. - Comment le saura-t-il ?

M. de Brouckereµ. - Comment le saura-t-il ? me dit un honorable interrupteur.

Mais si, au bout du trimestre, il y a le plus petit déficit, ne fût-ce que de quelques francs et qu'il résulte de l'examen auquel on se livrera, que ce déficit est la conséquence de la disposition dont nous nous occupons, immédiatement on cessera de l'appliquer. Est-ce clair ?

M. Delaetµ. - Non.

M. de Brouckereµ. - Ce n'est pas clair ! J'attends alors une autre interruption.

M. Delaetµ. - Quel sera le mode de contrôle ?

M. de Brouckereµ. - Que nous dit-on ? Qu'à l'aide d'un procédé très simple on pouvait faire entrer les sucres à un droit inférieur à celui qui sera reçu à la sortie.

C'est bien cela. Eh bien, je dis que si cette opération se reproduit plusieurs fois, il y aura déficit pour le trésor, puisque le trésor aura restitué plus qu'il n’aura reçu.

M. Coomans. - Il peut ne pas y avoir déficit et avoir abus.

M. Delaetµ. - M. de Brouckere veut-il me permettre une observation ?

M. de Brouckereµ. - Je désire continuer. On me dit qu'il peut ne pas y avoir déficit.

M. Coomans. - Il peut y avoir abus sans déficit et perte pour le trésor.

M. de Brouckereµ. - Quand une seule personne m'interrompt, j'accepte son observation et j'y réponds. Mais quand, comme hier, 40 personnes m'interrompent à la fois, il m'est impossible de répondre. On dit donc : il peut ne pas y avoir déficit. Mais alors l'intérêt des fabricants est sauf.

- Voix diverses. - Oh ! oh !

M. de Brouckereµ. - Oh ! oh ! A cela je ne puis pas répondre. Je dis que s'il n'y a pas déficit, l'intérêt des fabricants est sauf. Maintenant la véritable question est celle-ci :

Y a-t-il lieu de se défier du gouvernement relativement à l'article qu'il présenté ; y a-t-il lieu de craindre qu'il ne fasse abus de la faculté qu'il réclame ?

Si vous me donnez des motifs de le croire, je voterai contre l'article. Mais je ne puis m'expliquer (je ne me rends peut-être pas bien compte des choses), je ne puis m'expliquer pourquoi le gouvernement abuserait de cette faculté. En le faisant il agirait contre son intérêt, car l'intérêt du gouvernement n'est pas d'avoir un déficit au bout du trimestre ; il agirait même contre l'intérêt des fabricants ; pourquoi ferait-il cela ? dans quel but ? à quoi bon ?

Je me résume donc et je dis : Oui, l'article a été présenté à un point de vue diplomatique ; moi du moins je l'ai voté à un point de vue diplomatique par les motifs expliqués par M. le ministre dans la lettre qu'il a adressée à la section centrale.

Je maintiendrai donc mon vote, à moins que les honorables orateurs qui se sont opposés à l'article, et particulièrement mon honorable ami M. Carlier, ne me démontrent qu'il y a un danger réel à l'adoption de la disposition dont nous nous occupons ; dans ce cas, je voterai contre l'article.

M. Dumortier. - J'ai demandé la parole tout à l'heure quand l'honorable représentant m'a remis en cause en disant que j'avais été seul en section centrale pour voter contre le projet et que ce projet était entièrement dans l'intérêt des fabricants de sucre.

C'est là une erreur qu'on a reproduite plusieurs fois et qu'il importe de mettre à néant.

Quelle est la position actuelle des fabricants de sucre ? Ils sont pris en charge à 1,400 grammes, ils exportent leurs produits à 45 fr. Que fait la convention ? Elle les prend en charge à 1,500 grammes, elle réduit leur exportation.

(page 724) Eh bien, je demande si c'est là un bienfait énorme qu'on fait aux fabricants de sucre !

Quand une convention a pour but d'égaliser les situations, elle a mon approbation, mais la convention organisée comme elle l'est est la chose la plus fatale pour l'industrie des sucres indigènes.

J'arrive maintenant à la disposition en discussion, l'honorable M. de Brouckere nous dit : Si l'on peut me démontrer qu'il y aurait un danger à adopter cette disposition, je voterais contre. Mais le danger a été démontré. Le sucre que vous introduisez à 46.92 fr. au moyen d'une très simple manipulation on l'exportera à fr. 53.50, c'est-à-dire avec un bénéfice de fr. 6.50 par 100 kilogr. Et comme il y a de ce chef un déficit pour le trésor, ce seront les fabricants de sucre et les raffineurs qui devront payer ce bénéfice. Mais, nous dit encore M. de Brouckere, ce n'est qu'une faculté que le gouvernement demande ; si elle présente des inconvénients le gouvernement n'en usera pas.

Je répondrai à l'honorable M. de Brouckere que si la pression hollandaise a été assez forte pour faire modifier le projet, pour faire réduire le droit à l'entrée de 8 fr. 50, elle sera assez forte pour maintenir la situation que lui crée la loi. Je ne veux pas, moi, voter sous la pression hollandaise ; nous sommes une assemblée délibérante libre, nous n'avons à subir la pression d'aucune puissance et comme en définitive la disposition qui nous occupe n'aura pas d'autre résultat que d'amener une perte considérable pour le trésor et pour les fabricants et les raffineurs au profit de la Hollande, je crois qu'il serait très imprudent de l'introduire dans la loi.

(page 727) M. Baraµ. - Il m'est impossible de me joindre aux lamentations que l'honorable M. Dumortier, nous fait entendre depuis quinze jours au sujet de l'industrie sucrière. Je pense, avec l'honorable M. de Brouckere, que la loi actuelle et la convention qu'elle approuve ne feront pas de tort à cette industrie, et l'honorable M. Dumortier devrait en convenir lui-même.

M. Dumortier. - Vous devriez convenir du contraire. Demandez à vos commettants.

M. Baraµ. - Il est possible que mes commettants se soient adressés à M. Dumortier, nuis je déclare qu'ils se sont adressés également à moi et je prétends qu'ils n'ont pas condamné la convention que nous allons sanctionner et que, s'ils ont à se plaindre, ce n'est pas de la convention, mais de l'honorable M. Dumortier.

M. Dumortier. - Je demande la parole pour un fait personnel.

M. Baraµ. - Si l'on avait défendu la question des sucres comme vous l'avez fait ; si l'on avait soutenu que c'était le n°16 qui, en France, avait été adopté pour les calculs, que serait-il arrivé ? Mais, comme l'a dit M. le ministre des finances, vous auriez aggravé la position de nos fabriques.

M. Dumortier. - Pas du tout ! Vous ne comprenez pas un mot de la question.

MpVµ. - M. Dumortier, veuillez ne pas interrompre ; vous êtes inscrit.

M. Baraµ. - Je ne vous comprends pas, dites-vous ; mais vous faites-vous comprendre des autres sucriers ? Essayez donc de faire signer une déclaration qu'ils approuvent vos doctrines et spécialement l'exercice que vous réclamez ; essayez cela, et nous verrons.

Ceci dit pour vider ce petit incident, j'aborde le fond même de la question.

Messieurs, les sucres en poudre n'étaient auparavant admis qu au droit des raffinés. La Hollande a réclamé l'admission de ses sucres en poudre en payant le droit drs sucres bruts avec une augmentation de 2 p. c. de l'impôt., ...

L'honorable M. Carlier dit : Je repousse cet amendement, parce qu’il ne protège pas le travail national et qu'il facilite l'introduction en Belgique de sucres qui vont faire concurrence aux sucres belges. Ce premier argument, messieurs, je ne puis l'admettre. Partisan de la (page 728) liberté commerciale, je ne veux pas défendre par des mesures prohibitive le travail national ; c'est la plus détestable des thèses, car, au lieu de le protéger, on le tue en réalité. C'est à nos nationaux à lutter contre leurs concurrents étrangers, par l'activité, par la recherche de nouveaux moyens, par des perfectionnements. Je ne puis donc admettre cette argumentation de l'honorable député de Mons.

Mais l'honorable M. Carlier a présenté une autre observation à laquelle, selon moi, M. le ministre des finances n'a pas répondu d'une manière complètement satisfaisante. Il a dit ceci : Le sucre en poudre de Hollande peut être introduit en Belgique au droit de fr. 46 92. Eh bien, s'il sort, on peut, par un travail qui ne coûterait pas fr. 1-50, obtenir un drawback de fr. 53-50 : donc il y aura pour ce sucre hollandais introduit en poudre en Belgique une prime de six francs qui lui permettra d'aller faire une concurrence désastreuse et sur un pied d'inégalité à nos sucres sur les marchés anglais et français. C'est évidemment ce que je ne veux pas.

A cela M. le ministre des finances répond : C'est impossible ! C'est im possible, dit-il, parce que le sucre doit être pilé en entrepôt. Oui, mais on répond à M. le ministre des finances : Il suffira d'une petite opération qui ne coûtera pas fr. 1,50 pour faire payer pour du sucre belge, du sucre brut hollandais introduit en poudre. Je sais bien que, dans la pensée de M. le ministre des finances, le sucre hollandais ne peut être réexporté, qu'il doit rester en consommation dans le pays. Mais je lui demande s'il n'y a pas de moyen d'éluder cette disposition et si elle ne tournera pas contre nous-mêmes. Si M. le ministre des finances pouvait me donner l'assurance qu'aucune fraude ne pourra être commise, que ces sucres ne seront pas réexportés comme sucres raffinés avec un droit de sortie de fr. 53,50, je serais tout disposée voter l'amendement.

L'honorable M. de Brouckere nous disait : La fraude n'est pas possible, car aussitôt un déficit se manifestera dans la somme que doit produire l'impôt, immédiatement on retirera l'arrêté royal permettant l'importation des sucres en poudre. Mais je réponds à l'honorable M. de Brouckere : Ce déficit peut provenir d'autres causes que de la réexportation du droit de 53 fr. 50 c. de sucres étrangers introduits en Belgique. Ainsi, par exemple, si la fabrication dans le pays n'atteint pas un certain chiffre, il est bien évident qu'un déficit se manifestera dans le produit de l'impôt.

M. de Brouckereµ. - Eh bien, on retiiera l'arrêté.

M. Baraµ. - Le déficit peut provenir encore soit d'une mauvaise récolle, soit d'une diminution dans la consommation, etc. Ainsi, messieurs, d'après le moyen indiqué par M. le ministre des finances, vous n'avez pas la certitude si le déficit provient de l'introduction et de la réexportation de sucres étrangers ou de toute autre cause.

Qu'importe ! nous dit l'honorable M. de Brouckere, on retirera l’arrêté.

Oui, messieurs, mais quand le chiffre de six millions sera dépassé, et nous devons espérer que l'industrie sucrière prospérera tellement que bientôt nous arriverons à ce résultat, quand, dis-je, le chiffre de six millions sera dépassé, qu'arrivera-t-il ?

C'est qu'une prime de six francs sera accordée aux sucres hollandais qui iront sur les marchés anglais faire une concurrence aux nôtres et au détriment de nos industriels. Eh bien, c'est ce que je ne veux pas.

Si M. le ministre des finances m'assure qu'il a un moyen quelconque, moyen chimique ou de douane, d'empêcher que des sucres hollandais ne soient introduits en Belgique et réexportés au droit de fr. 35-50, je voterai l'amendement.

M. Dumortier (pour un fait personnel). - Il n'est guère d'usage dans un parlement de mettre en cause, surtout dans des questions d'intérêt matériel, des personnes d'une autre opinion ; et cela est insolite surtout quand l'agresseur et la personne attaquée défendent l'une et l'autre la même thèse.

Mais il y a dans la Chambre, paraît-il, des députés pour qui toute question est une question de parti (interruption), et à qui tout cri de douleur sorti de la poitrine d'un adversaire cause une sensation désagréable, alors surtout que cet adversaire remplit un rôle qu'ils n'ont pas pris eux-mêmes.

L'honorable M. Bara vient de prouver la justesse de cette observation. N'ayant point pris du tout la défense de l'industrie sucrière, si importante cependant dans le district de Tournai qu'il représente, il trouve fort mauvais qu'un député assis sur les bancs où je suis ait pris cette défense, et il va jusqu'à dire qui si les fabricants de sucre ont à se plaindre, ce n'est pas de la convention, mais c'est du député qui a pris la défense des intérêts de ces industriels.

Messieurs, les fabricants ont déjà répondu à cette étrange allégation. Je pourrais lui répondre bien plus longuement, je pourrais aller beaucoup plus loin et lui dire des choses très désagréables, blessantes même, mais comme il défend en ce moment la même thèse que moi, je lui donnerai l'exemple de la modération en me taisant complétement sur ce point.

M. Baraµ. - Messieurs, je ne crois pas avoir rien dit de désagréable à l'honorable M. Dumortier et, dans tous les cas, ce n'est pas moi qui ai provoqué cet incident. J'ai répondu aune insinuation très peu obligeante de l'honorable M. Dumortier. (Interruption de M. Dumortier.)

Je vous prie de me laisser vous répondre.

L'honorable M. Dumortier m'a dit : Demandez à vos commettants, » laissant entendre par là que je ne défendrais pas ici les intérêts de mes commettants. Et il a fait plus : il vient de dire que j'étais jaloux de ses lauriers, que j'étais jaloux qu'il eût défendu les intérêts des fabricants de sucre. Je crois, messieurs, les avoir aussi défendus, sans être entré pour cela par de longs discours dans tous les détails de la fabrication.

Il était tout naturel que l'honorable M. Dumortier les défendît plus que tout autre : et, pour ma part, je lui ai bien volontiers laissé prendre cette position : il est à la tête d'une importante fabrique de sucre et il est bien naturel dès lors qu'il ait la prétention de connaître la question mieux que moi.

Mais, dût l'honorable M. Dumortier me faire un reproche de ne point parler à tort et à travers, je déclare que je suis prêt à laisser à d'autres ce monopole et que je n'ai nulle prétention à ressembler à Pic de la Mirandole.

L'honorable membre a jugé convenable de mettre au service de la Chambre tous les trésors de son érudition de sucrier, soit. Mais qu'il ne s'en glorifie pas trop ; il me permettra de lui dire qu'il a paru à beaucoup de monde trop zélé dans la défense des fabricants de sucre et que ceux-ci sont loin de partager toutes ses idées.

L'honorable M. Dumortier a pu dire de bonnes choses ; mais il a dépassé le but, ce qui lui arrive presque toujours.

- L'incident est clos.

M. Delaetµ. - Je tâcherai, messieurs, de mettre dans la discussion d'une question de la nature de celle qui nous occupe un peu moins d'amertume que les deux honorables orateurs qui viennent de se rasseoir.

Il y a ici deux questions de fait, et si l'honorable M. de Brouckere m'avait permis de l'interrompre un moment, j'aurais pu renoncer à prendre encore la parole.

J'ai dit, et d'autres orateurs l'ont dit avant et après moi, que les types 19 et 20 des sucres de Java peuvent être très facilement et très économiquement réduits au type du sucre en poudre anglais.

Je reconnais que la convention est bonne ; et si le projet de loi que le gouvernement nous a soumis avait été l'application pure et simple de la convention, je crois qu'on aurait pu la voter dans cette Chambre sans débat aucun.

Seulement, il y a à cette convention deux modifications qui lui ôtent beaucoup de sa valeur.

L'une, c'est le minimum, dont nous aurons à vous entretenir aux articles 5 et 6 ; l'autre, c'est la disposition additionnelle que la diplomatie hollandaise est parvenue à engager le gouvernement belge à introduire dans la loi.

J'ai demandé à M. le ministre des finances, comme vient de le lui demander l'honorable M. Bara, par quel moyen il empêchera le type n°20 Java d'être réduit au type des sucres en poudre anglais. Quant à moi, je n'en connais pas ; je ne crois pas que jusqu'ici quelqu'un en connaisse un.

Ces sucres, qu'ils entrent dans la consommation au droit minime de fr. 46-92 pour faite concurrence aux sucres produits en Belgique et qui auraient acquitté un droit de fr. 53-50 ; ou qu'ils soient exportés, ces sucres, dis-je, contribueront à établir un déficit. Le déficit existant, ce ne sera pas sur la cause réelle du masquant que le gouvernement pourra fa're peser la réduction du drawback, ou l'augmentation du rendement ; ce sera sur les sucres belges qui n'auront été absolument pour rien dans le manquant.

L’honorable M. de Brouckere dit : « Rien n'est plus facile ; quand on verra (et notez qu'on ne peut pas le voir), quand on verra que l'introduction des types 19 et 20 met le trésor en déficit, le gouvernement auquel nous n'accordons qu'une simple faculté, se hâtera de retirer cet avantage. » J'ai fait observer qu'on ne saura pas si le déficit est le produit des excédants de la betterave ou du raffinage, ou s'il a pour cause une exportation pour ainsi dire interlope du type n°20.

Mais en supposant même que le gouvernement parvienne à constater l'abus, retirera-t-il la disposition ? Notez que c'est un amendement diplomatique et que le gouvernement hollandais va se servir de cette concession que le gouvernement aurait consenti à lui faire, pour déterminer le parlement hollandais à accepter la convention. La bonne foi de la (page 729) Belgique est donc engagée, et si nous contribuons à faire passer la convention devant le parlement hollandais, grâce à la faveur consacrée par notre loi, nous sera-t-il possible, nous sera-t-il permis de supprimer cette faveur après un ou deux ans ? Ce serait, je le répète, une question de bonne foi ; et la bonne foi de la Belgique m'est encore plus précieuse que l'intérêt de son trésor.

Quelle que soit l'autorité de la parole de l'honorable M. de Brouckere dans la question des sucres, il n'est pas parvenu à me convaincre, il n'a même détruit aucune des objections faites à l'amendement.

(page 724) MfFOµ. - Messieurs, je ne sais si c'est moi qui ne comprends pas la question, ou si ce sont mes honorables contradicteurs ; mais j'avoue que l'affaire me paraît d'une extrême simplicité et que je ne suis parvenu à comprendre aucune de leurs objections.

Après le dépôt du projet de loi, pendant que la question était à l'examen de la section centrale, j ai adressé à celle-ci divers amendements. Parmi ces amendements se trouve celui que nous discutons en ce moment.

A la page 12 du rapport, on lit :

« M. le ministre des finances, en nous envoyant les réponses ci-dessus sous la date du 4 février 1865, nous a fait parvenir en même temps trois amendements, accompagnés d'une lettre explicative que nous insérons à la suite de ce rapport, sous l'annexe n°3. »

L'honorable M. Delaet n'avait pas lu cette parue du rapport, ni l'annexe ; sans cela il aurait vu les motifs qui étaient donnés en faveur de cet amendement. Il ne paraît pas même avoir lu la pièce depuis qu'elle a été signalée à son attention ; il fait de l'amendement l'objet d'une convention diplomatique.

M. Delaetµ. - Je n'ai pas dit cela.

MfFOµ. - Vous venez de le dire.

M. Delaetµ. - J'ai parié d'une action diplomatique. Vous le dites vous-même. Lisez !

MfFOµ. - Vous devriez vous-même commencer par lire les pièces, avant d'émettre de semblables assertions.

J'ai dit à la section centrale :

« Le gouvernement des Pays-Bas attache une certaine importance (entendez-vous, M. Delaet ? une certaine importance, sans plus) à ce que les sucres des n°19 et 20, assimilés par l'article 3 du projet de loi aux sucres raffinés, puissent être admis à l'importation comme sucres bruts, mais pour la consommation seulement. Cela a peu d'importance pour la Belgique, mais dans le but de maintenir, autant que possible, l'égalité entre les deux pays, il est bon que le gouvernement soit autorisé à ne taxer les sucres au-dessus du n°18 jusqu'au n°20 inclusivement, que d'après la base qui sera adoptée dans les Pays-Bas. »

Voilà ce qui se trouve dans le rapport, et c'est pour cela que j'ai demande simplement une faculté, celle d'admettre les suces supérieurs aux n°18 et 20 comme sucres bruts, avec une surtaxe au minimum indiqué dans l'amendement, quel inconvénient cette disposition peut-elle présenter ? Sur le marché intérieur nous pourrons avoir les n°18 à 20 exotiques avec une surtaxe sur les n°15 à 18. (Interruption.)

Comment ? Il n'y a pas de surtaxe ! Mais cela est incontestable. (Nouvelle interruption.)

Lisons l'amendement :

« Paragraphe 5. Les sucres du n°18 exclusivement au n020 inclusivement peuvent être admis, par arrêté royal, à un droit d'entrée supérieur de 2 p. c. au moins au montant du droit d'accise sur les sucres des n°15 à 18. »

Quoi qu'il en soit, mettons-nous dans l'hypothèse de l'honorable M. de Naeyer qui m'a interrompu ; s'il n'y avait pas même de surtaxe, je me demande comment un libre-échangiste comme l'honorable M. de Naeyer pourrait se plaindre de voir admettre le sucre exotique à faire concurrence au sucre indigènes sur le marché belge.

M. de Naeyer. - Avec prime.

MfFOµ. - Mais non, pas avec prime. Nous n'en sommes pas à l'exportation ; nous allons y venir. Il s'agit de l'importation.

M. de Naeyer. - Voulez-vous me permettre une observation, puisque vous mettez en jeu mes opinions économiques ?

MfFOµ. - C'est parce que vous m'avez interrompu.

M. de Naeyer. - Je demanderai seulement si le sucre belge peut être produit aux n°19 et 20, sans payer plus de 45 francs et même plus de 46 fr. 50 c.

MfFOµ. - L'impôt est de 45 francs...

M. de Naeyer. - C'est le sucre brut qui paye 45 francs en prenant pour moyenne le n°12.

MfFOµ. - Tous les sucres produits des n°7 à 18 sont ramenés au n°12.

M. de Naeyer. - Alors vous direz que les n°7 et 8 payent aussi 45 francs. C'est là une moyenne. Mais si vous ramenez les sucres aux n°19 et 20, i s seront en réalité soumis à des droits plus élevés.

MfFOµ. - Toute la production en sucre de diverses qualités des n°7 à 18, paye un droit unique de 45 fr.

M. de Naeyer. - Mais si vous ne produisiez que des n°19 à 20, ces numéros payeraient beaucoup plus cher.

MfFOµ. - Mais une fabrication ne se compose pas de cette production unique ; il est impossible qu'elle donne un produit uniforme. Votre argument manque de base en fait.

M. de Naeyer. - Pas du tout.

MfFOµ. - Quoi qu'il en soit, c'est une nouvelle complication que vous introduisez dans la discussion. Il ne s'agit pas de cela ici. Des sucres des n°19 et 20 sont introduits sur le marché intérieur à la condition de payer une surtaxe, comme cela est indiqué dans l'amendement. A ce point de vue il n'y a pas d'inconvénient. Les consommateurs pourront retirer quelque bénéfice de la disposition. Voilà le premier caractère de l'amendement.

Que dit-on maintenant ? On prétend que la disposition présente un danger. Le sucre qui est ainsi introduit pourra être exporté avec une décharge de 53 fr. 50, tandis qu'il n'aura payé à l'entrée qu'un droit de 40 fr. 92.

M. de Brouckereµ. - Moyennant une opération.

MfFOµ. - Moyennant une opération. Mais a-t-on tenu compte de l'article 9 de la convention ? A-t-on bien compris les explications qus j'ai données tantôt ? On ne peut pas exporter de Belgique des sucres en poudre avec la décharge de l'accise, à moins que ce sucre n'ait été pilé en entrepôt. Il ne peut donc être question des sucres dont nous nous occupons en ce moment. Ils n'auront pas été pilés en entrepôt ; ils ne seront donc pas admis à l'exportation.

Mais l'article 9 de la convention permet d'exporter des sucres dits poudres blanches sous certains conditions déterminées. C'est ici que naît l'objection. On dit : Ces sucres n°18 a 20, qui auront été introduits à 40 fr. 92 c, seront exportés comme poudres blanches en vertu de l'article 9 de la convention.

Est-ce là l'objection ? Ai-je bien saisi ?

M. Delaetµ. - Très bien.

MfFOµ. - Eh bien, je dis que cela est impossible, parce que l'article 9 exige, pour que cette exportation puisse avoir lieu, deux conditions formelles : la première, c'est qu'il y ait eu assimilation, quant à la perception de l’impôt de consommation ou des droits d'entrée, aux sucres raffinés. Aura-t-on imposé les sucres dont nous nous occupons au droit que payent les sucres raffinés ? Non ; par conséquent cette première condition de l'article 9 n'existe pas.

Il en est une seconde que j’ai signalée : c’est que le sucre dont il est (page 725) question, soit du n°20 hollandais, ne peut être confondu avec les sucres dont il est question à l’article 9. Ceux-ci doivent être parfaitement épurés et séchés, et conformes à l'échantillon-type établi par la législation actuelle de la Grande-Bretagne, lequel type deviendra obligatoire pour ceux des pays contractants qui voudraient user de la faculté prévue par ledit article 10. Et je dis qu'ici la confusion n'est pas possible.

On dit encore : Mais par une opération très simple, très facile, peu coûteuse, on peut amener le sucre n°20 hollandais au type anglais. Je réponds que ce n'est pas la seule condition, qu'il faut celle de l'impôt au taux des raffinés. Cela est écrit dans l'article 9 de la convention et manifestement je pourrais m'opposer, dans cette hypothèse, à l'admission de ces sucres à l'exportation.

M. Dumortier. - S'il est travaillé, comment saurez-vous s'il est entré ?

MfFOµ. - Mais si cette opération est si facile pour le n°20 hollandais qu'on aura introduit, on pourrait faire subir cette opération si peu coûteuse que vous indiquez au sucre brut indigène, pour obtenir la même décharge. Si l'on avait cet intérêt si grand que vous signalez on ferait la même opération à l'égard des sucres indigènes, pour obtenir le même résultat.

M. Dumortier. - Les sucres indigènes sont soumis à 1,500 grammes de prise en charge. Ceux qui feraient cette opération n'obtiendraient pas 1,200 grammes.

MfFOµ. - Allons-nous discuter encore une fois la prise en charge ? Cette question est vidée Mais je demande comment il est possible d'avoir à redouter ici les abus dont on parle ? Je ne le comprends pas.

J'ai ajouté enfin, messieurs, que c'était une simple faculté donnée au gouvernement ; que si le moindre inconvénient était constaté dans l'application de la disposition, on n'en ferait pas usage. Et pourquoi n'en ferait-on pas usage ? On vient de vous le dire. C'est principalement l'intérét du trésor qui est engagé. Eh bien, le trésor saura prendre des mesures pour sauvegarder ses intérêts.

M. Delaetµ. - Voulez-vous renoncer au minimum ?

MfFOµ. - Evidemment non.

Je ne comprends donc pas les objections qui ont été faites, et je puis affirmer à la Chambre que cette disposition ne présente pas le moindre inconvénient au point de vue du trésor ; elle peut voter en toute sécurité cette disposition qui est inoffensive pour le trésor et qui présente un certain intérêt au point de vue de la convention.

(page 729) M. Delaetµ. - La Chambre a dû remarquer que je ne fais pas de très longs discours. Je tâcherai d'être plus bref encore que je ne l'ai été jusqu'ici. La question est tellement simple que je n'ai nul besoin d'envelopper de phrases plus ou moins obscures et de colorer par des assurances plus ou moins vagues les arguments que j'ai à faire valoir.

M. le ministre des finances nous donne l'assurance qu'il n'y a pas de danger à l'adoption de l'amendement que nous discutons ; mais il ne dit pas comment il s'y prendra pour reconnaître si en réalité le déficit, qui n'intéresse pas seulement le trésor mais aussi l'industrie que vous l'astreignez à payer le déficit, si en réalité, dis-je, le déficit doit être attribué à cette faveur. Il dit qu'il en saura reconnaître la cause, mais il ne dit pas comment il compte s'y prendre pour cela. S'il me demandait conseil, j'avoue que je resterais court. Je connais bien le moyen d'organiser la fraude, et ce moyen je l'ai indiqué, mais je ne connais pas celui d'empêcher la fraude.

Or, il est indubitable, messieurs, que par cette fraude il sera créé un déficit.

M. le ministre des finances nous dit qu'il n'y a pas eu d'action diplomatique. J'avais deviné tout à l'heure que la proposition de la section centrale avait une origine hollandaise ; M. le ministre des finances a pourtant poussé bien plus loin que moi la faculté de divination. Il vient nous dire qu'il n'y a pas eu d'action diplomatique ; il a donc deviné, lui aussi, les vœux du gouvernement hollandais.

Mais si ce gouvernement ne s'est pas donné la peine d'instruire le gouvernement belge de ses vœux à cet égard, pourquoi devrions-nous courir un danger dans le but de satisfaire à ces vœux secrets ?

M. le ministre des finances s'appuie sur les deux types qu'il nous a montrés et qui ne sont pas des types officiels. J'ai devant moi un plus bel échantillon du n°20, et si je pouvais en ce moment écrire à Anvers et recevoir instantanément une réponse, je vous soumettrais un échantillon égal au type anglais. Lorsque le sucre dont il s'agit est arrivé à Anvers, par le navire « Ava », pour compte de MM. Meeus frères, la douane n'a pas voulu l'admettre au droit du sucre brut ; elle a prétendu que c'était du sucre raffiné. L'affaire a été renvoyée au département des finances, et il a fallu produire les certificats d'origine pour prouver que c'était du sucre brut et non pas du sucre raffiné.

Je ne vous engagerai jamais, messieurs, à protéger l'industrie nationale ; je ne veux pas de protection pour cette industrie ; mais je n'entends pas non plus être libre échangiste au-delà du pair, je ne veux pas faire manger à nos consommateurs des produits étrangers pour lesquels ou l'industrie ou le trésor belges auraient payé une prime d'importation.

C'est là pourtant ce qui arriverait. Les sucres n°19 et 20 viendraient faire concurrence aux nôtres sur le marché intérieur et ne payeraient que le droit de 46-92, tandis que nos sucres auraient payé fr. 53-50. Ce système est insoutenable. Il l'est d'autant plus que la Hollande, à ce qu'on nous dit, n'a pas insisté auprès de M. le ministre des finances pour le faire admettre.

M. le ministre m'oppose la faculté qu'il se réserve d'accorder et de retirer la faveur si la fraude était constatée. Je comprends que l'on consentît à attacher quelque valeur à cette réserve si dorénavant, après l'acceptation de la convention, on ne pouvait exporter que du sucre en pain ou du sucre pilé en entrepôt. Mais en présence de l'article 9 de la convention, cette réserve tombe ; elle est tout à fait illusoire, et ce qui le prouve, c'est que je demande vainement à M. le ministre des finances de nous dire comment il découvrira qu'on exporte ce sucre ? Comment il découvrira que le déficit est produit par cette exportation ? La marchandise entre comme sucre brut, elle est dans le pays, elle est partout, comment allez-vous la suivre ?

Je comprends que s'il fallait exporter identiquement le même sucre qu'on a importé, la fraude pourrait être évitée ; mais il n'en est pas ainsi ; on l'importe comme brut et on l'exporte comme sucre raffiné, à l'aide d'une opération des plus simples et des plus économiques. Je demande en vain à M. le ministre des finances comment il s'y prendra pour découvrir la fraude. Nous n'avons à cet égard qu'une assurance ministérielle, et dans une matière si grave, je désirerais quelque chose de mieux.

MfFOµ. - Lisez l'article 9, il vous condamne.

M. Delaetµ. - « Les sucres dits poudres blanches, rendus, par un procédé quelconque, égaux en qualité aux sucres mélis, recevront à l'exportation le même drawback etc. »

MfFOµ. - « A la condition 1° d'être assimilés, quant à la perception de l'impôt de consommation ou des droits d'entrée, aux sucres raffinés ; 2° d'être parfaitement épurés et séchés, et conformes à l'échantillon-type établi par la législation actuelle de la Grande-Bretagne, etc. »

M. Delaetµ. - « D'être assimilés quant à la perception de l'impôt quand ils entrent comme sucres raffinés. »

Or, on les fera entrer comme sucres bruts et on les exportera comme sucres raffinés.

Vous n'avez pas étudié les deux articles combinés, vous ne les avez pas mis en relation l'un avec l'autre ; vous les avez isolés sans vous apercevoir du rapport intime où ils se trouvent et aujourd'hui qu'on les rapproche, vous voyez que l'un détruit virtuellement l'autre et que votre amendement, mal étudié par vous, implique un très grand danger. Si, entre le n°20, importé et le n°20 exporté, on laissait subsister une parfaite identité d'aspect, si ce type sortait purement et simplement comme type 20, vous auriez raison ; ; mais je vous ai indiqué le procédé au moyen duquel on les masquera facilement et complètement. Il suffira de taper ce sucre.

Par cette opération il devient plus compact, et le n°20 prend l'aspect du type anglais. Comment empêcherez-vous cela ? Un mot encore, messieurs, et je finis.

On nous demande sous forme de faculté pour le gouvernement ce qu'il ne pourra plus retirer une fois que la convention aura été acceptée par nos voisins sous le bénéfice de cette mesure. Dès lors, je vous l'ai dit, la loyauté belge sera en cause, et je crois que, tous, nous tenons à garder intacte notre réputation de loyauté nationale.

Je crois, messieurs, que s'il n'y a pas eu de pression diplomatique, s'il s'agit d'une simple politesse et non pas d'une condition sine qua non, la Chambre entière, en présence des dangers que je vous ai signalés, doit voter contre l'amendement.

MfFOµ. - Vos dangers sont imaginaires.

M. Delaetµ. - Prouvez-le. Vous ne savez pas nous dire comment vous reconnaîtrez la fraude. Voilà votre faiblesse. Vous affirmez, moi je démontre, et votre affirmation ne suffit pas, car personne n'est à l'abri d'illusions et d'erreurs.

(page 725) M. de Theuxµ. - L'argument principal de l'honorable député de Mons à l'appui de l'amendement, c'est que le gouvernement n'a aucun intérêt à abuser de la disposition. Cet argument n'est point suffisant au moins dans la circonstance actuelle ; les lois sont faites pour lier les gouvernements aussi bien que les particuliers.

Je conviens cependant que dans certaines circonstances on peut les rendre facultatives pour le gouvernement, mais c'est lorsqu'il y a pour cette application facultative un motif d'utilité de premier ordre, qui dépasse de beaucoup l'utilité d'une disposition positive à laquelle le gouvernement ne pourrait point déroger.

Or, messieurs, ici c'est précisément la situation contraire qui existe.

Quel est l'intérêt qu'on invoque en faveur de la faculté que demande le gouvernement ? On vous l'a dit : il ne s'agit que de deux ou trois établissements.

Mais quel est l'intérêt qu'on peut alléguer contre la disposition ? C'est celui de presque tous les raffineurs et fabricants de sucre indigènes.

Que, le gouvernement ayant la faculté de retirer son autorisation, ait intérêt à le faire en bonne justice pour ne pas nuire aux intérêts du trésor ni à ceux de l'industrie engagée, je le conçois, mais ce n'est pas toujours là un motif suffisant pour lui accorder une semblable faculté.

Les hommes et les gouvernements sont sujets à erreur, et il se peut que M. le ministre des finances ayant une opinion arrêtée et erronée, fasse l'application de la mesure contre l'intérêt général du pays et contre le vœu des Chambres.

D'après ces considérations je pense, messieurs, qu'il n'y a point de motifs suffisants d'adopter la proposition qui vous est faite et qui peu présenter des dangers pour l'industrie en général, pour les raffineurs et les fabricants de sucre, non seulement à raison du minimum, mais qui peut aussi présenter des inconvénients pour le trésor, car alors même qu'il n'y aurait pas de minimum, il y aura toujours un intérêt national à ce que les recettes du trésor soient le plus considérables possible lorsque les droits seront fixés dans de justes limites.

(page 729) M. Carlier. - Messieurs, l'honorable ministre des finances et mon honorable ami M. Bara m'ont fait un reproche auquel je dois répondre.

M. le ministre des finances m'a reproché d'avoir défendu beaucoup plus les intérêts des fabricants de sucre que les intérêts du trésor, alors que je faisais remarquer qu'une détaxe trop considérable pourrait être accordée aux n°19 et 20 qui seraient introduits à la faveur de l'amendement proposé par la section centrale. Je dois faire remarquer, messieurs, que dans le discours très remarquable qu'a prononcé l'honorable ministre des finances, il a exprimé l'assurance la plus complète que le minimum serait atteint.

Dès lors, messieurs, dans la pensée de mon honorable adversaire, il est clair que toute détaxe trop considérable viendrait nuire au trésor et ne nuirait pas aux fabricants de sucre.

Mon honorable collègue M. Bara m'a reproché d'être dans cette question un protectionniste réclamant, en faveur des fabricants de sucre, toutes les mesures que la prohibition mettrait à la disposition de ses partisans.

C'est une erreur, messieurs. Lorsque j'ai dit que l'admission des sucres n°19 et 20 aux conditions dont il s'agit pourrait être nuisible à nos fabricants de sucre, j'ai eu en vue cette considération que le rendement de 1,500 grammes est en relation avec le type n°10 ou 12, mais que les sucres de qualités élevées, comme les types n°19 et 20, ne s'obtiennent qu'au détriment de la quantité et qu'ainsi il faudrait que nos fabricants employasse beaucoup plus de matières premières pour produire ces types (page 730) types élevés que pour produire des n°12 ou 14 et relativement au droit cela peut leur coûter plus que fr. 46,92.

Ce n'était donc point dans une pensée protectionniste, mais dans un esprit tout à fait opposé que j'ai manifesté tantôt de l'opposition contre la disposition additionnelle proposée par la section centrale.

Je dois dire à cet égard que j'ai entendu avec plus de faveur que les honorables orateurs de la droite les explications qui ont été données par l'honorable ministre des finances et par l'honorable M. de Brouckere.

Cette proposition présenterait beaucoup moins de dangers et n'en présenterait même plus du tout si le gouvernement voulait bien nous promettre de prendre, pour constater et empêcher la fraude, des mesures qui semblent très faciles aujourd'hui et qui doivent, selon moi, écarter le danger si pas en entier du moins en partie.

A l'heure qu'il est et je me sers ici des indications du gouvernement, l'introduction des types n°19 et 20 est très peu considérable.

Dorénavant, ces sucres, s'ils entrent à la faveur d'un arrêté royal pris en vertu du paragraphe 5 de l'article 3 2°ne payeront non pas le droit ordinaire de 45 fr. mais un droit de 46-92.

Il est dès lors extrêmement facile de les différencier et les agents fiscaux pourront très facilement renseigner le gouvernement sur ce point desavoir si l'introduction de ces sucres s'accroît dans une mesure anomale ou si elle reste dans les limites observées aujourd'hui.

Eh bien, je demande au gouvernement s'il est disposé à donner aux agents fiscaux des instructions dans ce sens.

S'il est constaté que l'introduction de ces sucres ne s'accroît pas, le gouvernement n'aura pas de mesures à prendre.

Dans le cas contraire, il cessera de prendre les arrêtés royaux qu'il est autorisé à prendre en vertu de l'amendement présenté par la section centrale.

Je crois que le gouvernement ne verra aucune difficulté à nous faire cette promesse, et s'il en est ainsi, je voterai l'article avec l'amendement de la section centrale.

Je demanderai à dire un dernier mot.

L'amendement présenté est ainsi conçu -

« § 5. Les sucres du n°18 exclusivement au n°20 inclusivement peuvent être admis, par arrêté royal, à un droit d'entrée supérieur de 2 p. c. au moins au montant du droit d'accise sur les sucres des n°15 à 18. »

Je ferai remarquer que cette disposition peut, surtout lorsqu'il s'agit de négociations diplomatiques entre deux pays, présenter une certaine ambiguïté et donner matière à des difficultés.

Je voudrais dire :

« Les sucres du n°18 exclusivement au n°20 inclusivement peuvent, si le gouvernement belge le juge convenable, être admis, etc., » le reste comme au projet.

De la sorte la faculté sera laissée complètement au gré du gouvernement belge, les gouvernements voisins ne pourraient lui faire en grief s'il était dans la nécessité de ne plus accorder la faveur prévue par la convention, et tout danger disparaîtrait.

Cette déclaration, je la fais non seulement en mon nom, mais au nom de mes honorables amis MM. de Brouckere et Bara.

(page 725) MfFOµ. - Messieurs, je ne pense pas qu'il y lieu d'accueillir la dernière observation faite par l'honorable préopinant. Il va de soi que le gouvernement belge seul aura le droit de déterminer si les sucres dont il est question peuvent ou ne peuvent pas être admis à l'importation comme sucres bruts avec une augmentation de droit.

Je ne voudrais pas que l'on pût supposer que le texte qui vous est soumis confère un droit quelconque à un gouvernement étranger.

D'ailleurs, en adressant la proposition à la section centrale, j'ai moi-même exprimé l'idée de l'honorable membre, qu'il est bon que le gouvernement soit autorisé à ne taxer les sucres au-dessus du n°18, que d'après la base qui sera adoptée dans les Pays-Bas.

C'est donc un droit pour le gouvernement belge seulement, et rien au-delà. Il n'y a d'engagement vis-à-vis de personne.

Quant au premier point, je suis d'accord avec l'honorable membre. Je ne conçois pas que la disposition puisse donner lieu à la fraude ; mais il suffit que l'on ait manifesté des appréhensions à cet égard pour que le gouvernement prenne toutes les mesures nécessaires pour empêcher le succès de toute fraude possible, quels que soient les moyens qui viendraient à être employés, le gouvernement aura toujours la possibilité de les déjouer. Toutes les précautions seront prises pour assurer l’application sincère et loyale de la disposition que nous avons présentée.

- La discussion est close.

MpVµ. - Comme il y a dans cet article des paragraphes contestés, je proposerai la division.

MfFOµ. - L'amendement de M. Dumortier n'a pas été discuté....

MpVµ. - C'est pour cela que je propose à la Chambre de voter par division.

« Art. 3. § 1. Les droits d'entrée sur les sucres, les sirops et les mélasses sont fixés comme il suit :

« Sucres raffinés (les 100 kilogrammes) :

« Candis : fr. 59.

« En pains : fr. 55 50.

« Sucres bruts (les 100 kilogrammes) :

« Au-dessus du n°18 : fr. 55 50

« n°18 et au-dessous : fr. 1 20.

« Mélasses incristallisables provenant de la fabrication ou du raffinage du sucre, et contenant moins de 50 p. c. de richesse saccharine (les 100 kilogrammes) : fr. 15. »

- Adopté.

« § 2. Les mélasses contenant 50 p. c, ou plus, de richesse saccharine et les sirops de fabrication contenant du sucre cristallisable, sont assimilés aux sucres bruts pour les droits d'accise et de douane. »

- Adopté.

« § 3. Le gouvernement pourra ramener les droits à l'importation des sucres raffinés au taux des drawbacks fixés pour les mêmes sucres par l'article 4, dès que ces droits auront été établis d'après la même base dans les Pays-Bas. »

- Adopté.

« § 4. Le gouvernement est en outre autorisé à supprimer le droit d'entrée de 1 fr. 20 c, sur les sucres bruts, lorsque la surtaxe de 2 francs, imposée à l'entrée des sucres de betterave en France, sera supprimée. La décharge à l'exportation sera modifiée en même temps, de manière à maintenir entre l'accise et le drawback le rapport qui existe aujourd'hui entre les droits d’accise et de douane et le drawback. »

MpVµ. - C'est à ce paragraphe que se rattache l'amendement de M. Dumortier, qui consiste à dire, après les mots « sucres bruts », « français de betterave ».

MfFOµ. - La disposition qui vous est proposée a pour but d'autoriser le gouvernement à supprimer le droit de 1 fr. 20 c. sur les sucres bruts, lorsque la surtaxe de 2 francs imposée à l'entrée des sucres de betterave en France sera abolie.

L'honorable M. Dumortier demande que le droit ne soit supprimé en Belgique qu'en faveur des sucres français, et à titre de simple réciprocité. Mais nous aurions de la sorte des droits différents, selon que les sucres viendraient directement de France ou qu'ils viendraient par Anvers. Ceci est contraire aux principes de notre législation ; c'est, comme (page 726) je l'ai dit, un droit différentiel que voudrait établir l’honorable membre selon la provenance des sucres.

Or, je ne pense pas que la Chambre soit disposée à rentrer dans ce vieux système qu'elle a renversé. Nos traités, d'ailleurs, s'y opposent. Du moment que la surtaxe dont nos sucres sont grevés en France viendra à disparaître il n'y aura pas de raison de maintenir le droit de fr. 1 20 que nous percevons actuellement et la suppression profitera à tout le monde.

M. Dumortier. - Il n'y a dans l'amendement que j'ai présenté rien qui ressemble à un droit différentiel. Vous ne m'opposez que des mots.

Qu'est-ce que des droits différentiels ? Qu'est-ce qu'une convention internationale ? Dans vos traités vous avez partout des droits différentiels. Quand vous traitez avec l'Angleterre, la Hollande, un pays quelconque vous faites des droits différentiels : votre tarif n'est cousu que de droits différentiels. Mais sont ce bien des droits différentiels ? Non ce sont des droits différents, ce qui est tout différent. (Interruption.)

Les droits différentiels sont des droits de provenance, des droits de pavillon, de droits de navigation encore, mais il n'y a rien de semblable dans mon amendement.

Quelle est la situation ? Il existe en Belgique un droit de fr. 1.20 sur l'entrée de tous les sucres ; la France, de son côté, a un droit de 2 fr. sur l'entrée des sucres exotiques de betterave. Il est question de faire une convention avec la France pour supprimer ce droit de part et d'autre. Cette convention, je l'accepte de grand cœur ; mais est-ce un motif pour étendre les bienfaits de la convention aux puissances qui ne nous rendent rien ? Quand vous avez fait votre traité avec la France et que vous avez réduit en sa faveur des droits d'entrée sur tels et tels articles ; les avez-vous par cela même réduits pour toutes les autres puissances ?

Jamais vous n'avez donné des avantages qu'à titre de réciprocité. Eh bien, je demande pourquoi nous agirions différemment en cette circonstance. Au lieu que le système que je veux introduire soit un système nouveau, c'est celui de M. le ministre qui est nouveau. Son système n'est même mis en pratique nulle part dans nos lois.

Les sucres étrangers qui viendront en Belgique seront donc déchargés du droit de fr. 1.20 et remarquez-le bien, le droit de fr. 1.20 par 100 kilogrammes équivaut à peine...

MfFOµ. - Vieille histoire !

M. Dumortier. - Comment ? vieille histoire ; mais il n'y a aucun de vos traités qui proclame le libre-échange absolu, il n'y en a pas un seul où l'on n'ait introduit ce que vous appelez le droit de balance. Est-ce que l'honorable M. Jacquemyns consentirait à laisser entrer les fils de lin et les cotons français sans aucun droit ? Personne n'y consentirait. Qu'avez-vous fait pour l'industrie gantoise ? Vous avez établi un droit et un droit très élevé sur les produits de l'industrie étrangère.

MfFOµ. - Nous voulons traiter tout le monde de la même façon.

M. Dumortier. - Tous les calculs que vous avez faits reposent sur la moitié du droit, et maintenant vous supprimeriez la base de vos calculs ! Ce serait vous mettre en contradiction avec vous-même. Quand vous avez traité avec la Prusse, vous avez réduit les droits de moitié. D'ailleurs, je le demande, existe-t-il en Belgique une industrie dans laquelle vous ayez la liberté pleine, entière, absolue, sans droit aucun pour lutter contre l'étranger ?

Cela n'existe dans aucune de nos industries. Faites-le si vous le voulez, mais faites-le pour toutes et ne frappez pas une seule industrie. N'ayez pas deux poids et deux mesures.

Il me semble donc qu'il n'y a aucun motif, quand une fois la France aura supprimé son droit de douane, pour qu'on supprime ici ce petit droit de 1 fr. 20 c, qui existe à l'égard des sucres qui nous viennent par la France.

MaeRµ. - Cela n'est pas possible.

M. Dumortier. - Mais si ; c'est un contrat de « ut des ».

MaeRµ. - Tous nos traités s'y opposent.

M. Dumortier. - Vos traités s'y opposent si peu, que si la France ne consent pas à réduire votre droit, il continuera de subsister.

MfFOµ. - Oui, mais pour tout le monde ; toute la question est là.

- La discussion est close.

L'amendement de M. Dumortier est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

Le paragraphe non amendé est mis aux voix et adopté.

MpVµ. - Je mets aux voix le paragraphe 5.

M. Delaetµ. - Je désire ajouter un mot au sujet d'un fait nouveau révélé par le discours de l'honorable M. Carlier.

- Plusieurs membres. - La discussion est close.

M. Delaetµ. - Je désire compléter la question posée par l'honorable M. Carlier. (Interruption.)

Messieurs, j'accomplis un devoir. (Nouvelle interruption.)

- Quelques membres. - Parlez !

M. Delaetµ. - La question posée par l'honorable M. Cartier n'est, à mon sens, pas assez complète.

M. Mullerµ. - Mais, M. le président, la discussion a été déclarée close.

MpVµ. - Plusieurs membres ont manifesté le désir d'entendre M. Delaet.

M. Delaetµ. - La discussion a été close sur l'article, mais non sur le paragraphe. (Si ! si !)

Je désire savoir si M. le ministre des finances va limiter l'importation. Ainsi la quantité importée en 1864 est connue ; ce serait un moyen de prévenir une fraude qui profiterait à Anvers.

M. Baraµ. - C'est de la liberté cela ?

M. Delaetµ. - Non. L'amendement concerne un droit spécial ; c'est une faveur.

Eh bien, je demande à M. le ministre des finances s'il consent à limiter cette faveur à une quantité déterminée. Si M. le ministre des finances consent à arrêter l'importation du moment que l'importation de 1864 par exemple aura été quadruplée, je crois que nous pourrons voter l'amendement.

MfFOµ. - Eh bien, je vous déclare que je n'y consens pas.

M. Delaetµ. - C'est votre droit, comme le nôtre est de voter contre un système que nous croyons mauvais.

MpVµ. - La discussion est close.

- Plusieurs membres. - L'appel nominal sur le paragraphe 5.

95 membres y prennent part.

62 ont répondu oui.

35 ont répondu non.

En conséquence le paragraphe est adopté.

Ont répondu oui : MM. M. Jouret, Lange, Lebeau, Le Hardy de Beaulieu, Lesoinne, Lippens. Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Orban, Orts, Pirmez, Rogier, Tack, Tesch, Thienpont, T'Serstevens, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Nieuwenhuyse, Vermeire, Vilain XIIII, Warocqué, Allard, Ansiau, Bara, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Bricoult, Carlier, Couvreur, Crombez, de Baillet-Latour, de Bast, de Brouckere, de Decker, de Florisone, De Fré, de Kerchove, de Macar, de Moor, de Terbecq, de Vrière, Devroede, Dewandre, Dupont, Elias, Frère-Orban, Funck, Giroul, Goblet, Grosfils, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret et Ernest Vandenpeereboom.

Ont répondu non : MM. Landeloos, Magherman, Notelteirs, Nothomb, Reynaert, Royer de Behr, Thonissen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Overloop, Van Renynghe, Beeckman, Coomans, de Borchgrave, de Conninck, de Haerne, Delaet, Delcour, de Liedekerke, de Mérode, de Muelenaere, de Naeyer, de Ruddere de te Lokeren, de Smedt, de Theux, de Woelmonr, d'Hane-Steenhuyse, Dubois, Dumortier, d'Ursel, Hayez, Jacobs et Janssens.

- La séance est levée à 4 3/4 heures.