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Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 21 avril
1832
Sommaire
1) Projet de loi portant le budget de l’Etat
pour l’exercice 1832 (département de l’intérieur). Second vote des articles.
Administration centrale (de Theux, Dubus),
corps des ponts et chaussées (de Theux, Leclercq, d’Huart, Gendebien, d’Elhoungne)
2) Interpellation relative aux ratifications du
traité des 24 articles (A. Rodenbach, Dumortier)
3) Projet de loi portant le budget de l’Etat
pour l’exercice 1832 (département de l’intérieur). Second vote des articles.
Financement du culte catholique et érection de l’évêché de Bruges (Jamme, Leclercq, Dubus,
Jamme, d’Elhoungne, Bourgeois, Dumortier, Gendebien), garde civique (de Theux,
Jullien), enfants trouvés et abandonnés (Dumortier, Fallon, Dumortier, Destouvelles, H. de Brouckere, Jullien, Dumortier5, Nothomb, Barthélemy, Mary), compte-rendu
des séances parlementaires (Jullien, Dumortier, de Haerne, Bourgeois, Ch. Vilain XIIII, Goethals, Destouvelles, d’Elhoungne, Jullien, Lebeau, H. de Brouckere, Leclercq, Lebeau, Dumortier, Bourgeois)
4) Communication du gouvernement relative aux
ratifications de la Prusse et de l’Autriche au traité des 24 articles (de Muelenaere, Jullien, de Muelenaere, de Haerne, de Muelenaere, Dumortier, de Muelenaere, Gendebien, Jullien)
(Moniteur belge n°114 et 115, des 23 et 24
avril 1832)
(Présidence de M. de Gerlache.)
La séance est
ouverte à neuf heures et demie.
Après l’appel
nominal, M.
Dellafaille donne lecture du procès-verbal, qui est adopté.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
Le même analyse
quelques pétitions, qui sont renvoyées à la commission.
L’ordre du jour
est la discussion des amendements introduits au budget de l’intérieur, et le
vote sur l’ensemble du budget.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DE L’ETAT POUR L’EXERCICE
1832 (DEPARTEMENT DE L’INTERIEUR)
Second vote des articles
Chapitre Ier. - Administration centrale
Article
premier
« Art. 1er.
Personnel. »
Le ministre avait
demandé 85,185 fl.
La chambre par son
vote a réduit l’allocation à 78,000 fl.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux) propose une majoration de 3,000 fl. Sur cet article.
Il a été, dit-il, suffisamment démontré dans la discussion que les fonctionnaires
du ministère de l’intérieur n’étaient pas convenablement rétribués. D’autre
part, dans la loi sur les crédits provisoires, vous avez décidé que les
traitements au-dessous de 1,500 fl. ne subiraient pas de réduction, et c’est
cependant ce qui aurait lieu si le chiffre que vous avez voté était maintenu.
Je demande donc que l’allocation pour le personnel de l’administration soit
portée, outre le traitement du ministre, à 71,000 fl.
Pour
justifier cette majoration, M. le ministre entre dans des détails sur la
composition du personnel et les traitements des employés ; il fait remarquer
que le ministère ayant deux hôtels, il faut avoir deux concierges, et que par
le même motif un plus grand nombre de gens de service est nécessaire.
- La majoration de 3,000 fl. est mise aux voix
et adoptée.
M. Dubus. - Je crois que, pour mettre cet article avec ceux des
budgets des autres ministères, il faudrait le diviser et mettre :
« Art. 1er.
Traitement du ministre : fl. 10,000. »
« Art. 2.
Personnel de l’administration centrale : fl. 71,000. »
- Cette division
est adoptée.
Tous les autres
articles du chapitre sont maintenus sans discussion, ainsi que ceux du chapitre
II intitulé : « Frais d’administration dans les provinces. »
Chapitre III. - Travaux publics
Article
2
« Art. 2.
Traitements des ingénieurs et conducteurs. »
Le ministre avait
demandé 105,800 fl. La chambre a seulement alloué 95,000 fl.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je demande à la chambre de majorer l’allocation
qu’elle a votée jusqu’à concurrence de 100,000 fl., parce que n’ayant pas alors
les documents officiels je n’ai pu lui démontrer l’inexactitude des comparaisons
qui ont été faites sur cet objet avec ce qui existait sous le gouvernement des
Pays-Bas et ce que l’on a payé de ce chef en 1831. Mais aujourd’hui que je suis
parvenu à me procurer ces documents officiels, j’espère engager la chambre à
revenir sur sa décision.
Un
honorable membre a prétendu que sous le royaume des Pays-Bas le personnel était
relativement moindre qu’aujourd’hui, et son opinion était basée sur ce qu’il
comprenait les conducteurs dans le nombre des employés portés au budget décennal.
Mais c’était une erreur manifeste ; car, d’après l’arrêté organique de 1817,
ils formaient un corps séparé.
Quant à ce que
l’on a dit qu’il résultait des registres de la cour des comptes qu’une somme
inférieure à celle demandée avait été dépensée en 1831, je fera remarquer qu’à
l’époque dont a parlé M. Dubus, tous les paiements de la cour des comptes
n’étaient pas encore ordonnés. Maintenant que la source de l’erreur est
reconnue, je pense que la chambre ne se refusera pas à adopter la majoration de
5,000 fl. que je propose.
M. Leclercq. - Si une assemblée doit se hâter de revenir sur son
vote quand on lui démontre qu’elle a commis une erreur, elle doit persister
dans ce même
vote si on ne lui fournit pas d’autres raisons que celles qui avaient déjà été
données. Tel est le cas qui se présente aujourd’hui. M. le ministre vient nous
dire que la chambre a voté une réduction parce que, d’après le dire d’un de ses
membres, elle a cru que le personnel de l’administration des ponts et chaussées
était moindre, proportion gardée, que sous le royaume des Pays-Bas. Vous devez
vous rappeler, messieurs, que M. d’Elhoungne avait proposé de réduire
l’allocation à 80,000 fl. par ce motif ; mais M. Serruys a prouvé, au moyen
d’une pièce dont il a donné lecture, que M. d’Elhoungne était dans l’erreur.
Or, c’est d’après ces explications que la chambre a voté la somme affectée à
l’administration dont il s’agit. Il n’y a donc pas eu erreur de sa part, et je
crois qu’il n’y a aucun motif pour quelle revienne sur sa décision.
- La majoration de
M. le ministre, appuyée par M. d’Huart,
et combattue par M. Gendebien
et M. d’Elhoungne, est mise aux voix et rejetée. En conséquence, le chiffre primitivement
adopté est maintenu.
INTERPELLATION RELATIVE AUX RATIFICATIONS DU TRAITE DES 24 ARTICLES
M. A. Rodenbach. - Je demande la parole pour une motion d’ordre. Les
journaux ont annoncé que les ratifications de la Prusse et de l’Autriche… (Murmures et interruption.)
M. le président. - Nous ne pouvons interrompre le budget pour ces explications, qui ne sont
pas à l’ordre du jour.
M. A. Rodenbach. (continuant sa
phrase.) - Que les ratifications de la Prusse et de l’Autriche étaient
arrivées. (Nouveaux murmures.)
Messieurs, vous êtes au moment de vous séparer. Je demanderai que M. le
ministre des affaires étrangères veuille bien nous faire un rapport à la fin de
la séance. (Oui ! à la fin de la séance !
Appuyé !)
M. Dumortier. -
Il me semble que le bureau devrait écrire à M. le ministre des finances. (Rire général) Au ministre des affaires
étrangères, veux-je dire.
M. le président. - Je sais que M. le ministre des affaires étrangères a l’intention de
nous faire un rapport aujourd’hui.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DE L’ETAT POUR
L’EXERCICE 1832 (DEPARTEMENT DE L’INTERIEUR)
Second vote des articles
Chapitres III à VII
Tous les autres articles
du chapitre III, ainsi que le chapitre IV relatif aux palais et édifices de
l’Etat, le chapitre V sur les mines, le chapitre VI sur l’instruction publique
et le chapitre VII intitulé : « Agriculture, industrie et commerce,
sciences et arts, service de santé, » sont maintenus sans discussion.
Chapitres VIII - Cultes
Article
premier
« Art. 1er.
Culte catholique. »
Le ministre avait
demandé une allocation de 1,581,937 fl. La chambre, sur la proposition de la
section centrale, a adopté une majoration de 21,155 fl. pour l’évêché de
Bruges.
M. Jamme. - Messieurs, j’ai voté contre la majoration demandée
par la section centrale, pour l’érection de l’évêché de Bruges. Je dois
aujourd’hui motiver mon vote.
Je ne conteste
pas, messieurs, que l’érection de cet évêché ne puisse être utile, mais je
n’admets nullement qu’il y ait une extrême urgence à s’en occuper pour le
moment. Le siège de Bruges est vacant depuis près de trente ans. Ne peut-il
l’être encore pendant un an, sans qu’il en résulte de graves inconvénients pour
l’exercice du culte ? Je pense que oui.
Le système qu’a
suivi la chambre a été d’écarter du budget toute allocation qui n’était pas
indispensable, et d’en réduire beaucoup d’autres, au risque de compromettre le
service de l’administration et de devoir retrancher sur le traitement des
employés qui n’aient peut-être que le strict nécessaire.
Nous devrions être
conséquents, messieurs, et ne pas nous écarter de ce système. Néanmoins, les crédits
demandés pour rétribuer le culte catholique ont été votés, presque sans
opposition, quoiqu’ils fussent majorés des sommes nécessaires pour rétribuer un
vicaire-général de plus, auprès de chaque siège épiscopal. Ainsi, pour tous les
services, il y a eu réduction de crédit et réduction de personnel, et pour
celui du culte catholique, il y a augmentation de crédit et création de
nouveaux titulaires.
Je ne sais,
messieurs, si c’est au moment où notre existence politique est à peine assurée,
si c’est au moment où des événements probables peuvent faire surgir des besoins
pressants, au moment où notre armée sur le pied de guerre coûte énormément à
l’Etat ; je ne sais, dis-je, si c’est au moment où le chiffre de notre budget
est tellement élevé, qu’il nous donne la certitude, ou peu s’en faut, que la
fin de l’exercice courant rendra un nouvel emprunt nécessaire pour subvenir à
des besoins incessants, qu’il faille devenir dispensateurs faciles des deniers
publics et créer une charge dont l’Etat n’a pas été grevé depuis trente ans,
sans qu’il en soit résulté un préjudice notable.
Non, messieurs, je
déclare hautement que je croirais trahir mon mandat si je consentais à ce que
pareille majoration fût faite.
Je
ne crains nullement que l’on se méprenne sur les motifs de mon opposition, il
sont trop clairement démontrés et mes principes religieux sont trop connus, ils
sont hors de la portée de toute atteinte. Mon opposition est consciencieuse,
elle n’a d’autre cause que mon devoir. Au surplus, je déclare que je ne considère
l’érection de l’évêché de Bruges que comme inopportune et que ce que je
repousse aujourd’hui, je puis très bien le voter en 1833.
J’irai plus loin,
messieurs, je déclare que malgré les embarras financiers qui nous pressent de
toute part, je voterais encore volontiers pour la majoration qui nous est
demandée, si elle était destinée à venir au secours par des suppléments de
traitements pour le bas clergé, pour les desservants des annexes dans les
campagnes, tout si éminemment utiles et si peu rétribués pour le bien indicible
qu’ils procurent aux populations pauvres et incultes des villes et des
campagnes.
M. Leclercq. - Permettez-moi d’ajouter quelques mots à ce que
vient de vous dire M. Jamme. Je ne répèterai pas ce qu’il vous a dit sur
l’inopportunité de cette allocation ; mais il est certain que l’attachement de
l’assemblée à la religion catholique a exercé une grande influence sur son
vote. Quant à moi, je crois que les motifs qui ont fait adopter la majoration
pour l’érection d’un évêché à Bruges auraient dû au contraire la faire rejeter.
Vous n’ignorez pas, messieurs, que bien des gens aujourd’hui
s’attaquent au clergé, crient que vous avez fait une révolution de prêtres ;
or, si vous votez une somme pour l’évêché de Bruges, dans un moment où nous ne
devons dépenser que le strict nécessaire, vous prêterez de la force à leurs
paroles. Quoi ! diront-ils, tandis que l’industrie et le commerce souffrent, et
que tout le pays s’en ressent, augmenter ainsi les charges des citoyens ! Vous
le voyez ce clergé, il ne pense qu’à lui et il demande des majorations
considérables au budget. Voilà ce que l’on dira et ces paroles trouveront de
l’écho en Belgique, car elles se présenteront sous un air de vérité en
apparence. Votre nationalité, messieurs, vous est aussi chère que votre
religion ; vous avez à conserver aussi la considération morale, et cette
considération morale vous la perdrez à l’étranger si l’on peut attaquer vos
actes avec une apparence de justice. Je ne crois pas voter contre les intérêts
de la religion en rejetant la majoration proposée pour l’érection de l’évêché
de Bruges.
M.
Dubus fait observer que les fonds
pour l’érection d’un évêché à Bruges ont été votés en 1830 et que l’on ne peut
pas aller moins loin que le roi Guillaume sous ce rapport.
M. Jamme. - En 1830 j’aurais accédé à la demande, mais
aujourd’hui je crois que nous devons nous borner à voter les dépenses
strictement nécessaires. (La clôture ! la
clôture !)
M. d’Elhoungne. - Cette question, messieurs, est de la plus haute
importance ; il ne faut pas fermer la discussion, car il s’agit de convaincre
le public de la nécessité de la majoration proposée, et rien ne produit un plus
fâcheux effet que les cris de clôture dans de pareilles délibérations.
M. Bourgeois appuie la motion de M. Leclercq, sans entendre pour
cela voter contre l’érection de l’évêché de Bruges, et il pense que cet objet
doit être ajournée dans ce moment où l’on a retranché par nécessité des
dépenses beaucoup plus urgentes.
M. Dumortier.
- Il me semble que l’objection soulevée par M. Leclercq est très grave, mais il
est très facile d’y répondre. On a dit que les catholiques avaient fait la
révolution dans leur intérêt. L’honorable M. Rogier a déjà prouvé le contraire,
et je ne répèterai pas ce qu’il a dit. Sous le congrès on a fait une réduction
sur les sommités catholiques, et aucun membre du clergé n’a fait
d’observations. Je dirai même qu’il a fait ce sacrifice avec plaisir sur
l’autel de la patrie. Le clergé coûte maintenant 50,000 florins de moins que
lors du budget décennal. Ainsi il y aurait absurdité à prétendre que la
révolution lui a profité et a été faite dans son intérêt. Vous avez repoussé
l’amendement qui tendant à supprimer l’allocation affectée au culte protestant,
et quels sont ceux qui ont voté cette allocation, messieurs, ce sont les
catholiques. (Il n’y a pas de catholiques
ici.) Vous avez raison, messieurs, il n’y a pas de catholiques dans cette
assemblée, il n’y a que des représentants, mais il est toujours constant que ce
sont des hommes qui professent l’opinion catholique qui ont voté pour l’intégralité
de l’allocation destinée au culte protestant. Or, il s’agit d’une justice pour
la ville de Bruges et je pense qu’on ne doit pas la refuser.
M. Gendebien. - Personne n’a répondu à M. Leclercq. Il a fait
observer que ce n’était pas le moment de voter une telle dépense. On a dit
qu’elle avait déjà été votée en 1830, mais en 1830, on ne payait pas 90
millions d’impôts. L’année prochaine, quand notre dépense sera considérablement
diminuée, nous nous montrerons plus faciles du moment que la nécessité de cet
objet aura été reconnue ; mais pour le moment rappelez-vous que vous avec à
rembourser un emprunt de 24 millions.
- La clôture est
mise aux voix et prononcée.
On demande l’appel
nominal sur le vote de la majoration. En voici le résultat :
40 membres votent
pour et 31 contre.
Ont voté pour la
majoration : MM. Taintenier, Coppieters, Delehaye, Dellafaille, de Meer de
Moorsel, W. de Mérode, de Nef, de Sécus, Desmet, de Terbecq, Devaux, Dewitte,
Domis, Dubus, Dugniolle, Dumortier, Duvivier, Goethals, Hye-Hoys, Lebeau,
Lefebvre, Morel-Danheel, Olislagers, Osy, Polfvliet, A. Rodenbach, C.
Rodenbach, Serruys, Ullens, Vanderbelen, Van Innis, Van Meenen, Vergauwen,
Vuylsteke, Ch. Vilain XIIII, H. Vilain XIIII, de Muelenaere, de Theux, Raikem,
de Gerlache.
Ont voté contre :
MM. Barthélemy, Berger, Bourgeois, Brabant, Cols, Corbisier, Dautrebande, H. de
Brouckere, d’Elhoungne, Desmanet de Biesme, Destouvelles, de Woelmont,
d’Hoffschmidt, d’Huart, Fleussu, Fallon, Gendebien, Goblet, Jamme, Jonet,
Jullien, Leclercq, Mary, Milcamps, Pirmez, Nothomb, Raymaeckers, Rogier, de
Tiecken, Watlet et Zoude.
Article
premier
« Art. 1er. Frais
de voyage et de séjour de l’inspecteur-général et de ses aides-de-camp. »
Le ministre avait
demandé 8,000 fl. La chambre n’a alloué que 2,000 fl.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux) propose de majorer cette somme jusqu’à concurrence de
6,000 fl.
- Cette
proposition, combattue par M. Jullien,
est mise aux voix et adoptée.
- Le chiffre de
2,000 fl. est maintenu.
Article
2
« Art. 2.
Grand état-major. »
Sur les 7,750 fl. qui
avaient été demandé au budget, la chambre a voté seulement 3,000 fl.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux) propose une majoration de 1,450 fl., qui est rejetée.
- Le chiffre
précédemment voté est maintenu.
Chapitre X. - Etablissements de charité
« Art. 3.
Subside pour l’entretien des enfants trouvés et abandonnés, sans préjudice du
concours des communes : fl. 100,000. »
M. Dumortier soutient
que la dépense des enfants trouvés est une charge provinciale, d’après la loi
de ventôse, an XIII, et il déclare que si l’amendement est admis il se verra
forcé de voter contre le budget, et il dit que la province de Namur a d’autant
plus mauvaise grâce de se plaindre que tous les enfants trouvés qu’il s’y
trouvent lui appartiennent.
M.
Fallon. - S’il s’agissait d’une question de science
naturelle, d’industrie ou de commerce, je me garderai bien de discuter de discuter
de nouveau avec mon honorable collègue M. Dumortier, mais c’est d’une question
d’administration légale qu’il s’agit, et surtout cette matière, je ne pense pas
qu’il y ait de la témérité de ma part d’espérer encore de le ramener à mon
opinion. Il me suffira pour cela de lui faire remarquer de nouveau qu’il est
dans l’erreur, s’il s’arrête davantage à la loi qu’il invoque, celle de ventôse
an XIII. Quel a été le régime légal des enfants trouvés depuis la loi du 20
frimaire an V, jusqu’à l’arrêté du 6 novembre 1822, et quel est-il depuis lors
?
C’est bien là,
maintenant, le cercle de la discussion.
En point de fait,
il n’y a pas d’incertitude.
Depuis la loi de
frimaire an V, jusqu’à l’arrêté de 1822, les enfants trouvés et abandonnés ont
reçu un subside de l’Etat, et ce n’est que le complément d’un subside qui a été
réparti en raison de la population, sur les départements et les communes.
Depuis l’arrêté de
1822, l’Etat n’a plus fourni de subside et ce sont les communes de l’exposition
qui en ont été chargées.
Ces faits sont
incontestables.
En droit, j’ai
prouvé que le régime de l’arrêté de 1822, établi sur la fiction du lieu de
l’exposition pour domicile de secours, était vicieux pour l’avenir et avait
introduit un effet rétroactif révoltant pour le passé ; et j’ai prouvé en même
temps, ce qui était d’ailleurs évident, que cet arrêté était inconstitutionnel.
Reste donc à se
fixer sur le régime légal qui existait avant cet arrêté.
C’est, dit M.
Dumortier, celui de la loi de ventôse an XIII. Et pourquoi ? Parce que dans la
nomenclature des besoins auxquels les départements ont été appelés à subvenir,
il est parlé des enfants trouvés.
C’est là,
messieurs, une erreur frappante ; on conçoit que la loi nouvelle déroge à la
loi préexistante, mais on ne comprend pas comment une loi précédente pour
conserver l’effet de dominer la loi nouvelle. Or, ce n’est pas la loi de
ventôse an XIII qui formait le dernier état de la législation sur cette matière
à l’époque de l’innovation hollandaise, c’était le décret de janvier 1811
organique de la loi de l’an V.
Je n’ai pas besoin
de vous dire que ce décret était légal : M. Dumortier s’est chargé de vous
faire observer lui-même que le sénat ne l’ayant pas censuré, il avait conservé
toute la puissance d’une loi.
Voyez, messieurs,
le développement que j’ai donné à mon amendement dans la séance du 11 de ce
mois, et vous verrez que si j’ai invoqué le principe de la loi de l’an V, c’est
sur le décret de l’an 1811 que j’ai spécialement attiré votre attention. M.
Liedts vous a donné lecture d’un décret, M. Rogier a rappelé ses dispositions,
et vous avez dû remarquer qu’en effet les départements n’étaient appelés que
concurremment avec l’Etat à fournir le subside.
Rien donc
d’étonnant qu’en l’an XIII les départements eussent déjà été appelés à fournir
au subside, ce qui ne prouve nullement qu’alors l’Etat avait été déchargé d’y
pourvoir également et ce qui le prouverait d’ailleurs inutilement puisque dans
tous les cas c’est au décret de 1811 que nous devons obéir et non à la loi
précédente de l’an XIII.
La loi et l’humanité nous imposent donc le devoir de
maintenir l’amendement et nous serions en contradiction avec nous-mêmes si nous
ne le faisions pas, puisque sans qu’une loi ou un arrêté légal nous en fassent
un devoir, nous fournissons des subsides à d’autres besoins sociaux, aux arts,
à l’industrie, au commerce, aux établissements de bienfaisance et aux villes
dont les ressources sont insuffisantes.
-
On demande de toutes parts la clôture.
M. Dumortier. -
Je demande la parole contre la clôture.
M. Destouvelles. - Il est inutile de renouveler une discussion qui a
duré plusieurs séances.
M. H. de Brouckere. - Messieurs, la question est très importante, il
s’agit de grever des provinces qui n’ont pas d’enfants trouvés, et je pense
qu’on ne peut se prononcer à la hâte sur ce point.
M. Jullien. - M. Dumortier a le droit de parler contre la clôture
; il est de votre dignité de l’entendre, messieurs.
M. Dumortier
insiste pour que la discussion continue, par le motif qu’il s’agit de grever
l’Etat d’une somme considérable.
M. Nothomb déclare que,
selon lui, il y a matière à controverse, et qu’il persistera à voter contre
l’allocation si on ne lui prouve pas que le décret de 1811 est la dernière
disposition législative qui régit les enfants trouvés, et si on ne lui démontre
pas qu’il n’y aura aucun arbitraire dans la répartition des 100,000 fl. de
subside qu’on veut accorder.
M. Dumortier.
- M. Fallon a dit que s’il s’agissait d’une question de science naturelle,
d’industrie et de commerce, il se garderait bien de discuter avec moi ; mais
qu’il n’en était pas de même sur l’objet qui nous occupe. Je ne conteste pas
qu’il ait plus de connaissances que moi en matière d’enfants trouvés (Rire général) ; mais je puis bien aussi
discuter avec lui sur ce point. On vous a dit, messieurs, qu’il y aurait
inhumanité à ne pas maintenir l’allocation ; mais ce n’est pas là la question ;
la question est de savoir si le trésor de l’Etat doit être chargé de la dépense
des enfants trouvés ; je ne le pense pas, et il me semble qu’il serait
impolitique et contraire à votre devoir de le décider. Autrefois, je demandais
aussi que cette charge fût supportée par l’Etat, parce que je plaidais la cause
de ma province ; mais aujourd’hui, je dois toujours avoir en vue les intérêts
de l’Etat.
M. Barthélemy, en réponse à l’observation de M. Nothomb, explique
que le subside accordé autrefois par le gouvernement français se répartissait
par tête d’enfant trouvé, d’après un tarif qui fixait une somme de … pour layettes
et entretien de chaque enfant. Il fait observer, en terminant, qu’il est
impossible à la ville de Bruxelles, qui reçoit tous les enfants trouvés du
royaume, de payer une somme de 80,000 fl. pour cet objet.
M. Mary insiste pour le maintien de l’allocation.
- L’article
additionnel est mis aux voix. L’épreuve étant douteuse, elle est renouvelée.
On demande l’appel
nominal.
40 membres votent
pour cet article et 30 contre.
Il est adopté.
M. d’Elhoungne s’est abstenu par le motif qu’on a invoqué une loi sur laquelle il n’a
pu former son opinion.
Chapitre XI. - Statistique
générale
Le chiffre du
chapitre XI relatif à la statistique générale, sur lequel la chambre a voté une
réduction de 800 fl. sur l’article 2 est maintenu.
Chapitres XII. - Journal officiel
Le ministre avait
demandé une somme de 17,000 fl. La chambre a adopté une majoration de 8,000 fl.
pour frais de rédaction des séances.
M. Jullien. - Je demande que cet article en ce qui concerne la
rédaction des séances soit confiée aux questeurs de la chambre, car c’est la
chambre elle-même qui doit être juge du compte-rendu de ses délibérations.
M. Dumortier.
- La majoration a été votée pour qu’il soit rendu un compte exact des séances
des chambres. Il me semble donc convenable de diviser l’article et de faire un
deuxième article, intitulé : « Subside, ou plutôt supplément, pour
recueillir les séances des chambres. »
M. l’abbé de Haerne. - Vous avez agi à l’égard du Moniteur comme un père envers son enfant. (On rit.) Vous l’avez grondé et vous lui avez donné beaucoup plus qu’auparavant,
mais il paraît qu’il n’a pas profité de vos leçons, car j’ai à réclamer contre
une omission qu’il a faite en rendant compte de l’opinion que j’ai prononcée
dans une séance précédente. J’avais dit que si l’on voulait entrer dans tous
les détails sur le culte protestant, on trouverait beaucoup à reprendre, et
cela le Moniteur l’a répété ; mais il
a oublié d’ajouter a déclaration que j’avais faite, que cela n’était pas un
motif pour moi de refuser l’allocation entière. J’ai cru devoir relever cette
réticence que d’ailleurs je ne crois pas volontaire.
M. Bourgeois fait observer que la somme qu’on a votée ne peut être
répartie sur toute l’année, puisque quatre mois déjà sont écoulé, et il propose
de restreindre la majoration à 5,000 fl. seulement.
M. Ch. Vilain XIII, pour plus d’assurance de l’exactitude des séances,
propose de supprimer l’allocation de 8,000 fl. de l’article et de charger
directement MM. les questeurs de la consacrer à faire rendre compte des
délibérations de la chambre.
M. Goethals.
- Il faudrait au lieu de ces mots « frais pour recueillir les
séances, » mettre : « frais supplémentaires et éventuels. »
M. Destouvelles. - Il me paraît que l’article unique du chapitre est
conçu en termes assez précis. En effet, il porte : « Frais d’un journal
pour la publication des pièces officielles et recueillir les séances des
chambres. » Cette dernière partie regarde les chambres elles-mêmes, de
manière qu’elles pourront toujours y revenir si la rédaction n’était pas bien
faite. Lorsque j’ai demandé qu’une majoration fût allouée, je n’ai pas entendu
qu’elle rétroagît sur les quatre mois déjà écoulés. Je me plaignais de la
rédaction pendant ces quatre mois, et je ne voulais certainement pas leur
affecter une partie de la somme. Depuis la majoration, le compte rendu présente
encore plus d’omission, pour ce qui me regarde personnellement. Il s’agissait
d’une question constitutionnelle sur laquelle on n’a pas rendu mon opinion.
M. d’Elhoungne. - J’appuie la proposition faite par M. C. Vilain
XIIII. Tous se plaignent de la partialité et de la négligence avec lesquelles
sont rédigées nos séances. Eh bien ! pour mettre un terme à ces plaintes, il
faut charger MM. les questeurs de faire publier eux-mêmes nos séances, et dès
lors il n’y aura plus d’inexactitude et de partialité. L’éditeur du Moniteur ne m’envoie pas d’exemplaire de
son journal, bien que son engagement lui prescrive d’en adresser à tous les
membres de la chambre, mais un de mes voisins m’assure qu’on a mis dans un
amendement que je proposai sur les ingénieurs, le chiffre de 20,000 fl. au lieu
de 80,000 fl.
M. Jullien. - Si chacun de nous était obligé de relever les
inexactitudes ou omissions commises à son égard, je crois qu’à l’exception de
MM. les ministres et de ceux qui ont parlé en leur faveur, il n’y aurait pas un
seul membre qui n’eût à se plaindre. Je propose l’amendement suivant :
« La rédaction des séances des deux chambres est confiée exclusivement à
la questure des chambres. »
M. Lebeau. - Je m’oppose
à la motion de M. Vilain XIIII, car je connais la teneur du contrat de
l’éditeur du Moniteur, et dans ce
contrat est compris l’engagement de rendre compte des séances ; de sorte que si
vous supprimez cet objet, vous lui retireriez une partie de ses obligations. Je
crois qu’il faudrait plutôt dire, comme le propose M. Jullien, que le
compte-rendu des séances sera soumis à la questure. On a beaucoup parlé de la
partialité du Moniteur ; mais moi
aussi, messieurs, j’ai vu mon opinion défigurée plus de trente fois, non
seulement dans le Moniteur, mais dans
un journal dont je suis actionnaire.
C’est
ainsi qu’avant le Moniteur, on a fait
voter pour la république un honorable membre qui s’était prononcé en faveur de
la monarchie. Vous voyez donc, messieurs, qu’il n’y a pas de partialité ; c’est
l’insuffisance des moyens accordés, l’impossibilité avec ces moyens de se
procurer des sténographes habiles et en nombre raisonnable, qui est cause de
l’inexactitude dont on se plaint. Mais cela disparaîtra, par suite de la
majoration accordée et de l’amendement de M. Jullien. J’ajouterai cependant
qu’aux termes du contrat, le Moniteur
est à la disposition du ministre et qu’il faut son assentiment pour les
insertions qu’on y fait.
M. H. de Brouckere. - Si l’on admet l’amendement de M. Jullien, je n’ai
rien à dire, je ferai seulement observer que la révision des séances sera un
travail fatigant pour les questeurs, et qu’ils ne voudront pas faire longtemps.
M. Leclercq. - M. Lebeau a dit, qu’aux termes de son contrat,
l’éditeur du Moniteur était chargé de
rendre compte des séances. J’ai lu hier ce contrat, et il m’a semblé voir le
contraire.
Il me semble que
la chambre, avant de voter, devrait s’en assurer.
M. Lebeau répète que l’éditeur du Moniteur est chargé de rendre compte des séances. Quant aux
nouveaux sténographes, il croit qu’ils devront être, en quelque sorte, agréés
par la questure, et pourront être renvoyés si l’on n’est pas content de leur
travail. Du reste, il fait observer qu’une fois l’exactitude et l’impartialité
des séances bien constatées, il sera inutile de les surveiller, il suffira que
les sténographes sachent qu’ils sont exposés à la destitution pour qu’ils continuent
ensuite à remplir leurs devoirs.
-
L’amendement de M. Bourgeois tendant à n’allouer que 5,000 fl. pour la
rédaction des séances est mis aux voix et rejeté.
M. Dumortier
propose un article spécial ainsi conçu : « Allocation pour la sténographie
des séances des chambres. »
- Cet amendement
est également rejeté.
L’article majoré
est maintenu avec cette addition de M. Jullien : « La rédaction pour ce
qui concerne les séances de la chambre des représentants et du sénat est
confiée exclusivement à la questure des deux chambres. »
M. Bourgeois. - Vous venez de décider, messieurs, que la questure
sera chargée de surveiller la rédaction de vos séances. Comme questeur je dois
déclarer que je désirerais prendre ce service à la chambre, mais ce travail
sera difficile et exigera une attention continuelle de notre part. Je voudrais,
pour alléger notre besogne, que chacun des membres qui apercevrait une
irrégularité en donnât connaissance à la questure. (Oui ! oui ! On le fera.)
Chapitre XII. - Archives du royaume
Au chapitre XIII,
les chambres retranche une allocation de 3,000 fl. destinée au loyer et
appropriation d’un local pour les archives.
Tous les autres
amendements sont maintenus.
Vote sur l’ensemble du projet
On passe à l’appel
nominal sur l’ensemble du budget. Il est adopté par 66 membres contre 8. Les
opposants sont MM. Barthélemy, H. de Brouckere, d’Elhoungne, d’Hoffschmidt,
Dumortier, Gendebien, Lebeau, Raymaeckers.
COMMUNICATION DU GOUVERNEMENT RELATIVE AUX RATIFICATIONS AU TRAITE DES
24 ARTICLES
M. le président. - M. le ministre des affaires étrangères a la parole.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere).
- Messieurs, si la chambre n’était pas sur le point de s’ajourner, j’aurais
attendu l’arrivée des pièces mêmes avant de vous faire une communication.
J’avais instruit M. Van de Weyer que la chambre se prorogerait probablement à
la veille des fêtes de Pâques, et je l’avais invité à me faire connaître les
nouvelles déterminations de la conférence dès qu’elles seraient prises. Un
courrier expédié de Londres, le mercredi 18, à minuit, m’apporte la nouvelle
que les ratifications de l’Autriche et de la Prusse venaient d’être échangées
avec la Belgique, la France et la Grande-Bretagne. M. Van de Weyer m’écrit que
l’acte de ratification de la Prusse est pur et simple. L’acte de ratification
de l’Autriche renferme la seule réserve des droits de la confédération
germanique, relativement à la cession et à l’échange d’une partie du
grand-duché de Luxembourg.
Cette réserve n’a
pas paru, aux plénipotentiaires de France et de la Grande-Bretagne, de nature à
pouvoir modifier en rien le traité du 15 novembre ; elle se rapporte uniquement
aux dispositions de l’acte constitutif de la confédération germanique, d’après
lesquelles aucune cession ne peut être faite sans le consentement unanime de
tous les Etats de la confédération. L’Autriche et la Prusse ayant seules, d’une
manière expresse, manifesté, jusqu’à présent, leur consentement, la réserve ne
porte que sur les droits des autres Etats, qui doivent également être
consultés. Tel paraît le sens de la réserve qu’il ne faut pas entendre d’une
manière absolue, mais renfermée dans les limites des dispositions que je viens
de citer ; au surplus, il m’est impossible de m’expliquer à cet égard avant
d’avoir les pièces sous les yeux.
M.
Van de Weyer a répondu à cette réserve qu’il s’en référait dans tous les cas à
la garantie donnée à la Belgique par les cinq cours signataires du traité du 15
novembre.
Les P.P. de Russie
appelés à la conférence ont déclaré qu’ils n’avaient pas encore les ordres
définitifs de leur cour, mais qu’ils s’attendaient à les recevoir d’un jour à
l’autre.
J’espère,
messieurs, que les pièces officielles me parviendront incessamment ; je
m’empresserai de les faire insérer dans le Moniteur.
M. Jullien. - Ainsi, d’après la communication qu’on vient de nous
faire, voilà quatre ratifications sur cinq, et encore il y en a une avec des
réserves. Cependant on nous disait que toutes devaient être échangées, d’après
le 15 janvier, puis le 31 janvier, et enfin le 31 mars, et elles ne l’ont pas
été même vers la fin d’avril. Que conclure de ceci, messieurs ? C’est que les
puissances qui ratifient aujourd’hui n’avaient pas voulu jusqu’ici du traité,
et que la Russie ne l’a jamais voulu et ne le veut pas encore. Dans le moment
où nous nous trouvons, il serait dangereux de ne pas chercher à s’expliquer sa
position. Je vais le faire en peu de mots. Voilà quatre puissances qui
ratifient, mais si la Russie ne ratifie pas, qu’arrivera-t-il ? Dans le droit
commun sur cinq mandataires qui contractent, il suffit qu’un seul mandataire ne ratifie pas pour qu’il n’existe pas
d’obligation.
Maintenant je
demanderai à M. le ministre des affaires étrangères si les quatre puissances
qui ont ratifié le traité se proposent de l’exécuter malgré le retard et le
refus de la Russie, si elle s’approprient ce traité et le regardent comme
obligatoire pour elles. Je tiens d’autant plus à avoir cette explication, que
l’honorable lord Palmerston a établi une distinction entre la caution et la
garantie, de laquelle il résulterait que la garantie donnée par les puissances
les oblige seulement à employer leurs bons offices. Si l’on doit donner une
pareille interprétation au traité, il n’a jamais été qu’une longue déception.
C’est comme si l’on nous disait : Je vous garantis l’exécution envers la Hollande,
à moins que mes bons offices ne réussissent pas. Il est nécessaire de savoir à
quoi nous en tenir sur ce point dans un moment surtout où M. Thorn a été
enlevé, et quand il est dit dans l’arrêté qui concerne cet enlèvement, que
c’est un « soi-disant » sénateur et gouverneur de la province du
Luxembourg, pour le gouvernement « de fait » établi en Belgique, par
suite de « la révolte » qui a eu lieu.
Ainsi, messieurs, M. Thorn est un rebelle, nous sommes tous aussi des
rebelles. Mon collègue M. Goblet, à qui je parlai de cet arrêté, m’a dit qu’il
avait été pris en 1830, et que c’est en 1832 qu’il est exécuté, lorsque notre
indépendance est reconnue, garantie par les puissances ; c’est alors que l’on
dit « soi-disant sénateur, » comme l’on dit de nous, de soi-disant
représentants. Eh bien ! ministres du Roi, je vous adjure de demander aux
puissances comment elles supporteront cet infâme attentat, injurieux pour elles
et pour le Roi ; car exécuter un pareil acte en disant que nous sommes un
gouvernement de fait, quand il a été reconnu que nous sommes un gouvernement de
droit, c’est prétendre que le Roi est un usurpateur. Je demande donc à M. le
ministre des affaires étrangères s’il considère le traité comme complet, en ce
sens que la Russie ratifiant ou non, on l’exécutera envers la Hollande, et si
on l’interprète comme lord Palmerston.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere).
- Dans une autre circonstance, j’ai eu l’honneur de faire connaître à la
chambre quelle était aux yeux des cabinets français et anglais l’étendue des
obligations qu’ils avaient contractées en ratifiant. Je n’ai pas hésité à dire
que les membres de ces cabinets soit seuls, soit avec leurs alliés, se
considéraient comme obligés à l’exécution du traité. Les nouvelles que j’ai
reçues de Londres ne me permettent pas de dire jusqu’à quel point l’Autriche et
la Prusse se regardent comme engagées. Toutefois, en droit, je ne fais aucun
doute qu’elles ne se considèrent comme liées par leurs ratification à l’égard
des autres puissances.
Quant
à la distinction dont on a parlé sur la garantie et la caution, lord Palmerston
l’avait puisée dans Vatel, qui dit que la garantie oblige à faire exécuter un
contrat, par tous les moyens qui sont en son pouvoir, tandis que la caution ne
peut être donnée que quand une obligation peut être prestée par une autre.
Ainsi, par exemple, pour la dette hollandaise, s’il y avait caution de la part
de l’Angleterre, à défaut de nous payer, elle serait tenue de le faire en notre
place. Mais, par la garantie, pour ce qui concerne l’évacuation d’Anvers, par
exemple, celui qui a donné cette garantie s’est obligé à employer tous les
moyens en son pouvoir pour parvenir à l’évacuation. Je pense que ces
explications suffiront en ce moment à l’assemblée. Quand j’aurai reçu les
pièces, je pourrai m’expliquer ultérieurement sur les interpellations qui me
seront faites.
M. l’abbé de Haerne.
- Avant de demander de nouvelles explications, je dois déclarer que je désirerais
voir arriver la fin des protocoles. Quelque onéreux que soit pour nous le
traité du 15 novembre, je le regarde comme un fait accompli. Mais, tant que le
protocole ne sera pas fermé, nous ne pouvons nous faire illusion sur notre
situation, et nous devons nous préparer en conséquence. On nous avait d’abord
annoncé que les ratifications de la Prusse et de l’Autriche seraient faites
sans réserve, et cependant voilà que l’Autriche ne ratifie que sous la réserve
du consentement de la confédération germanique. Or, savez-vous ce qui résulte
de là ? C’est qu’il faudra l’assentiment du roi de Hollande, car il fait aussi
partie de la confédération. J’ai déjà demandé dans une précédente séance si le
traité était définitif, si l’Angleterre et la France se considéraient comme
liées envers le gouvernement belge, et si le gouvernement belge à son tour se
trouvait lié envers elles. Je répète encore aujourd’hui cette question à M. le
ministre.
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je crois avoir déjà répondu suffisamment à cette
question : l’honorable membre ne m’aura probablement pas compris.
M. Dumortier.
- Ce que viens de faire observer M. l’abbé de Haerne est parfaitement juste. Le
consentement de la diète germanique doit être donné à l’unanimité des voix, et
si la Hollande refuse, il s’en suivra que la ratification de l’Autriche ne
produira aucun effet. Cette ratification, messieurs, n’en est pas une. Je l’ai
déjà dit, il ne faut pas se bercer d’illusions. Le roi de Hollande veut encore
recourir à la voie des armes. S’il parvient à nous battre, il viendra dire aux
puissances : Voilà deux fois que vous m’empêcher de remonter sur mon trône. Si,
au contraire, il est vaincu, comme je l’espère, et comme je le crois, alors il
signera le traité. Ainsi la reprise des hostilités est imminente, il faut donc
s’y préparer avec énergie.
Les distinctions
qu’on fait entre la caution et la garantie sont pour moi choses futiles. Il est
un fait constant, c’est que jamais on ne forcera la Hollande à accéder au traité. Eh bien ! que notre gouvernement
montre de la fermeté, de la vigueur, qu’il se prévale de la ratification de Prusse
pour exiger l’exécution du traité ; mais s’il se laisse aller à la mollesse, il
n’obtiendra aucun résultat. Ce que le gouvernement devrait faire, messieurs, ce
serait de signifier à la Hollande qu’il est temps d’en finir, car cet état nous
tue, et nous avons pour cela une excellente occasion, c’est l’enlèvement de M.
Thorn, fait au mépris de la bonne foi et du droit des gens, cet enlèvement qui,
comme on l’a dit, est un cas de guerre. Remarquez, messieurs, que cet attentat
a été consommé sous les yeux de l’autorité prussienne. Quelle est donc la
valeur de cette signature de la Prusse quand elle permet de pareils actes ? Je
le répète, messieurs, il n’est qu’un moyen pour nous de sortir de cet embarras,
c’est que le gouvernement déploie une énergie digne de la nation.
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere). - On vient de dire que la ratification de l’Autriche
n’en est pas une. Je crois, messieurs, que c’est un jugement trop sévère, et
qu’il faudrait attendre au moins l’arrivée des pièces avant de se prononcer
d’une manière aussi positive. Toutefois quel que soit l’avis des préopinants,
je n’ai pas les pièces, et je ne puis rien y répondre de définitif, mais je
ferai remarquer que dans le traité du 15 novembre lui-même, on trouve aussi ces
mots : « sous réserve du consentement de la confédération
germanique. » Peut-être l’empereur d’Autriche, comme président de la diète
germanique, a-t-il cru qu’il était de son devoir d’user de ces déférence envers
la confédération.
M. Gendebien. - Il est inutile, d’après ce qu’on vient de dire,
d’insister sur les illusions dont on nous berce. Je demanderai seulement quand
sera évacuée la citadelle d’Anvers, et si l’on emploiera en cas de refus les
moyens coercitifs. Je ne crois pas, quant à moi, à la diplomatie ; je n’y
croirai que quand j’irai à Anvers et que je pourrai voir de mes yeux la
citadelle évacuée. Rappelez-vous, messieurs, qu’après les 18 articles on disait
que nous n’aurions pas la guerre, et cependant les Hollandais ont envahi notre
territoire, et c’est la partie de mauvaise foi qui ensuite a été le mieux
partagée. J’accepte les 24 articles contre lesquels je me félicite chaque jour
d’avoir voté, comme un fait consommé ; mais après ce que nous avons vu, il ne
faut compter sur rien et nous tenir sur nos gardes.
Si je suis bien
informé, les ratifications de la Prusse et de l’Autriche n’auraient eu lieu que
par suite de la décision arrêtée entre les plénipotentiaires des puissances,
qu’il ne serait fait aucune insistance pour contraindre en rien le roi
Guillaume. Le fait est qu’il y aurait eu une longue négociation, où il se
serait agi d’appliquer le principe de la non-intervention, et dans laquelle on
engageait la France à renoncer à Alger et la Russie à la réunion de la Pologne.
La Russie a refusé. Si l’on considère la marche de la diplomatie on verra
qu’elle a été de déception en déception. D’abord elle a parlé le miel à la
bouche ; puis, quand elle a vu que l’esprit révolutionnaire s’était calmé, elle
a pris un ton plus haut. Prenons-y garde ! car bientôt nous arriverons à une
restauration.
Aussi
longtemps qu’Anvers ne sera pas évacué, je ne croirai à rien. Il n’y a pas à
tergiverser, nous savons à quoi nous en tenir ; et même ce que je redoute
par-dessus tout, c’est que l’Angleterre ne vienne pour faire évacuer la
citadelle, car ce serait pour s’y placer. (On
rit.) Je pense donc que le gouvernement ne doit pas se reposer sur les
puissances, mais je l’engage à faire son devoir. Nous avons des ressources
immenses ; nous pourrions, à un jour donné, mettre 150,000 hommes sous les
armes. Il faut nous préparer à la guerre, car si elle ne vient pas contre la
France elle nous viendra de la part du roi Guillaume. Je désire que mes paroles
ne soient pas mal interprétées ; je ne les ai pas prononcées pour jeter
l’alarme, mais pour que le gouvernement ne se trouve pas pris au dépourvu.
M. Jullien. - Je ne veux pas augmenter les embarras de mon
honorable ami, M. de Muelenaere. (On rit.)
Il a cru, comme tant d’autres, que l’échange des ratifications n’était qu’une
affaire de chancellerie ; il doit être détrompé aujourd’hui. Il a dit que la
distinction de lord Palmerston ne s’appliquait qu’à la partie de la dette,
tandis qu’elle s’étend à tout le traité. Ainsi, il a foi dans la diplomatie ;
quant à moi, permettez-moi de ne pas y croire.
- Cette discussion
est close.
AJOURNEMENT DE LA CHAMBRE
M. le président demande jusqu’à quand la chambre veut s’ajourner. (A quinze jours.)
M. d’Huart
demande que ce soit jusqu’au 15 mai.
M. l’abbé de Haerne.
- Je ferai observer qu’il est un motif pour abréger nos vacances, c’est que le
sénat peut introduire des changements au budget.
M. le président. - Dans ce cas, MM. Destouvelles et Barthélemy, qui demeurent à
Bruxelles, pourront convoquer la chambre avant le jour que nous aurons fixé.
Sur la demande de M. Destouvelles, qui rappelle à la chambre tous les projets qu’elle aura à discuter
après les vacances, elle s’ajourne au 10 mai prochain.
- La séance est
levée à deux heures et demie.