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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mercredi 20 mai 1846
Sommaire
1) Pièces adressées à la
chambre, notamment pétitions relatives aux droits d’entrée sur le bétail et à
la cherté de la viande (Delfosse, Dumortier,
Delehaye, de Theux, Lesoinne, de Garcia, Delehaye, Rodenbach, Delfosse, de Garcia), à l’organisation
du notariat (Jonet, Delehaye, de Corswarem, Delehaye)
2) Rapport sur des
pétitions relatives à la fixation de certaines circonscriptions cantonales
(justices de paix) (Simons, de
Renesse)
3) Projet de loi accordant
un crédit supplémentaire au budget du département de la justice. Fabrication de
la monnaie (Zoude, Malou).
4) Motion d’ordre relative
au budget du département de la guerre pour l’exercice 1846 (de Brouckere)
5) Projet de loi autorisant
le gouvernement à accorder une pension au sieur de Wargnies. Traitement
d’attente
6) Projet de loi portant le
budget du département de la guerre pour les exercice 1846 et 1847 (de Brouckere, de Garcia, Lebeau, Malou)
7) Projets de loi conférant
la naturalisation ordinaire
8) Fixation de l’ordre des
travaux de la chambre (Dumortier)
9) Projet de loi portant le
budget du département de l’intérieur pour l’exercice 1846. Discussion des
articles.
a) Instruction publique.
Part de l’influence ecclésiastique dans l’enseignement primaire et dans l’enseignement
normal (Orts, de Theux, Orts, Rogier, de
Mérode, (+milice) Veydt, de Theux,
Rogier, de Theux, de Brouckere), inspection de l’enseignement moyen (de Theux, Orban, de Brouckere, de Theux),
influence de l’épiscopat dans l’enseignement moyen, convention de Tournay,
université libre de Bruxelles (Rogier, Dumortier, de Brouckere, Dumortier, de Brouckere, de Theux, Orts, Rogier,
de Brouckere), enseignement primaire (de Brouckere, de Theux, de Brouckere, de Theux)
b) Lettres et arts. Académie
de dessin Namur (de Garcia) et de Louvain (de La Coste) , académie royale de Bruxelles (Dedecker, de Theux), publication
des Acta Sanctorum (de Bonne, Dumortier,
de Theux, de Bonne, de Haerne), exposition des beaux-arts (Veydt),
appropriation de la porte de Hal à la fonction de musée (de
Bonne, de Theux, Malou)
10) Fixation de l’ordre du jour
(Osy)
(Annales
parlementaires de Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 1425) M. de Villegas fait l'appel nominal à une heure et quart.
M. Huveners lit le
procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Villegas présente
l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« La chambre des avoués
établie près le tribunal de première instance de Gand, prie la chambre
d'examiner, avant la fin de la session, le projet de loi qui apporte des
modifications aux tarifs en matière civile. »
- Renvoi à la section
centrale chargée d'examiner le projet de loi.
« Un nombre
considérable d'habitants de la province de Liège, demande la libre entrée du
bétail. »
M. Delfosse. - La pétition dont
M. le secrétaire vient de donner l'analyse est celle que je vous ai annoncée,
il y a quelques jours, lorsque j'ai appelé votre attention sur le prix élevé de
la viande ; cette pétition est couverte d'environ 5,000 signatures. Je la
recommande à l'examen attentif de la commission des pétitions et je demande
qu'il soit fait un prompt rapport. Il s'agit d'une chose extrêmement urgente.
M. Dumortier. - C'est une chose
très urgente ; il faut un prompt rapport.
M. Delehaye. - Messieurs, la question dont il s'agit dans cette
pétition, a été déjà traitée plusieurs fois dans la chambre. Elle a entre
autres été l'objet d'une discussion assez longue au mois de septembre dernier,
lorsque nous avons voté des mesures extraordinaires par suite de la disette des
pommes de terre, de sorte que chacun de vous peut connaître la portée de cette
pétition.
Je ferai remarquer
qu'à cette époque l'honorable ministre de l'intérieur actuel s'était opposé,
dans l'intérêt de l'agriculture, à la demande de mon honorable ami M. Delfosse,
qui proposait la libre entrée du bétail.
L’honorable M. de
Theux disait alors que le bétail se vendait, dans ce moment, à bas prix, et
qu'il fallait, dans l'intérêt de l'agriculture, que le prix fût assez élevé.
Or, aujourd'hui,
messieurs, le bétail se vend à un prix très élevé, non pas seulement parce que
nous sommes privés de la concurrence étrangère, mais parce que la plupart de
nos étables sont privées de bétail.
Je vois l'honorable
M. de Garcia faire un signe négatif. Mais je lui dirai que dans les deux
Flandres il n'y a plus de bétail à vendre. Les cultivateurs eux-mêmes demandent
à cor et à cri que l'on permette l'importation du bétail maigre ; ils demandent
une mesure de cette nature afin d'être à même de pouvoir répondre plus tard aux
besoins du pays, à un prix plus raisonnable.
Lorsqu'il y a six
mois nous avons combattu la mesure que proposaient nos adversaires, nous avons
dit qu'effectivement à cette époque la viande se vendait à bas prix, parce que
les éleveurs s'en défaisaient à tout prix, mais que plus tard elle devrait
renchérir. Les faits ont dépassé nos prévisions. La viande se vend à un taux
plus élevé que nous ne l'avions prévu à cette époque, où elle était à bas prix,
par ce motif surtout que les cultivateurs, ne pouvant se procurer que
difficilement de quoi nourrir leur bétail, dépeuplaient leurs étables.
Je
pense, messieurs, que dans cette circonstance il y a urgence qu'il soit statué
sur cette pétition ; et qu'on pourrait, si le règlement ne s'y oppose, la renvoyer
directement à M. le ministre de l'intérieur, sans la faire passer par la
filière de la commission des pétitions.
Remarquez,
messieurs, que le gouvernement a le moyen de faire cesser le mal que l'on
signale ; il peut, sans l'intervention des chambres, permettre l'entrée du
bétail étranger. Je crois qu'il devait d'autant plus recourir à cette mesure
que chacun doit reconnaître que la viande se vend à un prix tel qu'elle n'est
plus, je ne dirai pas à la portée de la classe indigente, qui ne s'en nourrit
pas, mais de la classe ouvrière et de la petite bourgeoisie, qui aujourd'hui
sont obligées de se passer de cet aliment.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). - J'ai dernièrement fait part à la chambre des
considérations politiques qui s'opposaient pour le moment à ce qu'il fût rien
innové au tarif en cette matière. Je persiste encore plus fermement dans les
observations que j'ai présentées dernièrement à la chambre. A mon avis, il y
aurait la plus grande imprudence à innover quoi que ce soit dans le moment.
M. Lesoinne. - Je me joindrai à l'honorable M. Delehaye,
pour appuyer le renvoi à M. le ministre de l'intérieur. Les circonstances qui ont
amené le haut prix de la viande, auraient pu être prévues ; ce haut prix est le
résultat du manque de denrées alimentaires pour les bestiaux, et tout fait
présumer que ce haut prix se maintiendra encore longtemps.
La mesure que l'on
réclame n'est d'ailleurs que temporaire, et je ne sais jusqu'à quel point elle
pourrait compromettre les négociations avec un pays voisin. C'est une mesure
qui avait été prévue avant ces négociations, puisque déjà dès le mois de
septembre de l'année dernière les chambres avaient accordé au gouvernement les
pouvoirs nécessaires pour admettre le bétail en franchise de droit.
M. de Garcia. - Je ne m'oppose nullement à ce que la pétition
dont il s'agit soit prise en mûre considération par le gouvernement. Je crois
cependant que nous ne devons pas montrer trop d'impatience de voir donner une
solution à la question qu'elle soulève.
Je dois, messieurs,
faire une observation relativement à ce qui a été dit que le bétail se vendait
plus cher aujourd'hui que dans aucune autre circonstance. Je reconnais que
cette assertion est fondée en ce qui concerne le bélail gras. Cela se conçoit ;
les campagnards ont manqué de pommes de terre, qui servent généralement à
engraisser le bétail.
En outre, la cherté
du seigle a paralysé l'activité des distilleries et par suite diminué
singulièrement la quantité du bétail qu'on engraisse ordinairement dans ces
établissements. Voilà, je crois, les véritables causes de la cherté
accidentelle du bétail gras.
L'entrée libre du
bétail étranger doit-elle amener une diminution sensible dans le prix des
viandes ? La chose est possible, s'il entre du bétail gras ; mais ce but ne
sera pas atteint par l'entrée du bétail maigre, attendu que les habitants des
campagnes n'ont pas encore les matières nécessaires pour pouvoir l'engraisser.
On
dit que le bétail est à un prix plus élevé qu'il n'a jamais été. Je répondrai à
cela que, pour la province de Namur, cette assertion n'est pas d'une exactitude
parfaite pour les bêtes à cornes et pour les moutons que j'ai vus à des prix
supérieurs à ceux d'aujourd'hui, et cela se conçoit, puisque les matières
nécessaires à la nourriture des animaux manquent encore.
Vous voyez messieurs,
que la question que l'on traite incidemment est assez compliquée et qu'il ne
faut rien précipiter dans sa solution. Il faut rechercher les vraies causes du
mal pour y porter remède, et je saisis cette occasion pour engager le
gouvernement à faire constater, autant qu'il pourra, le prix du bétail de toute
espèce, dans nos diverses provinces. Il peut facilement se procurer ces
renseignements et s'assurer des prix actuels comparés aux années antérieures,
par l'intermédiaire des gouverneurs et des commissions d'agriculture.
M. Delehaye. - Messieurs, je ne crois pas que mes paroles puissent
rendre plus difficile l'issue des négociations. Nos voisins connaissent aussi
bien notre position que nous-mêmes. Remarquez que la pétition est déposée sur
le bureau et que nous ne faisons que répondre aux observations qui ont été
faites à l'appui de cette pétition.
Remarquez, messieurs,
que l'argument qu'on nous oppose lorsqu'il s'agit de négociations avec un pays
quelconque, est toujours le même. Dernièrement
encore on nous disait qu'il fallait prendre garde de compromettre nos
négociations avec la France. Nous avons gardé le silence, nous n'en avons pas
obtenu davantage.
Messieurs,
je dois faire une observation à l'honorable M. de Garcia qui nous a parlé de la
modicité du prix de la viande. Je dirai que je ne sais pas ce qui se passe dans
la province de Namur, mais que ce n'est pas du tout le prix de la viande de
mouton qui constitue le prix normal de la viande. En ce qui concerne les bêtes
à cornes, il me paraîtrait fort étrange qu'elles fussent à vil prix dans la
province de Namur, alors que dans une province voisine, dans celle de Liège, on
se plaint de leur prix élevé. Du reste dans les Flandres la viande se vend si
cher, qu'elle n'est plus accessible qu'a une partie de la bourgeoisie.
La pétition présente
donc un intérêt d'actualité qu'on ne peut contester. Si cependant la chambre,
par respect pour le règlement, ne voulait pas la renvoyer directement à M. le
ministre de l'intérieur, je demanderai que la commission des pétitions soit
invitée à en faire l'objet d'un prompt rapport.
M. Rodenbach. - Messieurs, je conviens avec l'honorable préopinant
que la viande se vend très cher dans nos provinces. Mais, messieurs, la viande
est également chère en Hollande. Depuis le commencement de ce trimestre, il est
entré en Belgique beaucoup plus de bétail de Hollande que les années
précédentes, malgré l'élévation du tarif.
Vous savez tous,
messieurs, que c'est la calamité qui a frappé l'agriculture, qui a amené en
grande partie la cherté du bétail. Maintenant que nous sommes à la veille de
faire un traité avec la Hollande, il me semble que la politique nous commande
d'attendre avec patience. cette attente d'ailleurs ne sera pas très longue. Car
dans un mois ou six semaines le bétail gras sortira de nos prairies ; et déjà
alors il y aura une diminution dans les prix.
J'ai aussi eu
l'occasion de vous dire, messieurs, qu'on a tué beaucoup de bétail, parce que
l'on n'avait pas de pommes de terre. Ce tubercule précieux manquant à
l'ouvrier, il a dû se nourrir de viande. C'est ce qui fait que la quantité du
bétail a considérablement diminué dans le pays.
(page 1426) J'ai aussi, à différentes reprises, attribué la cherté
de la viande à une autre cause ; c'est que les droits d'octroi sont extrêmement
élevés ; ces droits en effet sont beaucoup plus élevés que les droits de
douane.
Il paraît, messieurs,
que déjà la ville de Liège a permis la vente de la viande à domicile. Il est
certain, et plus tard on s'en apercevra, que lorsque les bouchers, les négociants,
les commerçants sont réunis, ils s'entendent et vendent beaucoup plus cher que
lorsqu'ils vendent à domicile.
Messieurs,
j'appuie le renvoi de la pétition à la commission des pétitions avec invitation
de faire un prompt rapport. Mais je le répète, la prudence, la politique et
l'intérêt de notre pays nous commandent de patienter. L'honorable député de
Gand doit d'ailleurs savoir que la viande fût-elle à 30, à 60 p. c. meilleur
marché encore, la classe malheureuse de la société ne pourrait en manger ; et
c'est cette classe malheureuse que nous devons avoir en vue bien plus que la
classe bourgeoise. Je sais bien que la classe ouvrière qui gagne des journées
assez fortes, fait usage de viande ; mais il faut convenir que les trois quarts
des malheureux de notre pays ne peuvent en manger. Ainsi sous ce rapport les
conditions d'humanité n'ont pas tant de poids qu'on pourrait le supposer.
M.
Delfosse. - Il me serait facile de répondre aux observations de
l'honorable M. Rodenbach, mais je crois devoir attendre la présentation du
rapport. Jusque-là toute discussion serait prématurée.
Si j'ai demandé le
renvoi de la pétition à la commission des pétitions, c'est que c'est la marche
tracée par le règlement ; sans cela j'aurais pu demander, comme l'honorable M.
Delehaye, le renvoi direct à M. le ministre de l'intérieur ; si ma proposition
est adoptée, le rapport sera fait sous peu de jours et le but de l'honorable
membre sera atteint.
M. de Garcia. - Je n'ai pas dit, comme le suppose l'honorable
préopinant, que le bétail fût à vil prix dans la province de Namur. J'ai
uniquement avancé que pendant les années antérieures j'avais vu ce bétail plus
cher qu'aujourd'hui. Pour combattre mon opinion, l'honorable membre a dénaturé
mes paroles.
- Le renvoi à la
commission des pétitions avec invitation de faire un prompt rapport, est
ordonné.
« Plusieurs candidats
notaires dans le canton de Perwez présentent des observations en faveur du
projet de loi sur l'organisation du notariat. »
M. Jonet. - Messieurs, comme
il importe que la chambre soit éclairée sur une loi aussi importante que celle du
notariat, je demanderai l'insertion de cette pétition au Moniteur, et son
renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi.
M. Delehaye. - Messieurs, vous aurez remarqué que toutes les
fois que la chambre est saisie d'une question importante, il nous arrive un
grand nombre de pétitions relativement à cette question, pétitions qui très
souvent sont imprimées au Moniteur.
Cette insertion ne
peut avoir qu'un but, c'est que nous puissions en prendre connaissance. Mais
ces pétitions étant éparpillées dans un grand nombre de numéros, nous avons
beaucoup de peine à les retrouver. C’est ainsi que pour la convention avec la
France, nous sommes obligés de compulser le Moniteur de 3 ou 4 mois pour
retrouver les pétitions qui nous ont été adressées sur cette convention. Cette
manière d'agir entraîne un autre inconvénient ; il en résulte, messieurs, de
très grandes dépenses pour le trésor, et, pour nous, beaucoup de difficultés
dans les recherches. Ne vaudrait-il pas mieux que les pétitions que la chambre
voudra livrer à la publicité, fussent imprimées comme pièces de la chambre ? Le
mode serait plus économique et faciliterait nos recherches. Le but serait
complétement atteint.
M. de Corswarem. - Je crois, messieurs, que si nous adoptions le
principe de faire imprimer toutes les pétitions qui vont nous arriver
relativement à la loi sir le notariat, nous entrerions dans une voie de grandes
dépenses. Je proposerai de laisser à la section centrale le choix des pétitions
dont elle croira la publication utile et de la charger de faire imprimer ces
pièces à la suite de son rapport. Sans cela nous allons faire imprimer un grand
nombre de pétitions qui diront toutes la même chose. Ensuite il est des
pétitionnaires qui font imprimer eux-mêmes leurs requêtes, de sorte que pour
celles-là l'insertion au Moniteur serait un double emploi.
Ainsi, messieurs, je
propose de charger la section centrale de faire imprimer comme annexes à son
rapport les pétitions qu'elle jugera mériter de fixer l'attention de la
chambre.
M. Delehaye. - Je crois, messieurs, que l'honorable M. de
Corswarem m'a mal compris. Je n'ai pas demandé que toutes les pétitions
relatives à la loi sur le notariat fussent imprimées et distribuées aux membres
de la chambre. J'ai eu en vue ce qui s'est fait pour la convention avec la
France et pour la question des dérivations des eaux de la Lys, ainsi que pour
plusieurs autres objets importants. Ordinairement la chambre ordonne
l'insertion au Moniteur des pétitions relatives à des questions semblables. Eh
bien, je demande qu'au lieu de faire insérer au Moniteur les pétitions dont on
juge l'impression utile, on les fasse imprimer comme pièces de la chambre. Il résulterait
de là, je le répète, une grande économie et une grande facilité pour nos
recherches. Quant au public, il n'a que faire de toutes ces pétitions sur
lesquelles il ne jette pas même les yeux.
Je n'ai, du reste,
aucune objection à faire a la proposition de l'honorable M. de Corswarem.
- La proposition de
M. de Corswarem est mise aux voix est adoptée. En conséquence la pétition dont
l'analyse vient d'être présentée et les autres requêtes que la chambre pourra
recevoir ultérieurement en ce qui concerne le projet de loi sur le notarial,
seront renvoyées à la section centrale chargée de l'examen de ce projet, qui
fera imprimer à la suite de son rapport celles de ces pétitions qui lui
sembleront devoir fixer l'attention de la chambre.
________________
M. Castiau, retenu
chez lui par une indisposition, demande un congé.
- Accordé.
RAPPORT SUR DES PETITIONS
M. Simons, au nom de la commission chargée d'examiner le projet
de loi sur la circonscription cantonale, donne lecture du rapport suivant. -
Messieurs, dans la séance du 29 avril dernier, vous avez renvoyé à la
commission chargée d'examiner les projets de loi sur la circonscription
cantonale, une pétition adressée à la chambre par les administrations
communales de Vlytingen, Fall-el-Mheer, Vroenhoven, Canne, Eben-Emael,
Bassenge, Roclenge, Wonck, Scihen-Sussen-Bolré et Lanayc (province de
Limbourg).
Vous avez en même
temps exprimé le désir qu'un prompt rapport vous fût fait à ce sujet ; organe
de cette commission, j'ai l'honneur de vous présenter ce rapport.
La pétition, dont il
s'agit, a pour but de faire cesser un état de choses qui porte un préjudice
notable aux justiciables de ces localités. Avant les événements politiques de
1830, les dix communes prédésignées formaient, avec une partie de la ville de
Maestricht, située sur la rive gauche de la Meuse, et avec la commune de
St-Pierre, un canton distinct et séparé, sous la dénomination de canton de
Maestricht Sud. La ville de Maestricht était le chef-lieu de ce canton et le
lieu de résidence du magistrat attaché à cette justice de paix.
La Belgique, à la
suite de sa révolution, prit possession de toute la province de Limbourg, la
ville de Maestricht seule exceptée, qui continuait à être occupée par une
garnison hollandaise.
Il résulte de là que
les communes rurales qui ressortissaient à cette justice de paix furent de fait
séparées de leur chef-lieu, et, par suite, l'action de la loi et le cours
régulier de la justice furent forcément interrompus, pour cette partie du
territoire belge. Force fut d'y porter promptement remède dans l'intérêt de la
chose publique, autant que dans celui des justiciables en particulier. Aussi,
sous la date du 15 novembre 1830, le gouvernement provisoire prit l'arrêté
suivant :
« Le gouvernement
provisoire,
« Sur le rapport du
comité de la justice ;
« Voulant assurer
l'action de la loi et le cours de la justice dans l'arrondissement de Maestricht,
pendant le temps que le chef-lieu sera encore au pouvoir des troupes
hollandaises ;
« Arrête :
« Art. 1er.
Provisoirement, et aussi longtemps que la ville de Maestricht. sera au pouvoir
des troupes hollandaises, les communes rurales qui ressortissent au canton
Maestricht (sud), ressortiront à la justice de Bilsen ; etc., etc. »
Ainsi que vous l'avez
remarqué, messieurs, cette mesure n'était que temporaire et provisoire ; elle
devait cesser avec la cause qui l'avait rendue nécessaire. Ceci résulte à
l'évidence de la contexture de l'arrêté dont je viens d'avoir l'honneur de vous
donner lecture.
J'ajouterai que,
chaque fois que le gouvernement a eu à émettre son opinion à ce sujet, il a
reconnu la nécessité de la conservation de ce canton judiciaire ; sa position
topographique et son éloignement des autres chefs-lieux cantonaux ne permettant
pas de l'adjoindre à aucun des cantons judiciaires circonvoisins, sans de
grands inconvénients. C'est ainsi que dans le projet de loi sur la
circonscription cantonale du Limbourg et du Luxembourg, présenté à la sanction
de la législature, le 30 décembre 1841, le gouvernement a formellement proposé
le maintien de ce canton judiciaire, avec l'adjonction de la commune de Rumpst,
sous la dénomination de canton de Sichen ; c'est ainsi encore, qu'à la suite du
traité de paix avec la Hollande, la loi relative à la réorganisation du conseil
provincial du Limbourg attribue au canton de Maestricht (Sud) l'élection de
deux membres du conseil provincial, et celle, ayant pour objet la nouvelle
circonscription judiciaire de la même province, porte textuellement que : «
l'arrondissement judiciaire de Tongres comprend les cantons de Tongres, Bilsen,
Mechelen, Maeseyck, Brée, Looz et la partie du canton de Maestricht (Sud) qui
reste à la Belgique. »
La conservation du
canton judiciaire dont il s'agit se trouve donc virtuellement consacrée par les
deux lois, qui ont réorganisé les arrondissements administratif et judiciaire
de la province de Limbourg, à la suite du traité de paix avec la Hollande ;
aussi, depuis longtemps, il aurait été fait droit sans doute aux réclamations
incessantes des localités intéressées, si les difficultés, que la
circonscription cantonale a rencontrées dans son ensemble, au sein de votre
commission, et sur lesquelles un rapport vous a été fait par son honorable
président, n'y eussent mis obstacle.
Cet
obstacle vient d'être levé par la décision prise par la chambre « que la
commission ne s'occupera plus d'un travail d'ensemble, mais se bornera à
délibérer sur les cas spéciaux qui peuvent se présenter, soit de la part du
gouvernement, soit à la demande des parties intéressées. »
En conséquence, eu
égard aux considérations signalées ci-dessus, votre commission a l'honneur de
vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre de la justice, avec
demande de renseignements.
Par suite des mêmes
considérations, M. le ministre de la justice concevra sans doute qu'il est
urgent de donner une prompte suite à l'instruction de cette affaire.
(page 1427) M. de Renesse. - En appuyant les conclusions de la commission
de la circonscription des cantons de justice de paix, je viens prier M. le
ministre de la justice de vouloir faire instruire le plus tôt possible la juste
réclamation des conseils communaux du canton de Maastricht sud ; j'ai lieu
d'espérer que tous les renseignements que M. le ministre pourra recueillir sur
cette affaire seront favorables à la demande des pétitionnaires ; il serait à
désirer que, pendant le courant de la session actuelle, la chambre puisse
prendre une résolution, conforme à la juste demande des habitants du canton de
Maestricht sud, qui, déjà, à plusieurs années se sont adressés au gouvernement
et aux chambres, pour que l'on fasse cesser le provisoire où se trouve ce
canton depuis 1830. Son ancien chef-lieu de la justice de paix était alors la
ville de Maestricht, restée au pouvoir de la Hollande ; il est donc urgent que
ce canton obtienne un autre chef-lieu, que l'on fasse droit aux justes réclamations
de ses habitants, puisqu'il paraît décidé que l'on ne discutera pas le projet
général de la circonscription des justices de paix.
- Les conclusions de
la commission sont mises aux voix et adoptées.
M. Zoude, au nom de la
section centrale du budget des finances, dépose le rapport sur la demande d'un
crédit de 80,000 fr. pour l’établissement d'un atelier d'affinage à l'hôtel des
monnaies.
- La chambre ordonne
l'impression et la distribution de ce rapport.
M. Liedts remplace M. Dumont au fauteuil.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Cette demande de crédit est assez urgente. Je ne prévois pas qu'elle donnera
lieu à discussion. Ne pourrait-on pas la mettre à l'ordre du jour à la suite de
la discussion du projet de loi relatif au canal de Deynze à Schipdonck ? On
pourrait la voter au commencement d’une séance.
MOTION D’ORDRE
M. de Brouckere. - Je demanderai si
la session sera close sans que nous ayons discuté le budget de la guerre. (Non ! non !) C'est que je vois continuellement
charger l'ordre du jour. Nous avons encore à discuter plusieurs projets qui
doivent être l'objet d'un vote avant la fin de la session, notamment la
convention avec la France, et le budget de la guerre.
Un membre. - Le rapport n'est
pas présenté.
M. de Brouckere. - Je demande qu'il
soit présenté le plus tôt possible ; sans cela nous ne pourrions pas voter le
budget de la guerre dans la session actuelle.
- La proposition de
M. le ministre des finances, relative à la mise à l'ordre du jour du crédit de
80,000 fr., est mise aux voix et adoptée.
PROJET DE LOI AUTORISANT LE GOUVERNEMENT A ACCORDER
UNE PENSION
M. le ministre des finances (M.
Malou)
présente un projet de loi tendant à autoriser le gouvernement à liquider la
pension du sieur de Wargnies, ancien juge au tribunal de Bruxelles, révoqué de
ses fonctions en 1830. Il propose de renvoyer ce projet à l'examen d'une
commission spéciale.
- La chambre adopte
cette proposition et décide que la commission sera nommée par le bureau.
PROJET DE LOI AUTORISANT LE GOUVERNEMENT A ACCORDER
UNE PENSION
M. le ministre des finances (M.
Malou)
présente ensuite le budget du département de la guerre pour l'exercice de 1847.
Il donne lecture de l'exposé des motifs, qui est ainsi conçu :
La chambre ordonne
l'impression et la distribution du projet de budget et de l'exposé des motifs
qui l'accompagne et le renvoie à l'examen des sections.
M. de Brouckere. - Que la chambre me permette de revenir sur
l'observation que j'ai faite tout à l'heure. Je désirerais savoir quand la
chambre sera mise à même de discuter le budget de la guerre.
M. le président. - Il m'est très
difficile de répondre à cette question. Des renseignements avaient été demandés
au prédécesseur de l'honorable ministre actuel. M. le ministre actuel a déclaré
qu'il désirait faire beaucoup de changements au budget. Jusqu'ici il n'a pas
fait parvenir ses propositions à la section centrale, de sorte qu'elle n'a pas
pu continuer son examen.
M. de Garcia. - L'explication que vient de donner l'honorable
président, me dispenserait en quelque sorte d'en donner de nouvelles. La
section centrale s'était adressée au département de la guerre pour lui demander
des renseignements. Est arrivée l'indisposition de l'honorable général Dupont,
puis sa retraite, puis l'avènement d'un ministre nouveau. Il est résulté de
tout cela que jusqu'à présent les renseignements demandés n'ont pu être
fournis. S'il m'est permis de parler d'une conversation que j'ai eue avec
l'honorable chef actuel du département de la guerre, je dirai que dans sa
pensée il croyait que, par la présentation du budget pour l'exercice 1847, la
section centrale et la chambre seraient mises à même d'apprécier son opinion
sur plusieurs demandes d'explications qui lui étaient adressées.
C'est un des motifs
pour lesquels la section centrale a dû différer l'examen du budget de
l'exercice courant.
M. Lebeau. - Ne pourrait-on
pas prier M. le ministre de la guerre d'expliquer ses intentions ? M. le ministre
voudrait-il, par hasard, que l'on commençât par le budget de 1847 ? Je ne lui
en ferais pas un grief, car si le budget de 1847 contenait toute la pensée de
M. le ministre, je comprendrais, quoiqu'il y eût là quelque chose de fort
étrange, je comprendrais qu'il demandât à la chambre de voter d'abord le budget
de 1847. Remarquez, messieurs, dans quelle position se trouve M. le ministre de
la guerre : M. le ministre de la guerre paraît avoir consigné ses vues sur le
service de l’armée dans le budget de 1847, et dès lors si ce budget était voté,
je crois que le budget de 1846 marcherait tout seul. Je crois, messieurs, qu'il
conviendrait que M. le ministre de la guerre s'expliquât devant la chambre ; la
section centrale ne peut pas ainsi être frappée d'inertie. Je demanderai que M.
le ministre soit invité à faire connaître, dans une prochaine séance, ses
intentions à l'égard de ses deux budgets.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- - Je regrette que l'honorable M. Lebeau n'ait pas bien compris la pièce dont
j'ai donné lecture. Mon honorable collègue de la guerre a cru que pour hâter
l'examen du budget de 1846 il était utile de résumer dès à présent ses vues sur
l'application du fonds de l'armée, en présentant le budget de 1847. Maintenant
dès que le budget sera imprimé, l'ordre naturel des idées indique la marche à
suivre : M. le ministre de la guerre se rendra au sein de la section centrale
et l'on pourra introduire au budget de 1846 les amendements qui auront été
convenus entre lui et la section centrale. C'est pour hâter l'examen du budget
de 1846 que le budget de 1847 a été présenté.
PROJETS DE LOI CONFERANT LA NATURALISATION ORDINAIRE
M. Maertens dépose 47 projets de
loi de naturalisation ordinaire.
- La chambre ordonne l'impression et la
distribution de ces rapports.
FIXATION DE L’ORDRE DES TRAVAUX DE LA CHAMBRE
M. Dumortier. - Je crois,
messieurs, qu'avant d'aborder l'objet à l'ordre du jour, il importe que la
chambre décide ce qu'elle entend faire relativement aux séances des derniers
jours de cette semaine et à la séance de lundi ; demain c'est un jour de fête.
Vraisemblablement, la
majeure partie des membres qui habitent à de petites distances de Bruxelles
s'en retourneront dans leurs familles ; il est à croire que les deux jours qui
se trouvent entre la fête et le dimanche, il n'y aura pas de séance ; d'un
autre côté, lundi, ont lieu les élections provinciales, et chacun de nous voudra
sans doute être à son poste pour ces élections. Je pense être l'organe de mes
collègues, en proposant à la chambre de fixer sa prochaine séance à mardi
prochain. (Adhésion.)
- Cette proposition
est mise aux voix et adoptée.
En conséquence, la chambre
se réunira en séance publique mardi prochain à 2 heures.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT DE
L’INTERIEUR POUR L’EXERCICE 1846
Discussion des articles
Chapitre XIX. -
Instruction publique
M. le président. - La discussion
générale continue sur le chapitre XIX, instruction publique.
La parole est à M.
Orts.
M. Orts. - Messieurs, dans
sa séance du 30 août 1842, la chambre, à une majorité de 75 voix contre 3, a voté
la loi de l’enseignement primaire, loi qui a été promulguée le 23 septembre de
cette année. C'est avec intention que je rappelle ces dates et l'espace de
temps qui nous sépare de l'époque de la promulgation de la loi, parce que ce
fait exerce une grande influence sur l'examen que je compte faire de la marche
suivie et de la conduite tenue par le gouvernement dans la mise à exécution de
la loi.
Le ministère de 1840
appelé à énoncer son opinion sur le projet de loi de 1834, la formula par
l'organe d'un de ses membres, l'honorable ministre de la justice, M. Leclercq ;
voici ce qu'il disait dans la séance du 27 février l841. (L'honorable
représentant donne lecture de ce passage.)
C'est sur ce terrain
que fut placée la discussion au mois d'août 1842 ; la loi fixa d'une manière
précise la compétence respective du pouvoir civil et de l'autorité
ecclésiastique. L'article 7 de la loi plaça la surveillance des écoles, quant à
l'instruction et à l'administration, sous la tutelle de l'autorité communale.
Quant à l'enseignement
de la religion et de la morale, la surveillance de ces deux branches, mais de
ces deux branches seulement, fut confiée aux délégués des chefs des cultes.
Cette loi, messieurs,
fut votée, nous devons le reconnaître, dans un esprit de patriotique
conciliation, sous la foi de l'exécution franche, complète et surtout
impartiale des dispositions qui assuraient au pouvoir civil son indépendance,
sa liberté d'action, la jouissance pleine et entière de tous ses droits.
La loi donnait au
pouvoir civil des garanties ; ces garanties ont-elles été maintenues par
l'exécution donnée à la loi ? Voilà sur quel point va porter l'examen que je me
propose de faire.
Je signale trois
points principaux comme constituant la non-exécution de la loi de
l'enseignement primaire.
Le premier, c'est la
formation des instituteurs eux-mêmes ; c'est la question la plus grave, parce
qu'avant de savoir ce qu'il faut faire des élèves, il faut chercher à leur
donner de bons maîtres.
Le second point est
celui qui concerne le règlement intérieur de l'école ; j'entends par là le
programme fixant les matières de travail, la répartition des heures de leçons.
Un règlement devait être arrêté par chaque commune, c'était la prescription
formelle de l'article 15 de la loi.
Enfin, une troisième mesure
bien sage était celle des concours à établir entre les différentes écoles
communales d'une province. Cela faisait l'objet spécial des articles 29 à 32 de
la loi.
Je commence par la
question relative à la formation des instituteurs. C'est la loi du 23 septembre
1842 et les arrêtés organiques à la main, que je compte établir que le
gouvernement n'a pas exécuté, non seulement les promesses qu'il avait faites
lors de la discussion de la loi, mais les promesses successivement faites par
les arrêtés organiques.
(page 1428) L'article 10 de la loi sur l’enseignement
primaire porte :
« Art. 10. La
nomination des instituteurs communaux a lieu par le conseil communal,
conformément à l'article 84, n° 6, de la loi du 30 mars 1836.
« Pendant les quatre
premières années de la mise en exécution de la présente loi, toutes les
nominations seront soumises à l'agréation du gouvernement. Après ce délai, les
conseils communaux choisiront leurs instituteurs parmi les candidats qui
justifieront d'avoir fréquenté avec fruit, pendant deux ans au moins, les cours
de l'une des écoles normales de l'Etat, les cours normaux adjoints par le
gouvernement à l'une des écoles primaires supérieures, ou les cours d'une école
normale privée ayant, depuis deux ans au moins, accepté le régime d'inspection
établi par la présente loi.
« Toutefois, les
conseils communaux pourront, avec l'autorisation du gouvernement, choisir des
candidats ne justifiant pas de l'accomplissement de cette condition. »
Ainsi, messieurs,
c'était dans les écoles normales de l'Etat, dans les écoles normales privées
adoptées et dans les cours normaux attachés aux écoles primaires supérieures,
qu'on devait prendre les candidats pour remplir les places d'instituteurs.
Le 10 novembre 1845, un
arrêté royal vint organiser les deux écoles normales du gouvernement ; un autre
arrêté du 20 du même mois fixa le siège de ces écoles à Lierre et à Nivelles.
Dès le 17 décembre
1845, un autre arrêté royal, à la demande des chefs de diocèse, adopta sept écoles
normales du clergé, placées dans cinq diocèses ; savoir : celles de St-Roch et
de St-Trond (diocèse de Liège), celle de Bonne-Espérance (diocèse de Tournay),
celle de Roulers (diocèse de Bruges), celle de St-Nicolas (diocèse de Gand),
celles de Malonne et de Bastogne (diocèse de Namur). Il y avait donc là sept
écoles normales du clergé, indépendamment des deux écoles normales de l'Etat, à
la tête desquelles ont été placés deux directeurs appartenant au clergé, bien
que, lors de la discussion de la loi, l'on eût réclamé de la part de M. le
ministre de l'intérieur des explications sur la question de savoir s'il ne
conviendrait pas de confier la direction, au moins d'une des deux écoles
normales de l'Etat, à une personne laïque ; deux directeurs ecclésiastiques
furent donc placés à la tête des deux écoles normales de l'Etat ; ce qui fait
en compte rond 9 écoles normales dirigées par le clergé.
Maintenant le maximum
des cours normaux attachés à des écoles primaires supérieures ne pouvait être
que de 9, car il ne pouvait y en avoir qu'une seule par province.
Eh bien, messieurs,
combien existe-t-il de cours normaux organisés près des écoles primaires
supérieures ? Aucun.
Ainsi, messieurs, en
reportant votre attention sur l'article 10 de la loi, il est clair qu'à partir
du 17 décembre 1845, les élèves sortis des écoles normales du clergé, et qui
justifieront avoir fréquenté l'une des écoles pendant deux ans, auront le même
droit que les élèves sortis des écoles normales de l'Etat à être nommés
instituteurs communaux. C'est le 23 septembre 1846, que cette disposition de
l'article 10 de la loi du 23 septembre sera obligatoire.
Voyons maintenant ce
qui a été fait relativement à l'organisation des cours normaux qui devaient
être annexés à une école primaire supérieure dans chaque province ; toutefois
avant de passer à l'examen de l'exécution prétendument donnée sous ce rapport à
la loi du 23 septembre 1842, qu'il me soit permis de me reporter au projet de
loi de 1834 et de voir comment le ministre qui avait présenté ce projet,
entendait l'organisation de ces mêmes cours normaux. L'article 18 du projet de
loi portait :
« Des professeurs
spéciaux seront nommés pour donner pendant une partie de l'année dans les
écoles modèles des leçons sur les différentes méthodes d'enseignement. »
Au-dessus de ces
cours, le projet de loi de 1834, dans son article 19, plaçait l'établissement
d'une école normale pour l'enseignement primaire ; avec faculté, pour le
gouvernement, d'en créer successivement deux autres.
Voilà quelle était la
pensée des deux commissions qui ont examiné le projet de 1834, projet sur
lequel s'était expliqué le ministère de 1840.
Il s'agissait là de
nommer des professeurs spéciaux chargés près des écoles primaires supérieures,
d'enseigner les différentes méthodes, d'enseigner en un mot la pédagogie.
Voyons maintenant ce qu'a fait la loi du 23 septembre 1842 et l'arrêté
organique pris en exécution de cette loi.
L'article 35 porte :
« Dans chaque
province des cours normaux pourront être adjoints par le gouvernement à l'une
des écoles primaires supérieures. »
Cela faisait, si on
avait exécuté la loi, neuf cours normaux près des écoles primaires supérieures.
Un arrêté royal du 18 avril 1845 organisa les écoles primaires supérieures.
L'article 8 de cet arrêté est très remarquable sous le rapport de
l'organisation à donner aux cours normaux qui devaient être attachés aux écoles
primaires supérieures ; il est ainsi conçu :
« En exécution du § 2
de l'article 35 de la loi organique, il sera annexé à l'une des écoles
primaires supérieures dans chaque province une section d'élèves aspirants
instituteurs. »
« Un règlement
particulier, arrêté par notre ministre de l'intérieur, déterminera tout ce qui
a rapport aux cours pédagogiques de cette section. »
Voilà bien une
prescription formelle dans un arrêté royal, dans un arrêté organique pris en
exécution de la loi que vous avez votée en 1842.
Eh bien, une section
d'élèves aspirants a-t-elle été attachée à chacune de ces écoles primaires
supérieures ? Un règlement a-t-il été proposé ? Rien ! Voulez-vous savoir
ce qu'on a fait des écoles primaires supérieures sous le rapport des cours
normaux ?
On a, sans
s'inquiéter de la nomination de professeurs spéciaux pour enseigner les
méthodes, la pédagogie ; sans s'occuper d'organiser une section spéciale où ces
leçons devaient être données, on a distribué quelques bourses à des jeunes gens
qui fréquentaient l'école primaire supérieure, du moins à Bruxelles, car je ne
sais ce qui s'est fait dans les autres chefs-lieux de province ou d'arrondissement
étrangers à ma province.
A Bruxelles ou a
accordé la dispense de payer les minervalia ou des bourses dans la proportion
de 75 à 200 fr., à des jeunes gens de 11 à 12 ans fréquentant non pas le cours
le plus avancé de l'école primaire supérieure, mais qui se trouvaient dans le
cours moyen. Deux de ces jeunes gens qui avaient achevé leurs études, ont
quitté l'école et sont allés on ne sait où.
Après avoir fait un
simulacre d'exécution en donnant à des jeunes gens une dispense de payer les
minervalia, ou une des bourses d'étude créées par la loi, on les laisse là ; on
donne des bourses à des jeunes gens de 11 à 12 ans incapables de devenir
professeurs ou qui ne le deviendront que dans quatre ou cinq ans ; mais des
leçons de pédagogie, aucune ; ces jeunes gens fréquentent les cours de
l'instruction primaire supérieure, mais quant à des leçons de pédagogie, quant
à l'enseignement des méthodes, ils n'en reçoivent pas la moindre tradition.
Cependant voilà quatre ans que tout cela devait être exécuté.
Maintenant vous avez
vu que l'arrêté organique du 10 avril 1843 promettait un règlement particulier
qui devait déterminer tout ce qui avait rapport aux cours de méthode, de
pédagogie. Un règlement est intervenu ; savez-vous quand ? Le 1er mars dernier.
Mais ne vous attendez pas à y voir la moindre trace concernant l'organisation
des cours normaux. C'esl uniquement un règlement d'ordre intérieur pour les
écoles primaires supérieures ; il est inséré au Moniteur, sous la date du 25
mars ; on y trouve un autre arrêté organique des commissions administratives
des écoles primaires supérieures. Mais, je le répète, ni dans le règlement
d'ordre intérieur, ni dans l'arrêté d'organisation des commissions
administratives, on ne trouve un seul mot concernant l'organisation des cours
normaux qui, aux termes de la loi et de l'arrêté organique du 10 avril 1843,
doivent être créés.
Comment
expliquez-vous une négligence pareille qui se prolonge pendant quatre ans en
présence de dispositions formelles de la loi et d'un arrêté royal organique ?
On parle de tout ceci d'une manière fâcheuse. Je ne suis que l'écho d'un bruit.
Je n'ai pas
l'habitude d'affirmer quand je n'ai pas les pièces à la main. On parle de
convention occulte, d'une espèce d'engagement entre le gouvernement et les
chefs du culte catholique qui aurait pour but de laisser provisoirement sans
exécution cette organisation si solennellement promise. Si l'inculpation n'est
pas vrai, elle est du moins très vraisemblable, car ces faits nombreux de
négligence, cette apathie en présence de prescriptions formelles d'une loi et
d'un arrêté organique ne peuvent s'expliquer autrement. Je poserai un dilemme :
ou celle convention existe ou elle n'existe pas ; si elle existe, je ne saurais
comment la qualifier ; si elle n'existe pas, pourquoi le gouvernement n'a-t-il
pas exécuté la loi ?
Les choses en sont
arrivées à ce point que je crois qu'il conviendrait quand il sera temps, car
une pareille proposition ne peut pas se faire à propos de la discussion du budget,
je crois qu'il conviendrait de proroger de deux ou quatre ans le délai fixé par
l'article 15 de la loi qui doit expirer au mois de septembre prochain,
relativement aux élèves sortant des cours normaux qui depuis longtemps auraient
dù être organisés près des écoles primaires supérieures et qui n'existent pas
encore.
Je crois en avoir dit
assez sur ce point ; je passe à une autre question fort grave, l'inexécution de
l'article 15 de la loi du 23 septembre 1842. Voici la teneur de cet article :
«. Un règlement
arrêté par le conseil communal, sur la proposition de l'inspecteur provincial,
l'inspecteur cantonal entendu, et approuvé par la députation permanente, sauf
recours au roi, déterminera, dans chaque commune, la rétribution des élèves, le
mode de recouvrement, les jours et les heures du travail, les vacances, le mode
de punition et de récompense. »
La loi, comme j'ai
déjà eu l'honneur de le faire observer, n'attribue aux délègues des chefs du
culte que la surveillance de l'enseignement de la morale et de la religion ;
elle leur appartient de par la loi et en vertu de la mission de ministres des
autels qui leur est confiée ; eux seuls sont compétents à cet égard.
L'article 8 indique
la manière de s'assurer des résultats de cette surveillance ; les inspecteurs
ecclésiastiques font un rapport de leurs observations au chef du diocèse ; ce
chef en réfère au ministre qui adresse par l'intermédiaire du gouverneur ses
observations à la commune s'il y a lieu. Vous sentez combien il est important
que le règlement d'ordre intérieur qui fixe les matières de l’enseignement, les
heures de leçons consacrées à chaque branche, le tout en exécution de l'article
15 de la loi, soit arrêté le plus tôt possible, pour chaque commune possédant
une école communale. C'est au gouvernement qu'incombait de faire proposer par
ses agents, les inspecteurs provinciaux, ces règlements que les communes
devaient ensuite discuter et arrêter. A Bruxelles ce ne fut que dans les
premiers mois de 1844, que le projet de règlement fût proposé par l'inspecteur
provincial et dès le 11 mai, il fut arrête par le conseil.
Mais il est une foule
de communes où ce règlement n'existe pas ; c'est à cette absence de règlement
qu'il faut attribuer que les délégués du chef du culte s’immiscent souvent dans
d'autres affaires que celles qui leur sont attribuées par la loi.
L'on a vu dans
plusieurs communes le programme qu'avait arrêté l'autorité communale
complétement bouleversé par les inspecteurs ecclésiastiques
(page 1429) Hier mon honorable collègue et ami M. Verhaegen vous a
entretenus de ce qui s'est passé à Ath. Voici la réclamation que, le 25 avril
dernier, le conseil communal de la ville d'Ath adressait au gouverneur du
Hainaut :
« Ath le 25
avril 1840.
« Monsieur le
gouverneur,
« Nous venons de
faire une visite à notre école communale, et nous avons vu avec étonnement,
qu'à notre insu, l'inspecteur ecclésiastique a ordonné à notre instituteur
communal, lors de sa dernière tournée, des modifications qui nous paraissent de
nature à compromettre l'instruction de la classe pauvre.
« En effet,
jusqu'ici on se bornait à faire dire la prière aux jeunes élèves, au
commencement et à la fin de chaque classe et à donner une leçon de catéchisme.
Maintenant, d'après de nouveaux ordres, la prière doit avoir lieu quatre fois
dans chaque classe, ce qui fait huit fois par jour, plus deux leçons de
catéchisme qui durent chacune une demi-heure.
« Remarquez,
monsieur le gouverneur, qu'il ne s'agit pas d'une simple prière, puisque,
quatre fois par jour, on recommence la prière page 9 du catéchisme de Tournay,
l'oraison dominicale, la salutation angélique, le symbole des apôtres, les
commandements de Dieu, les commandements de l'église, les actes de foi,
d'espérance, de charité et de contrition, sans compter les autres prières qui
sont dites pendant le cours de la classe, de sorte que nos jeunes élèves sont
au moins la moitié du temps à genoux et en prières.
« Nous sommes
loin de nous opposer, monsieur le gouverneur, à l'enseignement religieux ; au
contraire, nous tiendrons toujours la main à que la religion du Christ soit
enseignée dans les établissements soumis à notre direction ; mais il nous
semble qu'il y a des limites, et que la part de l'instruction scientifique doit
aussi faire l'objet de notre constante sollicitude.
« Nous serions
désireux de savoir en vertu de quel texte de loi M. l'inspecteur ecclésiastique
se permet de bouleverser l'organisation de notre école, sans se donner la peine
de nous consulter, et nous vous prions, M. le gouverneur, de vouloir bien
l'inviter dorénavant à se borner à remplir, près de notre école, les
obligations qui lui sont imposées par la loi du 23 septembre 1842, sans
empiéter sur nos attributions. »
Maintenant de deux
choses l'une : ou l'inspecteur provincial civil du Hainaut avait proposé au
conseil communal d'Ath le règlement voulu par l'article 15 et ce conseil
l'avait discuté et arrêté après délibération ; ou bien il n'y a pas encore de
règlement en exécution des prescriptions de cet article. Dans le premier cas,
il est évident que l'inspecteur ecclésiastique ne pouvait violer le règlement,
bouleverser toutes les heures de travail, tout le programme de l'enseignement.
Dans le second cas (celui où il n'y aurait pas de règlement) la faute en est à
l'inspecteur provincial civil, qui aurait négligé de le proposer au conseil.
Ainsi vous voyez que,
sous le rapport si intéressant de l'organisation même de l'école, quant aux
matières enseignées et aux heures de travail, il y a très souvent absence
d'action de la pari du gouvernement dans le chef de ses agents les inspecteurs
provinciaux.
Je passe maintenant à
une autre omission grave. Il s'agit de l'organisation des concours entre les
élèves des écoles primaires, conformément à l'article 29 de la loi du 23
septembre 1842.
Cet article 29 porte
: « Des concours pourront être institués, soit par ressort d'inspection, soit
par canton, en réunissant les écoles indistinctement ou en séparant celles des
villes d'avec celles des campagnes.
« La participation à
ces concours est obligatoire pour les établissements soumis au régime de la
présente loi et facultative pour les écoles privées.
« Une bourse
pourra être accordée par le conseil provincial à celui des élèves qui, peu
favorisé de la fortune, aura subi les épreuves du concours avec le plus de
distinction. »
Les articles 30 et 31
de la loi organique déterminent la composition du jury d'examen qui doit
présider à ces concours.
L'article 32 prescrit
un règlement préparé par l'inspecteur provincial et arrêté par la députation
permanente, qui fixera les matières d'examen et déterminera le mode et la durée
des concours, ainsi que l'époque à laquelle ils auront lieu.
Lorsque le projet de
loi fut soumis à la discussion, on avait fait observer qu'au lieu de rendre ce concours
facultatif, il fallait le rendre obligatoire, sauf à en déterminer l'époque et
le mode par un arrêté royal. L'honorable M. Nothomb s'opposa formellement à ce
que ce concours fût obligatoire.
« Je pense
(disait-il) qu'il ne faut pas établir d'une manière absolue dans la loi qu'il y
aura nécessairement des concours, et qu'il y en aura chaque année ; je pense
qu'il faut laisser cela à décider. »
Eh bien, voilà 4 ans
que l'on attend une décision, un premier essai !
Cependant cette
mesure du concours avait déjà subi l'épreuve d'un essai. Avant la loi de 1842,
les provinces avaient établi des concours. La province de Brabant en avait
organisé un entre les élèves des diverses écoles du ressort provincial. Ce
concours avait produit les meilleurs résultats. Il fut suivi d'une distribution
solennelle des prix qui eut lieu le 30 juillet 1842 ; et là on vit la petite
ville de Hal emporter des prix concurremment avec les écoles de la capitale. Il
est évident que l'institution des concours est l'aiguillon le plus puissant,
non seulement pour les élèves, mais encore pour les instituteurs ; cette
institution est la source d'une noble émulation qui tourne tout entière au
profit de la science.
L'honorable M.
Castiau avait rappelé l'exécution de cette disposition de la loi au ministre de
l'intérieur lors de la discussion du budget de l'année dernière ; il disait
que, dans le Hainaut, ce concours entre les établissements de la province avait
été couronné du plus beau succès. M. le ministre promit de s'en occuper ; il fit
entendre que si ces concours n'avaient pas eu lieu jusqu'alors, c'est qu'il
avait fallu, avant tout, instituer les autorités nouvelles, que suppose la loi.
Or ces autorités nouvelles ne sont autres que les inspecteurs civils et
ecclésiastiques.
Il est assez
singulier d'entendre alléguer un pareil prétexte en 1845, alors que, par des
arrêtés royaux successifs du 4 octobre 1842 au 22 novembre 1843 tous les
inspecteurs avaient été nommés et qu'ils étaient depuis lors en plein exercice
de leurs fonctions.
Ainsi plus de deux
ans se sont écoulés depuis que la nomination de tous les inspecteurs a eu lieu
conformément à la loi, sans qu'on ait encore songé à donner la moindre
exécution aux dispositions des articles 29, 30, 31 et 32.
Et l'on dira que
c'est là exécuter la loi ! C'est une dérision que de le supposer. Je ne
sais quelles circonstances fatales pèsent sur cette partie de nos institutions.
Mais il est évident qu'un bras, je ne sais lequel, qu'une puissance occulte
arrête le gouvernement dans sa marche.
En résumé, je déclare
qu'il y a eu de la part du gouvernement, pendant ces 4 ans, une inconcevable
apathie, une négligence coupable en ce qui concerne l'organisation des cours
normaux près des institutions urbaines ; car j'avais oublié de vous dire, qu'à
l'occasion de la discussion de l'article 35 de la loi du 23 septembre 1842, M.
le ministre de l'intérieur faisait apprécier combien était importante pour les
villes l'institution des cours normaux attachés aux écoles primaires
supérieures. Voici comment M. Nothomb s'exprimait à ce sujet :
« J'ai proposé la
formation de deux écoles normales du gouvernement, et de plus j'ai demandé,
pour le gouvernement, l'autorisation d'annexer à l'une des écoles primaires,
par province, des cours normaux.
« Il faut faire une
distinction importante, quand il s'agit des candidats, à former pour
l'instruction primaire. Il faut distinguer entre les écoles rurales et les
écoles urbaines.
« Rarement, et très
difficilement on pourra former des candidats, dans le même établissement, pour
ces deux espèces d'écoles. Je considère les deux écoles normales comme
destinées, non exclusivement, mais principalement, à la formation des
instituteurs des campagnes et des villes d'un ordre très secondaire. Les
instituteurs urbains se formeront et se perfectionneront ailleurs, dans les
cours qui seront annexés aux écoles primaires supérieures. On a cru qu'il y
avait une espèce de double emploi dans mes deux propositions. Il n'en est rien.
Ces deux propositions ont deux buts différents. »
Maintenant, demandez-vous,
quel sera le résultat de la conduite du gouvernement ? C'est qu'au 23 septembre
prochain, l'on ne manquera pas de candidats instituteurs pour les campagnes ;
mais qu'on n'en trouvera que fort peu pour les villes.
Messieurs, c'est tuer
la loi que de l'exécuter de cette manière, ou plutôt c'est faire d'une œuvre de
conciliation l'instrument d'un parti.
S'abstenir pendant
quatre ans de mettre à exécution les sages mesures qui devaient rassurer
l'opinion libérale contre l'absorption de l'instruction primaire par l'autorité
cléricale, c'est justifier cette défiance qui, à l'époque du 23 septembre 1842,
pouvait n'être qu'un sentiment inspiré par de craintives prévisions, mais qui
désormais devient un devoir commandé par l'expérience.
Nous ne le perdrons pas
de vue en présence de la discussion de la loi sur l'instruction moyenne.
L'article 10 de la
loi sur l'enseignement primaire, en maintenant la commune dans le droit de
nomination de ses instituteurs qui lui était attribué par l'art. 84 de la loi
communale, avait circonscrit le choix des candidats dans des limites, qu'une
exécution impartiale des dispositions écrites dans les articles 35 de celle
loi, et 8 de l'arrêté du 10 avril 1843, pouvait justifier.
Mais lorsqu'à côté
des deux écoles normales du gouvernement, nous voyons sept écoles normales du
clergé adoptées, depuis deux ans et demi, sans que jusqu'à ce jour un seul des
cours normaux près des écoles primaires supérieures soit organisé ; il n'est
personne de nous qui ne doive reculer devant la possibilité de voir sanctionner
par la loi sur l'enseignement moyen des conventions, en vertu desquelles les
conseils communaux abdiqueraient, en faveur de l'autorité ecclésiastique, leurs
droits de nomination, de révocation du personnel enseignant et de direction de
leurs établissements d'instruction moyenne.
Indépendance
du pouvoir civil, inaliénabilité des prérogatives communales, voilà ce que
l'honorable M. Van de Weyer avait stipulé à l'article 5 de son projet de loi ;
voilà ce qui doit reparaître en principe, quelle que soit sa formule, dans le
projet qui sera soumis à la discussion et au vote de la chambre.
Sous ce rapport,
toutes les destinées du pouvoir civil se résument en ces mots : Etre ou ne pas
être.
Soutiens des droits
constitutionnels du peuple, vous ne vous rendrez pas coupables d'un suicide.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, dans la séance d'hier, un
honorable député de Bruxelles, qui a voté contre la loi sur l'instruction
primaire, en a fortement blâmé l'application et les résultats. Néanmoins,
d'après les renseignements que j'ai pris, je puis assurer que cette loi a donné
la plus grande impulsion à l'instruction primaire, que des résultats immenses
ont déjà été obtenus par suite de cette loi.
On a parlé,
messieurs, a cette occasion de l’influence exorbitante du clergé. Eh bien,
messieurs, cette loi a eu pour objet de donner une extension toute particulière
aux institutions civiles consacrées à l'enseignement primaire.
(page 1430) Il est très vrai, messieurs, que le clergé exerce une
part d'influence en ce qui concerne l'enseignement de la religion et de la
morale. Mais enfin, cette influente qu'il exerce, il l'exerce en vertu de la
loi, et en vertu d’une loi adoptée à peu près à l'unanimité des voix dans les
deux chambres ; parce qu'en effet, messieurs, on a senti qu'en initiant toutes
les classes à un degré assez avancé d'instruction, il convenait en même temps
de donner à ces classes de nouvelles garanties de religion et de moralité.
On a parlé de la
nomination des inspecteurs civils. Pour apprécier, messieurs, si ces
nominations ont été bien faites, j'ai dû m'enquérir de la manière dont ces
inspecteurs remplissent leur mission, et d'après les renseignements que j'ai
obtenus sur ce point, je puis encore assurer qu’ils remplissent leurs fonctions
avec beaucoup de zèle et d'intelligence.
L'honorable M. Orts
semble regretter que le gouvernement ait placé à la tête des écoles normales de
Lierre et de Nivelles deux ecclésiastiques. Vous vous rappellerez, messieurs,
que dans la discussion de la loi sur l'enseignement primaire, on avait proposé
d’imposer au gouvernement l'obligation de faire choix d'ecclésiastiques pour
diriger les écoles normales. On a cependant soutenu que cette disposition ne
pouvait pas être insérée dans la loi, que le gouvernement devait avoir toute
liberté à cet égard. Mais en même temps on est convenu assez généralement de
l'utilité qu'il y aurait à ce que les directeurs de ces établissements fussent
des prêtres, et en voici les motifs. Les instituteurs sont chargés de donner
l'enseignement de la religion dans presque toutes les écoles primaires. Il faut
donc que dans les écoles normales les instituteurs soient parfaitement initiés
à la connaissance de la religion qu'ils se chargent d'enseigner. D'ailleurs,
messieurs, si au lieu de placer des prêtres à la tête de ces établissements, on
y avait placé des personnes laïques, on aurait dû faire choix de personnes qui
présentassent des garanties de religion. Dès lors les résultats étaient
exactement les mêmes.
L'honorable M. Orts a
attaqué mon prédécesseur, l'honorable M. Nothomb de ce qu'il n'avait pas
organisé les cours normaux dans chacune des provinces. Effectivement,
messieurs, le gouvernement a la faculté d'organiser des cours normaux près
d'une école primaire supérieure dans chaque province. C'est une faculté qui lui
est laissée par la loi ; ce n'est pas une obligation. Il est essentiel
d'établir cette distinction. Néanmoins des cours normaux préparatoires ont déjà
été organisés dans sept villes. Mais une disposition de mon prédécesseur
exigeait que pour les deux dernières années de l'enseignement normal qui
seraient données au moyen des cours attachés à une des écoles primaires
supérieures, il y eût un pensionnat pour les élèves qui se destinent à
l’enseignement primaire, afin qu'ils s'y formassent eux-mêmes à la pédagogie.
L'honorable M. Orts n'a pas critiqué cette disposition. Mais qu'est-il arrivé
pour la ville de Bruxelles ? Trois élèves avaient été admis par le gouvernement
et étaient désignés pour suivre comme internes les cours normaux ultérieurs. Le
ministre s'est adressé à la régence pour obtenir un local. La régence n'a pas
cru devoir en accorder un, et alors mon honorable prédécesseur, M. Van de
Weyer, a déclaré qu'il ne serait donné pour le moment aucune suite à cet
enseignement. Voilà ce que j'ai appris par des renseignements que j'ai pris
dans les bureaux.
Je sais au contraire
que la ville de Bruges a fourni le local nécessaire pour permettre que les
élèves achèvent les études normales près de son école primaire.
L'honorable membre
s'est demandé s'il existait une convention entre le gouvernement et le clergé,
ayant pour objet de suspendre l'exécution de cet article de la loi. Je dois
déclarer, messieurs, qu'il n'existe aucune espèce de convention à cet égard ;
je n'en ai jamais entendu parler.
L'honorable membre a
regretté que ces cours normaux n'aient pas reçu jusqu'à présent leur pleine
institution et qu'ils n'aient pas produit de grands résultats. Il a pensé que
ces cours normaux étaient d'une nécessité absolue pour former les instituteurs
pour les villes. Je puis déclarer encore que l'honorable membre est dans
l'erreur. Car je sais que les écoles normales de l'Etat fournissent des
instituteurs aux villes aussi bien qu'aux campagnes. Je ne puis assurer le
fait, mais on vient même de me dire qu'un élève de l'école de Lierre a été
nommé instituteur à Bruxelles. Dans tous les cas, messieurs, je suis persuadé
que les écoles normales qui existent dans le pays peuvent fournir des
instituteurs très capables, pour enseigner aussi bien dans les villes que dans
les campagnes. D'ailleurs, si cela n'était pas, il faudrait pousser
l'organisation au point d'obtenir ce résultat.
L'honorable membre a
aussi parlé de l'absence de programme dans certaines communes. Il vous a dit
que ce programme existait pour la ville de Bruxelles, mais qu'il semblait qu'il
n'en existait pas pour la ville d'Ath dont il vient de parler. Il m'a paru
cependant, d'après la teneur des observations communiquées à la chambre, qu'il
existait aussi un règlement pour Ath, mais qu'on se plaignait que ce règlement
aurait été en quelque sorte bouleversé, qu’on ne s'y serait pas conformé.
J'ignore ce qui peut s'être passé à cet égard, l’honorable membre nous a lu une
correspondance entre l'administration centrale et l'administration provinciale.
L'honorable M. Verhaegen ayant parlé hier de ce fait, j'ai voulu prendre des
renseignements, mais on n'a pu m'en donner aucun. Ainsi je m'abstiendrai d'en
parler.
Dans tous les cas,
messieurs, si les règlements n'existent pas partout comme ils sont prescrits
par la loi, il n'y a pas de doute qu'il faudrait les établir. La loi est
impérative à cet égard.
L'honorable membre nous a également parlé des
concours. Messieurs, les concours sont encore facultatifs aux termes de la loi.
Que jusqu'à présent il n’en ait pas été fait l'essai, il me semble qu'il n'y a
pas lieu de s'en étonner. La loi est seulement de la fin de 1842 ; elle est à
peine mise à exécution, et je crois que l'on a bien fait de ne pas précipiter
la création de ces concours.. Il sera bon de procéder graduellement en cette
matière, pour s'assurer des résultats.
On a parlé des
concours qui avaient été établis dans quelques provinces avant le vote de la
loi sur l'enseignement primaire. Eh bien ! je crois pouvoir dire que l'on a été
loin d'obtenir de ces concours les résultats que l'on s'en était promis. Du
reste, ceci n'est pas un motif pour s'abstenir de faire l'essai des concours ;
ils sont facultatifs et nous en ferons l'essai.
Je crois, messieurs,
avoir rencontré succinctement toutes les observations qui ont été présentées.
M. Orts. - Messieurs, je
dirai un mot relativement à la demande qui a été faite à la ville de Bruxelles,
de fournir un local pour y interner les élèves qui, dans l'intention de devenir
professeurs, désireraient suivre les cours normaux. La ville de Bruxelles a
répondu ce que répondront toutes les villes qui n'ont pas de locaux à leur
disposition. Elle a dit que bien qu'elle ne fût nullement tenue en vertu de la
loi à fournir ces locaux, elle regrettait beaucoup de ne point en avoir pour
une destination aussi utile.
Mais prenons-y garde,
messieurs ; la loi dit bien que chaque ville dans laquelle se trouve établie
une école primaire supérieure du gouvernement, doit fournir l'habitation à
l'instituteur. Mais elle ne dit nulle part que la commune doit fournir un local
pour l'internat.
Si les villes se
refusaient à fournir des locaux, tandis qu'elles n'y sont par obligées par la
loi, le gouvernement trouverait donc dans ce refus une fin de non-recevoir pour
se dispenser d'établir les cours normaux ; C'est là un moyen fort commode que
se crée le gouvernement pour se justifier de l'inexécution de la loi.
M. Rogier. - Messieurs, on a
souvent rappelé dans nos dernières discussions, que la loi du 25 septembre 1842
sur l'instruction primaire, a été votée à la presque unanimité des membres de
cette chambre ; on en a tiré une induction tout honorable pour le gouvernement
et pour l'esprit de conciliation qui avait animé les membres de la chambre.
Messieurs, j'ai donné ma voix à la loi sur l'instruction primaire ; j'ai fait
preuve, en cela, ainsi que plusieurs de mes amis politiques, d'un grand esprit de
conciliation. Si la loi était représentée aujourd'hui dans les mêmes termes, je
ne dis pas quel serait mon vote ; mais si j'avais pu prévoir alors jusqu'à quel
point le gouvernement pouvait porter, dans son exécution, l'oubli de ses
devoirs et de ses droits, oh ! certes, messieurs, une pareille loi
n'aurait pas reçu mon approbation.
Voilà bientôt 4
années que cette loi a été votée et si le gouvernement avait rempli
consciencieusement les devoirs qu'elle lui imposait, il n'aurait certainement
pas reculé devant l'obligation qui lui était faite de présenter aux chambres un
rapport sur l'état de l'instruction primaire ; ce rapport devait être fourni à
la fin de la troisième année qui a suivi la promulgation de la loi.
C'est donc depuis le
23 septembre 1845 que le gouvernement est en retard d'exécuter cette
prescription si importante de la loi. Je ne fais pas un grief personnel à M. le
ministre de l'intérieur actuel de n'avoir pas fourni ce rapport immédiatement,
mais je pense qu'il est grand temps qu'il s'en occupe. Quant à son prédécesseur
(je ne parle pas de l'honorable M. Van de Weyer), je regrette qu'il ne soit pas
ici afin de se défendre, mais ses anciens collègues le feront sans doute pour
lui.
Il y a eu, messieurs,
de la part du gouvernement deux genres de fautes commises et par ce qu'il a
fait, et par ce qu'il n'a pas fait dans l'exécution de cette loi si importante.
Lorsque l'opinion
libérale, celle qui dans toute la discussion avait, et souvent à défaut du
gouvernement lui-même, joué le rôle de défendre les prérogatives du pouvoir
civil, tout en accordant au clergé une part et une part très large, lorsque
cette opinion disait que l'on allait bien loin, que la part du clergé était
trop forte, on lui répondait : « Mais nous obtenons un grand point ; nous obtenons
l'inspection civile ; cette inspection civile s'étendra aux écoles laïques et
aux écoles du clergé lui-même. Ayez confiance en l'action des inspecteurs
civils, ils sauront défendre les droits de l'autorité laïque. »
Nous avions vu,
messieurs, sous l'ancien gouvernement, ce qu'étaient ces inspecteurs civils.
Ces inspecteurs étaient en général choisis parmi les hommes les plus honorables
de nos provinces.
Ainsi, dans la
province de Liège, nous avions pour représenter le gouvernement le président
actuel de la cour de cassation, cet homme éminent qui vient de porter, sur le
rôle du clergé dans ces luttes politiques, un jugement si élevé et destiné à
produire, je l'espère, une salutaire impression.
Voilà, messieurs,
dans quels rangs, parmi quelles intelligences, on prenait alors les inspecteurs
de l'enseignement primaire.
Voilà, messieurs, où
l'autorité laïque allait chercher ses représentants et voilà aussi où l'opinion
libérale croyait pouvoir trouver des garanties d'une inspection sérieuse et indépendante.
Eh bien, messieurs, à en juger par un assez grand nombre de nominations,
peut-on dire que le ministère ait voulu donner à ses inspecteurs civils ce
caractère d'autorité, cette considération dont ils avaient si grand besoin pour
ne pas être effacés et en quelques sorte annihilés par les délégués de
l'épiscopat ? Je ne veux point ici faire la guerre à des noms propres. J'admets
que dans certaines localités des choix convenables ont pu être faits, mais on
pourrait en signaler beaucoup d'autres qui ne répondent nullement à la dignité
des fonctions dont il s'agit, qui portent sur des hommes qui sont avant tout
serviteurs humbles des évêques et non pas les agents indépendants de l'autorité
civile.
Je sais, messieurs,
que plusieurs de ces choix n'ont pas été dictés par les besoins réels de
1'instruction primaire ; que tel candidat, très (page 1431) respectable, a été repoussé comme suspect de
libéralisme, que tel autre n’a dû l’honneur de sa nomination qu'au plus ou
moins d'influence qu'il s’attribuait dans tel arrondissement au moment des
élections.
Ainsi, messieurs, une
loi dont on ne voulait pas, disait-on, faire une loi de parti, une loi qui, par
son objet même, devait dominer tous les partis, celle loi dans l'exécution
d'une de ses dispositions essentielles est devenue aux mains du gouvernement un
instrument politique, un moyen électoral !
Une autre disposition
plus importante encore que l'inspection, c'est celle qui est relative à la
formation des instituteurs. Un bon instituteur, messieurs, c'est toute l'école.
Vous aurez beau créer des écoles, si vous placez à leur tête des instituteurs
peu instruits, peu moraux, vos écoles seront désertes, vos dépenses seront
inutilement faites.
Nous attachions,
nous, une grande importance à l'établissement de bonnes écoles normales, nous
en demandions trois ; il n'en fut accordé que deux, mais, par fiche de
consolation, par une espèce de compensation, on nous dit : « Le gouvernement se
trouve, il est vrai, en présence de 7 écoles normales des évêques ; il se contente,
lui, de deux écoles normales, mais il va adjoindre, dans chaque province, à une
école primaire supérieure, des cours normaux où il pourra se former des
instituteurs. » De cette manière on établissait une sorte d'équilibre entre le
clergé et le gouvernement : le clergé avait ses 7 écoles normales ; le
gouvernement en avait 2 et 9 cours normaux adjoints aux écoles primaires
supérieures. Eh bien .messieurs, de quelle manière encore cette partie de la
loi a-t-elle été exécutée ? Vous allez en juger.
Le clergé (je
constate des faits je ne l'en blâme pas ; je trouve que le clergé a
parfaitement raison à son point de vue de faire ce qu'il a fait), le clergé
avait établi depuis plusieurs années ses écoles normales. Le gouvernement n'en
possédait aucune ; la loi lui prescrivait d'en établir immédiatement deux.
Cette loi était du 23 septembre 1842. Eh bien, ce ne fut qu'un an plus tard que
le gouvernement songea à établir ces écoles normales. Une des dispositions de
la loi porte que 4 ans après sa promulgation aucun instituteur communal ne
pourra être nommé que parmi les élèves sortis des écoles normales de l'Etat,
des écoles normales agréées, qui sont celles des évêques, ou des cours normaux
attachés aux écoles primaires supérieures.
Nous voilà bientôt
arrivés au délai fatal après lequel toutes les communes seront obligées de
nommer leurs instituteurs dans une de ces catégories d'élèves.
En ce qui concerne
les écoles normales de l'Etat, à peine est-on arrivé à temps pour fournir à la
fin de cette année une trentaine d'élèves aux communes qui devront choisir des
instituteurs parmi les aspirants instituteurs sortis de nos écoles normales.
Viennent alors les sept écoles normales du clergé, qui sont en mesure d'en
fournir dans la proportion de 7 à 2, en supposant que leurs écoles ne soient
pas plus peuplées que celles de l'Etat.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). - Non ! non !
M. Rogier. - L'honorable M. de
Theux doit savoir mieux que moi ce qui se passe dans les écoles normales du
clergé ; au reste, cela sera indiqué dans le rapport.
Quoi qu'il en soit,
les sept écoles normales du clergé seront placées sur la même ligne que les
deux écoles normales de l'Etat, pour fournir des instituteurs aux communes.
Maintenant, quant aux
élèves qui devaient être formés dans les cours normaux annexés aux écoles
primaires supérieures, où sont-ils ? Nulle part.
Le gouvernement, et
c'est ici ou un oubli de ses devoirs, ou un calcul, ou un arrangement dont il
ne serait pas impossible de découvrir la source ; eh bien, le gouvernement n'a
pas organisé ces cours normaux, où devaient se former les élèves
particulièrement destinés à remplir les fonctions d'instituteurs dans les
villes.
Nous nous trouvons
ainsi devancés et distancés par le clergé ; je ne repousse pas, quant à moi,
les instituteurs qui sont formés exclusivement dans les établissements du
clergé ; je veux bien que les communes les adoptent, si surtout ces
instituteurs ont reçu une éducation nationale ; s'ils ont été élevés dans
l'amour et le respect de toutes nos institutions ; s'ils n'ont pas puisé dans
certains établissements ces doctrines perverses, anticonstitutionnelles, qu'un
fervent catholique signalait dernièrement, par la voie des journaux, à l'attention
du pays.
Messieurs, tout en me
montrant impartial à l'égard des établissements du clergé, je dois avoir au
moins la même sollicitude et plus de sollicitude encore pour les établissements
laïques ; et quand je vois, d'une part, sept écoles normales du clergé
fournissant des aspirants instituteurs, et d'autre part seulement deux écoles
normales de l’Etat et pas de cours normaux ; je dis que l'équilibre n’existe
plus ; je dis que l'Etat est effacée et dans une position subalterne, et je
demande ce qu'eût fait de plus un ministre qui aurait eu pour mission de
favoriser l'intervention exclusive du clergé dans l'instruction primaire.
Comment ! l'on
est averti par la loi que dans quatre années, nul instituteur communal ne
pourra être choisi que parmi les élèves sortis des écoles normales ou des cours
normaux ; et les cours normaux, cette partie si importante de la loi, on ne les
établit pas, on ne fait rien pour ouvrir cette source d'études aux aspirants
instituteurs ! N'y a-t-il pas là ou connivence ou complaisance coupable ?
On nous a dit dans le
temps que le retrait de certaine proposition n'aurait pas lieu gratis, que le
sacrifice que l'on faisait en haut dans l'enseignement supérieur, on tâcherait
de le regagner en bas dans l'enseignement primaire. Ceux qui à cette époque ont
pensé, en effet, que le retrait de la proposition serait largement compensé par
des concessions du gouvernement, ceux-là se sont livrés à des prévisions que
l'avenir n'a que trop réalisées.
Il existe une autre
disposition de la loi également très importante, et de nature à exciter le zèle
des élèves et des maîtres, à relever l'enseignement primaire, je veux parler de
la faculté laissée au gouvernement d'établir des concours entre les élèves des
écoles primaires de chaque province.
Eh bien, sous ce
rapport, loin que l'exécution de la loi nouvelle ait profité à l'enseignement
primaire, nous avons considérablement rétrogradé ; loin d'avoir amélioré ce qui
existait, on l'a anéanti : depuis la loi de l'instruction primaire, les
concours entre les écoles primaires, qui avaient été organisés dans la plupart
des provinces, ont été supprimés. M. le ministre de l'intérieur vient de nous
dire que ces concours n'avaient pas produit d'heureux résultats. Je ne sais de
quelle autorité M. le ministre de l'intérieur tient ces renseignements, mais
s'il a consulté les autorités civiles, je suis bien convaincu qu'en ce qui
concerne plusieurs provinces, et notamment la province d'Anvers que je connais
plus particulièrement, il ne lui est point parvenu de renseignements
défavorables sur les résultats des concours entre les élèves des écoles
primaires. Loin de là, ces concours ont exercé la plus heureuse influence sur
l'enseignement primaire ; il s'était manifesté entre les instituteurs, aussi
qu'entre les élèves, la plus salutaire rivalité.
Pourquoi le
gouvernement n'a-t-il pas exécuté cette partie de la loi ? Y avait-il peut-être
encore ici parti-pris, engagement de laisser l'enseignement primaire défaillir
entre les mains du pouvoir civil ?
Après tout cela, j'ai
raison de répéter que si j'avais pu prévoir de quelle manière le gouvernement
exécuterait la loi de l'enseignement primaire, je n'aurais certes pas donné ma
voix à une loi qui devait produire de tels résultats.
Il ne suffit pas de
déposer dans une loi les principes les plus libéraux, les plus impartiaux ; il
faut surtout que ces principes soient exécutés suivant l'esprit de la loi ; un
principe libéral en soi, exécuté, organisé par des mains illibérales, peut être
entièrement dénaturé et devenir fatal : particulièrement en matière
d'enseignement, l'organisation, l'administration présentent beaucoup plus
d'importance peut-être que les principes mêmes écrits dans la loi.
Ainsi, messieurs,
pour citer un exemple, voici comment un principe essentiel de la loi a reçu son
application, grâce encore au laisser aller de l'administration.
Le gouvernement, dans
les quatre années qui ont suivi la loi de l'instruction primaire, était chargé
d'agréer les nominations des instituteurs, faites par les communes. Si je suis
bien informé, voici comment cette partie de la loi est exécutée : le.
gouvernement n'accepte comme instituteurs que ceux qui ont été préalablement
agrées par l'inspecteur ecclésiastique. Je demande à M. le ministre de
l'intérieur si en effet c'est ainsi qu'on a exécuté la loi, et si c'est ainsi
qu'il compte l'exécuter lui-même et s'il n'y aura d'instituteurs communaux que
ceux dont la nomination aura été préalablement acceptée par l’autorité
ecclésiastique ?
S'il en était ainsi,
il y aurait dans l'exécution de la loi de l'instruction primaire la mise en
pratique du principe qu'on veut introduire dans l'enseignement moyen. S'il est
établi en fait que, pour être nommé instituteur, il faut préalablement avoir
été agréé par l'autorité ecclésiastique ; s'il est établi que tout instituteur
dénoté par l'évêque, doive être destitué par la commune, je conçois que le
clergé ait pris goût à de pareilles complaisances, et que ce qu'il a obtenu
pour l'enseignement primaire, il l'exige pour l’enseignement moyen.
La loi de
l'instruction primaire fait une part très large au clergé, personne ne le
contestera ; mais par l'exécution ou la non-exécution des principales
dispositions de la loi, vous allez encore ajouter à ces prérogatives, autant
vaudrait tout d'un coup lui livrer l'instruction primaire tout entière.
Qu'on ne le perde pas
de vue. Indépendamment d'une large intervention dans l’enseignement laïque, le
clergé possède encore ses écoles à lui ; il jouit sous ce rapport d'une liberté
illimitée.
Eh bien, messieurs,
au moyen de ce remède que le clergé a entre les mains vis-à-vis des
établissements laïques qui pécheraient par l'absence de l’enseignement moral et
religieux, le cierge doit-il se montrer si exigeant. ? Tombe-t-il sous le sens
que l’enseignement laïque avec les principes de publicité, avec les principes
de tolérance consacrés par la Constitution, avec l'esprit religieux qui
distingue la population de la Belgique, peut-on raisonnablement supposer que
dans une école du pouvoir laïque, on vienne enseigner l'immoralité,
l'irréligion ? A qui ferait-on croire que les pères de famille qui composent
nos conseils communaux pousseraient l'oubli de leurs devoirs, de leurs
sentiments religieux, jusqu'à nommer et tolérer des instituteurs qui
donneraient un enseignement contraire à leur propre foi ? Non cela n'est pas
possible.
Cette défiance
vis-à-vis des établissements d'enseignement laïque est très exagérée ; je crois
qu'elle n'existe pas au fond ; il y a plutôt prétexte de la part de ceux qui ne
veulent voir dans les établissements laïques qu'un terrain à exploiter par eux
seuls ou que des établissements rivaux.
La Constitution a
voulu dans le pays l'enseignement libre pour tout le monde, libre pour l’Etat comme
pour les individus, libre pour le pouvoir civil à tous ses degrés, depuis le
gouvernement central jusqu'à la commune, comme pour l'autorité ecclésiastique
depuis l'évêque jusqu'au desservant. Mais si vous donnez tout à l'un, et si
vous tenez l'autre dans un état de défiance et de dépendance continuelle, ne
voyez-vous pas que l'équilibre est rompu, que l’esprit de la Constitution est
violé et que le pays doit se récrier, à bon droit, contre un pareil état de
choses qui sous une apparence de liberté établirait un complet monopole ?
(page 1432) Pour résoudre de pareilles questions, il ne faut que du
bon sens et de la bonne foi. J'ai regret de le dire, mais la manière dont la
loi sur l'instruction primaire a été interprétée et exécutée n'annonce pas une
entière bonne foi. Si l'on avait voulu franchement l'exécution de la loi telle
que nous la voulions, nous qui l'avons votée, nous serions dans une situation
tout autre ; et le gouvernement se serait empressé de venir fournir au pays la
preuve qu'il avait compris et rempli tous ses devoirs. Cette preuve, nous
l'aurions trouvée dans le rapport que le ministère est en retard de produire
depuis le 23 septembre dernier.
Je demande donc en
finissant que M. le ministre nous dise pour quel moment il sera prêt à fournir
son rapport sur l’instruction primaire ; je demande si dans ce rapport
seront traitées les diverses questions que nous avons touchées aujourd'hui. Le
gouvernement doit avoir à cœur de se justifier des reproches qui lui ont été
adressés.
L'instruction
publique est encore appelée à jouer un trop grand rôle dans nos débats, pour
qu'avant d'aborder la loi d'enseignement moyen, nous ne soyons parfaitement
édifiés sur l'exécution donnée à la loi d'enseignement primaire. M. le ministre
sentira sans doute la responsabilité qui pèse sur lui de ce chef, et je ne
doute pas qu'il ne se hâte de préparer les éléments de son rapport sur
l'enseignement primaire, de manière qu'il puisse nous être soumis, avant la
discussion de la loi sur l'enseignement moyen.
M. de Mérode. - Messieurs, la
liberté des cultes a-t-elle été établie pour anéantir la religion ?...
M. Rogier. - Qui parle
d'anéantir la religion ?
M. de Mérode. - Vous ne savez pas
ce que je vais dire. C'est une question que je pose.
La liberté des cultes
a-t-elle été établie pour anéantir la religion ou pour lui laisser son libre
développement sans que le pouvoir temporel s'immisce dans les affaires de la
conscience ?
Voici la réponse à
faire à cette question :
Non, la liberté des
cultes a pour but de faciliter à l'homme le sentiment et les pratiques qui
relèvent vers Dieu.
Je ferai encore cette
question : La liberté des cultes a-t-elle été établie pour détruire chez nos
enfants belges la croyance religieuse de leurs pères ?
Et je dirai encore
non !
Messieurs, chaque
année notre budget porte une somme considérable destinée au maintien du culte
catholique, pratiqué depuis des siècles dans le pays qui, jadis, en prenait
même géographiquement le nom.
Or, qu'est-ce qu'un
maître d'école dans une commune, ? N'est-ce pas la personne qui se trouve le
plus en contact avec les enfants, qui agit sur leur cœur et leur intelligence
de la manière la plus puissante ?
Eh bien, messieurs,
n'est-il pas vrai que si le maître exerçait son influence dans un sens
différent sous le rapport moral et religieux de celui du prêtre charge du soin
des âmes, ce serait détruire d'une main ce qu'on conserverait de l'autre ? Ce
que je viens de dire explique le motif des mesures qui ont été prises dans la
fondation des écoles normales de l'Etat ; car si l'on eût agi autrement, les
écoles n'auraient point obtenu la confiance de la généralité des paroisses ;
car, messieurs, soyez-en persuadés, parce que tous les faits le prouvent, les
pères de famille en immense majorité, bien loin de craindre l'influence
ecclésiastique dans l'éducation de leurs enfants, la désirent vivement, et il
ne leur suffit pas de trouver dans un instituteur l'instruction que
j'appellerai scientifique ; ils veulent chez lui le sentiment qu'ils
considèrent comme la base la plus solide du respect filial et de la morale
vraiment sérieuse.
Constamment on
présente l'influence du clergé dans l'éducation comme ascendant dangereux,
comme un monopole effrayant.
Et cependant que
voyons-nous effectivement parmi nous ? Est-ce une piété excessive, fanatique,
contraire à la tolérance civile constitutionnelle ? Je le dis sincèrement, j'ai
beau regarder de l'œil le plus attentif ce qui se passe autour de moi. je ne
vois rien de semblable.
L'honorable
préopinant vient de nous parler du principe libéral en matière d'enseignement
dont je ne sépare pas l'éducation ; vous savez, messieurs, que je ne joue pas avec
le terme libéral ; je ne lui permets pas de prendre plusieurs significations
diverses et même absolument opposées, car de là résulte dans cette enceinte et
ailleurs une perpétuelle confusion d'idées.
Selon
moi, donc, une éducation, un enseignement scientifique et catholique est une
éducation libérale pour le père de famille catholique, parce qu'elle est
conforme à ses vœux, parce qu'il y trouve ce qu'il aime pour ses enfants, qui
lui appartiennent par les droits les plus sacrés de la nature.
Une éducation
scientifique conforme à la religion de Moïse est une éducation libérale pour le
père israélile. Une éducation conforme à l'éclectisme est libérale pour le père
éclectique, à moins qu'il n'arrive, chose assez fréquente, qu'il en préfère une
autre.
Voilà, messieurs,
comme j'entends l'enseignement au point de vue libéral, et des plaintes graves
de la part des pères de famille n'étant point parvenues à nos oreilles, je ne
crois pas que les censures rigoureuses de ce qui s'est fait relativement à
l'instruction primaire en Belgique soient justement appliquées.
M. Veydt. - Les garanties que demande l'honorable comte de
Mérode, il les trouve dans la présence des inspecteurs ecclésiastiques dans les
écoles primaires : leur mission est de veiller à ce que l'instruction soit
basée sur la religion et la morale, qui sont, dans ma manière de voir comme
dans la sienne, le premier fondement de l'enseignement primaire. Mais à côté de
l'instruction religieuse, il y a l'instruction civile, l'instruction
scientifique comme vient de la qualifier l'honorable préopinant. A cet égard,
tous les devoirs des inspecteurs provinciaux ne sont pas remplis ; la part
d'intervention et d'influence du gouvernement n'est pas suffisamment faite ; on
la laisse, s'il m'est permis de parler ainsi, tomber en déchéance,
Déjà les honorables
membres qui ont pris la parole avant moi ont rempli une grande partie de la
tâche que je m'étais tracée. Je. voulais également parler des écoles normales
et des cours normaux.
J'avais fait un
relevé du nombre d'instituteurs dont nous pourrions avoir besoin pour nos
différentes écoles dans une situation normale et complète. Ce relevé, le voici
:
Il y a en Belgique
2,431 communes ; les villes sont au nombre de 86. En supposant que chaque
commune ait besoin d'un instituteur, chaque ville de cinq, nous arrivons à un
chiffre de 2,861, Il y a en outre, dans le pays, au moins 30 écoles primaires
supérieures ayant, en moyenne, quatre instituteurs, a qui fait 120 instituteurs
à ajouter. Nous avons donc 2,981, soit, en nombre rond, trois mille
instituteurs primaires.
Or, d'après le calcul
fait en France pour le remplacement annuel, l'on compte sur un vingtième à
renouveler par suite des extinctions et autres causes : il faudrait dans cette
proportion 150 instituteurs par an pour suffire aux besoins de l'enseignement
primaire du pays. Peut-on espérer que les deux écoles normales de l'Etat aient
une part suffisante dans cette répartition annuelle ? Evidemment non, messieurs.
De la résulte encore la nécessité de l'organisation prochaine des cours
normaux.
A cette occasion je
dirai aussi un mot d'une question qui concerne les élèves des écoles normales
créées par la loi de 1842.
Une disposition de la
loi sur la milice de 1817 (article 94 § ff) accorde aux élèves des écoles
établies pour former des instituteurs l'exemption successive de la milice pour
un an, pourvu que ces élèves, parvenus à 23 ans, soient placés par les soins du
gouvernement dans une école communale du pays ; avant 1830, c'était l'Etat qui
nommait aux fonctions d'instituteur. Aujourd'hui ces conditions ne peuvent plus
être remplies ; et il est arrivé que les conseils de milice, à cause de la
stricte application que réclame la loi en cette matière, n'ont pas pu faire
jouir les élèves des écoles normales de Lierre et de Nivelles de l'exemption de
l'article précité.
Je prie M. le
ministre de porter son attention sur ce changement. Le moment est d'autant plus
opportun que la commission chargée de l'examen des modifications proposées aux
lois sur la milice, n'a pas encore achevé son travail.
Comme le disait
l'honorable M. Rogier, le rapport triennal sur l'instruction primaire, qui ne
peut plus tarder à nous être présenté, traitera toutes les questions soulevées
devant la chambre. Qu'il me soit permis d'en indiquer deux sur lesquelles on
n'a pas appelé jusqu'ici son attention. L'article 9 de la loi organique de
l'enseignement primaire prescrit l'examen des livres destinés à l'enseignement
par la commission centrale et ensuite leur approbation par le gouvernement ;
les livres destinés à l'instruction morale et religieuse doivent être approuvés
par les chefs du culte. Ces chefs ont largement usé du pouvoir que la loi leur
confère, car nous trouvons leur approbation jusque sur des livres
d'arithmétique et de géométrie. Quant au gouvernement, je ne pense pas qu'il
ait jusqu'à présent fait usage de sa prérogative, de son droit.
Le rapport sur l'état
de l'instruction primaire en France, présenté au roi, en 1841, par M. Villemain,
fait connaître qu'il y a 551 ouvrages approuvés par le conseil de l'instruction
et qui sont à l'abri de tout reproche immoral. Je verrais avec plaisir que le
gouvernement exerçât dans une large mesure le pouvoir que la loi lui confère
pour l'approbation des livres destinés aux écoles primaires.
L'article 14 de la
loi concerne les conférences des instituteurs ; il prescrit aux inspecteurs
cantonaux de réunir tous ceux de leur ressort ou de leur canton, sous leur
direction, une fois par trimestre. C'est une disposition libérale éminemment
utile, qui a pour but le progrès de l'enseignement, l'étude et la mise en
pratique des bonnes méthodes. Il est donc bien désirable qu'elle reçoive
partout son exécution.
M. Mast de Vries. - Elle est exécutée.
M. Veydt. — L'honorable
membre confond peut-être les conférences dont je parle avec celles qui doivent
être présidées par l'inspecteur provincial.
C'est l'article 16
qui est relatif à ces dernières conférences ; mais l'article 14 en prescrit
d'autres par canton.
Je désirerais de plus
que le rapport que nous attendons de M. le ministre nous dît si des efforts ont
été faits pour arriver à la séparation des deux sexes dans les écoles primaires
; leur réunion présente des inconvénients, et des dangers ; il est difficile,
je le reconnais, dans beaucoup de communes de séparer les garçons et les
filles. Il en est cependant plusieurs où l'on pourrait donner suite à une
pareille amélioration que le gouvernement devrait provoquer et encourager le
plus possible. Jusqu'à présent, l'on n'a presque rien fait pour l'instruction
des filles, qui est destinée à exercer une si salutaire influence dans les
familles.
Toute école publique
devrait être placée, à perpétuité, dans un local possédé en propriété par la
commune. Les maisons louées conviennent, en général, peu à la tenue des écoles.
Je serais charmé de
savoir quelle est la situation des écoles en ce qui concerne les bâtiments qui
y sont affectés.
Je voudrais savoir si
nous pouvons espérer d'atteindre, dans un terme assez rapproché, à
l'amélioration notable, dont j'ai l'honneur d'entretenir la chambre.
(page 1433) Comme j'y attache une grande importance, je vois avec
regret, dans le dernier amendement déposé par l'honorable comte de Theux, qu'il
propose de réduire de 100,000 à 75,000 fr., le crédit pour construction,
réparation et ameublement d'écoles.
Il me reste à traiter
la question financière.
L'Etat, les provinces
et les communes ont fait des sacrifices incontestables et cependant la position
des instituteurs n’est pas améliorée. Cela provient de différentes causes. Dans
plusieurs communes, on a eu à lutter contre l'extrême parcimonie des conseils.
Les provinces ont jusqu'à présent trouvé de grandes difficultés à exécuter
l'article de la loi qui leur impose 2 centimes additionnels au profit de
l'instruction primaire. Ces centimes s'élèvent pour les neuf provinces à
510,000 fr.
Nous avons reçu
l'état des fonds dépensés ; mais il se rapporte à l'exercice 1844, et ne peut
plus servir de point de comparaison, car à cette époque les conseils
provinciaux étaient loin d'avoir rempli leurs obligations. Je crois
qu'aujourd'hui la plupart se sont exécutés, et que tous s'exécuteront à la
session qui va bientôt s'ouvrir.
Pour ma part, je les
y engage fortement ; c'est le seul moyen d'acquérir un droit certain aux
subsides de l'Etat. L'honorable M. Nothomb avait pris le parti de refuser aux
provinces dont les conseils n'avaient pas voté une allocation égale au produit
de 2 centimes sur le montant des contributions directes, toute participation
aux subsides accordés au budget de l'intérieur ; il avait trouvé là un moyen
coercitif pour contraindre les provinces à s'imposer de durs sacrifices.
Je crois que ce but
est aujourd'hui atteint ou sur le point de l'être. Il faudra à présent que le
gouvernement ait un crédit d'un chiffre égal au total de toutes les allocations
provinciales (fr. 510,000), afin de subvenir à tous les besoins de l'instruction
primaire.
Une autre cause de la
situation défavorable des instituteurs gît dans la réduction trop grande de la
rétribution payée par les élèves. Je crois que l'on a été trop loin.
Il y aurait de
l'inconvénient sans doute à exiger une rétribution trop élevée, qui rendrait
difficile l'accès des écoles à toutes les familles et nuirait à l'extension des
bienfaits de l'enseignement. Mais il y a un juste milieu à garder.
Aux termes de
l'article 5, les enfants pauvres reçoivent l'instruction gratuitement. C'est
une disposition excellente ; mais dans ma manière de voir elle a reçu trop
d'extension. Il y a beaucoup d'enfants dont les parents ne sont pas pauvres et
qui ont néanmoins été inscrits pour recevoir l'instruction gratuite. Je crains
que cette trop grande facilité ne soit aussi la cause d'un préjudice notable
pour les instituteurs.
J'ai été pendant
longtemps un zélé défenseur de l'instruction primaire ; je m'en suis occupé
avec intérêt, avec sollicitude. J'avouerai franchement, messieurs, que l'exécution
si incomplète que la loi de 1842 a reçue jusqu'à présent m'a découragé.
Je
suis resté, pendant deux ans, sans prendre soin des intérêts de l'instruction,
et j'étais enclin à persévérer dans cette indifférence.
Aujourd'hui, ma
position dans la chambre me porte à changer de conduite. Je saisirai de temps
en temps l'occasion de faire les observations qui me paraîtront utiles. Quelque
faible portée qu'elles puissent avoir, je croirai devoir les renouveler dans le
but de contribuer à assurer au gouvernement la part qu'il doit toujours avoir
dans un intérêt aussi grand que celui de l'instruction publique.
M. de Garcia. - Très bien !
M. de Mérode. - Nous sommes
d'accord.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). - Répondant à l'observation que j'avais faite
touchant le refus de l'administration communale de Bruxelles de mettre à la
disposition du gouvernement un local pour les élèves de l'école normale
primaire de l'Etat, l'honorable M. Orts a dit que l'obligation de fournir le
local n'était pas inscrite dans la loi.
Mais l'honorable
député ne peut pas contester au gouvernement le droit d'imposer cette condition
aux administrations communales. C'est ce que le gouvernement a fait et il était
dans son droit ; car la création de ces écoles n'est pas non plus obligatoire
pour lui ; il avait donc parfaitement le droit d'ouvrir une négociation avec
les villes où il les établit. C'est d'ailleurs l'esprit de la loi, puisque les
bâtiments d'école et les locaux pour tes écoles normales sont partout fournis
par les communes.
L'honorable M. Rogier
a parlé des sentiments de confiance qui doivent exister de la part de
l'autorité ecclésiastique vis-à-vis de l'autorité civile. Certes je ne le
combattrai pas sur ce terrain, et je dirai qu'il faut que les sentiments de
confiance soient réciproques, là où il doit y avoir des concessions réciproques
dans un intérêt tout à fait social et d'un ordre aussi élevé que l'instruction
primaire. Il ne faut donc semer de défiance ni d'un côté ni de l'autre.
J'ai plutôt à parler
ici de mon prédécesseur que de mes actes personnels.
On a articulé contre
mon prédécesseur un grief de ce qu'il n'avait pas déposé de rapport sur
l'exécution de la loi sur l'instruction primaire. Cette obligation n'est née
pour lui qu'en septembre 1845 ; or, à cette époque, il avait quitté le pouvoir
; cette seule observation fait disparaître le grief.
Je suppose que
l'honorable M. Van de Weyer aura cru s'être acquitté de l’obligation qui lui
est imposée par la loi, au moyen du dépôt du compte de l'emploi des subsides du
gouvernement, des provinces et des communes. Le dépôt de cet état aura été
envisagé comme l'exécution de la loi.
Toutefois, je ne me
refuse pas à communiquer a la chambre un rapport plus étendu sur cette matière.
Mais on comprendra qu'il n'est pas facile de faite un rapport sur l'exécution
de la loi sur l'instruction primaire, qui embrasse toutes les communes, qui se
complique d'une foule de dispositions. C'est un très grand travail. Il faut
pour cela un temps suffisant. J'ajouterai qu'il y a maintenant un travail
énorme à la direction de l'instruction publique. La loi sur l'instruction
primaire a augmenté le travail de cette direction d’une manière tout à fait
remarquable. Ainsi la question du rapport n'est pour moi qu'une question de
temps. Aussitôt qu'il sera possible de présenter un rapport complet, tel qu'on
semble le désirer, je n'hésiterai pas à le déposer ; car dans cette matière,
comme pour toutes les autres parties de l'administration, je ne ferai jamais
aucune difficulté de porter à la connaissance de la chambre les actes du
gouvernement.
L'honorable membre
aurait désiré qu'on eût partout choisi, pour remplir les fonctions
d'inspecteurs civils, soit provinciaux, soit cantonaux, les hommes les plus
considérables par leur position. Sans doute, ce serait un résultat extrêmement
désirable que les hommes qui ont la position la plus élevée dans la société,
qui portent intérêt à toutes les questions sociales voulussent accepter de
semblables fonctions. L'honorable membre a comparé les choix actuels avec ceux
faits sous le gouvernement précédent. Mais qu'on veuille remarquer qu'alors les
attributions des inspecteurs étaient presque nulles en comparaison de ce
qu'elles sont conformément à la loi actuelle. C'est un travail considérable que
peu de personnes, dans les conditions indiquées par l'honorable M. Rogier,
voudraient accepter. Il faut pour cela avoir du temps disponible et un zèle
tout extraordinaire.. Du reste le choix de telles personnes ne contrarierait en
aucune manière l'exécution de la loi.
Ce serait une
garantie de plus au point de vue de la religion, de la morale et de
l'instruction. Plus les personnes appelées à ces fonctions seraient, par leur
position et par leurs qualités, dignes de les occuper, plus l'exécution de la
loi serait facile.
L'honorable membre
s'est ensuite attaché à critiquer l'absence complète de cours normaux près des
écoles primaires. Il désirerait des instituteurs religieux, moraux, instruits.
Sur ce point nous sommes parfaitement d'accord. Je dirai que les cours normaux
qui peuvent être institués encore dans quelques écoles primaires n'ont pas pour
objet d'obtenir des instituteurs plus instruits que ceux qui sortent des écoles
normales. D'après l'esprit de la loi, les uns et les autres doivent avoir les
mêmes qualités.
Je ne vois pas non
plus quels résultats fâcheux, au point de vue de la religion, peuvent produire ces
cours, s'ils sont réellement conformes à l'esprit de la loi.
Il est à remarquer
qu'il existe déjà dans le pays neuf écoles normales. Si ces cours normaux
doivent encore équivaloir à des écoles normales, je ne pense pas qu'il faille
donner une pareille extension à la loi ; il est évident qu'ainsi l'on
dépasserait les besoins du pajs et que l'on compromettrait même le sort des
écoles normales..
En ce qui concerne
l'institution des concours, ce ne peut être une question d'opinion, une
question de parti. C'est tout bonnement une question du progrès de
l'instruction. Le clergé est parfaitement indifférent à cette question de
concours. Tout ce que nous devons désirer, c'est de les organiser graduellement
de manière à leur faire porter de bons fruits. Je n'ai pas nié que les
institutions de ce genre ne doivent produire de bons fruits ; mais j'ai dit
qu'il y a eu beaucoup de désappointement, en ce que l'on s'était promis, dans
les provinces où ils ont été tentés avant la loi de septembre 1842, des
résultats bien au-delà de la réalité.
En ce qui concerne
l'agréation des instituteurs, on sait qu'il sont nommés par les conseils
communaux ; jamais on n'a admis comme condition de l’agréation par le
gouvernement l'agréation de l'inspecteur ecclésiastique. Seulement, celui-ci
est consulté par l'inspecteur civil ; autant que possible il y a accord entre
ces deux fonctionnaires. C'est bien là l'esprit de la loi. Il s'est présente
des cas où l'agréation a eu lieu sur l'avis de l'inspecteur civil, contre
l'avis de l'inspecteur ecclésiastique. Ce sont des questions de faits, où le
gouvernement reste juge ; la loi lui laisse toute latitude à cet égard ; c'est
à lui à apprécier les faits et les motifs de dissentiment.
L'honorable M. Veydt
a parlé de l'approbation des livres par le gouvernement ; c'est encore une
faculté que la loi donne au gouvernement ; je ne suis pas, je l'avoue, au
courant de cette partie du service ; je ne pourrais donner à la chambre des
renseignements sur tout ce qui a été fait à cet égard ; mais ce qui est certain,
c'est qu'il n'y a pas encore là une question de parti.
En ce qui concerne
les conférences des instituteurs, je ne pourrais affirmer qu'il en existe
partout ; je puis cependant déclarer qu'il y en a dans ma localité et dans
beaucoup d'autres. Dans tous les cas, ces conférences sont très utiles. Je
veillerai à ce qu'il y en ait dans toutes les localités, si jusqu'ici elles ne
sont pas régulièrement établies.
Les observations de
M. Veydt sur la séparation des sexes, qu'il serait si utile d’établir dans
toutes les communes en donnant des locaux distincts pour chaque sexe, sont
parfaitement justes ; elles ont toute noire sympathie. A la vérité, 75,000 fr.
seulement sont portés au budget. Si le chiffre proposé par mon honorable
prédécesseur est aussi peu élevé, c'est parce qu'il y a pénurie dans le trésor.
M. Veydt. - Par votre amendement, vous réduisez le chiffre de
100,000 fr. à 75,000 fr.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). - C'est une erreur ; c'est simplement un
transfert ; l'imputation sur ce crédit devait comprendre des dépenses de deux
natures différentes.
J'ai proposé un
amendement pour faire concorder la rédaction du budget avec les spécialités des
dépenses indiquées dans la loi, ainsi que dans le rapport de l'honorable M. Van
de Weyer, de manière que l'on pût confronter le budget avec l’etat des
dépenses. C’est une simple formalité, d'où (page 1434) il ne résulte aucune réduction sur le chiffre affecté à
la construction do bâtiments d'écoles.
Il y a un projet qui
devra être mûri, c'est celui de hâter, au moyen d'un emprunt, la construction
des bâtiments d'école. C'est une question extrêmement importante ; mais il n'y
a pas encore de décision arrêtée sur ce point.
La dépense totale de
l'instruction primaire communale s'élève déjà à 2,800,000 fr., tant à la charge
de l'Etat qu'à la charge des provinces et des communes, el, je dois le dire, la
dépense ne s'arrêtera pas à ce chiffre, à moins qu'on ne parvienne à introduire
quelque moyen d'économie.
J'applaudis aux idées
émises par l'honorable député d'Anvers sur le chiffre de la rétribution des
élèves. Je crois comme lui qu'il ne faut pas trop réduire les frais d'école à
l'égard des enfants des familles aisées, et qu'il est juste que les chefs de
famille fassent les frais d'enseignement de leurs enfants ; il faut que la
majeure partie de ces frais soit mise exclusivement à la charge des parents.
Ainsi en fixant la
rétribution des élèves à un taux convenable, on pourrait éviter les charges
énormes qui pèsent sur le budget des communes, des provinces et de l'Etat.
Le
chiffre que nous avons proposé a pour but de satisfaire aux besoins réels de
l'année courante. Deux provinces sont encore en retard de voter les 2 c.
additionnels ; elles n'ont pas entièrement atteint le chiffre fixé par la loi.
Cependant on a reconnu que, vu les circonstances particulières, il y aurait
lieu de leur accorder cette année un subside, mais à la condition que l'année
prochaine les 2 c. additionnels seront portés au budget ; car, il ne faut pas
que deux provinces restent en arrière, lorsque les autres se sont conformées à
la loi.
L'honorable député a
aussi appelé mon attention sur la dispense du service militaire qu'il
conviendrait d'accorder aux élèves des écoles normales ; je ferai un examen
particulier de cette question.
Je crois avoir
rencontré la plupart des observations qui m'ont été faites. Je puis donc borner
à ceci mes explications.
M. Rogier. - Il résulte du
discours que vous venez d'entendre, que les griefs que nous avons articulés
contre l'administration relativement à la mauvaise exécution de plusieurs
parties de la loi sur l'instruction primaire ne sont pas contestés par
l'honorable ministre de l'intérieur.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). - Pardon, je n'ai pas dit cela.
M. Rogier. - M. le ministre ne
dit pas qu'il soit d'accord avec nous mais il repousse toute responsabilité et
la rejette sur son prédécesseur.
J'aurais voulu que
les collègues de l'honorable M. Nothomb, qui siègent encore au banc ministériel
et qui ont une part de responsabilité dans ses actes, prissent la parole pour
les défendre.
On avouera que le
champ était assez vaste pour les provoquer à se jeter dans la lutte, ne fût-ce
que pour défendre un autre collègue qui n'est pas présent.
M. le ministre de
l'intérieur vient de nous dire que le rapport sur l'instruction primaire, que
le gouvernement doit à la chambre depuis le 23 septembre dernier, n'avait pas
été présenté par l'honorable M. Van de Weyer, ce qui est très vrai ; mais ce
n'est pas un motif pour M. le ministre de l'intérieur de se soustraire à
l'obligation qui a commencé à courir pour lui depuis le 30 mars de cette année.
L'honorable M. Van de
Weyer n'avait pas décliné cette obligation ; il n'est pas exact de dire que la
production de l'état des dépenses de l'instruction primaire équivalait à ses yeux
au rapport général sur l'instruction primaire. Ce sont des renseignements tout
à fait différents prescrits par des articles différents de la loi.
Ainsi l'article 23
exige que le gouvernement dépose l'état détaillé de l'emploi des fonds ; c'est
cet état détaillé que l'honorable M. Van de Weyer a déposé sur le bureau ; mais
il avait formellement promis d'exécuter l'article 38 qui prescrit le dépôt d'un
rapport triennal sur l'état de l'instruction. C'est ce rapport que nous
réclamons. J'espère bien qu'il ne se fera pas attendre.
Nous
ne pouvons admettre comme motif du retard la difficulté de faire ce travail.
Tout ce que la loi prescrit au gouvernement doit lui être facile.
L'honorable M. Van de
Weyer s'était engagé à déposer le rapport au commencement de la session
prochaine ; M. le ministre de l'intérieur prend-il le même engagement ?
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). - Oui !
M. Rogier. - J'en prends acte
; et je n'en dirai pas davantage en ce moment. Lorsque le rapport qui vient
d'être promis aura été déposé, nous en ferons l'objet d'un examen sérieux ; et
nous avons la conviction qu'il sera facile de faire ressortir, des faits seuls,
l'entière justification des reproches de l'opposition.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). - Effectivement, messieurs, mon honorable
prédécesseur, M. Van de Weyer, a promis un second rapport en conformité de
l'article 38 de la loi. Ce rapport, il l'a annoncé pour l'époque de la
présentation de son budget, au mois de novembre prochain. Je prends très
volontiers le même engagement. Je ne ferai à cet égard aucune difficulté.
Mais je ne puis
laisser passer sans observation cette allégation de l'honorable M. Rogier, que
j’avais en quelque sorte accepté pour l'honorable M. Nothomb un blâme sur
l'inexécution de certaines parties de la loi.
Au contraire,
messieurs, j'ai répondu à diverses observations qui ont été faites, et nous
attendrons le dépôt du rapport que vient de réclamer l'honorable M. Rogier,
pour apprécier en pleine connaissance de cause l'administration de mon
honorable prédécesseur en ce qui concerne l'instruction primaire ; c'est alors
que la chambre pourra apprécier ses actes. (La
clôture ! la clôture !)
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Je demande la
parole. (La clôture ! la
clôture !)
- La clôture est
réclamée par plus de dix membres.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, si la
chambre veut clore la discussion, je renoncerai à la parole.
Plusieurs membres. - Aux voix la
clôture !
M. de Brouckere. - Messieurs, l'honorable
M. Rogier vient de provoquer les anciens ministres à donner quelques
explications sur ce qui s'est passé pendant le ministère de l'honorable M.
Nothomb. L'honorable M. Dechamps est disposé à répondre à cet appel et je
l'entendrai avec beaucoup de plaisir. J'espère donc que la chambre ne lui
fermera pas la bouche. (La clôture ! la
clôture !)
- La clôture est mise
aux voix et prononcée.
« Enseignement
supérieur »
Articles 1 à 3
« Art. 1er.
Traitements des fonctionnaires et employés des deux universités de l'Etat.
Bourses. Médailles et subsides pour le matériel : fr. 621,800. »
- Adopté.
_______________
« Art. 2. Frais
des jurys d'examen pour les grades académiques : fr. 64,100. »
M. le ministre de
l'intérieur propose une augmentation de 30,000 fr., ce qui porterait le chiffre
à 94 100 fr.
- Le chiffre de
94,100 fr. est adopté.
_______________
« Art. 3.
Dépenses du concours universitaire : fr. 15,000. »
- Adopté.
« Art. 4. Frais d'inscription
des athénées et collèges : fr. 12,000 fr. »
La section centrale
propose de réduire l'allocation à 7,300 fr.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, la loi
sur l'instruction moyenne sera prochainement discutée, et dès lors des fonds
seront nécessaires. Je pense donc qu'il vaut mieux maintenir le chiffre.
M.
Orban, rapporteur. - Je crois, messieurs, qu'il n'y a pas lieu d'adopter
le chiffre proposé par le gouvernement, tant que la loi sur l'enseignement
moyen n'est pas votée. Indépendamment de ce motif, un fait malheureux est
survenu, c'est le décès du titulaire de l'inspecteur des écoles moyennes, de
sorte que dans tous les cas le crédit proposé par la section centrale sera
suffisant.
M. de Brouckere. - Je vous avoue,
messieurs, que j'ai vu avec plaisir la nomination d'un inspecteur chargé de
surveiller les établissements d'enseignement secondaire, mais il paraît que
l'acte posé à cet égard n'obtient pas au même degré l'approbation de M. le
ministre de l'intérieur actuel.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). - Je vous demande pardon.
M. de Brouckere. - Si je fais cette
observation, c'est parce que je vois qu'on ne se dispose pas à nommer un
successeur au titulaire qui est mort depuis quelque temps déjà.
M. le ministre de l’intérieur
(M. de Theux). - Je demande
la parole.
M. de Brouckere. - Ce qui me fait
croire qu'on ne se dispose pas à lui donner un successeur, c'est que par une
disposition ministérielle insérée dans les journaux le chef de la division de
l'instruction publique au département de l'intérieur est chargé des fonctions
de l'inspecteur, avec cette réserve qu'il n'y aura pas d'inspections, qu'il est
simplement chargé de recevoir les dépêches destinées à l'inspecteur et d'y répondre.
Je suppose, d'après cela, que le chiffre destiné aux inspections est
actuellement sans emploi.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). - Oui. Il n'y a pas de titulaire.
M. de Brouckere. - Et alors même que
M. le ministre de l'intérieur nommerait dans un bref délai un nouveau titulaire
il en résulterait toujours que le crédit proposé par la section centrale serait
suffisant jusqu'à la fin de l'année, parce que l'intérim a été assez long. Je
ne vois pas pourquoi nous irions allouer une somme supérieure à celle qui est
reconnue nécessaire pour payer l'inspecteur.
Je
sais très bien que le gouvernement a parlé d'inspecteurs temporaires, qui
seraient chargés, sous les ordres de l'inspecteur général des athénées, de
certaines inspections ; mais puisque M. le ministre de l'intérieur dit lui-même
que nous sommes si près du vote de la loi sur l'enseignement secondaire, je
pense avec M. le rapporteur de la section centrale qu'il n'y a pas lieu de
nommer ces titulaires pour le moment, et ainsi, alors même que M. le ministre
de l'intérieur aurait l'intention de remplacer immédiatement l'inspecteur des
établissements d'enseignement secondaire, le chiffre de 7,500 fr. porté
primitivement au budget serait toujours suffisant.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, je n'ai pas du tout annoncé
l'intention de ne pas nommer un remplaçant au titulaire qui vient de décéder.
La disposition provisoire qui a été prise l'a été par mon prédécesseur et je
suppose que c'est parce que la section centrale avait contesté le chiffre et
qu'avant le vote de ce chiffre il n'a pas voulu procéder à la nomination. Quant
à moi, je ne suis pas du tout éloigné de faire la nomination d'un inspecteur.
Je crois, au contraire, que ces fonctions sont utiles ; mais comme il y a eu
une vacature assez longue, je proposerai de réduire le chiffre à 10,000 fr. Je
crois, messieurs, qu'il y a encore des frais assez considérables à faire par
les inspecteurs adjoints qui doivent se rendre dans les collèges qui prennent
part aux concours ; dès lors le chiffre de (page 1435) 10,000 fr. est nécessaire, mais je pense qu'il suffira
pour assurer le service.
- Le chiffre de 10,000
fr. est mis aux voix et adopté.
Article 5
« Art. 5.
Subsides annuels aux établissements d'enseignement moyen et industriel (écoles
de Gand et de Verviers), autres que les écoles d'art et métiers et les ateliers
d'apprentissage : fr. 200,000. »
M. Rogier. - Messieurs, voici
un article qui peut donner lieu à une discussion assez longue ; je ne sais pas
si la chambre est disposée à entamer aujourd'hui cette discussion. (Oui, oui.)
C'est fort bien, mais
que ce soit à la condition que par des demandes de clôture on ne ferme pas la
bouche aux orateurs et même aux ministres qui veulent prendre la parole.
Messieurs, dans le
courant de cette session, un honorable membre avait adressé une interpellation
à M. le ministre de l'intérieur d'alors, relativement à certaine convention
passée par une administration locale avec le clergé. Je n'ai pas besoin de
rappeler en quoi consistait cette convention ; vous savez qu'on reprochait à
l'administration locale d'avoir abdiqué sa prérogative entre les mains de
l'épiscopat, en ce qui concerne la nomination des professeurs de son athénée.
Voici la réponse que fit l'honorable M. Van de Weyer :
« Je me suis cru
obligé d'écrire à l'autorité communale de Tournay une dépêche dans laquelle
j'ai déclaré que je ne pourrais donner mon consentement à cette convention. Je
n'ai pas voulu, à la veille de la présentation du projet de loi, que par mon
silence ou mon abstention on pût croire que les termes de cette convention
serviraient de base, de type au projet de loi qui vous sera soumis. »
Je remarque, en
passant, qu'à cette époque le ministère annonçait à la chambre qu'un projet de
loi devait lui être nécessairement soumis, et que ce projet nous n'avons pu
l'obtenir du ministère actuel, qui compte parmi ses membres les anciens
collègues de M. Van de Weyer. Mais enfin il y avait alors un principe au
gouvernement, un principe qui ne craignait pas de s'énoncer, un principe qui
aurait passé dans le projet de loi dont le ministère d'alors nous promettait la
présentation.
Un changement
d'administration a eu lieu. Nous sommes en droit, avant d'accorder les subsides
destinés aux établissements d'enseignement moyen, nous sommes en droit de
demander au ministère tout entier quel est le principe qui, aujourd'hui, le dirige
dans les questions semblables à celles qu'a soulevées la convention passée par
l'administration communale de Tournay. M. le ministre de l'intérieur croit-il
qu'une pareille convention puisse obtenir l'assentiment de l'administration 7
Son intention est-elle de revenir à cet égard sur la décision qui a été prise
par son prédécesseur ? Ses collègues d'aujourd'hui abandonneront-ils le
principe mis en avant par l'honorable M. Van de Weyer ? Ce qui m'engage,
messieurs, à poser cette question à M. le ministre de l'intérieur, c'est
l'attitude qu'il a prise dans la discussion de la motion faite par notre
honorable ami M. Cans. L'honorable M. de Theux loin de blâmer, loin de
désapprouver le principe qui avait servi de base à la convention de Tournay,
lui donnait sa pleine et entière adhésion, dans les termes que voici :
« Le gouvernement qui
s'opposerait à un pareil arrangement se mettrait en opposition manifeste avec
le vœu des pères de famille, avec les sentiments religieux de toute la nation.
Et je ne crains pas de le dire, si un amendement était formulé au projet de loi
sur l'enseignement moyen, ayant pour objet d'interdire de pareils arrangements,
jamais il ne recevrait l'assentiment des chambres. J'ai trop de confiance dans
leur loyauté, pour croire que jamais elles interdiraient de semblables
arrangements.
« Je vais
tellement loin, en cette matière, que si j'étais ministre de l'intérieur et que
si un conseil communal croyait avoir des motifs suffisants pour mettre son
collège à la disposition de l'autorité ecclésiastique protestante, par exemple,
je ne me croirais pas le droit, ni d'annuler la convention, ni de refuser les
subsides.
« Voilà, messieurs,
les principes vraiment libéraux, vraiment constitutionnels, vraiment légaux, et
je suis prêt à les soutenir en toutes circonstances. »
Ainsi, messieurs,
l'opinion de M. le ministre actuel et celle de son prédécesseur différaient
radicalement. Où l'un voyait un principe blâmable, que le gouvernement ne
pouvait pas sanctionner, l'autre voyait un principe parfaitement acceptable, et
que le gouvernement ni la chambre ne pouvait pas répudier, sous peine de porter
atteinte aux vœux des pères de famille, à la loi, à la Constitution. En
présence d'une divergence d'opinion aussi complète, en présence de la
profession de foi de M. le ministre de l'intérieur, nous devons savoir de
quelle manière il entend appliquer en principe les subsides qu'il demande à la chambre pour être répartis entre les
établissements d'enseignement moyen. Quant à nous, si par le vote de ces
subsides, nous devions le moins du monde engager notre opinion, si, par le vote
de ces subsides, nous pensions que, soit directement, soit indirectement, une
sanction fût donnée aux arrangements auxquels il a été fait allusion ; si telle
devait être l'interprétation du vote des subsides destinés à l'enseignement
moyen, je proposerais, messieurs, la radiation de la partie de ces subsides
applicable aux établissements de communes qui auraient aliéné entre les mains
de tiers leur indépendance, leur prérogative. Si donc les subsides sont votés
par nous, ils ne peuvent l'être que sous cette réserve expresse.
Je conçois qu'au
point de vue administratif, il puisse être utile de continuer aux
établissements existants les subsides dont ils ont besoin pour vivre. Nous ne
voudrions pas y jeter tout à coup une grande perturbation ; mais il faut qu'on
soit bien d'accord sur ce point, qu'en votant les subsides, nous n'entendons
nullement sanctionner les arrangements qui ont eu lieu et qui ont été l'objet
d'un blâme de la part du ministère précédent.
M. Dumortier. - Messieurs, je
suis surpris, je suis vraiment peiné que ce soit l'honorable préopinant, lui
qui, comme ministre de l'instruction publique, en 1841, a posé des principes si
libéraux, en matière d'allocation de subsides aux établissements d'enseignement
moyen ; que ce soit l'honorable préopinant, qui, revenant sur ses opinions
antérieures, propose de retirer le subside à l'athénée de Tournay, à cause
d'une convention qui n'a eu qu'un résultat, celui d'assurer une brillante
prospérité à cette institution.
A cet égard, je crois
n'avoir rien de mieux à faire que de répondre à M. Rogier de 1840, par M.
Rogier de 1841. Voici, en effet, une circulaire que M. Rogier en 1841
adressait, en qualité de ministre de l'instruction publique, aux bourgmestres
des villes où se trouvaient des collèges subventionnés, pour leur faire
connaître les conditions auxquelles les subsides seraient continués. Cette
pièce est insérée dans le rapport sur l'enseignement moyen de Belgique,
présenté à la chambre le 1er mars 1843 :
« Bruxelles, 31 mars
1841.
« Monsieur le
bourgmestre,
« Avant que de
proposer au Roi l’arrêté qui distribue entre les athénées et les collèges le
crédit porlé à l'article 4, chapitre V du budget de mon département, exercice
courant, je crois devoir vous informer que le gouvernement considérera comme un
droit et un devoir résultant de cette allocation, la surveillance et
l’inspection des établissements subventionnés par le trésor.
« Il sera en
conséquence établi, comme condition pour l'obtention des subsides, que le
gouvernement aura le droit de les faire inspecter, d'y organiser des concours,
et que de plus, pour s'assurer du bon emploi des fonds il se réservera
l'approbation du budget des recettes et dépenses des athénées et des collèges
qui auront obtenu des secours sur les fonds de l'Etat.
« Comme l'allocation
des subsides ne. se fera qu'aux conditions ci-dessus détaillées, je vous prie,
M. le bourgmestre, de vouloir bien me faire parvenir l'adhésion de
l’administration communale à ces conditions dans le plus bref délai possible.
« Le ministre
des travaux publics,
« Ch. Rogier. »
Voilà quelles
étaient, en 1841, les seules conditions que l'honorable M. Rogier, alors
ministre de l'instruction publique, imposait aux athénées et aux collèges
subventionnés, pour leur assurer la continuation de leurs subsides. Trois
conditions étaient exigées : acceptation de l'inspectorat, approbation du
budget de l'établissement par le gouvernement et participation au concours.
Or, qu'a fait la
ville de Tournay ? Elle a adhéré aux conditions indiquées par le gouvernement.
Eh bien ! n'est-ce
pas une chose affligeante de voir l'honorable auteur de principes si libéraux, les
abandonner maintenant, pour entrer dans un cercle étroit, dans un cercle
d'interdictions indigne de son caractère ? Oui, je dis que c'est un cercle
étroit, car il est incontestable que la ville de Tournay a eu le même pouvoir
pour faire un concordat relativement à l'athénée que la ville de Bruxelles,
pour créer une université libre. Si, à votre avis, la régence de Tournay n'a
pas eu le droit de faire un semblable concordat, de déléguer ce que vous
appelez une partie de ses attributions, assertion tout à fait inexacte, je vous
demande comment vous trouvez que Bruxelles a eu le droit de fonder une
université libre.
M. Orts. - Bruxelles n'a pas
fondé une université libre.
M. Dumortier. - Je demanderai comment
il est légal que le conseil provincial du Brabant ait pu allouer un subside sur
les fonds provinciaux à cet établissement.
On dit que la ville
de Bruxelles n'a pas fondé une université libre. Je me rappelle que lors des
funérailles d'un de nos anciens collègues, de M. Rouppe, le plus grand éloge
qu'on ait cru pouvoir faire de cet ancien bourgmestre de Bruxelles, c'était
d'avoir, comme bourgmestre, fondé l'université libre.
Mais, si de pareilles
conventions sont illégales, s'il n'est plus possible à des villes de faire des
conventions relativement à leurs établissements d'instruction, alors je demande
comment la ville de Bruxelles a pu faire une convention d'adoption avec une
université libre, en supposant que cette université n'ait pas été fondée par la
ville. Y a-t-il, en pareille matière, plusieurs modes de procéder ?...
M. Orts. - Où est la
convention faite par la ville de Bruxelles ?
M. Dumortier. - Cette convention est
dans le subside que vous accordez annuellement. Croyez-moi, M. Orts, soyez
tolérants, laissez faire aux autres ce que vous faites vous-mêmes. Nous ne
trouvons pas mauvais que vous ayez une université libre ; j'ai été même un des
souscripteurs pour l'érection de cet établissement, je n'en rougis pas ; mais,
encore une fois, soyez aussi tolérants que nous ; nous ne vous demandons pas
que vous souscriviez pour les établissements qui sont dans l'ordre de nos idées
; mais laissez-nous faire ce que vous faites vous-mêmes ; lorsque nous ne
demandons qu'une juste égalité, nous sommes en droit de l'obtenir. Que
deviendrait la liberté en Belgique si, réellement, elle n'existait que pour
vous et non pour nous ? Votre liberté ne serait qu'une tyrannie.
Messieurs, je reviens
à la question. L'honorable M. Rogier déclare donc aujourd'hui que si
l'allocation du subside que nous allons voter pouvait impliquer l'approbation
des conventions conclues par des villes avec l'épiscopat, il croirait de son
devoir de proposer une réduction sur le chiffre.
Eh bien, lorsque
l'honorable M. Rogier avait, en 1841, l'instruction publique dans ses
attributions, non seulement il n'a pas voulu, à cette époque, demander la
suppression des conventions existantes, mais il n'a pas hésité un instant à
proposer à la chambre de continuer les subsides à ces (page 1436) établissements. Ainsi, par exemple, en ce qui concerne
les collèges subventionnés de Herve et de Soignies, il a été conclu un
concordat sous les dates du 15 septembre 1838 et du 15 octobre 1840, entre les
évêques et les administrations de ces villes. Les conseils communaux de
Malines, de Furnes, de Thielt, etc., ont fait une semblable convention, à
l'égard de leurs collèges sous les dates respectives du 18 avril 1840, du 28
septembre 1831 et du 9 février 1839. Je pourrais citer d'autres conventions de
ce genre.
Il reste donc
démontré que lorsque l'honorable M. Rogier était ministre de l'instruction
publique il ne trouvait pas ces conventions illégales, et je l'en félicite ; il
trouvait alors ces conventions convenables, puisqu'il portait au budget les
subsides qui y avaient figuré les années précédentes en faveur de ces
établissements. Comment se fait il donc qu'aujourd'hui il juge illégal ce qu'il
regardait comme très légal quand il était ministre ? Les choses sont-elles donc
changées ? L'illégalité existe-t-elle ou n'existe t-elle pas, selon que l'on
est membre de l'opposition ou selon que l'on est ministre ? Je ne. puis le
croire ; je pense que la légalité est la même en tout temps et en tout état de
cause.
Au reste, je déclare
qu'il est inexact de dire que l'administration communale de Tournay ait abdiqué
ses prérogatives au profit de l'épiscopat, en ce qui concerne la nomination et
la révocation des professeurs :
L'administration communale
de Tournay n'a rien abdiqué : elle a consenti à recevoir des conseils en
matière de morale et de religion ; mais elle s'est réservé le droit de
nomination et de révocation ; seulement en cas de nouvelle nomination, elle
demande des conseils ; or, je crois que tout le monde peut demander des
conseils, s'astreindre même à les suivre, sans se soumettre à une abdication.
Ainsi cette allégation est complétement inexacte.
On a rappelé les
paroles prononcées par M. Van de Weyer dans la séance à laquelle on a fait
allusion ; l'ancien ministre de l'intérieur a déclaré alors qu'il ne donnait
pas son adhésion à la convention.
Mais j'ai eu
l'honneur de faire remarquer, lors de la discussion à laquelle on fait
allusion, que la ville de Tournay n'avait pas besoin de l'adhésion du ministre,
elle a agi dans le ressort de ses attributions, de son droit. Comme elle a
satisfait aux trois conditions imposées par la circulaire pour avoir le
subside, elle a pu faire en outre ce que font toutes les régences, et elle a
bien fait, comme le résultat l'a prouvé. L'établissement qui dépérissait au
moment de la convention est arrivé depuis à une grande
prospérité. Chose digne de remarque ! Déjà aujourd'hui un grand nombre de
demandes d'admission au collège de Tournay sont faites pour la rentrée du mois
d'octobre prochain. Voilà ce qui ne s'est jamais vu ; voilà comment l'opinion
des pères de famille du pays se manifeste en faveur de cet établissement. Cela
contrarie certaine opinion, je le comprends ; si vous ne voulez pas envoyer vos
enfants dans cet établissement, libre à vous ; mais laissez aux pères de
famille qui le préfèrent la liberté d'y envoyer les leurs. Liberté, liberté
pour tout le monde et tout ira au mieux ; fondez des établissements tant que
vous voudrez, mais permettez-nous aussi d'en fonder qui reposent sur
l'instruction religieuse que les pères de famille demandent et demandent
fortement dans ce pays.
M. de Brouckere. - Si la chambre se
propose de discuter aujourd'hui à fond, quelle est la portée des conventions de
la nature de celles dont viennent de parler les deux honorables préopinants, si
la chambre voulait examiner jusqu'à quel point ces conventions sont légales,
nous entrerions dans une discussion qui
pourrait devenir fort longue et j'ajouterai qui serait singulièrement inutile,
puisqu'elle n'aurait d'autre résultat que d'anticiper sur une discussion à
laquelle nous devons nous livrer dans un temps assez rapproché, quand nous
aurons à discuter la loi d'enseignement moyen.
En effet, ce sera à
coup sûr une des questions principales que nous aurons à résoudre que celle de
savoir jusqu'à quel point de semblables conventions peuvent ou ne peuvent pas
être autorisées, ou au moins quelles seraient les modifications qui devraient y
être apportées.
Je concevrais
cependant la réponse de M. Dumortier si mon honorable collègue avait proposé
d'une manière formelle de retrancher de l'article dont nous nous occupons une
partie, quelconque quant au chiffre. Mais l’honorable M. Rogier s'est contenté
de dire qu'on ne ferait une proposition de réduction que pour autant qu'on
voudrait induire au vote des 200 mille francs demandes par le gouvernement, que
la chambre approuve les conventions de la nature de celle dont on a parlé. Il y
a un moyen assez simple de mettre un terme à ce débit. Je demanderai au
ministre si par le libellé qui figure à l'article 5 du chapitre XIX, soit par
le chiffre porté à cet article, il a entendu réclamer l'approbation directe ou
indirecte des conventions dont il s'agit.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). - Non !
M. de Brouckere. - M. le ministre me répond non ; je dois
d'autant plus croire que telle est l'opinion du gouvernement que le budget a
été dressé par l'honorable M. Van de Weyer, qui à coup sûr, n'approuvait pas la
convention de Tournay. M. le ministre vient de me répondre non ; il n'entend
donc pas que le vote de deux cent mille francs entraîne une approbation quelle
qu'elle soit donnée aux conventions de ce genre. Je crois qu'il y a un moyen
simple : de mettre un terme à cette discussion ; pour éviter de la prulouger,
je m'abstiendrai de répondre à l'honorable M. Dumortier, notamment relativement
à la comparaison qu’il a faits de l’université libre avec l’athénée de Tournay.
La meilleure preuve
que l'université libre n'a pas été fondée par la ville de Bruxelles, c'est que
l’honorable M. Dumortier est un des fondateurs. Il n'y a pas eu d'autres
fondateurs de l'université libre que des personnes qui ont fait ce qu’a fait
l’honorable M. Dumortier. L’université libre a été fondée à l'aide de
souscriptions particulières. Il est vrai que la ville de Bruxelles et le
conseil provincial du Brabant allouent chaque année un subside à cette université,
mais elle n'en reste pas moins un établissement entièrement indépendant ; c'est
sans condition quelconque que ces subsides sont accordés. Mais nous ne voulons
pas prolonger cette discussion, nous voulons seulement que la question reste
entière, et le but serait atteint si on ajoutait au libellé de l'article :
« sans préjuger en rien la validité des conventions par lesquelles des
autorités communales auraient pu aliéner les pouvoirs qu'elles tiennent de
l'article 84 de la loi communale en ce qui concerne les établissements
communaux d'instruction publique.
M. Dumortier. - Pourquoi
n'avez-vous pas présenté cela l'an dernier ?
M. de Brouckere. - Permettez-moi de
vous dire que l'année dernière on n'avait pas signalé les conventions à la
chambre.
M. Dumortier. - Elles étaient
imprimées dans le rapport du ministre.
M. de Brouckere. - Je ne dis pas qu'elles
n'existaient pas, mais niez-vous que les chambres ne s'en soient pas
préoccupées, que l'attention de la chambre n'a pas été éveillée à cet égard ?
M. Dumortier. - Vous étiez libres
de le faire.
M. de Brouckere. - C'est pour cela
que nous le faisons ; nous usons d'une liberté en le faisant.
L'honorable M.
Dumortier, qui se dit si épris de toutes les libertés, doit nous permettre
d'user des nôtres.
Je répète donc que
mon seul but est qu'on ne puisse tirer aucune induction du vote que nous allons
émettre. Si vous voulez qu'on en tire, discutons la question à fond. Je
n'exprime pas mon opinion sur le fond en ce moment, afin de ne pas engager
cette discussion ; pour que nous puissions adopter l'article dont il s'agit, il
faut qu'il soit reconnu qu'aucune opinion ne sera liée par le vote que nous
allons émettre. J'entends, MM. de Mérode et Dumortier dire : Non ! non !
Mais il me faut autre chose que les non, non, de MM. de Mérode et Dumortier ;
il faut qu'aucune opinion n’ait été émise ; il faut que quand nous discuterons
la loi d'instruction secondaire, chaque membre arrive complétement libre,
n'étant lié par aucun antécédent.
Ce que vient de dire
l'honorable M. Dumortier doit engager la chambre à user d'une prudence
particulière ; car l'honorable membre n'invoque pas seulement contre ses
adversaires leurs paroles, mais leur silence. Il vient de faire à l'honorable
M. Rogier un grief sérieux, un grief tellement sérieux qu'il a dit que ce qu'il
a fait était indigne de son caractère ! Il lui a fait un grief de quoi ?
De ce que, dans la circulaire dont il a donné lecture, M. Rogier n'a pas parlé
des conventions...
M. Dumortier. - C'est la
circulaire.
M. de Brouckere. — Ce n'est pas la
circulaire, vous approuvez la circulaire ; c'est du silence que vous tirez une
induction, comme vous tirez une induction de ce qui n'a pas été fait en
1841.Vous dites que : Vous n'avez pas improuvé en 1841, c'est que vous
approuviez. Si nous ne faisons pas de réserve en 1846, quand nous discuterons
la loi de l'enseignement au commencement de 1847, car je doute qu'elle puisse
être discutée avant la fin de cette session, M. Dumortier viendra argumenter de
notre silence et dire : Comment pouvez-vous parler de ces conventions ? Tous
les journaux en avaient parlé, le rapport d'un membre du conseil communal de
Tournay sur une convention de cette nature était dans tous les journaux ; vous
saviez que dans les 200 mille francs portés à l'article 15 du chapitre XIX
figurât une allocation pour le collège de Tournay, vous avez voté cet article
sans rien dire, c'est que vous approuviez la convention !
Voilà
ce qui doit déterminer la chambre à agir avec une certaine circonspection. A
l'encontre de l'honorable membre, je désire que personne ne prenne
d'engagement, que la question reste entière ; je ne m'explique pas pour le
moment sur la question ; quand j'aurai à le faire, je le ferai catégoriquement.
Je le répète, si nous le faisions maintenant, ce serait inutilement, d'autant
plus que nous aurons occasion de traiter la question à fond dans quelques mois.
M. Dumortier. - L'honorable préopinant me fait dire autre
chose que ce que j'ai dit. Il est toujours commode de tronquer les opinions
émises par ses adversaires, on se ménage un triomphe facile.
Je me suis gardé de
blâmer l'honorable M. Rogier ; mon intention n'était nullement de le blâmer ;
j'ai exprimé le regret qu'un homme pour lequel je professe une haute et sincère
estime, se soit mis en opposition avec ses précédents, c’était du moins mon
opinion. L'ai-je blâmé de son silence ? Non certainement ; je n'entends pas non
plus blâmer l'honorable M. de Brouckere de son silence. Je ne dirai pas que
quand M. de Brouckere était gouverneur, il croyait devoir se taire et que
maintenant il peut parler.
Personne
ne pourra tirer d'induction du vote d'aujourd'hui ; mais ne vous y trompez pas
: si la réserve proposée était admise, ce serait un vote du défiance, de
désaveu de la convention que vous émettriez. Il ne faut pas se tromper sur ce
point ; si j'avais voulu blâmer, j'aurais dit qu'il avait approuvé ce qu'il
désapprouve aujourd'hui, je le prouverai quand le moment sera venu.
M. de Brouckere. - L'honorable M.
Dumortier vient de me répondre d'une manière assez peu obligeante, mais cela ne
m'étonne pas. Il a dit : Si je voulais
adresser quelque chose de peu agréable à M. de Brouckere, je dirais qu'il se taisait
quand il était gouverneur et qu'il parle aujourd'hui. Je ne lui répondrai qu'un
mot : Quand j'étais gouverneur, lui et ses amis ne m'adressaient qu'un seul
reproche ; c'est que je parlais un peu trop.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). - Je suis parfaitement d'accord (page 1437) avec les honorables MM. de
Brouckere et Rogirr sur ce point que le vote que la chambre émettra, quant au
chiffre destiné à subsidier l’enseignement moyen, n'emporte en aucune manière,
directement ou indirectement, approbation quelconque de la convention de
Tournay, ou de toute autre convention. Ces questions restent pleines et
entières, telles qu'elles sont aujourd'hui ; le vote ne peut exercer aucune
espèce de préjugé ou d'influence,. ces questions seront débattues à propos de
la discussion de la loi d'enseignement moyen.
Je dirai même que la
convention de Tournay sera prochainement débattue dans le conseil communal.
Nous avons
connaissance d'un rapport d'une commission ; nous verrons quelles observations
seront faites sur ce document. La question est pendante à Tournay ; nous ne
connaissons pas le véritable sens, la véritable portée de la convention- Ainsi
nous n'avons pas à nous en occuper.
L'honorable M. Rogier
a cité un passage d'un discours que j'ai prononcé à la suite de la motion de
l'honorable M. Cans. Ce discours renfermait deux passages distincts :
j'examinais d'abord la question de droit ; puis je constatais les faits.
J'ai dit d'abord
qu'aux termes de la loi communale l'autorité communale avait seule le droit de
nomination et de révocation des employés communaux et par conséquent des
professeurs des athénées. J'ai reconnu ce principe qui est consacré par la loi.
J'ai ensuite établi en fait que l'autorité communale de Tournay n'avait pas
aliéné ses droits. Je ne reproduirai pas mes observations. Nous attendrons les
résultats de la délibération de l'autorité communale de Tournay.
En fait, nous étions
d'accord avec l'honorable M. Devaux, qu'une conciliation était désirable. C'est
en ce sens que je me suis exprimé, qu'une loi, qui empêcherait l'entente entre
les autorités civile et ecclésiastique, en ce qui concerne l'enseignement
religieux, ne serait pas acceptable au point de vue social.
L'honorable M. Devaux
était d'accord avec moi sur ce point ; nous ne différions que sur une seule
circonstance : la portée de la convention. L'honorable M. Devaux y assignait
une portée que je n'y assigne pas. Voilà le dissentiment entre nous deux.
Je crois donc inutile
de formuler en amendement des réserves sur lesquelles on paraît être d'accord.
Il est entendu que, quel que soit le vote sur l'article du budget, il n'y a
absolument rien de préjugé.
M. Orts. - L'honorable M.
Dumortier a prétendu que la ville de Bruxelles avait fondé l'université libre ;
il a même parlé d'une convention entre la ville et l'université. Je ferai
remarquer à l'honorable membre que la ville de Bruxelles n'a pas plus fondé
l'université libre, que la ville de Louvain n'a fondé l'université catholique.
Il m'a convié à la tolérance ; je ne sais si cette invitation s'adresse à moi
personnellement, ou à la ville de Bruxelles. Je lui ferai cependant une
observation, c'est que la ville de Bruxelles, qui vote tous les ans un subside
en faveur de l'université, vote aussi tous les ans un subside en faveur d'une
école gardienne dirigée par un respectable curé de la ville et à une école
dirigée par l'abbé Van Dorselaer, et qui est consacrée à l'enseignement des
jeunes filles.
L'honorable membre a voulu
trouver quelque analogie entre la convention de Tournay et le subside alloué à
l'université libre. Je ne lui ferai qu'une réponse, par laquelle il pourra
apprécier mon opinion sur cette convention, c'est que si l'on proposait au
conseil communal de Bruxelles de déléguer la nomination des professeurs de son
athénée ou l'approbation de ces nominations au conseil d'administration de
l'université libre, composé d'hommes les plus respectables et éminemment
capables de faire de bonnes nominations, je m'opposerais de toutes mes forces à
une pareille proposition, parce que ce serait violer le principe de
l'inaliénabilité des droits dont la Constitution et la loi communale
investissent exclusivement les conseils communaux.
M. Rogier. - D'après la
déclaration de M. le ministre de l'intérieur, la discussion perdra beaucoup de
ses proportions.
M. le ministre de
l'intérieur a déclaré qu'il était bien entendu que le vote de l'article en
discussion n'impliquerait ni directement ni indirectement, de la part de la
chambre, la sanction ou l'approbation de conventions semblables à celle de
Tournay. Ceci demeure bien entendu. Nous pouvons donc voter aujourd'hui
l'article et ne pas entraver un service administratif.
J’ai commencé par
dire que je ne voulais pas entraver l'administration, que je voulais bien voter
le subside, mais à la condition que ce vote ne lie la chambre sous aucun
rapport.
J'ajouterai quelques
mots.
L'honorable M.
Dumortier s'étonne et s'afflige de ce que moi qui, en 1841, approuvais de
pareils arrangements, je vienne les condamner en 1846. Je dirai d'abord à
l'honorable M. Dumortier que les temps sont changés, que, depuis 184l, des
prétentions nouvelles et des faits nouveaux ont surgi, et que dès lors, tout en
restant conséquent avec moi-même, j'aurais pu changer d'opinion en présence des
changements survenus dans les principes et dans les faits.
Mais je nie que je
sois différent de moi-même en 1846 et en 1841.
En 1841, j'ai imposé
aux établissements qui recevaient un subside de l'Etat trois conditions : le
concours, l'inspection et la soumission des budgets au gouvernement. Mais dans
quelle circulaire, dans quel acte, dans quel discours l'honorable M. Dumorlier
a-t-il trouvé la preuve que jamais j'aie approuvé des conventions par lesquelles
une ville aurait abdiqué, dans l'administration de son collège les prérogatives
qu'elle tenait de la loi communale ? A aucune époque ; nulle part je n'ai
professé une telle opinion.
Des subsides, j'en ai
accordé sous condition, j'en accorderais encore, si j'étais ministre, à des
établissements privés ; mais jamais je n'en accorderais à des établissements
publics, dans lesquels l'autorité communale aurait abdiqué sa part légitime
d'action.
Nous sommes très
tolérants : nous sommés disposes à être libéraux vis-à-vis des établissements
privés ; mais jamais (et je ne pense pas que de telles doctrines puissent
prévaloir dans cette enceinte) nous n'admettrons que le gouvernement puisse
sanctionner des conventions par lesquelles les droits de la commune seraient
abdiqués, comme ils le sont par la convention de Tournay.
Du reste, ces questions reviendront en temps opportun.
Je souhaite trouver sur les bancs de l'honorable M. Dumortier autant de
sympathie que sur les nôtres pour les libertés du pouvoir civil à tous ses
degrés. A cet égard je ne crains pas de défier l'honorable M. Dumortier
lui-même ; nous verrons qui de nous deux sera le plus libéral et le plus
tolérant.
Tout ce qui nous
importe pour le moment, c'est la déclaration de M. le ministre de l'intérieur
faite en son nom et sans doute aussi au nom de la droite. (Oui, oui !) Car aucune réclamation ne s'est élevée sur ses
bancs, lorsqu'il a déclaré que le vote du subside n'impliquait ni directement
ni indirectement approbation de la chambre, quant à la convention de Tournay.
M. de Brouckere. - Mon intention
était de présenter l'amendement ; mais après une déclaration aussi nette que
celle qu'a faite l'honorable M. de Theux en sa qualité de ministre de l'intérieur,
déclaration qui non seulement ne semble pas contestée mais qui même paraît
ratifiée par tous les membres de cette chambre assis sur les bancs de la
droite, je déclare n'avoir aucune proposition à faire, et être parfaitement
satisfait.
- L'article 5 est mis
aux voix et adopté.
Article 6
« Art. 6. Indemnités
aux professeurs démissionnaires des athénées et collèges : fr
5,000. »
- Adopté.
« Art. 7. A. Frais
d'administration. Inspection civile et ecclésiastique : fr. 90,000
« B. Service annuel
ordinaire de l'instruction primaire communale, subsides aux communes (article
23 de la loi) ; fr. 271,000
« C. Matériel.
Construction, réparation et ameublement d'écoles. : fr. 75,000
« D. Encouragements
(titre III, § 2) : fr. 90,000
« E. Subsides à des
établissements spéciaux (article 25) ; fr. 25,000
« F. Enseignement
normal. Ecoles primaires supérieures : fr 200,000
« Total :
fr. 751,000. »
M. de Brouckere. - J'ai connaissance depuis tantôt de l'article
nouveau présenté par M. le ministre, et qui présente une augmentation de 79,000
francs. Mais M. le ministre de l'intérieur n'a pas dit quelles étaient les
provinces qui profiteraient de cette augmentation et dans quelle proportion. Or
je crains que certaine province à laquelle une augmentation de subside est
indispensable ne soit pas favorisée. Je voudrais savoir quelles sont les
intentions de M. le ministre de l’intérieur au sujet de la province dont je
veux parier.
Celte province, en
effet, est celle qui s'est le mieux exécutée, relativement à ses obligations
concernant l'enseignement, c'est-à-dire qu'elle s'est empressée de porter à son
budget le montant des 2 c. additionnels à ses contributions, et que les
communes de cette province ont également rempli leurs obligations.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). - La question faite par l'honorable M. de
Brouckere est, on doit le comprendre, assez délicate ; car, si j'entre dans des
explications, elles seront considérées comme des engagements vis-à-vis des
provinces. Ce que je puis dire à l'honorable membre, c'est que quatre provinces
n'ont pas obtenu l'an dernier de subside sur le litttera pour lequel je demande
une augmentation, et qu'il sera fait droit, au moins en partie, à leur
réclamation pour cette année. Ce sont les provinces d'Anvers, de la Flandre
orientale, du Hainaut et du Brabant.
Ces provinces auront
une part dans l'augmentation, mais je ne puis dire laquelle.
Je sais que
l'honorable M. de Brouckere désirerait une augmentation pour la province de
Liège ; nous examinerons s'il ne serait pas possible de l'accorder.
Nous n'avons pas pu proposer une somme telle que nous
l'eussions désirée pour faire face à tous les besoins de l'enseignement
primaire ; nous avons dû nous restreindre dans certaines limites ; mais ce que
nous ne pouvons pas faire telle année pourra être fait au budget de l'année
prochaine. Je prie donc l'honorable membre de ne pas insister pour obtenir
d'autres explications. Si quelques provinces restent encore sans obtenir ce qui
est nécessaire pour faire complétement face aux besoins du service, nous
tâcherons d'y pourvoir l'année prochaine.
Mais le gouvernement
aura à examiner s'il n'est pas possible d'introduire quelques économies dans les
dépenses de ce service. Ainsi que je l'ai dit, en répondant à l'honorable M.
Veydt, je crois qu'il y a quelques mesures à prendre pour empêcher
l'accroissement excessif des dépenses de l’enseignement qui s'élèvent déjà à
2,800,000 fr. en réunissant les subsides communaux et provinciaux à ceux de
l'Etat.
M. de Brouckere. - D'après ce que
vient de dire M. le ministre de l’intérieur, je n'insisterai pas pour obtenir
d'autres explications. Il reconnaîtra d'ailleurs, et la chambre reconnaîtra
avec lui, que dans la demande que j'ai faite, je suis parfaitement
désintéressé. Si j'ai fait une interpellation à M. le ministre, c'est parce
qu'il est à ma connaissance, à ma parfaite (page 1438) connaissance que les fonds alloués par l'Etat aux
provinces ne suffisent pas aux besoins de l'enseignement primaire. Si M. le
ministre de l'intérieur, qui n'est que depuis bien peu de temps aux affaires,
veut se faire représenter les réclamations faites par les provinces, il
reconnaîtra lui-même que quoique les allocations portées au budget soient déjà
bien élevées, elles sont véritablement trop minimes encore. C'est ainsi que
pour la province dont je veux parler, l'allocation que l'administration
provinciale croit indispensable, a été réduite des trois huitièmes.
Il
faut cependant que l'instruction primaire marche. Il faut que les instituteurs
soient salariés d'une manière convenable, c'est-à-dire de manière à pouvoir
vivre décemment. Or, vous savez, messieurs, qu'en général, ils ne peuvent pas exercer
d'autres professions ; ce n'est que par exception qu'on leur permet de donner
une partie de leur temps à des occupations étrangères à leurs fonctions. Il
faut donc les rétribuer de manière qu'ils puissent vivre convenablement.
Quoi qu'il en soit,
messieurs, je bornerai là mes réclamations, mais je prie avec instance M. le
ministre de l'intérieur d'examiner mûrement les observations dont je viens de
parler et de voir si, l'année prochaine, il ne. devra pas aviser au moyen, ou
de diminuer les dépenses de l'enseignement primaire, ou d'augmenter les
subsides du gouvernement.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). - Certainement, messieurs, je ne manquerai pas
de m'occuper de cela et d'une manière toute particulière. Cependant je dois
dire à l'honorable M. de Brouckere que la province de Liège est celle qui
touche le plus. Elle a touché 53,000 fr. Dans tous les cas je me ferai rendre
compte de toutes les demandes qui ont été faites et j'examinerai la question soigneusement.
- L'article est mis
aux voix et adopté.
Article 8
« Art. 8.
Subsides pour l'enseignement à donner aux sourds-muets et aux aveugles :
fr. 20,000. »
- Adopté.
Chapitre XX. -
Lettres, sciences et arts
Première section
Article premier
« Art. 1er.
Lettres et sciences : fr. 235,850.’
M. de Garcia. - Messieurs, je dois recommander à M. le
ministre de l'intérieur une académie de dessin qui existe à Namur et qui est
aussi remarquable par le mérite du directeur que par les élèves distingués
qu'elle produit. Qu'il me soit permis de donner lecture d'une lettre par
laquelle l'académie d'Anvers félicite le directeur de l'école de Namur des
soins qu'elle obtient. Cette lettre, beaucoup mieux que tout ce que je pourrais
dire, établira combien M. Marinus, paysagiste distingué et directeur de cette
académie, est digne de la sollicitude du gouvernement. Voici un extrait de
cette lettre :
« Académie
royale des Beaux-Arts d'Anvers.
« A messieurs
les bourgmestre et échevins de la ville de Namur.
« Anvers, le 15
septembre 1845.
« (…) Il nous est
agréable, messieurs, de n'avoir à donner à l'académie de Namur que de sincères
éloges. Les études qui nous ont été présentées le 7 sont encore meilleures sous
tous les rapports que celles des concours précédents et nous vous assurons que
de toutes les académies et écoles dont nous sommes appelés à juger les
concours, l'académie de, Namur est l'une de celles qui se distinguent le plus
par leur bonne méthode, l'avancement des éludes en général et les progrès
vraiment remarquables des élèves. Aussi, les professeurs ont-ils témoigné à
l'unanimité le désir que le procès-verbal qui en tiendrait lieu, contînt
l'expression de leur satisfaction des études de l'académie de Namur et les félicitations
qu'ils croient devoir adresser à M. le directeur Marinus, sur les brillants
succès de son enseignement.
« (…) Le directeur,
G. Wappers. »
Je n'ajouterai à ce témoignage flatteur qu'une
seule considération. Le. directeur de l'école de Namur est un artiste
paysagiste très distingué ; des élèves brillants sortis de son école ont déjà
figuré avec succès dans diverses expositions. La province de Namur, la plus
riche de nos provinces en beaux sites, est en quelque sorte le siège naturel de
l'étude du dessin de paysage. J'attire donc l'attention du gouvernement sur ce
directeur de l'académie de Namur qui, jusqu'à ce jour, est peut-être le seul
directeur qui n'ait pas reçu un témoignage d'encouragement. Je prie donc le
gouvernement de vouloir réparer cet oubli en demandant à cet artiste aussi
modeste que distingué l'occasion de fournir quelques ouvrages destinés à
embellir les établissements publics. (Aux voix ! aux voix !)
M. de La Coste. - Puisque l'honorable membre a cru devoir recommander
l'académie de Namur, je ne puis me dispenser d'appeler l'attention du
gouvernement sur celle de Louvain. Elle renferme des artistes très remarquables
qui n'ont reçu aucune marque de sympathie du gouvernement.
M. Dedecker. - Je n'ai pas demandé la parole, messieurs,
pour faire des réclamations en faveur de l'académie de Termonde. C'est pour un
autre objet. Dans la dernière réunion des différentes classes de l'Académie
royale de Bruxelles, M. le secrétaire perpétuel a été chargé de prier M. le
ministre de l'intérieur de porter le budget de l'Académie à 50,000 fr. Depuis
nombre d'années le budget normal de ce corps savant est fixé à 30,000 fr.
Maintenant l'Académie est réorganisée ; on a formé trois classes et au lieu de
48 membres, il y en a 90. Les travaux de l'Académie ont augmenté
considérablement. Déjà dès à présent il y a un arriéré considérable pour
l’impression des mémoires parmi lesquels il y en a de fort importants et entre
autres il en est un qui, à lui seul, coûtera 8,000 fr., et qui est relatif aux
origines du droit belgique. Je crois, messieurs, que par suite de la
réorganisation de l'Académie et pour ne pas interrompre des travaux dont tout
le monde reconnaît l'importance, il faudrait porter le chiffre de cette
institution à 50,000 fr. Je fais la proposition d'augmenter à cet effet de
10,000 fr. le crédit de l'article en discussion, et j'espère que M. le ministre
de l'intérieur voudra bien appuyer ma demande.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, par un amendement qui a été
imprimé le 11 mai, j'ai proposé une augmentation de 10,000 francs pour
l'appropriation des locaux destinés à l'Académie royale des sciences, lettres
et beaux-arts. Maintenant l'honorable M. Dedecker propose une nouvelle
augmentation de 10,000 francs. Je vous avoue que je ne suis pas du tout préparé
à traiter ce point. Dans tous les cas, s'il y avait un déficit sur ce service,
je proposerais un crédit supplémentaire.
M. Dedecker. - Par suite de la déclaration de M. le
ministre, qu'il proposera, au besoin, un crédit supplémentaire pour les
publications de l'Académie, je retire ma proposition.
M. de Bonne. - Messieurs,
l'allocation de 6,000 fr. qu'on vous demande au littera G de cet article a pour
objet de subvenir aux frais de publication de la collection des Acta sanctorum
commencée à Anvers il y a plus de 2 siècles.
Depuis environ 10
ans, si pas davantage, le trésor paye annuellement 6,000 fr. aux révérends
pères de la compagnie de Jésus.
Je ne viens pas
proposer, encore moins demander la suppression de cette allocation ; mais le
procédé suivi jusqu'à ce jour me paraît vicieux, et je crois nécessaire de le
signaler.
Autant que personne,
je désire conserver à la Belgique l'honneur de la publication de cet ouvrage.
Je serais heureux de le voir achevé, quoique j'en désespère beaucoup si l'on continue
à suivre la voie déplorable dans laquelle le ministère est entré, et j'ai lieu
de craindre que 2 siècles encore seront peut-être nécessaires.
La preuve de ce que
j'avance est facile à saisir. Tous les ans on alloue 6,000 fr., sans condition
aucune. Que l'on publie ou ne publie rien ; que les révérends pères travaillent
ou ne travaillent pas, peu importe, tous les ans le trésor leur paie 6,000 fr.
De manière que depuis
une dizaine d'années vous leur avez payé une soixantaine de mille francs.
Qu'avez-vous pour
cette somme ? Un volume de 1,200 pages in-folio, publié il y a trois mois
environ.
Je ne sais ce que
penseront mes honorables collègues, mais je trouve que l'œuvre est trop chère.
Presque tous les
gouvernements protègent les sciences, les lettres, les arts : ils leur viennent
en aide et leur accordent des secours. Mais cette assistance consiste dans
l'achat de l'œuvre ou même en un don pour l'œuvre faite ou à faire, et dans ce
cas le prix est fixé. Mais aucun que je sache ne paye une somme fixe par année,
sans déterminer l'ouvrage.
N'est-ce pas mettre
en action la table de la toile de Pénélope ? C'est vouloir éterniser le travail
des révérends pères, car ils sont intéressés à le prolonger. C'est en un mot
accorder une récompense, si pas à la paresse,, bien certainement à
l'insouciance.
Je pense donc que,
dans le cas actuel, nous devons demander que le gouvernement fasse comme on
fait partout ailleurs, c'est-à-dire qu'il détermine un prix par volume de tant
de pages, par exemple 15 à 1,600 pages. Ou bien qu'il soit décidé que le
gouvernement payera les frais d'impression de chaque volume, et abandonnera aux
révérends pères le bénéfice de la vente.
Il me semble que ce
mode est préférable : il présente plusieurs avantages.
D'abord ou sait ce
que produit chaque allocation ;
2° Il hâtera
l'achèvement de l'ouvrage.
3° Il diminuera la
charge que le mode suivi jusqu'à présent fait peser sur le trésor.
Le mode suivi jusqu'à
ce jour est d'autant plus vicieux qu'il pourrait établir un précédent
déplorable. Pourquoi, peut-on se demander, ne pas donner 3,000 fr. par an à tel
peintre ? 3 ou 4 mille à tel sculpteur ? 2 ou 3 mille à tel écrivain qui chacun
se serait chargé de faire tableaux, statues ou ouvrages littéraires ou
historiques, sans convenir ni de l'ouvrage, ni du terme dans lequel il seraient
fails ou livrés ?
L'allocation, de la
manière dont elle est faite, est donc une faveur, une donation, une pension
annuelle déguisée.
Ce
que l'on fait pour les révérends pères de la compagnie de Jésus pourrait-on le
refuser à des révérends pères d'un autre ordre, soit Bénédictins soit
Oratoriens, qui entreprendraient un ouvrage national ? Non sans doute. Eh bien,
si l'on veut éviter les plaintes de favoritisme et peut-être quelque chose de
plus, il faut régler cette allocation, en déterminant le prix et l'œuvre. La
conséquence de ce que je viens d'avoir l'honneur de vous dire se résume en la
proposition de déclarer que le gouvernement fera les frais d'impression de
chaque volume à publier par les révérends pères Bollandistes ; ou bien que la
somme de... (à convenir) sera payée pour chaque volume publié par les révérends
pères Bollandistes.
M. Dumortier. - Messieurs, la publication
dont il s'agit honore au plus haut point la Belgique. Vous savez, messieurs,
que les Acta sanctorum sont la seule grande publication que le pays ait
produite et qu'il a fallu deux siècles pour la pousser au point où elle est.
Chacune des grandes nations de l'Europe a élevé un monument aux sciences
historiques ; la France (page 1439)
a eu son grand recueil ; l'Allemagne a eu le sien ; l'Angleterre a eu le sien ;
la Belgique a les Acta sanctorum.
Remarquez, messieurs,
que les Acta sanctorum ne sont pas seulement une publication religieuse ; c'est
avant tout une publication historique. En effet, les saints sont les grands
hommes du moyen âge ; c'est uniquement dans ce qui est relatif aux saints qu'on
trouve des renseignements sur les mœurs, sur la vie des citoyens, sur les
libertés du peuple au moyen âge. Cette publication a été jugée en France comme
tellement importante que sous l'Empire, l'Institut de France a adressé un
message à l'empereur pour demander que la France continuât ce que la Belgique avait
entrepris. Maintenant des savants français sont venus en Belgique pour
continuer cette œuvre. La Belgique a vu là une question de dignité nationale ;
elle n'a pas voulu qu'une publication aussi célèbre passât à l'étranger, et les
chambres ont voté un subside pour en permettre la continuation.
L'honorable membre
pense que nous avons payé 60,000 fr. pour un volume, c'est une erreur ; il y a
deux volumes.
M. de Bonne. - Douze cents
pages.
M. Dumortier. - Il y a seize cents pages. (Interruption). Mais l'honorable membre
oublie une chose, c'est qu'il a fallu commencer par réunir les matériaux ; la
révolution française avait éparpillé les documents recueillis par les anciens
Bollandistes ; il fallu une correspondance extrêmement active avec tous les
autres pays pour pouvoir se procurer les matériaux nécessaires, et certes,
messieurs, le subside alloué n'est pas trop considérable.
Je pense que les
matériaux étant maintenant réunis, la publication sera un peu plus rapide que
dans les premières années. Mais je dois dire que les deux volumes qui ont paru
sont, de l'avis des hommes de lettres, à la hauteur des premières publications
et que l'Europe félicitera le Belgique d'avoir continué cette œuvre importante.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, je
m'engage volontiers à donner au prochain budget les renseignements les plus
détaillés sur le matériel de cette publication. Je n'ai pas dans ce moment ces
documents. Mais je puis donner l'assurance que ces fonds n'ont pas été
dilapidés. J'ajouterai que j'ai eu quelque peine à déterminer le collège
St-Michel à se charger de cette publication, parce qu'il devait retirer du
personnel d'ailleurs pour s'occuper de ce travail qui est très difficile et
extrêmement long.
M.
de Bonne. - D'après ce que vient de dire M. le ministre de
l'intérieur, je retirerai ma proposition. J'espère qu'au prochain budget M. le ministre
de l'intérieur ne manquera pas de nous donner les explications qu'il nous a
promises sur la partie matérielle et la régularisation de cette allocation.
Je reconnais la
vérité de ce que vous a dit l'honorable M. Dumortier : il s'agit d'une entreprise
très digne et très honorable pour la Belgique. Mais je trouve que nous la
payons un peu cher, et je désirerais qu'une allocation fût fixée par volume et
non par le nombre d'années que durera le publication. Car si l'on est resté dix
ans pour publier un volume, on peut en rester vingt pour en publier un autre et
cela deviendrait par trop onéreux.
M.
de Haerne. - J'ajouterai aux
observations de l'honorable M. Dumortier qu'il est à ma connaissance que non
seulement on a dû se donner de grandes peines pour rassembler les matériaux qui
se trouvaient dans le pays, mais qu'on a dù entrer en correspondance avec les
pays étrangers, qu'on a dû chercher des documents en Espagne, en Italie et dans
toute l'Europe, qu'ainsi il est impossible de régler l'allocation par volume,
parce que les documents s'accumulent et s'appliquent à des volumes différents.
- La discussion est
close.
Le chiffre de 245,850
fr. est mis aux voix et adopté.
Section II
Articles 2 à 6
« Art. 2.
Archives du royaume. Frais d'administration (personnel) : fr.
23,750. »
- Adopté.
________________
« Art. 3.
Matériel : fr. 4,600. »
- Adopté.
________________
« Art. 4. Frais de publication des
inventaires des archives : fr. 4,000. »
- Adopté.
________________
« Art. 5. Archives de l'Etat dans les
provinces ; frais de recouvrement de documents provenant des archives, tombées
dans des mains privées ; frais de copies de documents concernant l'histoire
nationale : fr. 15,000. »
M. le ministre de
l'intérieur propose une augmentation de 2,400 fr., ce qui porte le chiffre à
17,400 fr.
- Le chiffre de
17,400 fr. est adopté.
________________
« Art. 6. Location de la maison servant
de succursale au dépôt général des archives de l'Etat : fr. 3,500. »
- Adopté.
Section III
Article 7
« Art. 7.
Beaux-arts ; fr. 236,500. »
M. le ministre de
l'intérieur propose une augmentation de 12,000 fr., ce qui porterait le chiffre
à 248,500 fr.
M. Veydt. - A la fin de la troisième section, il est dit qu'il
n'y a pas de crédit au budget pour l'exposition triennale des beaux-arts. Mais,
messieurs, il y a des expositions, à tour de rôle, à Anvers, à Bruxelles et à
Gand. En 1845, c'était le tour de la capitale. Je désire prévenir que la
suppression d'un crédit en 1846, au moment où l'exposition va avoir lieu à
Anvers, ne soit considérée comme pouvant nuire à cette exposition et la priver
des subsides du gouvernement. Les trois expositions ont été consacrées par
plusieurs arrêtés royaux, et en dernier lieu, par celui du 25 novembre 1839,
qui crée un fonds destiné à l'encouragement de la peinture historique et de la
sculpture. Il est donc parfaitement juste qu'elles reçoivent toutes les trois
des subsides de l'Etat, dans l'année respective de leur ouverture.
M.
de Bonne. - Messieurs, dans ce chiffre se trouve comprise une
somme de 8,000 fr. pour travaux d'appropriation à la porte de Hal. En 1841, il
avait été dit qu'une somme de 10,000 fr. suffirait pour ces travaux. Depuis
lors il paraît que l'on a déjà dépensé 23,000 fr., et on demande encore 8,000
fr. pour 1846. Il y a plus ; on nous menace (car je regarde cela comme une
menace) d'une dépense de 86,000 fr. pour faire de la porte de Hal un monument.
J'avoue, messieurs, que je comprends difficilement comment d'une ancienne porte
de ville et d'une prison, on pourra faire un monument. Je désirerais que mes
collègues de la chambre fissent un tour jusqu'à la porte de Hal pour s'assurer
de la possibilité de l'exécution d'un pareil projet. Si c'était par amour de
l'ogive que l'on voulait conserver la porte de Hal, il ne fallait pas
l'enterrer en grande partie et fermer ainsi l'entrée. Quant à moi, je ne vois
plus dans cet édifice qu'un gros caillou qui obstrue la voie publique. Qu'on le
conserve comme un débris de fortifications, je le conçois, mais je ne puis
admettre qu'on en fasse un monument.
M. le ministre
de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, le crédit qui est demandé n'est
pas destiné à faire de la porte de Hal un monument, mais à l'approprier à
l'intérieur et à y transporter des collections qui se trouvent au Palais de
l'Industrie. Il ne s'agit nullement en ce moment de commencer les travaux d'un
monument.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Je ferai remarquer que ce que l'honorable M. de Bonne appelle un caillou a
été payé 165,000 fr. à la ville de Bruxelles, et que, dès lors, il est naturel
qu'on y fasse quelques travaux ultérieurs pour le rendre bon à quelque chose.
— Le chiffre de
248,500 fr. est mis aux voix et adopté.
Articles 8 à 11
« Art. 8. Monument de
la place des Martyrs : fr. 2,000. »
- Adopté.
________________
« Art. 9.
Quatrième septième pour l'exécution de la statue équestre de Godefroid de Bouillon :
fr. 12,500. »
- Adopté.
________________
« Art. 10. Monuments à élever aux hommes
illustres de la Belgique, avec le concours des villes et des provinces ;
médailles à consacrer aux événements mémorables : fr. 10,000 ? »
- Adopté.
________________
« Art. 11. Subsides aux provinces, aux
villes et aux communes dont les ressources sont insuffisances pour la
conservation des monuments, et commission royale des monuments : fr.
38,000. »
La section centrale
propose une réduction de 2,000 fr.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). - Je me rallie à cette réduction.
- Le chiffre de
36,000 fr. est adopté.
Chapitre XXI. -
Etat-civil, tables décennales
Article unique
« Article unique.
Complément des frais de confection des tables décennales des actes de
l'état-civil pour la période de 1835 à 1842, en exécution du décret du 20
juillet 1807 et des articles 69 et 70 de la loi provinciale : fr. 25,000
- Adopté.
Chapitre XXII. - Dépenses
imprévues et travail extraordinaire
Article unique
« Article
unique. Dépenses imprévues et travail extraordinaire : fr. 18,000. »
- Adopté.
Vote sur les dispositions légales et sur l’ensemble du
projet
M. le président. - Des amendements
ayant été introduits dans le budget, il y a lieu de remettre le second vote à
une autre séance.
Plusieurs membres. - Non ! non !
Aux voix ! aux voix !
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). - Si la chambre désire passer immédiatement au
vote définitif, je me rallierai aux amendements adoptés, pour ne pas prolonger
la discussion.
- La chambre décide
qu'elle procédera d'urgence au second vote.
Les amendements admis
au premier vote sont successivement mis aux voix et définitivement adoptés.
La chambre passe au
vote du projet de loi.
« Art. 1r. Le budget
du département de l'intérieur pour l'exercice 1846 est fixé à la somme de cinq
millions huit cent quatre-vingt-quatre mille soixante et quatorze francs,
conformément au tableau ci-annexé. »
- Adopté.
« Art. 2. La
présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »
- Adopté.
Il est procédé au
vote par appel nominal sur l'ensemble du budget de l'intérieur.
Voici le résultat de
cette opération : 57 membres prennent part au vote. 56 membres répondent oui. 1
(M. de Bonne) répond non.
En conséquence le
projet de loi, contenant le budget de l'intérieur, exercice 1846, est adopté.
Il sera transmis au sénat.
(page 1440) Ont répondu oui : MM. Brabant, Clep, Coppieters,
d'Anethan, de Brouckere, Dechamps, de Chimay, de Corswarem, Dedecker, de Garcia
de la Vega, de Haerne, de La Coste, de Meer de Moorsel, de Meester, de Mérode,
de Muelenaere, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux,
d'Hoffschmidt, d'Huart, Dubus aîné, Dubus (Albéric), Dubus (Bernard), Dumont,
Dumortier, Eloy de Burdinne, Fallon, Henot, Lange, Lejeune, Liedts, Maertens,
Malou, Mast de Vries, Orban, Osy, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Scheyven,
Sigart, Simons, Thienpont, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Verwilghen, Veydt,
Wallaert, Zoude.
MOTION D’ORDRE
M. Osy. - Au commencement de
la séance, la chambre a mis à l'ordre du jour un crédit supplémentaire pour le département
des finances. Je demanderai que l'assemblée mette également à l’ordre du jour
un crédit supplémentaire pour le département des affaires étrangères, crédit
sur lequel j'ai déposé un rapport récemment.
- Cette proposition
est adoptée.
La séance est levée à
5 heures et demie.
Séance suivante