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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mercredi 5 mai 1847
Sommaire
1) Pièces adressées à la
chambre, notamment pétition relative aux travaux d’irrigations (A. Dubus)
2) Projet de loi relatif
aux greffiers des justices de paix (Van Cutsem, Delehaye, Maertens, Delehaye)
3) Projet de loi portant réduction
des péages sur la Sambre canalisée (+industrie houillère et tarif du chemin de
fer de l’Etat) (Delfosse, David,
de Bavay)
4) Fixation de l’ordre des
travaux de la chambre. Droits sur les sucres (Malou)
5) Projet de loi accordant
un crédit supplémentaire au département des affaires étrangères. Droit
d’enregistrement pour l’octroi des titres de noblesse (Osy,
Dechamps, Rodenbach, Osy, Dechamps, Mercier,
Lebeau, Dechamps, Orts, Osy), traitements des agents diplomatiques
et ordre de Léopold (Osy, Dechamps,
Osy), agents diplomatiques en Espagne (Delehaye,
Dechamps)
6) Projet de loi accordant
un crédit supplémentaire au budget de la marine (Osy)
7) Projet de loi accordant
un crédit supplémentaire au budget de la dette publique (Veydt)
8) Projet de loi accordant
un crédit supplémentaire au budget des travaux publics. Canaux de la campine et
défrichements (de Corswarem, de
Bavay, Dubus (aîné))
(Annales parlementaires de Belgique, session
1846-1847)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 1716) M. Huveners procède à
l'appel nominal à midi et demi ; il donne ensuite lecture du procès-verbal de la
séance précédente, dont la rédaction est approuvée, et fait connaître l'analyse
des pièces suivantes.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Le conseil communal
d'Olmen présente des observations en faveur du projet de loi sur les
irrigations, et prie la chambre de l'examiner. »
M. A.
Dubus. - Je
demanderai le renvoi de cette pétition à la section centrale chargée de
l'examen du projet.
- Cette proposition est
adoptée.
_________________
Messages du sénat faisant
connaître l'adoption des projets de loi relatifs : 1° à la restitution des
droits d'enregistrement sur plusieurs lettres de naturalisation ; 2° aux
crédits supplémentaires aux budgets du département des finances, exercices 1846
et 1847 ; 3° à la régularisation de la circonscription cantonale.
- Pris pour notification.
PROJET DE LOI RELATIF A LA NOMINATION DES GREFFIERS DE JUSTICE DE PAIX
M. Van
Cutsem. - Messieurs,
j’ai l'honneur de déposer le rapport de votre commission de circonscription
cantonale sur le projet de loi qui nous a été transmis par le sénat et qui tend
à indemniser certains greffiers de la perte de leur place qui résultera de la
loi modifiant la circonscription cantonale. Ce projet est urgent ; si la
chambre le désire, je donnerai lecture du rapport, et je pense qu'on pourrait
passer immédiatement à la discussion.
« Le sénat nous a
transmis, le 4 de ce mois, un projet de loi qu'il a voté, le même jour, pour
indemniser, jusqu'à un certain point, les greffiers qui perdent leurs places
par suite des modifications qu'une loi nouvelle introduit a dans la
circonscription cantonale du royaume ; ce projet a été renvoyé à votre
commission de circonscription cantonale par décision prise dans votre séance
d'hier ; rapporteur de cette commission, je viens vous soumettre les résultats
de son examen.
Après s'être rendu compte
de la position fâcheuse que fait à deux greffiers de justice de paix la loi
nouvelle sur la circonscription cantonale, la commission, à l'unanimité de ses
membres, a pensé qu'il fallait faire quelque chose pour ces greffiers
dépossédés, et qu'on ne pouvait mieux indemniser ces fonctionnaires qu'en leur
conservant, jusqu'à révocation ou mise à la retraite, le titre de greffier et
le droit, dans-les limites de leur compétence actuelle, de procéder aux ventes
mobilières, ventes qu'aux termes des lois de 1790 et 1793 ils ne peuvent faire
qu'en leur qualité de greffier titulaire d'une justice de paix.
En émettant cette
opinion, votre commission ne craint pas de poser un précédent dangereux ; elle
ne voit, dans un semblable acte législatif, que la réparation d'un mal particulier
produit par une disposition légale, utile à la généralité ; or, elle estime que
chaque fois qu'un citoyen verra ses intérêts lésés pour procurer des avantages
au plus grand nombre, l'équité exige qu'on l'indemnise des sacrifices que lui
impose la loi, alors que rien n'y met obstacle ; et puisque dans la présente
occurrence le projet de loi n'entraîne aucune dépense pour le trésor, et que le
greffier qui restera en place verra accroître ses émoluments de toutes les
pertes que fera son collègue dépossédé, elle est d'avis que la réparation
contenue dans le projet de loi doit avoir nécessairement lieu.
Mue
par ces différentes considérations, elle vous propose l'adoption du projet de
loi du sénat, qui fera cesser au moins en partie le dommage que la loi nouvelle
occasionnera aux greffiers de justice de paix de Bruges et de Gand.
M. le président. - Vous venez d'entendre la lecture
du rapport. On fait la proposition de passer immédiatement aux voix sur
l'article unique du projet.
Plusieurs membres. - Demain !
M. Delehaye. - Messieurs, je crois qu'il suffira
de dire à la chambre de quoi il s'agit, pour qu'elle reconnaisse qu'elle peut
passer immédiatement au vote.
Vous savez que plusieurs
cantons qui, par suite de la loi que vous avez votée dernièrement, ont été
supprimés, n'avaient plus déjà de juges de paix, mais avaient conservé un
greffier. Ces greffiers, par suite de la loi nouvelle, perdent leur position.
Il s'agit de savoir s'ils doivent perdre toutes les qualités dont ils étaient
investis. Je comprends que ces greffiers perdent une partie de leurs
traitements ; mais s'ils avaient d'autres sources de revenu qu'ils peuvent
conserver sans qu'il en coûte rien au trésor, il faut les leur laisser.
Or,
que propose la commission ? Elle propose simplement de maintenir à ces
greffiers le droit qu'ils avaient de faire des ventes de biens mobiliers.
Je ferai remarquer qu'il
n'y a que deux greffiers dans ce cas. Ce sont deux personnes dignes de
l'intérêt de la chambre, qui remplissent avec zèle leurs fonctions depuis un
grand nombre d'années.
Je pense donc que le
projet ne peut donner lieu à discussion, et que renvoyer le vote à demain
serait une perte de temps inutile. Je prie la chambre, dans l'intérêt de ces deux
fonctionnaires, de passer immédiatement au vote de la loi.
M. Maertens. - Messieurs, le projet qui vous est
soumis en ce moment appui le une modification à la loi que la chambre a votée
dans sa séance du 10 avril. Ce que l'on vous propose tend à redresser en partie
les injustices que j'ai signalées et qui devaient être la conséquence de cette
loi. J'ai fait valoir alors différentes considérations, qui, à défaut d'examen,
n'ont pas été goûtées par la chambre, mais qui ont fait quelque impression sur
le sénat et ont été reproduites par des membres de cette assemblée. C'est à la
suite de ces observations que le projet actuel a été présenté et voté par le
sénat.
Ce projet, comme je viens
de le dire, ne redresse qu'en partie les griefs que j'ai indiqués et ne vient
en aide qu'à l'un des deux fonctionnaires que la mesure atteint. Je désire
qu'on nous laisse le temps de voir s'il n'y a pas également moyen de faire
quelque chose pour l'autre et je demande formellement que la discussion soit
renvoyée à demain. Je ne vois pas par quel motif on voudrait encore emporter
cette loi d'assaut !
M. Delehaye. - Je désire, comme l'honorable M.
Maertens, qu'on fasse quelque chose pour le greffier de Bruges. Je n'insisterai
donc pas sur ma proposition ; mais je modifierai celle de l'honorable
préopinant en ce sens que je demande que le projet figure en tête de l'ordre du
jour de demain.
- Cette dernière
proposition est adoptée.
PROJET DE LOI PORTANT REDUCTION DES PEAGES SUR LA SAMBRE CANALISEE
Discussion générale
M. le président. - La parole est continuée à M.
Delfosse.
M. Delfosse. - Messieurs, je crois avoir démontré
hier au petit nombre de nos collègues qui sont restés jusqu'à la fin de la
séance que le projet de loi en discussion est un projet de circonstance, et que
toutes les raisons que l'on donne pour l'appuyer sont également applicables à
une réduction des tarifs du chemin de fer, ainsi qu'à une réduction des péages
de tous les canaux ; qu'il n'y a par conséquent aucun motif sérieux d'adopter
une mesure spéciale pour la Sambre canalisée.
Si l'on examine la
question au point de vue des consommateurs, les consommateurs de Bruxelles, de
Malines, d'Anvers, de Louvain et d’autres localités ont autant de droit à une
réduction de péages que les consommateurs de Namur et de Dinant. Si les
consommateurs de Namur et de Dinant ont raison de se plaindre d'un péage de 19
centimes, les consommateurs de Bruxelles, de Louvain, de Malines, d'Anvers ont
bien plus encore raison de se plaindre d'un péage de 30 centimes. S’il y (page 1717) a des motifs pour réduire le
péage de la Sambre canalisée, qui n'est que de 19 centimes, il y a des motifs
plus forts pour réduire le péage de 30 centimes qui se perçoit sur d'autres
canaux ; il y a des motifs plus forts pour réduire le péage du chemin de fer,
qui, de l'aveu de M. le ministre des travaux publics, équivaut au péage le plus
élevé des canaux.
L'honorable M. Brabant a
répondu à cet argument, en disant que la canalisation de la Sambre avait été un
mal pour Namur, qu'elle avait plutôt contribué à élever qu'à réduire le prix
des transports. D'après l'honorable M. Brabant, le prix du transport des
charbons de Charleroy à Namur, qui est aujourd'hui de 4 francs, n'aurait été,
avant la canalisation, que de 2 fr. Je vous ai, messieurs, cité hier un passage
du travail de M. l'inspecteur général Vifquain ; je vous ai démontré par la
lecture de ce passage, que la navigation de la Sambre était, avant la
canalisation, hérissée de mille difficultés. On ne fera croire à personne
qu'une navigation hérissée de mille difficultés puisse s'opérer à un fret
moindre qu'une navigation améliorée. Il est bien possible qu'accidentellement,
une fois, par hasard, le fret de 2 francs, indiqué par l'honorable M. Brabant,
ait été payé, mais ce sont là de ces circonstances exceptionnelles, qui ne
doivent pas être prises en considération.
L'honorable M. Pirmez
nous a dit que le gouvernement, pour être juste, ne devrait pas faire payer
l'instrument (d'après l'honorable M. Pirmez, l'instrument c'est la voie de
transport), ne devrait pas faire payer l'instrument plus cher aux uns qu'aux
autres qu'il ne faut pas faire payer dix aux uns tandis que les autres ne
payent qu'un. Ce raisonnement de l'honorable M. Pirmez serait juste s'il
s'agissait du même instrument ; le prix devrait alors être le même pour tous ;
niais l'honorable M. Pirmez a trop d'expérience pour ne pas savoir qu'il y a
des instruments de toute valeur.
Un instrument qui a coûté
13 millions au gouvernement, diffère tant soit peu d'une rivière ou d'un fleuve
qui ne lui a pour ainsi dire rien coûté. Lorsque le gouvernement aura dépensé
13 millions pour la Meuse, l'honorable M. Pirmez pourra reproduire son argument
avec quelques chances de succès, il pourra dire que les péages doivent être les
mêmes ; mais tant que le gouvernement n'aura pas fait cette dépense, le
raisonnement de l'honorable membre ne saurait passer pour sérieux.
L'honorable M. Pirmez
parle beaucoup de justice ; mais l'honorable membre ne paraît trouver juste que
ce qui favorise Charleroy, même aux dépens des autres localités.
Si l’on examine la
question au point de vue de l'équilibre qu'on prétend que le gouvernement doit
maintenir entre les divers bassins, je demanderai pourquoi, alors qu'on veut
changer cet équilibre au détriment de Liège en faveur de Charleroy, on repousse
la proportion de l'honorable M. Lesoinne, pourquoi l'on ne veut pas consentir à
une réduction des tarifs du chemin de fer.
S'il faut maintenir
l'équilibre contre Liège, il me semble qu'il faut le maintenir aussi en faveur
de Liège. II ne faut pas avoir deux poids et deux mesures. Il faut, comme le
disait l'honorable M. Pirmez, de la justice, mais il faut de la justice pour
tous ; la justice ne consiste pas dans une faveur accordée spécialement à
Charleroy, au détriment des autres bassins houillers.
Je sais bien que
l'honorable M. Dumont a soutenu que la proposition du gouvernement ne tend qu'à
rétablir l'équilibre. Il paraîtrait que c'est là tout ce que l'honorable M.
Dumont demande : le maintien de l'équilibre, non pas de l'équilibre actuel,
mais de l'équilibre qui, selon l'honorable membre, a existé autrefois.
L'honorable M. Dumont est
grand partisan du système d'équilibre ; mais il veut un double équilibre.
Lorsque l'équilibre actuel est favorable à Charleroy, l'honorable M. Dumont en
demande le maintien.
Charleroy nous a enlevé
le marché de Louvain, l'honorable M. Dumont s'oppose à une réduction des tarifs
du chemin de fer, afin que Charleroy conserve ce marché. Mais lorsque
l'équilibre actuel est favorable au bassin de Liège, l'honorable M. Dumont n'en
veut plus, il veut un équilibre rétroactif, il veut l'équilibre de 1830.
En 1830, Charleroy avait
un marché un peu plus considérable dans les Ardennes françaises ; nous, nous
avions un marché plus important en Hollande. La perte d'une partie du marché
hollandais nous a forcés à diriger une certaine quantité de nos charbons vers
les Ardennes françaises. De là une concurrence pour Charleroy, de là pour
Charleroy la perte d'une partie de ce débouché. Mais Charleroy a été amplement
dédommagé de cette perte par des débouchés nouveaux.
C'est ainsi que
Charleroy, au moyen d'une réduction des péages de la Sambre supérieure
(réduction de 50 p. c.) a étendu considérablement ses exportations dans
d'autres départements français. C'est ainsi que Charleroy a étendu son débouché
du côté de Louvain. Si Charleroy a obtenu ces compensations, n'est-il pas juste
qu'on nous laisse le faible avantage du changement qui s'est opéré en notre
faveur sur le marché des Ardennes françaises ?
Il serait par trop
avantageux, à Charleroy, d'avoir un double système d'équilibre : l'équilibre
actuel là où cela loi est favorable et l'équilibre de 1830 pour les marchés sur
lesquels nous sommes parvenus à l'emporter.
Messieurs, je ne suis pas
très grand partisan de ce système d'équilibre factice qui ne se soutient qu'à
l'aide de l'intervention du gouvernement. Ce n'est pas moi qui ai inventé ce
système, c'est le gouvernement qui nous l'oppose quand nous demandons une
réduction des tarifs du chemin de fer, réduction qui serait à la fois favorable
aux intérêts du trésor, et à ceux des consommateurs ; si l'on nous oppose ce
système quand il nous est préjudiciable, qu'on nous permette, au moins, de
l'invoquer, quand il est en notre faveur.
Quand nous avons demandé
la réduction des tarifs du chemin de fer, on nous a opposé la loi de 1834. On
nous a dit que cette loi défend de réduire les tarifs du chemin de fer, sans
réduire dans la même proportion les péages des canaux.
Il y aurait beaucoup de
choses à dire sur cette loi de 1834, et surtout sur l'application qu'on veut en
faire ; il y aurait à examiner si les péages du chemin de fer ne sont pas actuellement
plus élevés que ceux des canaux ; il faudrait pour cela rechercher quelle est,
dans les tarifs, la part qui représente les péages, et celle qui représente les
frais de traction,
Si le gouvernement
voulait y mettre un peu de bonne volonté, il serait, je pense, amené à
reconnaître que les péages du chemin de fer sont plus élevés que ceux des
canaux, et qu'on peut les réduire sans porter atteinte à la loi de 1834.
Mais après tout, cette
loi de 1834 est-elle une loi immuable, une loi fondamentale ? Ne sommes-nous
pas ici pour défaire, pour modifier les lois que nous trouvons défectueuses ?
Pourquoi la disposition qu'on nous oppose a-t-elle été insérée dans cette loi ?
Parce que le Hainaut avait conçu des craintes chimériques au sujet des chemins
de fer, parce que le Hainaut croyait, qu'au moyen de cette nouvelle voie de
communication, Liège allait lui enlever tous ses débouchés.
C'est cette crainte
chimérique qui a fait insérer dans la loi de 1834 la disposition qu'on invoque
contre nous.
Les craintes du Hainaut
ne se sont pas vérifiées ; le Hainaut, loin de succomber sous notre
concurrence, a prospéré. Ses débouchés se sont accrus, tandis que les nôtres
restaient stationnaires, allaient même en décroissant. On parle d'équilibre.
Mais l'équilibre a été rompu bien des fois, toujours à notre détriment. Je sais
pourquoi, c'est que les industriels du Hainaut ont su faire en tout temps des
démarches très actives. A peine la révolution était-elle accomplie que les
exploitants du Hainaut obtenaient une réduction considérable de péages sur le
canal d'Antoing et sur le canal de Charleroy. Liège ne recevait rien en
compensation. Liège a perdu, par suite de cette mesure prise au profil du
Hainaut, une grande partie du marché de Louvain. La construction du chemin de fer
qui devait, disait-on, nous être si favorable, nous a, au contraire,
entièrement expulsés du marché de Louvain. L'équilibre a été deux fois rompu
contre nous.
Il y a encore une autre
mesure qui a modifié l'équilibre, toujours à nos dépens, toujours au profil du
Hainaut : c'est celle qui a réduit, pour l'exportation, les péages des canaux
de 75 p. c ; qui en a profité ? est-ce la province de Liège ? Non, messieurs,
c'est le Hainaut.
Celte réduction de 75 p.
c. à l'exportation est un immense avantage pour le Hainaut ; ce n'est presque
rien pour Liège. Vous savez, messieurs, que les péages de la Meuse sont presque
nuls ; la navigation de la Meuse n'est pas régulière et facile comme celle des
canaux ; la réduction de 75 p. c, insignifiante pour nous, considérable pour
les exploitants du Hainaut, leur a permis de placer de fortes quantités de
charbons en Hollande. Le Hainaut nous a enlevé par la une partie du débouché
hollandais.
Nous avions des débouchés
à Amsterdam, à Rotterdam et à Schiedam ; nous les avons perdus.
Il y a plus, c'est que
les charbons du Hainaut viennent faire concurrence aux nôtres jusqu'à
Bois-le-Duc, toujours par suite de la réduction de 75 p. c.
Tous ces changements qui
se sont opérés au profit du Hainaut à nos dépens sont parfaitement indiqués sur
la carte que M. l'ingénieur Belpaire a dressée à l'aide de documents officiels.
On voit par cette carte que les débouchés du Hainaut sont vingt fois plus
considérables que ceux de Liège ; le seul bassin de Charleroy, qui n'est que le
tiers d'une province, a plus d'importance que tout le bassin de la province de
Liège.
Voyez du côté de la
Meuse. C'est sur ce point que l'avidité des exploitants de Charleroy se dirige
en ce moment. C'est là que nous devrions régner en maîtres ; et cependant les
exploitants de Charleroy ont sur ce point un débouché équivalent au nôtre.
Les quantités
transportées sont indiquées sur la carte de M. l'ingénieur Belpaire par une
bande d'une certaine largeur. Plus la bande est large, plus les quantités
transportées sont considérables. Chaque unité représente un mouvement de 10,000
tonneaux.
Au point de départ de la
Sambre inférieure, le chiffre du mouvement de Charleroy est 12 ; à l'extrémité
de la Sambre, à Namur, le chiffre de Charleroy est 9. Quel est le chiffre de
Liège sur la Meuse supérieure ? Au point de départ, 10 ; c'est moins que
Charleroy. Au point d’arrivée à Namur, Liège a le chiffre 9, le même que
Charleroy.
Ainsi de ce côte égalité
de débouché, du côté où nous devrions avoir l'avantage.
Quel est notre chiffre du
côté de la Hollande ? 8. Charleroy ne va pas en Hollande de ce côté. Il ne peut
descendre la Sambre et la Meuse, passer par Liège et Maestricht et aller en
Hollande. Non ; il a une autre voie de communication. Il prend le canal de
Charleroy à Bruxelles. Quel est le chiffre de Charleroy du côté de ce canal ?
13.
Mais ce n'est pas tout ;
les exportations de Charleroy par la Sambre supérieure, sont très considérables
; Charleroy a de ce côté le chiffre 23.
Ainsi Charleroy a 13, 9
et 23, c'est-à-dire 45 ; nous n'avons, nous, que 9 et 8, c'est-à-dire 17.
Charleroy exporte donc bien plus que nous, et c'est Charleroy qui se plaint,
qui veut des faveurs nouvelles, qui se (page
1718) pose en
victime, qui prétend qu'il se ruine alors que nous nous enrichissons ! Nous sommes
très heureux ; nous avons trop d'avantages ; il faut nous les enlever !
M. Dumont. - Je demande la parole.
M. Delfosse. - Je sais bien que l'honorable M.
Dumont, qui vient de demander la parole, a un moyen très facile de nous
répondre. Si Charleroy place beaucoup de charbons ; s'il nous enlève nos
débouchés ; s'il va même jusqu'à Huy ; c'est, d'après l'honorable membre, que
Charleroy vend à perte. Si cette manière de raisonner était admise, Charleroy
nous enlèverait tous nos débouchés que nous n'aurions pas à nous plaindre. MM.
les exploitants de Charleroy pourraient nous répondre : Nous vendons à perte.
M. Dumont. - C'est ce que j'ai prouvé.
M. Delfosse. - Pas le moins du monde.
M. le ministre des
travaux publics nous a promis toutes sortes de dédommagements. On nous a causé
beaucoup de dommage, on a pris toutes sortes de mesures contre nous ; mais nous
pouvons être tranquilles ; l'avenir nous dédommagera largement. C'est comme si
l'on disait à un pauvre ouvrier manquant de pain : Vous ne mangerez pas
aujourd'hui, vous ne mangerez pas demain ; mais rassurez-vous, dans un an ou
deux vous ferez d'excellents dîners.
M. le ministre des
travaux publics nous a parlé du canal latéral à la Meuse. Mais ce canal ne sera
achevé que dans deux ou trois années, et il sera insuffisant tant qu'on n'aura
pas amélioré la traverse de Liège.
On nous a aussi parlé de
la continuation du canal de la Campine jusqu'à Anvers, travail dont le projet
n'est pas même soumis à la chambre.
Mais on nous a fait une
autre promesse, une promesse plus belle encore ; une promesse qui doit nous
satisfaire. Savez-vous ce que M. le ministre des travaux publics nous disait
hier ? Pourquoi, nous disait-il, les industriels de Liège se plaignent-ils ?
C'est parce qu'il y a eu une grande sécheresse l'année dernière. La Meuse a
presque toujours été à sec ; on n'a rien exporté. Mais il n'en sera pas de même
cette année ; il y aura de la pluie. Voilà ce que le gouvernement nous promet ;
il nous promet de la pluie ! Le gouvernement nous fait beaucoup de promesses
qu'il a violées ; il ne lui manquait plus que de nous promettre de la pluie !
M. le ministre des
travaux publics a soutenu que nous n'avions pas perdu entièrement le marché de
Louvain. On charge encore à Liège, nous a-t-il dit, beaucoup de charbons pour
Louvain.
Je répondrai à M. le
ministre des travaux publics qu'il est mal informé. Oui, on charge des houilles
à la station de Liège, l'on s'y plaint même quelquefois de l'insuffisance du
matériel destiné au transport des houilles ; mais ces charbons ne sont pas
destinés à Louvain ; ils sont envoyés dans la province de Limbourg, aux
environs de Saint-Trond, en partie pour les fabriques de sucre de betterave qui
en consomment beaucoup, en partie pour d'autres usines, en partie pour la
consommation des particuliers. Il va sans dire que Liège approvisionne de
charbon les petites villes qui l'environnent.
Voilà ce qui explique les
envois de charbon que l'on fait du côté d'Anvers par le chemin de fer. Je défie
M. le ministre des travaux publics de prouver que nous en livrions encore à
Louvain, si ce n'est dans quelques cas très rares. L'on peut dire que le
Hainaut a aujourd'hui le monopole du marché de Louvain.
L'honorable M. Dechamps
nous a parlé des avantages qui résultent pour nous du traité conclu avec les
Pays-Bas. Messieurs, ces avantages sont communs au Hainaut, j'avais l'honneur
de vous le dire tantôt, la réduction de 75 p. c. a permis au Hainaut de nous
enlever une partie importante du marché hollandais ; la Prusse nous fait aussi
dans ce pays une concurrence contre laquelle il nous sera bien difficile de
lutter, tant que le canal latéral à la Meuse ne sera pas achevé, et complété
par l'amélioration de la Meuse dans la traverse de Liège et en amont de cette
ville jusqu'aux contins du bassin houiller.
On nous a encore parlé de
la réduction de 50 p. c. qui nous est accordée à l'exportation, par chemin de
fer. Mais quels sont les effets de cette mesure ? Exportons-nous en Allemagne
des quantités considérables de houilles ?
M. le ministre des
travaux publics a dit que nous avions un grand débouché en Allemagne. Je
désirerais que M. le ministre, qui a tous les documents à sa disposition, qui
doit savoir ce qui se passe, nous donnât des indications précises. On verrait
que les quantités exportées en Allemagne se réduisent à peu de chose.
On a fait aussi un traité
avec le Zollverein pour faciliter l'exportation de nos fontes ; mais ce traité,
dont le Hainaut profite d'ailleurs aussi, a rencontré toutes sortes d'obstacles
dans l'exécution. Nous avons en ce moment la plus grande peine à exporter nos
fontes en Allemagne. D'après le traité, nous ne pouvons exporter nos fontes par
les voies navigables que sur des bateaux belges ou prussiens.
Les bateliers belges
n'allant pas sur le Rhin, nous devons nous servir de navires prussiens, mais il
n'y a pas moyen d'en avoir en ce moment. Ces navires sont employés à
transporter d'Amsterdam en Allemagne de fortes quantités de céréales. Les
bateliers prussiens trouvent à cela plus d'avantage qu'à venir charger des
fontes à Maestricht, par le canal de Bois-le-Duc ; ils ont moins d'embarras et
sont relativement mieux payés.
Nos industriels se plaignent
de cet état de choses ; ils demandent à pouvoir se servir de navires
hollandais. Le gouvernement prussien y consent ; mais à la condition que ces
navires payent patente pour toute l'année. Il n'y aurait qu'une seule
expédition, qu'il faudrait payer patente pour l'année entière. Cela, messieurs,
équivaut à un refus ; l'expédition des fontes n'est pas possible à des
conditions aussi onéreuses. Vous voyez à combien d'entraves nos industriels
sont soumis, et cependant l'on vient nous vanter outre mesure les avantages
qu'ils retirent des traités !
L'honorable M. Pirmez
nous a fait une objection qui n'est pas sérieuse. Comment se fait-il, a dit
l'honorable membre, que les fontes de Liège, qui sont transportées en France
par la Sambre, ne payent que 10 centimes, alors que les fontes de Charleroy,
qui sont exportées en Allemagne, en payent 19 ?
Par une raison bien
simple, messieurs ; il y a pour les exportations qui se font en France par la
Sambre supérieure une réduction d'environ 50 pour cent ; le péage est de 10
centimes au lieu de 19 ; c'est une mesure générale qui s'applique à la province
de Liège comme au Hainaut, mais le Hainaut en profite bien plus que nous ; le
Hainaut, plus rapproché du marché français, a bien plus de facilité pour
transporter ses produits ; nos frais de transport à l'exportation en France par
la Sambre supérieure sont trop considérables pour que le Hainaut puisse
redouter notre concurrence. (Interruption.)
Si vous payez 19 centimes à la descente, c'est encore là une mesure générale.
Un industriel liégeois. qui aurait des fontes dans le Hainaut et qui voudrait
les exporter en Allemagne par la Sambre inférieure devrait payer, comme nous,
19 centimes ; la mesure est générale, elle est applicable à tous les
industriels.
Il est bien vrai que nous
n'avons pas l'avantage d'être placés sur la Sambre ; nous sommes placés sur la
Meuse ; nos fontes ne peuvent pas descendre la Sambre ; elles n'ont, par
conséquent, rien à démêler avec le péage de 19 centimes qui se perçoit sur la
Sambre inférieure. De quoi vous plaignez-vous ? Vous vous plaignez d'une
faveur. Vous vous plaignez de ce que le péage sur la Sambre supérieure n'est
que de 10 centimes pour nous comme pour vous ; mais c'est là une réduction dont
vous profitez presque seuls, vous expédiez bien plus de fontes en France que
nous, c'est donc d'une faveur que vous vous plaignez.
Si l'on proposait de
rétablir le droit de 19 centimes, vous seriez certes les premiers à vous y
opposer.
Si l'on vous disait : On
va rétablir le droit de 19 centimes pour tout le monde, on va rétablir
l'égalité, alors vous vous plaindriez, et vous auriez raison ; mais aujourd'hui
vous avez tort ; vous êtes favorisés. (Interruption.)
Vous êtes favorisés vers la France ; vous avez le marché français.
La réduction de 75 p. c.,
qui est accordée pour l'exportation en Hollande, vous donne sur nous un
avantage dont nous aurions bien plus sujet de nous plaindre. Cette réduction de
75 p. c. est très importante pour le Hainaut parce qu'elle porte sur des péages
élevés ; pour nous, elle est nulle, et c'est le Hainaut qui se plaint !
Charleroy nous enlève nos débouchés ; il concourt avec nous sur la Meuse, il
exporte beaucoup par le canal de Charleroy, il exporte plus encore par la
Sambre supérieure, il a partout des débouchés, de grands débouchés ; nous, nous
n'en avons que d'insignifiants qui ne sont rien en comparaison de ceux de
Charleroy ; et c'est Charleroy qui se plaint, et c'est contre nous que l'on
prend des mesures !
Messieurs, si c'est là de
la justice, c'est une justice d'une nouvelle espèce. L'honorable M. Pirmez a
parlé de justice, il a parlé de dérision. Eh bien, je dis que c'est une justice
façonnée tout exprès pour Charleroy, une justice que je ne connais pas, dont je
n'ai jamais entendu parler ; j'appelle cela de l'injustice et de la dérision.
L'honorable M. Lesoinne a
proposé un amendement que l'honorable M. Dolez a considéré comme une espèce
d'épouvantail destiné à faire rejeter le projet de loi.
Un autre de nos
honorables collègues a dit que Charleroy attaquait Liège et que Liège se
défendait en attaquant Mons. Messieurs, cela n'est pas tout à fait exact ; nous
n'attaquons ni Mons ni Charleroy, nous n’attaquons personne, nous demandons
seulement une compensation qui ne ferait que nous remettre en possession du
marché de Louvain, marché que nous approvisionnions autrefois. Du reste, si
Mons se trouve attaqué, que Mons se défende, que les honorables députés de Mons
présentent aussi un amendement ; c'est quand tous les intérêts attaqués
viendront se défendre que l'on comprendra bien les dangers du projet de loi.
Les tarifs, messieurs, soulèvent des questions extrêmement graves ; il ne faut
pas y toucher légèrement ; quand on y touche, il faut que ce soit avec
prudence, maturité et réflexion.
La chambre a fait, il y a
quelques jours, un mal immense à la province de Liège, par le rejet de
l'amendement que nous avions présenté au budget des travaux publics. La chambre
avait alors une excuse ; elle pouvait se retrancher derrière le prétexte des embarras
financiers, qui ne l'ont pas arrêté cependant lorsqu'il s'est agi d'autres
dépenses bien moins urgentes, bien moins nécessaires que l'amélioration de la
Meuse. Mais enfin la chambre avait un prétexte à donner. Quel prétexte
aurait-elle aujourd'hui pour accorder à Charleroy, à nos dépens, une faveur
insolite ? La chambre ne pourrait plus invoquer les embarras financiers,
puisque la loi qu'on nous propose aura pour résultat de réduire les recettes.
M. Brabant. - C'est une erreur.
M. Delfosse. - De deux choses l'une ; ou le
débouché de Charleroy ne s'accroîtra pas, et alors on aura évidemment une
réduction de recette ; il faudra un accroissement de débouchés très
considérable, pour que la réduction des péages n'entraîne pas de perte pour le
trésor ; ou cet accroissement aura lieu et alors il n'y aura plus le moindre
doute sur (page 1719) l'injustice
commise à notre égard ; si les recettes du trésor ne diminuent pas, c'est que
les débouchés de Charleroy s'accroîtront, et cela aux dépens de Liège.
Je vous ai, messieurs,
cité hier un fait très remarquable, c'est que les recettes de la Sambre
canalisée vont toujours en croissant ; c'est là une preuve évidente de la
propriété de Charleroy ; c'est là une preuve évidente que l'élévation des
péages n'y est pas un obstacle au développement de l'industrie.
L'honorable M. Dolez a
paru croire que nous acceptions le projet primitif du gouvernement ; nous ne
l'acceptons pas, messieurs, nous le repoussons, nous le considérons comme une
injustice ; mais nous devons naturellement de deux maux choisir le moindre.
Nous repoussons plus formellement, plus énergiquement encore le projet de la
section centrale auquel le gouvernement s'est rallié ; c'est pourquoi nous
reprenons, sans toutefois l'approuver, le projet primitif du gouvernement ;
nous demanderons qu'on mette d'abord aux voix les mots retranchés par la
section centrale : « En destination de l'intérieur du pays. »
Si l'amendement de la
section centrale était rejeté, l'honorable M. Lesoinne n'hésiterait pas, j'en
suis sûr, à retirer sa proposition, qui est excellente au fond, mais qui
n'aurait pas, dans ce cas, de grandes chances de succès.
Vote sur l’article unique et sur l’ensemble du projet
M. le président. - M. Lesoinne a retiré sa première
proposition ; il la remplace par la disposition suivante :
« Je propose de réduire
de 30 p. c. le tarif du chemin de fer sur les houilles et fontes. »
- La clôture est
demandée. Elle est mise aux voix et prononcée.
M. le président. - Je vais mettre aux voix
l'amendement de M. Delfosse, tendant à conserver dans l'article les mots :
« en destination de l'intérieur du pays », mots qui ont été retranchés par
la section centrale.
Des membres. - L'appel nominal !
- Il est procédé à
l'appel nominal.
61 membres répondent à
l'appel.
21 répondent oui.
39 répondent non.
1 membre (M. Veydt)
s'abstient.
En conséquence, la
chambre rejette l'amendement de M. Delfosse, tendant à rétablir dans l'article
unique du projet de loi, les mots : « en destination de l'intérieur du pays »
dont la section centrale proposait la suppression. Le gouvernement s'était
rallié à cette suppression.
Ont répondu oui : MM.
Biebuyck, David, Delehaye, Delfosse, de Renesse, de Tornaco, de Villegas,
Dolez, A. Dubus, Fleussu, Jonet, Lange, Lebeau, Lesoinne, Liedts, Loos,
Maertens, Orts, Osy, Rogier et Vandensteen.
Ont répondu non : MM.
Brabant, Clep, d'Anethan, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de Foere, de Garcia
de la Vega, de Haerne, de Lannoy, de Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, de
Muelenaere, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, de
T'Serclaes, Dubus (aîné), Dumont, Fallon, Henot, Huveners, Kervyn, Malou, Mast
de Vries, Mercier, Orban, Pirmez, Rodenbach, Scheyven, Simons, Thienpont,
Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Wallaert et Zoude.
M. Veydt. - Un établissement important, dans
lequel j'ai un intérêt et dont les intérêts me sont, en partie, confiés, doit
profiter de la réduction des péages sur la Sambre, pour ses relations avec la
France.
Eu égard à cette
considération, il m'a paru qu'il convient que je garde une neutralité complète
sur toute la question.
- La proposition de la
section centrale est mise aux voix et adoptée.
L'addition suivante,
proposée par M. de Garcia : « Terres plastiques, sables et briques
réfractaires », est mise aux voix et adoptée.
Amendement
proposé par M. Lesoinne, qui deviendrait article 2 :
« Je propose de réduire
de 50 p. c. le tarif du chemin de fer sur les houilles et les fontes sur toutes
les voies ferrées de l'Etat.»
Cet amendement est mis
aux voix. Il n'est pas adopté.
M. le président. - L'adoption de l'amendement de M.
de Garcia nécessite le renvoi du vote définitif à une autre séance, à moins
qu'on ne déclare l'urgence.
M. David. - Je demande la
parole pour une motion d'ordre.
Je demanderai à MM. les
ministres des travaux publics et des affaires étrangères s'ils ne seraient pas
dans l'intention de diminuer, dans un prochain délai, par arrêté royal, les
péages des chemins de fer, pour l'exportation des houilles, fontes et cokes en
Prusse, s'ils reconnaissent que la mesure peut nous être utile. Puisque nous
perdons nos débouchés vers la France, il est bon de savoir ce que nous pouvons
espérer pour l'avenir de nos établissements charbonniers.
Cet
arrêté ne compromettrait pas les intérêts de la Belgique, car on pourrait le
prendre pour un temps plus ou moins long. Je suis persuadé que cette mesure,
prise dans les limites de la proposition de l'honorable M. Lesoinne, ne serait
que favorable aux finances même des railways de la Belgique.
Je demande à M. le
ministre s'il est disposé à prendre cette mesure, et qu'il veuille bien prendre
l'engagement de faire de suite étudier la question de savoir si on réduira de
25 à 30 p. c. sur la ligne de la Prusse à Anvers. Surtout ce serait un acte de
bon voisinage, je le répète, un moyen de rendre efficace la grande mesure que
vient de prendre la Prusse en diminuant de 75 p. c. les droits sur nos
charbons. Le gouvernement ne doit pas être insensible à ce que la Prusse vient
de faire en faveur de la Belgique.
M. le ministre des travaux publics (M.
de Bavay). - La
question indiquée par l'honorable M. David me paraît devoir être examinée. Je
prends l'engagement de me livrer à cet examen, d'ici à un temps fort court ;
une décision pourra être prise dans les quinze jours.
Je ne prends pas
d'engagement sur la nature de la décision qui sera prise ; ce que je puis
promettre, c'est d'examiner la question avec toute la bienveillance compatible
avec les intérêts qui me sont confiés.
- La chambre consultée
décide que le projet sera voté d'urgence.
L'adoption de
l'amendement proposé par M. de Garcia est confirmée.
Il est procédé au vote
par appel nominal.
63 membres répondent à
l'appel ;
48 répondent oui ;
14 répondent non :
1 s'est abstenu.
En conséquence, le projet
de loi est adopté ; il sera transmis au sénat.
Ont répondu oui : MM.
Brabant, Clep, d'Anethan, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de Foere, de Garcia
de la Vega, de Haerne, de Lannoy, de Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, de
Muelenaere, de Saegher, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux.
de T'Serclaes, de Villegas, Dubus (aîné), Dumont, Fallon, Henot, Huveners,
Jonet, Kervyn, Lejeune, Loos, Maertens, Malou, Mast de Vries, Mercier, Orban,
Osy, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Liedts, Rogier, Scheyven, Simons, Thienpont,
Troye, Van Cutsem, Wallaert, Zoude.
Ont répondu non : MM.
Vandensteen, Biebuyck, David, Delehaye, Delfosse, de Renesse, de Tornaco,
Dolez, Dubus (Albéric), Fleussu, Lange, Lebeau, Le Hon, Lesoinne et Orts.
M. Veydt déclare s'être abstenu par les
motifs qu'il a indiqués tout à l'heure.
FIXATION DE L’ORDRE DES TRAVAUX DE LA CHAMBRE
M. le ministre
des finances (M. Malou). - Je prie la chambre de vouloir bien porter à l'ordre du jour de demain,
en second ordre (c'est-à-dire, après la discussion du projet de loi concernant
les greniers qui perdront leur emploi par la régularisation de la
circonscription cantonale), la discussion du projet de loi relatif à l'accise
sur le sucre.
J'ai lieu de croire,
d'après les conférences que j'ai eues, ce matin, avec les intéressés et avec
d'honorables membres qui ont pris une large part à la discussion de la loi de
1846, que l'examen du projet n'arrêtera pas longtemps la chambre.
On paraît de part et
d'autre accepter, sous toutes réserves, le projet que j'ai eu l'honneur de
soumettre en dernier lieu à la section centrale.
Toutefois on demande que
l'augmentation du rendement soit suspendue jusqu'au 1er janvier 1848. II me
semble possible d'accéder à ce vœu ; l'on restera ainsi fidèle au système de la
loi de 1846 ; en effet, par suite des circonstances désastreuses où l'on s'est
trouvé, l'expérience n'a pas été complète, pendant les 12 mois qui se
termineront au 1er juillet 1847.
Je propose donc au projet
soumis à la section centrale une disposition additionnelle, ainsi conçue :
« Les effets de l'article
4 de la loi du 17 juillet 1846 (Moniteur du 18 juillet 1846, n°199), sont
suspendus jusqu'au 1er janvier 1848. »
Je demanderai à la
chambre de vouloir bien ordonner l'impression de cet article.
Je le répète, j'ai lieu
de croire qu'une espèce d'amnistie est sur le point de se conclure, sous toutes
réserves, entre les deux parties belligérantes, jusqu'à la session prochaine.
- La chambre ordonne
l'impression et la distribution de la disposition additionnelle présentée, et,
adoptant la proposition de M. le ministre des finances, décide que le projet de
loi relatif à l'accise sur le sucre sera porté, comme second objet, à l'ordre
du jour de demain.
PROJET DE LOI ACCORDANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU DEPARTEMENT DES
AFFAIRES ETRANGERES
Discussion de l’article unique
M. le président. - L'article unique du projet du
gouvernement est ainsi conçu :
« Article unique. II est
ouvert au département des affaires étrangères un crédit supplémentaire de
soixante-six mille neuf cent vingt francs un centime ( fr. 60,920 01 c. ),
destiné à couvrir des dépenses de l'année courante.
« Cette somme sera
ajoutée à l'allocation votée pour le chapitre VII, article unique, du budget de
1846, intitulé : « Missions extraordinaires, traitements d'agents
politiques et consulaires en inactivité et dépenses imprévues. »
La commission propose
d'adopter le projet de loi avec le chiffre de 61,105 fr. 41 c. auquel le
gouvernement se rallie.
M. Osy, rapporteur. - Messieurs, avant d'aborder la
discussion du projet de loi, je voudrais entretenir la chambre d'un objet qui
concerne le ministre des affaires étrangères.
Dans la session actuelle
nous avons fait des dépenses énormes ; nous devons donc, si nous trouvons des
matières imposables ,ne pas les négliger.
(page 1720) Aux
termes de l'article 75 de la Constitution, le Roi a le droit de conférer des
titres de noblesse sans pouvoir jamais y attacher aucun privilège. L'article 64
porte : « Aucun acte du Roi ne peut avoir d'effet, s'il n'est contresigné par
un ministre, qui, par cela seul, s'en rend responsable. »
Vous tous, comme moi,
messieurs, avez été étonnés de ce que depuis 1830 aucun arrêté royal conférant
des titres de noblesse ou portant reconnaissance de ces titres n'ait été publié
dans le Moniteur ou dans le Bulletin officiel. Cependant, d'après une loi de
1845, tout acte contre signé par un ministre doit être publié. C'est un premier
grief sur lequel je reviendrai plus tard.
Sous l'ancien
gouvernement, il existait des arrêtés et des lois qui faisaient payer des
sommes assez considérables tant pour reconnaissance de noblesse que pour titres
de noblesse accordés par le Roi. Je conçois que ces dispositions ne soient plus
en vigueur, puisque sous l'empire de notre Constitution et aux termes de son
article 110, aucun impôt au profil de l'Etat ne peut être établi que par une
loi.
Il n'existe qu'une loi de
1824 qui soumet les lettres de noblesse à un droit d'enregistrement de 100 fr.
; c'est la seule disposition qui ait été appliquée depuis 1830. Si l'on ne peut
pas appliquer l'arrêté du roi Guillaume parce que ce n'est pas une loi, il me
semble qu'il serait très facile de convertir cet arrêté en loi et de faire
payer par les titres de noblesse les mêmes sommes qu'avant la révolution.
Avant 1830 le
gouvernement publiait tous les deux ou trois ans la liste des titres de
noblesse reconnus ou conférés. Tout le monde savait à quoi s'en tenir. Les
notaires pour leurs actes savaient officiellement ce qu'ils avaient à faire.
Depuis 1830 il n'y a plus rien d'officiel ; chacun peut prendre les titres
qu'il veut. Les notaires ne peuvent plus savoir qui a des titres de noblesse el
qui n'en a pas.
Je demande que tous ces
arrêtés soient insérés au Moniteur. Je crois que le gouvernement ne peut pas
s'y refuser.
On me dira peut-être
qu'il y aurait rétroactivité à imposer, en vertu de l'arrêté du roi Guillaume
qui serait converti en loi, les titres de noblesse délivrés depuis 1830. Mais
j'ai découvert qu'il n'y aurait pas rétroactivité, que toutes les personnes
dont on a reconnu la noblesse ou à qui on l'a conférée depuis 1830, se sont
engagées à payer ce que nous décréterions.
A cette occasion je vous
donnerai lecture du premier article de l'engagement souscrit par les
impétrants :
« Je soussigné, ayant eu
avis, par la lettre de M. le ministre des affaires étrangères en date de.....de
la duction de S. M. qui... m'engage par la présente :
« 1° A acquitter les
droits qui sont ou qui pourront être ultérieurement imposés en vertu des lois,
du chef de la délivrance des lettres patentes. »
Vous voyez donc,
messieurs, que tous cm qui ont reçu des titres de noblesse, ou dont les titres
de noblesse ont été reconnus se sont engagés formellement à payer les droits
qui pourraient être ultérieurement imposés. Ainsi, messieurs, nous pourrions
très bien faire revivre par une loi les arrêtés du roi Guillaume de 1822 et de
1824.
Une pareille mesure nous
amènerait des revenus assez considérables, car d'après mes calculs, la somme
qu'il y aurait ainsi à faire rentrer au trésor, s'élèverait à près de 300,000
fr. Je crois, messieurs, que ce n'est pas une somme à dédaigner dans les
circonstances actuelles ; d'autant plus que cet impôt pèserait uniquement, sur
la richesse.
Messieurs, il m'est tombé
sous la main l'annuaire de la noblesse de Belgique de cette année, et je trouve
que, depuis 1830, il y a eu 224 personnes anoblies ou dont on a reconnu les
actes de noblesse. Je ne puis désigner d'une manière complément exacte combien
il y a eu de nominations faites par le Roi et combien il y a eu d'actes de
reconnaissance. Mais d'après mes calculs, on aurait créé, depuis 1830, 30
chevaliers, 60 barons, 4 vicomtes, 17 comtes, 3 marquis et 1 prince.
D'après le tarif établi
par l'arrêté royal du 22 février 1821, il était dû :
Pour anoblissement,
fl. 1,200
Pour incorporation d'un
noble étranger dans la noblesse du royaume, fl. 500
Pour reconnaissance d'un
titre ancien, fl. 275
Pour concession du titre
de chevalier, fl. 400
Pour concession du titre
de baron, fl. 500
Pour concession du titre
de vicomte, fl. 600
Pour concession du titre
de comte, fl. 700
Pour concession du titre
de duc, fl. 1,000
Pour concession du titre
de prince, fl. 1,400
Mais il faut considérer
que quand le Roi créait un comte, celui-ci ne payait pas seulement les 700 fl.
fixés pour le titre de comte, mais il payait, en outre, les droits dus pour les
titres inférieurs de vicomte, baron ou chevalier. De sorte que celui qui, sans
appartenir à l'ancienne noblesse, obtenait un titre de comte, payait :
Pour le titre de comte,
700 florins.
Pour celui de vicomte,
600 fl.
Tour celui de baron, 500
fl.
Pour celui de chevalier,
400 fl.
Pour anoblissement, 1,200
fl.
Pour enregistrement du
diplôme, 100 fl.
Pour leges, 120 fl.
Total, 5,600 florins.
Pour reconnaissance d'un
titre de noblesse on ne paye aujourd'hui, en vertu de la loi d'enregistrement,
que 100 fl. Mais d'après l'arrêté dont je parle on avait à payer en outre 275
florins pour reconnaissance du titre et 120 florins pour leges, c'est-à-dire
que les personnes dont les titres ont été reconnus depuis 1830 auraient encore
à payer 395 florins, ce qui fait plus de 800 francs.
Je suppose que les 224
personnes dont j'ai parlé eussent simplement fait reconnaître leurs titres de
noblesse, la somme à recevoir de ce chef seul serait de 160,000 fr. Mais je
suis persuadé que pour les titres de noblesse qui ont été conférés par le Roi,
il y aurait encore à recevoir une somme d'au-delà de 150,000 fr.
Je crois donc que nous
devons engager le gouvernement à nous présenter, à la session prochaine, une
loi qui remette en vigueur l'arrêté du 22 février 1821. En présence de
l'engagement pris par les personnes qui ont obtenu des titres de noblesse, et
dont je vous ai donné lecture, je pense que personne ne pourra se refuser à
payer la somme fixée par cet arrêté et qu'on ne pourra pas accuser la loi de
rétroactivité.
Il paraît, messieurs, que
le désir d'obtenir des titres de noblesse est maintenant très grand. C'est au
Roi seul à conférer ou à refuser ces titres. Mais si je suis très bien informé,
il y a en ce moment au ministère des affaires étrangères plus de 600 demandes tendant
à en obtenir. Vous voyez donc que si vous adoptiez la loi que je réclame, vous
pourriez obtenir un revenu assez considérable que nous serions tous charmés de
faire rentrer au trésor, puisque, je le répète, il n'atteindrait que des
personnes riches. Je sais bien que dans le ministère actuel il y a peut-être
deux ou trois comtes ou barons créés par le Roi. Mais je suis assez persuadé de
leur désintéressement pour croire qu'ils ne s'opposeront pas à la mesure que je
réclame.
Je demande donc
positivement que le gouvernement publie dans le Moniteur la liste officielle de
toutes les personnes qui ont reçu des titres de noblesse en Belgique ou dont a
reconnu les titres depuis 1830, et qu'à mesure que S. M. jugera convenable de
donner ou de reconnaître un titre, l'arrêté soit publié dans le Moniteur. Nous
avons le droit de demander cette publication ; le gouvernement ne peut s'y
refuser.
Je demande en outre, et
je suis persuadé que la chambre m'appuiera, que le gouvernement examine la
question de savoir s'il ne serait pas convenable de faire revivre par une loi
l'arrêté de 1821 ; et que, dans le cas où il ne le jugerait pas convenable, il
nous fasse un rapport à cet égard dans la session prochaine.
Je crois, messieurs, que
vous me soutiendrez tous et qu'un impôt pareil doit convenir à la chambre et au
pays tout entier.
Il y a quelques années,
en 1844, je crois, vous avez, sur la proposition de M. Rodenbach, établi un
droit de 500 francs à payer par les étrangers qui demandent la naturalisation.
Ce projet a été voté presque sans discussion. Mais à cette même occasion, il a
été proposé au sénat, par sa commission, d'établir également un impôt sur les
lettres de noblesse et sur les reconnaissances de titre, et voici ce que disait
l'article premier :
«
Les lettres patentes conférant purement et simplement la noblesse sont soumises
à un droit fixe d'enregistrement de 1,000 francs ;
« Les mêmes lettres,
conférant le titre héréditaire île chevalier, à un droit fixe de 2,000 francs ;
« Celles conférant le
titre de baron à un droit de 3,000 fr., de vicomte 4,000 fr., de comte 5,000
fr., de marquis 6,000 fr., de duc ou de prince 20,000 fr.
Voilà, messieurs, la
proposition faite au sénat. Cette assemblée n'ayant pas l'initiative en matière
d'impôt, cette proposition n'a pu être discutée ; mais vous voyez que si nous
faisions une loi, elle serait accueillie favorablement par le sénat.
J'attendrai les
observations de M. le ministre sur cette question avant d'aborder l'examen du
projet.
M. le ministre
des affaires étrangères (M. Dechamps). - L'honorable M. Osy a soulevé une question qui a déjà été
discutée à la chambre et qui a fait l'objet d'une proposition de loi au sénat
en 1844. Je commence par déclarer, messieurs, que je suis loin d'être opposé à
un impôt à établir relativement aux titres de noblesse ; mais l'honorable M.
Osy a soulevé diverses questions d'application à l'égard desquelles je ne puis
pas partager en tout point sa manière de voir.
L'honorable membre a cru
qu'on pourrait faire revivre l'arrêté de 1821 du royaume des Pays-Bas, par
lequel un impôt assez élevé frappait les titres de noblesse. Messieurs, cet
arrêté est tombé, par la raison qu'aux termes de la Constitution, aucun impôt
ne peut être établi qu'en vertu d'une loi. Cet arrêté a donc cessé d'être en
vigueur. Mais l'honorable membre croit qu'il serait possible de le faire
revivre parce que dans les avis pour la délivrance des lettres patentes de
noblesse, les ministres des affaires étrangères ont toujours eu soin de faire
souscrire par les impétrants un engagement d'acquitter l'impôt qui aurait pu
être établi par une loi, dont on a souvent demandé la présentation dans les
chambres.
Messieurs, je crois que
l'honorable membre a donné à cet engagement un sens et une portée qu'il ne comporte
pas. Ainsi, l'avis qui accompagne la délivrance des lettres patentes de
noblesse, cet avis porte que les lettres patentes ou diplômes ne sont passibles
d'aucun droit au profit de l'Etat, à part le droit fixe d'enregistrement (de
100 florins Pays-Bas).
Voilà le principe. Mais,
messieurs, voici le sens que l'on a toujours attribué à l'engagement dont il
s'agit. L'impétrant a six mois pour lever (page
1721) les lettres patentes ; or, par cet engagement il s'oblige à payer
l'impôt qu'une loi viendrait à établir dans l'intervalle qui s'écoule entre la
collation du titre et la délivrance des lettres patentes.
Si la déclaration avait
un autre sens, elle serait illégale. En effet, la loi du 31 mai 1824, sur
l'enregistrement, dit que lorsque l'impétrant est nanti de son titre, les
agents du fisc n'ont plus aucune espèce de recours contre lui. La loi est
formelle à cet égard, et il faudrait une loi nouvelle pour y déroger.
En second lieu, il me
paraît évident que le système de l'honorable M. Osy donnerait à la loi future
un véritable effet rétroactif, et cela en s'appuyant non pas même sur un arrêté
royal, mais sur une simple déclaration que les ministres ont exigée de ceux qui
sollicitaient des titres de noblesse.
Ainsi, messieurs, je
crois que par cette déclaration ceux qui ont obtenu des titres de noblesse se
sont engagés à payer l'impôt qui serait établi dans l'intervalle qui
s'écoulerait entre la collation du titre et la délivrance des lettres patentes,
qui peut n'avoir lieu que 6 mois après ; mais je pense que ce serait donner une
portée illégale, un effet rétroactif à la loi que nous voterions, que de faire
revivre ainsi l'arrêté de février 1821, et cela en vertu d'une déclaration que
les ministres ont exigée des impétrants.
Messieurs, la question de
l'établissement d'un impôt sur les titres de noblesse, a été soumise au conseil
héraldique (interruption) si vous
l'aimez mieux, à la commission héraldique, créée par un arrêté royal sous mon
honorable prédécesseur.
La commission héraldique
m'a fait un rapport sur cette question ; elle croit que le revenu qui
résulterait d'un impôt établi directement sur les titres de noblesse, serait un
impôt nul. (Interruption.)
La première question qui
serait soulevée serait celle-ci : L'impôt frappera-t-il également les actes de
reconnaissance et les titres de concession ? Pour les actes de reconnaissance,
la question peut être douteuse ; la reconnaissance des titres de noblesse ne
confère aucun droit nouveau, aucune faveur nouvelle, c'est la déclaration d'un
droit préexistant. C'est une question que j'indique, mais que je veux pas
résoudre ici ; il s'agirait de savoir si l'on pourrait établir l'impôt sur les
actes de reconnaissance de titres de noblesse. Or, si on ne faisait reposer
l'impôt que sur les actes de concession, vous comprenez, messieurs, que ces
titres étant rarement accordés, quoi qu'en ait dit M. Osy, l'impôt serait
réellement nul.
Je ferai une observation
à l'honorable baron Osy. Il a rappelé l'arrêté de 1821, du royaume des
Pays-Bas, d'après lequel un impôt frappe directement les différents titres de
noblesse ; cet impôt est assez élevé, mais, messieurs, il ne faut pas oublier
que la loi fondamentale accordait des prérogatives politiques très importantes
à la noblesse. Les nobles formaient une classe distincte ayant des privilèges
spéciaux. Vous savez, messieurs, que la classe noble, sous la loi fondamentale
des Pays-Bas, composait un collège électoral dans les assemblées équestres des
provinces.
Je comprends très bien
qu'en échange de privilèges politiques ou civils, dans les pays où ces
privilèges existent, on puisse exiger un impôt, même très élevé, en échange de
ces avantages ; mais vous comprenez, messieurs, que les raisons qui justifient
cet impôt perdent beaucoup de leur valeur dans les pays où les titres de
noblesse ne constituent qu'une simple distinction honorifique, ne conférant
aucune espèce de privilège quelconque.
Mais, messieurs, la
commission héraldique a proposé un autre système qui, selon moi, est plus favorable
au trésor public et plus conforme à l'intérêt de la noblesse et à la
prérogative royale, que le projet dont l'honorable M. Osy a parlé ; ce système
consisterait dans l'établissement d'un droit de succession à payer lors de la
transmission du titre, après la mort du titulaire, par ceux qui recueillent le
titre. Ce droit serait gradué selon l'élévation du titre transmissible. La
commission héraldique m'a proposé les bases d'un tel projet de loi.
Il est très facile de
comprendre, messieurs, que ces droits étant perpétuels, en ce sens qu'ils
frapperaient les générations successives de tout noble ; le revenu du trésor
public serait bien plus considérable puisque le droit serait permanent, tandis
que s'il ne portait que sur les collations de titres, le revenu du trésor
serait insignifiant.
Du
reste, messieurs, puisque l'honorable M. Osy avait soulevé la question, j'ai
cru devoir faire connaître à la chambre quel est le degré d'instruction où elle
est arrivée dans l'examen auquel elle a été soumise.
Messieurs, j'ai également
déclaré, en prenant tout à l'heure la parole, que j'étais loin d'être opposé à
l'établissement d'un droit sur l'octroi des titres nobiliaires ; mais je crois
que cette question doit être mûrement examinée puisqu'elle touche à une prérogative
de la royauté.
M.
Rodenbach. - Messieurs, il y a déjà plusieurs années que j'ai provoqué un projet de
loi, pour frapper d'un droit l'octroi des titres de noblesse ; j'ai également
réclamé de toutes mes forces un droit sur les lettres de naturalisation. Les
chambres ont volé une loi pour ce dernier objet.
Quelle que soit la mesure
à laquelle on s'arrête, peu importe, pourvu que nous atteignions notre but ; ce
but est de faire payer à ceux qui veulent des titres de noblesse, non pas la
bagatelle de 100 florins d'enregistrement qu'ils versent aujourd'hui dans le
trésor, mais un impôt qui procure une recette importante au gouvernement. Ceux
qui veulent des honneurs el des dignités peuvent les payer. Je suis persuadé
que le conseil héraldique se trompe, lorsqu'il suppose qu'on ne payera pas les
honneurs. Il est des hommes qui sont toujours disposés à payer un impôt et un
large impôt à la vanité. En France, l'octroi des titres de noblesse est frappé
d'une taxe appelée droits des sceaux. On paye pour le titre de baron 10,000
francs.
Outre le droit
d'enregistrement, il faudrait encore, comme M. le ministre vient de le dire,
d'accord avec le conseil héraldique ; il faudrait faire payer un droit de
succession. Je me joins à mon honorable collègue d'Anvers, et j'engage
fortement M. le ministre à examiner avec la plus grande attention,
d'ici à la prochaine session, quel impôt il y aurait lieu d'établir de ce chef,
pour augmenter les revenus de l'Etat ; mais je le répète, il ne faut pas un
impôt insignifiant de quelques centaines de francs. En Allemagne, il y a
plusieurs souverains qui se font un revenu considérable, au moyen de cet impôt
qu'ils prélèvent sur la vanité ; ils ont fait des tarifs fixant la taxe à payer
pour être baron, comte, duc ou marquis. En France, on paye, je l'ai déjà dit,
10,000 fr., pour devenir baron. Puisque nous avons en Belgique des hommes qui
recherchent avidement des titres de noblesse, pourquoi négligerions-nous un
moyen si simple d'augmenter les recettes du trésor ?
J'engage donc derechef M.
le ministre des affaires étrangères à nous présenter un projet de loi d'ici à
la session prochaine.
M. Osy. - Messieurs, j'ai demandé à M. le
ministre des affaires étrangères et je lui demande de nouveau, puisqu'il ne m'a
pas répondu à cet égard, de vouloir bien publier au Moniteur toutes les
reconnaissances et tous les titres de noblesse que le Roi a accordés depuis
1831 ; je demande également qu'on publie les reconnaissances et les titres de
noblesse que l'on conférera par la suite. Alors nous saurons à quoi nous en
tenir.
M. le ministre des
affaires étrangères croit, qu'en adoptant ma proposition, il y aurait
rétroactivité. Il n'en est rien ; je suis le premier à dire qu'une loi ne doit
pas avoir un caractère rétroactif.
Mais ici il n'y aurait
pas de rétroactivité. Ceux qui ont reçu des titres de noblesse ont pris
l’engagement formel de payer les droits qui seraient votés par la législature.
Je conçois que le gouvernement depuis 1830 n'ait pas appliqué l'arrêté de 1821,
puisque tout impôt doit être voté par les chambres ; je suis le premier à
reconnaître que cela aurait été illégal ; que ceux à qui on a donné des titres
de noblesse ne pouvaient provisoirement payer que le droit d'enregistrement de 100
florins.
Le conseil héraldique a
émis l'opinion de faire payer un droit de succession aux enfants, lorsqu'ils
héritent du titre du père. C'est encore là un système, c'est très bien ; mais
je sais positivement que plusieurs membres du conseil héraldique ne
connaissaient pas l'engagement formel que je viens de rappeler. Si le conseil
avait connu cet engagement, je ne doute pas qu'il n'eût fait une proposition
conforme à la nôtre.
Ce
que je propose n'a rien d'exagéré. En France, il y a des lois qui fixent la
taxe dont sont frappés les reconnaissances ou les titres de noblesse. Vous avez
vu dans les journaux qu'un général français qui a été créé duc, pour une
bataille gagnée par lui en Algérie, a dû payer 18,300 fr.
Je demande donc
formellement au gouvernement de nous présenter à la session prochaine, soit un
projet de loi, soit au moins un rapport ; si le gouvernement ne présente pas un
projet de loi, je verrai alors s'il y a lieu d'user de mon initiative ; mais
pour cela il me faut des pièces, un rapport circonstancié.
Je demande donc à M. le
ministre des affaires étrangères de vouloir bien s'engager à nous présenter, à
la prochaine session, soit un projet de loi, soit un rapport.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, j'ai déjà déclaré à
l'honorable M. Osy que je n'étais nullement opposé à la présentation d'un
projet de loi ; je répète que je ferai de cette question l'objet d'un examen
approfondi.
L'honorable membre
demande que le gouvernement s'engage à publier au Moniteur les actes de
reconnaissante ou les lettres patentes qui ont été signés par le Roi. Jusqu'à
présent le gouvernement n'a pas cru que c'était une obligation de publier ces
actes au Moniteur, et cela par une raison bien simple, c'est que ces actes ne
confèrent aucun droit politique ou civil.
Du reste, je ne veux pas
en ce moment soulever cette discussion ; je déclare que je me réserve
d'examiner l'utilité et la convenance de cette publication.
M. Mercier. - J'ai été obligé de demander la parole parce que
l'honorable préopinant a fait allusion à une interruption que je m'étais
permise et qu'il n'a pas comprise. J'avais dit : Non ! Ce « non » ne
se rapportait pas aux observations de l'honorable membre, mais s'appliquait à
la prétention d'exiger du gouvernement la promesse de présenter un projet ou un
rapport. Si un précédent semblable était posé, il n'y a pas d'objet sur lequel
on ne pût demander ou un projet de loi ou un rapport.
M. Lebeau. - Messieurs, jusqu'en 1843, on s'est
abstenu de publier les arrêtés du Roi, contresignes par les ministres, qui
conféraient des titres de noblesse ou reconnaissaient des titres anciens. Je
crois que jusque-là on n'était en contravention à aucun texte légal ; mais il
me paraît que depuis la loi du 28 février 1845, il est absolument impossible,
si on veut observer les prescriptions de cette loi, de se soustraire à la
publication des arrêtés qui confèrent des titres de noblesse. Vainement M. le
ministre fait-il une distinction entre un arrêté royal qui confère un titre
honorifique et celui qui confère un titre politique. Cette distinction, la loi
ne la fait pas.
Par analogie on pourrait
ne pas insérer au Moniteur les arrêtés qui confèrent des décorations, car les
décorations ne confèrent non plus aucune espèce de droit. Je ne pense pas que
l'argumentation de M. le (page 1722)
ministre puisse subsister. La loi de 1845 ne contient qu'une seule exception.
L'article 3 prescrit la publication des arrêtés royaux
dans le mois de leur date. « Néanmoins, dit l'article 4, les arrêtés royaux qui
n'intéressent pas la généralité des citoyens seront insérés par extrait au
Moniteur, dans le délai prescrit par l'article précédent, sauf (voilà l'exception)
sauf ceux dont la publicité, sans présenter un caractère d'utilité, pourrait
léser des intérêts individuels ou blesser les intérêts de l'Etat. » Je ne
pense pas que ce soit dans cette exception qu'on puisse se retrancher pour ne
pas publier ces arrêtés. (Interruption).
Ce serait faire injure au gouvernement et à ceux que ces actes concernent.
Je demanderai donc qu'on
rentre dans l'application rigoureuse de la loi du 28 février 1845 dont à tort,
selon moi, on s'est écarté.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Je ne m'attendais pas à
l'interpellation qui m'a été adressée ; je reconnais qu'effectivement la loi
sur la publication des actes officiels a pu changer l'état de choses ancien
sous lequel la publication des arrêtés conférant des titres de noblesse ne
devait pas avoir lieu. J'examinerai la question soulevée par M. Lebeau.
Seulement je pense que depuis la loi du 28 février 1845 aucun arrêté royal
concernant des titres de noblesse n'a été pris.
M. Orts. - M. le ministre a dit que la collation de titres de noblesse ne
conférait aucun droit civil ou politique. Cela est vrai peut-être dans la
rigueur de l'acception du mot. Mais la publication des titres de noblesse
conférés n'en est pas moins indispensable pour satisfaire à la prescription
d'une loi, dont je ne me rappelle pas la date, qui défend aux autorités
publiques, aux tribunaux, aux notaires, de donner des titres autres que ceux
qui sont légalement reconnus. Par conséquent, il importe que les tribunaux et
les notaires connaissent quels sont les titres nobiliaires qui sont conférés.
Or, comment les connaître
s'ils ne sont pas publiés ? J'appuie donc la demande de l'honorable M. Osy
qu'on donne connaissance officielle des titres conférés, afin que les autorités
puissent les admettre.
M. Osy. - M. le ministre s'étant engagé à
examiner les deux questions que j'ai soulevées, je n'ai pas de proposition à
faire, mais je déclare formellement que s'il ne présente pas un projet à la
session prochaine j'userai pour le faire de mon droit d'initiative. J'ai assez
étudié cette question pour pouvoir vous présenter un projet.
M. le président. - Si personne ne demande plus la parole, je déclarerai la
discussion close.
M. Osy. - Je me suis réservé de parler sur
le projet de loi. Comme rapporteur du budget des affaires étrangères, je ne
puis me dispenser de vous signaler les crédits supplémentaires énormes qui vous
sont demandés. Pour missions extraordinaires, traitements d'agents politiques
et consulaires en inactivité et dépenses imprévues, nous avons voté au budget
une somme de 40,000 fr. On vous demande un crédit supplémentaire de 66,000 fr.,
de sorte qu'avec le crédit primitivement voté la dépense pour cet objet se
monte à 106,000 fr.
De la manière dont nous
allons, je ne sais s'il est encore utile de voter les budgets. Tous les
ministres ont demandé des crédits supplémentaires tellement extraordinaires que
tous les votes des budgets deviennent illusoires. Dans ces demandes de crédits
supplémentaires, je vois figurer véritablement des dépenses excessives. Ainsi,
dans les 66,000 francs demandés, je vois figurer 17,500 fr. pour cette
malheureuse colonie de Guatemala ; je vois une autre dépense de 24 mille fr.
pour un voyage que notre consul à Valparaiso a fait à Lima. Le traitement de
cet agent est de 25,000 francs, et on lui donne 24,000 fr. pour un voyage ! Il
serait utile que M. le ministre nous fît connaître si ces dépenses nous
rapporteront quelque chose, si nous pouvons espérer de conclure un traité avec
les gouvernements de l'Amérique du Sud.
Dans
ces 66,000 fr., on a glissé en outre une demande de 5,800 fr. pour achat de
décorations. La section centrale a cru devoir rejeter cette dépense. Si le
budget de l'ordre de Léopold est en déficit, qu'on nous présente un projet de
loi spécial. Je ne puis laisser passer dans un article des dépenses qui ne s'y
rapportent pas. J'engage la chambre à n'allouer que les fr. 61,105,41 proposés
par la section centrale.'
Les 5,814 fr. 80 c.
seront refusés par la chambre et l'on refusera un rapport spécial si l'on veut
que les dépenses de cet ordre soient payées ; elles ne doivent pas être
confondues avec un autre article du budget. Je demande donc le rejet de cette
allocation.
Je demanderai si avec les
sommes allouées nous avons l'espoir de quelque traité avantageux pour le
commerce.
M. le ministre
des affaires étrangères (M. Dechamps). - J'ai regretté aussi vivement qu'a pu le faire l'honorable
préopinant de me trouver dans la nécessité de présenter un crédit
supplémentaire pour une somme qui, je le reconnais, est assez considérable.
Mais ce crédit est parfaitement justifié par les circonstances.
Le crédit de 40,000 fr. a
été absorbé en grande partie par les frais relatifs aux négociations qui ont
amené la conclusion des traités avec la France et avec les Pays-Bas. Les
missions extraordinaires du prince de Chimay en Italie, de M. Blondeel à
Guatemala, de M. Bosch dans l'Amérique du Sud et les frais d'intérim à Rome, à
Berlin, à La Haye et à Londres, qui ont été nécessités par les vacances
momentanées intervenues dans ces légations, ont entraîné des dépenses
supérieures aux chiffres alloués au budget.
Il ne faut pas oublier
qu'à côté de ces dépenses, pour lesquelles un crédit supplémentaire vous est
demandé, il y a des économies qui y correspondent, parce que, si d'un côté les
frais de missions extraordinaires ont augmenté en raison des circonstances dont
je viens de parler, les frais ordinaires des missions ont diminué dans une
proportion analogue.
Ainsi, si le prince de
Chimay a reçu une indemnité pour frais de déplacement et de séjour, il n'y a
pas eu de traitement à payer à un titulaire. Ainsi, s'il y a eu des indemnités
à acquitter pour intérim à Rome, à Berlin, à La Haye et à Londres, pendant la
durée de ces intérim, les traitements des titulaires ont été économisés.
L'honorable M. Osy a
appelé l'attention de la chambre sur deux points : d'abord sur la somme assez
élevée qui a été nécessaire pour la mission de M. Blondeel à Santo Thomas.
J'ai déjà eu l'honneur de
faire connaître à la chambre que les frais de séjour n'ont été comptés pour cet
agent diplomatique qu'à raison de 20 francs par jour ; mais que les frais de
voyage qui sont remboursés sur déclaration avec pièces à l'appui, ont été
considérables, parce que chacun sait que de Santo-Thomas à Guatemala, les
transports se font à dos de mulet, par des routes presque impraticables. Les
frais se sont accrus parce que ce voyage a eu lieu à petites journées pendant
la maladie que cet agent a éprouvée dans ce climat.
La somme demandée pour
notre consul à Valparaiso est en effet fort élevée, et elle a paru telle au
gouvernement. Cependant, je dois dire que cet agent a produit des pièces
justificatives à l'appui de cette dépense.
Quoi qu'il en soit,
frappé de l'élévation de cette somme, je n’ai cru devoir l'allouer que comme
avance, me réservant d'examiner les comptes, lors du retour de cet agent en
Belgique, qui est prochain, et de m'assurer que la dépense est convenablement
justifiée.
L'honorable M. Osy a dit
que tout au moins il serait désirable que le gouvernement pût annoncer que ces
frais très élevés du consulat de Valparaiso ont eu des résultats utiles. Je
puis déjà annoncer (indépendamment de ce que ce consulat a été fort utile, au
point de vue des relations commerciales qui se sont développées rapidement
depuis lors) que M. Bosch a signé un traité avec le Chili. D'après la
correspondance que j'ai reçue de lui, il espérait, lors de son prochain retour,
rapporter des traités conclus avec le Pérou et l'Equateur.
La
mission du consul général à Valparaiso aura donc été doublement utile.
L'honorable M. Osy a
demandé à la chambre de sanctionner le rejet proposé par la commission d'une
somme de 5,814 fr. 60 c. pour dépenses relatives à l'ordre de Léopold. Mais il
a oublié d'ajouter (ce que contient son rapport) que je me suis rallié à cette
suppression, reconnaissant que c'est le résultat d'une erreur, et que ce crédit
ne doit pas figurer dans celui qui a rapport aux missions extraordinaires et
aux dépenses imprévues.
M. Osy. - Si dans les années antérieures on
a pu marcher avec un crédit de 40,000 fr., il faut convenir que ce crédit
supplémentaire de 61,000 mille fr. est exorbitant. Au moyen des missions
extraordinaires, le gouvernement augmente considérablement la dépense. Le Roi a
le droit de nommer des envoyés extraordinaires ; mais nous avons le droit de
fixer la dépense de ces missions. Si le gouvernement en abusait, nous devrions
donner un exemple par un refus de crédit, afin de déterminer le gouvernement à
s'arrêter.
L'année dernière, notre
chargé d'affaires à Hanovre est passé à Copenhague. Il a, par ordre du
gouvernement, passé une grande partie de l'hiver à Bruxelles. Maintenant le
voilà de retour à Bruxelles. Si nos chargés d'affaires peuvent résider à
Bruxelles, il est inutile de maintenir leurs missions ; ils peuvent être
remplacés par des consuls. Ils ne sont pas contents et veulent avoir des
mutations, c'est pour cela qu'ils viennent à Bruxelles.
Si je suis bien informé,
notre chargé d'affaires à Copenhague demande encore une mutation. Peut-être
l'enverra-t-on à Athènes. Je vous demande quelle dépense exorbitante il en
résultera ; car on paye non pas seulement pour l'agent, mais pour toute sa
famille, et même pour son mobilier.
Notre chargé d'affaires à
Washington demande également sa mutation, parce que, comme je l'avais prévu, ne
parlant pas l'anglais, il est mécontent dans cette résidence. Ceux qui ne
savent pas l'anglais ne peuvent se plaire à Washington où tout le monde parle
cette langue.
Il faut résister à ces
demandes de mutation qui sont la cause de toutes ces dépenses supplémentaires.
Puisque j'ai la parole,
je renouvellerai la demande de l'honorable M. Delehaye, sur la convenance de
nommer enfin un titulaire au poste de chargé d'affaires à Madrid. C'est
d'autant plus urgent qu'il est question dans ce pays d'un changement de tarif.
Pour nos Flandres, pour notre commerce de toiles, nous avons intérêt à être
représentés.
M. le ministre me
répondra que le secrétaire de légation est un homme très entendu et je le crois
; mais un chargé d'affaires pourra mieux soigner les affaires du pays qu'un
secrétaire de légation.
Je demande donc à M. le
ministre s'il a l'intention d'envoyer bientôt, à Madrid, un nouveau chargé
d'affaires.
Ensuite, messieurs, voilà
bientôt dix mois que nous avons en Italie un agent en mission temporaire. Je
demanderai à M. le ministre si la mission temporaire de cet agent deviendra
définitive, ou si elle doit encore continuer à être temporaire. Il serait temps
de mettre un terme à cette énorme indemnité de 130 fr. par jour payée à un
agent dont le traitement normal est de 40,000 fr. Je crois d'ailleurs que, dans
l'intérêt du pays, il serait convenable d'avoir à Rome un agent définitif.
Des
renseignements ont été demandés à cet égard à M. le ministre, par la section
centrale du budget de 1848. J'attends ces renseignements (page 1723) pour présenter mon rapport sur le budget. Je demanderai
à M. le ministre, s'il ne peut nous les donner.
M. Delehaye. - Messieurs, l'honorable M. Osy
vient de rappeler à la chambre que j'avais, au mois de janvier dernier, demandé
au gouvernement comment il se faisait qu'au moment où l'on allait s'occuper à
Madrid de la révision des tarifs, notre chargé d'affaires en Espagne était
revenu en Belgique. M. le ministre des affaires étrangères nous avait promis
qu'on pourvoirait incessamment à ce poste. Cependant la place est encore
aujourd'hui vacante.
Je partage, messieurs,
l'avis de l'honorable M. Osy. Je crois qu'en Espagne où il s'agit surtout pour
nous d'intérêts commerciaux, il faut avant tout envoyer un agent qui ait des
connaissances en matière commerciale et industrielle. Je sais que ce poste est
très recherché, que des protections très grandes sont mises enjeu par certains
candidats. Mais j'espère que le gouvernement se mettra au-dessus de toutes ces
intrigues et qu'il saura donner la préférence au véritable mérite. Je prie le
gouvernement d'être bien persuadé que le pays verrait avec grand déplaisir que
cette place fût donnée à un homme qui n'aurait d'autre titre que son dévouement
au ministère et peut-être un titre d'ancienneté, sans aucune des connaissances
toutes spéciales que réclame ce poste.
Je crois, messieurs, que
le gouvernement aurait tort de tarder plus longtemps à faire cette nomination.
Car si l'on en croit les journaux qui nous arrivent de l'Espagne, les cortès
devront s'occuper bientôt de la révision des tarifs.
Je ferai valoir une autre
considération ; c'est qu'à l'approche des élections le gouvernement est souvent
l'objet d'insinuations malveillantes, à l'abri desquelles la dignité exige que
se place le pouvoir.
M. Vanden Eynde. - Il faut se méfier des conseils de
ses adversaires.
M. Delehaye. - Je prie l'honorable M. Vanden Eynde de croire que j'aime à
donner des conseils à mes adversaires comme à mes amis, et que lorsqu'il sera
ministre, je me ferai un plaisir de lui en donner aussi.
J'engage donc le
gouvernement à nommer promptement au poste de Madrid ; je crois, d'ailleurs,
qu'il est vacant depuis plus de deux mois ; et dans un moment où notre
industrie souffre, il est nécessaire d'avoir à l'étranger des hommes qui
connaissent parfaitement les besoins du pays.
Si le ministre pensait
que dans ce cas l'ancienneté doit prévaloir sur toutes autres considérations,
je l'engagerai alors de suspendre la nomination d'un agent diplomatique
permanent, pour y envoyer dans les circonstances actuelles un agent spécial,
chargé exclusivement de cette importante question de l'industrie linière.
M. le ministre
des affaires étrangères (M. Dechamps). - L’honorable M. Osy s'est plaint de ce que notre agent
diplomatique à Copenhague, qui avait obtenu un congé il y a un certain temps,
en a obtenu un nouveau et se trouve encore en Belgique aujourd'hui. Je
répondrai à l'honorable membre que M. Dujardin a obtenu ce congé à la suite de
la mort de son père et à cause d'intérêts de famille qu'il était indispensable
qu'il réglât. Le gouvernement ne pouvait évidemment se refuser à lui accorder cette
permission.
L'honorable membre a dit
qu'il croyait savoir que cet agent diplomatique ainsi que notre agent à
Washington réclamaient des mutations. Messieurs, je ne vois pas quel blâme on
pourrait porter à l'égard des membres du corps diplomatique qui solliciteraient
un avancement, quand des postes sont vacants, et certainement le talent dont M.
Dujardin a fait preuve ne doit pas être un motif d'exclusion. Notre agent à
Washington ne m'a manifesté aucun vœu, aucun désir à cet égard, et je n'ai
nulle raison de croire que les fonctions qu'il remplit avec distinction aux
Etats-Unis ne lui plaisent pas, comme l'a dit l'honorable M. Osy.
Relativement à la mission
de Madrid, je puis annoncer à la chambre que la nomination à ce poste
diplomatique sera faite très prochainement. J'ajoute du reste que l'intérêt du
pays n'a nullement souffert de l'ajournement qui a eu lieu dans cette
nomination.
L'honorable M. Osy a
renouvelé la demande que la section centrale m'avait déjà adressée relativement
à la mission du prince de Chimay à Rome et à Naples. Je dois dire à la chambre
que cette mission est terminée : L'honorable prince de Chimay, qui a signé un
traité avec Naples, et qui a établi avec ce pays des relations qui n'avaient
pas été régularisées jusqu'ici, a accompli sa mission à Rome ; il a présenté
ses lettres de rappel, et le gouvernement nommera à ce poste un titulaire
permanent.
- La discussion est
close.
Vote sur l’article unique et sur l’ensemble du projet
Il est procédé au vote
par appel nominal sur l'article unique du projet.
57 membres prennent part
au vote.
50 votent l'adoption.
7 le rejet.
En conséquence le projet
est adopté ; il sera transmis au sénat.
Ont voté l'adoption : MM.
Biebuyck, Brabant, Clep, David, de Baillet, Dechamps, Dedecker, de Foere, de
Haerne, Delehaye, de Meer de Moorsel, de Meester, de Muelenaere, de Saegher, de
Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de T'Serclaes, Dolez, Dubus (aîné),
Dubus (Albéric), Dubus (Bernard ), Fallon, Henot, Huveners, Jonet, Kervyn,
Lange, Lebeau, Lejeune, Liedts, Loos, Maertens, Mast de Vries, Mercier, Orban,
Orts, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Simons, Thienpont, Troye, Van Cutsem,
Van den Eynde, Vandensteen, Veydt et Wallaert.
Ont voté le rejet : MM.
de Bonne, Delfosse, de Renesse, de Tornaco, Lesoinne, Lys et Osy.
PROJET DE LOI ACCORDANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU DEPARTEMENT DE LA
MARINE
M. le président. - « Article unique. Il est ouvert au
département des affaires étrangères ( Marine ) un crédit supplémentaire :
« A. De dix mille
francs dont est majoré l'article 2 du chapitre II du budget de la Marine pour
l'exercice 1846 (vivres) : fr. 10,000.
« B. De cinquante
mille francs, dont est majoré l'article 5 du même chapitre (entretien) :
fr. 50,000
« C. De cent dix
mille francs dont est majoré le chapitre IV (pilotage) : fr. 110,000
« D. De deux mille
cinq cents francs, dont est majoré le chapitre VII (police maritime) : fr.
2,500
« Ensemble :
fr. 172,500. »
La section centrale
propose l'adoption.
M. Osy, rapporteur. - Messieurs, je me suis vu obligé
de voter contre le crédit supplémentaire pour le département des affaires
étrangères, parce que je ne puis consentir à ces énormes crédits
supplémentaires qu'on nous demande sans cesse. Mais, ici, je dois donner une
explication pour faire comprendre que le crédit dont il s'agit en ce moment
constitue plutôt une recette qu'une dépense. En effet, messieurs, les 110,000
fr. demandés pour le pilotage résultent de l'augmentation des droits perçus
pour le pilotage, augmentation par suite de laquelle il a naturellement fallu
payer une somme plus forte du chef de tantièmes aux pilotes ; ce n'est donc ici
qu'une simple régularisation ; il y a une augmentation de dépense, mais elle
résulte d'une augmentation beaucoup plus considérable de recette.
- Il est procédé au vote
par appel nominal sur l'article unique du projet.
51 membres sont présents.
50 adoptent.
1 (M. de Bonne) rejette.
En conséquence, le projet
de loi est adopté.
Ont voté l'adoption : MM.
Biebuyck, Brabant, Clep, David, de Baillet, Dechamps, de Corswarem, de Foere,
de Haerne, Delehaye, de Meer de Moorsel, de Meester, de Renesse, de Saegher, de
Terbecq, de T'Serclaes, Dolez, Dubus (ainé), Dubus (Albéric), Dubus (Bernard),
Henot, Huveners, Jonet, Kervyn, Lange, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Liedts, Loos,
Lys, Maertens, Mast de Vries, Mercier, Orban, Orts, Osy, Pirmez, Pirson,
Rodenbach, Rogier, Scheyven, Simons, Thienpont, Troye, Van Cutsem, Vanden
Eynde, Vandensteen, Veydt, Wallaert.
PROJET DE LOI ACCORDANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU BUDGET DE LA DETTE
PUBLIQUE
M. le président. - « Article unique. Il est
ouvert au département des finances les crédits suivants :
« 1° Un crédit de
soixante et treize mille trois cent vingt francs (73,320 fr.), destiné au
payement des intérêts, pour la période du 1er février 1843 au 31 décembre 1846
(3 ans, 11 mois), sur le capital complémentaire de 624,000 fr. ; à émettre en
obligations à 3 p. c., pour la réparation des pertes causées par les événements
de guerre de la révolution.
« Ce crédit formera
l'article 26, chapitre premier du budget de la dette publique de l'exercice
1846 ;
« 2°
Un crédit supplémentaire de quinze mille quatre cent trente-neuf francs trois
centimes (fr. 15,439-03), destiné au payement de la différence de change sur
des coupons de l'emprunt de fr. 86,940,000 à 5 p. c., acquittés à Londres
pendant le deuxième semestre 1845 ;
« 3° Un crédit
supplémentaire de cinq mille quatre cent quarante-trois francs quarante-quatre
centimes (fr. 5,445-44), destiné au payement de la différence de change sur des
coupons de l'emprunt de fr. 28,621,718-40 à 5 p. c., acquitté à Londres pendant
le deuxième semestre 1845.
« Ces deux derniers
crédits formeront les articles 27 et 28, chapitre premier, du budget de la
dette publique de l'exercice 1845. »
La commission propose
l'adoption.
M. Veydt, rapporteur. - Messieurs, quelques mots
d'explication ne laisseront aucun doute sur le vote à émettre par la chambre.
Le crédit dont il s'agit
est du petit nombre des crédits supplémentaires qui n'imposent aucun surcroit
de charges à l'Etat. C'est une économie qui a été réalisée.
La loi du 1er mai 1842
alloue une somme de huit millions pour réparer les pertes causées par les
événements de guerre de la révolution. L'on avait d'abord cru que pour les
pertes inférieures à 300 francs, payables en numéraire il aurait fallu une
somme de 500,000 fr. A la liquidation, il a été reconnu qu'il n'en fallait que
376,000 fr. Il y a eu, par conséquent, un excédant de 124,000 fr.
D'un autre côté, les
pertes qui atteignent le chiffre de 300 fr. ont dépassé les sept millions, dont
les intérêts ont été portés aux budgets de la dette publique depuis le 1er
février 1843 jusqu'à la fin de 1846. L'excédant est de 624,000 fr. pour
lesquels aucun intérêt n'a été porté aux budgets depuis 1843. C'est cette lacune
qu'il s'agit de combler, et pour le faire, il est besoin d'une somme de 73,320
fr. Elle est, d'abord, inférieure de beaucoup à celle de 124,000 fr. qui est
restée disponible et, en outre, le capital, qu'elle a produit durant les quatre
années a été acquitté par des obligations 3 p. c. au pair, au lieu de l'être en
écus. Il y a évidemment avantage pour le trésor.
(page 1724) Il est
vrai que la seconde partie du crédit supplémentaire diminue cet avantage. Une
somme de fr. 20,882, relative à l'exercice 1845, a été dépensée au-delà des
prévisions pour le payement des coupons d'intérêt, à Londres.
Pendant le second
semestre, le change a dépassé la moyenne de 45 centimes par livre sterling, sur
laquelle l'on compte en temps ordinaire. Le pays ne sera garanti de ce surcroît
de dépenses que lorsque la conversion de nos deux emprunts 5 p. c. aura modifié
ce qui existe pour le payement des intérêts.
- Il est procédé au vote
par appel nominal sur l'article unique du projet qui est adopté à l'unanimité
des 55 membres présents.
Ce sont : MM. Biebuyck,
Brabant, Clep, David, de Baillet, de Bonne, de Corswarem, de Foere, de Haerne,
Delehaye, de Meer de Moorsel, de Meester, de Muelenaere, de Renesse, de Sécus,
Desmet, de Terbecq, de T'Serclaes, Dolez, Dubus, aîné, Dubus (Albéric), Dubus
(Bernard), Dumont, Henot, Huveners, Jonet, Kervyn, Lange, Lebeau, Lejeune,
Lesoinne, Liedts, Loos, Lys, Maertens, Malou, Mast de Vries, Orban, Orts, Osy,
Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Simons, Thienpont, Troye, Van
Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen, Veydt, Wallaert.
PROJET DE LOI ACCORDANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU DEPARTEMENT DES
TRAVAUX PUBLICS
Discussion des articles
Article premier
Personne ne demandant la
parole dans la discussion générale, on passe aux articles.
« Art. 1er.
Indépendamment de la somme de 1,500,000 fr. allouée par la loi du 29 septembre
1842, n°827, pour l'achèvement de l'entrepôt d'Anvers, il est ouvert, pour le
même objet, un nouveau crédit de cinq cent quarante mille francs (540,000 fr.}.
»
- Adopté.
Article 2
« Art. 2. indépendamment
des crédits de 1,750,000, de 1,110,000, de 950,000 et de 200,000 fr.,
successivement alloués par les lois des 29 septembre 1842, 24 juillet 1844, 24
septembre 1845 et 18 juillet 1846, pour les travaux du canal de la Campine, il
est ouvert pour les mêmes travaux un nouveau crédit de deux cent quatre-vingt
mille francs (280,000 fr.). »
M. de Corswarem. - Messieurs, d'après
le plan qui a été dressé par M. l'ingénieur Kummer, le canal de la Campine
devait consister en quatre sections ; la première, depuis le canal de
Maestricht à Bois-le-Duc jusqu'à la Pierre-Bleue ; la deuxième, depuis la
Pierre-Bleue jusqu'à Herenthals ; la troisième depuis la Pierre-Bleue jusqu'au
Demier, à Hasselt, et la quatrième, de Turnhout sur Anvers.
On a exécuté la première
section en entier, la deuxième et la quatrième à peu près ; mais on a passé la
troisième. Je n'ai pas pu me rendre bien compte du motif pour lequel on avait
accordé la préférence à la quatrième section sur la troisième, d'autant plus
que cette quatrième section était beaucoup moins importante et que les frais en
étaient beaucoup plus élevés. D'après l'avis de M. Kummer lui-même, elle ne
devait être exécutée qu'en dernier lieu. Je dis que les frais de construction
de cette dernière section étaient beaucoup plus élevés que ceux de la
troisième, car la quatrième doit avoir un développement de 66 mille mètres avec
9 écluses, tandis que la troisième ne doit avoir qu'un développement de 36
mille mètres avec 5 écluses.
Cette troisième section
reste donc aujourd'hui en souffrance, on ne s'en occupe pas.
Mais M. le ministre de
l'intérieur a pris récemment une mesure qui embarrasse singulièrement les
communes que la troisième section du canal doit traverser ; dans sa circulaire
du 14 avril dernier, adressée à cinq gouverneurs de provinces, relativement à
l'emploi des 500,000 fr. mis à sa disposition pour aider à la mise en valeur
des terrains incultes, M. le ministre de l'intérieur stipule, entre autres, la
condition suivante :
« Aucune avance ne serait
faite aux communes où il s'exécute ou doit s'exécuter bientôt, par les soins du
gouvernement ou de l'autorité locale, les travaux d'irrigation et aucune
parcelle de terrain située de manière à pouvoir être irriguée par les canaux
existants ou à créer, ne serait employée à l'usage dont il s'agit ici. »
Ainsi, messieurs, tous
les terrains qui se trouvent dans la contrée que doit traverser la troisième
section du canal, sont des terrains pouvant être irrigués par le canal à créer,
et les fonds mis à la disposition du gouvernement pour le défrichement des
bruyères, ne seront pas appliqués dans ces contrées, en attendant que le canal
se fasse.
Ces communes sont donc
tout à fait embarrassées ; elles ne peuvent pas vendre leurs bruyères, et le
gouvernement ne peut pas les faire défricher. Cela est très logique, parce que
dans la suite, quand le canal sera fait, on pourra prendre de l'eau pour irriguer
ces terrains, et alors on en tirera un parti bien plus avantageux qu'on ne
pourrait en tirer maintenant.
L'exactitude de mon
assertion est confirmée par les paroles de M. Kummer. Cet ingénieur dit dans
son rapport que :
« La première tranche
entièrement creusée dans le sable à la hauteur de l'étiage du canal de
Maestricht à Bois-le-Duc ne peut être que d'un intérêt secondaire pour les
irrigations. »
Eh bien, cette première
tranche indiquée comme ne pouvant être que d'un intérêt secondaire pour les
irrigations, est justement la branche qui sert aux irrigations qu'on entreprend
aujourd'hui dans les communes de Neerpelt et d'Overpelt, la branche qui sert à
irriguer les seuls terrains appropriés à cette destination.
Parlant de la deuxième et
de la troisième section, cet ingénieur dit : Que c'est la troisième qui devait
être surtout celle au moyen de laquelle on devait convertir le plus de bruyères
en prés ; il le dit encore en termes bien plus explicites un peu plus loin.
Suivant l'avis de M.
l'ingénieur Kummer, c'était donc cette section qui devait contribuer le plus au
défrichement et qui devait être exécutée avant la quatrième.
Aujourd'hui que nous
faisons tout pour défricher, je voudrais que M. le ministre des travaux publics
eût la bonté de nous dire si, suivant lui, le gouvernement pourra entreprendre
l'exécution de la troisième section à laquelle on a préféré jusqu'aujourd'hui
la quatrième. Nous ne réclamons nullement contre l'exécution de la quatrième
section ; je voterai le crédit demandé pour elle ; mais je demande au
gouvernement de déclarer s'il pourra bientôt mettre la main à la troisième
section, à celle qui doit le plus influer sur le défrichement des bruyères.
Cette
section aboutit d'un côté à Hasselt qui, selon l'opinion de M. l'ingénieur
Kummer, est le plus grand centre d'envahissement sur les terrains en friche ;
l'expérience est là ; c'est là où sont les défricheurs les plus actifs, les
plus intelligents ; ceux qui se sont mis à l'œuvre les premiers el qui
défrichent sur la plus grande échelle.
M. le ministre des travaux publics (M.
de Bavay). -
Messieurs, l'honorable membre a insisté sur ce fait que la branche des canaux
de la Campine, de la Pierre-Bleue à Turnhout, avait été construite avant celle de
la Pierre-Bleue à Hasselt. Je crois qu'il y a eu de fort bonnes raisons pour
exécuter la branche de Turnhout ; c'est d'abord qu'elle rattache au système des
canaux de la Campine un des plus grands centres de population de cette contrée
; de plus, cette branche se trouve établie sur l'arête culminante de la Campine
et se prête à des irrigations des deux côtés. La branche de Hasselt aurait une
utilité reconnue, d'après les passages du rapport de l'ingénieur en chef
Kummer, que l'honorable membre a cités.
La
seule question qui se présente est celle de savoir si le gouvernement sera
bientôt en mesure de l'exécuter. Cette branche des canaux de la Campine doit
être rangée dans la catégorie d'autres travaux dont la nécessité est également
reconnue, et contre l'exécution desquels on n'invoque d'autre argument que
celui qui se tire de la situation du trésor. L'exécution de ce canal, comme
celle de plusieurs autres travaux, est une question que la chambre aura à
résoudre, quand on lui présentera un projet pour l'exécution de divers travaux
d'utilité générale.
M. Dubus (aîné). - Je me proposais de présenter les
observations que vient de faire M. le ministre des travaux publics, et
d'indiquer pourquoi il y avait lieu d'exécuter, ainsi qu'on l'a fait, le canal
de Turnhout. Je ferai remarquer d'abord que c'est mal à propos que l'honorable
membre qui a ouvert cette discussion a présenté cette partie de la canalisation
de la Campine comme étant à peu près exécutée. Il a dit qu'il y avait quatre
embranchements aux canaux de la Campine, le troisième de la Pierre-Bleue à
Hasselt et le quatrième qu'il dit avoir été exécuté à peu près, serait de la
Pierre-Bleue à Anvers par Turnhout. Cet embranchement est loin d'être à peu
près exécuté, car on n'en a pas même fait la moitié, il s'arrête à Turnhout ;
il devrait être continué de Turnhout au moins jusqu'à St-Job in 't Goor. On ne
pourra pas espérer de défrichements et d'irrigations dans le nord de la Campine
anversois, si on ne continue pas le canal jusque-là.
L'honorable membre dit
que ce travail exige un grand nombre d'écluses. C'est une erreur, ce n'est que
dans le cas où l'on descendrait de Saint-Job in 't Goor à l'Escaut qu'on aurait
à construire des écluses ; il en faudrait sept ou huit. Mais si on s'arrête à
Saint-Job in 't Goor, il n'en faut pas une seule ; c'est un canal d'un seul
bief, depuis la Pierre-Bleue jusqu'à Saint-Job, presque sans travaux d'art et
sans écluse.
Le canal, ainsi que l'a
fait remarquer M. le ministre des travaux publics, qui s'arrête à Turnhout est
établi presque partout sur les crêtes des bruyères et fournit des moyens
d'irrigation. Il se continue de la même manière jusqu'à Saint-Job, toujours sur
les crêtes des bruyères, et en l'exécutant on fournira les moyens d'irrigation
sans lesquels il est impossible de mettre ces bruyères en culture.
Les personnes qui ont
examiné la carte reconnaîtront que si l'on ne continuait pas le canal de
Turnhout jusqu'à St-Job in 't Goor, il faudrait renoncer à mettre en culture
les bruyères du nord de la Campine anversoise.
Je prie donc avec
instance M. le ministre de présenter le plus tôt possible une demande de crédit
pour continuer le canal de Turnhout jusqu'à St-Job.
Je ne demande pas
maintenant qu'on fasse la dépense qui serait très considérable pour établir la
communication de St-Job à l'Escaut, mais seulement qu'on continue de Turnhout
jusqu'à St-Job.
- L'article 2 est mis aux
voix et adopté.
Articles 3 et 4
« Art. 3. Indépendamment
du crédit de 1,040,000 fr., voté par la loi du 6 avril 1845, pour la
construction d'un canal de navigation destiné à mettre la ville de Turnhout en
communication avec le canal de la Campine, il est ouvert, pour le même objet,
un nouveau crédit de trois cent quatre-vingt mille francs (380,000 fr.) »
- Adopté.
« Art. 4. Ces dépenses
seront provisoirement couvertes au moyen d'émissions de bons du trésor. »
- Adopté.
Il est procédé au vote
par appel nominal sur l'ensemble du projet.
Il est adopté à
l'unanimité des 48 membres qui ont répondu à l'appel.
Il sera transmis au
sénat.
Ont répondu à l’appel :
MM. Rogier, Scheyven, Simons, Thienpont, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde,
Veydt, Wallaert, Biebuyck, Brabant, Clep, David, de Bonne, Dechamps, de
Corswarem, Dedecker, de Haerne, Delehaye, de Meer de Moorsel, de Meester, de
Muelenaere, de Renesse, de Sécus, de Terbecq, de T'Serclaes, Dubus (aîné),
Dubus (Albéric), Dubus (Bernard), Dumont, Henot, Huveners, Jonet, Kervyn,
Lange, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Loos, Lys, Malou, Mast de Vries, Mercier,
Orts, Osy, Pirmez, Rodenbach et Liedts.
- La séance est levée à 3
heures et demie.