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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 11 mars 1850

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1849-1850)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 901) M. Dubus procède à l'appel nominal à deux heures et quart.

La séance est ouverte.

M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dubus fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.

« Des élèves en droit, à Bruxelles, prient la chambre d'adopter le projet de loi qui proroge quelques dispositions transitoires de la loi du 15 juillet 1849, sur l'enseignement supérieur. »

- Renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de loi.


« Le sieur Petit, étudiant en droit à l'université de Bruxelles, demande que le projet de loi qui proroge quelques dispositions transitoires de la loi du 15 juillet 1849, sur l'enseignement supérieur, soit rendu applicable à tous les candidats en droit reçus à l'époque de la mise en vigueur de la loi. »

- Même renvoi.


«Plusieurs habitants de Bouchout demandent que l'enseignement de la langue flamande soit obligatoire dans les établissements d'instruction publique, à Bruxelles et dans les provinces flamandes; qu'on y soit tenu de s'en servir pour enseigner les langues anglaise et allemande ; que les administrations provinciales et communales, et, autant que possible, les tribunaux fassent exclusivement usage de cette langue ; qu'il y ait une Académie flamande annexée à l'Académie de Bruxelles, et que la langue flamande jouisse, à l'université de Gand, des mêmes prérogatives que la langue française.

« Même demande des membres du conseil communal de Brocchem, Norderwyk, Meerle, Somerghem, Elene, Grootenberge, de plusieurs habitants de Beerse, Veerle, Nederhasselt, Poppel, Westerloo, Borgerhout, Heyst op den Berg, Borsbeek, Bevel, Desschel, Nylen, Louvain, et de quelques membres d'une société littéraire de cette ville. »

- Sur la proposition de M. de Luesemans, renvoi à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi sur l'enseignement moyen.


« Le sieur Renard réclame l'intervention de la chambre pour qu'il lui soit accordé un nouveau délai endéans lequel il soit admis à opérer l'échange de ses récépissés des emprunts forcés. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les huissiers-audienciers près le tribunal de première instance de Tongres demandent une loi qui leur assure un traitement proportionné aux services qu'ils sont obligés de rendre tant au tribunal qu'à la cour d'assises. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

Projet de loi sur le caissier de l’État

Discussion générale

M. Cools. - Messieurs, je n'ai pas l'intention de provoquer une discussion sur un projet qui paraît destiné à réunir l'assentiment presque unanime de la chambre. S'il présente quelque importance, c'est moins par les questions qu'il résout que par celles qui s'y rattachent indirectement.

Je désire seulement obtenir quelques explications de M. le ministre des finances.

Le premier acte du nouveau caissier sera de recevoir l'encaisse existant au moment de son entrée en fonctions. Je voudrais pouvoir me former une idée de l'importance de cet encaisse; mais il me manque un renseignement. Il est évident que cet encaisse devra se composer du solde de compte de tous les exercices pendant lesquels le caissier actuel a fait ses fonctions. Or, le solde final sera nécessairement influencé par le solde qui existait au moment de l'entrée en exercice du caissier actuel après les événements de 1830. Il y a là une question qui est en suspens depuis un grand nombre d'années, c'est celle des intérêts.

L'ancien caissier a pu conserver l'encaisse pendant quelques années après la révolution de 1830, trois ou quatre ans avant que le gouvernement en ait réclamé la remise; la question soulevée est celle de savoir si le caissier doit l'intérêt de cet encaisse pendant ce temps. Cette question est encore indécise, il faut arriver à une solution.

Je pose donc au gouvernement les questions suivantes :

Y a-t-il arrêt de la cour des comptes en ce qui concerne l'intérêt de l'ancien encaisse?

Cet arrêt a-t-il été notifié à la Société Générale ?

En cas d'affirmative, quel obstacle a empêché l'exécution de cet arrêt ?

Voilà les seules questions que je voulais adresser au gouvernement.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban) - J'ai fait connaître plusieurs fois et particulièrement dans le projet qui vous est soumis, que les questions concernant l'encaisse existant en 1830 n'étaient pas encore vidées, que la cour des comptes était appelée à se prononcer sur la question de savoir si elle se reconnaît, compétente pour statuer sur ces points qui sont en litige. Elle ne s'est pas encore expliquée jusqu'à présent. Je ferai en sorte de hâter la solution de ces questions. Il faut prendre un parti pour savoir si la Société Générale est ou non débitrice de l'intérêt de l'ancien encaisse jusqu'au moment de la remise, et en second lieu si elle est responsable de l'enlèvement de la caisse de Turnhout.

La Société Générale prétend que c'est un cas de force majeure dont elle n'est pas responsable. L'administration des finances a toujours soutenu qu'il n'y avait pas eu de force majeure, que c'était par la faute, l'imprudence de l'agent que l'enlèvement a eu lieu. Cette seconde question n'est pas encore décidée, mais cela ne peut exercer aucune influence sur la loi non plus que sur la remise du service d'un établissement à l'autre. La Société Générale fera remise de ce qu'elle possède et il y aura des réserves quant aux questions litigieuses.

M. Cools. - Je veux seulement ajouter un mot, c'est que j'accueille avec plaisir la déclaration de M. le ministre qu'il fera tout ce qui dépendra de lui pour hâter la décision de la cour des comptes. La cour des comptes n'a pas de représentant dans cette enceinte; mais elle verra le compte rendu de cette discussion, et comprendra la nécessité d'une prompte décision. Elle nous fait tous les ans un rapport. Dans son rapport qui suivra immédiatement l'installation du nouveau caissier, elle nous mettra au fait du résultat qui aura été obtenu sur la question que je viens de soulever.

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, je ne suis pas le partisan du système qui tend à abandonner à une compagnie financière le service de l'encaissement des deniers publics par une banque. J'ai suffisamment développé les motifs sur lesquels se base cette opinion dans les sessions antérieures. Je ne rentrerai donc pas dans cette discussion.

D'ailleurs, ce serait complètement inutile. Aussi n'ai-je en aucune manière la prétention de ramener qui que ce soit à la manière dont j'envisage cette question.

Je tiens cependant à exprimer en peu de mots les motifs qui me détermineront probablement à voter contre le projet de loi. Voici quels sont ces motifs : je m'en vais vous les expliquer. Le premier motif qui me porte à ne pas donner mon adhésion au projet de loi, c'est que, d'après les explications qui ont été données au sein de la section centrale, il me paraît de toute évidence que l'établissement auquel le service de caissier de l'Etat sera confié pourra faire application du fonds de roulement des caisses publiques à ses opérations particulières, cela me paraît incontestable. Cependant, comme je tiens à ce qu'il n'y ait pas d'équivoque à cet égard, je désire que le gouvernement s'explique clairement à cet égard.

Quant à moi, je le déclare sans détour, je ne me crois pas autorisé à adhérer à un système qui livre aux opérations d'une banque le trésor public alimenté par les contribuables.

Les contribuables versent le tribut qu'ils doivent au pays pour faire face aux divers services nécessaires à son gouvernement pour payer les créances de l'Etat, mais nullement pour favoriser les opérations d'une banque, pour grossir les bénéfices des actionnaires de cette banque.

Le second motif qui me déterminera probablement à me refuser à adhérer au projet de loi, exige quelques explications.

Quand le gouvernement fait choix d'un comptable, afin de participer à la gestion de ses finances, cet agent renonce à ce que les différends qui pourraient s'élever entre le gouvernement et lui, au sujet de sa gestion, soient déférés à la juridiction des tribunaux ordinaires ; il consent à ce que ces différends soient du ressort d'une juridiction spéciale, de celle de la cour des comptes.

Mais quand le gouvernement charge du service de sa caisse un établissement financier, ce service lui est déféré par des conventions particulières. Et dès lors, les différends qui pourront surgir par suite de ce service sont du ressort des tribunaux civils. Il en a été ainsi pour l'ancien caissier de l'Etat, el il en résulte des pertes considérables pour le trésor.

C'est ainsi que l'honorable M. Cools vient de faire mention des intérêts de l'encaisse de 1830, que la Société Générale a détenus par devers elle, pendant trois ou quatre ans, malgré les réclamations pressantes du gouvernement ; car le gouvernement n'a pas attendu trois ou quatre ans, comme vient de le dire l'honorable membre, pour réclamer son encaisse; il l'a réclamé immédiatement. Or, malgré ses vives réclamations, le caissier de l'Etat a conservé cet encaisse, et il en fait usage pour ses opérations particulières.

La chambre, émue à celle époque de cette situation intolérable, nomma une commission de dix membres présidée par un jurisconsulte distingué. Cette commission, par l'organe de son rapporteur, l'honorable M. Fallon, conclut non seulement à ce que l'encaisse fut remis au gouvernement, niais à ce que les intérêts étaient dus au trésor pour les années pendant lesquelles le caissier avait retenu cet encaisse pour en faire usage à ses opérations particulières.

Des dernières conclusions, le croirait-on, n'ont eu jusqu'à présent aucun résultat. Dans bien des circonstances, des membres de cette chambre et moi, entre autres, nous fîmes des réclamations à cet égard. Mais chaque fois on nous a répondu que la solution de cette question ne dépendait pas du gouvernement, que cette question devait être tranchée par les tribunaux.

Voilà quatorze ans que cela dure, et cette question n'a pas encore été déférée aux tribunaux. Maintenant le gouvernement donne pour prétexte que la cour des comptes n'a pas émis d'opinion concernant sa compétence.

(page 902) Je pense, au contraire, que la cour des comptes s'est déclarée compétente il y a quelques années. Mais l’établissement financier a contesté cette compétence ; depuis lors le gouvernement n'a cessé d'alléguer, quand nous réclamions une solution, que cette question était du ressort des tribunaux.

Il paraît qu'aujourd'hui le gouvernement s'est adressé de nouveau à la cour des comptes afin de soulever de nouveau la question de savoir si elle se déclarait compétente. D'après ce que vient de nous dire M. le ministre des finances, la cour des comptes n'aurait pas encore pris de résolution.

Il me semble que le gouvernement a assumé une grave responsabilité en ne déférant pas aux tribunaux une question qui concerne des intérêts aussi considérables et d'une aussi haute importance, puisqu'ils touchent aux intérêts des contribuables.

J'ai donc quelque motif de craindre que si des difficultés surgissaient l'avenir entre l'Etat et un comptable de la nature d'une banque, ces difficultés ne fussent renvoyées aux tribunaux ordinaires. L'expérience du passé est là pour motiver mes craintes, l'expérience prouve les pertes qui peuvent en résulter pour le trésor public.

Quant à moi, je le déclare, en passant, d'après mon opinion, et c'est une réserve que je fais ici, l'ancien caissier de l'Etat doit non seulement les intérêts qu'il a été mis en demeure de payer au gouvernement, poux les sommes qu'il a retenues de 1830 à 1834, au détriment de l'Etat, mais il doit encore les intérêts des intérêts jusqu'aujourd'hui.

Messieurs, il ne s'agit pas d'une somme peu importante. Les intérêts dus de 1830 à 1834 s'élèvent à environ 1,500,000 fr. Les intérêts de cette somme pendant quatorze ans seraient d'environ un million. C'est donc une somme de 2,500,000 francs, qui devrait rentrer dans les caisses de l'Etat.

Tels sont, messieurs, les motifs qui me portent à ne pas donner mon approbation au projet de loi. Si, cependant, M. le ministre des finances me donnait quelques assurances, il est possible que ses explications modifiassent mon opinion.

Nous sommes d'ailleurs au début de la discussion. J'en attendrai la suite. Si les explications de M. le ministre ne sont pas plus satisfaisantes que celles qu'il a données à la section centrale, je me verrai forcé de voter contre le projet de loi.

M. Mercier, rapporteur. - L'honorable M. de Man fonde son opposition au projet sur deux considérations.

La première, c'est que la banque qui sera l'office de caissier de l'Etat pourra, selon lui, disposer des fonds du trésor public. Il n'en est rien, puisque cet établissement est tenu de reproduire à tout instant la totalité de l'encaisse. Comment, ayant à remplir une pareille obligation, pourrait-il disposer d'une partie quelconque des fonds de l'Etat? Pareille objection a déjà été faite à l'honorable membre en section centrale. Le caissier de l'Etat est soumis à toutes les obligations des autres comptables. Et ici, je rencontre en même temps la seconde objection qu'a faite l'honorable M. de Man.

Il n'y a plus de doute sur le droit qu'aurait la cour des comptes de prendre des arrêts vis-à-vis de ce comptable comme à l'égard de tous les autres. L'ancien caissier de l'Etat ne se trouvait pas dans la même position ; du moins il prétendait n'être assujetti ni à la juridiction de la cour, ni au contrôle du gouvernement.

Cela a été contesté, mais telles étaient ses prétentions. L'article 2 du projet que nous discutons tranche la question, si toutefois, après la loi de comptabilité, une disposition spéciale était encore nécessaire pour la trancher.

Pour moi, je doute de cette nécessité; mais enfin, ce qui abonde ne nuit pas, et l'article 2 porte :

« En cette qualité, la Banque est considérée comme comptable de l'Etat et soumise à toutes les obligations prescrites par la loi sur la comptabilité, et par la loi organique de la cour des comptes, qui ne sont pas incompatibles avec les principes qui régissent les sociétés anonymes. »

Il me semble que cette disposition est de nature à dissiper entièrement les doutes de l'honorable membre.

Ainsi, la Banque ne peut pas disposer des fonds de l'Etat. Cela est impossible avec l'obligation de reproduire à chaque instant l'encaisse du trésor ; elle est en outre justiciable de la cour des comptes en vertu d'une disposition formelle de la loi.

Je laisserai à M. le ministre des finances le soin de répondre particulièrement en ce qui concerne les intérêts dus pour l'ancien encaisse.

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, je désire répondre un mot à l'honorable rapporteur de la section centrale. Il paraît entièrement satisfait des explications données par M. le ministre des finances; il en est satisfait, parce que l'établissement chargé de faire le service du caissier de l'Etat sera soumis à des vérifications de caisse, parce que le caissier sera obligé de faire voir que l'encaisse de l'Etat existe réellement.

Eh bien, messieurs, examinons la réponse de M. le ministre des finances, les explications qui ont satisfait M. le rapporteur de la section centrale ne me satisfont pas du tout; nous verrons si elle sont de nature à donner tous les apaisements désirables à la chambre.

Voici ce que M. le ministre des finances a répondu à la section centrale :

« La séparation de la caisse serait sans but comme sans utilité; une telle disposition pourrait être rendue illusoire; elle nuirait au commerce, entraverait la circulation des espèces, et, par conséquent, serait plus ou moins nuisible au développement de la richesse nationale. »

Vous le voyez, messieurs, il est clair que le gouvernement entend autoriser la Banque Nationale à faire application de l'encaisse de l'Etat à ses opérations particulières. Cependant la section centrale a rejeté l'amendement que j'ai fait pour lui interdire cette faculté; elle s'est basée sur ce qu'il était bien entendu, d'après les explications du gouvernement, que la banque ne pourrait faire usage des fonds de l'Etat pour les utiliser à ses opérations particulières.

Cela est aussi clair que le jour.

L'honorable rapporteur se fonde ensuite pour avoir tous ses apaisements sur l'obligation imposée au caissier de se soumettre à la vérification de l'encaisse de l'Etat. Mais, messieurs, veuillez faire attention à une chose, c'est que comme il n'y a pas séparation entre l'encaisse du trésor et l'encaisse de l'établissement, la banque pourra se contenter de n'avoir pour encaisse que les fonds de l'Etat. Il n'y aura pas de vérification simultanée des deux caisses, et par conséquent l'établissement pourra faire passer son encaisse particulier pour l'encaisse de l'Etat, ou l'encaisse de l'Etat pour son encaisse particulier.

Ce qui augmente mes doutes et mes inquiétudes, c'est qu'il résulte de la discussion relative à l'organisation de la Banque Nationale, que la banque pourrait être autorisée à immobiliser son capital social en fonds publics; ainsi la banque pour ne pas laisser moisir ses valeurs monétaires dans ses caves, n'aura pas d'autre encaisse que l'encaisse de l'Etat, et de plus cet encaisse ne sera souvent qu'une encaisse composé de papier de circulation.

Ainsi je suis convaincu que l'établissement aura toujours de quoi reproduire l'encaisse de l'Etat, soit en numéraire, soit en papier, mais cela ne suffit pas : il faut encore un autre encaisse pour faire face à la circulation. Il faut qu'il y ait deux encaisses : un encaisse qui doit faire face aux opérations particulières et un deuxième encaisse pour assurer le service des dépenses publiques. D'après ce que je vois, il y aura véritablement confusion entre les deux encaisses et il n'y aura au fond qu'un encaisse, et ce sera l'encaisse de l'Etat qui répondra de toutes les opérations de la banque indistinctement. Est-ce ainsi que l'on parviendra à assurer la disponibilité du trésor public en temps de crise? Je ne le pense pas.

Rappelons-nous, messieurs, ce qui est arrivé en 1830; que les leçons du passé nous servent au moins pour l'avenir.,

Quelle est l'idée qui nous préoccupe dans ce moment? Assurer la disponibilité du trésor dans une circonstance critique, qui peut se reproduire d'ici à peu de temps. Car, je le déclare, je n'ai aucune inquiétude pour les jours de tranquillité et de calme.

Rappelions-nous ce qui s'est passé lors de la crise de 1830? L'encaisse a-t-elle été disponible à cette époque? Les faits établissent le contraire. Le gouvernement qui avait alors des besoins pressants d'argent, réclama les derniers deniers que contenait le trésor public. Que lui répondit la société chargée du service de caissier de l'Etat?

Elle engagea le gouvernement à renoncer à lui demander ce qui lui appartenait. Elle fonda son refus de lui délivrer son encaisse, sur ce qu'elle avait fait usage des fonds de l'Etat pour la conversion de ses billets en numéraire, et pour l'escompte.

Le gouvernement, malgré les embarras où il se trouvait plongé, se vit obligé de renoncer à faire usage de fonds, dont il avait un si pressant besoin.

Le gouvernement garda le silence, ne fit pas d'éclat, parce qu'une crise financière serait venu aggraver la crise politique, et il en sera toujours de même dans des circonstances semblables, quand l'encaisse d'un Etat est abandonné aux opérations d'une banque.

Le gouvernement ne peut prendre que le parti du silence; et quel en est la conséquence inévitable? Le cours forcé du papier, ou un emprunt forcé, dont les charges pèsent surtout sur la contribution foncière.

De sorte que c'est en définitive la propriété qui doit s'attendre à payer les faveurs faites aux actionnaires des banques privilégiées. Voilà ce qui est arrivé en 1830; voilà la perspective que nous offre l'avenir, si la proposition du gouvernement est adoptée.

Si la chambre entend que l'établissement auquel on confie le service du caissier de l'Etat, puisse faire application des fonds roulants du trésor public à ses opérations particulières, elle le votera, c'est son droit; quant à moi, je ne suis pas disposé à sanctionner une pareille disposition par mon vote ; mais, comme je l'ai déjà dit en commençant, je n'ai pas la prétention de rallier qui que ce soit à mon opinion. Mon seul but, en me levant, a été de provoquer quelques explications nouvelles et de motiver mon vote.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je ne comprends pas très bien les objections de l'honorable membre. Je ne sais si cela doit m'être imputé à faute, ou si cela provient de ce que l'honorable membre ne se fait pas une idée tout à fait exacte de l'objet du projet de loi, de ses résultats, de ses conséquences évidentes, selon moi.

L'honorable membre vous dit : « Je ne veux pas de la combinaison proposée, parce que vous abandonnez à une société particulière le droit de percevoir les impôts que vous laissez à sa libre disposition. »

D'abord, nous n'abandonnons pas à une société particulière le droit de percevoir les impôts. Nous constituons une société particulière caissière de l'Etat; elle reçoit, non pas du contribuable, mais des agents directs de l'Etat, qui ont opéré la perception.

« Elle profitera des fonds, » dit l'honorable membre. Je voudrais que l'honorable membre fît connaître un système qui offrît plus de garanties (page 903) et en vertu duquel ceux qui auraient concentré leurs fonds dans leurs mains, n'en auraient pas une certaine disposition. Je prie l'honorable membre de vouloir bien préciser ses idées à cet égard.

Nous aurons des receveurs généraux. Dans son système, que sont les receveurs généraux? Si je ne me trompe, ce sont des banquiers qui reçoivent les fonds de l'Etat, en disposent, sauf à être en mesure de fournir les fonds quand l'Etat en a besoin. L'honorable membre préfère-t-il ce système à celui qui confie, la caisse à une banque? Croit-il que divers receveurs généraux offrent plus de garantie au trésor que n'en offre un établissement public comme la banque que nous avons instituée?

La responsabilité personnelle individuelle est moins grande que la responsabilité qui pèse sur un établissement de ce genre, qui offre un privilège surtout son avoir pour garantir les obligations qu'il contracte et la représentation des versements faits à sa caisse. Ce système vaut donc infiniment mieux que le premier. Si l'honorable membre en avait un en vertu duquel il serait certain qu'on ne peut pas disposer des fonds de l'Etat, qu'on peut empêcher toute malversation, tout détournement, et, en l'absence de toute malversation et détournement, empêcher toute espèce d'emploi de fonds au préjudice du trésor, je concevrais qu'il pût attaquer le système proposé. Mais il se garde bien de produire un pareil système.

Il dit que j'ai fait une réponse peu satisfaisante à la section centrale quand un membre, l'honorable M. de Man, je pense, demandait s'il y aurait deux caisses séparées.

M. de Man d'Attenrode. - Ce n'est pas moi.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai demandé à quoi bon deux caisses? Comment vous assurerez-vous que les deux caisses existent, comment vous assurerez-vous de la séparation des deux encaisses? Que signifie cette prescription? Elle serait complètement illusoire. Ceci n'a pas satisfait l'honorable membre parce qu'il n'a pas lu tout ce que j'ai répondu à la section centrale, il s'est arrêté à mi-chemin.

Apres ce qu'il a lu, j'ai dit :

« Le projet de loi offre toutes les garanties désirables, il faut en combiner les dispositions avec celles relatives à l'institution de la banque : il y a contrôle, publicité, vérification des registres, inspection des caisses, etc. Est-il utile que des fonds restent déposés dans les coffres de certaines agences de la banque, alors qu'ils pourraient être employés avantageusement pour le pays? Il doit suffire que la banque ail constamment des fonds pour représenter l'encaisse du trésor, et pour assurer le service sur tous les points du royaume, sans compromettre ses opérations de banque, et c'est à quoi le gouvernement est tenu de veiller. »

Que veut-on de plus pour l'Etat que le droit de faire l'inspection des caisses, garantie qui a manqué jusqu'à présent? Le gouvernement peut donc faire constater l'état de sa caisse; il acquiert la conviction que le caissier a réellement en caisse tous les fonds qui ont été déposés.

Maintenant, comme banque, l'établissement doit avoir un encaisse métallique pour faire face au payement des billets. Cet encaisse doit être au centre. Il va de soi qu'avec l'encaisse de l'Etat et l'encaisse destiné au payement des billets, la banque doit être en mesure de satisfaire à tous ses engagements. Lorsque l'Etat aura la conviction que la banque peut faire face à tous les services, que pourra-t-il exiger? Peut-on avoir une sécurité plus grande? Pense-t-on qu'un caissier particulier pourrait offrir plus de garantie que la banque? On publiera mensuellement l'état de situation. L'honorable M. de Man verra alors ce que la banque possède, quelle est la circulation des billets, quel est l'encaisse de l'établissement composé de l'encaisse du trésor et de son propre encaisse pour faire face à son service. L'honorable membre pourra s'assurer de la véritable situation de la caisse. S'il y avait d'autres caissiers, les obligerait-on à publier ainsi l'état de situation de leur caisse, et cette situation publiée, qu'en résulterait-il? Obligerait-on les receveurs généraux à publier la situation de leur caisse? Ensuite, quelle garantie auriez-vous que l'encaisse accusé est en possession de l'agent?

Les objections, comme vous voyez, ne sont pas fortes; comme l'honorable membre a annoncé qu'il n'avait pas une conviction bien robuste, qu'il était disposé à céder devant des éclaircissements, je crois qu'il peut, sans scrupule, abandonner l'opinion qu'il a émise.

Quant à l'intérêt, j'ai dit que ces questions n'étaient pas résolues; l'honorable membre tire de là la conclusion que l'établissement nouveau se trouvera placé dans la même position que celle qui a été faite à la Société Générale. Il ne prend pas garde que la situation contre laquelle il réclame est née d’une révolution.

En 1830, la Société Générale n'a pas refusé de remettre les fonds parce qu'elle ne les avait pas, parce qu'elle les avait employés à son propre service; elle n'a jamais rien déclaré de semblable.

M. de Man d'Attenrode. - Elle l'a écrit.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Erreur! Elle a répondu : Je ne tiens pas mandat exclusivement du gouvernement nouveau, mais de l'ancien gouvernement des Pays-Bas. Réglez le différend entre vous, mettez-vous d'accord, je suis prête à restituer l'encaisse à qui de droit.

Cette situation que prenait la Société Générale, on peut la critiquer, on peut dire que la Société Générale devait montrer plus de confiance dans l'ordre nouveau. J'y consens. Mais en présence de la crainte de devoir payer une seconde fois, elle a fait ce que lui conseillait la prudence; on ne peut pas l'accuser de ne pas avoir livré à un gouvernement nouveau les fonds qu'elle tenait en sa possession.

En 1833 intervint une convention d'après laquelle l'encaisse converti en fonds publics serait productif d'intérêts pour celui qui en serait re connu le propriétaire; c'est plusieurs années après que cette question fut décidée.

Reste la question des intérêts. Cette question n'est pas résolue ; la cour des comptes aura à se prononcer d'abord sur sa compétence. Quant à l’établissement nouveau, le doute sur les questions de compétence n’est pas possible; elle résulte de la loi de comptabilité, et s’il pouvait encore exister un doute, il serait tranché par l’article 2 de la loi actuelle qui porte:

«En cette qualité, la Banque est considérée comme comptable de l'Etat, et soumise à toutes les obligations prescrites par la loi sur la comptabilité, et par la loi organique de la cour des comptes, qui ne sont pas incompatibles avec les principes qui régissent les sociétés anonymes. »

La Banque est considérée comme comptable de l'Etat; par conséquent, elle ne pourra pas décliner la disposition concernant tous les comptables; les dispositions applicables à tous les comptables, la cour pourra les prendre à l'égard de la banque nouvelle; seulement, comme c'est une société anonyme, la disposition relative au serment, par exemple, auquel sont soumis les particuliers ne peut pas lui être appliquée; il y a pour cela une exception dans l'article 2; mais elle ne pourra en aucune façon contester la compétence de la cour des comptes.

M. Cools. - Messieurs, je dois dire que je me place au même point de vue que l'honorable ministre des finances. Je crois que nous faisons une bonne chose en confiant la gestion de caissier de l'Etat à la banque nouvelle. Je crois que cet établissement présente toutes les garanties désirables. Cependant, il importe de relever quelques points qui ont été traités par M. le ministre des finances.

Il est maintenant établi, contrairement à l'opinion qui a été soutenue par la section centrale, qu'il y aura confusion des deux caisses, et il est impossible qu'il en soit autrement.

M. Mercier, rapporteur. - La section centrale n'a jamais dit le contraire.

M. Cools. - Il est, dis-je, établi, et c'est là ce que vos paroles tendaient à mettre en doute, que la banque pourra, sous sa responsabilité, disposer des fonds de l'encaisse jusqu'au moment où le gouvernement en disposera lui-même, à condition qu'elle prenne ses mesures pour avoir toujours dans ses caisses une somme suffisante pour acquitter tous les mandais que le gouvernement émettra.

Mais c'est sur la destination que doit avoir la caisse de la banque que je dois appeler l'attention de la chambre. Car, comme je l'ai dit tantôt, le projet est seulement important sous le rapport des questions qui s'y rattachent indirectement. Il est important, parce qu'il est en corrélation directe avec le projet d'institution d'une Banque Nationale.

Nous touchons ici à la question des statuts de cette banque. Nous soulevons la question de savoir quelle importance ces statuts devront assigner à l'encaisse. J'en ai dit quelques mots dans la discussion du projet de loi sur l'institution de la Banque Nationale ; il est à propos d'en parler de nouveau.

Il est évident que l'encaisse qui se trouvera à la banque devra être suffisant non seulement pour pourvoir à tous les services de l'Etat, mais encore pour garantir le remboursement de tous les billets en circulation, même de ceux qui seront émis en remplacement des billets anciens de la Société Générale, non encore amortis.

On a parlé, dans une discussion précédente, du portefeuille. On a dit qu'il garantirait également quelque chose. Si l'on veut qu'il garantisse quelque chose, il faudra que l'encaisse et le portefeuille réunis soient suffisants, non seulement pour remplir les services dont je viens de parler, mais aussi pour garantir la continuation des opérations de l'escompte.

Dans tous les cas, l'encaisse, en laissant de côté la question du portefeuille et de l'escompte, doit être assez important pour qu'à toutes les époques le gouvernement y trouve les fonds reçus à son profit. Il faut ensuite que cet encaisse soit assez considérable pour garantir la convertibilité de tous les billets en circulation et pour qu'on ne doive recourir aux billets de la Société Générale que lorsque la circulation sera descendue au-dessous de 20 millions, comme le gouvernement nous en a fait formellement la promesse.

Je me borne à appeler l'attention du gouvernement sur ce point pour le moment où il s'agira de rédiger les statuts. La question est importante; cette discussion montre à l'évidence que, tant que les 20 millions de billets de la Société Générale ne seront pas amortis, l'encaisse devra être maintenu à un chiffre très élevé.

M. de Man d'Attenrode. - Permettez-moi, messieurs, d'ajouter encore un mot. (Interruption.) Il s'agit de rectifier une assertion émise par le gouvernement.

L'honorable M. Frère vient de déclarer que le motif qui avait détermine le caissier de l'Etal à ne pas mettre à la disposition du gouvernement l'ancien encaisse était que les différends politiques n'étaient pas terminés, que par suite l'établissement pouvait avoir quelques doutes sur la question de savoir quels étaient les véritables propriétaires du trésor public.

Le rapport de la commission, dont l'honorable M. Fallon fut le rapporteur, prouve le contraire, ce rapport est du 5 août 1845. Que dit ce rapport?

« Suivant la situation du compte courant de l'Etat, à la date du 15 septembre 1830, que la Société Générale a remis au gouvernement (page 904) provisoire, le 28 du même mois, l'encaisse du caissier général devait être de 10,088,680 florins 35 1/2 cents.

« Pour déterminer le gouvernement à ne point disposer de l'encaisse, elle fait valoir la nécessité de ne pas lui ôter les moyens de continuer ses escomptes et prêts, l'échange de ses billets et toutes les transactions à l'aide desquelles elle sert constamment le crédit public, commercial et privé. »

Le rapport de M. Fallon contient encore le passage suivant :

« Dans ce moment de crise beaucoup de demandes en remboursement devaient être faites, et ont été faites. Ce qu'elle (la banque) avait en numéraire a donc dû être promptement épuisé, au point que le 15 octobre, il n'existait plus au trésor en espèces, qu'une somme de 38,000 florins. » C'est la direction elle-même de banque, qui fait connaître cette circonstance dans la lettre qu'elle a adressée au ministre des finance le 8 avril 1831. »

Cette citation prouve à l'évidence, que le refus du caissier de mettre à la disposition du gouvernement provisoire les valeurs du trésor public ne provenait pas de la cause indiquée par l'honorable M. Frère, mais de ce que la Société Générale en avait disposé pour faire face à ses obligations particulières. Et pourquoi cet établissement financier en avait-il agi ainsi? C'est qu'il avait disposé de son propre encaisse pour réaliser de grands bénéfices pour les actionnaires. Ce fut ainsi que le trésor public n'a pas été disponible dans un moment où l'Etat en avait le plus pressant besoin. Or, j'ai tout lieu de craindre que l'embarras où s'est trouvé le gouvernement en 1830 ne renouvelle dans l'avenir, si les statuts, qui seront réglés entre M. le ministre des finances et la Banque Nationale, autorisent l'immobilisation du capital social en rentes sur l'Etat.

Messieurs, je ne réclamerai pas plus longtemps votre attention, je ne continuerai pas ce débat. Quand je discute une question, je tiens à pouvoir arriver à une conclusion.

Vos dispositions ne me permettent pas de l'espérer, je renonce donc à présenter un amendement. Je reconnais l'impossibilité de conclure à quoi que ce soit dans le sens de l'opinion que je viens de développer.

Voilà pourquoi je me rassois sans conclure, mes observations auront au moins le mérite d'avoir provoqué des explications utiles.

M. Mercier, rapporteur. - Je ne répondrai qu'un mot à la dernière observation de l'honorable M. de Man.

Cet honorable membre prétend que nous devons être convaincus maintenant que l'encaisse de l'Etat peut être employé par le nouvel établissement. Je ne suis pas du tout convaincu de cela. Mais ce dont je suis convaincu, et ce dont je n'ai jamais douté un seul instant, c'est qu'il n'y a pas de séparation de caisses. Ce que je sais encore, c'est que s'il y avait, par exemple, un million de fonds de l'Etat versé chez l'agent du trésor à Gand, et que, pour le service de l'Etat dans cette localité, il ne fallût que 200,000 fr., la banque pourrait disposer des 800,000 fr. restants pour ses propres opérations à Gand. Mais il faudrait qu'à Bruxelles ou ailleurs, l'encaisse de l'Etat fût augmenté d'une somme de 800,000 fr. qui viendrait remplacer les fonds dont on aurait disposé à Gand.

L'honorable M. de Man voudrait-il qu'on fît revenir 800,000 fr. de Gand pour y envoyer ensuite une égale somme, et cela pour avoir une séparation de caisse ? Je ne comprends pas quels seraient les avantages qu'y trouverait l'honorable membre.

Je le répète, la banque fera quelquefois usage des fonds de l'Etat sur un point du territoire; mais à l'instant même ces fonds seront remplacés ailleurs et ainsi l'encaisse de l'Etat sera toujours intact.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est précisément ce que ne veut pas admettre l'honorable M. de Man et ce qui constitue l'avantage du service par la banque. Elle a des fonds sur tous les points du territoire. Elle n'a pas besoin de faire opérer des transports de fonds considérables. Elle peut ainsi faire face à tous ses services d'une manière beaucoup plus économique, et elle peut également faire le service de l'Etat avec une parfaite sécurité.

La séparation des caisses de l'Etat ne ferait que causer un préjudice à l'établissement et ne servirait en rien les opérations de l'Etat.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

Articles 1 et 2

« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à confier à la Banque Nationale le service de caissier de l'Etat. »

- Adopté.


« Art. 2. En cette qualité, la banque est considérée comme comptable de l'Etat et soumise à toutes les obligations prescrites par la loi sur la comptabilité, et par la loi organique de la cour des comptes, qui ne sont pas incompatibles avec les principes qui régissent les sociétés anonymes. »

- Adopté.

Article 3

« Art. 3. Elle établira une agence dans chaque chef-lieu d'arrondissement judiciaire, cl, en outre, dans les localités où le gouvernement jugera une agence nécessaire dans l'intérêt du trésor et du public.

M. Lebeau. - Messieurs, je crois qu'un des devoirs de la banque sera de faire le service des intérêts de la dette publique. Je vois avec plaisir que ce service se fera non seulement aux chefs-lieux de province, mais aussi aux chefs-lieux d'arrondissement.

Je voudrais que ce ne fussent pas seulement les porteurs d'obligations ordinaires, mais les porteurs d'obligations nominatives qui fussent appelés à jouir des avantages que présente la nouvelle banque.

Les porteurs d'obligations nominatives sont dans une position tout à fait exceptionnelle et tellement défavorable, que si cette position était maintenue, on porterait généralement tous ceux qui ont des titres nominatifs à les convertir en titres au porteur. Je ne pense pas que le gouvernement doive poussera cette transformation. Je crois qu'il devrait plutôt pousser à la transformation contraire, c'est-à-dire à ce que les porteurs d'obligations non nominatives les convertissent en titres nominatifs.

Ainsi les coupons détachés de certains titres au porteur peuvent se payer dans les chefs-lieux d'arrondissement. (Dénégations.)

J'ai l'expérience que, dans certains chefs-lieux d'arrondissement, les agents du caissier de l'Etat, officieusement ou officiellement, avec instructions ou sans instructions, escomptent, sans aucune difficulté, les coupons de certains titres de nos rentes. Je l'ai vu de mes propres yeux.

Dans les chefs-lieux de province, je crois que cela ne fait pas question. Mais quant aux obligations nominatives, il est indispensable de venir en toucher les intérêts à Bruxelles. Certes c'est là, surtout pour des titres de rente d'une faible quotité, une condition à peu près inacceptable. Il faut envoyer les titres à Bruxelles ; il faut, pour certains fonds, une procuration spéciale, sur timbre, enregistrée, légalisée. Il faut, de plus, pour un certain fonds spécial (pour le 2 et demi par exemple) que cette procuration subisse une autre espèce d'enregistrement au ministère des finances, enregistrement pour lequel on paye une rétribution très faible, il est vrai, mais qui se renouvelle annuellement. Mais cette formalité n'en est pas moins une gêne réelle. Il n'en est pas ainsi pour le 3 p. c, je ne sais pourquoi.

Il faut ensuite faire revenir les fonds, les titres.

Je demande, quand on a à toucher des rentes minimes, ce qui peut rester après qu'on a payé les frais de timbre, de port, d'enregistrement, parfois même d'agence.

Je signale cette situation à M. le ministre des finances. Je crois qu'il ne serait pas impossible que la nouvelle banque, ayant des agents dans tous les chefs-lieux d'arrondissement, plaçât dans les mêmes conditions les porteurs d'obligations non nominatives et les porteurs d'obligations nominatives.

Je crois qu'il est dans l'intérêt du gouvernement de pousser autant que possible à l'acquisition de fonds publics en titres nominatifs, c'est-à-dire comme placement plutôt que comme fonds de circulation. J'ai signalé la situation des porteurs d'obligations nominatives, dans l'espoir que M. le ministre des finances avisera à les mettre sur la même ligne que les titulaires d'obligations au porteur.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Le but que le gouvernement se propose, par l'organisation de ce nouveau système, est de donner toutes les facilités désirables aux divers créanciers de l'Etat, à ses créanciers du chef de la rente inscrite, aussi bien qu'à ses créanciers, du chef de la rente au porteur. Le gouvernement a fait connaître à cet égard, ses intentions. J'ai dit, dans l'exposé des motifs que : « Le nouveau service aurait pour résultat de procurer aux porteurs d'inscriptions sur le grand-livre de la dette publique, des facilités pour toucher, dans les arrondissements, les arrérages des rentes, facilités dont on peut attendre des effets favorables au crédit public.

Le gouvernement a donc été au-devant des désirs qui sont manifestés. Son intention est que les porteurs d'inscriptions au grand-livre de la dette publique nient des facilités pour toucher le payement des arrérages, même aux chefs-lieux d'arrondissement.

- L'article 3 est adopté.

Article 4

« Art. 4. Elle est responsable de sa gestion et de celle de ses agents. Il n'y a d'exception que pour le cas de force majeure, dont l'existence et l'application aux fonds reçus pour le compte de l'Etat seraient dûment constatées. »

- Adopté.

Article 5

« Art. 5. Les agents de la banque sont nommés par le Roi, sur une liste double de candidats présentés par le conseil d'administration de l'établissement.

« Il ne peuvent prétendre à une pension à la charge du trésor.

« Ils fournissent, à la garantie de leur gestion envers le caissier, un cautionnement, soit en immeubles, soit en fonds nationaux. »

M. Osy. - Messieurs, je pense qu'il faudra bien six mois pour organiser la Banque Nationale et le service de caissier de l'Etat. Dans les arrangements provisoires entre le ministre des finances et les banques, surtout la Société Générale, il a été stipulé que la banque nouvelle prendrait à sa charge tous les anciens agents. Or, d'après le projet en discussion, c'est le gouvernement, sur une liste double, qui aura à nommer les agents dans les provinces et dans les arrondissements. J'aurais voulu qu'il eût été dit, dans les arrangements faits avec la Société Générale, que, jusqu'à ce que le service sera repris, la Société Générale ne pourrait plus faire de nominations définitives, car, sans cela, la banque nouvelle aura peut-être de l'embarras à placer tous les fonctionnaires qui existent aujourd'hui.

Ainsi que j'ai eu l'honneur de le dire, la banque nouvelle pourra peut-être s'entendre avec la banque de Flandre et la banque de Liège pour faire le service, et alors il y aurait deux agents de trop. J'engagerai M. le ministre des finances, lorsqu'il signera la convention définitive avec la Société Générale, à stipuler qu'il ne sera plus fait que des nominations provisoires, jusqu'au moment où la Banque Nationale sera organisée. La Société Générale ne peut pas se refuser à une semblable stipulation,

(page 905) Je fais cette observation, messieurs, parce que depuis peu de jours j'ai vu dans les journaux qu'il a été nommé un nouvel agent dans un des chefs-lieux les plus importants du pays.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, l'honorable préopinant se trompe lorsqu'il parle de conventions provisoires faites avec les établissements financiers ; il n'y a pas de conventions provisoires, il n'y a que des conventions définitives, ce sont celles qui ont été publiées. (Interruption.) Je vous demande pardon, elles ne sont pas seulement paraphées, elles sont très bien signées. (Interruption.) Sans doute, si la loi n'avait pas été votée, il n'y avait plus de conventions; mais la loi votée, je n'ai plus de conventions à faire, et par conséquent l'observation de l'honorable M. Osy devient sans objet.

L'honorable membre s'est trompé aussi sur le sens de la convention faite avec la Société Générale; cette convention ne porte pas du tout que la Banque Nationale prend à sa charge le personnel tel qu'il existe actuellement.

La convention porte que « les agences passent au service de la banque nouvelle et qu'elles seront réorganisées d'après les dispositions de la loi nouvelle sur le service du caissier de l'Etat. » Maintenant que la Société Générale trouve bon de faire des nominations si des emplois viennent à vaquer, c'est son affaire. Peut-être aurait-elle pu attendre, je n'ai pas à m'en enquérir; mais lorsque la banque nouvelle aura à reprendre ces services et à les réorganiser, qu'arrivera-t-il? C'est que la banque nouvelle examinera si le personnel qui lui arrive est convenable, s'il répond à ses besoins, s'il n'est pas trop considérable et qu'elle aura une liste de candidats à soumettre au gouvernement, de telle sorte que ce qui se fait maintenant ne peut être considéré que comme essentiellement provisoire. C'est, d'ailleurs, le droit et le devoir de la Société Générale, d'assurer les services dont elle est chargée.

- L'art. 5 est adopté.

Articles 6 à 10

Les articles 6 à 10 sont successivement adoptés sans discussion.

« Art. 6. Les journaux et autres registres, relatifs au service du trésor, sont tenus d'après un mode à arrêter par le gouvernement. Les journaux sont cotés et paraphés par un membre de la cour des comptes.

« Les agents de la banque soumettront les caisses, les registres et journaux à l'inspection des fonctionnaires délégués à cet effet par le Ministre des finances.


« Art. 7. Il est alloué à la banque, pour faire le service de caissier, une indemnité qui ne peut excéder deux cent mille francs annuellement.

« Au moyen de cette indemnité, elle fera face à tous les frais d'administration, de matériel, de transport et de virements de fonds.»


« Art. 8. Les dispositions de la loi du 3 septembre 1807, qui règlent le privilège et l'hypothèque légale du trésor public, sur les biens des comptables, sont applicables au caissier de l'Etat.»


« Art. 9. La convention à intervenir entre le gouvernement et la banque nationale sera révisée tous les cinq ans.»


« Art. 10. Le gouvernement déterminera l'époque de la mise à exécution de la présente loi. »

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet qui est adopté à l'unanimité des 55 membres présents.

Ce sont : MM. Cans, Clep, Cools, Cumont, de Baillet (Hyacinthe), de Haerne, Delehaye, Delescluse, de Luesemans, de Perceval, de Pitteurs, De Pouhon, Dequesne, de Renesse, Destriveaux, de Theux. de T'Serclaes, Devaux, Dubus, Dumon (Auguste), Fontainas, Frère-Orban, Jacques, Jullien, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Le Hon, Mercier, Moxhon, Orts, Osy, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Rolin, Rousselle, Schumacher, Sinave, Thibaut, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Van don Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Ansiau, Anspach et Verhaegen.

Ordre des travaux de la chambre

M. de Renesse (pour une motion d’ordre). - Messieurs, dans la séance de samedi, on a proposé de convoquer les sections pour examiner les budgets. Ne pourrait-on pas donner suite à cette proposition?

M. le président. - On a proposé samedi de décider qu'on n'examinerait les budgets de dépenses que lorsque les membres de la chambre auraient reçu communication du budget des voies et moyens ou tout au moins du discours qui doit procéder ces budgets.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne pense pas que la chambre ait pris une résolution sur la proposition de l'honorable M. Osy. Elle a décidé que l'examen des budgets serait précédé, dans les sections, de celui du projet de loi sur les monnaies et du projet de crédit supplémentaire au département des finances. Maintenant toutes les réclamations tomberont : le budget des voies et moyens sera distribué demain.

M. Osy. - D'après la déclaration que vient de faire M. le ministre des finances, je propose de mettre à l'ordre du jour dans les sections le budget de la justice, le budget de la dette publique et celui dis dotations.

M. le président. - Les sections qui n'ont pas fini avec les deux projets de loi qu'a rappelés M. le ministre des finances, commueraient cet examen; ensuite viendrait le budget de la justice; d'ici là le budget des voies et moyens sera distribué.

M. Lebeau. - Rien n'empêche de mettre aussi immédiatement à l'ordre du jour dans les sections le budget de la dette publique et celui des dotations. Un seul article du budget de la dette publique pourrait donner lieu à quelques doutes : c'est celui de la dette publique, (Assentiment.)

M. le président. - Il est donc entendu qu'on achèvera dans les sections l'examen des deux petits projets de loi, et qu'ensuite viendront le budget de la justice, le budget de la dette publique et celui des dotations. {Assentiment.)

- La chambre décide qu'elle se réunira demain en séance publique à 2 heures.


M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant allocation d'un crédit de 2 millions au département de la justice.

M. Delehaye. - Messieurs, le rapporteur de la section centrale est absent; d'un autre côté, des membres qui se proposent de prendre part à cette discussion ne se sont pas munis de leurs notes. Je demande que la chambre veuille bien aborder un autre objet de son ordre du jour.

M. le président. - On pourrait s'occuper du projet de loi portant interprétation de l'article 360 du Code d'instruction criminelle.

M. Destriveaux. - L'honorable M. Delehaye vient de faire observer que plusieurs membres qui se proposaient de prendre la parole sur le projet de loi concernant les russias ou n'étaient pas présents ou ne s'étaient pas munis de leurs notes; à plus forte raison, en est-il de même du projet de loi que M. le président vient d'indiquer et qui est un des derniers à l'ordre du jour : il y a d'honorables membres de cette chambre qui veulent prendre part à la discussion de ce projet et qui n'ont point par devers eux les notes qu'ils désirent consulter.

- La chambre, consultée, ajourne à demain la discussion du projet de crédit au département de la justice, et passe à un rapport de pétitions.

Rapports sur des pétitions

M. Clep, rapporteur. - « Par pétition du 7 avril 1849, l'administration communale de Nieuport demande que le génie militaire emploie des ouvriers civils pour exécuter les travaux d'entretien des fortifications de cette place. »

La commission conclut au renvoi à M. le ministre de la guerre.

- Adopté.


M. Clep, rapporteur. - « Par pétition datée du 28 mars 1849, le sieur Van Rossum, meunier, demeurant à Rhodes-Ste-Genèse, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir le dégrèvement d'une imposition personnelle. »

La commission conclut à l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Clep, rapporteur. - « Par pétition datée de Dadizeele, le 31 mars 1849, plusieurs commerçants et habitants de Dadizeele présentent des observations contre le projet de changer la résidence du receveur des contributions, établie dans cette commune.»

La commission conclut au renvoi à M. le ministre des finances.

- Adopté.


M. Clep, rapporteur. - « Par pétition datée d'Alost, le 12 avril 1849, le sieur Van Kouteren, ancien sergent pensionné, demande la révision de sa pension. »

La commission conclut au renvoi à M. le ministre des finances.

- Adopté.


« Par pétition sans date, plusieurs négociants à Bruxelles demandent qu'il ne soit pas donné suite au projet de changer les attributions du bureau de douanes de Quiévrain. »

La commission conclut au renvoi à M. le ministre des finances.

- Adopté.


M. Clep, rapporteur. - « Par pétition datée de Marche, le 4 février 1849, les sieurs Lambert proposent des modifications dans le système d'inspection cantonale des écoles primaires et dans la circonscription des ressorts d'inspection. »

La commission conclut au dépôt au bureau des renseignements.

M. de Perceval. - Messieurs, je ne pense pas que la chambre puisse accepter ces conclusions. Des pétitionnaires demandent un changement au système d'inspection cantonale pour les écoles primaires. Je propose le renvoi de cette pétition à M. le ministre de l'intérieur.

M. Clep, rapporteur. - Je ne m'y oppose pas.

- Le renvoi à M. le ministre de l'intérieur est mis aux voix et prononcé.


M. Clep, rapporteur. - « Par pétition datée d'Anvers, le 23 avril 1849, le sieur Vandergracht, ancien receveur des contributions à Sinay, réclame l'intervention de la chambre pour qu'on l'admette à dresser son compte de gestion.»

La commission conclut au renvoi à M. le ministre des finances.

- Adopté.


M. Clep, rapporteur. - « Par pétition datée de Charleroy, le 27 avril 1819, le sieur Loriaux, ancien maréchal des logis d'artillerie, demande une pension ou un emploi. »

La commission conclut au renvoi à M. le ministre de la guerre.

- Adopté.

La séance est levée à 4 heures.