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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 17 novembre 1851

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1851-1852)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. T'Kint de Naeyer fait l'appel nominal à 2 heures et un quart et lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée ; il présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

Pièces adressées à la chambre

« Le sieur Raikem-Romain demande la suppression de la peine de mort. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi ayant pour objet d'apporter des modifications au Code pénal.


« Le sieur Bruno-Joseph Saurel, géomètre de première classe, attaché au bureau de la conservation du cadastre de la Flandre orientale, né à Valenciennes (France), demande la naturalisation avec exemption du droit d'enregistrement. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le sieur François Bossu, boulanger à Anvers, né à Zundert (Pays-Bas), demande la naturalisation ordinaire. »

- Même renvoi.


« Le sieur Cranshoff, à Ostende, prie la chambre de lui faire obtenir une récompense pour actes de dévouement. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Quelques habitants d'Anvers prient la chambre d'adopter la proposition de loi relative à l'abolition de quelques taxes communales. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi.


« Il est fait hommage à la chambre, par M. Tarte, ingénieur civil, de cinq exemplaires de son mémoire sur la fondation d'une ville maritime à la Tête de Flandre. »

- Dépôt à la bliothèque.


« Il est fait hommage à la chambre, par M. Vanden Hauten, avocat à Anvers, d'une brochure intitulée : « De l'exploitation des engrais de ville, à Anvers. »

- Distribution aux membres de la chambre et dépôt à la bibliothèque.


« M. Anspach, retenu par la maladie de sa femme, demande un congé.


« M. Le Hon, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé.


« MM. A. Dumon, de Haerne, Moncheur et A. Vandenpeereboom, retenus pour affaires, demandent un congé. »

- Ces congés sont accordés.

Projet de loi révisant les livres I et II du Code pénal

Discussion des articles

Livre premier. Des infractions et de la répression en général

Chapitre II. Des peines
Section I. Des divers espèces de peines
Article 7

M. le président. - La discussion a été close sur l'article 7 et les amendements.

L'appel nominal a été demandé sur l'amendement de M. de Perceval.

M. Destriveaux. - Je demande la parole pour une motion d'ordre.

Messieurs, comme aucune résolution n'a été définitivement prise sur la question de l'abolition de la peine de mort, que cette question intéresse beaucoup d'esprits et que la chambre n'était pas samedi aussi nombreuse qu'aujourd'hui, puisque lorsqu'on en est venu au vote, on ne s'est plus trouvé en nombre pour prendre une décision. Je propose à la chambre de déclarer que les débats sont rouverts sur cette question.

- Plusieurs membres. - Non ! Non !

M. Destriveaux. - La chambre décidera ce quelle voudra ; mais, j'en fais la proposition formelle.

M. le président. - La discussion sur l'article et les amendements a été déclarée close. Il y a eu un vote, et la chambre ne s'est plus trouvée en nombre.

Du reste, la proposition est faite par M. Destriveaux ; je vais la mettre aux voix.

- La chambre consultée décide qu'elle maintient sa décision.

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'amendement de M. de Perceval.

En voici le résultat :

58 membres sont présents.

9 adoptent.

48 rejettent.

1 membre (M. Lelièvre) s'est abstenu.

En conséquence, l'amendement n'est pas adopté.

Ont voté l'adoplion : MM. Devaux, de Wouters, Dolez, Jouret, Lesoinne, Prévinaire, Veydt, de Brouckere et de Perceval.

Ont voté le rejet : MM. Dequesne, de Renesse, de Royer, Destriveaux, de T'Serclaes, d'Hoffschmidt, Frère-Orban, Jacques, Landeloos, Lange, Loos, Malou, Mascart, Mercier, Moreau, Orban, Osy, Rodenbach, Rogier, Roussel (A.), Rousselle (Charles), Tesch, Thibaut, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Ernest), Van Hoorebeke, Van Iseghem, Allard, Bruneau, Cans, Cools, Coomans, Dautrebande, de Baillet (Hyacinthe), de Baillel-Latour, de Decker, de La Coste, Delehaye, Delescluse, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, De Pouhon et Verhaegen.

M. Lelièvre. - Messieurs, je ne suis pas partisan de la peine de mort, je n'ai donc pu voter pour ; mais je pense qu'avant de la supprimer irrévocablement en droit, l'on doit faire pendant quelque temps l'expérience de sa suppression de fait ; en conséquence j'ai cru devoir m'abstenir.

M. le président. - Viennent maintenant les amendements présentés par M. Roussel, d'accord avec le gouvernement ; ils sont ainsi conçus :

« Remplacer les numéros 2° et 3° par un numéro 2° ainsi conçu :

« 2° Les travaux forcés.

« Et commencer l'article 19 du projet de la commission par le paragraphe suivant :

« Les travaux forcés sont prononcés à perpétuité ou à temps.

« 2° Supprimer l'addition faite par la commission, en ce qui concerne la parité générale et spéciale des peines, c'est-à-dire les deux derniers paragraphes de l'article amendé. »

- Ces amendements sont mis aux voix et adoptés.

L'article 7 est ensuite adopté dans son ensemble.

Rapport sur une demande en naturalisation

M. Destriveaux dépose le rapport de la commission des naturalisations sur la demande en naturalisation ordinaire du sieur Bataille.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à l'ordre du jour à la suite des objets qui s'y trouvent déjà portés.

Projet de loi révisant les livres I et II du Code pénal

Discussion des articles

Livre premier. Des infractions et de la répression en général

Chapitre II. Des peines
Section II. Des peines criminelles
Article 8

M. le président. - La chambre en est restée à l'article 8.

« Art 8. La mort, les travaux forcés à perpétuité et à temps, la détention et la réclusion sont des peines criminelles. »

M. A. Roussel, d'accord avec le gouvernement, propose de supprimer les mots : « à perpétuité et à temps. »

- L'article 8, ainsi amendé, est adopté.

Article 9 à 12

« Art. 9. L'emprisonnement de huit jours au moins est une peine correctionnelle. »

- Adopté.


« Art. 10. L'emprisonnement de sept jours au plus est une peine de simple police. »

- Adopté.


« Art. 11. L'interdiction de certains droits politiques et civils, et le renvoi sous la surveillance spéciale de la police sont des peines communes aux matières criminelle et correctionnelle. »

- Adopté.


« Art. 12. L'amende et la confiscation spéciale sont des peines communes aux trois genres d'infractions. »

- Adopté.

Section II. Des peines criminelles
Article 13

« Art. 13. Tout condamné à mort aura la tête tranchée. »

- Adopté.

Article 14

« Art. 14. L'exécution a lieu publiquement dans la commune indiquée par l'arrêt de condamnation.

« Le condamné est transporté de la maison de détention au lieu du supplice dans une voiture cellulaire, accompagné de la gendarmerie et du ministe du culte dont il a réclamé ou admis le ministère.

« Il est extrait de la voiture cellulaire au pied de l'échafaud et immédiatement exécuté.

« A l'heure indiquée pour l'exécution, les cloches sonneront le glas.

M. A. Roussel, d'accord avec le gouvernement, propose l'amendement suivant :

« § 1er. Ajouter les mots : « qui sera », aux mots : « la commune. »

« § 2. Supprimer les mots : « de la gendarmerie. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, je demanderai, en outre, la suppression du dernier paragraphe qui est ainsi conçu :

« A l'heure indiquée pour l'exécution, les cloches sonneront le glas. »

Cette disposition avait été introduite dans le système de la commission nommée par le govuernement, parce qu'elle avait consacré la règle, que l'exécution aurait lieu à l'intérieur des prisons. Dans cet ordre d'idées, l'on comprend parfaitement que l'on ait prescrit la sonnerie du glas. Aujourd'hui que l'exécution doit avoir lieu en public, je crois que la sonnerie du glas, loin de conserver son caractère religieux, serait bien plus un moyen d'attirer vers cette sanglante exécution une partie du public. Sous ce rapport, il serait mieux de supprimer le dernier paragraphe de l'article.

M. de Decker. - Messieu-r, je regrette, pour ma part, et sincèrement, qu'on propose la suppression du dernier paragraphe de l'article 14.

Si j'ai voté pour le maintien de la peine de mort, c'est, comme beaucoup de nos honorables collègues, dans la pensée que bientôt cette peine cessera d'être nécessaire à la légitime défense de la société. Si j'en veux encore le maintien pour des cas rares, et par conséquent d'autant plus impressionnants qu'ils seront rares, je veux aussi que l'exécution des criminels prenne le caractère d'un enseignement moral.

Cette exécution ne doit pas rester ce qu'elle est aujourd'hui, un spectacle offert à une curiosité déplacée, quelquefois féroce ; il faut que nous en fassions un enseignement, et dans ce but on ne saurait l'entourer de trop de formalités, afin d'exercer une impression salutaire sur tous les esprits.

Pour moi, messieurs (et je l'ai dit au sein de la commission de révision dont j'ai eu l'honneur de faire partie), j'aurais voulu que non seulement le glas funèbre sonnât au moment de l'exécution, mais que toute circulation de voitures fût interdite par les rues que doit traverser le funèbre cortège, et que portes et fenêtres fussent fermées partout sur son passage.

J'aurais voulu que dans ce moment où un homme est immolé au maintien de l'ordre social, la société tout entière fût préoccupée de cet événement grave et solennel.

J'aurais voulu que toutes les affaires fussent momentanément interrompues ; que tous les bruits du monde vinssent expirer autour de l'échafaud ; qu'il n'y eût dans tous les esprits qu'une seule pensée, dans tous les cœurs qu'un sentiment général de deuil.

L'appareil solennel et lugubre que la religion savait donner à ces tristes cérémonies, par l'adjonction de confréries et de membres d'ordres religieux au funèbre cortège, il faudrait au moins essayer de le remplacer par un ensemble de circonstances de nature à impressionner vivement les esprits.

S'il se rencontre, au point de vue de nos lois ou des règlements municipaux, des obstacles à ce que le glas soit sonné, je n'insiste point. Mais je ne pouvais pas laisser passer cette discussion sans exprimer le sentiment pénible que j'éprouve de ne pouvoir entourer l'exécution capitale de tout l'appareil nécessaire pour augmenter l'impression sur les esprits,

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je viens d'indiquer une des raisons qui ont déterminé le gouvernement à demander la suppression du dernier paragraphe. Sans doute il faudrait que l'exécution fût entourée de quelque chose de solennel, de religieux ; mais il ne nous est pas donné à nous de dire ou de faire fermer les portes et les fenêtres ou de prendre d'autres mesures dont je suis le premier à reconnaître l'utilité, mais il y a une autre question qui peut être le sujet de conflits : c'est celle de savoir si le glas devra être sonné dans tous les cas, si le glas étant une sonnerie religieuse, nous pouvons la prescrire, si ce n'est pas une chose laissée à la liberté religieuse.

Je suppose qu'il s'agisse d'un individu professant la religion réformée ou la religion juive ou encore un catholique qui aura refusé le concours du ministère du prêtre ? Dans ces cas peuvent surgir des conflits ; c'est pour cela que je demande la suppression du paragraphe.

M. Delehaye. - Si j'ai bien compris M. le ministre de la justice, il n'est pas question de rendre impossible de prescrire les mesures que l'honorable M. de de Decker désirerait voir prendre. Ce que veut M. le ministre c'est que ces formalités ne soient pas énoncées dans la loi.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est qu'une partie de la loi ne reste pas inexécutée.

M. Delehaye. - Tout en partageant l'opinion que vient d'exprimer l'honorable M. de Decker, en reconnaissant l'utilité des mesures qu'il a indiquées, je ne pense pas qu'on puisse les prescrire par la loi ; je suis persuadé que le gouvernement fera en sorte que ces mesures soient exécutées au moyen de règlements de police afin d'exercer une influence salutaire sur les esprits, ce qui fera disparaître les dangers de conflits ; voilà pourquoi je donnerai mon assentiment à la proposition du gouvernement, tout en partageant les sentiments exprimés par M. de Decker.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Personne n'ignore que la questiun des sonneries est une des questions les plus controversées, sur laquelle personne n'est d'accord, qui tous les jours donne lieu dans un très grand nombre de communes à de graves conflits. Je n'entends pas la trancher ici, j'entends au contraire la réserver ; mais je ne veux pas qu'il soit inséré à l'article 14 une disposition qui pourrait faire surgir des conflits au sujet fait d'une décapitation.

-- L'art. 14 est adopté, moins le dernier alinéa qui est supprimé, avec les deux modifications proposées par M. Roussel (addition des mots « qui sera » aux mots « la commune » ; suppression des mots : « de la gendarmerie et »).

Article 15

« Art. 15. Les corps des suppliciés seront délivrés à leurs familles, si elles les réclament, à la charge par elles de les faire inhumer sans aucun appareil. »

- Adopté.

Article 16

« Art. 16. Aucune condamnation ne peut être exécutée les jours de fêtes nationales ou religieuses, ni les dimanches. »

M. de Muelenaere. - Je suppose qu'il est entendu que c' est de la peine de mort qu'il s'agit dans cet article.

M. Roussel, rapporteur. - C'est de la peine de mort qu'il s'agit ; les articles qui précèdent et ceux qui suivent sont donc relatifs à la peine de mort. Celui-ci n'est que la reproduction d'un article du Code pénal actuel qui s'exprime de la même façon.

Je crois qu'il est inutile d'ajouter ce mot dans l'article, puisqu'il est entendu que c'est d'une condamnation à mort qu'il s'agit.

- L'article 16 est adopté.

Article 17

« Art. 17. Lorsqu'il sera vérifié qu'une femme condamnée à mort est enceinte, elle ne subira sa peine qu'après sa délivrance. »

- Adopté.

Article 18

« Art. 18. L'arrêt portant condamnation à la peine de mort sera imprimé par extrait et affiché dans la commune où le crime a été commis, dans celle où l'arrêt a été rendu et dans celle où la condamnation sera exécutée. »

M. Loos. - Messieurs, j'ai une observation à vous présenter, elle trouve sa place ici aussi bien qu'aux articles précédents.

Les arrêts criminels portent ordinairement que l'exécution se fera sur l'une des places pubiques de la commune désignée. Est-ce à l'autorité communale ou à l'autorité judiciaire à indiquer la place où l'exécution doit avoir lieu ?

Dans la plupart des grandes villes, le lieu d'exécution est ordinairement la grande place.

On parlait tout à l'heure du spectacle de ces exécutions. Il est une quantité de personnes qui voudraient se soustraire à ce spectacle. Mais si l'exécution doit se faire sur la grande place de la ville, elles ne sont pas toujours dans le cas de pouvoir s'y soustraire, attendu que la grande place est ordinairement le lieu où la circulation est la plus importante de la localité. Dans quelques grandes villes, à Paris par exemple, l'exécution a lieu dans un endroit très écarté, elle a lieu aux barrières.

Il serait très désirable que dans nos grandes villes cette exécution ne dût pas avoir lieu sur la grande place, qu'un endroit plus écarté pût être désigné.

Pour ma part, lors de la dernière exécution qui a eu lieu à Anvers, j'aurais voulu comme bourgmestre qu'on la fît ailleurs qu'à la grande place. Quelques obstacles que j'ai rencontrés, ou du moins, des circonstances qui n'étaient pas prévues, ont empêché qu'il en fût ainsi.

Je voudrais que l'indication de la place fût laissée à l'autorité communale. Si les choses doivent se passer ainsi, mes observations tombent naturellement. Mais jusqu'à présent il y a eu doute à cet égard.

La cour peut, je crois, déterminer que l'exécution aura lieu sur une place désignée. Si l'arrêt ne porte que ces mots : « Sur une des places publiques, » je crois qu'alors c'est effectivement à l'autorité communale à indiquer le lieu de l'exécution.

M. Delehaye. - Je vois que la cour d'assises ne fait autre chose que de déclarer que l'exécution aura lieu sur une place publique et qu'à l'autorité communale appartient le droit de désigner cette place.

C'est ainsi que dans la ville à laquelle j'ai l'honneur d'appartenir, jamais les exécutions n'ont lieu sur la principale place publique marchande, tes exécutions s'y font toujours sur une place au-dehors des grands centres d'habitation.

Ainsi je pense que dans l'opinion de la commission et aussi dans celle du gouvernement, on a toujours voulu laisser à l'autorité municipale la désignation de la place où doit avoir lieu l'exécution.

M. Loos. - Si c'est l'avis de M. le ministre, je n'insisterai pas.

(page 57) M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Dans l'état actuel de la législation, l'exécution doit avoir lieu sur une des places publiques de la localité où elle doit se faire.

C'est aujourd'hui l'autorité communale qui désigne cette place. Sous ce rapport nous n'entendons rien modifier, et je crois qu'il serait très difficile de modifier ce qui existe. Car c'est la cour d'assises qui déclare dans quelle commune l'exécution doit avoir lieu.

Or, laissant à la cour le droit de désigner la commune dans laquelle l'exécution aura lieu, il s'ensuit en quelque sorte comme conséquence inévitable que c'est aussi aux communes à désigner la place où les exécutions auront lieu ; à moins que le gouvernement ne doive désigner lui-même, dans chaque commune où une exécution devra se faire, la place où elle aura lieu.

Je crois que nous devons rester dans les termes de la loi actuelle et que le gouvernement ne doit pas désigner ces places. On continuera à pratiquer ce qui s'est fait jusqu'à présent.

- La discussion est close.

L'article 18 est mis aux voix et adopté.

Article 19

« Art. 19. La condamnation à la peine des travaux forcés à temps est prononcée pour huit ans au moins et vingt-quatre ans au plus.

« La condamnation à la peine de la réclusion, pour quatre ans au moins et huit ans au plus. »

M. Roussel, rapporteur, d'accord avec le gouvernement, propose l'amendement suivant :

« Substituer au § 1er les dispositions suivantes :

« Les travaux forcés sont prononcés à perpétuité ou à temps.

« La condamnation à la peine des travaux forcés à temps est prononcée pour un terme de dix à quinze et de quinze à vingt ans. »

« Faire du paragraphe 2 un article nouveau (19 bis) ainsi conçu :

« La durée de la réclusion est de cinq à dix ans. »

M. Roussel, rapporteur. - Messieurs, la première modification est le résultat d'un changement que vous avez adopté dans un article précédent.

On avait, dans l'article 7, mentionné les travaux forcés à perpétuité et les travaux forcés à temps sous des numéros distincts comme constituant des peines différentes. On avait imité, sous ce rapport, le Code pénal réformé en 1832 pour la France. Mais il y avait une raison pour agir ainsi dans le Code pénal de 1832 en France, parce que, outre les travaux forcés à perpétuité et les travaux forcés à temps, on y trouvait une peine que nous n'avons pas dans le projet dont nous nous occupons, la peine de la déportation, laquelle était intermédiaire.

Or, les travaux forcés à perpétuité et les travaux forcés à temps forment une seule et même peine différant seulement par la quotité ; de sorte qu'il était indispensable d'opérer la réforme que nous avons déjà apportée à l'articlel 7. Cette réforme nécessite dans l'article dont nous nous occupons maintenant, c'est-à-dire à l'article 19, la division des travaux forcés en travaux forcés à perpétuité et en travaux forcés à temps.

Tel est l'objet du premier amendement, et je pense qu'il ne soulèvera aucune objection.

Le second amendement, qui détermine la quotité de la peine des travaux forcés à temps, donne lieu à des questions plus graves. Il est la consécration d'une doctrine nouvelle en Belgique : celle du morcellement des peines des travaux forcés et de la peine de la détention.

Votre commission, messieurs, en étudiant le projet du gouvernement, avait trouvé que, dans ce projet, la réclusion étant devenue la seule peine criminelle, et la réclusion se divisant en ordinaire et extraordinaire, cette double division ayant encore des subdivisions par petites quotités, ce système devait entraîner de graves inconvénients. En effet, messieurs, le caractère un peu intimidant de la peine s'effaçait devant toutes ces subdivisions.

Cependant il est à remarquer que le projet qui nous est soumis introduit pour les circonstances atténuantes un système complètement nouveau ; pour la récidive, pour la tentative, pour le concours même des infractions, il devient indispensable de mettre à la disposition des juges des quotités déterminées par la loi elle-même. Cela est indispensable parce que, sans cela, l'on est obligé de passer, dans les dispositions de la loi sur cette matière, d'une peine extrêmement grave à des peines inférieures, d'une portée infiniment moindre. L'on ne pourrait satisfaire aux besoins de la justice dans toutes les variétés, dans toutes les espèces qui se présenteraient.

En présence des inconvénients que le grand morcellement des peines devait entraîner ; en présence des exigences du système quant aux circonstances atténuantes, quant à la récidive et au concours des infractions, quant à d'autres matières enfin où le juge peut être obligé de monter ou de descendre d'un degré dans les peines, le gouvernement, le rapporteur de votre commission et M. Haus ont cru que l'on pouvait accepter un juste milieu, c'est-à-dire ne pas consacrer un morcellement désavantageux, mais consacrer pour les travaux forcés à temps deux quotités distinctes qui permettent ultérieurement au législateur de dire dans des cas déterminés : celui qui se sera rendu coupable, par exemple, de tel crime entraînant les travaux forcés à temps, ne subira que le terme de dix à quinze ans. On pourra de cette manière approcher beaucoup plus d'une exacte justice.

Remarquez, messieurs, que cela est tout à fait favorable à l'application d'un véritable système d'équilibre dans l'exécution des peines et en même temps que cela permet de graduer d’une manière générale, dans le Code pénal, les différentes espèces qui se présenteront.

Quant aux cas que j'ai eu l’honneur de signaler tout à l’heure, je ne méconnais pas que c’est une innovation au moins pour notre pays ; car, en Allemagne et en Hollande, le système du morcellement des peines est aujourd’hui connu et adopté.

Cette innovation, messieurs, j'espère qu'elle portera de bons fruits parce que nous n'avons point complètement généralisé le système ; nous laissons à la peine des travaux forcés toute sa rigueur ; seulement nous mettons à la disposition du juge différentes durées de cette peine pour les différentes hypothèses qui peuvent se présenter.

Le troisième amendement consiste à faire du deuxième paragraphe un article nouveau.

D'après ce paragraphe, la durée de la réclusion est de 5 à 10-ans, de sorte qu'il y a progression dans la durée des peines : la réclusion ira de 5 où 10 ans, les travaux forcés de 10 à 15 ans et de 15 à 20 ans. De cette minière on peut échelonner les peines qui doivent être appliquées aux différentes catégories de crimes.

M. Delehaye. - Je commence par dire que ce n'est pas au nom de la commission que l'honorable rapporteur a fait sa proposition. La commission s'est longuement occupée de cet article ; elle a vu dans le système proposé un grand changement à ce qui existait, et elle n'a pu se rendre à ce système que parce qu'elle a tenu compte de la rigueur de l'emprisonnement cellulaire : elle s'est dit que puisque le régime cellulaire aggrave la peine, il est juste d'en réduire, d'un autre côté, la durée.

Mais, messieurs, l'honorable rapporteur réduit à 20 ans le maximum de la durée des travaux forces à temps, qui était de 24 ans dans la projet du gouvernement et dans celui de la commission de la chambre ; et il augmente au contraire la durée de la réclusion, qui n'était que de 8 ans et qu'il porte à 10 ans.

Voilà des changements considérables et dont je ne me rends pas tout à fait compte. Je désirerais que l'honorable rapporteur voulût bien nous expliquer les motifs de ces déviations du système qu'il avait si bien développé au sein de la commission, et dans son remarquable rapport.

Je ne suis pas non plus partisan des peines trop prolongées, je pense que si les peines sont bien combinées, elles doivent avoir pour résultat l'amendement du coupable, et si un coupable peut se corriger en 8 ou 10 ans, il pourra certainement le faire en un nombre d'années un peu supérieur ; mais on réduit la peine supérieure de 24 à 20 ans, tandis qu'on augmente la peine inférieure.

On dit que le nouveau système d'emprisonnement est plus sévère, et qu'il faut, par conséquent, réduire la durée de la peine, mais alors pourquoi augmente-t-on la durée de la réclusion ? Je prie M. le rapporteur de bien vouloir nous donner des explications. C'est lui qui a fait naître notre conviction sur l'article 8, et en ce qui me concerne, au moins cette conviction n'a pas été détruite par les dernières observations de l'honorable rapporteur.

M. Lelièvre. - Je ne puis, pour mon compte, souscrire à la proposition de la commission qui introduit deux catégories de la même peine. Pareil système introduit une anomalie et même une bizarrerie dans la législation.

En effet, dans le système du projet, il y aurait deux gradations différentes dans la même peine ; or, cette doctrine n'est pas en harmonie avec les principes de la législation admis jusqu'à ce jour. On a, au contraire, considéré comme une amélioration apportée par le Code de 1810 de n'établir la peine que quant au genre, en laissant au juge le soin de déterminer la pénalité entre un maximum et un minimum fixé par la loi.

C'est d'ailleurs le système le plus simple, celui qui a valu de justes éloges au Code de 1810. Quant à moi, messieurs, je ne puis admettre un morcellement du même genre de peine ; il est infiniment préférable d'énoncer que les travaux forcés auront une durée dî cinq à vingt ans, cela est plus rationnel et moins bizarre.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, ni l'honorable M. Delehaye, ni l'honorable M. Lelièvre ne me semblent saisir la question. Que reproche-t-on au Code pénal actuel ? C'est de punir des mêmes peines une très grande quantité de faits qui ne dénotent pas la même immoralité, la même perversité.

C'est ainsi que vous avez dans le Code pénal actuel trente et des cas, par exemple, qui sont punis de la peine de mort, alors que cependant, personne ne soutiendra que chacun de ces cas constitue de la part de celui qui a commis le crime, une immoralité égale. De même, vous avez une très grande quantité de faits punis des travaux forcés à perpétuité, alors encore que l'immoralité de ces faits n'est pas la même.

Enfin, l'on punit soit des travaux forcés à temps, soit de la réclusion, des faits qui, au point de vue de la morale, sont tout à fait distincts.

Aujourd'hui, messieurs, que faisons-nous ? Nous supprimons, en règle générale, la peine de mort. La peine de mort n'existe plus que comme exception. Nous arriverons à supprimer en grande partie les peines perpétuelles. Les peines perpétuelles ne se trouveront encore dans nos Codes que comme exception.

La peine commune sera les travaux forcés à temps. C'est ce qu'exige le système pénitentiaire qui a pour but de réformer les condamnés. Le système pénitentiaire ne comporte guère les peines perpétuelles. (page 58) L’amendement suppose la rentrée possible dans la société. La peine des travaux forcés à temps devient donc la peine commune, la peine applicable au plus grand nombre des cas. Il faut donc une certaine gradation, sans quoi vous auriez dans votre Code pénal précisément ce qui existe dans le Code pénal de 1810 : une très grande quantité de faits qui dénotent une perversité, une immoralité tout à fait différentes et qui cependant sont punis de la même peine.

Ainsi, par exemple, il y a des vols commis avec deux circonstances, trois circonstances, cinq circonstances, et qui sont punis de peines différentes.

Le Code pénal punit le vol suivant les circonstances dont il est accompagné, tantôt de la réclusion, tantôt des travaux forcés à temps, tantôt des travaux forcés à perpétuité.

Eh bien, nous ne pouvons pas avoir une seule et même peine pour ces délits qui différent par les circonstances qui les accompagnent.

Quant au faux, vous avez le faux en matière privée ; en matière civile, en matière commerciale, le faux dans un acte authentique, la fausse monnaie, le faux en billets de banque ; eh bien, messieurs, est-ce que vous allez contre tous ces faits comminer la même peine ? Cela n'est pas possible. Il faut une certaine gradation dans les peines ; il faut pour tel faux une peine supérieure à celle qui est comminée contre tel autre faux, moins dangereux pour la société.

C'est pour cela que dans l’ordre d'idées dans lequel le projet est rédigé, une certaine gradation dans la peine des travaux forcés est tout à fait indispensable.

Cela me paraît à l'abri de toute contestation.

M. Roussel, rapporteur. - Messieurs, nous ne nous sommes pas dissimulé que le morcellement, même partiel, des travaux forcés, exciterait quelque surprise. C'est le même sentiment qui s'était manifesté dans le sein de la commission législative, et qui l'avait déterminée à faire disparaître le morcellement des peines criminelles consacré par le projet du gouvernement. Mais la réflexion nous a convaincus que si le code de brumaire et le code de 1791 n'ont pas été obligés d'adopter cette forme de divisions pénales, c'est que dans ces codes l'on a adopté un système de grande sévérité qui la rendait inutile.

Il nous semble indispensable que le juge ne puisse jamais infliger une peine plus sévère que le crime ne le comporte, nous devons vouloir que la loi détermine l'action du juge d'une manière précise.

Commençons par répondre à la bienveillante demande qui nous est adressée par le président de la commission législative. L'honorable M. Delehaye désirerait savoir pourquoi mon amendement réduit au terme de 20 ans le maximum de la peine des travaux forcés.

Dans la commission législative nous avions été déterminés à accepter le maximum de 24 ans, parce que nous le trouvions fixé dans le projet du gouvernement comme maximum de la réclusion extraordinaire. Mais il est à remarquer que les deux peines de la réclusion ordinaire et extraordinaire ayant été remplacées, dans le projet amendé, par les travaux forcés, et la distinction entre la réclusion ordinaire et la réclusion extraordinaire venant à tomber, nul motif n'existait plus qui pût nous engager à élever à 24 ans les travaux forcés à temps.

Messieurs, le système nouveau établit une parfaite harmonie dans les quotités des peines emportant privation de la liberté.

L'emprisonnement correctionnel reçoit un maximum de cinq ans ; puis vient la réclusion qui s'élève d'un minimum de cinq à un maximum de dix ans.

Le maximum de la réclusion formera le minimum des travaux forcés, à temps, lesquels se subdiviseront en deux quotités égales : de dix à quinze et de quinze à vingt. Cette dernière sous-division a le but que M. le ministre de la justice vient d'indiquer : le but essentiel, c'est de permettre au juge de suivre une délimitation exacte dans l'application des peines, après avoir permis au législateur d'attribuer à chacun des crimes sa quotité précise.

Je crois en conscience que c'est le seul moyen d'arriver à la régularité, à la précision indispensable surtout au Code des délits et des peines.

C'est la déclaration qui nous a été faite aussi par l'honorable M. Haus, l'un des hommes les plus compétents en cette matière, le savant rapporteur de la commission gouvernementale. Cette commission est arrivée à retrancher très souvent du Code nouveau la peine de mort et celle des travaux forcés à perpétuité ; ces retranchements ont rendu presque impossible la gradation exacte des différents crimes dans leurs rapports avec les pénalités criminelles devenues si peu nombreuses, par la suppression du bannissement, de la déportation, de la dégradation civique, etc.

Qu'arrivera-t-il si nous n'acceptons pas un morcellement de la peine des travaux forcés ? C'est que nous devrons frapper de peines uniformes des faits distincts et négliger le grand principe de la proportion entre les peines et les infractions.

Pour ma part, j'ai été obligé de reconnaître notre erreur lorsque, dans le rapport de votre commission, nous avons repoussé tout morcellement de la peine criminelle. Mais je dois dire qu'en restreignant ce morcellement, l'amendement nouveau l'a beaucoup amélioré.

Permettez-moi donc, messieurs, d'appuyer fortement la disposition nouvelle, parce qu'elle doit servir à rendre plus justes les dispositions du Code pénal, en ne permettant aucune erreur dans son application et en favorisant la proportion exacte entre les châtiments et les faits punissables.

M. de Decker. - Messieurs, je me rallie à la disposition nouvelle, telle qu'elle est présentée par l'honorable rapporteur, de concert avec le gouvernement.

Si cette disposition n'avait pas été introduite après coup, si elle avait été expliquée par un exposé de motifs, elle aurait apparu à tous les yeux parfaitement fondée en raison.

Il est certain qu'aujourd'hui un des grands défauts de tout système pénal, c'est de n'avoir que quelques rares catégories de peines, pour punir une variété infinie de crimes.

Si nous connaissions les secrets replis du coeur humain, nous serions effrayés du manque de proportionnalité des peines que nous appliquons.

En stricte justice, il faudrait presque autant de peines que de crimes. Cela étant impossible, vu l'imperfection inévitable des institutions humaines, il faut cependant tâcher d'arriver à la plus grande proportionnalité des peines avec les crimes commis, par la division la plus juste, des pénalités comminées contre les diverses espèces de crimes.

Ainsi, plus on peut subdiviser les peines, plus on est en droit d'espérer de rester fidèle à la pensée de justice qui doit présider à un ensemble de pénalités proportionnées à la gravité relative des crimes.

En second lieu, la subdivision des peines sera encore un moyen d'empêcher qu'à l'avenir la justice n'ait recours aussi fréquemment au système des circonstances atténuantes, système dont l'application est souvent si ridicule, si pas odieuse.

Par ces deux motifs, je félicite le gouvernement et l'honorable rapporteur d'avoir introduit une plus grande subdivision dans les peines.

M. Delehaye. - Messieurs, je partage l'opinion qui vient d'être exprimée par l'honorable M. de Decker. La subdivision des peines, telle qu'elle était proposée par la commission gouvernementale, nous avait paru d'abord vicieuse en elle-même ; elle nous a encore paru pécher en ceci, qu'on introduisait des dénominations inconnues et qui auraient été très difficilement comprises par ceux à qui elles s'adressaient. Je suis heureux que le gouvernement ait abandonné ces désignations, et pour ma part je me rallie à cela de tout point.

Quant à la durée des peines, et quoi qu'en ait dit l'honorable rapporteur, je me demande comment il se fait que la peine la plus longue étant de 24 ans dans le projet du gouvernement, M. le rapporteur consente immédiatement à réduire ces 24 ans à 20, alors que pour un ordre de délits inférieur, vous allez augmenter le maximum. Des raisons suffisantes n'ont pas été données à l'appui d'un changement aussi radical. (Interruption.)

Remarquez que dans le système du gouvernement, il y avait 24 ans ; il en était de même dans le système de la commission, système qui n'a été adopté par elle qu'après de mûres réflexions et de longs travaux.

Les travaux forcés n'ont été replacés dans le projet que pour faciliter la gradation des peines. C'est une innovation heureuse ; mais après cela je dis, que le système ayant un maximum de 24 ans est très rationnel. Vous remplacez cette peine par celle de 20. Si cela suffit pour les besoins de la gradation, je ne m'y oppose pas ; mais tandis que là vous réduisez la peine, d'un autre côté pour la réclusion, vous l'augmentez, vous la portez à 10 ans au lieu de 8.

Il y aura, dites-vous, des modifications considérables au Code pénal relativement aux délits, mais jusqu'à présent, il est impossible de tenir compte de dispositions non encore adoptées ; du reste, comme il en résultera une grande diversité de peines, ce devrait être une raison pour conserver une plus grande latitude afin de les graduer.

Je ne voudrais pas que rien fût adopté à la légère. Nous avons consacré beaucoup de temps et d'étude à ce travail ; nous étions tombés d'accord avec la commission quant à la durée, sinon quant à la gradation des peines. Avant de modifier cette durée, j'aurais désiré qu'on la justifiât.

M. de Perceval. - Je demande le renvoi à la commission.

M. Roussel, rapporteur. - Il nous a semblé qu'une diminution dans la quotité de la peine, bien justifiée d'ailleurs, ne pouvait être une mauvaise chose, d'autant plus qu'elle devenait praticable. Dans le sein de la commission législative, l'on avait adopté une durée de 24 ans, surtout parce que cette fixation émanait des futurs auteurs des dispositions ultérieures du Code qui régleront la peine applicable à chaque infraction.

Depuis lors, l'un de ces auteurs ayant reconnu qu'une quotité aussi longue n'est pas complètement indispensable pour satisfaire à toutes les nécessités pénales, il était naturel que cette quotité fût réduite.

Le rapporteur de la première commission déclare qu'après de mûres études il reconnaît que la durée de 24 ans n'était pas indispensable.

Il devenait inutile de conserver la quotité primitive.

Ce n'était pas seulement un devoir d'humanité qui nous prescrivait cette diminution, mais un devoir social, puisque l'emprisonnement cellulaire, par sa nature propre, n'exige point des termes aussi longs que les anciennes peines, puisque cet emprisonnement cellulaire constitue une peine très coûteuse pour l'Etat.

Nous devions évidemment préférer un moyen plus économique de satisfaire aux besoins de la répression, et nous n'avions plus de motif pour maintenir une proposition que nous n'avions admise que parce que nous l'avions trouvée dans le projet du gouvernement et que nous la pensions indispensable à son ensemble.

L'explication me paraît claire. Je serais heureux qu'elle satisfit nos honorables collègues.

(page 59) D’ailleurs, le terme de 24 ans n'est plus en harmonie avec les divisions introduites par l'amendement. Celui-ci divise en deux quotités égales le terme de 20 ans.

En rétablissant le terme de vingt-quatre ans, l'on devrait ajouter deux années à chaque quotité partielle. S'il est vrai que dans le système cellulaire, une détention de cinq ans suffise pour amener ou compléter la réforme dn condamné, il est inutile de lui imposer, ainsi qu'à l'Etat, quatre ans de détention de plus, lesquels n'auraient plus d'objet et constitueraient une injustice.

On me fait observer que je ne réponds pas à l'objection tirée de l'augmentation de deux ans apportée à la réclusion. Elle est introduite, parce que cette délimitation nouvelle tend à établir une proportion plus exacte entre les quotités constitutives de chacune des peines.

Dans le projet amendé qui reproduisait, sous ce rapport, une partie des propositions du gouvernement, la réclusion, dans ses quotités intermédiaires, se composait d'un terme très court, 4 ans au moins et 8 ans au plus. Elle n'avait pas tout à fait le caractère grave que doit porter une peine criminelle, puisque son minimum n'était que de quatre ans. Comme la réclusion est une peine criminelle qui devra souvent recevoir application, l'amendement propose de lui assigner le terme de 5 à 10 ans et de commencer les travaux forcés à 10 ans. Cette nouvelle méthode imprime à la réclusion la gravité nécessaire, en même tempsqu'elle laisse subsister les travaux forcés auxquels elle attribue dix ans d'intermédiaire entre le maximum et le minimum. Cette modification est justifiée aussi par les nécessités que la suppression d'un grand nombre de peines criminelles et l'adoucissement relatif des châtiments ont fait naître.

M. Destriveaux. - Je demande le renvoi de l'article et des amendements à la commission, en priant M. le rapporteur, s'il avait d'autres amenelements à proposer au projet de la commission, de vouloir bien les lui communiquer.

Cette discussion du rapport de la durée des travaux forcés avec celle de la réclusion, est très difficile à suivre par suite des détails qu'elle comporte.

J'avoue que n'ayant pas eu connaissance de l'amendement, il m'a été impossible d'en apprécier jusqu'ici la portée ; c'est peut-être la faute de mes faibles moyens, mais il est possible que des personnes qui ne sont pas versées dans la connaissance des lois criminelles n'aient pas pu saisir l'amendement à une première audition. Si la commission est d'accord avec son rapporteur pour admettre l'amendement, les nouveaux éclaircissements qu'elle nous donnera auront un caractère de lucidité que ne peut pas avoir une explication improvisée sur une matière aussi difficile.

J'appuierai le renvoi proposé par M. de Perceval.

M. le président. - Plusieurs autres amendements sont déposés par M. le rapporteur, d'accord avec le gouvernement et par M. Lelièvre.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne m'oppose pas au renvoi, cependant je ferai observer qu'il y a un deuxième vote, qu'on pourrait adopter l'amendement, sauf à y revenir au second vote et à faire examiner d'ici là tous les amendements par la commission.

M. Destriveaux. - Je regrette beaucoup de ne pas pouvoir admettre le tempérament que propose M. le ministre de la justice. Mais il est certain que si l'on n'est pas suffisamment éclairé, le premier vote sera une chose tout à fait inutile.

M. Delehaye. - La proposition qui vient de faire M. le ministre de la justice serait acceptable pour une matière ordinaire ; mais des matières comme celle-ci ne sont pas à la portée de ceux qui n'ont pas fait des études spéciales.

Je pense qu'il serait bon de la renvoyer à la commission, voici pourquoi. Si vous ne prononcez pas le renvoi à la commission, elle ne s'en occupera pas, et vous arriverez au deuxième vote sans qu'elle se soit concertée sur la portée même des changements qu'on propose.

Si, au contraire, vous déclarez dès à présent le renvoi à la commission, elle fera un rapport ultérieur.

La matière est très grave, car les changements proposés ne s'adressent pas seulement à des peines de nature différente, ils se rapportent à des peines de même nature. Pour les travaux forcés à temps, le rapport ne se borne pas seulement à diminuer le maximum, il augmente aussi le maximum. En présence d'une grande variété de faits exigeant une grande variété de peines, le changement proposé doit être tout à fait justifié.

Je demanderai que l'on veuille bien charger la commission d'étudier la question ; car moi-même, qui ai fait une étude spéciale de ce projet, je vous avoue que je ne puis jusqu'à présent m'en rendre tout à fait compte.

- Le renvoi à la commission est mis aux voix et prononcé.

Article 20

« Art. 20. Les individus de l'un et de l'autre sexe, condamnés à la peine des travaux forcés à perpétuité ou à temps, subissent leur peine dans des prisons appelées maisons de force.

« Les condamnés à la réclusion subissent leur peine dans des prisons appelées maisons de réclusion.

« Des maisons spéciales de l'une et l'autre catégorie sont affectées aux femmes. »

M. le président. - M. le rapporteur propose à cet article les deux changements ci-après, auxquels adhère le gouvernement.

« Retrancher du paragraphe premier les mots : « à perpétuité ou à temps ; » et du paragraphe 3 les mots : « de l'une et l'autre catégorie. »

M. Coomans. - Je ferai remarquer à la chambre qu'il y a une répétition inutile dans le premier paragraphe, Il y est dit « Les individus de l’un et de l’autre sexe, condamnés à la peine des travaux forcés, à perpétuité ou à temps, subissent leur peine, etc.

Cette répétition est d'autant plus inutile que le premier paragraphe de l’article 21 21 porte : « Les condamnés aux travaux forcés, etc. » Je propose de dire à l'article 20 : « Les individus de l'un et de l'autre sexe condamnés aux travaux forcés ou à temps subissent leur peine dans des prisons... »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Ces expressions ont été introduites parce que dans le dernier paragraphe de l'article 20 on déclare qu’il aura des maisons spéciales pour les femmes. C'est pour mettre ces différentes dispositions en rapport que l'on a mis en tête de l'article : « les individus de l'un et de l'autre sexe ». Ces dispositions existent aussi dans le Code français de 1832.

M. Roussel, rapporteur. - Nous consentons bien volontiers à la suppression indiquée par M. Coomans.

- L'article 20 est mis au voix et adopté, avec les changements proposés par M. Roussel et par M. Coomans.

Article 21

« Art. 21. Les condamnés aux travaux forcés et les condamnés à la réclusion sont renfermés, chacun isolément, dans une cellule.

« Ils n'ont avec l'extérieur d'autres communications que celles autorisées par la loi. »

M. Roussel, rapporteur. - Le dernier paragraphe de cet article est inutile ici ; il devra prendre place dans la loi sur le régime cellulaire. J'en propose la suppression.

- L'article ainsi modifié est adopté.

Article 22

« Art. 22. Conformément à la loi, chacun de ces condamnés est employé au travail qui lui est imposé.

« Une portion du produit de ce travail est appliquée à former un fonds de réserve qui lui sera remis à sa sortie ou à des époques déterminées après sa sortie.

« Cette portion ne pourra excéder les quatre dixièmes pour les condamnés à la réclusion, et les trois dixièmes pour les condamnés aux travaux forcés. Le surplus appartient à l'Etat.

« Le gouvernement pourra disposer de la moitié de ce fonds de réserve au profit de la famille du condamné lorsqu'elle se trouvera dans le besoin. »

M. Roussel, rapporteur. - Je propose de supprimer les mots : « conformément à la loi », qui se trouvent au commencement de cet article. Je les crois inutiles. En effet, il est bien entendu que c'est conformément à la loi sur le régime cellulaire qu'il devra se livrer aux travaux qui lui seront indiqués.

M. Coomans. - Je lis au paragraphe 2 « une portion du produit de ce travail est appliquée à former un fonds de réserve qui lui sera remis. » Je propose de dire « une portion du produit de ce travail formera un fonds de réserve, etc. »

Ensuite au paragraphe 4 je vois : « Le gouvernement pourra disposer de la moitré de ce fonds de réserve au profit de la famille du condamné. » Ce mot de « famille » est un peu vague, je voudrais préciser et dire : « Au profit de la femme et des enfants du condamné. »

- - Plusieurs membres. - Le père et la mère.

M. Coomans. - Le père et la mère encore, je le conçois. Je n’ai pas préparé mon amendement ; c'est seulement une observation que je présente pour faire ressortir le vague de l'expression « famille ».

Je crains que le gouvernement, dans certain cas, que le ministre de la justice ne soit assiégé de demandes de parents à divers degrés. Du reste je n'insiste pas sur cette observation, pourvu toutefois qu'il soit bien entendu que le gouvernement ne se montrera pas trop prodigue de ces fonds de réserve.

Quint à ma première observation, je prie la chambre de l'accueillir, parce qu'il s'agit de supprimer deux mots inutiles, ce qui est toujours désirable.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, la suppression, proposée par l'honorable rapporteur de la commission, des mots : « conformément à la loi », a été arrêtée d'un commun accord entre lui et Is gouvernement.

Le travail sera ou bien déterminé par la loi qui réglera d'une manière complète tout ce qui a rapport au système cellulaire, ou bien par le règlement de chaque prison.

Quant à l'amendement proposé par l'honorable M. Coomans relativement à cette phrase : « une portion du produit de ce travail est appliquée à former un fonds de réserve, » je crois comme lui qu'on peut dire :« une portion du produit de ce travail formera un fonds de réserve. » J'accepte donc cet amendement qui est tout de rédaction.

Quant à ses observations sur le dernier paragraphe, je suis parfaitement d'accord avec lui que le mot « famille » ne peut s'appliquer qu’à la famille en ligne directe, que la disposition ne peut être étendue aux collatéraux.

C'est en ce sens que l'article devra être entendu. Je pense que la déclaration que nous faisons en ce moment, et à laquelle adhère M. le rapporteur de la commission, sulfira pour l'interprétation qui devra être donnée ultérieurement à cet article.

M. Coomans. - Nous sommes d'accord.

M. Lelièvre. - Je ferai observer à l'honorable M. Coomans que la dénomination « la famille » est déjà écrite dans le Code pénal actuellement (page 60) en vigueur et que jamais elle n’a donné lieu à aucune difficulté. Nous pouvons donc maintenir une expression qui, d’après l’usage, a une acception incontestée, laquelle, du reste, est aussi admise par la loi qui nous régit en ce moment.

- La suppression des mots : « conformément à la loi », proposée par l’honorable rapporteur, et le changement de rédaction proposé par M. Coomans, sont adoptés.

M. Thibaut. - Je ne sais pas, messieurs quelle est la valeur du travail des prisonniers dans les prisons. Mais comme on pose ici en règle qu'une portion du produit de ce travail formera un fonds de réserve en faveur du condamné ou de sa famille, je demande s'il est bien entendu que la part qui revient à l'Etat dans ce travail suffit pour couvrir les frais qu'occasionne à l'Etat lui-même la détention du condamné.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Evidemment non.

M. Thibaut. - On me dit : évidemment non ; mais il me semble qu'il y aurait une règle assez sage à établir : c'est que le produit du travail des condamnés doit d'abord couvrir les frais que ce condamné occasionne à l'Etat.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, quand même on déclarerait dans la loi que le produit entier du travail des condamnés appartiendrait l'Etat, on ne parviendrait pas à faire entretenir les prisonniers par leur propre travail. N'ulle part, dans aucun pays, on ne voit les prisonniers subvenir par leur travail à toutes les dépenses de la prison.

Maintenant il est nécessaire qu'une partie du travail des prisonniers soit appliquée à leurs besoins, à leur former un pécule, parce que sans cela on ne pourrait les faire travailler. Le seul appât qu'on puisse leur donner, c'est de faire servir une partie du produit de leur travail à leur former un pécule pour eux ou leur famille.

Il est d'un autre côté indispensable qu'en sortant de prison, les condamnés aient quelque ressource.

M. Thibaut. - Je me borne à demander qu'on ne fasse pas la part trop large aux condamnés.

M. Roussel, rapporteur. - Je dois faire remarquer que ces économies doivent être remises au prisonnier à sa sortie. On comprend les embarras que doit éprouver un condamné qui sort d'une maison de force. Il faut bien que la société, par quelque moyen que ce soit, s'efforce de lui fournir une existence quelconque, sinon c'est le rejeter en quelque sorte dans le crime.

Cet article est donc parfaitement justifié, non seulement par les motifs que vous a donnés M. le ministre de la justice, mais encore par cette raison que ce fonds doit être remis en partie au condamné, lorsque sa peine est terminée.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Article 23

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L’article 23 devant faire l’objet d’un amendement, j’en propose aussi le renvoi à la commission.

- Cette proposition est adoptée.

Article 24

« Art. 24. Les condamnés à la peine de la détention sont renfermés dans une des forteresses du royaume déterminer par un arrêté royal. Ils ne communiquent pas entre eux.

« Ils ne communiquent avec les autres personnes de l'intérieur, ni avec celles du dehors, que conformément aux règlements établis en vertu de la loi. »

M. Roussel, rapporteur. - Je propose d'ajouter après les mots : « dans une des forteresses du royaume, » ceux-ci : « ou dans une maison de correction désignées par un arrêté royal. »

Voici les motifs :

Heureusement pour la Belgique, il s'y trouve peu de condamnés politiques ; il serait inutile d'établir dans une forteresse une prison pour un ou deux condamnés. Il serait donc indispensable, je crois, d'autoriser le governement à enfermer les condamnés politiques, en cas de besoin, dans une maison de correction désignée par un arrêté royal.

Le régime d'ailleurs de la maison de correction me paraît ne pas être au désavantage du condamné.

Par conséquent, je crois cet amendement acceptable.

M. Lelièvre. - Conformément à la décision de la chambre relativement à l'article 22, je propose la suppression des mots : « établis en vertu de la loi » ; il s'agit ici de règlements qui naturellement sont établis en vertu de la loi, mais qui n'ont pas besoin d'être sanctionnés formellement par une loi spéciale. En conséquence, il faut se borner à dire : « ils ne communiquent avec les autres personnes de l'intérieur ni avec celles du dehors que conformément aux règlements ».

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Cette observation est fort juste. J'adhère à l'amendement proposé par l'honorable membre.

M. Orts. - Je ne veux pas m'opposer au changement que propose la commission, quant au lieu de détention à affecter dans certains cas aux condamnés politiques. Mais je désire qu'il soit bien entendu que si, par exemple, ils sont reclus dans une maison de correction, les précautions seront prises pour que, sans rendre le régime de la prison plus rigoureux à leur égard, ils n'aient pas le moindre rapport avec les autres détenus.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C’est entendu. Ce qui m'a déterminé à admettre le changement proposé par la commission, c'est qu’heureusement, comme l’a fort bien dit l’honorable rapporteur, il y a en Belgique très peu de condamnés, de détenus politiques. Je ne puis admettre qu'on doive affecter une forteresse à leur détention ; car il pourrait arriver qu'on dût organiser tout le personnel d'une prison pour un seul détenu. C'est pour cela que nous avons demandé que le gouvernement ait la faculté de désigner, pour les détenus politiques, un quartier de la maison où seront enfermés les détenus correctionnels.

Mais il est entendu qu'ils n'auront aucun rapport avec les autres détenus ; car il est probable que l'honorable M. Orts fait allusion au danger qu'il pourrait y avoir à ce que des détenus politiques continuassent de conspirer en prison.

M. Orts. - Je ne veux pas qu'on les mette avec les voleurs.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Evidemment, cela ne doit pas être. On les mettra dans un quartier spécial. La loi le déclare formellement. Il importe que l'amendement soit admis pour qu'on ne soit pas obligé de désigner une forteresse pour un seul détenu.

- L'article 24 est adopté avec le changement proposé par M. le rapporteur d'accord avec le gouvernement et avec la suppression des mots : « établis en vertu de la loi. »

Article 25

« Art. 25. La durée des peines des travaux forcés à temps, de la réclusionn et de la détention comptera du jour où la condamnation sera devenue irrévocable.

« Néanmoins, si le condamné ne s'est point pourvu en cassation, la durée de ces peines comptera du jour de l'arrêt, nonobstant le pourvoi du ministère public, mais pour le cas seulement où ce pourvoi aurait été rejeté.

« Cette disposition s'étend au cas où la peine aurait ete réduite par suite du pourvoi, soit du ministère public, soii du condamné. »

M. Coomans. - Le rapport entre les temps exige qu'au dernier alinéa l'on dise : « Cette disposition s'étend au cas où la peine a été réduite » au lieu de « aurait été réduite. » Je propose de faire ce changement.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - J'adhère à cette proposition.

M. Coomans. - A cette occasion, je ferai remarquer que le projet du gouvernement parle toujours au futur, tandis que le projet de la commission qui a admis le présent comme règle générale parle tantôt au présent, tantôt au futur. Il faudrait une règle uniforme.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est impossible. Il y a des cas où le futur est indispensable.

M. Coomans. - Je le sais ; mais il y a des cas où l'on a mis le futur, et où l'on aurait pu mettre le présent qui est le temps que l'on a adopté.

M. Roussel, rapporteur. - Si l'honorable membre veut indiquer ces cas, nous nous empresserons de faire droit à son observation.

L'indicatif présent nous a paru préférable pour une loi pénale, parce qu'il est plus impératif. D'un autre côté, il y a des espèces où il serait impossible de s'en servir parce que le législateur ne se ferait plus comprendre.

- L'article est adopté avec la substitution proposée au dernier alinéa par M. Coomans du mot « a » au mot « aurait ».

Article 26

« Art. 26. La peine de mort, les travaux forcés à perpétuité ou à temps et la réclusion emportent pour le condamné destitution des titres, grades, fonctions, emplois et offices publics dont il est revêtu.

« La cour d'assises pourra prononcer également la destitution contre le condamné à la détention. »

M. Orts. - Si je demande la parole, ce n'est pas pour m'opposer à l'adoption de cet article, qui établit les conséquences que peut avoir la condamnation sur la position sociale du condamné, mais c'est pour faire une observation, et pour attirer sur cet objet l'attention de M. le ministre de la justice. Je veux parler de la nécessité de mettre plusieurs dispositions de nos lois d'accord avec les articles révisés du Code pénal.

Le Code pénal supprime la classification des peines infamantes. Je prierai M. le ministre de la justice, avant de mettre le Code pénal révisé a exécution, de songer à mettre en rapport avec cette disposition plusieurs dispositions du Code civil ; car il en est qui se rapportent à cette partie de la législation pénale, notamment celles qui admettent comme cause du divorce la condamnation du conjoint à une peine infamante. C'est nécessaire, pour ne pas laisser une période pendant laquelle ce droit ne pourrait être exercé.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'observation que vient de faire l'honorable M. Orts avait deja fixé mon attention. Il y aura, par suite de la révision du Code pénal, des modifications à apporter à certaines lois et, par exemple, à la loi communale qui prononce la déchéance du droit électoral par suite d'une condamnation à une certaine peine.

Je demande la suppression des mots « à perpétuité ou à temps », après les mots « travaux forcés ». C'est la conséquence d'un vote antérieur.

Je demande aussi la suppression du dernier alinéa portant : « La cour d'assises pourra prononcer la destitution contre le condamné à la détention. »

M. Roussel, rapporteur. - J'ai fait remarquer que, dans la commission législative, on avait été d'accord pour ne pas admettre la (page 61) destitution du condamné comme conséquence nécessaire de la détention. La raison est celle-ci : d'après le système du gouvernement, la détention part d'un an pour monter à un nombre d'années assez élevé ; de sorte qu'il pourrait arriver qu'un individu condamné à la détention d'une année encourût nécessairement la destitution.

Mais il se trouve que dans le système nouveau qui résultera de l'amendement proposé à l'article 25, la peine de la détention aura pour minimum 5 ans, de sorte que ce qui avait été jugé nécessaire par le projet du gouvernement, tel qu'il existait relativement à la détention, devra être changé, si l'on adopte l'amendement.

Il est certain que le dernier paragraphe de l'article 26 aura moins d'importance si la chambre admet l'amendement proposé à l'article 23, en ce qui concerne la détention. On pourrait laisser le deuxième paragraphe de l'article 26 en suspens et la commission régulariserait ce point.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - J'approuve le renvoi du deuxième paragraphe de l'article 26 de la commission.

- Le premier paragraphe de l'article 26, avec le retranchement des mots : « à perpétuité ou à temps », est adopté.

Le deuxième paragraphe est renvoyé à la commission.

Article 27

« Art. 27. Toute condamnation à la peine de mort emportera, du jour où elle sera devenue irrévocable, l'interdiction légale du condamné. »

- Adopté.

Article 28

« Art. 28. Les individus condamnés contradictoirement aux peines des travaux forcés à perpétuité et à temps et à la réclusion, sont en état d'interdiction légale pendant la durée de leur peine.

« Sont également placés à l'état d'interdiction légale, pendant la durée de leur peine, les condamnés à la détention par suite du concours de plusieurs crimes prévu par l'article 80. »

- Adopté, avec la suppression des mots : « à perpétuité ou à temps. »

Article 29

« Art. 29. L'interdiction légale enlève au condamné la capacité d'administrer ses biens et d'en disposer si ce n'est par testament.

« Elle est encourue du jour où la condamnation est devenue irrévocable. »

M. Lelièvre. - Il est entendu, je pense, que le mot « testament » n'est pas restrictif, et qu'il indique même une donation à cause de mort ; en conséquence, c'est uniquement une disposition entre-vifs ayant des effets immédiats qui est interdite, mais tout acte à cause de mort est compris sous l'expression générique « testament », et par conséquent, restera permis au condamné. J'ai proposé cette observation afin qu’il ne puisse rester aucun doute sur la portée de notre disposition.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Nous n'excluons que les dispositions entre-vifs ;

Cela est entendu ainsi.

- L'article 29 est adopté.

Article 30

« Art. 30. Il est nommé au condamné, en état d'interdiction légale, un tuteur et un subrogé tuteur pour gérer et administrer ses biens. Cette nomination a lieu dans les formes prescrites par le Code civil pour les nominations de tuteurs et de subrogés tuteurs aux interdits. »

- Adopté.

Article 31

« Art. 31. Lorsque l'interdiction a cessé, les biens du condamné sont remis et les comptes du tuteur sont rendus à qui il appartient, dans les formes déterminées par le Code civil. »

M. Roussel, rapporteur. - Je propose de substituer les mots « dans les formes déterminées par la loi », à ceux « déterminées par le Code civil », qui constituent une faute d'impression ou de copie.

M. Lelièvre. - Messieurs, je pense qu'il faut supprimer les mots : « formes déterminées par le Code civil », et se borner à dire : « dans les formes déterminées par la loi ». Cela est évident, lorsqu'on réfléchit que le Code civil ne détermine nullement les formes dans lesquelles les comptes doivent être rendus ; c'est le Code de procédure qui s'occupe des formalités qui doivent être observées en cette occurrence dans les articles 527 et suivants.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il est évident qu'il faudrait dire : « dans les formes déterminées par la loi » ; mais ces mots même sont inutiles, et j'en propose la suppression.

- L'article 31 est adopté avec cette suppression.

Article 32

« Art. 32. Pendant la durée de l'interdiction légale, il ne pourra être remis au condamné aucune somme, provision ou portion de ses revenus. »

- Adopté.

La suite de la discussion est remise à demain.

Motion d’ordre

M. de Liedekerke (pour une motion d'ordre). - Je demanderai si le nouveau traité avec les Pays-Bas et la Belgique ne nous sera pas bientôt envoyé à domicile ; il a déjà paru dans un journal qui prétend n'être pas ministériel et qui a été ici plus Moniteur que le Moniteur lui-même.

- La séance est levée à 4 heures et demie.