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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 19 novembre 1851

Séance du 19 novembre 1851

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1851-1852)

(Présidence de M. Delfosse.)

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1851-1852)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Ansiau procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

- La séance est ouverte.

M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Ansiau présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la chambre.

« Le sieur George Clermont présente des observations en faveur de la suppression des octrois communaux. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi relative à la suppression de quelques taxes communales.


« La chambre des avoués près le tribunal de première instance de Verviers présente des observations contre le projet de loi sur l'expropriation forcée. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Le sieur Raikem Romain transmet 101 exemplaires de ses considérations sur la question de la peine de mort et de la marque et demande que MM. les journalistes soient invités à publier le projet de loi de révision du Code pénal. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet, distribution aux membres et renvoi à la commission des pétitions.


« M. le ministre de l'intérieur adresse à la chambre 112 exemplaires d'un rapport sur d'anciens comptes des villes et châtellenies. »

- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.

Projet de loi ayant pour objet de rectifier les limites séparatives des communes de Glons, province de Liège, et de Roclenge sur Geer, province de Limbourg

Rapport de la commission

M. de Renesse. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission qui a été chargée d'examiner le projet de loi ayant pour objet de rectifier les limites séparatives de3 communes de Glons, province de Liège, et de Roclenge sur Geer, province de Limbourg.

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

Projet de loi sur l’expropriation forcée

Rapport de la commission

M. Lelièvre. - Je demande à être autorisé à faire imprimer le rapport de la commission chargée d'examiner le projet de loi concernant l'expropriation forcée qui sera censé déposé dès ce jour.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi révisant les livres I et II du Code pénal

Discussion des articles

Livre premier. Des infractions et de la répression en général

Chapitre II. Des peines
Section V. Des peines communes aux matières criminelle et correctionnelle
Article 42

M. le président. - La parole est continuée à M. A. Roussel sur l'article 42.

M. Roussel, rapporteur. - Messieurs, la chambre voudra bien se rappeler qu'à la fin de la séance d'hier, j'avais essayé d'établir une distinction fondamentale entre les peines proprement dites qui font l'objet du droit de grâce et les conséquences, les résultats des arrêts criminels, en ce qui concerne les incapacités dont le condamné est frappé. Je m'étais efforcé de démontrer cette différence et par la nature spéciale des faits et par les conséquences fâcheuses que leur confusion doit engendrer.

Il est évident que la peine est un fait matériel, tandis que les conséquences des arrêts, les incapacités sont des faits juridiques.

Dans son exécution la peine appartient au pouvoir exécutif ; au contraire, la condamnation est l'attribut du pouvoir judiciaire. Le droit de grâce, c'est-à-dire le droit de rémission ou de commutation de peine proprement dite peut tout sur la peine, mais il ne peut rien sur la condamnation, par conséquent il n'efface point les conséquences attachées à la condamnation.

Celle-ci n'est plus un fait à la disposition du pouvoir exécutif ; c'est un acte solennel qui procède d'un pouvoir souverain, du pouvoir judiciaire. Aux termes de notre Constitution, le pouvoir judiciaire est indépendant, il est placé à ce titre entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Quand elle s'exerce au moyen de la grâce, l'action du Roi n'atteint point les actes émanant d'un autre pouvoir, ni les conséquences de ces actes. La prérogative royale se borne à modifier ou à supprimer un fait matériel.

Deux sortes d'attributions bien distinctes sont accordées au Roi, quant aux peines et quant aux conséquences des condamnations.

Le premier de ces droits, basé sur la Constitution, c'est la prérogative royale en ce qui concerne la rémission ou la commutation des peines.

Le second, qui n'a point été détruit, ne modifie pas la Constitution ; on le trouve consigné dans les articles 619 et suivants du Code d'instruction criminelle. Lorsque la Constitution a été faite, le Code d'instruction criminelle existait ; il était en plein exercice, en pleine vigueur.

Quoi de plus simple, si la Constitution avait voulu confondre le droit de rémission, le droit de grâce et le droit de réhabilitation, quoi de plus simple que d'écrire en même temps le droit de réhabilitation dans l'article 73 de notre loi fondamentale ?

Quoi de plus simple que de rédiger cette disposition de la manière suivante :

« Le Roi a le droit de remettre, de réduire les peines et de réhabiliter les condamnés. »

Pourquoi notre charte constitutionnelle ne s'est-elle point expliquée ainsi ? Par le motif tout simple que le droit de réhabilitation des condamnés était et devait rester soumis aux préliminaires, aux précautions déterminées par les articles 619 et suivants du Code d'instruction criminelle.

On voulait bien continuer à la majesté royale le droit de relever d'une incapacité le condamné à une peine que l'on appelait alors une peine afflictive ou infamante, mais on n'entendait pas abolir les mesures qui devaient éclairer la religion du Roi.

Les articles 619 et suivants du Code d'instruction criminelle ont été virtuellement conservés par la Constitution.

Il me semble, messieurs, que ce système est bon ; qu'il tient compte des nécessités juridiques, qu'il respecte tous les pouvoirs et toutes les attributions, qu'il se concilie avec toutes les dispositions constitutionnelles relatives à la prérogative royale.

Il reconnaît en même temps les suites inévitables de la séparation de l'ordre judiciaire et des autres pouvoirs de l'Etat ; il consacre, d'une manière formelle, le caractère imposant que doivent conserver les décisions judiciaires ; d'un autre côté, il établit un rapport parfait de la loi avec le système pénitencier que vous admettez.

Ce serait, d'après moi, une inconséquence grave de proclamer d'un côté la bonté du système pénitencier, c'est-à-dire de l'amélioration du condamné, et de permettre, sans nulle précaution, de relever immédiatement le condamné des incapacités qu'il a encourues par sa condamnation.

Aucune preuve n'existe, dans ce cas, d'une amélioration que pourtant, dans votre Code pénal, vous proclamez nécessaire pour restituer l'homme en entier dans les droits dont il a perdu l'exercice.

Je vais aborder maintenant les objections qu'on oppose à notre manière de voir.

On argumente d'abord d'une anomalie existant dans la loi actuelle.

Je pourrais répondre que puisqu'il ne s'agit point d'interpréter le Code pénal et le Code d'instruction criminelle actuels, l'argumentation tombe complètement à faux.

Nous verrons tout à l'heure que c'est bien à tort que l'honorable ministre de la justice prétendait hier que nous tombons dans l'inconséquence reprochée au système actuellement en vigueur. En attendant, constatons que le projet nouveau supprime la dégradation civique comme peine criminelle principale, que, par conséquent, ce reproche ne peut plus être adressé au projet nouveau.

Le rapport de la première commission, celui de la commission législative, les idées que le gouvernement a exprimées dans cette enceinte, prouvent que tous nous envisageons cette peine comme mauvaise.

Vous avez donc fait disparaître la grande interdiction criminelle, peine principale et qui pouvait faire l'objet du droit de grâce en vertu de la législation existante.Mais pour les peines criminelles graves le projet consacre les principes que j'ai eu l'honneur de développer tantôt, c'est-à-dire l'existence de conséquences attachées à la condamnation et sur lesquelles, à l'heure qu'il est, le Roi ne peut statuer autrement que dans les formes assignées à la réhabilitation.

L'objection que M. le ministre de la justice présentait hier n'a plus de base ; mais il en est une autre que nous devons examiner.

On nous dit : « Dans le projet de loi vous admettez le principe que les incapacités dont il s'agit sont le résultat de la condamnation et immédiatement les articles 43 et 44 du projet sanctionnent une déviation à ce même principe ; car l'interdiction, soit totale, soit partielle, des droits civils et politiques devient une pénalité prononcée par le juge. »

La loi nouvelle, quant aux incapacités résultant de la condamnation, consacrera le système suivant, à peine d'être infidèle aux règles du droit, si elle ne le fait pas. Elle distinguera les condamnations dont la gravité constatée doit, par une présomption légale, entraîner comme conséquence l'interdiction des droits civils, politiques et de famille.

C'est la première catégorie de condamnations. Il en est d'autres qui, moins graves, ne pourront entraîner une présomption générale. Ainsi, l'homme condamné à mort et qui parvient à obtenir sa grâce, n'en reste pas moins,par une présomption légale, destitué de la vie politique, juridique et de famille ; même principe pour les condamnés aux travaux forcés.

Ces condamnations impliquent l'indignité, l'incapacité absolue. Mais immédiatement après nous entrons dans une sphère de faits pour lesquels la présomption générale serait frappée au coin de l'injustice. Pour ces espèces force est de laisser au juge la faculté d'assigner soit totalement, soit partiellement cette incapacité, non plus à la condamnation, car elle ne peut résulter de la condamnation que par une présomption générale, mais de la rattacher alors à la peine elle-même.

C'es tainsi que nous nous sommes efforcé d'harmoniser le droit de grâce et le droit de réhabililation. Quand le droit de grâce est possible sans être accompagné des mesures mentionnées aux articles 619 et suivants du Code d'instruction criminelle, nous transformons l'interdiction en peine (page 72) prononcée par le juge. Nous voulons laisser à la prérogative royale toute latitude. Mais quand il s'agit d'une conséquence du jugement, conséquence nécessaire, et que vous ne pouvez pas empêcher d'exister, alors nous n'opérons point une transformation que la force des choses repousse.

Supposons, messieurs, que la loi se taise relativement à l'interdiction des droits civils, civiques et de famille en ce qui concerne le condamné à la peine de mort, supposons, un individu gracié ; croyez-vous que, dans le silence de la loi, cet homme conservera dans la société son état, qu'il jouira de la confiance publique ? Vous ne pouvez pas faire que l'Etat veuille bien l'adopter en lui laissant l'exercice des droits du Belge honnête homme, des facultés du citoyen. Vous voyez bien, messieurs, que la privation des droits civils et politiques n'est point dans la peine, mais qu'elle gît dans la condamnation.

Je ne veux pas, messieurs, que l'infamie résulte de la condamnation ; mais ce que je désire, c'est la sécurité commune, qui n'existe plus du moment où la condamnation grave peut disparaître tout d'un seul coup dans ses effets les plus importants.

Il y a, ne l'oublions point, deux natures de présomptions attachées à la condamnation : l'une générale, juris et de jure complète, et une autre qui ne dérive que du prononcé par le juge, en raison des circonstances particulières du crime ou du délit.

Nous ne pouvons pas écrire dans la loi que les condamnations aux travaux forcés à perpétuité, par'exemple, porteront interdiction des.droits civils, parce que ce serait supposer qu'une condamnation aux travaux forcés peut ne point entraîner cette interdiction, Lors même que le juge aurait oublié de la prononcer, cette interdiction résulterait de la condamnation elle-même.

Faut-il vous apporter la preuve que c'est bien ainsi que notre législation actuelle l'a entendu ? Prenons l'article 633 du Code d'instruction criminelle.

Nous y lisons :

« La réhabilitation fera cesser pour l'avenir dans la personne du condamné toute incapacité qui résultait de la condamnation. »

C'est bien ainsi que le Code a compris ces incapacités. Et quand notre honorable collègue M. Lelièvre nous disait hier : « Ces incapacités ne.sont qu'un accessoire de la peine et l'accessoire suit le principal, » je crois que notre honorable collègue exagérait encore un peu l'argumentation de l'honorable ministre de la justice et par conséquent lui imprimait un caractère plus prononcé de contradiction avec la loi existante et avec la force des choses.

En disant que l'incapacité résulte de la condamnation, elle proclame qu'elle n'est autre chose que la constatation d'un fait. Ce n'est pas le Code d'instruction criminelle qui a inventé cette manière de voir : elle existait dans les choses avant de passer dans le langage des lois.

Le Code pénal actuel (article 42) permet également d'interdire en partie de l'exercice des droits civils et politiques les condamnés correctionnels, par exemple ; mais alors le juge prononce cette interdiction comme peine accessoire, par exemple, en matière de calomnie et d'autres matières ; si le juge ne s'explique point à ce sujet, le condamné est conservé dans ses droits de citoyen, de père de famille, dans tous les droits qu'il exerçait auparavant.

Et l'on voudrait que la Constitution rédigée en présence des articles 619 et suivants, en donnant au pouvoir royal le droit de remettre et de réduire les peines, l'eût, par cela même investi du droit absolu de relever des incapacités qui résultent de condamnations, tandis que le Roi possède ce droit en vertu du Code d'instruction criminelle, mais avec l'accompagnement obligé de certaines formes garantissantes.

Et pour le dire en passant, il me semble que je défends ici la majesté royale, en défendant la thèse que je soutiens ; en effet, il est utile pour la majesté royale que les demandes en réhabilitation soient instruites, conformément aux dispositions salutaires du Code d'instruction criminelle ; la majesté royale ne peut que gagner à être éclairée avant de prononcer une réhabilitation. (Interruption.)

N'est-il pas évident, en effet, que la prérogative a le plus grand intérêt à ce que la réhabilitation ne soit accordée qu'après une instruction faite suivant les dispositions du Code, et avec l'intervention de la cour d'appel ; après que cette instruction, dis-je, est venue en quelque sorte constater l'amendement réel du condamné ?

Me permeltrez-vous, messieurs, de signaler une autre conséquence du système défendu par M. le ministre de la justice ? L'article 634 du Code d'instruction criminelle porte que nul condamné pour récidive ne peut être admis à la réhabilitation.

Que résulte-t-il de la théorie de M. le ministre de la justice ? C'est que si le droit du Roi, quant à la réhabilitation, est absolu, comme il l'est réellement pour la grâce, le Roi peut réhabiliter un homme qui a été condamné pour récidive. Et cependant il y a des siècles qu'il est de principe chez nous que le prince est le premier sujet des lois ; et je dois le déclarer à l'honneur du régime que nous possédons depuis 1831, cette maxime a toujours été fidèlement observée par le prince que nous avons le bonheur de voir à notre tête ; il a toujours prouvé par ses actes que le premier sujet des lois, c'est le Roi lui-même.

Eb bien, qu'arriverait il ? Que le condamné pour récidive pourrait être réhabilité nonobstant la disposition contraire du Code, car la Constitution est évidemment supérieure au Code d'instruction criminelle.

Le résultat le plus manifeste de cette théorie serait le bouleversement de tout notre système pénitentiaire ; toute l'économie pénale de notre Code nouveau disparaîtra. Ne confondons pas l'exercice miséricordieux du droit de grâce avec la réhabilitation.

Dans quel intérêt, d'ailleurs, le droit de grâce s'étendrait-il jusque-là ? Pourquoi renverser des dispositions sages et qui ont produit d'heureux effets ?

Après ces observations, que devient l'argument a fortiori présenté une fois par M1. le ministre de la justice, et une autre fois par l'honorable M. Lelièvre ?

Voici, messieurs, cet argument : le Roi peut rendre un criminel à la liberté, à plus forte raison peut-il le rendre à la vie civile et politique, ce qui est moins dangereux pour la société ; car, libre, ce criminel pourra commettre de nouveaux crimes.

Il y a là une confusion d'idées entre la liberté qui est de droit naturel, de droit humain, et la capacité civile et politique qui forme une espèce d'adoption de l'individu par la nation tout entière.

Je vais retourner l'argument et je dis : l'étranger jouit en Belgique d'une complète liberté ; il peut commettre des crimes. Pourquoi ne lui conférez-vous pas les droits civils et politiques ? Qui peut le plus peut le moins.

Le dilemme ne serait pas sérieux, parce qu'il s'agit de deux ordres d'idées distincts. La liberté de l'homme est un attribut qu'il tient de Dieu comme sa vie, qu'on ne lui enlève qu'à raison d'une pénalité matérielle ; mais la capacité, la confiance ont cessé d'exister du moment qu'il existe un arrêt établissant pour tous une présomption légitime de défiance à l'égard du condamné.

On ne peut raisonner ici du plus au moins, car les choses sont différentes.

En effet, vous pouvez espérer que les individus graciés ne commettront plus d'infraction grave ; mais êtes-vous bien sûrs qu'ils auront regagné le degré de probité et de considération nécessairespour exercer les droits que vous leur rendez ?

Quand il s'agit de capacité, l'on agit par prévention, l'on n'accorde la capacité qu'à ceux qui la méritent ; on la refuse à ceux contre lesquels s'élève un soupçon, une vraisemblance.

Quelle présomption plus grave qu'une condamnation aux travaux forcés à perpétuité ou à temps ? Je trouve bien insuffisantes les précautions dont le Code d'instruction criminelle a entouré la réhabilitation, mais je crois que, tout insuffisantes qu'elles soient, elles sont encore trop précieuses pour en faire aussi bon marché. Toute cette matière tient aux racines les plus profondes de l'ordre social ; y toucher, c'est compromettre l'avenir de la société et même l'avenir du droit civil.

Ne vaut-il pas mieux maintenir les principes consacrés par le temps et dont les bons effets ont été constatés jusqu'à ce jour, que de s'aventurer dans une carrière nouvelle ? Je ne connais pas de précédent d’une réhabilitation faite autrement que dans les formes prescrites par le Code d'instruction criminelle. C'est un fâcheux présage pour la théorie nouvelle que l'on veut consacrer.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je commencerai par répondre aux derniers mots que vient de prononcer l'honorable rapporteur de la commission. A l'en croire, il s'agirait d'inscrire dans notre législation une doctrine tout à fait nouvelle. Il n'ignore pas cependant que la doctrine que je soutiens est enseignée dans nos universités et a pour elle l'autorité des grands jurisconsultes.

Je sais que l'honorable rapporteur peut invoquer aussi des autorités à l'appui de la doctrine qu'il défend ; on pourrait citer dix auteurs soutenant l'opinon que j'ai défendue et dix auteurs se prononçant en faveur de celle que l'honorable rapporteur soutient.

Nous ne devons pas nous placer au point de vue de l'interprétation des codes actuels, mais bien au point de vue de la loi à faire. Nous ne sommes pas jurisconsultes, nous sommes législateurs.

Les arguments de l'honorable rapporteur ne m'ont pas fait changer d'opinion ; je demeure convaincu que la logique, les principes veulent que mon système soit consacré par la loi.

L'honorable membre a dit que j'avais cru devoir faire intervenir le droit de grâce. Mais c'est toute la question. Je ne puis pas traiter une question sans en parler ; c'est un talent que je n'ai pas.

La première commission s'est servi du mot « porteront » pour mettre fin à la discussion soulevée entre les auteurs.

Si le Roi peut remettre la peine principale, il peut remettre la peine moindre : voilà quelle était la pensée de la première commission. La commission de la chambre, qu'a-t-elle fait pour empêcher que le droit de grâce intervienne, elle a substitué au mot « porteront », le mot « emporteront » en y attachant le sens que l'honorable M. Roussel lui a donné.

Maintenant voyons quels sont les droits que l'article 73 de la Constitution accorde au Roi. Il est dit à cet article que le roi peut faire remise des peines prononcées par le juge. C'est cet article qui donne lieu à deux équivoques, à deux subtilités, et c'est sur ces équivoques, sur ces deux subtilités que répose tout le système défendu par l'honorable M. Roussel.

Le Roi peut faire remise de la peine prononcée par le juge. Quel est le sens de cet article ? Il veut dire que le Roi a le droit de remettre les peines qui sont le résultat d'une condamnation. Ce que l'on a voulu, dans cette disposition, c'est d'empêcher que le Roi ne puisse arrêter les poursuites. Si la rédaction avait été différente, on aurait pu croire que le Roi pouvait, avant le jugement, intervenir en faveur d'un condamné et le soustraire, de cette manière, au jugement ; c'est pour empêcher cela, que l'on a déclaré dans la loi que c'étaient les peines seules qui étaient le résultat d'une condamnation dont le Roi pouvait faire la remise.

(page 73) Voilà le véritable esprit de la Constitution, Et dire que le Roi ne peut accorder la remise des peines expressément mentionnées dans l'arrêt de condamnation, ce n'est qu'une équivoque, une subtilité, ce n'est pas autre chose.

Maintenant quelle est la première question à examiner ? C'est évidemment celle de savoir si l'interdiction de certains droits est ou n'est pas une peine.

Eh bien ! je prends notre ouvrage à tous, proposé par le gouvernement, voté par nous tous, et je lis à l'article 7 : « Les peines applicables aux infractions sont l'interdiction de certains droits politiques et civils. » Voilà ce qui se trouve dans le projet, dans la partie déjà votée et ce qui se trouve déjà tout au long dans le Code actuellement en vigueur.

J'y lis à l'article 8 : « Les peines infamantes sont la dégradation civique. » A l'article 9 « les peines en matière correctionnelle sont l'interdiction à temps de certains droits civils ou de familles. »

En présence de textes aussi clairs, aussi formels, viendra-t-on prétendre que ce n'est pas là une peine ? Je ne sais trop par quel raisonnement on le soutiendra. Voilà des textes positifs sur la nature, de l'interdiction en tout ou en partie des droits civils, politiques ou de famille et vous viendriez soutenir le contraire !

Ainsi donc c'est une peine, et il est impossible de contester que du moment où c'est une peine, le Roi en vertu de la Constitution, a le droit d'en faire la remise. Du moment où le Roi a le droit de faire remise, je dis qu'il serait inconstitutionnel d'admettre la disposition qui vous est proposée.

Pour repousser la disposition qui vous est présentée par le gouvernement il faudrait, au surplus, et à part l'inconstitutionnalité, de bonnes raisons.

Ces raisons existent-elles ? Il ne faut pas, je le répète, se placer au point de vue de ce qui existait, miis au point de vue de ce qui est à faire, de ce que veulent la logique et les principes.

Aujourd'hui, le Roi a le droit de faire grâce des peines principales ; serait-il logique de lui contester le droit de faire remise des peines moins graves ? C'est ce que je ne comprendrais pas.

Vous dites : Il y a là une différence. Il y a plus de danger à faire remise à un individu, de la peine d'interdiction de certains droits, du droit d'être témoin, d'être juré, électeur, que de le rendre à la liberté. Je ne puis admettre cela.

Il y a un immense danger à rendre la liberté à un individu qui peut-être a été condamné hier pour assassinat et il y a un danger beaucoup moindre à lui rendre la jouissance de certains droits. Vous contestez. Mais si le plus grand danger pour la société n'était pas de maintenir au condamné la jouissance de la liberté, si l'exercice des droits civils était la chose impossible, pourquoi la privation de la liberté est-elle la peine principale, et l'interdiction la peine secondaire, accessoire ?

Tout le discours de l'honorable M. Ad. Roussel ne repose que sur cette idée que la réintégration dans l'exercice de certains droits politiques est un danger social ; mais ce système ne soutient pas la discussion. Vous critiquez les articles 43 et 44 de la loi, et vous ne pouvez pas les critiquer parce qu'il ne dépend ni de moi ni de vous que ces articles soient dans la loi, ils y sont par la force des choses.

Eh bien, que portent ces articles ? L'honorable M. Roussîl prétendait hier qu'il y avait un danger immense, qu'il y avait quelque chose d'anormal, d'inouï, à permettre au roi de dire à un homme : Vous ne pouviez pas être témoin hier ; vous pouvez l'être demain.

Nous l'avons déjà dit, quelles seront les peines comminées dans presque tous les cas pour le Code que nous discutons en ce moment et quelles seront surtout les peines comminées contre les faits qui rendent l'homme indigne d'exercer les droits civils et politiques, ce sont les atteintes à la propriété, qui dénotent la cupidité, qui démontrent l'avilissement d'un homme ? Ce seront la peine des travaux forcés à temps, la peine de la réclusion. Eh bien ! dans l'article 43 vous déclarez que les tribunaux pourront prononcer cette peine et vous devez admettre que dès que les tribunaux ont prononcé cette peine le Roi a le droit d'en faire la remise.

Je ne sais si je rends mon raisonnememt assez clair pour la chambre, mais vous ne pouvez pas contester, je le répète, que dans le cas de l'article 43 le Roi aurait le droit de faire remise des peines.

Eh bien, l'article 43 énumère précisément les peines qui seront appliquées dans les trois quarts et demi des cas. Je ne puis pas admettre qu'alors que vous admettez que le Roi aura ce droit dans presque tous les cas, en vertu de l'article 43, il y ait ainsi grand danger de l'admettre dans les cas de l'article 42.

Ainsi sur cent crimes, il y en aura au moins 95 punis de peines qui permettront au Roi de faire remise de l'interdiction qui serait prononcée, et il y en aura cinq où vous ne permettrez pas l'exercice de ce droit. Et c'est là le danger que vous redoutez.

Or, ce serait précisément dans ces cinq cas que vous devriez admettre le droit de grâce, et je reprends ici le raisonnement que je faisais valoir hier et qui vous démontrera que le droit de grâce est plus nécessaire dans les cas où vous le déniez, que dans les cas où vous l'accordez.

En général pourquoi le droit de grâce doit-il intervenir ? Principalement et en général pour tempérer la rigueur des lois. C'est pour cela, en grande partie, que le droit de grâce doit intervenir. Lorsqu'il y a des règles fixes, générales, des règles faites pour différents cas et auxquelles le juge doit soumettre sa décision, le juge ne peut rien, ni quant à la nature de la peine, ni quant au quantum.

Eh bien, dans le cas de l'article 42, vous tracez la règle générale que les arrêts prononçant telle peine, porteront ou emporteront la perte de certains droits, règle générale que le juge devra suivre et que bien souvent il voudrait ne pas devoir appliquer ; et c'est précisément dans ce cas où le juge aura été forcé d'appliquer cette règle, qu'il lui a été impossible de se soustraire à l'empire de la loi ; c'est dans ce cas que la grâce est indispensable, tandis que vous donnez le droit de grâce, dans quels cas ? Précisément dans les cas où le juge est libre d'appliquer ou de ne pas appliquer la peine, où il peut user de son discernement, où il peut dire : Cet individu a commis tel ou tel fait, tel ou tel crime qui le rend indigne d'être jamais témoin, d'être jamais juré, je vais lui interdire l'exercice de certains droits ; et dans ce cas, le Roi en vertu de son droit de grâce, viendra réformer, viendra se substituer au juge qui a agi dans la pleine connaissance des faits de la cause.

Messieurs, ce que je vous dis est encore rendu plus sensible par l'article 44.

L'article 44 porte que les tribunaux correctionnels pourront interdires au condamné l'exercice de certains droits. Voilà encore une dégradation qui est prononcée par le jugement et dont le Roi pourra faire remise.

Eh bien, c'est évidemment en matière correctionnelle que ces condamnations seront prononcées le plus souvent, et en matière correctionnelle, vous ne voyez pas de danger de laisser le Roi exercer son droit.

Quand il y a 400 individus traduits devant la cour d'assises, mais il y a 24,000 individus traduits devant les tribunaux correctionnels. Et vous admettez que le Roi pourra faire remise de la peine, pourra dire à un individu qui aura été condamné pour abus de confiance, pour escroquerie, pour vol : On vous a privé du droit d'être juré, je vous restitue ce droit ; on vous a privé du droit d'entrer à la chambre, je vous restitue ce droit.

Vous admettez cela ; vous êtes forcés de l'admettre. et quand un individu aura été condamné à mort pour un crime commis peut-être contre l'intention même de celui qui aura porté un coup malheureux, à celui-ci le Roi ne pourra faire remise de la peine ? Evidemment votre système ne se justifie pas.

Messieurs, le dernier argument de l'honorable M. Roussel a rapport aux dispositions relatives à la réhabilitation. Mais ici je dois répéter ce que je disais tantôt, c'est qu'il ne s'agit pas pour nous de discuter la question au point de vue du Code pénal actuel, mais il s'agit de la discuter au point de vue de la loi à faire, il s'agit de mettre les différentes dispositions de cette loi à faire en rapport les unes avec les autres, en rapport avec ce qu'il est nécessaire de faire pour la société.

Mais la réhabilitation et la grâce, qui sont deux choses différentes, ont aussi leur utilité différente. La réhabilitation est en quelque sorte un droit. Je sais parfaitement bien que le Roi peut, après l'avis de la cour d'appel, refuser ; mais la réhabilitation peut avoir lieu alors même que le Roi ne veut pas statuer en vertu de son droit de grâce.

Ainsi, je suppose, comme le disait tantôt l'honorable rapporteur, que la religion du Roi ne soit pas suffisamment éclairée. Mais si la religion du Roi n'est pas suffisamment éclairée, il exigera qu'on suive les formalités voulues pour la réhabilitation ; et lorsqu'on aura suivi les formalités voulues, la réhabilitation sera accordée. Que si, au contraire, la religion du Roi est suffisamment éclairée sans ces formalités préalables, il restituera de son propre gré, de son propre mouvement.

Quant à la récidive, on nous a dit : Mais comment ! il est défendu de réhabiliter un individu qui aurait été condamné pour récidive, et vous voulez que le droit de grâce aille beaucoup plus loin que la loi elle-même ne veut que l'on aille.

Mais vous avez aujourd'hui ce même inconvénient. Vous admettez bien, vous devez admettre, et c'est ce dont vous ne vous tirerez pas, que lorsque, par exemple, en vertu de l'article 43 ou de l'article 44, un individu aura été condamné pour récidive, le Roi pourra lui faire remise de la peine prononcée.

Eh bien, là aussi, quoiqu'il y ait eu récidive, et quoique la loi dise qu'un individu ne peut être réhabilité s'il est condamné pour récidive, le droit de grâce peut cependant intervenir : cela est incontestable.

Or, du moment que vous êtes forcés d'admettre que dans une circonstance quelconque le Roi peut restituer certains droits, vous devez l'admettre à fortiori dans le cas où la loi prononce d'une manière générale, parce que le droit de grâce est précisément introduit pour tempérer ce que la loi a de trop absolu, pour tempérer la rigueur des peines que le juge lui-même n'a pas pu diminuer.

Messieurs, je crois avoir répondu à toutes les objections, les avoir rencontrées toutes. Je me résume en quelques mots.

Je répéterai pour la troisième fois, que la chambre doit se mettre en présence d'une législation à faire, et non se laisser entraînera une discussion d'école. C'est une législation qu'il s'agit de faire en présence de la Constitution et en présence des principes nouveaux dont nous vous proposons l'adoption.

D'après la Constitution, le Roi a le droit de faire grâce des peines. La privation de certains droits est elle une peine ? Vous l'avez déjà dit dans un article voté : c'est une peine. Donc la Constitution exige dès maintenant que le Roi ait le droit d'en faire remise.

(page 74) Maintenant je dis que du moment où l'on admet avec l’article 43 et l’article 44 qu’il y a des cas où la peine peut et doit être prononcée par le juge, et elle doit l'être parce que si vous la comminez toujours, sans laisser au juge le droit de faire des distinctions, votre loi serait trop sévère ; que si au contraire la peine dans certains cas n'était pas prononcée, votre loi serait trop indulgente et donnerait lieu à des inconvénients ; du moment où l'on dit : «la peine doit être prononcée, la remise en est possible, et du moment où la remise en est possible, elle est à fortiori nécessaire, indispensable dans le cas de l'article 42.

Je borne là pour le moment les développements de mon opinion.

M. Delehaye. - Messieurs, les opinions qui ont été émises dans la séance d'hier et dans celle d'aujourd'hui relativement aux effets du droit de grâce ont dû exercé nécessairement sur les esprits une grande impression. Comme on l’a fait parfaitement observer, il existe autant d’auteurs de l’opinion de l’honorable M. Roussel qu’il y en a de l’opinion de l’honorable ministre de la justice. Cependant qu’on me permette d’ajouter que chaque fois que la question s’est présentée en Belgique, les parquets ont presque toujours donné raison à l’honorable M. Roussel.

Il est à ma connaissance que les parquets ont été consultés et qu'ils ont déclaré que, lorsque la privation des droits civils et politiques est la conséquence de la peine, le droit de grâce ne peut pas l'atteindre, sous l'empire de la législation actuelle ; c'est aussi là, messieurs, l'opinion que je professe et en voici les motifs.

Lorsqu'un individu est condamné à une peine afïlictive et infamante, que fait le tribunal ? Le tribunal ne fait, en quelque sorte, que déclarer qu'un individu a commis le fait pour lequel il est condamné criminellement et que par conséquent cet individu devient, en quelque sorte, indigne. Il devient indigne par le fait même que la cour le déclare coupable.

Eh bien, messieurs, le droit de grâce peut bien rendre cet individu à la liberté, il peut bien l'arracher à l'échafaud, mais il ne peut pas le rétablir devant l’opinion publique dans l'état où il se trouvait avant son crime. Le droit de grâce ne peut pas faire que cet individu jouisse de nouveau de la plénitude de ses droits.

N’y a-t-il pas toujours dans l’opinion publique quelque chose de peu favorable à cet individu, quelque chose qui le repousse ? mais lorsqu’un individu a été condamné, il tombe dans un état d’infériorité ; le Roi, par l'usage du droit de grâce, peut bien lui remettre la peine qu'il a encourue, mais il ne peut pas lui rendre la grande confiance dont il jouissait avant d'avoir été condamné. C'est ainsi, par exemple, qu'un individu condamné criminellement ne peut plus déposer comme témoin en justice ; pourquoi ? Parce que ceux contre lesquels il vient déposer sont en droit de lui dire qu'ayant posé un fait grave, il ne peut plus inspirer au juge le même degré de confiance.

Je citerai un autre exemple qui, certainement, n'aura pas échappé à M. le ministre de la justice ; le failli est privé des droits civils ; eh bien, messieurs, a-t-on jamais prétendu que le failli pût recouvrer ses droits civils par l'action du droit de grâce ? Evidemment il ne peut recouvrer ses droits civils que par la réhabilitation.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est une affaire tout à fait à part.

M. Delehaye. - Je sais que c'est une affaire à part, mais cela prouve que l'interdiction échappe au droit de grâce, que l'interdiction n'est plus une peine aux yeux de la loi.

Je ne m'étendrai pas davantage, messieurs, sur cette question : elle a été trop bien traitée par M. le ministre de la justice et par l'honorable rapporteur. Mais je persiste à croire que sous l'empire de la législation qui nous régit actuellement le droit de grâce ne peut pas s'étendre à l'interdiction.

Permettez-moi, messieurs, de le dire, cette question n'a pas une portée bien grande, comme l'a parfaitement fait observer l'honorable ministre de la justice ; il y a quelque chose qui échappe à notre pouvoir, c'est de faire comprendre au pays que le même fait, produisant les mêmes effets, ayanl les mêmes causes, puisse tomber sous l'application du droit de grâce dans un cas, et ne pas tomber sous l'application de ce droit dans un autre cas ; mais nous avons le pouvoir de déclarer que désormais cette différence n'existera plus.

Et, en effet, messieurs, comme l’a dit l'honorable ministre de la justice, pourquoi ne déclareriez-vous pas qu'à l'avenir la privation des droits civils sera une peine et non plus un accessoire à une peine ? Lorsqu'un individu a commis un délit qui entraîne exclusivement l'interdiction comme peine, le Roi peut faire remise de cette peine ; pourquoi donc ne voulez-vous pas qu'il ait le même droit lorsqu'il s'agit d'un crime qui entraine l'interdiction comme accessoire de la peine ?

Je crois donc, messieurs, que la proposition faite par la commission, dont j'ai l'honneur de faire partie doit être modifiée, dans le sens de l'opinion de la première commission, et que le droit de grâce doit s'étendre à l'interdiction comme à toutes les peines.

En effet, messieurs, que faites-vous par le projet de loi ? Vous adoptez un système entièrement nouveau, vous adoptez le système cellulaire qui, dans l'opinion de ses défenseurs, doit nécessairement avoir pour effet d'amender les coupables et de prévenir les récidives.

Eh bien, pourquoi, dès lors, n'admettriez-vous pas que l'individu qui a été soumis à ce système, qui a subi sa peine, qui a donné des preuves de repentir sincère et d'amendement, pourquoi ne voudriez-vous pas que cet individu, lorsqu'il rentre dans la société, soit entièrement soustrait aux conséquences de sa condamnation ?

Pourquoi faut-il que cet homme, après s'être moralisé, après avoir donné tous les gages d'une bonne conduite future, vienne devant ses concitoyens chargé de la flétrissure que le jugement lui a imprimée et que la privation des droits civils continuerait à faire peser sur lui ?

Je crois, messieurs, que le système pénitentiaire ne peut produire de bons effets que s'il a pour conséquence d'effacer complètement la condamnation ; il faut que le condamné, lorsqu'il rentre dans la société, y rentre pur de toute espèce de souillure et que rien ne rappelle sa conduite primitive.

Si la société continue à se défier du condamné qui a subi sa peine, le système cellulaire n'a aucune portée ; ce système n'est admissible que s'il a pour conséquence la moralisation des condamnés.

Ainsi, messieurs, j'adopte l'opinion de M. le ministre de la justice et de la première commission, et je demande qu'à l'avenir la privation des droits civils soit dans tous les cas une véritable peine ; je demande que le Roi, dans la plénitude de son droit de grâce, puisse accorder remise de cette peine, non seulement quand elle est isolée, mais aussi quand elle est la conséquence d'une autre peine.

M. Lelièvre. - En maintenant le système qu'il propose, l'honorable M. Roussel perd de vue les modifications qu'a subies la législation actuelle d'après le projet tel qu'il est adopté par la commission.

Je concevrais le système de M. Roussel sous l’empire du Code pénal en vigueur qui ne plaçait pas l'interdiction perpétuelle des droits civils et politiques au nombre des peines établies par le Code. Cette interdiction pouvait n'être considérée que comme la conséquence de la condamnation, mais le projet a admis des principes entièrement différents. L'article 7 déclare formellement qu'au nombre des peines applicables aux infractions se trouve l'interdiction de certains droits politiques et civils.

L'article 11 est allé plus loin, il porte formellement que l'interdiction de certains droits politiques est civils est une peine commune aux matières criminelle et correctionnelle.

Donc l'interdiction des droits civils en matière criminelle est une peine ; par conséquent le système que je soutiens aujourd'hui est la conséquence nécessaire du vote de la chambre sur les articles 7 et 11, et nous serions en contradiction avec nous-mêmes si nous adoptions des principes entièrement opposés à ceux écrits dans ces dispositions. Si l'honorable M. Roussel avait voulu les faire prévaloir, il n'aurait pas dû proposer à la chambre l'adoption des articles qui ont été votés.

L'article 42 n'est que l’exéculion de l’article 11, et cela est si vrai qu'il se trouve sous la rubrique des peines communes aux matières criminelle et correctionnelle.

Or, la chambre serait en contradilion avec elle-même si, après avoir admis l'interdiction des droits civils comme une véritable peine, elle ne la considérait plus que comme une simple conséquence de la condamnation.

D'ailleurs, si cette interdiction est une peine, elle est nécessairement soumise aux règles qui régissent les peines en général. Dès qu'un principe est reconnu, il devient indispensable d'en appliquer toutes les conséquences. Il y aurait donc inconséquence à dénaturer le caractère de l'interdiction des droit civils si nettement fixé par l’article 11.

Du reste, messieurs, même sous l'empire du Code pénal, je pense que le Roi a le droit de faire remise de l'interdiction dont il s'agit. En effet, bien certainement dans le cas où la dégradation civique était prononcée comme peine principale, le droit de faire grâce rentrait dans la prérogative royale. Mais s'il en est ainsi lorsque l'interdiction constitue une peine principale, pourquoi en serait-il autrement lorsqu'elle ne constitue qu'une peine accessoire ?

La chambre ne perdra pas, du reste, de vue qu'il s'agit ici d'une nouvelle législation, et qu'il est impossible de se départir des principes que nous avons déposés dans l’article 11, dont celui en discussion n'est que l’exécution et la conséquence nécessaire.

M. Roussel, rapporteur. - Je ne rencontre jusqu'à présent dans cette discussion que des adversaires ; il semble que je ne doive trouver aucune espèce de soutien ; c'est le contraire de ce qui se rencontre dans la doctrine et dans la jurisprudence où mon opinion prévaut ; c'est là une consolation.

Vous ne me refuserez pas, j'espère, messieurs, cette autre consolatiou de répondre aux arguments qui viennent d'être produits, et surtout de commencer par l'honorable M. Lelièvre, qui, de tous mes contradicteurs, semble le plus pressé d'obtenir une réponse immédiate ; je me hâte donc de lui faire une réponse qui, j'espère, le satisfera.

L'honorable M. Lelièvre, reprenant un argument de M. le ministre de la justice, nous dit : « Comment ! Vous soutenez que l'interdiction des droits politiques, civils et de famille n'est pas une peine ? Mais qu'avez-vous donc fait dans l’articl 7 ? Dans l’article 7, vous avez inscrit au n°7° l'interdiction de certains dioits politiques et civils comme une peine. Que faites-vous dans l’article 11 ? Vous y dites que l’interdiction de certains droits politiques et civils, et le renvoi sous la surveillance spéciale de la police sont des peines communes aux matières criminelle et correctionnelle ; et vous soutenez maintenant que l'interdiction de certains droits politiques et civils n'est pas une peine ? »

Cela est pourtant bien simple. Comme, dans l’article 43 du projet, l’on avait établi l'interdiction de certains droits politiques et civils comme peine accessoire de la réclusion qui est une peine criminelle ; comme dans l’article 44, on avait également introduit une interdiction facultative de certains droits politiques et civils comme peine correctionnelle, il (page 75) était indispensable de mentionner dans l'article 7 cette interdiction, parce que l'article 7 détermine les peines applicables aux infractions d'une manière générale ; il était également indispensable de la mentionner dans l'article 11, parce que cet article concerne les peines communes aux matières criminelle et correctionnelle.

Mais de là à découvrir une contradiction entre ces dispositions et la disposition de l'article 42, qui statue que tous arrêts de condamnation à la peine de mort ou à celle des travaux forcés emporteront, pour les condamnés, l'interdiction à perpétuité de certains droits politiques et civils ; de là à découvrir une contradiction, dis-je, il y a bien loin.

Dans le projet, il existe une interdiction de droits civils et politiques qui est réellement une peine qu'il fallait conserver ; il y a en outre une interdiction de droits civils et politiques complète résultant de condamnations. Je l'ai déjà démontré, celle-là il fallait également la conserver.

Ces prémisses admises, n'est-il pas évident que l'on a pu à la fois écrire dans l'article 42 le mot « emporteront », et dans les articles 43 et 44 le mot « porteront » ; et dire dans l'article 11 que l'interdiction de certains droits politiques et civils, et le renvoi sous la surveillance spéciale de la police, sont des peines communes aux matières criminelles et correctionnelles, ranger enfin dans l'article 7 cette interdiction parmi les peines ?

Il n'y a pas l'ombre d'une contradiction. Ce n'est que la consécration de la doctrine que j'ai eu l'honneur d'exposer devant la chambre, et qui est la doctrine admise dans la législation actuelle, de l'aveu de l'honorable M. Delehaye.

Dans tous les temps, les peines perpétuelles ou criminelles temporaires ont entraîné comme conséquence de la condamnation seule, l'interdiction à perpétuité de l'exercice des droits politiques et civils dont l'homme peut se passer ; c'est à dire des droits qui ne sont pas des droits naturels.

Il devait en être ainsi, parce qu'on ne peut, dans ces matières, faire que ce qui est ne soit pas ; on ne peut faire qu'un homme, lorsqu'il ne s'est pas justifié, purgé, après avoir subi une condamnation fort grave, que cet homme rentre immédiatement dans la société avec sa considération antérieure et l'investiture de la confiance publique.

Et quelle confiance voulez-vous lui décerner sans autre purgation qu'un arrêté de grâce ? La confiance politique, la confiance de la loi que cet homme a violée.

La volonté du Roi est insuffisante pour relever un condamné de cette espèce. Il faut à ce condamné une expurgation, et le mode de cette expurgation, nous le trouvons dans la réhabilitation.

Que dit au contraire M. le ministre de la justice ? Parce que pour la peine de la réclusion qui est la dernière peine dans l'échelle criminelle et pour certaines peines correctionnelles, nous avons admis la possibilité pour le juge de prononcer l'interdiction totale ou partielle des droits dont il s'agit, M. le ministre nous dit : « Vous êtes inconséquent. » Cette inconséquence d'abord n'existe pas ; la réhabilitation ne s'applique qu'aux condamnations à des peines criminelles de la plus haute gravité ; quant à la peine de la réclusion, elle n'a pas cette gravité.

Lorsqu'un arrêté royal intervient, qui gracie cet homme condamné à la réclusion, selon moi, l'effet de cet arrêté peut être très favorable à l'individu qui est favorisé de la clémence royale ; cet homme n'a été condamné qu'à une peine inférieure pour un fait qui n'emporte pas l'idée d'une perversité égale à celle du condamné aux travaux forcés à perpétuité ou à temps. Nous concevons que l'on dispense le droit de grâce des préliminaires de la réhabilitation ; mais les arguments de M. le ministre de la justice seraient de nature à étendre la réhabilitation plutôt qu'à la restreindre, par conséquent à défendre mon opinion plutôt qu'à la combattre.

En définitive, l'argument de M. le ministre de la justice prouve-t-il qu'en ce qui concerne les grandes peines criminelles, les préliminaires de la réhabilitation ne soient pas indispensables ?

Prenons un exemple :

L'homme condamné pour banqueroute frauduleuse à une peine afflictive et infamante, s'il est gracié, sera-t-il réhabilité dans l'opinion publique ? Mais qu'il soit condamné pour banqueroute simple et que le Roi le gracie, l'effet de l'arrêté de grâce est tout différent. C'est dans la distinction que j'ai établie et qui est fondée sur la nature des choses, que se trouve la justification du projet sur ce point.

D'après le projet de la première commission, les incapacités devront être insérées dans chaque arrêt. On nous dit que la peine des travaux forcés sera très rarement prononcée et la mort plus rarement encore et l'on graciera quelquefois.

D'après la doctrine nouvelle, l'arrêté de grâce qui libérera un condamné de la peine matérielle portée par l'arrêt, le libérera également de l'interdiction, car celle-ci ne sera plus la conséquence de la condamnation ; elle se trouvera dans le dispositif de l'arrêt avec la nature de peine.

Moins vous appliquerez cette peine, plus les cas auxquels elle sera appliquée seront graves, plus vous devriez conserver des précautions lorsqu'il s'agit de relever des incapacités qui les suivent.

Vous rendrez plus rare l'application des peines les plus sévères, j'en suis satisfait. Mais j'en conclus que les faits auxquels on les appliquera seront d'autant plus attentatoires au droit.

En se plaçant au point de vue de l'avenir, voyons ce qu'il y aurait à faire.

Impossible d'admettre que la Constitution ayant été discutée en présence du Code d'instruction criminelle, l'on puisse abandonner les garanties que consacre l'article 619.

Le droit de grâce est exercé sans responsabilité, il ne repose pas sur des considérations sociales, mais sur une pensée de clémence et de miséricorde. Il n'est pour rien, il ne peut être pour rien dans la concession d'une réhabilitation, car cette réhabilitation ne peut dériver que de l'amélioration du condamné qui a subi sa peine. Sous ce rapport, la réhabilitation est le chapiteau d'un bon système pénitentiaire.

Les règles prescrites par le Code d'instruction criminelle pour la réhabilitation que je trouve imparfaites encore, nous ne pouvons les abroger implitement ; quelle nécessité y a-t-il, je vous le demande, d'accorder au Roi le droit de grâce absolu pour des incapacités dont on peut se faire relever en remplissant les formalités tutélaires du Code d'instruction criminelle ? Pourquoi deux attributions différentes pour un même résultat conférées à la même personne ? Pourquoi, lorsque deux voies se présentent, l'une salutaire, l'autre arbitraire, pourquoi, dis-je, choisir la seconde ?

Si la législature décrète que les arrêts porteront les incapacités dont les condamnés seront frappés, je me soumettrai avec toute la déférence qu'on doit à un texte émanant du corps législatif. Cependant ma raison se refusera toujours à admettre comme utile le changement qui aura été apporté à la législation existante. Il y a plus, s'il s'agissait de discuter les dispositions du Code d'instruction criminelle, j'insisterais pour renforcer les garanties dont il entoure la réhabilitation, comme complément du système pénitentiaire, à l'effet de ne rendre les droits civils et politiques qu'à ceux qui auront donné l'espoir fondé d'une vie désormais conforme à la loi.

Ce n'est pas tout : la réhabilitation peut avoir lieu, la grâce obtenue ou la peine subie. Le système que je combats suppose la grâce obtenue, qu'arrivera-t-il quand la peine n'aura pas été subie ? Le système pénitentiaire n'aura pas même été essayé sur le condamné ; il sera pourtant relevé de son incapacité.

Le Congrès national a voulu qu'on ne pût naturaliser un homme que par une loi.

Je n'en demande pas autant pour rendre l'exercice des droits politiques à un citoyen qui en est déchu par une condamnation, mais je demande qu'on prenne quelques garanties par les moyens indiqués dans le Code d'instruction criminelle. Je demande que ces garanties ne soient pas abandonnées. Au reste, il n'est point question ici de discuter le Code d'instruction criminelle, et pourtant c'est un article du Code pénal qui l'abrogerait implicitement.

M. Verhaegen. - La question qui s'agite en ce moment est grave au point de vue théorique, mais elle ne l'est pas quand on se place dans le système d'ensemble adopté par la commission.

Tous les arguments qu'a fait valoir, à la séance d'hier, l'honorable rapporteur me semblent en opposition formelle avec certaines dispositions du projet maintenues par la commission, et auxquelles ces arguments devraient s'appliquer avec tout autant de raisons.

Car s'il est vrai que les droits civils et politiques sont de telle nature que, dans aucun cas, on ne peut y toucher par une prérogative telle que celle du droit de grâce, les articles 43 et 44 doivent être conçus et appliqués dans le même sens que l'article 42.

J'aurais compris le système de la commission, si elle avait dit : La grâce peut effacer la peine, mettre de côté une condamnation à une peine corporelle. Mais elle ne peut jamais effacer ce qui n'est que la conséquence d'une condamnation qui intéresse des tiers ou la société tout entière au point de vue civil ou politique.

J'aurais compris ce système ; mais alors la commission, pour être d'accord avec elle même, aurait dû l'appliquer dans le cas des articles 43 et 44 comme dans le cas de l'article 42.

L'honorable M. Lelièvre faisait, il n'y a qu'un moment, une objection assez sérieuse à l'honorable rapporteur : il invoquait les articles 7 et 11 pour démontrer que, dans le système de la commission, l'interdiction était une peine, puisque ces articles lui donnent spécialement cette qualification, et l'honorable rapporteur a cru répondre à cette objection en disant que ces articles 7 et 11 s'appliquaient uniquement aux articles 43 et 44, parce que là l'interdiction était prononcée par le juge, et qu'ainsi elle avait nécessairement le caractère de peine.

L'honorable M. Lelièvre, qui vient de demander la parole, répliquera sans doute à l'honorable rapporteur par l'intitulé de la section V. En effet cet intitule porte : « Des peines communes aux matières criminelle et correctionnelle » Ainsi toutes les dispositions qui vont se trouver dans cette section sont considérées comme communes aux matières criminelles et correctionnelles et dès lors, l'objection première de l'honorable M. Lelièvre conserve toute sa force, car, d'après l'intitulé de la section la définition des peines, dans les articles 7 et 11 s'applique nécessairement à l'article 42 comme aux articles 43 et 44.

Maintenant l'honorable rapporteur vous a dit, et avec raison, que dans le système de la commission, beaucoup de peines graves seraient remplacées par des peines moins fortes, que les travaux forcés à perpétuité seraient remplacées par les travaux forcés à temps et par la réclusion, et que ce qu'il appelle les grandes peines seraient extrêmement rares.

Mais de cette observation, il faut tirer précisément la conséquence inverse de celle qu'il en a tirée. Puisque, dans des cas que l'on peut considérer comme graves, on ne prononcera plus que des peines inférieures aux travaux forcés à perpétuité, pourquoi donc admeltriez-vous, quant (page 78) au droit de grâce, pour ce cas-là, le système de la commission ? Voyez, messieurs, où vous conduirait un pareil système ! Un individu condamné comme escroc, comme voleur, comme banqueroutier frauduleux, comme faussaire, à une peine au-dessous de celle à laquelle vous attacheriez nécessairement l'interdiction des droits civils et politiques pourrait être condamné à cette interdiction et alors le droit de grâce pourrait tout effacer.

Mais quand il s'agirait d'un homme qui, dans un moment de colère aurait donné à son semblable un coup dont la suite aurait été la mort, celui-là serait à toujours privé des droils civils et politiques, et la grâce ne pourrait pas lui en restituer l'exercice !

Ce système n'est certes pas admissible. Il y a là une contradiction que je ne puis admettre.

Je disais tantôt que la question était grave, au point de vue théorique et quant à moi je ne me suis jamais dissimulé cette gravité. Mais du moment que l'honorable rapporteur fléchit sur le principe même, du moment qu'il admet que, dans certains cas (dans les sept huitièmes des cas), la grâce peut effacer l'interdiction des droits civils et politiques, je ne vois pas pourquoi nous ne l'admettrions pas pour le huitième restant.

Le système de la commission ne se coordonne pas. Il faudrait donc changer tout à fait son projet et admettre pour les articles 43 et 44 les mêmes conséquences que celles qu'il admet pour l'article 42.

Par ces motifs, et jusqu'à ce que la commission adopte un système unique et conforme aux principes qu'elle a développé, je donnerai la préférence au système du gouvernement.

M. Delehaye. - Je ne saurais partager l'opinion de notre honorable président, qui trouve que la commission n'aurait pas été, dans les divers articles du projet, conséquente avec les principes qu'elle soutient. La commission a voulu le maintien des principes qui régissent aujourd'hui la matière. Dans l'opinion d'un grand nombre de magistrats et d'auteurs qui ont écrit sur la matière, le droit de grâce pourrait s'exercer au sujet de la privation des droits civils quand elle est une condamnation principale. Mais il n'y a pas ouverture à l'exercice du droit de grâce, quand la privation des droits civils n'est qu'une peine accessoire.

L'honorable rapporteur n'a voulu qu'une seule chose : d'accord avec la commission, il a voulu perpétuer ce système, et il s'en est expliqué dans son rapport.

J'ai eu l'honneur de le dire, bien des fois, les parquets belges ont été consultés sur cette question, et il est à ma connaissance qu'ils se sont prononcés en ce sens.

Mais faut-il perpétuer ce système, l'introduire dans le code nouveau que vous êtes appelés à faire ? Cette nécessité ne m'est pas démontrée. L'honorable M. Roussel n'a donné aucune raison à l'appui de cette opinion. Il parle de la nécessité d'astreindre à remplir les formalités exigées pour l'obtention de la naturalisation ceux qui ont perdu leurs droits civils.

Mais l'honorable membre a-t-il donc perdu de vue que les Belges qui perdent leurs droits civils ne cessent pas d'être Belges ? Les Belges qui perdent leurs droits civils ne sont pas obligés, pour récupérer ces droits, de.se soumettre aux formalités voulues pour obtenir la naturalisation. Ils sont Belges ; ils jouissent de toutes les prérogatives des Belges, à l'exception de celles qui sont déterminées par la loi. Ainsi pas n'est besoin de les assimiler aux étrangers qui veulent obtenir la qualité de Belge.

Mais je dis que par respect pour la prérogative royale, pour ne pas limiter ce droit qui est un des plus beaux attributs de la couronne, il serait bon d'adopter le système que vient de préconiser l'honorable président de la chambre ; oui, il y aurait quelque chose d'inconséquent si, déclarant d'un côté que telle disposition est une peine, vous prétendiez d'un autre côté qu'elle n'en est pas une ; mais cette inconséquence, remarquez-le, dans le régime sous lequel nous vivons aujourd'hui, est la conséquence de l'interprétation donnée à la loi. Tous ceux qui ont examiné la loi en principe ont admis qu'il y avait là une grande différence dont il fallait tenir compte, et c'est cette différence que l'honorable rapporteur a voulu maintenir.

Messieurs, ce n'est pas seulement parce que vous déclarez que la privation de certains droils est une peine, que je veux que le Roi ait le droit d'en faire remise. Le motif principal qui me fait adopter cette opinion c'est que vous adoptez un principe nouveau, c'est que votre système pénitentier est différent, c'est que vous admettez un système qui doit avoir pour conséquence l'amendement du condamné. C'est pour cela que je veux que dans tous les cas la privation des droits civils soit envisagée comme une peine sur laquelle doit s'étendre le droit de grâce.

- La discussion est close.

M. le président. - Trois amendements sont proposés à l'article 42, d'abord l'amendement de M. le ministre de la justice, tendant à remplacer le mot « emporteront », par le mot « porteront. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je proposerai un autre amendement de rédaction. Je propose de dire au paragraphe premier : « tous arrêts de condamnation à la peine de mort ou à celle des travaux forcés porteront pour les condamnés l'interdiction à perpétuité du droit :

« l° (…) »

Je supprime les mots : « politiques et civils suivants. »

M. le président. - Je mets d'abord aux voix l'amendement le plus important, celui qui tend à substituer le mot « porteront » au mot « emporteront. »

L'appel nominal est demandé.

64 membres y répondent.

46 votent pour l'amendement.

17 votent contre,

1 (M. de Haerne) s'abstient.

En conséquence l'amendement est adopté.

Ont voté l'adoption :MM. Moreau, Moxhon, Osy, Peers, Rousselle (Charles), Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cleemputte, Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Iseghem, Vermeire, Veydt, Visart, Allard, Ansiau, Bruneau, Cans, Dautrebande, de Baillet (Hyacinthe), de Decker, de Denterghem, Delehaye, Delfosse, Deliége, de Meester, de Perceval, de Pitteurs, De Pouhon, Dequesne, de Royer, Desoer, de Steenhault, Devaux, Jouret, Lange, Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Manilius, Mascart, Mercier et Verhaegen.

Ont voté le rejet : MM. Orban, Orts, Prévinaire, Rodenbach, Roussel (A.), Thibaut, Vanden Branden de Reeth, Clep, Cools, Coomans, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Renesse, de T'Serclaes, Jacques, Julliot et Malou.

M. le président. - Le membre qui s'est abstenu est invité à en faire connaître les motifs.

M. de Haerne. - N'ayant pu assister à une partie de la discussion, je n'étais pas suffisamment éclairé.

- La suppression des mots : « politiques et civils suivants », proposée par M. le ministre de la justice est adoptée.

M. le président. - Nous avons maintenant l'amendement de M. Lelièvre :

M. Lelièvre. - Je propose de rédiger le n°3° de l'article 42 en ces termes :

« De faire partie d'aucun conseil de famille, d'être appelé aux fonctions de tuteur, subrogé tuteur ou curateur, si ce n'est de ses enfants et sur l'avis conforme du conseil de famille, comme aussi de remplir les fonctions de conseil judiciaire ou d'administrateur provisoire. »

- Cet amendement est mis aux voix et adopté.

La chambre adopte également l'addition, dans le n°7°, du mot « d'instruction », après ceux de : « établissement quelconque », addition qui a été proposée par M. A. Roussel, rapporteur.

L'article est ensuite adopté dans son ensemble.

- La séance est levée à 4 heures et demie.