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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 3 mars 1852

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1851-1852)

(Présidence de M. Delehaye, vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 719) M. Vermeire procède à l'appel nominal à 2 heures et demie.

La séance est ouverte.

M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Rapport sur une pétition

M. Vermeire, au nom de la commission des pétitions, présente un rapport sur une pétition de plusieurs industriels et ouvriers typographes, contenant des observations sur la réimpression, en Belgique, d'ouvrages et de livres étrangers.

- Les conclusions de ce rapport, tendant au renvoi de la pétition à MM. les ministres des affaires étrangères et de l'intérieur, sont mises aux voix et adoptées.

Projet de loi sur le code forestier

Discussion des articles

Titre XI. De la procédure en matière de délits commis dans les bois soumis au régime forestier

Section I. De la poursuite des délits
Article 119

« Art. 119. L'administration forestière est chargée des poursuites en réparation de tous délits et contraventions, commis dans les bois et forêts soumis au régime forestier, tant pour l'application des peines que pour les restitutions et dommages-intérêts qui en résultent.

« Les poursuites seront exercées par les agents forestiers, au nom de l'administration forestière, sans préjudice du droit qui appartient au ministère public. »

- Adopté.

Article 120

« Art. 120. Les agents et gardes forestiers recherchent et constatent, jour par jour, par procès-verbaux, les délits et contraventions en matière forestière et de chasse, savoir : les agents dans toute l'étendue du territoire pour lequel ils sont commissionnés, et les gardes, dans l'arrondissement du tribunal près duquel ils sont assermentés.

M. David. - Il doit être bien entendu, je pense, que, quoiqu'il soit question ici de délits de chasse, ces délits ne seront pas censés être des délits forestiers, car il serait bien dur, me semble-t-il, de devoir démolir, d'après l'article 117, sa maison parce qu'on aurait tué une couple de lapins.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - On ne peut évidemment pas ranger les délits de chasse sous la dénomination de délits forestiers. La preuve en est dans l'article 120, qui parle des délits et contraventions en matière forestière et de chasse ; on se sert de deux expressions différentes. On ne pourrait pas faire tomber sous l’application de l'article 117 l'individu qui aurait commis un délit de chasse.

Du reste, le motif même n'existerait pas ; nous ne défendons pas de bâtir à une certaine distance des forêts dans la crainte qu'on y commette des délits de chasse ; car on peut aussi bien commettre un délit de cette nature que l'on demeure à une demi-lieue ou à 200 mètres de la forêt ; tandis qu'il y a bien plus de facilité de commettre un délit forestier, attendu qu'il est plus facile de le cacher.

- L'article 120 est mis aux voix et adopté.

Articles 121 à 123

« Art. 121. Les agents et gardes sont autorisés à saisir les bestiaux trouvés en délit, et les instruments, voitures et attelages du délinquant, et à les mettre en séquestre. Ils suivront les objets enlevés par le délinquant jusque dans les lieux où ils auront été transportés, et les mettront également en séquestre. Ils ne pourront néanmoins s'introduire dans les maisons, bâtiments, cours et enclos adjacents, si ce n'est en présence, soit du juge de paix, soit du bourgmestre. »

- Adopté.


« Art. 122. Les fonctionnaires dénommés en l'article précédent ne pourront se refuser à accompagner sur-le-champ les agents et gardes, lorsqu'ils en seront requis. Ils seront tenus, en outre, de signer le procès-verbal du séquestre ou de la perquisition faite en leur présence ; au cas de refus de leur part, l'employé forestier en fera mention dans son procès-verbal. »

- Adopté.


« Art. 123. Les agents et gardes arrêteront et conduiront devant le juge de paix, ou devant le bourgmestre, tout inconnu surpris en flagrant délit. »

- Adopté.

Article 124

« Art. 124. Tout étranger surpris en flagrant délit forestier sera arrêté et mis à la disposition du procureur du roi, jusqu'à ce qu'il ait élu domicile dans le royaume, que l'amende encourue ait été consignée entre les mains du receveur des domaines, ou que la rentrée en ait été assurée d'une autre manière. Si le tribunal n'est pas saisi de la cause dans la quinzaine, le prévenu sera mis en liberté.

« Lorsque le délit entraînera la peine d'emprisonnement, le prévenu restera soumis aux dispositions du Code d'instruction criminelle. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - D'après le projet du gouvernement, l'étranger surpris en flagrant délit peut être arrêté et mis à la disposition du procureur du roi. D'après le projet de la commission, l'étranger, dans le cas de flagrant délit, doit être arrêté et mis à la disposition du procureur du roi. Ce qui n'est que faculté pour les agents et les gardes forestiers, d'après le projet du gouvernement, devient obligation d'après le projet de la commission.

Je pense qu'il vaut mieux de maintenir le projet du gouvernement pour deux raisons.

D'abord, lorsque les gardes forestiers connaîtront les individus qui auront commis le délit et lorsque ces individus auront des propriétés suffisantes pour répondre de leurs délits, lorsqu'il se trouveront dans la nécessité de venir en Belgique et qu'il soit possible d'exécuter contre eux les peines qui seraient prononcées, il devient inutile de les arrêter, de les mettre à la disposition du procureur du roi.

D'un autre côté, il peut y avoir des dangers très graves à faire aux gardes forestiers une obligation de l'arrestation. On pousse aux rixes, aux luttes ; les individus peuvent résister, le garde forestier est obligé de faire usage de ses armes. Il y aurait un danger à maintenir l'obligation pour les gardes, dans tous les cas, d'opérer l'arrestation des individus, de les mettre à la disposition du procureur du roi. Je pense que la faculté donnée par l'article du projet du gouvernement serait suffisante.

M. Lelièvre. - Le système de M. le ministre doit évidemment être admis ; il est en effet trop rigoureux que l'arrestation soit obligatoire à l'égard de délits qui n'ont aucune espèce de gravité et qui ne sont punis que d'une légère amende. Il est préférable de ne rendre l'arrestation que facultative. Elle n'aura lieu que dans des cas graves, alors seulement qu'elle sera nécessaire ; nous ne pouvons sanctionner des arrestations sans motif grave et en faire une obligation aux gardes forestiers.

M. Delfosse. - J'ai voté, dans le sein de la commission, contre la modification qui rend l'arrestation obligatoire. Je crois, comme M. le ministre de la justice, qu'elle doit être facultative. Cependant, on laisserait le mot « forestier », ajouté par la commission.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Oui.

M. Delfosse. - M. le ministre de la justice accepte le mot « forestier », je suis donc d'accord avec lui.

Il y a encore quelques légers changements de rédaction ; il faut prendre la rédaction de la commission, seulement on dirait : « pourra être arrêté ».

- L'article est mis aux voix ; il est adopté.

Articles 125 à 130

« Art. 125. Les agents et les gardes de l'administration des forêts ont le droit de requérir directement la force publique pour la répression des délits et contraventions en matière forestière, ainsi que pour la recherche et la saisie des bois coupés en délit, vendus ou achetés en fraude. »

- Adopté.


« Art. 126. Les gardes signeront leurs procès-verbaux et les affirmeront, au plus tard, le lendemain de la clôture, par-devant le juge de paix du canton, ou par-devant le bourgmestre soit de la commune de leur résidence, soit de la commune où le délit a été commis ou constaté ; le tout sous peine de nullité.

« Si le procès-verbal n'est pas écrit de la main du garde, l'officier public qui en recevra l'affirmation devra lui en donner préalablement lecture et mentionner cette formalité dans l'acte d'affirmation, sous peine de nullité. »

- Adopté.


« Art. 127. Les procès-verbaux des agents forestiers ne seront point soumis à l'affirmation. »

- Adopté.


« Art. 128. Si le procès-verbal porte saisie, une expédition en sera déposée, dans les 24 heures, au greffe de la justice de paix, pour qu'il puisse être communiqué à ceux qui réclameraient les objets saisis. »

- Adopté.


« Art. 129. Les juges de paix pourront donner mainlevée provisoire de la saisie, à la charge du payement des frais de séquestre, et moyennant caution. En cas de contestation sur la solvabilité de la caution, il sera statué par le juge de paix. »

- Adopté.


« Art. 130. Si les bestiaux saisis ne sont pas réclamés dans les cinq jours qui suivront le séquestre, ou s'il n'est pas fourni caution, le juge de paix ordonnera la vente par adjudication au marché le plus voisin. Il y sera procédé à la diligence du receveur des domaines, qui la fera publier 24 heures d'avance.

« Les frais de séquestre et de vente seront taxés par le juge de paix et prélevés sur le produit ; le surplus restera déposé entre les mains du receveur des domaines, jusqu'à ce qu'il ait été statué en dernier ressort sur le procès-verbal.

« Si la réclamation n'a lieu qu'après la vente des bestiaux saisis, le propriétaire n'aura droit qu'a la restitution du produit net de la vente, tous frais déduits, dans le cas où cette restitution serait ordonnée par le jugement. Le receveur retiendra sur ce prix le montant des condamnations prononcées du chef du délit qui aura donne lieu à la saisie.

- Adopté.

Article 131

(page 720) « Art. 131. Toutes poursuites exercées au nom de l’administratinn des forêts, et à la requête de ses agents, sont portées devant les tribunaux correctionnels. »

M. Lelièvre. - Je propose l'adoption de la disposition additionnelle suivante :

« Cette disposition est applicable aux militaires prévenus de délits forestiers. »

Mon amendement se justifie facilement. Il est évident que pour que l'action de l'administralion forestière ne soit pas entravée, les militaires inculpés de délits forestiers doivent pouvoir être traduits devant les tribunaux ordinaires. L'administration forestière ne pourrait poursuivre les militaires devant les conseils de guerre qui, du reste, ne peuvent pas appliquer de peines pécuniaires et devant lesquels on n'admet pas de partie civile, comme l'a décidé la ci-devant haute cour militaire dans la célèbre affaire Chapelier et Huybrechts.

D'un autre côté la répression serait énervée si l'on ne pouvait traduire devant les tribunaux ordinaires les militaires prévenus de délits forestiers ; il s'agit ici de délits d'une nature toute spéciale et à l'égard desquels il convient, même à l'égard des militaires, d'adopter les règles du droit commun.

La loi de 1846 a, du reste, sanctionné ce principe à l'égard des délits de chasse, et les mêmes motifs justifient une disposition identique à l'égard des délits forestiers.

Si la chambre adopte mon amendement, il sera nécessaire de rendre par l'article 179 ou par un article nouveau cette disposition applicable aux bois des particuliers. Les conseils de guerre ne pourraient appliquer ni les amendes ni les restitutions. L'administration forestière ni même les particuliers ne pourraient intervenir devant eux pour réclamer la réparation des délits. Il est donc indispensable, dans la matière spéciale en question, de rendre les militaires justiciables des tribunaux ordinaires ; du reste, ce retour aux règles du droit commun est justifié par les considérations les plus puissantes et sauvegarde tous les intérêts. Ce renvoi est encore commandé par toute l'économie du projet.

Ce n;e sont pas en effet les conseils de guerre qui peuvent statuer sur les inscriptions en faux et les divers incidents particuliers à la matière dont il s'agit. La procédure militaire, telle qu'elle est organisée par la législation en vigueur, est incompatible avec la connaissance des délits prévus par la loi spéciale dont nous nous occupons.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je pense que l'article 131, tel qu'il est proposé par le gouvernement, rendait parfaitement inutile la proposition de M. Lelièvre. Je pense que la commission n'a retranché les derniers mots de l'article 131 que parce qu'elle les croyait inutiles ; elle ne songeait pas aux délits forestiers qui pourraient être commis par des militaires ; par conséquent, elle ne prévoyait pas l'amendement que vient de proposer M. Lelièvre. L'article du projet du gouvernement est ainsi conçu :

« Art. 131. Toutes les actions et poursuites exercées au nom de l'administration générale des forêts, et à la requête de ses agents, en réparation de délits ou contraventions en matière forestière, sont portées devant les tribunaux correctionnels, lesquels sont seuls compétents pour tn connaître. »

Il est évident que ces mots : « lesquels sont seuls compétents pour en connaître », excluent de la manière la plus précise et la plus formelle l'intervention des conseils de guerre dans le jugement des délits forestiers commis par des militaires.

M. Delfosse. - Il n'y a pas d'inconvénient à rétablir les mots que la commission n'avait supprimés que parce qu'elle les croyait inutiles. L'article disant que toutes poursuites exercées au nom de l'administration des forêts et à la requête de ses agents sont portées devant les tribunaux correctionnels, il en résulte, selon nous, que ces tribunaux sont seuls compétens pour en connaître. Mais si l'on a des doutes, si l'on croit, que, par suite de l'amendement de la commission, les tribunaux militaires deviendraient compétents dans le cas où les délits seraient commis par des militaires, il faut reprendre l'article du gouvernement.

M. Lelièvre. - Je vois avec plaisir que le principe de mon amendement est admis par M. le ministre. Je pense, en conséquence, qu'il convient d'adopter la rédaction du gouvernement ; les mots « tribunaux correctionnels, lesquels sont seuls compétents pour en connaître », seront votés en ce sens qu'ils excluent les tribunaux militaires. Toutefois, il serait bon d'ajouter : « à l'égard de toutes personnes » ; il s'agit ic d'écarter une juridiction établie par une loi spéciale, et la dérogation doit être expresse.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je crois qu'après les explications échangées l'on pourrait maintenir l'article 131 de la commission puisqu'il serait entendu que ces mots : « toutes poursuites » impliqueraient que les militaires qui se rendraient coupables de délits forestiers par dérogation, seraient également traduits devant les tribunaux correctionnels.

Cependant, s'il restait encore à l'honorable M. Lelièvre un doute quelconque, je ne ferais pas difficulté de reprendre le paragraphe du projet du gouvernement, tel qu'il était proposé primitivement, en ajoutant les mots : « lesquels sont seuls compétents pour en connaître. »

Le maintien de ce paragraphe indiquerait l'ordre d'idées dans lequel la disposition serait portée. Que les prévenus fussent militaires ou civils, ce serait toujours devant les tribunaux correctionnels que toutes les poursuites devraient être portées.

M. Lelièvre. - Comme M. le ministre de la justice et moi nous sommes d’accord sur le principe, il y a lieu à admettre l’article dans le sens admis par M. le ministre, c'est-à-dire avec exclusion de la compétence des tribunaux militaires ; mais j'etends bien qu'il en soit de même à l'égard des délits forestiers commis dans les bois des particuliers.

Il «si important que dans tous les délits prévus par la présente loi, la juridiction ordiraire soit admise sans réserve ; je désire que des explications du gouvernement ne laissent aucun doute sur la portée de la loi en ce sens.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je maintiens le projet, et je dois donner à l'honorable M. Lelièvre une explication. Le militaire, qui aura commis un délit dans les bois des particuliers sera justiciable des tribunaux qui connaissent de ces délits. Le militaire ne sera pas pou-suivi devant les tribunaux correctionnels, lorsqu'il s'agira d'un délit commis dans le bois d'un particulier. Ces délits tombent sous la juridiction du juge de paix. Il sera donc poursuivi devant le tribunal de simple police.

M. Lelièvre. - Ainsi il est entendu que la juridiction militaire est écartée d'une manière générale et ce pour les bois de l'Etat, comme pour ceux des communes, des établissements publics et des particuliers.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Quant aux délits forestiers.

M. Delfosse. - L'article 179 déclare plusieurs dispositions du Code forestier applicables aux délits commis dans les bois des particuliers. Mais l'article 131 n'y est pas mentionné. On ne pourrait donc argumenter de la disposition de l'article 131 pour prétendre que les tribunaux correctionnels devraient connaître de ces délits.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est ce que nous disons.

Le militaire, qui aura commis un délit dans un bois particulier, sera poursuivi, comme serait poursuivi un individu non militaire. S'il s'agit de délits qui tombent sous la juridiction des tribunaux de simple police, le militaire sera poursuivi devant cette juridiction, comme serait poursuivi l'individu n'appartenant pas à l'armée.

- L'article 131 est adopté.

Articles 132 et 133

« Art. 132. La citation doit, à peine de nullité, contenir la copie du procès-verbal et de l'acte d'affirmation. »

- Adopté.


« Art. 133. Les gardes pourront, dans les poursuites exercées au nom de l'administration forestière, faire toutes les citations et significations d'exploits, sans pouvoir procéder aux saisies-exécutions.

« Les rétributions seront taxées comme les actes faits par les huissiers. »

- Adopté.

Article 134

« Art. 134. Les agents forestiers ont le droit d'exposer l'affaire devant le tribunal, et sont entendus à l'appui de leurs conclusions. »

La commission propose la suppression de cet article.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je crois, puisque nous réunissons dans cette loi tout ce qui a trait au régime forestier, qu'il serait bon de maintenir cet article. Il est vrai que l'article 170 du Code d'instruction criminelle contient une disposition semblable. Mais cela n'empêche pas de le maintenir dans le Code forestier. Il arrive souvent que des dispositions des lois sont reproduites dans des lois : je crois qu'il convient que le Code forestier contienne cette disposition. J'ajouterai que le Code d'instruction criminelle est également applicable en France, et que cependant, on a jugé utile d'insérer cette disposition dans la loi qui constitue la législation forestière générale.

- L'article 134 est adopté.

Article 135

« Art. 135. Les délits ou contraventions en matière forestière seront prouvés, soit par procès-verbaux, soit par témoins réguliers et suffisants. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Cet article contient une erreur typographique, consistant en une transposition. Au lieu de « soit par proces-verbaux, soit par témoins réguliers et suffisants », il faut dire :« soit par procès-verbaux réguliers et suffisants, soit par témoins. »

- L'article 135 est adopté.

Article 136

« Art. 136. Les procès-verbaux, dressés et signés par deux agents ou gardes forestiers, font, s'ils sont réguliers, preuve, jusqu'à inscription de faux, des faits matériels relatifs aux délits et contraventions qu'ils constatent. »

- Adopté.

Article 137

« Art. 137. Les procès-verbaux réguliers, dressés par un seul agent ou garde, feront de même preuve jusqu'à inscription de faux, si le délit ou la contravention n'entraîne pas une condamnation de plus de 100 francs tant pour amende que pour dommages intérêts. Lorsque le délit est de nature à emporter une plus forte condamnation, ces procès-verbïux ne feront foi que jusqu'à preuve contraire. »

M. David. - J'ai l'honneur de déposer l'amendement suivant qui remplacerait l'article 137 et l'article 138 :

« Les procès-verbaux réguliers dressés par un seul agent ou garde, à charge d'un ou de divers individus, feront foi jusqu'à preuve contraire. »

Messieurs, on comprend jusqu’à un certain point que lorsque deux agents forestiers ou deux gardes forestiers sont réunis pour dresser et (page 721) signer un procès-verbal, ils soient crus jusqu'à inscription de faux. Mais je crois qu'il y a quelque chose d'exorbitant, de dangereux et d'injuste, d'accorder la même faveur à un procès-verbal qui n'est dressé que par un agent isolé ou par un garde isolé. Effectivement, c'est donner beaucoup trop de sécurité aux gardes forestiers, qui cependant, comme le commun des mortels, peuvent être, dans certains moments, guidés par de mauvaises passions.

Le gouvernement est déjà un adversaire excessivement redoutable sans que nous devions prendre des mesures exceptionnelles qui tendent réellement à empêcher toute défense de la part d'individus qui n'ont souvent même pas de quoi payer un avoué ou un avocat. Les formalités onéreuses et difficiles à remplir pour l'inscription en faux empêcheront, dans beaucoup de cas et presque toujours, l'inculpé de recourir à l'inscription en faux ; surtout que, comme il n'est question que de délits d'une très minime importance dans l'article que nous discutons, l'inculpé préférera bien souvent une condamnation, quoiqu'il soit innocent, que de recourir à ces formalités et d'engager un procès qui lui coûterait infiniment plus, s'il le gagnait même, que l'amende à laquelle il pourra être condamné.

Messieurs, pour les délits dans les bois particuliers, quoique les gardes de ces bois particuliers soient soumis au droit commun, on parvient toujours à la condamnation des délinquants. D'un autre côté, les gardes champêtres, les agents de police, les gendarmes, qui ont cependant des fonctions beaucoup plus délicates que des gardes forestiers, comme aussi les employés des douanes ne sout crus que jusqu'à preuve du contraire. Il faut faire rentrer l'agent forestier et le garde forestier, lorsqu'il dresse seul un procès-verbal, dans le droit commun. C'est ce que je demande par mon amendement.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, je ne puis me rallier à l'amendement de l'honorable M. David, qui consacre un principe nouveau, en opposition avec la législation actuellement existante, avec la législation en vigueur dans tous les autres pays.

L'honorable M. David propose de déclarer qu'à l'avenir les procès-verbaux ne feront plus foi que jusqu'à preuve contraire. Je crois qu'il y aurait un très grand danger à admettre ce système, à l'admettre au moins sans qu'il ait donné lieu à un examen très approfondi. Il y a, messieurs, une chose à remarquer ; c'est que si vous admettez le procès-verbal comme faisant foi jusqu'à preuve contraire, vous serez toujours dans le cas de voir établir la preuve contraire par ceux-là mêmes qui ont coopéré au délit. Tous ceux qui ont suivi les affaires forestières ont pu l'observer, ce n'est jamais que par les co-délinquants que cette preuve est apportée. Ce sont toujours des co-délinquants qui viennent attester soit un alibi, soit de l'inexactitude dans la manière dont les faits sont rapportés par le garde.

Le système suivi jusqu'à présent n'a jamais donné lieu à de graves inconvénients, jamais on n'est venu se plaindre de ce que des procès-verbaux auraient été contraires à la vérité ; mais on a vu très souvent la preuve contraire, ainsi que je disais tout à l'heure, faite par des individus qui avaient coopéré au délit.

Je pense donc, messieurs, qu'il n'y a pas lieu d'admettre un système nouveau, sans un très mûr examen ; tout au moins faudrait-il que l'amendement de M. David fût renvoyé à la commission.

M. Delehaye. - L'amendement est renvoyé à la commission.

Article 138

M. Delehaye. - Voici l'article 138 :

« Art. 138. Si un procès-verbal constate à la fois... »

M. David. - Puisque mon amendement est renvoyé à la commission, il faudrait tenir l'article 138 en suspens : l'article 138 parle de délits commis par divers individus, et je prévois ce cas dans mon amendement.

M. Lelièvre. - J'aurai l'honneur de faire observer à la chambre que l'amendement de l'honorable M. David a déjà été soumis à la commission qui l'a rejeté ; en conséquence, l'opinion de la commission étant connue, un second renvoi me semble inutile.

Au fond, messieurs, je pense qu'il faut maintenir l'article tel qu'il est proposé par le gouvernement.

Remarquez d'abord que depuis 1791 les procès-verbaux des gardes forestiers dans certaines limites font foi jusqu'à inscription de faux, et cette disposition n'a pas donné lieu à des inconvénients sérieux. Il n'y a donc aucun motif suffisant de s'écarter d'une prescription qui a pour elle une expérience de soixante et un ans.

Remarquez qu'il s'agit ici de délits de peu d'importance puisqu'ils n'entraînent, y compris les restitutions, qu'une pénalité de cent francs.

Eh bien, je pense qu'à cet égard il vaut mieux se référer aux gardes qui prêtent serment que d'abandonner le résultat aux incertitudes de la preuve testimoniale qui surtout de nos jours donne lieu à des inconvénients sérieux. On sait en effet que surtout dans les affaires de ce genre les faux témoignages se multiplient d'une manière effrayante.

Il faut admettre qu'en général les gardes sont intègres et dès lors il est préférable de maintenir la législation actuelle.

Du reste, on sait que les procès-verbaux ne font foi que des faits dont la garde a été témoin ; ils ne font pas fait à l'égard de simples opinions, par exemple, en ce qui concerne l'identité des bois soustraits ; il en est de même de l'opération du relocage ; eh bien, je ne vois pas un inconvénient notable à croire jusqu'à inscription de faix aux faits que le garde affirme avoir vus ; qu’on n’oublie pas qu’en matière de délits forestiers, il est souvent difficile de les reconnaître et sous ce rapport il ne faut pas être aussi rigide en matière de preuves légales. D'un autre côté pense-t-on qu'un garde s'exposerait légèrement à une inscription de faux ? Evidemment non.

N'oublions pas, messieurs, que déjà la loi de 1791 admet la foi due aux procès-verbaux jusqu'à inscription de faux lorsqu'il ne s'agit que les délits entraînant des pénalités d'une valeur inférieure à cent francs. Or, eu égard à la dépréciation de la valeur monétaire de notre époque respectivement à celle ayant cours en 1791, nous restreignons évidemment les dispositions de cette dernière loi ; en conséquence, nous sommes en réalité beaucoup moins sévères que le législateur de 1791.

En ce qui me concerne, je suis donc d'avis de maintenir l'article proposé par le gouvernement, et les peines que doit craindre un garde par suite d'une inscription de faux me semblent encore écarter toute crainte d'abus.

M. Delfosse. - M. le président avait prononcé le renvoi à la commission, demandé par M. le ministre ; il avait même commencé la lecture de l'article 138 lorsque M. David a fait remarquer que cet article devait aussi être tenu en suspens.

Il est vrai, comme le dit M. Lelièvre, que la commission s'est déjà prononcée ; mais elle n'était pas au complet ; et la résolution n'a été prise que par 3 voix contre 2, avec une abstention. Je pense donc qu'un nouvel examen peut être utile.

M. Delehaye. - Ainsi le renvoi à la commission est maintenu et l'article 138 est tenu en suspens.

Article 139 à 147

« Art. 139. Les procès-verbaux qui ne font point foi jusqu'à inscription de faux, peuvent être corroborés et combattus par toutes les preuves légales. »

- Adopté.


« Art. 140. Le prévenu qui voudra s'inscrire en faux contre le procès-verbal sera tenu d'en faire la déclaration au greffe du tribunal, avant l'audience indiquée par la citation.

« Cette déclaration sera faite et signée par le prévenu ou par son fondé de pouvoir spécial et authentique, et reçue par le greffier du tribunal : daas le cas où le comparant ne pourra signer, il en sera fait mention expresse.

« Au jour indiqué pour l'audience, le tribunal donnera acte de la déclaration et fixera un délai de trois jours au moins et de huit jours au plus, pendant lequel le prévenu fera au greffe le dépôt des moyens de faux, et des noms, qualités et demeures des témoins qu'il voudra faire entendre.

« A l'expiration de ce délai, et sans qu'il soit besoin d'une citation nouvelle, le tribunal admettra les moyens de faux, s'ils sont de nature à détruire les effets du procès-verbal, et il sera procédé sur le faux, conformément aux lois.

« Dans le cas contraire, ou faute par le prévenu d'avoir rempli les formalités ci-dessus prescrites, le tribunal déclarera qu'il n'y a lieu à admettre les moyens de faux, et ordonnera qu'il soit passé outre au jugement. »

- Adopté.


« Art. 141. Le prévenu, contre lequel aura été rendu un jugement par défaut frappé d'opposition, sera encore admissible à faire sa déclaration d'inscription de faux, pendant le délai qui lui est accordé par la loi pour se présenter à l'audience. »

- Adopté.


« Art. 142. Le procès-verbal rédigé contre plusieurs prévenus, dont un seulement s'inscrit en faux, continuera de faire foi à l’égard des autres, à moins que le fait sur lequel porte l'inscription de faux ne soit indivisible et commun aux autres prévenus. »

- Adopté.


« Art. 143. Si le prévenu excipe d'un droit de propriélé ou autre droit réel, le tribunal saisi de la plainte statuera sur l'incident en se conformant aux règles suivantes : l'exception préjudicielle ne sera admise qu'autant qu'elle soit fondée sur un titre apparent, ou sur des faits de possession précise personnels au prévenu. Les titres produits ou les faits articulés devront être de nature à ôter au fait qui sert de base aux poursuites tout caractère de délit ou de contravention.

« Dans le cas de renvoi à fins civiles, le jugement fixera un délai de deux mois au plus, dans lequel la partie qui aura élevé la question préjudicielle devra saisir le juge compétent et justifier de ses diligences : sinon, il sera passé outre au jugement.

« Toutefois, en cas de condamnation à l'emprisonnement, il sera sursis, pendant un nouveau délai de deux mois, à l'exécution de cette peine. Si, endéans ce délai, le prévenu justifie de ses diligences, le sursis sera continué jusqu'après la décision du fond.

« Les amendes, restitutions, dommages-intérêts et frais seront exigibles après la condamnation. Si la question préjudicielle est ultérieurement décidée en faveur du prévenu, les sommes qu'il aura payées seront restituées. »

- Adopté.


« Art. 144. Les agents peuvent, au nom de l'administration des forêts, interjeter appel et se pourvoir en cassation ; ils ne peuvent désister, sans autorisation spéciale.

« Le ministère public peut user du droit d'appel et de pourvoi, même (page 722) lorsque l’administratieon ou ses agents auraient acquiescé aux jugements et arrêts. »

- Adopté.


« Art. 145. Les actions en réparation de délits et contraventions en matière forestière se prescrivent par trois mois, à compter du jour où les délits et contraventions ont été constatés, lorsque les prévenus sont désignés dans les procès-verbaux. Dans le cas contraire, le délai de prescription est de six mois à compter du même jour. »

- Adopté.


« Art. 146. Les dispositions de l'article précédent ne sont point applicables aux contraventions, délits et malversations commis par des agents, préposés ou gardes de l'administration forestière, dans l'exercice de leurs fonctions. Les délais de prescription à leur egard seront ceux du Code d'instruction criminelle.

« Toutefois, l'action en dommages-intérêts portée devant les tribunaux correctionnels, contre des agents ou préposés, en vertu des articles 16 et 17, ne pourra plus être accueillie un an après que l'action publique sera éteinte par la prescription contre le délinquant lui-même. »

- Adopté.


« Art. 147. Les dispositions du Code d'instruction criminelle sont applicables à la poursuite des délits et contraventions spécifiés par la présente loi, sauf les modifications qui résultent du présent titre. »

- Adopté.

Section II. De l'exécution des jugements
Articles 148 à 150

« Art. 148. Les jugements rendus par défaut à la requête de l'administration forestière, ou sur la poursuite du ministère public, seront signifiés par simple extrait, qui contiendra le nom des parties et le dispositif.

« Cette signification fera courir les délais de l'opposition et de l'appel. »

- Adopté.


« Art. 149. Le recouvrement des amendes forestières est confié aux receveurs de l'enregistrement et des domaines.

« Ces receveurs sont également chargés du recouvrement des restitutions, frais et dommages-intérêts, résultant des jugements rendus pour délits et contraventions en matière forestière. »

- Adopté.


« Art. 150. Les jugements portant condamnation à des amendes, restitutions, dommages-intérêts et frais, seront exécutés comme en matière correctionnelle. »

- Adopté.

Articles 151 et 152

« Art. 151. Les condamnés contre lesquels la contrainte par corps aura été exercée, et qui justifieront de leur insolvabilité, suivant le mode prescrit par l'article 420 du Code d'instruction criminelle, seront mis en liberté après huit jours de détention, lorsque l'amende et les autres condamnations pécuniaires n'excéderont pas quinze francs.

« La détention durera 15 jours lorsque ces condamnations s'élèveront ensemble de 16 à 80 francs.

« Elle durera de 16 jours à deux mois, si les condamnations excèdent ces chiffres.

« En cas de récidive, la durée de l'emprisonnement sera double. L'emprisonnement libère des condamnations qui y ont donné lieu. »

M. Moncheur. - Il s'agit ici du système répressif des délits forestiers. J'ai proposé, par amendement à l'article 168, de donner aux tribunaux la faculté de condamner à l'emprisonnement les délinquants qui n’aurait pas payé l’amende dans un certain délai. Je crois que cet amendement s’appliquerait mieux à l’article 151 qu’à l’article 168 ; je propose donc de le discuter en même temps que l’article 151 ; et j’ai, en outre, une autre proposition à faire ; c'est de renvoyer l'article 151 ainsi que mon amendement à la commission, qui doit s'occuper de plusieurs questions relatives au système des pénalités. Je soumets cette double proposition à l'examen de la chambre.

M. Delfosse. - La commission s'est réunie pour examiner cet amendement, et, si je ne me trompe, elle a décidé, de commun accord avec l'honorable M. Moncheur, qu'on s'en rapporterait, sur ce point, au Code pénal révisé.

M. Moncheur. - La commission s'est réunie, en effet, pour examiner mon amendement ainsi que plusieurs autres. Il avait été convenu que l'article 52 du projet de Code pénal révisé, mais non encore promulgué pourrait remplacer mon amendement s'il était mis en vigueur ; mais il a été reconnu dans la commission que le but de mon amendement devait être atteint soit par cet article 52 du code pénal révisé, soit par une disposition spéciale. Si la promulgation du Code pénal révisé était très prochaine on pourrait se dispenser d'insérer une disposition identique à celle-là dans le Code forestier.

Mais comme cette promulgation se fera sans doute encore beaucoup attendre, je ne partage pas l’avis de la commission quant à l’opportunité de s’en référer à cette loi future qui n’est encore qu’un projet ; car il y aurait une lacune très grave dans notre législation forestière, et cette lacune aurait les plus déplorables résultats.

Je pense donc, et j'ai lieu de croire que M. le ministre de la justice est d'accord avec moi sur ce point, qu'il y aurait lieu de renvoyer l'article 151 et mon amendement à la commission.

Des observations très sérieuses ont également été faites dans une séance précédente par l'honorable M. Pirmez sur le système des pénalités ; il y aurait lieu, je pense, à faire droit, sous plusieurs rapports, à ces observations. La commission devant se réunir demain, elle pourra s'occuper de l'examen des diverses questions que soulèvent ces observations, ainsi que l'amendement que j'ai eu l'honneur de proposer.

M. Lelièvre. - Je pense qu'il est impossible de se référer tacitement au Code pénal, si l'on veut adopter le principe de l'amendement de l'honorable M. Moncheur. En effet, le Code pénal est la loi générale qui ne s'applique qu'aux délits ordinaires, et en conséquence la prescription ayant pour objet de substituer l'emprisonnement à l'amende doit, pour pouvoir être appliquée aux lois spéciales, être écrite formellement dans celles-ci. Nous rédigons ici un Code complet qui par conséquent doit contenir aussi un système complet ; les lois générales ne s'appliquent pas aux délits spéciaux régis par une disposition spéciale.

Si donc on prétend appliquer aux délits forestiers les dispositions du nouveau Code pénal revisé, il est essentiel qu'on se réfère à celui-ci d'une manière formelle par une disposition qui sera insérée dans la loi en discussion. Je ne puis donc partager l'avis émis dans le rapport delà commission qui considère comme inutile l'amendement de M. Moncheur.

M. Delfosse. - Je ne puis pas laisser passer sous silence l'observation que vient de présenter l'honorable M. Lelièvre : il est bien certain que, quand il est dit dans le Code pénal qu'à défaut de payement d'une amende, quelques jours de prison en tiendront lieu, cela doit s'appliquer à tous les cas où une amende est prononcée, même en vertu d'une loi spéciale. Du reste, je ne m'oppose pas au renvoi à la commission.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne vois pas du tout de difficulté à renvoyer les articles 151 et 153 à la commission ; elle doit s'assembler demain et pourra s'occuper de l'examen de ces dispositions. J'ai communiqué à l'honorable rapporteur de la commission une disposition nouvelle à introduire dans la loi ; demain nous devons nous réunir pour l'examiner.

Pas plus, du reste, que l'honorable M. Delfosse, je ne puis accepter la doctrine de l'honorable M. Lelièvre dans sa généralité. Il y a certainement des principes généraux inscrits dans le Code pénal qui sont applicables à toutes les matières ; et très souvent nos cours ont dit que le principe devait être considéré comme principe général et, par conséquent, régler même les matières spéciales.

Ainsi, dans toutes les matières spéciales où il n'y a pas de prescription particulière, on applique les principes généraux.

La commission aura à examiner demain s'il est nécessaire de l'inscrire maintenant dans la loi, ou s'il faut attendre qu'on ait introduit dans le Code pénal cette disposition, qui, alors deviendrait générale.

M. Delehaye. - Les articles 151 et 152 ainsi que l'amendement de M. Moncheur pourraient être renvoyés à la commission.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Rien ne s'oppose, je pense, à l'adoption de l'article 152.

M. Delehaye. - Pardon, M. Lelièvre y a proposé aussi un amendement.

- Le renvoi à la commission est ordonné.

Titre XII. Des peines et condamnations pour tous les bois et forêts en général

Article 153

« Art. 153. La coupe ou l'enlèvement d'arbres ayant deux décimètres de tour et au-dessus, donnera lieu à des amendes qui seront déterminées dans les proportions suivantes.

Les arbres sont divisés en trois classes :

La première classe comprend les chênes, châtaigniers, noyers, ormes, frênes et mélèzes.

La deuxième se compose des hêtres, charmes, érables, platanes, arbres résineux autres que le mélèze, tilleuls, peupliers, bouleaux, aliziers, cerisiers, merisiers et autres arbres fruitiers.

Et la troisième des trembles, aunes, saules, sorbiers et toutes autres espèces d'arbres.

Si les arbres de la première classe ont deux décimètres de tour, l'amende sera d'un franc par chaque décimètre. Elle s'accroîtra ensuite progressivement, savoir : de cinq centimes par chaque décimètre jusqu'à cinq décimètres inclusivement.

De dix centimes par chacun des cinq décimètres suivants : de quinze centimes par chaque décimètre, pour les arbres au-dessus d'un mètre jusqu'à quinze décimètres ;

Et pour les arbres au-dessus de quinze décimètres, de vingt centimes par chaque décimètre.

L'amende sera de la moitié des sommes fixées ci-dessus pour les arbres de la deuxième classe, et du quart pour ceux de la troisième classe.

Le tout conformément au tableau ci-annexé. (Ce tableau, repris à la page 723, n’est pas repris dans la présente version numérisée.)

La circonférence sera mesurée à un mètre du sol.

M. Pirmez. - (page 723) Messieurs, dans la séance d'avant-hier, en discutant un amendement de M. de Perceval, on a dit avec raison que si on voulait conserver des bois, il fallait donner à cette nature de propriété de la sécurité.

On a attribué aux bois dans les rapports et dans la discussion les influences les plus favorables sur la santé des habitants et sur la fertilité de la terre ; on a dépeint leur destruction comme la source des plus grandes calamités, et on a été jusqu'à écrire qu'elle était le précurseur de la décadence des nations.

Quoi qu'il en soit et à part ces diverses assertions qui peuvent être exagérées, je pense que chacun reconnaîtra qu'il est de l'intérêt du pays que le sol reste boisé, lorsqu'il produit ainsi une valeur plus considérable qu'en toute autre culture.

Il existe en Belgique une partie importante du sol dont le revenu a plus de valeur en bois qu'en tout autre produit ; telles sont les crêtes et les pentes rapides des montagnes que sous d'autres rapports on désire tant conserver ou voir boisées ; les bruyères et généralement les terrains d'une nature trop pauvre pour rémunérer le travail nécessaire à tout autre produit.

Même dans les contrées les plus peuplées, les terrains qu'on aurait intérêt à conserver ou à planter en bois sont très considérables.

Mais pour qu'ils ne soient pas défrichés ou qu'ils soient replantés en bois, il faut que les produits de ces terrains soient protégés par la loi comme les autres.

Il faut que la répression du vol de ce proluit de la terre ait quelque analogie avec la répression du vol des autres produits de la terre.

C'est une inconséquence de demander l'existence des bois sans cette protection. On sent bien que si certaines espèces des produits du sol sont fortement garanties à leur propriétaire et qu'une autre ne le soit que d'une manière dérisoire, le sol sera approprié aux produits garantis. Ce n'est que dans le cas d'impossibité complète qu'il en sera autrement.

Cette vérité devient toujours plus sensible par l'exemple, au fur et à mesure que l'industrie et la civilisation progressent et que la population augmente.

Que, dans les contrées désertes, cette vérité ne soit pas apparente, que dans le Luxembourg la différence entre la protection accordée aux produits des forêts et aux autres produits du sol ne soit pas une cause de défrichement, je le veux bien. Mais dans les contrées fort peuplées c'en est une très sensible, et qui doit naturellement avoir une grande influence sur le déboisement du pays.

Voyez comment vous réprimez le vol des autres produits du sol et comment vous réprimez le vol du bois ! Si la répression que vous donnez dans le Code que nous discutons était suffisante pour le vol du bois, la répression du vol des autres produits serait une véritable cruauté.

Mais d'après nos idées, dont le Code que nous discutons n'est que l'expression, le vol de bois ne semble pas être un outrage à la société, elle ne doit s'en occuper que fort peu. Les magistrats qu'elle commet pour faire réprimer les crimes et les délits agiront spontanément s'il s'agit du vol de toute autre denrée ou marchandise, mais on volerait toute la superficie d'une forêt qu'ils ne sont pas obligés d'agir ; cela ne regarde d'abord que le propriétaire. On dirait que c'est une affaire civile entre celui-ci et le voleur.

C'est déjà une défaveur que cette situation particulière et exceptionnelle, que des idées transmises d'âge en âge depuis des temps ou la destruction des forêts était chose utile ont faite à la propriété boisée. Dans les contrées que les progrès de l'industrie et de la civilisation ont couvertes d'une population nombreuse, cette situation exceptionnelle suffirait à elle seule pour faire disparaître en grande partie cette nature de propriété.

Chose étrange, ceux-là même qui, selon moi, poussent jusqu'à l'exagération leur amour de conservation des bois, qui nous menacent des plus grandes calamités si nous n'en arrêtons pas la destruction, n'ont pas vu que cette nature de propriété ne peut exister sans sécurité, pas plus que toute autre, et qu'ils auront beau mettre des entraves au défrichement des bois du gouvernement et des communes, ces entraves tomberont devant la nature des choses, qui ne veut pas qu'une propriété existe lorsqu'elle n'est pas suffisamment protégée par la loi.

Aussi longtemps qu'il sera dans les esprits qu'il est cent fois moins coupable, et par conséquent cent moins punissable de prendre à autrui une valeur quelconque en bois qu'en toute autre matière, vos prescriptions sur les défrichements n'auront aucun effet.

Le Code que nous discutons est encore tout dominé par ces idées. Quelle que soit la valeur du bois enlevé, les circonstances dans lesquelles cet enlèvement a eu lieu, vous remarquerez que soit dans le texte de la loi, soit dans les développements donnés pour l'appuyer qui contiennent pourtant des pages éloquentes, poétiques, même sur le danger de détruire les bois, le mot « vol » n'y est pas une seule fois prononcé. On dirait que l'action de prendre du bois à autrui est une espèce de spéculation dans laquelle il faut laisser beaucoup de chances favorables à qui veut la tenter.

On paraît pourtant tous d'accord que c'est de la sécurité que dépend l'existence des propriétés boisées ; l'honorable rapporteur l'a dit en citant les autorités les plus compétentes. C'est pour donner cette sécurité que nous faisons la loi actuelle, a-t-il ajouté. Examinons donc les dispositions qui répriment le vol, ce sont les principales de la loi, toutes celles sur lesquelles nous avons tant parlé depuis quinze jours sont de peu d'importance auprès de celles-là, car si le vol n'est pas réprimé, que sont vos autres dispositions ?

Les dispositions qui répriment le vol se trouvent principalement dans les articles 153 et 160. Ces deux articles traitent à peu près de toutes les espèces de bois qu'il est possible d'enlever. Le premier traite des arbres qui ont plus de 2 décimètres de tour, le second traite des bois qui ont une circonférence moindre.

J'ai déjà montré à l'occasion de l'article 73 qui, sauf le quadruple au lieu du triple du prix de vente (différence qui fortifie beaucoup mon argumentation), n'est que la reproduction à peu près littérale de l'article 9 du titre XVI de l'ordonnance de 1669 ; j'ai montré, dis-je, que le législateur de cette époque voulait punir le vol plus sévèrement qu'un fait qui pouvait provenir d'une négligence ou d'une erreur. J'ai montré que c'était aussi l'intention des rédacteurs du Code actuel, et que pourtant il arrivait que la peine appliquée au vol était moindre, et tellement que, parfois, elle n'en égalait pas la dixième partie.

Pour toute réponse, on m'a dit qu'on avait beaucoup augmenté la pénalité pécuniaire de 1669. Cette réponse n'amoindrit nullement l'évidente démonstration donnée par la combinaison des articles 73 et 153. Il faut voir si votre augmentation a la moindre rapport à la différence de la valeur du numéraire et du bois, différence à considérer, non pas seulement entre 1669 et 1852, mais même entre l'époque actuelle et (page 724) 1518. Car l'ordonnance de 1669 nous apprend, au titre XXXII, article 8, que les amendes au pied de tour ont été réglées selon la valeur et état des bois de l’année 1518, depuis laquelle ils sont beaucoup augmentés, dit l'ordonnance.

Si l'on veut bien réfléchir qu'alors la conquête du Pérou ni du Mexique n'avait pas encore eu lieu, on ne sera pas étonné des résultats incroyables que donnera aujourd'hui la tentative de combiner des dispositions comminant des amendes, les unes basées sur la valeur réelle du bois et les autres basées sur une quantité de bois estimée en numéraire à une pareille époque.

Je ne sais au juste dans quelle proportion le législateur de 1609 voulait punir. Pour nous, je vous ai déjà démontré, lors de la discussion de l'article 73, que maigre l'augmentation considérable de l'amende établie en numéraire par l'article 153 sur l'amende du pied de tour de 1669, l'amende de l'article 153 n'égalait pas parfois la cinquième partie de la valeur du bois volé.

Passons à l'article 160. Ici l'amende de 1669 en numéraire n'est pas augmentée. Si la charette servant à accomplir le vol est attelée d'un cheval, l'amende sera de huit francs ; elle était de quinze francs en 1669. La charge de la bête de somme est punie de quatre francs, comme en 1669.

On confisquait, en 1669, les instruments qui avaient servi au vol, les bêtes de somme, les voitures, etc., il n'en est rien aujourd'hui.

Voici le résumé de l'article 160 ; il nous apprend que l'on peut se rendre dans le terrain d'autrui avec une charrette attelée d'un cheval, y couper des arbres qui ont moins de deux décimètres de tour, les enlever, et qu'on risque pour une pareille opération de payer huit francs d'amende.

On peut faire une autre spéculation, en risquant 4 francs d'amende. C'est d'aller voler les arbres avec des bêtes de somme non attelées et les charger de bois ; cela coûte quatre francs pour chaque bête de somme.

Je n'ai parlé de l'ordonnance et de l'époque de 1669 que parce qu'elle est rappelée à chaque instant dans le rapport de la commission du gouvernement, et que c'est en se basant sur des valeurs et des quantités établies alors qu'on est tombé dans des inconséquences flagrantes. Laissons là cette époque et voyons comment le Code que nous discutons punit le vol aujourd'hui. En voici le résumé en deux mots.

S'agit-il de gros arbres, il en est que l'on peut voler moyennant une amende égale au cinquième de leur valeur. (Article 153.)

S'agit-il d'arbres qui n'ont pas deux décimètres de tour, on peut en couper et en charger une charrette moyennant huit francs, une bête de somme moyennant quatre francs d'amende. (Article 160.)

Et nulle part la prison n'est prononcée en cas de défaut de payement. Le voleur échappe probablement à toute peine s'il est insolvable.

Si l'on croit conserver l'existence des bois avec une pareille répression, c'est une erreur.

Esl-il une seule production du sol qui se trouverait en sûreté sous une pareille législation ?

Imaginez-vous ce que deviendraient tous les produits de la culture aons des contrées peuplées, si l'on pouvait avec bêtes de somme et voitures aller les enlever sous peine de 4 et de 8 francs d'amende !

Et le bois dans ces contrées n'a-t il pas une valeur et une valeur échangeable comme les autres produits ?

Il est beaucoup plus difficile à garder, il peut satisfaire des besoins depuis son plus jeune âge, dans toutes les époques de l'année, en hiver comme en été, et les autres produits de la terre, pour la plupart, n'ont de risque à courir que dans certaines saisons.

Si notre législation sur le vol des récoltes est nécessaire, comment peut-on s'imaginer que le sol puisse demeure boisé avec la sécurité que vous lui offrez ?

A moins que le Code que nous discutons ne contienne des combinaisons que je ne peux comprendre, il ne donne point de sécurité, il en ôte beaucoup. Dans les lois existantes il se trouve des dispositions qui peuvent intimider le voleur. Si le Code en contient, qu'on les indique, mais certes ce ne sont pas les article 153 et 160 qui traitent pourtant à peu près de tous les bois qu'on peut voler.

M. Lelièvre. - Le but de la loi est certainement d'assurer à la propriété boisée la protection qui lui est due. Or, pour arriver à ce résultat, il est impossible de se borner à comminer des amendes contre les délinquants qui souvent sont insolvables. Il me semble indispensable d'autoriser le juge à prononcer la peine d'emprisonnement.

Celui qui soustrait frauduleusement un objet insignifiant est frappé d'une peine corporelle. Celui qui soustrait quelques gerbes de grain sur pied peut également être puni d'emprisonnement ; et l'individu qui abat plusieurs arbres pour se les approprier, en est quitte pour une amende.

Le maraudage des fruits est puni de la prison, et ceux qui en réunion ou avec chariots enlèveraient des arbres même d'une grande valeur n'encourront qu'une peine pécuniaire ! Je vous avoueque nonobstant mon vif désir d'adoucir les peines, je ne puis concevoir pareil état de choses, les propriétés boisées méritent autant de faveur et de protection que les autres ; et sous ce rapport, je ne conçois pas comment on ne réprime pas avec une égale sévérité les atteintes qu'elles peuvent éprouver par suite de délits.

Ce que j'avance est d'autant plus incontestable que souvent les auteurs de ces faits délictueux sont des indigents qui ne sont pas à même d'acquitter les amendes ; or l'on sait avec combien de difficulté on se détermine à recourir à la contrainte par corps.

D'un autre côté, les amendes comminées par notre article ne s'élèvent pas même à une somme égale à la valeur des bois emportés. Il est donc vrai que le maintien de la disposition en discussion aurait pour conséquente de laisser les propriétés boisées sans protection, alors cependant que par leur nature et la facilité qu'ont les délinquants de les violer, elles exigent des dispositions munies d'une sanction spéciale. Je ne puis donc admettre l'article tel qu'il est formulé.

Les articles 153 et 160 sont relatifs à des faits qui, en réalité, constituent de véritables soustractions frauduleuses, Des délits de ce genre ne sont pas réprimés suffisamment par des amendes. La loi de 1791 sur la police rurale punit d'emprisonnement des faits qui sont moins graves que la soustraction d'un arbre ; et, par conséquent, se borner à comminer une amende contre ce dernier fait, c'est introduire dans la législation une anomalie intolérable. La juste proportion qui doit exister entre la peine et le délit et la nature du fait réprimé par les articles 135 et 160 du projet exigent nécessairement que l'on ne se contente pas de prononcer une peine pécuniaire contre les faits dont il s'agit qui sont des vols d'objets confies pour ainsi dire à la foi publique.

L'honorable M. Pirmez a démontré avec lucidité que si l'on maintient l'article 153 tel qu'il est formulé, l'article 73 présentera une anomalie ridicule. C'est ainsi que dans l'hypothèse du paragraphe second, prévoyant un cas plus grave que dans le paragraphe premier, le délinquant serait cependant frappé d'une peine moins sévère. Il n'est pas passible de maintenir cet état de choses, et tel est l'objet de mon amendement qui a pour but d'ajouter à l'article 153 la disposition suivante :

« Les délinquants pourront en outre être condamnés à un emprisonnement qui n'excédera pas six mois. En cas de récidive, cette peine pourra être portée au double. »

A l'article 160, je propose l'addition suivante :

« Les délinquants pourront en outre être condamnés à un emprisonnement qui n'excédera pas trois mois. En cas de récidive, cette peine pourra être portée au double. »

Comme on le voit, la peine d'emprisonnement sera facultative ; le juge la prononcera suivant les circonstances et selon qu'il jugera que l'amende n'esl pas suffisante pour la juste répression du fait. Cette proposition est de nature à satisfaire à toutes les exigences.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'amendement proposé par l'honorable M. Lelièvre se lie à l'amendement proposé par l'honorable M. Moncheur.

M. Lelièvre propose aujourd'hui de donner aux tribunaux l'autorisation de prononcer des peines d'emprisonnement dans tous les cas où ils croiront nécessaire d'appliquer la peine pécuniaire seule qui est prononcée par le projet que nous discutons.

L'honorable M. Moncheur propose de conférer aux tribunaux le droit de convertir l'amende en un emprisonnement en cas d'insolvabilité des condamnés.

Quant à moi, je me rallie plutôt à l'amendement de l'honorable M. Moncheur qu'à celui de l'honorable M. Lelièvre. Je crois qu'il ne faut pas prononcer la peine d'emprisonnement, si nous pouvous atteindre le délinquant par l'amende. Je crois que cette dernière peine suffira pour réprimer les délits forestiers.

Dans tous les cas, je crois que la peine d'emprisonnement ne pourra être exercée que contre des individus qui, à raison de leur indigence, échapperaient à la peine pécuniaire ; dans ce cas, il n'y aurait pas d'autre moyen de répression que la contrainte par corps : elle serait utile, et c'est pour cela que je demande le renvoi à la commission, s'il pouvait y avoir difficulté.

Je n'admets pas les critiques dirigées contre le projet par l'honorable M. Pirmez et par l'honorable M. Lelièvre. Ces honorables préopinants prennent certaines dispositions isolées du projet et s'occupent des amendes au point de vue de quelques localités où le bois est excessivement cher ; ils oublient qu'à côté de la peine, il y a toujours des restitutions prononcées.

Quand il s'agit de faire une législation forestière, il y a de très grandes difficultés, surtout pour un pays comme la Belgique où le bois coûte, selon les provinces, le double et le triple de ce qu'il coûte dans d'autres provinces. Ainsi, par exemple, l'honorable M. Pirmez ne pourra pas soutenir que le tarif, tel qu'il est fait, ne soit supérieur de beaucoup à la valeur des bois dans les provinces de Luxembourg, de Namur et de Liège, Le tarif, tel qu'il est fait, est de beaucoup supérieur au tarif de 1669. (Interruption.)

Vous prétendez que, d'après la législation que nous proposons, les forêts seront nécessairement dévastées ; que nous enlevons à la propriété boisée toute sécurité. Je dis que si les propriétés forestières devaient être dévastées, si le déboisement devait être la suite de cette législation, il n'y aurait pas de forêts sur pied aujourd'hui ; car quelles sont les amendes comminées par la législation de 1669 ? Ce sont, par exemple, pour un chêne qui aura trois mètres de circonférence, soit en diamètre de un mètre 36 fr. 89 c. Nous sommes encore au-dessus de la législation qu'on a suivie en France, et je ne sache pas que depuis 1827 on ait dévasté tous les bois en France, pas plus qu'en 1669.

On ne tient pas compte de ce qui existe. Je le répète, le tarif, tel qu'il existe, est de beaucoup supérieur à celui qui a été établi par l'ordonnance de 1069, de même qu'il est de beaucoup supérieur au tarif français de 1827.

Je concède qu'il y ait des parties du pays ou la valeur du bois est (page 725) supérieure à l’amende prononcée, mais on a voulu prendre en quelque sorte un moyen terme. J’ai communiqué à l’honorable rapporteur l’idée d’établir un minimum et un maximum, puisqu’il y a une très grande différence de valeur dans le bois, de laisser au juge la faculté d’élever le droit au double ou au triple de la valeur du bois.

Voilà une disposition qu'il sera peut-être possible d'introduire et que nous discuterons demain.

Maintenant le projet ne mérite pas toutes les critiques auxquelles l'honorable M. Pirmez a bien voulu se livrer. Il n'a pas tenu compte de toutes les dispositions, notamment de l'article 137 qui porte qu'indépendamment de l'amende, il y aura toujours lieu à des restitutions qui devront être au moins égales a l'amende comminée.

L'honorable membre a dit qu'il y aurait une bonne spéculation à faire, car pour 8 francs on pourrait abattre des arbres et en emporter une charretée, pour 4 fr. emporter la charge d'une bête de somme.

L'honorable membre aurait dû lire le dernier paragraphe de l’article 16, il aurait vu que quand il s'agira d'abattre des arbres semés ou plantés ayant moins de 2 décimètres de tour, l'amende sera triple. L'amende de 8 fr. ne sera commuée que pour l'enlèvement d'essences telles que coudriers, saules qui ne deviennent pas arbres.

Je doute que l'honorable M. Piimez veuille prendre livraison d'une charretée de ce bois au prix de 8 fr. Il ferait une mauvaise spéculation s'il prenait des fagots au prix établi par l'administration forestière, de 1 fr. 50 c, quand ils ne valent pas 10 centimes.

Il ne faut pas confondre l'enlèvement du bois dans les forêts avec le maraudage ; je ne veux pas dire qu'au point de vue philosophique, un arbre enlevé dans un bois ne soit pas un vol aussi bien que l'enlèvement de tout autre objet ; mais il n'en est pas moins vrai que dans l'état des idées on n'assigne pas un caractère aussi grave à l'enlèvement d'une perche, d'un arbre, qu'à l'enlèvement d'un autre objet.

Après tout, la différence entre les peines portées conlre le maraudage des bois et contre celui des autres fruits de la terre n'est pas si grande que le prétend l'honorable membre. Lisez l'article 34 du Code rural. Voici ce qu'il porte :

Quiconque maraudera, dérobera des productions de la terre qui peuvent servir à la nourriture des hommes ou d'autres productions unies, sera condamné à une amende.

Celle détention de police municipale ne peut pas dépasser 8 jours, et elle n'est jamais appliquée si ce n'est aux maraudeurs d'habitude.

Vous voyez que le maraudage des bois est mis à peu près sur la même ligne que le maraudage des autres fruits de la terre.

L'article 36 porte : Le maraudage ou enlèvement de bois fait à dos d'homme dans les bois, taillis ou futaies ou autres plantations d'arbres des particuliers ou communautés, sera puni d'une amende double du dédommagement dû au propriétaire ; la peine de la détention pourra être la même que celle portee à l'article précédent.

Si dans toutes les parties du pays la valeur du bois était la même, les peines seraient suffisantes pair assurer la conservation des forêts ; elles sont suffisantes dans d'autres pays où le bois a plus de valeur, et je ne pense pas que les forêts y aient été dévastées, notamment en France.

M. Moncheur. - Le bois a moins de valeur en France qu'en Belgique.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est une erreur ; en général il a plus de valeur. Mais lorsqu'on a discuté le Code français, des observations analogues ont été faites, on a dit que le tarif des amendes n'était pas en rapport avec le prix des bois à Paris. On a fait comme nous, on a pris une espèce de moyenne.

On peut, par l'autorisation donnée aux tribunaux de prononcer des restitutions, atteindre suffisamment un délinquant. Je n'entrerai pas maintenant dans des considérations ultérieures ; l'article devant être discute demain, toute discussion aujourd'hui serait inutile.

J'ai indiqué un moyen d'atteindre les délinquants dans les pays où le bois a une valeur plus grande ; ce serait de laisser au juge une certaine latitude, quant à l'amende, afin de lui permettre de proportionner la peine au délit, suivant le lieu où il est commis, car il n'a pas partout la même importance.

Ainsi dans un bois communal chaque habitant s'en regarde comme propriétaire ; un habitant ira prendre dans le bois communal de quoi réparer ou confectionner un instrument aratoire ou une écgelle dont il a un besoin urgent, il ne sera pas si coupable que s’il commettait le même délit dans un bois particulier ; il y a des nuances dont on pourra tenir compte dans l’échelle des peines.

M. Lelièvre. - Il m'est impossible de ne pas répondre aux observations de M. le ministre de la juslice. Il est essentiel de remarquer que, dans l'état actuel de la législation et d'après la loi de 1791, le maraudage ou enlèvement de bois fait à dos d'homme dans les bois des particuliers et des communautés peut être puni d’un emprisonnement qui peut être porté à trois mois. Si l’nenlèvement a eu lieu avec chariots, la peine d’emprisonnement est encore augmentée.

Aujourd'hui on veut changer cet état de choses et réduire les peines à une simple amende. Eh bien, l’expérience ne réclame pas cette innovation ; jamais on n’a remarqué que la loi de 1791 fût trop sévère.

Au contraire, il est constant que nonobstant ses dispositions, les bois des particuliers et des communautés sont très souvent dévastés et aucun motif solide n’exige une réduction des peines. Mais, messieurs, il n’est personne qui ignore que les maraudeurs ne sont retenus que par la peine d’emprisonnement. Souvent même nous les voyons comparaître à sept ou huit reprises différentes devant les tribunaux correctionnels qui sont forcés de prononcer contre eux chaque fois le maximum de la peine de la prison. Je suis convaincu que si on écarte l’emprisonnement, la répression sera insuffisante et que les délits se multiplieront.

Jamais on ne s'est plaint de l'excessive sévérité de la loi de 1791, à quel titre donc réduirions-nous les peines qu'elle sanctionne à cet égard ? Veuillez bien remarquer que mon amendement ne présente rien d'exorbitant sous le rapport de la peine d'emprisonnement qui n'est même que facultative, de sorte que le juge ne la prononcera pas s'il pense qu'une peine pécuniaire est proportionnée au fait et aux circonstances de la cause.

J'appelle aussi l'attention de la chambre sur la nécessité d'éviter des anomalies entre la loi que nous discutons et celle de 1791 qui reste en vigueur. Cette dernière loi punit le maraudage de récoltes sur pied d'un simple emprisonnement de police municipale, mais M. le ministre aurait pu par la lecture de l'article suivant immédiatement celui qu'il a cité, il aurait pu s'assurer, dis-je, que lorsque le maraudage de récoltes sur pied est effectué avec sacs, paniers, etc., la peine d'emprisonement est considérablement augmentée.

Eh bien, comment concilier cette législation avec la prétention de ne frapper que d'une simple amende la coupe et l'enlèvement d'arbres sur pied effectuées en réunion et avec chariots ? Le maraudage des récoltés sur pied, l'enlèvement des bois sur pied sont qualifiés vols dans la loi de 1791 La coupe d'arbres sur pied a évidemment le même caractère.

Eh bien, qu'on me dise s'il est possible de punir la coupe d'arbres sur pied d'une peine moins sévère que l'enlèvement avec sacs de quelques gerbes de grain sur pied. A quel titre les vols d'arbres ne seraient-ils-frappés que de simples réparations pécuniaires, et quelles sont les considérations graves et extraordinaires qui nécessitent l'abrogation de la législation existante en matière d'enlèvement à dos d'homme des bois autres que les arbres sur pied ? On est resté muet sur ce point.

La contrainte par corps réservée aux agents du trésor est insuffisante.

On sait qu'on n'y recourt que très rarement parce que naturellement les receveurs de l'enregistrement n'aiment pas à assumer sur eux l'odieux de pareilles mesures ; mais si l'on prononce la peine d'emprisonnement, alors le procureur du Roi fera d'office exécuter le jugement.

Conservons à la coupe des arbres et des bois le véritable caractère que ce fait a d'après la nature des choses, celui d'une soustraction frauduleuse, et admettons au moins la faculté de prononcer des peines analogues à celles du vol et nécessaires d'ailleurs pour atteindre des délinquants qui presque toujours sont insolvables. Je prie la chambre d'apprécier les considérations que je soumets à sa sagesse.

M. de Mérode. - On-a demandé le renvoi à la commission, mais il serait bon qu'on entendît les observations que des membres peuvent avoir à faire. Ces observations seront utiles à la commission, c'est pourquoi on doit entendre, nonobstant le renvoi à la commission, toutes les personnes qui ont des considérations à présenter ; si M. Pirmez n'avait pas prononcé son discours, la commission n'aurait pas entendu les excellentes raisons qu'il a présentées et auxquelles elle n'avait pas songé.

Quant à moi, je dirai que si M. le ministre de la justice a fait valoir cette considération, que les bois sont beaucoup plus exposés au maraudage que d'autres propriétés, parce qu'il y a un préjugé qui fait qu'on considère ce bien comme étant d'une autre nature que les autres, ce n'est pas à mes yeux un motif pour affaiblir les peines, car c'est un préjugé qu'il faut combattre. Comme je l'ai déjà dit, par suite de ce préjugé, déjà des bois ont disparu, parce que le propriétaire est découragé au sujet de la conservation de ses bois ; il la regardait comme tellement difficile, qu’il préférait changer la nature de ses propriétés.

C'est une raison pour les protéger plus que d'autres. Il faut tâcher de déraciner cette opinion que les bois soient une propriété plus désavantageuse qu'aucune autre ; car ils sont très nécessaires à la société. J'en ai tellement senti la nécessité que, quant à moi, j'ai toujours soutenu que la conservation des bois intéressait la société, et qu'on devait interdire aux propriétaires de les détruire. Dès lors, il y a intérêt pour l'ordre à ce que cette propriété soit plus ménagée que d'autres.

Il arrive très souvent que les débiteurs ne sont pas solvables. Si la peine de l'emprisonnement n'est pas toujours appliquée, il en résultera que les délits seront toujours impunis, que les tribunaux n'auront pas de répression véritable à y appliquer.

M. Delfosse. - Quand on propose le renvoi à une commission, c'est pour qu'elle examine, pour qu'elle éclaire la chambre. On veut procéder autrement ; on veut que la chambre éclaire la commission, qu'elle discute, alors même que l'article doit être renvoyé à la commission. S'il y a discussion, la chambre peut prononcer sans que la commission examine. L'auteur d'une proposition a le droit d'assister aux séances de la commission ; si nous avons une discussion aujourd'hui, nous en aurons encore une demain, après que la (page 726) commission aura fait son rapport. Cela fera deux discussions au lieu d'une. Ce sera une perte de temps. L'honorable M. Pirmez se dispose à prendre la parole. Il serait préférable qu'il vînt demain à la réunion de la commission.

M. Pirmez. - Il me paraît que la commission peut bien entendre quelques observations, et d'autant plus que l'honorable ministre n'a pas dit un mot sur une remarque assez importante que l'honorable M. Lelièvre et moi avons faite sur la contradiction qui existe entre les articles 73 et 153. Le deuxième paragraphe de cet article voulant punir une contravention plus rigoureusement que celle contenue dans le premier paragraphe établit la peine comme pour les bois coupés en délit. Or, l'amende pour les bois coupés en délit est toujours beaucoup inférieure et quelquefois dix fois moins forte.

M. le ministre a dit que je prenais une partie du pays pour établir le prix de certains arbres et qu'il était exagéré. Je tiens que les prix que j'ai donnés ne sont nullement exagères dans les provinces de Hainaut, Namur, Liège et Brabant. Je me soumets sur ce point à tout juge compétent.

L'honorable ministre a parlé de la restitution comme d'une peine. La restitution n'est pas une peine, il me semble que lorsqu'on a volé une chose il est naturel qu'on la restitue et qu'on soit puni pour l'avoir volée.

J'ai effectivement négligé de parler des arbres semés et plantés. C'est la petite quantité dans les forêts et que l'on vole par consequent le moins souvent. Au reste, cette omission ne fait rien à ce que j'ai dit du vol des autres.

Quant aux mœurs de certaines populations qui sont habituées à commettre des délits forestiers, nous savons qu'elles existent. Aussi ne demandons-nous pas que le vol de bois soit puni comme le vol de tout autre objet. Mais nous pensons que la législation doit tendre à réformer ces mœurs, et c'est ce que ne font pas les dispositions du Code que nous discutons actuellement.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'honorable préopinant parle de la contradiction qu'il y a entre l'article 73 et l'article en discussion. Cette contradiction existe plutôt dans l'esprit de l'honorable membre que dans la réalité ; car il pourra arriver très fréquemment que la peine du triple ne soit pas égale à la peine prononcée par le tarif : elle variera suivant la nature du bois.

L'observation de l'honorable M. Pirmez a été soumise à un inspecteur forestier, qui s'y entend parfaitement, et qui a déclaré que la contradiction n'existe pas. Dans certains cas, elle peut exister, parce qu'on a cherché à prendre un prix moyen des différents bois. Mais très souvent, par exemple, pour les chênes qui tombent dans la première classe, la peine du triple sera bien plus forte que celle prononcée par le paragraphe de l’article 73.

Quant aux arbres dont a parlé l'honorable M. Pirmez, il a cité une espèce de peupliers qui tomberaient dans la troisième classe, mais qui, en réalité, tombent dans la deuxième classe. Il a confondu.

Du reste, l'article sera discuté demain.

- Le renvoi de l'article 153 à la commission est prononcé.

Article 152

- L'article 152 est adopté.

Articles 154 à 159

« Art. 154. Si les arbres auxquels s'applique le tarif établi par l'article précédent ont été enlevés et façonnés, le tour en sera mesuré sur la souche, et si la souche a été également enlevée, le tour sera calculé dans la proportion d'un cinquième en sus de la dimension totale des quatre faces de l'arbre équarri.

« Lorsque l'arbre et la souche auront disparu, l'amende sera calculée suivant la grosseur, arbitrée par le tribunal, dans les documents du procès. »

- Adopté.


« Art. 155. Les amendes déterminées par l'article 153 seront réduites de moitié, à l'égard des arbres entièrement secs de cime et racines. »

- Adopté.


« Art. 156. Les amendes pour abattage ou déficit de baliveaux, pieds corniers, parois et autres arbres de réserve, tant dans les coupes en exploitation que dans celles des deux années précédentes, se $ (manque un mot) $ a un tiers en sus toutes les fois que l'essence et la circonférence des arbres pourront être constatées.

« Si, à raison de l'enlèvement des arbres et de leurs souches, ou de toute autre circonstance, il y a impossibilité de constater l'essence et la dimension des arbres, l'amende ne pourra être moindre de 10 francs pour un baliveau de l'âge des taillis, de 30 francs pour un moderneet de 60 fr. pour un ancien. »

- Adopté.


« Art. 157. Dans les coupes de futaie où les brins isolés d'essence, chêne ou hêtre, au-dessous de deux décimètres de tour, sont réservés de droit, quoique non marqués, l'amende pour coupe, arrachis ou froissement de ces brins, sera de cinq centimes par centimètre de tour. »

- Adopté.


« Art. 158. Ceux qui dans les bois et forêts auront éhoupé, écorcé ou mutile des arbres, ou qui on auront coupé les principales branches, seront punis comme s'ils les avaient abattus par le pied.

« Il en sera de même de ceux qui auront saigne des arbres résineux, ou en autont enlevé la résine. »

-Adopté.


« Art. 159. Quiconque enlèvera des chablis et bois de délit sera condamné aux mêmes amendes que s'il les avait abattus sur pied. »

- Adopté.

Article 160

« Art. 160. L'amende pour coupe ou enlèvement de bois qui n'auront pas deux décimètres de tour sera, pour chaque charretée, de huit francs par bête attelée, de quatre francs par charge de bête de somme et d'un franc cinquante centimes par fagot, fouée ou charge d'homme.

« L'amende sera triple s'il s'agit d'arbres semés ou plantés ayant moins de deux décimètres de tour. »

M. Delehaye. - M. Lelièvre a proposé un amendement à cet article.

M. Lelièvre. - Cet article est le corollaire de l'article 153 ; le sort de mon amendement dépend de ce qui sera statué sur cette dernière disposition. En conséquence, je demande le renvoi de l'article 160 et de mon amendement, qui s'y rattache, à l'examen de la commission.

- La chambre renvoie à la commission l'article 160 et l'amendement proposé par l'honorable M. Lelièvre.

Articles 161 à 167

« Art. 161. Quiconque arrachera ou enlèvera des plants dans les bois et forêts sera puni d'une amende quadruple de celle réglée par l'article précédent.

« Si ce délit a été commis dans un semis ou plantation exécutée de main d'homme, il sera prononcé en outre un emprisonnement de quinze jours à deux mois. »

- Adopté.


« Art. 162. Quiconque aura arraché, brisé, froissé ou endommagé des souches de taillis, soit par l'essartage, soit de toute autre manière, sera puni d'une amende de 50 centimes par souche atteinte. »

- Adopté.


« Art. 163. Tout empiétement sur les bois sera puni d'une amende de 10 à 100 francs, outre l'amende ordinaire pour raison des bois arrachés ou coupés. »

- Adopté.


« Art. 164. Quiconque sera trouvé dans les bois et forêts avant le lever et après le coucher du soleil, hors des routes et chemins ordinaires, avec serpe, cognée, hache, scie ou autre instrument de même nature, sera condamné à une amende de cinq francs et à la confiscation des instruments. »

- Adopté.


« Art. 165. Ceux qui auront fait ou laissé passer leurs voitures, animaux de charge ou de monture, dans les bois, hors des routes et chemins ordinaires, seront condamnés à cinq francs d'amende par voiture, sans préjudice à l'application de l'article 167. »

- Adopté.


« Art. 166. Il est défendu de porter ou allumer du feu dans l'intérieur des bois et forêts, et à la distance de cent mètres, sous peine d'une amende de 10 à 100 francs. »

- Adopté.


« Art. 167. Les propriétaires d'animaux trouvés le jour en délit, dans les bois de dix ans et au-dessus, seront condamnés à une amende de 50 centimes par cochon, de deux francs par bête à laine, trois francs par bouc, chèvre, cheval ou bête de somme, quatre francs par bœuf, vache ou veau.

« L'amende sera réduite de moitié pour les veaux ou poulains âgés de moins d'un an.

« L'amende sera double si les bois ont moins de dix ans ou si le délit a été commis en présence du gardien.

« Elle sera triple en cas de réunion de ces deux circonstances. »

- Adopté.

Article 168

« Art. 168. Les peines pour délits et contraventions en matière forestière seront doubles :

« 1° S’il y a récidive dans l'année à dater du premier jugement rendu contre le délinquant ;

« 2° Si les contraventions ou délits ont été commis la nuit ;

« 3° Si les délinquants ont fait usage de la scie ou du feu pour abattre les arbres sur pied ;

« 4° La peine pourra être doublée si les délits ou les contraventions ont été commis en bande ou réunion. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je pense qu'il conviendrait de faire un article spécial du paragraphe additionnel proposé par la commission ; car il prévoit un ordre d'idées tout différent. Il prévoit les délits commis par complicité, et il laisse aux tribunaux la faculté de doubler la peine, tandis que, dans d'autres cas elle doit nécessairement être doublée. Je demande donc que ce paragraphe additionnel fasse un article à part.

- Cette proposition est adoptée.

Article 169

« Art. 169. Les scies, haches, serpes, cognées et autres instruments de même nature, dont les délinquants étaient munis, seront saisis et confisqués. »

M. David. - Je pense que si l'honorable rapporteur de la commmission était ici, il vous dirait qu'en commission nous avions admis la rédaction suivante : « pourront être saisis et confisqués » au lieu de « seront confisqués ». Nous avions admis ce changement pour que le garde ne fût pas obligé de saisir les instruments qui auraient servi à la perpétration du délit, et afin de prévenir ainsi des collisions et de graves dangers.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il n'y aurait aucun inconvénient, je pense, à maintenir l'article tel qu'il est proposé.

Il est évident que quand on dit que les instruments seront saisis et confisqués, on suppose la possibilité, pour le garde, de s'en emparer, mais non pas la nécessité, l'obligation de saisir et de confisquer.

Dans tous les cas, la confiscation doit être prononcée par la loi.

M. Delfosse. - (page 727) Les souvenirs de l'honorable M. David ne sont pas fidèles. Dans la commission, un membre avait proposé que la saisie ne fût que facultative ; mais cet amendement a été rejeté à la majorité de 4 voix contre 1. Cela est dit à la page 48 du rapport de l'honorable M. Orts.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Articles 170 à 174

« Art. 170. Les peines établies par la présente loi seront appliquées sans préjudice aux restitutions et dommages-intérêts, s'il y a lieu. »

- Adopté.


« Art. 171. Dans tous les cas prévus au présent titre, les dommages-intérêts ne pourront, y compris la valeur des objets restitués en nature, être inférieurs à l'amende simple prononcée par le jugement. »

- Adopté.


« Art. 172. Les maris, pères, mères, tuteurs, maîtres et commettants, sont responsables des amendes, restitutions, dommages-intérêts et frais résultant des condamnations prononcées contre leurs femmes, leurs enfants mineurs et pupilles non mariés, demeurant avec eux, leurs ouvriers, voituriers et autres subordonnés, sauf tout recours de droit. »

- Adopté.


« Art. 173. Les usagers, les communes et sections de communes seront responsables des condamnations pécuniaires prononcées contre leurs patres et gardiens, pour tous délits forestiers et contraventions, commis pendant le temps et l'accomplissement du service. »

- Adopté.


« Art. 174. Les peines que la présente loi prononce, dans certains cas spéciaux, contre des fonctionnaires ou contre des agents et préposés de l'administration forestière, sont indépendantes des peines dont ces fonctionnaires, agents ou préposés seraient passibles pour malversations, concussion ou abus de pouvoir. »

- Adopté.

Titre XIII. Des bois et forêts des particuliers

Article 175

« Art. 175. Les gardes des bois de particuliers ne pourront entrer en fonctions qu'après avoir été agréés par le gouverneur de la province, sur l'avis de l'agent forestier du ressort, et avoir prêté serment devant le tribunal de première instance.

« Ils devront être âgés de 23 ans accomplis. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'âge, quant aux gardes forestiers du gouvernement, a été fixé à 25 ans par la commission. Il me semble qu'il n'y a pas de raisons pour fixer des âges différents selon qu'il s'agit des gardes du gouvernement et des gardes des particuliers.

M. David. - Messieurs, je crois que nous devrions renvoyer la ssion de cet article à demain, car si, à l'article 9, il est dit que les gardes du gouvernement doivent avoir 25 ans, il y a à cet article un second paragraphe qui dit que néanmoins il pourra en être nommé qui ne présentent pas cette condition d'âge. Voici ce paragraphe :

« Néanmoins le Roi peut, dans des cas particuliers, accorder des dispenses d'âge à ceux qui ont accompli leur vingt et unième année. »

- La suite de la discussion est renvoyée à demain.

La séance est levée à 4 heures et demie.