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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 16 avril 1853

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1077) M. Dumon procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

- La séance est ouverte.

M. Ansiau donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dumon présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la chambre.

« Des électeurs à Zantvoorde demandent que les élections aux chambres se fassent dans la commune ou du moins au chef-lieu du canton et que le nombre des électeurs des campagnes soit en rapport avec celui des villes. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants d'Heelenbosch demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu du canton et que le cens électoral pour les villes soit augmenté. »

« Même demande d'habitants à Holsbeek. »

- Même renvoi.


« Le sieur Oscar Hardy réclame l'intervention de la chambre pour que des poursuites soient dirigées contre ceux qui ont violé son domicile et qui ont usé à son égard de menaces et de violences à main armée. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Saint-Gilles demandent qu'il ne soit apporté aucune modification à la loi électorale. »

« Même demande d'habitants de Koekelberg. »

« Même demande d'habitants et d'électeurs à Boussoit. »

« Même demande d'habitants de Bruxelles. »

« Même demande d'habitants de Baudour. »

« Des électeurs à Uyckhoven demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu du canton. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal d'Eggewaerts demande que l'Etat reprenne l'administration de l'Yser et des canaux de Plasschendale à la frontière de France. »

- Même renvoi, avec demande d'un prompt rapport.


« Les habitants de Oudenhove Ste-Marie demandent la révision de la loi sur l'entretien des indigents dans les hospices et établissements de bienfaisance et présentent des observations contre le projet de loi de recrutement de l'armée. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif au recrutement de l'armée et à la commission des pétitions.


- M. Thibaut demande un congé de 8 jours.

- Accordé.


« M. le ministre de la justice adresse à la chambre le recueil des circulaires de son département, 2ème semestre 1852. »

- Dépôt à la bibliothèque.

Projet de loi sur les distilleries

Discussion générale

M. Rodenbach (pour une motion d’ordre). - Je demanderai qu'on dépose sur le bureau les nombreuses pétitions qui nous ont été adressées par les propriétaires des distilleries agricoles et autres.

M. le président. - Elles sont sur le bureau.

Le gouvernement se rallie-t-il aux amendements proposés par la section centrale ?

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Le gouvernement se rallie aux amendements proposés par la section centrale, sauf celui apporté à l'article 8, qui réduit le droit à l'entrée des villes à 1 fr. au lieu de 1 fr. et demi que le gouvernement avait proposé. Je ne saurais me rallier à cet amendement. J'en expliquerai les motifs dans la discussion.

M. le président. - La discussion s'ouvre sur le projet du gouvernement.

M. Boulez. - Messieurs, je désire faire quelques courtes observations sur la loi soumise en ce moment à nos délibérations.

Il est reconnu de tout le monde que dans l'origine toutes les distilleries du pays étaient essentiellement agricoles, et c'est à cette industrie que l'on doit l'amélioration des terres, un grand nombre de défrichements de terrains incultes, et la culture avancée des Flandres.

Ces usines procurent une grande quantité d'engrais pour l'amendement des terres, donnent la facilité aux petits cultivateurs de se procurer ces engrais en fournissant la paille, augmentent ainsi leur production agricole, et donnent de l'ouvrage à de nombreux ouvriers.

Aujourd'hui le monopole s'est emparé des distilleries, et quelques grands distillateurs des villes s'enrichissent au détriment d'une classe nombreuse qui mérite la sollicitude du gouvernement et de la législature.

Les distilleries urbaines n'ont qu'un seul but, un seul intérêt, c'est de fabriquer du genièvre sans être utiles à la richesse du sol, cette liqueur nuisible à la santé, et à la moralité du peuple, ils retirent de leurs matières autant d'alcool que possible sans y laisser une nourriture substantielle pour l'engraissement du bétail. Il n'en est pas de même avec les distilleries agricoles, celles-ci engraissent le plus de bétail possible, et par ce moyen procurent aux cultivateurs une grande facilité de vendre leur bétail maigre dont ils ont souvent des difficultés de se défaire à un prix raisonnable et rendent à la consommation du public une graude quantité de viande grasse.

D'après ces motifs il serait à souhaiter que les distilleries en général fussent exclusivement agricoles.

J'appelle l'attention de M. le ministre des finances sur ce point et te prie de régler la loi sur des bases telles, que toutes les distilleries puissent soutenir la concurrence.

Il est à remarquer, messieurs, que les distillateurs agricoles, quoique ne payant aucun droit d'octroi, sont obligés de payer des charges communales qui remplacent l'octroi, charges qui sont souvent très lourdes.

D'après toutes ces considérations, il serait juste et équitable d'accorder aux distilleries agricoles qui ne travaillent que vingt hectolitres de matière par jour, une déduction de vingt pour cent sur les droits ; et, comme les primes sont presque généralement supprimées, de supprimer la prime à la sortie en portant la décharge au taux des droits d'accise à payer ; et de réprimer la fraude autant que possible afin que les petites distilleries agricoles puissent soutenir la concurrence contre les distilleries des villes et par ce moyen favoriser l'agriculture qui est l'élément le plus important, le plus utile et le plus avantageux de l'activité industrielle du pays.

J'adopterai quelques amendements dans le sens que je viens de parler.

M. Dautrebande. - Messieurs, les études et les expériences qui ont eu lieu, par les ordres du gouvernement, afin de le mettre à même de soumettre à la législature un projet de loi, apportant des modifications à la loi du 2 décembre 1851 sur les distilleries, ont été faites avec soin et exactitude ; ce travail a produit des résultats tellement certains, qu'ils doivent avoir une grande influence sur la détermination que chaque membre de cette assemblée prendra dans cette discussion.

A ce projet de loi sont joints des tableaux, rendant compte des expériences qui ont été faites ; ils établissent d'une manière irréfutable que les distillateurs capables obtiennent plus de 7 litres de genièvre à 50 degrés, par hectolitre de matières fermentées. Ce produit étant parfaitement reconnu, personne ne peut plus, me semble-t-il, avoir d'incertitude sur le chiffre à fixer pour servir de base à la restitution, et au remboursement à faire aux distillateurs, soit pour la sortie des villes, soit pour les expéditions faites par mer.

Le produit de 7 litres de genièvre, par hectolitre de la cuve à fermentation, étant celui proposé par le gouvernement, je l'admets volontiers, il me procure la satisfaction de pouvoir dire que c'est celui que j'indiquais à la chambre dans la séance du 2 août 1851 en affirmant que j'en avais la certitude, et malgré cette assurance, je reconnus, non sans regret, que beaucoup de mes honorables collègues n'y ajoutaient pas foi, et crurent ne pas devoir l'admettre ; les expériences qui ont été faites ont prouvé que j'avais raison. Je me plais donc à penser qu'il n'y aura plus de doute pour personne à ce sujet.

Assez généralement on était dans l'idée que les distilleries agricoles ne pouvaient obtenir des produits aussi élevés que les distilleries de première classe ; c'était encore une erreur ; les expériences faites sous la surveillance des employés du gouvernement, dans des distilleries à Bruxelles, Hasselt et Boitsfort, où des cuves de cinq hectolitres ont été employées, ont prouvé que ce n'était qu'un préjugé.

Je suis incliné à croire qu'il y a des distillateurs qui n'obtiennent pas des résultats aussi satisfaisants que ceux qui ont été constatés, mais j'ai aussi la conviction que les produits en moins ne proviennent que du peu de connaissance et de l'inexpérience du distillateur, et non par la petite contenance des cuves de cinq hectolitres, ni par le manque d'appareil distillatoire continu, qui n'a d'autre avantage que de pouvoir accélérer la distillation.

Soyez persuadés, messieurs, que l'on peut obtenir d'aussi bonnes fermentations dans des cuves de 5 hectolitres qu'avec celles de 18 à 20 et que c'est par des fermentations bien dirigées et soignées que l'on obtient beaucoup d'alcool ; et vous savez, messieurs, que ce produit, c'est le genièvre.

Beaucoup de distillateurs, activant des distilleries agricoles, disent que celles de première classe ont un grand avantage sur les leurs, par l'emploi que l'on y fait des résidus de bière, de betteraves et de mélasses. Les distillateurs qui font usage de ces moyens, ne sont pas nombreux, par la raison qu'il y a peu de localités où il soit possible de se procurer ces matières particulières ; c'est donc un avantage exceptionnel pour ceux qui peuvent en profiter, et je pense qu'il serait difficile, sans agir arbitrairement, de les imposer en ce moment de ce chef ; j'estime donc que les observations qui ont été faites à ce sujet ne peuvent actuellement être prises en considération ; il restera à examiner s'il y a possibilité, et s'il ne conviendrait pas de (page 1078) prendre des mesures, pour empêcher que cet avantage n'ai lieu au préjudice des autres distillateurs.

Il y a certitude que la très grande partie des distilleries du pays sont activées comme celles agricoles, c'est-à-dire que le grain seul est employé à la fabrication ; je citerai Huy et Hasselt, où cette industrie est considérablement développée ; puisque dans ces deux petites localités, il y en a quinze dans la première, et un nombre plus considérable dans l'autre.

Le gouvernement, par l'article premier de son projet de loi, fixe le tarif de la décharge à 26 fr.

Etant constaté que le rendement est au moins de 7 litres par hectolitres, et le gouvernement admettant le chiffre, il en résulte que le droit de fr. 1-80 donne par hectolitre de genièvre 21 fr. 43 c.

Il y a prime de 4 fr. 57.

Mais la section centrale ayant réduit le taux de la décharge à 24 fr., et le gouvernement s'étant rallié à cette proposition, la prime ne serait plus que de 2 fr. 57 ; je trouve encore cette faveur trop considérable.

Le chiffre admis par le gouvernement de 21 fr. 43, comme étant celui payé au trésor par les distillateurs, est aussi celui que j'ai eu l'honneur d'indiquer à la chambre, à la séance du 29 juillet 1851. A cette époque, je disais que c'était la restitution qui était strictement due aux distillateurs, et j'ajoutais qu'en considération de la diminution du genièvre, qui toujours a lieu dans les citernes et tonneaux dans lesquels il est conservé, et aussi eu égard aux pertes qui sont inévitables, tant par les fuites que par les divers frais nécessités par les expéditions, je fis la proposition de porter le taux de la décharge à 23 fr.

Aujourd'hui que les mêmes raisons existent encore, je viens de nouveau, de concert avec mon honorable collègue et ami M. Mascart, présenter le même amendement ; nous proposons donc de porter la restitution à 23 fr.

En faisant cette proposition, nous avons la conviction que le distillateur est traité favorablement ; le droit qu'il doit acquitter n'étant que de 21 fr. 43 c. et la restitution étant de 25 fr., il y aurait une différence en sa faveur de 1 fr. 53 c. à l'hectolitre, ce qui est plus qu'il ne faut pour le rembourser de tous les frais quelconques.

L'on dira peut-être qu'il ne faut pas supprimer subitement la prime, qu'en agissant ainsi, l'on jetterait la perturbation dans cette industrie.

Je répondrai à cet argument que, depuis longtemps, les distillateurs, qui sont opposés à cette mesure, connaissent les intentions de la chambre ; ils savent qu'elle s'est prononcée pour la suppression complète de toutes les primes ; et vous savez, messieurs, que la raison qui a empêché que cette décision ne fût prise pour eux en 1851, c'est qu'on a fait valoir qu'il n'y avait que seize mois que la législature leur en avait encore retiré une partie ; mais, comme il s'est écoulé depuis lors près de deux ans, j'estime qu'il est plus que temps de faire cesser un privilège que je trouve injuste, et qui n'est profitable qu'à un petit nombre de distillateurs, qui seuls ont l'avantage d'avoir leur établissement placé de manière à éviter des frais de transport élevés et à pouvoir expédier leur genièvre par mer.

Ma proposition étant admise aura pour résultat :

De ne plus exposer le trésor à payer une prime, et d'empêcher les distillateurs qui la reçoivent de venir, à l'aide de ce moyen, ainsi que par une restitution trop élevée leur faite par les villes, faire une concurrence ruineuse à tous les autres distillateurs du pays ; et cela en fournissant leur genièvre à un prix tellement bas, qu'il est impossible de pouvoir vendre concurremment avec eux, sans se constituer en perte.

Pour vous démontrer, messieurs, combien la recette du trésor a été froissée par les restitutions des droits de sortie sur le genièvre, je vais vous donner les chiffres des sommes payées, tant pour les restitutions que pour les primes.

Pour établir cette démonstration j'ai pris une période de dix années, à partir de 1843. A cette époque les droits d'accise étaient d'un franc à l'hectolitre à la cuve à fermentation, qui, à raison de 7 litres de genièvre, importait par hectolitre de genièvre, 14 fr. 29

Ici je porte pour bonification, pour les raisons que je viens d'indiquer à la chambre et pour former un chiffre rond, 1 fr. 71. Total 16 fr.

A la même époque le droit de restitution était de 28 fr. A déduire comme ci-dessus 16 fr. La prime était de 12 fr., laquelle a été payée jusqu'en 1830.

En 1851, le droit de restitution a été fixé à 30 fr. 70.

Le rendement de 7 litres par hectolitre à raison de 1 fr. 50 c, revient pour l'hectolitre de genièvre à fr. 21 43

Pour bonification indiquée ci-dessus, 1 57.

Totaln 23 fr.

Reste pour prime, 7 fr. 70.

Voici, messieurs, le tableau des sommes payées aux distillateurs tant pour restitution des expéditions qu'ils ont faites que pour primes, et non compris les bonifications indiquées par moi.

Je crois inutile de vous en donner lecture, il est le même que celui que mon honorable collègue et ami M. Deliége a joint à son excellent rapport ; si je l'emploie ici, c'est dans l'intention de faire connaître à la chambre, au moyen d'une colonne que j'y ai ajoutée, le montant des primes payées par le trésor. (Ce tableau n’est pas repris dans la présente version numérisée.)

Il résulte de ce tableau que pendant un laps de temps de dix ans, il a été payé aux distillateurs par le trésor 1,327,245 fr., dont 811,849 pour restitution et 515,400 fr., près de 64 p. c. qu'ils ont reçus comme prime ; c'est donc une perte qu'a fait le gouvernement, laquelle s'est élevée année commune à fr. 51,540. Il est à remarquer que de 1849 à 1852, ainsi pendant un laps de temps de 4 ans, la prime payée a été de beaucoup plus considérable ; elle s'est élevée à 346,360 fr., soit année commune 86,590 fr., mais ici le mal ne s'arrête pas, il fait au contraire des progrès désastreux pour la caisse de l'Etat.

Pour vous en convaincre, je vous dirai, messieurs, que pendant le trimestre qui vient de s'écouler, il a été déclaré pour l'exportation la quantité de 112,131 hectolitres et restitué 372,421 fr. 70 qui, à raison de 7 fr. 70 de prime par hectolitre, importe 93,408 fr. 70, laquelle somme étant réunie à celle indiquée ci-dessus de 515,400 fr. produit un total de 608,808 fr. 70. Ce chiffre me semble assez élevé pour engager le gouvernement et les chambres à faire cesser une dépense que je considère comme injuste, attendu qu'elle est payée à quelques personnes d'une manière privilégiée, et au détriment de tous les contribuables du pays.

Pour y porter remède il existe, messieurs, un moyen juste et facile c'est de fixer le chiffre de la restitution à 23 fr. Je vous y engage avec autant plus d'insistance, que j'ai la certitude qu'il est loin d'être désavantageux aux distillateurs.

(page 1079) En 1851 j'ai eu l'honneur de dire à la chambre, que je savais pertinemment que le rendement était au moins de 7 litres ; cependant par surabondance, et pour obtenir des preuves nouvelles, j'ai voulu, pendant les quinze jours de notre dernier ajournement, m'assurer de nouveau si l'on parvenait à obtenir largement ce chiffre ; à cet effet, j'ai consulté plusieurs distillateurs, et tous m'ont dit que le rendement fixé par le projet de loi en discussion n'était pas trop élevé ; il en est même qui me l'ont fait voir par des livres tenus par eux, avec la plus grande exactitude. En présence d'un fait aussi bien justifié, tant par les expériences faites par les agents du gouvernement, que par ce que je viens de dire, il me semble que la chambre ne peut avoir d'incertitude, et doit l'admettre.

Ce point arrêté, il détermine le droit de fabrication que paye le distillateur, lequel s'élève à 21 fr. 43 c. par hectolitre de genièvre ; dès lors pourquoi restituer 24 fr. comme le propose la section centrale ? Dans la différence de 2 fr. 57 c. il existe encore une prime, qui par notre amendement n'est plus qu'une bonification de 1 fr. 57 c. laquelle est plus que suffisante pour couvrir tous les frais extraordinaires occasionnés par les expéditions ; cet état de choses nous donne la confiance de croire que la chambre admettra le chiffre de 23 fr. que nous proposons.

Je viens d'avoir l'honneur de dire à la chambre, que les distillateurs qui ont les connaissances nécessaires pour tirer un bon parti de leur industrie, et qui activent des distilleries agricoles, pouvaient obtenir des produits aussi considérables et aussi bons que les distillateurs activant des distilleries de première classe ; ayant cette conviction, je suis d'avis que le projet de loi que nous examinons est trop avantageux aux premiers, et tenant autant que je le puis, à éviter le froissement des intérêts tant des uns que des autres, et voulant aussi les placer dans la même position, je crois devoir vous faire connaître, messieurs ; quelles sont les raisons qui me font penser ainsi.

Lorsque la législature a accordé une réduction de 15 p. c. sur les droits aux distilleries agricoles, elle avait en vue, non seulement de favoriser l'agriculture, mais aussi de compenser des obligations gênantes et onéreuses auxquelles ces établissements étaient soumis.

Voici, messieurs, quelles étaient ces désavantages et obligations : premièrement le distillateur agricole ne pouvait employer que des cuves de 5 hectolitres.

Deuxièmement, il ne pouvait avoir qu'une chaudière, et devait avec «lie faire les bouillées et les rectifications.

Troisièmement, dans toutes les localités où il y avait un octroi, un droit d'entrée sur le genièvre était établit afin de protéger les distillateurs qu'elles renfermaient ; il était généralement très élevé, et était une prohibition pour les eaux-de-vie agricoles.

Quatrièmement, les restitutions trop élevées, je dirai les primes, dont profitaient les distillateurs des villes.

Aujourd'hui par les modifications qui ont été faites récemment, et par celles proposées, dans le projet de loi dont est saisi la chambre, tous ces avantages, qui sont considérables pour les distilleries urbaines, n'auront plus lieu.

Je vais le démontrer en suivant l'ordre que je viens d'établir.

Premièrement, l'on autorise maintenant les distillateurs agricoles à employer des cuves et des chaudières de grandes dimensions, à la seule condition de ne pas dépasser 20 hectolitres, par 24 heures de travail.

Deuxièmement, par l'amendement présenté par mon honorable collègue M. de Denterghem le 1er août 1851, lequel a été admis, les distillateurs agricoles ont été autorisés à employer deux chaudières. Cette mesure, que je crois équitable, a assimilé ces dernières aux distilleries urbaines ; je pense donc qu'elles doivent être également traitées.

Troisièmement, par la décision que la chambre va probablement prendre, les administrations des villes ne pourront plus établir qu'un droit modique à l'entrée des genièvres de l'extérieur ; par ce moyen les propriétaires des distilleries agricoles pourront y vendre leurs produits.

Quatrièmement, si les chambres fixent la restitution pour la sortie des rayons de l'octroi, à raison de 7 litres de rendement par hectolitre de la cuve, soit 21 fr. 43 pour cent litres de genièvre ; les primes que payaient abusivement les villes aux distillateurs seront supprimées ; et les droits d'octroi seront pour la consommation beaucoup mieux acquittés qu'ils ne l'ont été jusqu'à ce jour.

Messieurs, en présence de l'exposé ci-dessus, il me semble que l'on doit reconnaître que les modifications apportées à la loi sont toutes à l'avantage des distilleries agricoles. J'estime qu'elles sont tellement considérables, qu'il ne serait pas juste de continuer à leur accorder une déduction de 15 p. c. sur les droits de la fabrication.

Je suis donc dans l'intention d'appuyer les propositions qui seraient faites dans ce sens, par mes honorables collègues ; et si, contre mon attente, aucun amendement n'est proposé à la chambre à ce sujet, j'aurai l'honneur d'en déposer un.

M. Rodenbach. - Si personne ne combat le projet de loi, je dirai quelques mots en attendant qu'il se présente un adversaire qui demanderait une plus forte protection pour les distilleries agricoles.

Je commencerai par dire que les modifications apportées par le projet de loi à la législation existante constituent une amélioration réelle. D'abord on fait disparaître cette iniquité, cette injustice des primes assez considérables que certaines villes accordaient à leurs distilleries sous le nom de restitution de droit d'octroi à la sortie des genièvres. Ces primes ont été dans le pays l'objet d'une désapprobation générale.

M. le ministre persiste à demander que le droit à l'entrée des villes soit fixé à un franc et demi au lieu d'un franc que propose la section centrale. Je comprends que les villes tiennent compte à leurs industries des droits payés sur le combustible. Cependant j'aurais préféré que M. le ministre se contentât du droit d'un franc, ce droit me paraît suffisant, et je le voterai.

Le premier orateur que vous avez entendu a parlé des distilleries agricoles. Il a été combattu par le préopinant qui vient de se rasseoir. Je me permettrai de dire que c'est une absurdité de donner à certaines distilleries la dénomination d'agricoles ; car toutes les distilleries sont agricoles, les grandes comme les petites, il n'en existe pas d'autres ; les grandes distilleries fabriquent plus de genièvre, donnent plus de résidus, permettent d'entretenir plus de bétail et par conséquent fournissent plus d'engrais à l'agriculture. Je soutiens donc que les grandes distilleries qui payent 15 p. c. de plus que les petites ne devraient pas être l'objet d'une distinction semblable ; aussi je ne comprends pas qu'elle ait été maintenue par le gouvernement et la section centrale, et si l'on propose de faire disparaître cette distinction injuste, ou de la réduire notablement, j'adopterai cette proposition.

On pourrait dire qu'il y a de grandes distilleries qui n'ont pas de bétail dans leurs étables ; mais elles le vendent aux laboureurs, à qui elles livrent aussi beaucoup de résidus et d'engrais. Il est donc impossible que les distilleries ne soient pas agricoles, et dès lors l'avantage de 15 p. c. que l'on fait aux petites distilleries me paraît inique, d'autant plus qu'il est prouvé qu'avec de petits appareils, on peut extraire du grain autant d'alcool que dans les grandes usines. Augmenter encore la prime, autant vaudrait faire comme on a fait pour les vins indigènes et les alcools fabriqués avec des pruneaux et des cerises qui ne payent aucun droit de fabrication.

Il est aussi irrationnel de faire payer 15 p. c. de plus aux grandes distilleries qu'il le serait de faire payer aux grandes brasseries 15 p. c. de plus qu'aux petites.

On a parlé, je crois que c'est dans le rapport de la section centrale, des distilleries qui emploient le sirop de betterave pour faire de l'alcool ; on a dit qu'elles devraient payer davantage. Je ne puis partager cet avis. Vous ne pouvez pas plus empêcher les distilleries d'employer le sirop de betterave que vous ne pouvez les empêcher d'employer le seigle étranger. Cependant avec le seigle séché qui nous arrive du Nord, et aussi avec le bon seigle du pays, l'extrait peut très bien, dans certaines saisons, s'élever à 7 litres, comme le porte le gouvernement ; tandis qu'avec le grain du Luxembourg et certains grains inférieurs, on ne peut arriver à plus de six litres et demi. Vous ne faites pas de distinction entre les distillateurs qui emploient l'un et l'autre grain. Vous ne pouvez non plus en faire une pour les distilleries qui emploient la betterave. Si, d'ailleurs, les distillateurs veulent employer la betterave, vous devez vous en applaudir, car il en résultera encore un avantage pour l'agriculture.

La prime à l'exportation par mer était de 30 francs 70 cent. par hectolitre ; le gouvernement et la section centrale la réduisent à 24 fr. Je crois que les distilleries qui sont à proximité d'un port de mer, à proximité d'Anvers ou d'Ostende, pourront encore trouver dans cette prime un petit avantage, et je crois que cela est nécessaire si nous voulons qu'elles continuent à soutenir la concurrence, comme elles le font depuis quelque temps, avec les spiritueux et les alcools de France, de Hollande et de Hambourg. L'avantage qui leur sera laissé ne sera d'ailleurs plus considérable, la prime sera tout au plus de 2 fr. et quelques centimes. Les distilleries qui sont situées à huit ou dix lieues de la côte ont des frais de transport assez considérables pour faire arriver leurs produits au port de mer, et auront beaucoup de peine, avec une prime aussi faible, à soutenir la concurrence contre les grands distillateurs d'Anvers. Je n'adopterai donc pas l'amendement que vient de proposer l'honorable préopinant, et qui tend à réduire la prime à 23 fr.

Messieurs, quoi qu'on en ait dit, je crois qu'il faut, dans l'intérêt de notre commerce maritime, accorder cette prime, qui est fort peu de chose. Lorsqu'on exporte du genièvre, il en résulte des retours avantageux pour le pays, et plus on pourra exporter plus on importera. C'est pour favoriser les importations qu'on a établi les droits différentiels, c'est pour cela aussi qu'on accorde au sucre une prime immense. C'est parce qu'on prétend que les navires qui exportent du sucre font, au retour, des importations dont le pays profite.

Je crois, messieurs, que la loi n'est pas mauvaise. J'aurais bien des observations à présenter sur les détails et même des améliorations à proposer par voie d'amendements. Mais je ne suis pas suffisamment préparé : je ne croyais pas que la discussion viendrait aujourd'hui. Ainsi, par exemple, au lieu de fixer le rendement à 7 litres, on aurait dû prendre 6 1/2 ; c'eût été plus juste pour les distillateurs qui n'emploient que du seigle commun indigène ; au total, je le répète, la loi me paraît acceptable avec quelques modifications que je ferai connaître ultérieurement.

M. le président. - Il n'y a plus d'orateurs inscrits dans la discussion générale. Il a été convenu qu'elle ne serait pas close aujourd'hui. Quelqu'un demande-t-il la parole dans la discussion générale ?

Ainsi nous continuerons la discussion à lundi.

- La séance est levée à 3 heures et un quart.