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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 2 décembre 1853

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 123) M. Ansiau procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Ansiau présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Des vidangeurs à Gand demandent l'abolition de la taxe établie par l'administration de cette ville sur les vidanges. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Hoverlant de Bauwelaere demande la liquidation d'une créance à charge de l'Etat du chef des sommes versées au trésor par son aïeul, pour la place héréditaire de premier conseiller pensionnaire de la ville de Tournai. »

- Même renvoi.


« Les instituteurs primaires du 14ème ressort de la province de Liège demandent que la disposition de l'arrêté royal du 10 décembre 1852 sur la caisse de prévoyance, qui est relative au taux de la pension et à l'âge qui donne droit à la pension, soit rapportée. »

- Même renvoi.


« Le sieur Van Wittenberghe réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir le remboursement des droits de patente qu'il a payés en sa qualité de receveur des hospices civils de la ville de Gand, pendant les années 1837 à 1853. »

- Même renvoi.


« Les sieurs Frédéric, Nicolas, Aloisius et Charles Passing, chapeliers à Rochefort, nés le premier à Ettelbruck et les autres à Echternach (grand-duché de Luxembourg), demandent la naturalisation, avec exemption du droit d'enregistrement. »

- Renvoi au ministre de la justice.


» Plusieurs habitants de Liège et de Herstal prient la chambre d'accorder à l'ingénieur Stevens la commission d'un chemin de fer de Liège à Hasselt par Tongres et Bilsen et de Liége à Diest par Looz, Saint-Trond et Léau, avec embranchement sur Herstal et Coronmeuse. »

- (erratum, page 144) Renvoi à la commission des pétitions.

Projet de loi, amendé par le sénat, de code forestier

Discussion des articles

Titre V. Des adjudications de coupes

Section III. Dispositions particulières aux bois des communes et établissements publics
Article 50

M. le président. - Hier, à la fin de la séance, la Chambre a voté l'article 50. Mais M. Orts ayant demandé des explications qui ont été données par M. le ministre de la justice, ces explications ont amené un amendement de M. Thibaut. La Chambre veut-elle réserver cet amendement pour le second vote ou rouvrir immédiatement la discussion sur l'article 50 ?

M. Orts, rapporteur. - Je crois que la chambre ferait très sagement en réservant l'amendement de l'honorable M. Thibaut pour le second vote. Car je crois que M. le ministre de la justice sera lui-même obligé de présenter un amendement pour rendre clairement sa pensée et éviter toute équivoque.

M. le président. - Ce serait plus régulier ; l'article 50, ayant été amendé, sera soumis à un second vote. Alors pourra venir l'amendement de M. Thibaut.

Article 52

M. le président. - Nous passons à l'art. 52.

« Art. 52. Chaque adjudicataire pourra nommer un facteur ou garde-vente, qui sera agréé par l'agent forestier local et assermenté devant le juge de paix. Ce garde-vente sera autorisé à dresser des procès-verbaux, tant dans la vente qu'à l'ouïe de la cognée. Il sera donné suite à ces procès-verbaux de la même manière qu'à ceux des gardes forestiers ; ils feront foi jusqu'à preuve contraire.

« Le garde-vente ne peut être parent ni allié du garde du triage ni des agents de la localité au degré indiqué dans l'article 16.

« L'espace appelé ouïe de la cognée est fixé à la distance de deux cent cinquante mètres pour la futaie, et de cent vingt-cinq mètres pour le taillis, à partir des limites de la coupe.

« Dans les coupes jardinatoires, où les limites ne seraient pas indiquées, ou si les arbres abandonnés à l'exploitation sont des chablis, ou des arbres de délit, l'ouïe de la cognée se détermine, pour chaque arbre marqué en délivrance, par un cercle de 250 mètres de rayon, ayant pour centre le pied de chaque arbre abattu ou destiné à l'être.

La commission propose de rédiger le premier paragraphe comme suit :

« Chaque adjudicataire pourra nommer, etc. Ce garde-vente sera autorisé à dresser des procès-verbaux, tant dans la vente qu'à l'ouïe de la cognée. Ces procès-verbaux seront soumis aux mêmes formalités que ceux des gardes forestiers, et il y sera donné suite de la même manière. (Le reste comme au projet.) »

- L'article ainsi modifié est adopté.

Titre VI. Des exploitations

Section I. Dispositions générales
Article 54

« Art. 54. L'adjudicataire sera tenu de respecter tous les arbres marqués ou désignés pour demeurer en réserve, quelle que soit leur qualification, lors même que le nombre en excéderait celui qui est porté au procès-verbal de balivage et martelage, et sans que l'on puisse admettre, en compensation d'arbres coupés en délit, d'autres arbres non réservés que l'adjudicataire aurait laissés sur pied.

« Si des arbres réservés étaient cassés, ou renversés par le vent ou par d'autres accidents, l'adjudicataire les laissera sur place et avertira sur-le-champ l'agent forestier local pour qu'il en soit marqué d'autres en réserve, et dressé procès-verbal.

« En cas d'abattage ou d'enlèvement d'arbres non marqués, s'il s'agit de coupes jardinatoires, de chablis ou d'arbres de délit vendus, l'adjudicataire donnera le même avertissement à l'agent forestier.

« Dans le cas du paragraphe précédent, la représentation sur l'arbre ou sur la souche du marteau employé par l'administration est le seul moyen de preuve dont l'adjudicataire pourra se servir pour établir la délivrance de l'arbre abattu. »

La commission propose de dire au dernier paragraphe :

« La représentation sur l'arbre ou sur la souche de l'empreinte du marteau employé, etc. »

- L'article ainsi modifié est adopté.

Articles 57 et 58

« Art. 58. Toute contravention aux clauses et conditions du cahier des charges, relativement au mode d'abattage et d'exploitation des bois et au nettoiement des coupons, sera punie d'une amende de 10 à 300 fr.

La commission propose de substituer aux mots « de 10 à 300 fr. », ceux-ci : « de 25 à 500 fr. »

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Le minimum des amendes correctionnelles, aux termes du nouveau Code pénal, est de 26 fr. Je crois qu'il serait bon de mettre le Code forestier en harmonie sur ce point avec le Code pénal et de substituer dans les divers articles du projet l'amende de 26 fr. à celle de 25 fr.

M. Orts, rapporteur. - C'est la pensée de la commission ; elle s'est trompée sur le chiffre du minimum des amendes qu'elle croyait être de 25 francs, mais son but a été celui que M. le ministre de la justice veut atteindre.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Quoique l'article 57 ne soit pas amendable, cependant la même observation s'y applique. Je crois qu'il n'y a pas de difficulté à y substituer le chiffre de 26 francs à celui de 25 francs.

M. le président. - La chambre a le droit de modifier un article lors même qu'il n'aurait pas été amendé par le sénat. Le projet nous est revenu tout entier.

- Les articles 57 et 58 sont adoptés avec le chiffre de 26 francs.

M. Lelièvre. - Je fais observer que le même changement doit être effectué à l'article 61. Le minimum doit aussi être porté à 26 francs.

M. le président. - La même observation doit être faite pour l'article 60.

Articles 60 à 62

« Art. 60. La traite des bois se fera par les chemins ordinaires des ventes, sans que les adjudicataires puissent en pratiquer de nouveaux. En cas de nécessité, les agents forestiers pourront en désigner d'autres. Les contraventions à cette disposition seront punies de 25 à 300 francs d'amende. »

- Adopté avec le chiffre de 26 fr. substitué à celui de 25.


« Art. 61. La coupe des bois et la vidange des ventes seront faites dans les délais fixés par le cahier des charges, à moins que les adjudicataires n'aient obtenu de l'administration forestière une prorogation de délai, à peine d'une amende de 25 fr. à 300 fr. »

- Adopté avec le chiffre de 26 fr. substitué à celui de 25.


« Art. 62. Si les adjudicataires ne font pas, dans les délais fixés, les travaux que le cahier des charges leur impose, ces travaux seront exécutés à leurs frais, à la diligence des agents forestiers, sur l'autorisation du ministre, pour les bois dont l'Etat est propriétaire exclusif ou par indivis, et sur celle de la députation permanente du conseil provincial pour les bois dont les communes ou les établissements publics sont propriétaires exclusifs ou par indivis avec des particuliers. Le ministre ou la députation arrêtera ensuite et rendra exécutoires, contre les adjudicataires, les mémoires des frais. Le payement en sera poursuivi par les mêmes voies que le recouvrement du prix de vente. »

- Adopté avec la suppression des mots remplacés par la disposition générale proposée par M. Tesch.

Titre VII. Réarpentages et récolements

Article 72

« Art. 72. Dans les bois des communes ou des établissements publics, le réarpentage est facultatif. S'il est requis indûment par l'une des parties, elle en supportera seule les frais.

« Dans le cas contraire, les frais seront à charge des deux parties. »

- Adopté avec la suppression des mots remplacés par la disposition générale proposée par M. Tesch.

Article 75

« Art. 75. S'il se rencontre quelque outre-passe ou entreprise au-delà des pieds corniers et parois, s'il a été fait quelque changement à l'assiette des coupes, depuis l'adjudicaion, s'il a été exploité quelque arbre ou portion de bois hors de leurs limites, les adjudicataires seront condamnés à une amende égale à la valeur des bois non compris dans l'adjudication, et à pareille somme à titre de restitution.

« Si le fait a été commis frauduleusement, l'amende sera double et les délinquants pourront être en outre condamnés à un emprisonnement qui ne dépassera pas un mois si l'amende est de 150 fr. ou au-dessous, et six mois si l'amende est supérieure à cette somme.

(page 124) « Les agents forertiers ou les autorités qui auront permis ou toléré ces outre-passes, additions ou changements, encourront la peine établie par le paragraphe précédent, sans préjudice à l'application, s'il y a lieu, des peines prononcées par le Code pénal, pour malversation, concussion ou abus de pouvoir. »

- Adopté.

Article 78

« Art. 78. Si aucune contravention n'est constatée et si le procès-verbal de récolemcnt ne donne lieu à aucune difficulté, l'administration délivrera à l'adjudicataire la décharge de l'exploitation.

« Faute par l'administration de délivrer cette décharge, l'adjudicataire pourra mettre l'administration en demeure par acte signifié à l'agent forestier local. Si dans la quinzaine, il n'est pas satisfait à cette signification, elle tiendra lieu de décharge. »

M. Moncheur. - Messieurs, vous connaissez la responsabilité grave qui pèse sur tout adjudicataire de lots vendus dans un bois soumis au régime forestier. Pour dégager cette responsabilité il se fait après le délai accordé pour la vidange un procès-verbal de récolemcnt. En pratique, messieurs, lorsque ce procès-verbal ne donne lieu à aucune difficulté, tout est dit, l'adjudicataire est censé déchargé par le fait et on ne lui donne aucune décharge spéciale. Il n'a donc pas devers lui une quittance, une décharge réelle. Le sénat a cru nécessaire d'imposer aux agents de l’administration forestière l'obligation de donner une décharge formelle à l'adjudicataire, lorsque le procès-verbal de récolemcnt n'a donné lieu à aucune difficulté.

J'approuve entièrement la pensée qui a guidé le Sénat, quant à la disposition principale de l'article 78, mais par le paragraphe suivant ;; le Sénat impose à l'adjudicataire, dans le cas où les agents forestiers omettraient de donner cette décharge, soit par négligence, soit même par mauvais vouloir, le Sénat lui impose, dis-je, l'obligation de mettre en demeure l'agence forestière, s'il veut parvenir à obtenir sa décharge. Or vous savez, messieurs, que la mise en demeure ne se fait pas sans frais et que ces frais retombent toujours sur celui qui la fait opérer. Ainsi, si les agents forestiers n'obéissent pas aux injonctions de la loi, l'adjudicataire sera obligé de recourir aux huissiers ! C'est là, messieurs, une chose que je voudrais éviter, car il ne s'agit pas toujours de ventes considérables dans les bois soumis au régime forestier ; souvent, au contraire, les ventes ont lieu en détail et sont tellement mises à la portée de tout le monde, qu'il se trouve 25, 30 ou 40 adjudicataires ; eh bien, dans ce cas, d'après la proposition du Sénat, la négligence d'un agent forestier obligerait tous les adjudicataires à mettre cet agent en demeure, s'ils veulent obtenir leur décharge. Je crois qu'il y aurait un mode beaucoup plus simple, et qui ne donnerait lieu à aucun inconvénient, d'atteindre le but qu'on se propose, ce serait de substituer au deuxième paragraphe une disposition ainsi conçue :

« Faute pas l'administration de délivrer cette décharge dans le mois du procès-verbal, l'adjudicataire sera déchargé de plein droit. »

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Messieurs, je n'aperçois pas d'inconvénient pouvant résulter de l'amendement de M. Moncheur, et je l'accepte d'autant mieux qu'il s'accorde, ce me semble, avec l’exposé des motifs du projet de loi où l'on se référait à l'ordonnance française de 1669 pour faire considérer comme constituant une décharge suffisante, l'expiration d'un délai déterminé depuis le procès-verbal de récolemcnt.

Je crois donc que pour éviter les frais et les embarras dont a parlé l'honorable M. Moncheur, on peut en revenir à ce système.

La commission du Sénat s'était bornée à dire qu'il lui paraissait indispensable qu'il existe un acte de décharge pour faire cesser la responsabilité de l'adjudicataire et pour lui faire obtenir, le cas échéant, le remboursement, etc., elle ajoutait : « De là la nécessité d'une mise en demeure à signifier à l'agent forestier. » Je crois qu'en prolongeant le délai à un mois, comme le propose l'honorable M. Moncheur, ou arrive au mème résultat.

- L'amendement de M. Moncheur est mis aux voix et adopté.

L'article 78, ainsi amendé, est mis aux voix et adopté.

Titre VIII. Des adjudications et délivrances de la glandée, du panage, de la paisson, des chablis, bois de délits et autres produits forestiers

Article 81

« Art. 81. Si les porcs sont trouvés hors des cantons désignés par l'acte d’adjudication, ou hors des chemins indiqués pour s'y rendre, il y aura lieu contre l'adjudicataire aux peines prononcées par l’article 169.

« En cas de récidive, l'adjudicataire encourra une amende double, et le pâtre sera condamné à un emprisonnement de 5 à 15 jours. »

- Adopté.

Titre IX. Des droits d’usage

Section I. Dispositions relatives aux droits d'usage en général
Articles 84 et 86

« Art. 84 Il ne sera plus fait à l'avenir, dans les forêts de l'Etat, des communes ou des établissements publics, aucune concession de droits d’usage, de quelque nature et sous quelque prétexte que ce puisse être. »

- Adopté.


« Art. 86. L’action en cantonnement ou en rachat ne peut être exercée que par le propriétaire.

« L'action intentée ne pourra toutefois être abandonnée que du consentement des usagers.

« L'action comprendra tous les droits dus aux mêmes usagers dans la même forêt. S'ils possèdent à la fois des droits des deux catégories indiquées dans l'article précédent, ces droits feront tous l'objet de l'action en cantonnement. »

- Adopté.

Section II. Dispositions relatives aux droits d'usage en bois seulement
Article 91

« Art. 91. Les bois de chauffage et autres devront être enlevés par les usagers dans le délai fixé par la députation permanente du conseil provincial. Passé ce délai, les bois sont acquis au propriétaire. »

M. Lelièvre. - Je désirerais avoir une explication sur le sens de l'article en discussion. Je pense que la confiscation doit avoir lieu de plein droit, par la seule expiration du terme sans qu'il soit besoin d'acte ou de mise en demeure. Il est essentiel que l'on s'explique formellement à cet égard afin que dans l'exécution de la loi il ne puisse s'élever aucun doute à cet égard. Il doit être entendu que le propriétaire n'est astreint à aucune sommation et que le bénéfice de la confiscation lui est acquis par la seule expiration du terme.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Je pense que c'est là le sens.

- L'article 91 est mis aux voix et adopté.

Article 92

« Art. 92. L'emploi du bois de construction devra être fait dans les deux mois de la délivrance, sauf prorogation à accorder, par la députation permanente du conseil provincial, s'il y a des motifs plausibles. Ce deiai expiré, le propriétaire de la forêt pourra disposer des bois non-employés, et l'usager contrevenant être condamne à une amende de 10 à 50 fr.

- La commission propose l'adoption de cet article.

Il est mis aux voix et adopté.

Section III. Dispositions applicables aux droits de pâturage, glandée et panage
Article 97

« Art. 97. Chaque année, avant le 1er mars, pour le pâturage, et le 15 septembre, pour le panage ou la glandée, l'administration forestière fera connaître aux usagers les cantons déclarés défensables et le nombre de bestiaux qui seront admis au pâturage ou au panage, ainsi que la durée du parcours.

« Les conseils communaux indiqueront, sauf recours à la députation permanente et au Roi, combien de bestiaux chaque usager pourra mettre au troupeau commun.

« Ces bourgmestres feront, sans retard, la publication de ces deux décisions dans les communes usagères. »

M. le président. - La commission propose de supprimer le paragraphe 2 et de rédiger le paragraphe 3 comme suit :

« Le collège des bourgmestre et échevins fera sans retard, etc. »

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Messieurs, la commission de la chambre propose de supprimer le deuxième paragraphe introduit par le Sénat dans l’article 97.

Par une singulière coïncidence, la commission donne, pour faire supprimer ce paragraphe, précisément les mêmes raisons que la commission du Sénat avait données pour l'introduire. Je pense, dès lors, que le maintien de ce paragiaphe ne peut pas présenter d’inconvénient, et il a l'avantage de confirmer les droits de la commune.

Voici comment s'exprimait la commission du Sénat, page 35 de son rapport :

« Lorsque le nombre de bestiaux admis au pâturage ou au panage est fixé d'une manière générale, il s'agit de déterminer combien chaque usager peut, d'après son titre, en mettre au troupeau commun. Qui fixera cette répartition ? La loi ne le dit pas. D'après l'exposé des motifs, ce sera l'administration forestière. On lit (page 72) : « Dans ce dernier cas, il s'agil d'un droit individuel que chaque usager peut faire valoir devant les tribunaux lorsqu'il croit avoir à se plaindre du tableau dressé par l'administration forestière. »

« On conçoit assez difficilement comment on irait déférer aux tribunaux une décision administrative, et comment les tribunaux pourraient prononcer sans faire mettre les autres usagers en cause. Votre commission pense donc que pour les communes usagères (et c'est là seulement que la question peut se présenter), il convient de laisser faire la répartition par les conseils communaux, sauf recours à la députation permanente et au Roi. »

C'est pour cela qu'on a introduit dans l'article le deuxième paragraphe dont il s'agit.

Je pense donc que la raison qui détermine la commission de la chambre à proposer la suppression de ce paragraphe est celle qui a déterminé le sénat à l'introduire.

M. Orts, rapporteur. - Nous avons demandé la suppression du paragraphe 2, parce qu'il est de principe, croyons-nous, qu'on doit limiter le Code forestier à des dispositions administratives et de police forestière. Il a été généralement entendu qu'on ne se préoccuperait pas des questions de propriété ; ces questions devant être résolues par le droit commun, non par la loi forestière ; c'est pourquoi j'ai engagé hier l'honorable M. Orban à réserver ses observations sur les droits des usagers pour les dispositions qui concernent l'aménagement des forêts, lequel peut, dans certains cas, porter atteinte à l'étendue d'un droit d'usage. Si cette atteinte est illégitime, ce n'est pas au Code forestier qu'il faut recourir pour y trouver les moyens de répression, mais au droit commun.

L'honorable M. Orban a donné son assentiment à mon observation. Les mêmes raisons existent pour ne pas régler la présente question dans le Code forestier. En effet, il existe au profit d'une commune un (page 125) droit de pâturage ou de partage dans une forêt. L'administration forestière fixe chaque année les cantons défensables et le nombre d'animaux qu'il convient d'admettre à l'exercice de la servitude.

Elle se détermine d'après la possibilité du bois, c'est-à-dire d'après le nombre d'animaux qu'on peut laisser entrer dans le bois pour y paître, sans compromettre l'existence de la forêt. Mais après que l'administration a déterminé ainsi le nombre d'animaux que l'on peut envoyer, il s'élèvera peut-être des contestations entre les usagers sur le mode de sous-répartition du chiffre global admis, lls peuvent être mécontents, si, par exemple, le chiffre admis par l'administration étant inférieur aux bestiaux existant dans la commune, l'on n'a pas autorisé l'admission au troupeau commun d'un assez grand nombre de leurs animaux, tandis que l'on aurait permis à leur voisin d'en envoyer un trop grand nombre dans la forêt. L'administration forestière décide souverainement une seule chose, savoir : quel nombre d'animaux elle veut bien recevoir. Les contestations entre usagers sur la sous-répartition de ce nombre ne concernent en aucune façon le Code forestier ni l'administration forestière.

Ces discussions entre les habitants de la commune s'élèvent, soit entre eux, soit d'eux à l'administration communale. Leur différend doit être réglé par le droit commun ; car il s'agit de l'exercice d'un droit réglé par le Code civil ou réglé par la loi communale.

Nous pensons donc qu'il est inutile d'introduire dans le Code forestier une disposition qui y serait complètement hors de place.

La commission du sénat a reconnu comme nous qu'il fallait se régler par le droit commun, mais elle a voulu l'inscrire dans la loi spéciale. Pourquoi ? Le motif du sénat repose sur une erreur de fait. La commission du sénat a pensé que l'exposé des motifs prévoyait la possibilité d'un conflit entre les usagers et l'administration forestière, et renvoyait les usagers aux tribunaux pour faire réformer la décision de cette administration.

La commission a pensé que dans ce cas il était fort douteux que les tribunaux eussent compétence pour réformer une décision telle que celle qu'aurait prise l'administration forestière, en fixant les cantons défensables et le nombre des animaux admis au pâturage.

Mais elle s'est trompée, le passage auquel elle fait allusion n'avait pas cette portée. (L'orateur lit le texte de l'Exposé des motifs.)

Le conflit que l'on prévoit aurait lieu entre les usagers et l'administration forestière sur le point de savoir si l'administration a le droit de déclarer défensable tel canton ou tel autre ou si l'on recevra 80 animaux ou 100. Or, sur ce point l'administration forestière décide souverainement, aucun conflit n'est possible. Il ne peut en surgir qu'entre les usagers ou des usagers à l'administration communale pour la sous-répartition du droit d'usage. Aussi la commission du Sénat avait attribué à l'article une portée qu'il n'a pas, et son motif n'existe plus, pour ne point s'en rapporter au droit commun.

M. Orban. - La commission de la chambre n'a pas admis le deuxièle paragraphe de l'article 97 amendé par le sénat. Dans le rapport qu'elle a fait au sénat, la commission n'a pas nié l'utilité de la sous-répartition entre les usagers du nombre des animaux indiqué par l'administration forestière. Elle a au contraire reconnu que cette sous-réparlition devait être faite.

Seulement, elle a jugé la disposition inutile, parce que, d'après elle, ce point est réglé par la loi communale, par le droit commun, et selon elle l'article 77 de la loi communale, paragraphe 2, est applicable au cas dont il s'agit. Mais c'est une erreur manifeste dans laquelle est tombée la commission. L'article 77, paragraphe 2,est relatif uniquement à la répartition et au mode de jouissance de l'affouage et autres émoluments communaux.

Or, l'usage n'est pas un droit communal ; l'usager ne jouitpas du droit d'usage, à titre d'habitant de la commune. Le droit d'usage est un droit particulier que l'administration communale n'a pas le droit de régler comme elle l'entend.

Les usagers sont représentés, non par l'administration communale, mais par des délégués spéciaux choisis entre eux ; et quand cette administration doit plaider, ce n'est pas avec les revenus communaux qu'elle le fait, mais avec ses propres deniers. L'article 77 de la loi communale ne donne donc en aucune façon à l'administration communale le droit de faire cette sous-répartition. Le conseil communal ne peut être investi de ce droit qu'en vertu d'une disposition spéciale de la loi forestière. C'est dans ce but que l'article que nous discutons a été introduit.

Je trouve donc que la disposition introduite par le sénat est parfaitement justifiée, et que les motifs allégués par la commission pour ne pas admettre cette disposition tombent à faux.

M. Tesch. - Messieurs, je ne pourrais mieux dire que l'honorable M. Orban pour prouver précisément le contraire de ce qu'il soutient, et pour démontrer par les principes qu'il pose, que la suppression de la disposition qui est en discussion doit être votée.

L'honorable M. Orban dit : Le droit d'usage est un droit tout à fait différent du droit communal, du droit que les habitants des communes possèdent dans leurs bois communaux. Mais c'est précisément parce que le droit d'usage n'est pas un droit communal que vous ne pouvez laisser à la commune le soin de faire la répartition entre les habitants d'un émolument qui ne lui appartient pas.

Le droit d'envoyer du bétail au pâturage est un droit privé appartenant aux habitants, et ce droit n'est pas réglé par la loi, n'est pas laissé à l'arbitraire du conseil communal ; ce droit est principalement réglé par des titres ; et les discussions qui surgissent entre des habitants sur la quotité des droits, sur la question de savoir quelle est la quantité de bétail à envoyer au pâturage est une question de droit civil, qui ne peut pas être décidée par une autorité communale. L'on pourrait même soutenir qu'il serait contraire à la Constitution de donner à l'autorité communale le droit de décider entre les habitants quelle est la quotité que chacun d'eux a le droit d'envoyer au pâturage.

Je dirai après cela qu'il est une chose qu'on a perdue de vue, c'est qu'en général il n'y a pas de répartition à faire ; il y a plutôt une division à opérer. Ainsi quand il s'agit de pâturage comme quand il s'agit de la glandée ou du droit au bois de chauffage, chaque habitant a, en règle générale, un droit égal. Si un habitant reçoit six cordes de bois, un habitant du même territoire usager en perçoit aussi six, de sorte que la commune ne peut dire : Tel habitant, en raison de la fortune, enverra dix porcs, tel autre en enverra trois, tel autre deux.

Il n'y a donc pas, je le répète, de répartition à faire, il y a une division à opérer.

Quand il y a des difficultés entre les habitants, l'administration forestière n'a rien à y voir, parce qu'elle se borne à fixer la quantité d'animaux qui entrera dans la forêt. Si les habitants ne se mettent pas d'accord, ce sont les tribunaux qui doivent décider. Si par exemple il y a une fraction, si chaque habitant a le droit d envoyer une bête et un tiers, ou une bête et un quart, les habitants ont à se mettre d'accord et s'ils ne le font pas, c'est aux tribunaux de trancher la difiiculté. Mais ce n'est pas l'autorité administrative qui peut vider le différend.

M. Lelièvre. - A mon avis, messieurs, il faut poser clairement les principes qui doivent régler la matière dont nous nous occupons. Aux termes de l'article 96, l'administration forestière fixe le nombre des bestiaux qui peuvent être admis au pâturage, elle ne peut s'occuper d'autre chose. Elle reste notamment étrangère à la répartition du nombre de ces bestiaux entre les différents habitants de la commune. Cette répartition est évidemment uue affaire communale et par conséquent du ressort du conseil communal.

Mais ce n'est pas dans le Code forestier qu'il peut être question de régler à cet égard les attributions des conseils communaux, puisqu'elles sont traitées dans les lois générales et notamment dans la loi communale.

D'un autre côté s'il s'agit d'une contestation qui s'élève entre les usagers et le propriétaire de la forêt, il est alors question d'un droit civil dont la connaissance appartient aux tribunaux.

Il me semble donc évident que l'on peut supprimer le paragraphe 2 en discussion et abandonner la décision des contestations qui peuvent s'élever sur la question de savoir combien chaque usager pourra mettre en troupeau commun, abandonner, dis-je, cette décision aux règles du droit commun. D'ailleurs l’administration forestière devant rester étrangère à semblable contestation, c'est un hors-d'œuvre que de s'en occuper dans le projet dont nous nous occupons.

M. Orban. - Nous sommes parfaitement d'accord avec l'honorable M. Tesch sur un point, c'est que le conseil communal n'a pas le droit, en vertu de son autorité même, de faire la répartition d'un droit usager. C'esl un point qui est hors de contestation, malgré ce qu'a dit la commission et ce que vient de dire l’honorable M. Lelièvre. Mais le droit que le conseil communal n'a pas par lui-même, ne pouvons-nous pas le lui conférer ? Cela ne me paraît pas douteux. Il me semble, qu'au moyen de la loi forestière, nous pouvons accorder ce droit à l'autorité communale, comme nous lui en avons conféré d'autres de même nature.

La question est donc uniquement de savoir s'il y a une répartition à faire, si une répartition est nécessaire.

L'honorable M. Tesch, je l'avoue, a un peu ébranlé à cet égard mes convictions.

Il a dit avec raison que tous les usagers avaient des droits égaux, que quand il s'agit d'un partage, chacun arrive avec un droit égal. Cependant, il a ajouté immédiatement une exception qui peut faire renaître la nécessité de cette répartition : c'est que le nombre d'animaux fixés par l'administration forestière ne correspond pas toujours avec le nombre d'usagers de la commune. Ce nombre peut être plus ou moins considérable.

Dès lors renaît la nécessité de la répartition.

Or, il est évident que pour ce cas il faut qu'une autorité quelconque soit investie du droit de régler ce point, et cette autorité ne peut être l'autorité judiciaire. Les tribunaux sont faits pour statuer sur les litiges qui peuvent s'élever entre particuliers et non pour régler d'uue manière périodique un droit à répartir entre des coïntéressés.

Ils peuvent être charges d'examiner si la chose a été faite régulièrement, mais ils ne peuvent poser le fait antérieur de la répartition entre les habitants, opération purement administrative.

Qui doit désigner cette autorité ? Evidemment c'est le législateur. Qui doit- il désigner ? C'est à vous à l'examiner. Mais quant à moi je persiste à dire que personne ne convient mieux que le conseil communal pour faire une répartition de cette espèce. Le conseil communal convient d'autant mieux qu'il appliquera à ces répartitions les règles qu'il suit pour la répartition de l'affouage et des émoluments communaux, qui ont une grande analogie avec les droits d'usage.

M. Tesch. - Nous sommes d'accord avec l'honorable M. Orban que le droit qu'exercent les particuliers dans des forêts à litre d'usage, ne sont pas des droits communaux.

Partant de là, je demande de quelle nature sont les contestations qui (page 126) peuvent surgir entre les particuliers sur la répartition du nombre d'animaux qui doit être envoyé dans une forêt qui n'est pas communale. La nature de ces contestations est évidemment celle de contestations entre particuliers, et le législateur ne peut pas donner à d'autres qu'aux tribunaux le droit de régler les contestations qui surgissent, entre particuliers.

Si c'était un droit communal, comme le soutient l'honorable M. Lelièvre, je dirais aussi : La commune peut faire la répartition ; mais ce n'est pas un droit communal, c'est un droit qui appartient à chaque particulier, à chaque individu ; si parfois il est communal dans son administration, il est toujours individuel en ce qui concerne la jouissance.

La commune ne pourrait jamais dire : Je confisque le pâturage à mon profit ; je confisque à mon profit le bois livré aux usagers. Ce n'est donc pas un droit communal ; c'est un droit qui doit revenir aux particuliers.

Messieurs, comme je le disais tantôt, en général il n'y a pas de répartition à faire, parce que chaque habitant a un droit égal. Ainsi s'il y a trois cents ménages et qu'on admette trois cents porcs à la glandée, chaque ménage enverra un porc.

Mais il peut arriver que le nombre des porcs admis à la glandée ne soit pas en rapport exact avec le nombre des ménages ; je suppose, par exemple, qu'il y ait 300 ménages dans la commune et qu'on n'admette à la glandée que 150 porcs : chaque ménage ne peut pas envoyer un demi-porc à la glandée, et les particuliers devront s'entendre sur le moyen de régler équitablement la jouissance du droit dont il s'agit. C'est ce qui se fait, et jamais je n'ai vu surgir de discussion à cet égard ; le meilleur moyen de faire naître des difficultés, ce serait d'introduire ici une administration chargée de faire la répartition.

Dans le cas que j'ai supposé, les 150 ménages qui envoient des porcs à la glandée indemniseraient ceux qui n'en envoient pas, s'ils ne tombaient pas d'accord à cet égard, ce ne serait évidemment pas le conseil communal qui devrait intervenir, ce seraient les tribunaux.

L'honorable. M. Orban disait tantôt que les conseils communaux sont très bien placés pour statuer sur de semblables difficultés, puisqu'ils peuvent appliquer les règles sur l’affouage. C'est là une erreur : quand il y a dix cordes de bois à partager entre 20 individus, on donne à chacun une demi-corde ; le bois est divisible à l'infini. Il n'en est pas de même pour la glandée.

Du reste, messieurs, il ne s'agit nullement ici d'un fait qui sera périodiquement le même : le nombre de porcs admis à la glandée peut varier tous les ans ; telle année il y en aura un par ménage, l'année suivante il y en aura deux ; la troisième année il n'y en aura peut-être qu'un demi ; cela ne peut donc, faire l'objet d'un règlement, je le répète ; les particuliers se mettent toujours d'accord à cet égard ; s'il survenait des difficultés, ce serait aux tribunaux de statuer comme ils le font lorsqu'il s'agit, par exemple, de bois de chauffage ou de bois de construction.

Le droit d'usage n'est, du reste, pas réglé par les circonscriptions communales, mais par les circonscriptions d'anciennes seigneuries, parce qu'on appelle le territoire, usager, et il existe des communes où certains habitants sont usagers, où d'autres ne le sont pas, et où par conséquent l'on ne comprendrait pas l’intervention des communes.

M. de Mérode. - Messieurs, j'appuie les observations de l’honorable M. Tesch. Il me semble que le conseil communal ne peut pas être juge du tien et du mien. Il est évident que l'objet dont il s'agit n'a rien de communal et par conséquent il doit être réservé aux tribunaux. Du reste, il y a des moyens d’assurer que chacun jouisse de ses droits ; ainsi par exemple, quand il y a trop de porcs dans une commune, pour que tous puissent participer en même temps à la glandée, rien n'empêche que les uns y aillent un jour et les autres un autre jour. Au surplus, comme l'a dit aussi l’honorable M. Orban, il faut éviter d'établir des règles absolues, qui engendreraient peut-être plus de procès que l'absence de ces règles.

M. Lelièvre. - Il m'est impossible de partager l'opinion de l’honorable M. Tesch sur la nature des droits des usagers. Les usagers n'ont aucun droit « ut singuli », mais seulement « ut universi », comme faisant partie de la commune.

Il s'agit donc de droits communaux à répartir entre différents habitants d'une commune, et sous ce rapport, la compétence de l'autorité administrative me paraît incontestable,

L'article 77 de la loi communale est, du reste, décisif ; il suffit de le lire.

L'usager ne peut dans l'espèce réclamer un droit personnel, mais seulement un droit à titre d'habitant, et cela est tellement vrai que l'usager ne pourrait élever une exception préjudicielle ni réclamer le droit de pâturage en nom personnel.

Cela est d'autant plus évident que dans l'espèce il s'agit d'un véritable acte d'administration, concernant les différents habitants qui ont des bestiaux. A cet égard, je ne concevrais pas l’intervention des tribunaux.

Du reste, messieurs, nous avons une marche bien sûre à suivre, c'est de laisser les choses sous l'empire du droit commun et par conséquent de supprimer le paragraphe en discussion. Alors, messieurs, la compétence restera réglée conformément à la législation existante et ce n'est pas le code forestier qui est destiné à trancher les questions qui peuvent s'élever à cet égard. Toute discussion sur ce point me semble inutile à l'occasion du projet dont nous nous occupons.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - J'ai fait remarquer tout à l'heure à la chambre que le sénat a introduit le paragraphe en discussion précisément pour les raisons qu'avait données la commission de la chambre pour le supprimer. Je m'appuyais, messieurs, sur le passage du rapport de la commission du sénat dont j'ai eu l'honneur de donner lecture à la Chambre.

L'honorable M. Orts m'a fait voir que la commission du Sénat avait mal compris un passage du rapport de la commission du gouvernement et que par conséquent les motifs qui avaient déterminé cette commission venaient à tomber. Je partage entièrement la manière de voir de l'honorable membre, et il en résulte qu'il était inutile d'introduire la disposition dans l'article.

Or, messieurs, je viens d'écouter attentivement les explications données par différents membres entièrement compétents en matière forestière, et je crois pouvoir me rallier à l'opinion de l'honorable M. Tesch et sur la nature du droit à la glandée dont il est ici question, et sur la manière de le faire valoir ou de le répartir entre les ayants droit.

Il résulte du système de l'honorable M. Tesch, système pratique, qui la disposition doit disparaître et que l'article primitif doit être rétabli tel qu'il avait été voté.

Veuillez remarquer, messieurs, qu'il ne serait pas inconstitutionnel d'établir ici une juridiction spéciale, administrative pour régler des droits appartenant aux habitants des communes, mais cela serait au moins irrégulier ; et puisqu'il s'agit de droits civils, dont l'exercice doit être réglé d'après des titres ou d'après des usages, il est infiniment plus naturel de laisser les choses dans le droit commun.

Je pense donc, avec l’honorable M. Tesch, que le paragraphe doit être supprimé, mais c'est par des motifs différents de ceux qui avaient été indiqués par la commission.

M. Moncheur. - J'avais demandé la parole pour appuyer aussi la suppression du paragraphe en discussion à cause de la nature même du droit d'usage, dont il s'agit. Il est certain que tous les droits d'usage sont puisés non point dans la qualité d'habitant de la commune, mais dans des titres anciens ou dans une possession immémoriale. Ainsi dans une commune les habitants de tel hameau, de tel territoire ont un droit d'usage que n'ont pas les habitants de tel autre hameau, de tel autre territoire. C'est que, dans l'origine, ce droit a été accordé à tel ou tel hameau, à telle ou telle partie de la commune et qu'il ne l'a pas été aux autres fractions de la même commune ou aux habitants de la commune « ut singuli ».

Les droits d'usage sont donc tout à fait différents des droits des habitants aux biens communaux ou à l'affouage.

Les droits d'usage sont des droits privés qni doivent être réglés par les principes du droit civil.

M. Tesch. - Je ne veux pas entamer ici une discussion sur la nature des droits d'usage ; mais l’honorable M. Lelièvre est tout à fait dans l'erreur lorsqu'il dit qu'un usager ne pourrait pas intenter une action si on lui déniait son droit.

-Le deuxième paragraphe est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

M. le président. - La commission propose de substituer dans le troisième paragraphe aux mots : « les bourgmestres feront », ceux-ci : « le collège des bourgmestre et échevins fera ».

M. Orban. - Il y a lieu de modifier la rédaction du paragraphe 3, par suite de la suppression du paragraphe 2.

M. Moncheur. - Je proposerai de rétablir le second paragraphe de l'article qui avait été adopté par la chambre. Nous venons de supprimer le second paragraphe qui avait été ajouté à l'article 97 par le Sénat. L'article 97 serait donc rédigé comme la chambre elle-même l'avait rédigé avant l'envoi au Sénat. Ainsi, je propose de substituer au troisième paragraphe que vous avez sous les yeux, le paragraphe qui avait été voté par la Chambre et qui porte :

« Les bourgmestres en feront sans retard la publication dans les communes usagères. »

M. le président. - Feront la publication de quoi ?

M. Moncheur. - De ce dont il s'agit dans l'article 96 de la Chambre des représentants. Cet article était ainsi conçu :

« Chaque année, avant le 1er mars, pour le pâturage, et le 15 septembre, pour le panage ou la glandée, l'administration forestière fera connaître aux usagers les cantons déclarés défensables et le nombre de bestiaux qui seront admis au pâturage ou au panage, ainsi que la durée du parcours. »

Nous avions ajouté : « Les bourgmestres en feront sans retard la publication dans les communes usagères. »

Eh bien, je propose de rétablir ce que nous avions fait.

M. Orts, rapporteur. - Messieurs, l'administration forestière doit faire connaître trois choses aux usagers, et le collège des bourgmestre et échevins doit les publier, pour que les usagers en aient plus facilement connaissance. Ces trois choses sont :

1° La décision de l'administration forestière déclarant quels cantons sont défensables ;

2° La décision de la même administration qui fixe le nombre de bestiaux qui seront admis au pâturage ou au panage ;

3° La décision de la même administration, relative à la durée du parcours.

Pour atteindre le but qu'a en vue l'honorable M. Moncheur, on pourrait mettre dans le paragraphe 3 que « le collège des bourgmestre et échevins, donnera sans retard connaissance de cette décision aux usagers ».

(page 127) M. Orban. - On vient de prononcer la suppression du paragraphe 2 par le motif que l'autorité communale n'est pas compétente pour s'occuper d'usages ; si elle n'est pas compétente pour s'occuper d'usages, à quel titre voulez-vous l'obliger à faire les publications relatives à un usager ? Si vous ne lui reconnaissez pas des droits en fait d'usages, vous ne pouvez pas lui imposer des obligations de ce chef.

M. Tesch. - Que l'honorable M. Orban ma permette de le lui dire, son argumentation n'est pas sérieuse : autre chose est de charger une administration communale de faire une publication utile à tous les habitants, et autre chose est de lui donner le droit de juger des litiges.

M. Moncheur. - Je me rallie à l'amendement proposé par l'honorable M. Orts.

- Cet amendement est mis aux voix et adopté.

L'ensemble de l'article 97 est ensuite mis aux voix et adopté.

Section IV. Disposition générale
Article 102

M. le président. - L'article suivant du projet de loi adopté par la Chambre, qui formait la disposition unique de la section IV, a été supprimé ; il était conçu en ces termes :

« Art. 102. Les usagers qui contreviendront aux dispositions du présent titre seront punis des mêmes peines que les délinquants ordinaires. »

- Cette suppression est mise aux voix et adoptée.

Titre X. Police et conservation des forêts

Article 103

« Art. 103. Aucun défrichement ne pourra avoir lieu dans les bois dont l'Etat est propriétaire exclusif ou par indivis, qu'en vertu d'une loi, et dans les bois des communes et des établissements publics, ou dans les bois indivis entre ces corps et des particuliers, qu'en vertu d'un arrêté royal pris sur la demande d'un des propriétaires, sous peine, contre ceux qui l'auront ordonné ou effectué sans une autorisation légale, d'une amende de 300 à 600 francs par hectare de bois taillis, et de 500 à 2,000 francs par hectare de bois de futaie ou de futaie sur taillis. L'administration forestière sera autorisée par le même jugement à faire rétablir en nature de bois, dans le délai de deux années, le terrain défriché. »

M. le président. -La commission propose de rédiger cet article comme suit :

« Aucun défrichement ne pourra avoir lieu dans les bois de l'Etat, qu'en vertu d'une loi, et dans les bois des communes, et des établissements publics qui le demanderont, qu'en vertu d'un arrêté royal, sous peine contre ceux qui l'auront ordonné ou effectué d'une amende de, etc. (comme au projet, jusqu'à la fin du paragraphe).

« L'administration sera autorisée par le jugement de condamnation à, etc. (comme au projet). »

- L'article 103, ainsi amendé, est adopté.

Articles 104 et 105

« Art. 104. Faute, par les contrevenants, d'effectuer le remplacement de la partie défrichée, dans le délai de deux années, à partir de la sommation faite par l'administration forestière en vertu du jugement, celle-ci y pourvoira à leurs frais. Le recouvrement de ces frais sera poursuivi par les mêmes voies que le recouvrement des autres condamnations. »

- Adopté.


« Art. 105. Aucun essartage autre que celui des haies à sart d'essence chêne désignées par l'administration forestière ne pourra être opéré sans l'autorisation du ministre, dans les bois de l'Etat, et sans l'autorisation de la députation permanente du conseil provincial, sur l'avis de l'administration forestière, dans les bois des communes ou des établissements publics.

« Si l'administration forestière a émis un avis contraire à la décision prise par la députation permanente du conseil provincial, le gouverneur prendra son recours auprès du gouvernement, conformément à la loi provinciale. »

M. le président. - La commission propose de rédiger le paragraphe comme suit :

« En cas de dissentiment entre la députation permanente et l'administration forestière, le Roi prononcera, »

- L'art. 105, ainsi rédigé, est adopté.

Article 106

« Art. 106. Quiconque essartera, en contravention à l'article précédent, sera puni d'une amende de 40 à 100 francs, par hectare essarté, sans préjudice de la confiscation de la récolte obtenue et des condamnations encourues pour les souches ou les arbres endommagés par le fer ou le feu. »

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Je pense qu'il conviendrait de fixer l'amende de 26 à 100 fr., afin de ne pas multiplier les échelles ; nous avons déjà dans d'autres dispositions fixé le minimum à 26 fr., je propose de substituer ce minimum à celui de 40 fr.

- L'article 106 ainsi modifié est mis aux voix et adopté.

Article 107

« Art. 107. Aucune extraction, aucun enlèvement de pierre, de sable, de minerai, terre ou gazon, tourbe, bruyères, genêts, herbages, feuilles vertes ou mortes, engrais existant sur le sol des forêts, glands, faines et autres fruits ou semences, des bois et forêts, ne pourront avoir lieu que du consentement du propriétaire, sans préjudice des autorisations exigées par les lois et règlements.

« Le consentement des communes et des établissements publics devra, en outre, être approuvé par la députation permanente du conseil provincial.

« Toute extinction, tout enlèvement opérés contrairement aux dispositions qui précèdent seront punis ainsi qu'il suit :

« Par voiture ou tombereau, de 10 à 30 francs pour chaque bête attelé ;

« Par chaque charge de bête de somme, de 8 à 10 francs ;

« Par chaque charge d'homme, de 2 à 5 francs.

« Les délinquants pourront, en outre, être condamnés à un emprisonnement de un à sept jours. »

La commission propose la suppression du deuxième paragraphe :

« Le consentement des communes, etc. »

M. Orban. - L'article 107 prohibe l'extraction et l'enlèvement de pierre, de sable, de minerai, terre ou gazon, tourbe, bruyères, genêts, herbages, feuilles mortes, etc., sauf les autorisations exigées par les lois et règlements ; parmi ces produits, il en est dont l'enlèvement constitue un droit d'usage dans certaines forêts.

Il faudrait que cette prohibition eût lieu sous la réserve des droits et usages existants. Je proposerai de dire : « Aucune extraction, aucun enlèvement de pierres, etc., ne pourront avoir lieu que du consentement du propriétaire, sans préjudice des droits et usages existants. »

Je proposerai ensuite de remplacer les mots : « sans préjudice des autorisations exigées par les lois et règlements, » qui forment la fin du paragraphe, par ceux-ci : « et des autorisations légalement accordées ».

Le motif de ce changement est que la loi actuelle abroge tous les règlements antérieurs ; il ne pourra plus y avoir d'autre autorisation que celles qui seront légalement accordées.

M. Lelièvre. - Je considère l'amendement de l'honorable M. Orban comme présentant de graves inconvénients. En effet, cet amendement paraît légaliser les droits d'usage existants. Or, la jurisprudence a décidé que certains droits d'usage énoncés à l'article en discussion, tels que celui d'enlever les feuilles mortes, etc., sont des usages abusifs qui n'ont aucune existence légale et doivent être prohibés. Il m'est donc impossible de nie rallier à un amendement qui légalise des actes abusifs proscrits par les tribunaux comme destructifs des forêts.

M. Orban. - Je parle au nom de droits d'usage qui s'exercent au vu et au su de l'administration. Ces droits d'usage sont-ils légitimes ? Ce n’est pas à nous à trancher cette question. S'il y a lieu à contester ces droits, on les contestera devant les tribunaux. Quant à présent, ces droits s'exercent, ils ont une présomption de légitimité ; nous devons les respecter. Les usagers de l'ancienne gruerie de Chiny, notamment, sont en possession de ce droit, et il importe qu'il leur soit maintenu.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Il paraîtrait, d'après ce que vient de dire l'honorable M. Orban, que son amendement ne tend nullement à légitimer les usages qu'on pourrait reconnaître être abusifs.

L'article ne donne donc rien ; s'il ne donne rien il peut présenter des inconvénients ; on pourrait en tirer argument pour réclamer des droits d'usage très préjudiciables aux forêts et que la jurisprudence a traités avec très peu de faveur. Il faudrait laisser les choses dans l'état actuel.

Le silence sur le droit d'usage n'implique pas la proscription de ce droit ; ceux qui ont des droits à exercer les feront valoir ; ne reconnaissons pas en quelque sorte par une disposition formelle des droits que les tribunaux ont déclarés abusifs !

D'après ces observations, il n'y a pas lieu d'adopter la partie de l'amendement de M. Orban qui fait mention de ces usages. Quant à l'autre, je la considère comme une correction de style plutôt que comme une modification du sens de l'article et je m'y rallie.

Maintenant je dirai un mot du deuxième paragraphe de l'article 107, il est ainsi conçu :

« Le consentement des communes et des établissements publics devra en outre être approuvé par la députation permanente du conseil provincial. »

L'administration forestière tient beaucoup à pouvoir donner an moins un avis sur cette matière. Le consentement des communes peut être accordé un peu en aveugle, et la députation permanente du Conseil provincial appelée à l'approuver doit désirer d'être éclairée par l'administration forestière.

De son côté, l'administration forestière insiste pour être entendue, non pas en vertu d'une simple faculté de la députation permanente, mais en vertu d'un avis que celle-ci serait obligée de lui demander aux termes de la loi. Ce serait un simple avis. La députation permanente continuera à pouvoir approuver la décision de l'autorité communale ; mais au moins elle aura un élément d'appréciation émanant de l'administration forestière qui pourra faire valoir ses raisons.

Ainsi je propose le maintien du paragraphe avec l'addition des mots : « la députation permanente entendue ».

M. Orban. - En ce qui concerne la réserve qu'on se proposait de faire pour les droits d'usage existants, je n'insiste pas sur ma proposition, puisqu'il est reconnu que l'article, tel qu'il est rédigé, ne porte pas atteinte à ces droits. Je supprime donc la première partie de mon amendement. Je dirai deux mots de la proposition faite par M. le ministre, de soumettre à l'avis de l'autorité forestière les enlèvements de feuilles, etc., mentionnés dans cet article ; il me semble que c'est là une précaution surabondante. Il est parfaitement inutile d'avoir l'avis de l'administration forestière pour des objets aussi insignifiants.

Subordonner la jouissance de ces produits à tant de formalités, c'est en réalité la supprimer ; la plupart du temps on y renoncera pour ne pas être obligé de remplir tous ces préliminaires. On se plaint de (page 128) ce que nous avons déjà étendu démesurément les attributions de l'administration forestière. Ce n'est pas le cas de les augmenter encore.

M. Orts, rapporteur. - L'honorable M. Orban renonce à la première partie de son amendement, que je ne croyais pas nécessaire ; je n'ai donc plus à m'en occuper. Mais par la seconde partie de son amendement, cet honorable membre modifie complètement le sens de l'article 107.

Cet article a supposé un principe que l'exposé des motifs et le premier vote de la Chambre considèrent comme essentiel à la conservation et à la bonne police des forêts. Voici ce principe : Il n'est jamais permis à qui que ce soit, usager ou non, de venir dans une forêt soumise au régime forestier enlever un produit quelconque, fut-ce pour se payer de ses propres mains de sa propre dette sans l'autorisation de l'administration forestière.

L'administration doit veiller à ce qu'il ne soit porté aucune atteinte au domaine public ; car, en réalité, il s'agit du domaine public à ses divers degrés.

L'article 107 exigeait donc, avant tout, l'autorisation de l'administration forestière pour rendre légitime un enlèvement de produits. Le sénat a ajouté le consentement du propriétaire pour indiquer une pensée qui était en dehors de la disposition de cet article, mais qui n'en est pas moins vraie : la pensée qu'on ne peut jamais entrer dans une forêt, voire même pour s'y payer de sa propre créance, sans le consentement du propriétaire, comme on ne peut le faire sans l'autorisation de l'administration forestière. Il est évident, en effet, que l'administration forestière ne peut accorder d'autorisation valable sans le consentement du propriétaire de la forêt. Je crois que cette disposition est conforme au droit commun et an principe du respect dû à la propriété.

Il faut, pour être en règle, le double consentement.

Quant à l'addition des mots « sans préjudice des autorisations exigées par les lois et règlements », je ferai remarquer qu'il y a des matières réglées par des lois spéciales autres que le droit commun, autres que le Code forestier. Ces lois spéciales subordonnent les opérations du genre de celle dont il est question à l'article 107 à certaines autorisations autres que celles des propriétaires et de l'administration forestière. Je citerai la loi générale des mines qui subordonne à des autorisations émanées d'autorités spéciales, la recherche du minerai. Il en est de même, si je ne me trompe, des extractions de tourbe. Nous n'avons pas voulu abroger ces lois, et nous avons admis l'addition des mots « sans préjudice des autorisations exigées par les lois et règlements » pour déclarer que là où d'autres lois que le Code forestier exigent un autre consentement que celui de l'administration forestière, ce consentement est encore exigé.

Il me semble donc que du moment où l'on insiste sur le point de savoir si l'autorisation de l'administration forestere n'est pas la première à obtenir, il faut adopter de suite l'amendement de M. le ministre de la justice. On ne peut admettre que l'on vienne exercer un droit d'usage ou tout autre droit dans un bois soumis au régime forestier avec le consentement simple du propriétaire et sans l'autorisation de l'administration forestière, sinon, les bois communaux seront livrés au pillage et à la dévastation.

- La clôture est prononcée.

M. Orban. - Je relire mon amendement, et je...

M. le président. - C'est bien ; mais la discussion est close.

M. Orban. - Quand une discussion marche aussi vile, on ne devrait pas insister sur la clôture. On n'a pas le temps de faire une observation. Il faut pour cela une dextérité particulière.

M. le président. - J'exécute le règlement. J'ai demandé si quelqu'un réclamait la parole, et personne ne réclamant, j'ai déclaré la discussion close.

Elle ne peut être rouverte qu'avec l'autorisation de la chambre.

M. Orban. - Je ne le conteste pas.

M. le président. - La chambre veut-elle rouvrir la discussion ? (Oui ;! oui !)

La parole est à M. Orban.

M. Orban. - Je tiens à faire connaître pourquoi je retire mon amendement qui a été appuyé par le ministre de la justice. Je dois à la vérité de dire que mon amendement ne correspond plus à la pensée de la commission telle qu'elle vient d'être expliquée par son rapporteur, pensée qui, on le reconnaîtra, ne ressort nullement des expressions dont elle se sert. Si donc je retire mon amendement, je constate en même temps que la rédaction de la commission aurait besoin d'une nouvelle modification.

- L'amendement proposé par M. le ministre de la justice au paragraphe 2 est adopté.

Le paragraphe ainsi modifié est adopté.

M. le président. - Le mot « chaque » se trouve répété trois fois. On pourrait le conserver une seule fois. S'il n'y a pas d'opposition, il en sera ainsi.

- L'article ainsi modifié est adopté.

Article 110

« Art. 110. L'article 672 du Code civil est applicable aux arbres de lisières des bois et forêts. »

M. le président. - Le sénat a supprimé deux paragraphes que la commission propose de rétablir. Ils sont ainsi conçus :

« Néanmoins, les propriétaires riverains ne pourront se prévaloir de la disposition de cet article concernant l'élagage à l'égard des arbres ayant plus de 30 ans, au moment de la publication de la présente loi.

« Tout élagage exécuté sans l'autorisation des propriétaires des bois et forêts donnera lieu à l'application des peines portées par l'article 160. »

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Messieurs, c'est évidemment par erreur que les deux paragraphes que la commission propose de reproduire ont été retranchés du texte amendé du Sénat, il résulte de la discussion que lors du premier vote, à la page 281 des Annales du Sénat, l'article a été voté avec les deux paragraphes. Il en a été de même au second vote ; de sorte que l'addition des deux paragraphes ne fera que rétablir le texte.

M. Orban. - Messieurs, je me proposais de demander le maintien de la suppression de cet article. Mais du moment où cette suppression n'a pas été proposée par le Sénat, je n'insisterai pas. Cependant il me paraît essentiel de présenter une observation sur le second paragraphe. D'après cette disposition tout élagage exécuté sans l'autorisation des propriétaires des bois et forêts, donnera lieu à l'application des peines portées par l'article 160.

L'article 160 relatif aux délits de même nature qui peuvent se commettre dans l'intérieur des forêts ne punit dr la pénalité indiquée dans cet article que celui qui aura élagué les principales branches d'un arbre, et par l'article 110 vous punissez des mêmes peines toute espèce d'élagage : c'est-à-dire que vous punissez plus sévèrement le propriétaire riverain d'une forêt qui a le droit de réclamer l'élagage des branches qui s'étendent sur son sol, mais qui ne peut procéder à cet élagage avant d'en avoir obtenu l'autorisation du propriétaire ; vous le punissez plus sévèrement que celui qui, dans l'intérieur d'une forêt, commet un délit sur un arbre qui ne lui appartient en aucune manière.

Il est évident qu'en renvoyant à l'article 160, on n'a pas fait attention à cette conséquence anomale. Vous ne pouvez soumettre à une punition plus forte celui qui use d'un droit, quoique d'une façon peu régulière, que celui qui porte atteinte à la propriété d'autrui.

M. le président. - Il n'y a pas d'amendement déposé.

M. Orban. - Je ne propose pas d'amender cette disposition parce que je croyais que l'on voterait sa suppression.

Mais je crois que quand je signale à M. le ministre de la justice des anomalies aussi palpables, sa sollicitude devrait être éveillée et il devrait lui-même proposer un amendement.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Je n'ai pas à proposer d'amendement, parce que je ne trouve pasque l'article 110 constitue une injustice en se reférant à l'article 160 et aux pénalités auxquelles l'article 160 fait allusion.

L'article 110 s'occupe de faits spéciaux. L'article 160 s'occupe de faits différents de ceux dont s'occupe l'article 110 ; il parle de véritables délits commis dans l'intérieur des forêts : « ceux qui, dans les bois et forêts, auront choupé, écorcé ou mutilé des arbres, ou qui en auront coupé les principales branches, seront punis comme s'ils les avaient abattus sur pied. »

Ce sont des actes de malveillance pure que la loi punit. Eh bien, la loi assimile à ces actes de malveillance pure le fait d'avoir élagué sans autorisation, d'avoir contrevenu quant à l'élagage aux obligations qui sont imposées par la loi pour ce genre d'opérations.

Je ne suis donc nullement frappé de l'injustice que signale l'honorable M. Orban, et pour moi je n'ai pas d'amendement à soumettre à la Chambre. Si l'honorable M. Orban croit devoir en présenter un, je me réserve de l'apprécier.

Je répète, en vérifiant les Annales du Sénat, qu'il y a eu erreur dans la copie authentique de la version que le Sénat a envoyée à la Chambre. A la page 281, première colonne des Annales du Sénat, on voit que l'article 110 a été voté avec les deux paragraphes dont il est actuellement question.

M. Lelièvre. - Il me semble qu'on peut laisser le paragraphe en discussion tel qu'il est énoncé dans le projet, le juge a un pouvoir discrétionnaire pour l'application. Il y a un maximum et un minimum, eh bien, dans le cas dont nous nous occupons, le juge pourra n'appliquer que le minimum de la peine.

M. Orban. - Précisons bien la question. D'après l'article 160, celui qui a mutilé les principales branches d'un arbre commet le même délit que s'il avait abattu l'arbre lui-même. Ainsi dans ce cas, pour être assimilé à la personne qui a abattu un arbre, il faut en couper les principales branches.

Mais quand il s'agit du propriétaire riverain d'une forêt qui avait le droit de faire couper les branches s'étendant sur son sol, alors tout élagagc de sa part sera assimilé au fait d'avoir coupé l'arbre lui-même.

Je demande si l'on peut justifier cette rigueur envers celui qui, évidemment, se trouve dans une position plus favorable, qui use d'un droit, mais qui n'a pas rempli les formaliltés nécessaires pour user de ce droit.

M. Orts. - Messieurs, l'observation de l'honorable membre repose sur une fausse appréciation des droits du propriétaire riverain d'une forêt. L'honorable M. Orban dit qu'il est injuste de punir cet homme qui use de son droit, de le punir aussi rigoureusement que celui qui se permet d'aller couper un arbre dans la forêt d'autrui. Mais le propriétaire riverain n'a pas le droit de couper les branches qui empiètent sur sa propriété, et c'est précisément parce qu'il n'a pas ce droit qu'on assimile son fait au délit de celui qui va couper du bois dans la forêt d'autrui. En effet, l'article 672 du Code civil qui s'appliquera maintenant aux arbres des forêts comme aux autres, cet article ne donne pas au voisin le droit de couper lui-même les branches qui passent sur sa (page 129) propriété ; il lui donne seulement le droit de contraindre son voisin à les couper, c’est bien différent.

Nous voulons punir celui qui, ayant un moyen légal de se faire rendre justice, aime mieux recourir à des voies de fait et se rendre justice à lui-même.

M. Lelièvre. - Il me semble qu'il y a quelque chose de vrai dans les observations de l'honorable M. Orban. Sans doute, celui qui élague de sa propre volonté les branches d'un arbre d'une forêt, commet un fait illicite, il consomme un véritable délit.

Toutefois, il ne peut être puni plus sévèrement que si le premier venu avait coupé les branches d'un arbre appartenant à autrui. Or, ne perdons pas de vue quelles sont les peines appliquées, en ce cas, par le projet en discussion.

S'agit-il de la coupe des principales branches de l'arbre, il y a lieu à l'application de l'article 160. La coupe de branches moins importantes est réprimée non par l'article 160, mais bien par l'article 162. Dès lors il me semble rationnel de se référer non seulement à l'article 160 mais aussi à l'article 162 pour la répression de l'acte consistant à avoir fait élaguer l'arbre d'une forêt. On devrait en conséquence énoncer dans le paragraphe en discussion :

« Tout élagage exécuté sans autorisation donnera lieu à l'application des peines portées par les articles 160 et 162 » ; de cette manière l'auteur de l'élagage illicite sera puni de la peine énoncée à l'article 160, s'il s'agit des principales branches de l’arbre et de la pénalité comminée par l'article 162, s'il s'agit de branches moins importantes, et cette disposition rétablit l'harmonie entre les diverses dispositions du projet en faisant droit aux justes observations de M. Orban.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Il ne faut pas supposer, messieurs, que l'application de l'article 110 ait lieu, même pour les faits les plus insignifiants. L'article 110 a pour but d'empêcher qu'on ne se fasse justice à soi-même, en procédant à l'élagage sans avoir obtenu le consentement du propriétaire ou sans l'avoir fait condamner à opérer cet élagage. Supposer qu'un individu ayant coupé quelques branches sur la lisière d'une forêt, sera poursuivi de ce chef, ce serait une puérilité et à coup sûr, en pareil cas, le tribunal n'aurait aucune peine à appliquer. Ce que les tribunaux assimileront à la coupe des principales branches d'un arbre, c'est le fait de l'élagage entendu comme tout homme raisonnable l'entend. Je dis, messieurs, que les poursuites n'auront lieu que quand elles seront réellement justifiées et, par conséquent, je ne vois pas l'injustice dont on a parlé.

M. Thibaut. - A l'appui de la proposition faite par l’honorable M. Lelièvre, de se référer aux articles 160 et 162 dans le but de faire droit aux observations fondées, selon moi, de l'honorable M. Orban, je ferai remarquer qu'il arrivera assez souvent que l'élagage fait par le voisin ne nuira en aucune manière au propriétaire de la forêt ; si donc vous adoptiez la disposition du projet, vous puniriez dans bien des cas, un fait qui n'aura causé aucun dommage, d'une amende pouvant aller jusqu'à plus de 100 fr. M. le ministre dit que s'il ne s'agit que de faits sans gravité, les tribunaux ne condamneront pas ; mais, messieurs, un garde peut dresser procès-verbal pour des motifs peu raisonnables, et cependant son procès-verbal fera foi en justice jusqu'à inscription de faux ; le tribunal n'aura pas à s'enquérir des motifs du garde, il ne verra que le procès-verbal et il condamnera sur le procès-verbal.

Je demande, messieurs, qu'on adopte l'amendement de l'honorable M. Lelièvre et que pour les faits qui ne seraient pas dommageables ou qui seraient peu dommageables, les tribunaux puissent seulement appliquer les pénalités comminées par l'article 162.

M. Tesch. - On pourrait dire . « Tout élagage exécuté sans la permission du propriétaire du bois ou de la forêt, sera puni comme si le bois avait été coupé en délit. »

- Cette proposition est mise aux voix et adoptée.

Article 108

« Art. 108. Il n'est point dérogé aux droits conférés à l'administration des ponts et chaussées, d’indiquer les lieux où doivent être faites les extractions de matériaux pour les travaux publics ; néanmoins les entrepreneurs seront tenus de payer les indemnités de droit, et d'observer les formes prescrites par les lois et règlements en cette matière.

-Adopté.

Articles 111 à 115

« Art. 111. Il ne pourra être établi, à l'avenir, sans autorisation du Roi, aucun four à chaux ou à plâtre, soit temporaire, soit permanent, aucune briqueterie et tuilerie dans l'intérieur et à moins de 250 mètres des bois et forêts soumis au régime forestier, par l'article premier de la présente loi, à peine d'une amende de 50 à 300 francs et de démolition de ces établissements. »

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Il y a lieu ici, messieurs, de substituer le minimum de 26 fr. à celui de 50 fr.

- L'article est adopté avec celle modification.


« Art.112. Il est également défendu d'élever à l'intérieur ou à moins de 250 mètres de ces forêts, si ce n'est dans les coupes en usance, aucune maison sur perches, loge, baraque ou hangar, sans autorisation du Roi, à peine de 40 francs d'amende et de démolition. »

-Adopté.


« Art. 113. A l'avenir, aucune construction de maisons, fermes ou bâtiments ou dépendants, ne pourra être faite à une distance moindre de 100 mètres de la lisière des mêmes bois, sans autorisation du Roi, soùs peine de démolition.

« Toutefois les maisons ou fermes actuellement existantes pourront être conservées, réparées et reconstruites sans autorisation. »

- Adopté.


« Art. 115. Nul individu habitant les maisons ou fermes actuellement existantes dans le rayon de 100 mètres, ou dont la construction aura été autorisée en vertu de l'article 113, ne pourra établir aucun atelier à façonner le bois, aucun chantier ou magasin de bois, de charbon ou de cendre, pour en faire le commerce, sans l'autorisation spéciale du Roi, sous peine de 40 francs d'amende, et de la confiscation des bois, cendres et charbons.

- Adopté.

La suite de la discussion est remise à demain.

La séance est levée à 4 heures et demie.