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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 17 janvier 1854

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 413) M. Dumon procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dumon présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.

« Le sieur Jean-Bernard Martel prie la Chambre de donner suite à sa demande de naturalisation. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« Le sieur Eustache-Marie-Philippe-Henri de Caritat de Peruzzi prie la Chambre de statuer sur sa demande de naturalisation. »

- Même renvoi.


« Le sieur Adrien Leroux, à Bouillon, né à Versailles (France), demande la naturalisation. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Le sieur Alexis, ancien instituteur communal à Vedrin, prie la Chambre de lui faire obtenir un subside. «

M. Lelièvre. - Il s'agit d'un individu qui réellement a besoin du subside réclamé ; il est dans un état voisin de l'indigence. Je demande le renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur Degrez prie la Chambre d'accorder une pension à son fils Pierre, grenadier au 1er bataillon, qui a subi l'amputation du bras gauche à l'hôpital militaire de Bruxelles. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Van Belle, ancien géomètre du cadastre, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir une pension. »

- Même renvoi.


« Les sieurs Cleerens et Verstraete, facteurs du bureau des postes, à Eecloo, demandent une augmentation de traitement. »

- Même renvoi.


« Le sieur Wens, ancien militaire, demande une indemnité ou une gratification. »

- Même renvoi.


« Les sieurs Vinckenbosch, Vandenbossche et Janssens, fabricants de sucre indigène, demandent la libre entrée de la fonte et des charbons par les chemins de fer de l'Etat et par les canaux. »

- Même renvoi.


« Le sieur Larondelle, desservant à Basse-Bodeux, demande une augmenration de traitement pour les facteurs ruraux du canton de Stavelot. »

- Même renvoi.


« Les sieurs Hensmans, Van Espen et de Coster demandent qu'on fasse une nouvelle évaluation des propriétés bâties le long des grandes routes. »

- Même renvoi.


« Le sieur Thylis, ancien négociant, prie la Chambre de lui faire obtenir une place. »

- Même renvoi.


« Les conseils communaux d'Oostham, Quaed-Mechelen, Beverloo, Beeringen, Hespen et Coursel demandent que le gouvernement fasse construire des casernes pour loger la cavalerie pendant le temps des manœuvres au camp de Beverloo. »

- Même renvoi.


« Plusieurs habitants de Namur demandent la suppression des logements militaires. »

« Même demande du conseil communal de Wavre. »

- Même renvoi.

M. Lelièvre. - Je demande également le renvoi de la pétition à la commission avec demande d'un prompt rapport ; il s'agit d'un objet qui mérite l'attention du gouvernement.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur Ard'huin demande que dans les établissements d'instruction publique on soit tenu de consacrer quelques heures par semaine oo par mois à la lecture du Code pénal et de faire bien ressortir aux élèves la pénalité qui frappe chaque crime ou délit. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Servaes demande que le partage des biens communaux qui a eu lieu entre les habitants de Melreux, le 20 juin 1846, soit déclaré irrévocable et que les parties de biens distribuées à des individus qui n'y avaient pas droit soient restituées à ceux qui habitaient la section de Melreux à l'époque des ventes de bois. »

- Même renvoi.


« Plusieurs habitants de Maeseyck prient la Chambre d'adopter le tracé du chemin de fer liégeois-limbourgeois qui est proposé par l'ingénieur Stevens. »

- Même renvoi.


« Plusieurs habitants de Heule demandent ta prohibition provisoire des céréales à la sortie. »

- Même renvoi.


« Quelques électeurs des arrondissements de Marche, de Neufchâteau et de Bastogne demandent l’enseignement ambulant des principes agricoles suivant la méthode du sieur Gatellier. »

- Même renvoi.


« Le sieur d'Or, ancien militaire pensionné, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir une augmentation de pension. »

- Même renvoi.


« Les sieurs Verbeeck, Peetermans et autres membres de la société dite de Hoop, à Meerhout, déclarent adhérer à la pétilion du comité flamand, en date du 23 décembre 1853. »

« Même déclaration de quelques habitants de Meerhout. »

- Même renvoi.


« L'administration communale d'Oeudeghien appelle l'attention de la Chambre sur les pertes qu'ont essuyées les cultivateurs de cette commune par suite de la grêle qui est tombée dans les journées du 28 juin et du 9 juillet 1853.»

- Même renvoi.

M. Faignart. - Je viens appuyer cette pétition. La commune d'OEudeghien a considérablement souffert des événements fâcheux qui ont eu lieu en juin et en juillet derniers. Je demande que la commission des pétitions soit invitée à nous faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Les bourgmestre et échevins, les négociants et fermiers de Havinnes, Rumillies, Melles, Quartes, Popuelles et Thimougies, réclament l'intervention de la Chambre pour obtenir une voie d'évitement à Havinnes. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les bourgmestres d'Oignies et de Mesnil demandent une augmentation de traitement pour le sieur Demoulin, facteur des postes dans ces communes. »

- Même renvoi.


« Plusieurs bateliers domiciliés à Dixmude demandent que les droits d'écluse perçus à Plasschendaele, Nieuport et Furnes soient réduits au moins d'un tiers et que les allèges payent le même droit que les bâtiments qui ne sont pas chargés. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Léau prie la Chambre d'accorder à l'ingénieur Slevens la concession d'un chemin de fer destiné à mettre Liège en communication avec Tongres, Bilsen, Hasselt, Looz, St-Trond, Léau, Diest, Herstal et St-Léonard. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Leuze prie la Chambre d'accorder aux sieurs Ilertogs et Hoyois la concession d'un chemin de fer de Gaud vers le couchant de Mons. »

M. Magherman. - La pétition présentée à la Chambre par l'administration communale de Leuze offre un grand intérêt d'actualité, puisque le projet de chemin de fer qui en est l'objet fait partie des communications sollicitées qui seront très prochainement l'objet d'une enquête publique. Je recommande donc cette requête à l'attention toute spéciale de la commission des pétitions, à laquelle je demande qu'elle soit renvoyée avec invitation de faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Le conseil communal de Renaix prie la chambre d'accorder aux frères Hertogs l'autorisation de prolonger la ligne concédée de Gand à Audenarde vers Leuze et Thulin en passant par Renaix et Frasnes. »

M. Magherman. - La proposition que je viens de faire à l'égard de la pétition du conseil communal de Leuze est applicable, par les motifs que j'ai fait valoir à l'instant, à la demande du conseil communal de Renaix. Je fais donc la même proposition à ce sujet.

- La proposition est adoptée.


« Des électeurs d'Avelghem demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu du canton »

- Renvoi à la commission des pétitions du mois de mars 1853.


« Le sieur Cornu demande que les brevets concernant des procédés d'une utilité générale soient exempts de la taxe ; que la publicité des brevets n'ait lieu qu'à la demande de l'auteur ; que la justice consulaire puisse seule en prononcer la déchéance, et que les contraventions en matière de brevet soient jugées par les tribunaux correctionnels. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur les brevets d'invention.


« Le sieur de Caritat, distillateur agricole à Lanaken, prie la (page 414) chambre de rejeter la disposition du projet de loi sur les distilleries qui réduit à 5 p. c. la remise accordée aux distilleries agricoles. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi sur les distilleries.

M. de Renesse. - Messsieurs, le sieur de Caritat, distillateur agricole à Lanaken, province de Limbourg, adresse des observations sur le nouveau projet de loi sur les distilleries, et demande que l’on maintienne, en faveur des distilleries agricoles, la déduction de 15 p. c. accordée par les lois de 1842, 1851 et 1853.

En appuyant la demande de ce pétitionnaire, j'ai l'honneur de proposer le renvoi de cette pétition à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi sur les distilleries.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur Croonenberghe, distillateur à Slockeim, prhe la Chambre de rejeter l'augmentation de l'accise proposée dans le projet de loi sur les distilleries ou du moins de maintenir la protection de 15 p. c. pour les distilleries agricoles. »

M. de Renesse. - Je fais la même proposition pour cette pétition.

- La proposition de M. de Renesse est adoptée.


« Par messages en date du 22 décembre 1853, le Sénat informe la Chambre :

« 1° Qu'il ne sera donné aucune suite à la demande de naturalisation ordinaire des sieurs Corneille Oomen et Pierre J. de Ridder, attendu que les pétitionnaires sont décédés,

« 2° Qu'il a rejeté le projet de loi conférant la naturalisation ordinaire au sieur Richard Stonthaemer ;

« 3° Qu'il a donné son adhésion aux projets de loi conférant la naturalisation ordinaire à 16 pétitionnaires ;


« Par 16 messages en date des 23, 24, 27, 28, 29 et 30 décembre 1853, le Sénat informe la Chambre qu'il a donné son adhésion aux projets de loi :

« Qui fixe le contingent de l'armée pour 1854 ;

« Qui autorise le gouvernement à régler temporairement le tarif à l'entrée des houilles ;

« Qui proroge la loi du 1er mars 1851, concernant le tarif des correspondances télégraphiques ;

« Qui ouvre au ministère de l'intérieur un crédit provisoire de 1,150,000 fr. ;

« Contenant une modification du contingent de l'impôt foncier ;

« Concernant un transfert au budget du département de la guerre de l'exercice 1853 ;

« Qui augmente de 4,700 fr. le budget du ministère de la justice de 1853 ;

« Qui supprime les centimes additionnels et le timbre collectif dont est passible l'accise sur les vins étrangers ;

« Qui supprime les centimes additionnels et le timbre collectif dont est passible l'accise sur les bières et les vinaigres ;

« Exemptant du payement du droit d'enregistrement, la naturalisation accordée à des habitants des parties cédées du Limbourg et du Luxembourg ;

« Qui réunit la partie belge du polder Prosper au territoire des communes de Pool et de Kieldrecht, province de la Flandre orientale ;

« Contenant le budget du ministère de la guerre pour l'exercice 1854 ;

« Sur les denrées alimentaires ;

« Contenant le budget du ministère des travaux publics pour l'exercice 1854. »

- Pris pour notification.

Projet de loi sur l’expropriation forcée

Transmission du projet de loi amendé par le sénat

« Par message du 23 décembre, le sénat renvoie à la chambre, tel qu'il a été amendé par lui, le projet de loi sur l'expropriation forcée. »

- Renvoi à la commission qui a examiné le projet primitif (M. Magherman remplacera dans cette commission M. d'Hont qui ne fait plus partie de la chambre).

Pièces adressées à la chambre

« Par dépêches en date du 4, du 11 et du 14 janvier, M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, quatre demandes de naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« Par dépêche du 17 janvier, M. le ministre de la guerre transmet à la Chambre les explications demandées sur la pétition du capitaine pensionné Thyrion, tendant à obtenir le remboursement des dépenses faites pour achat de médicaments que la pharmacie militaire de Bruxelles n'aurait pas été en état de lui fournir. »

- Dépôt au bureau des renseignements.


« Par dépêche du 12 janvier, M. le ministre de l'intérieur adresse à la Chambre 110 exemplaires de l’Annuaire de l'observatoire royal de Bruxelles, pour 1854. »

- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.


« M. Quetelet, secrétaire perpétuel de l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts, adresse à la Chambre, au nom de la commission royale d'histoire, 110 exemplaires des n°3 et 4, t. V, de ses bulletins.

- Même décision.

Ordre des travaux de la chambre

M. de Renesse (pour une motion d’ordre-. - Messieurs, à la séance du 25 décembre, jour de la séparation de la Chambre pour les vacances de la nouvelle année, un projet de loi destiné à allouer un crédit supplémentaire de 374,000 fr. au budget des non-valeurs et remboursements de l'exercice 1853, a été déposé sur le bureau de la Chambre par M. le ministre des finances. Ce projet de loi me paraît présenter une urgence suffisante pour que je demande à la chambre son prompt examen dans les sections ; le crédit postulé étant indispensable pour subvenir à l'insuffisance du fonds de non-valeurs, et permettre au gouvernement de pouvoir accorder une certaine indemnité ou plutôt des secours aux personnes réduites à la détresse par suite des orages ou ouragans qui, pendant le courant de l'été passe, ont complètement ravagé les récoltes dans un grand nombre de communes des provinces de Brabant, de Hainaut, d'Anvers et de Limbourg.

La crise alimentaire, la cherté de tous les objets de première nécessité augmentent encore la position malheureuse de ces pauvres victimes d'événements calamiteux ; il y a donc réellement urgence pour que la Chambre veuille ordonner un prompt examen du projet de loi dans les sections. C'est à quoi tend la motion d'ordre que j'ai l'honneur de lui présenter.

- La motion de M. de Renesse est adoptée.

Proposition de loi sur la compétence des tribunaux militaires

Lecture

M. le président. - Plusieurs sections ont autorisé la lecture de la proposition de loi déposée sur le bureau dans la dernière séance.

Cette proposition, signée par M. Orts, et ainsi conçue :

« Article unique. Les contraventions, les délits et les crimes commis par les militaires ou les personnes attachées à l'armée seront jugés par les tribunaux de simple police, les tribunaux correctionnels ou les cours d'assises, dans les limites de leur compétence respective.

« Les tribunaux militaires connaissent des faits prévus par les lois militaires, »

Quel jour M. Orts désire-t-il développer sa proposition ?

M. Orts. - Demain, si cela convient à la Chambre, ou tout autre jour qu'elle voudra bien fixer.

- La Chambre décide que M. Orts sera entendu demain.

Projet de loi réorganisant les administrations de bienfaisance

Dépôt

Projet de loi sur les dons et legs charitables

Dépôt

M. le ministre de la justice (M. Faider). - D'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la chambre :

Un projet de loi relatif à la réorganisation des administrations de bienfaisance.

Un second projet de loi relatif aux dons et legs charitables.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ces projets de loi.

La chambre en ordonne l'impression et la distribution, et les renvoie à l'examen des sections.

Projet de loi maintenant provisoirement les dispositions du traité conclu avec le Zollverein

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Liedts). - D'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer un projet de loi qui autorise le gouvernement à maintenir provisoirement en vigueur les dispositions du traité du 1er septembre 1844 et de la convention additionnelle du 18 février 1852 relative au transit des marchandises venant du Zollverein ou y allant.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi qui sera imprimé et distribué. Il est renvoyé à l'examen des sections.

Projet de loi cédant les fortifications militaires à démolir à certaines villes fortes

Dépôt

MfL présente ensuite un projet de loi relatif à la cession à faire, sous certaines conditions, aux villes fortes d'Ypres, Menin, Ath, Philippeville, Marienbourg et Bouillon, dont les fortifications doivent être démolies, de terrains et de bâtiments militaires qui se trouvent dans ces villes.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce projet et le renvoi à l'examen des sections.

Projet de loi sur le tarif des taxes consulaires

Dépôt

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere) présente un projet de loi relatif au tarif des taxes consulaires.

- Ce projet sera imprimé et distribué : il est renvoyé à l'examen des sections.

Projet de loi établissant une taxe sur le sel employé dans la fabrication du sulfate de soude

Discussion générale

M. le président. - M. le ministre des finances se rallie-t-il au projet de la section centrale ?

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, si je ne consultais que l'intérêt du trésor, je devrais me rallier à la proposition de la section centrale, attendu qu'elle accorde au trésor quelque chose de plus que ce que le gouvernement demandait ; mais je trouve la disposition du gouvernement plus équitable pour l'industrie atteinte par le projet. Je préfère donc le projet du gouvernement à celui de la section centrale, et dès lors je ne puis me rallier àcelui-ci.

M. le président. - En conséquence, la discussion s'ouvre sur le projet du gouvernement.

M. Lelièvre a déposé un amendement qui est ainsi conçu :

Ajouter au projet du gouvernement la disposition suivante :

« Le gouvernement est autorisé à accorder aux fabricants dont il s'agit, à titre de déchet, une déduction qui ne pourra excéder 2 p. c. sur les quantités de sel déposées dans les magasins de crédit permanent. »

En conséquence la disposition additionnelle serait la disposition finale du projet et serait rédigée en ces termes :

(page 415) « Il est autorisé à leur accorder, à titre de déchet, une déduction qui ne pourra excéder 2 p. c. sur les quantités de sel déposées dans les magasins de crédit permanent. »

Pour le cas où l'amendement de M. Lelièvre ne serait pas adopté, M. Moncheur propose d'ajouter au troisième paragraphe de l'article unique, ces mots :

« Toutefois les magasins des fabricants de sulfate de soude pourront, à la demande de ceux-ci, être assimilés aux entrepôts publics. En ce cas les clefs de ces magasins resteront entre les mains des employés de l'administration, et les fabricants ne seront soumis à aucune responsabilité pour manquants à la sortie du sel emmagasiné. »

M. Moxhon. - Messieurs, le projet qui vous est soumis menace dans leur développement les petites industries au profit des grandes. S'il est vrai que la perception est pour les unes et les autres de 75 c. sur les 500,000 premiers kilog. de sel employé et de 15 c. sur les quantités suivantes, il est constant, pour que la grande et la petite industrie soient également traitées, que le droit payé devrait être calculé sur la moyenne de la fabrication annuelle de l'une et de l’autre. Or y a-t-il égalité, si le fabricant qui emploie 225,000 kilog. paye sur cette quantité 75 c. par 100 kilog. tandis que l'usine qui consomme 3,250,000 kilog. n'acquittera que 24 centimes, et lorsque cette usine aura poussé sa consommation jusqu'à 6,000,000 de kilog., elle n'acquittera alors que 19 1/2 centimes ?

Cette inégalité dans la position des deux industries a frappé aussi votre section centrale, puisqu'elle vous propose, par amendement, une taxe uniforme. La mesure proposée par le gouvernement ne tendrait à rien moins qu'à arrêter l'essor d'une industrie qui prend chaque jour de nouveaux développements et qui à ce titre mérite votre juste et bienveillante sympathie.

L'exposé des motifs vous dit que des fraudes ont été signalées ; la rumeur publique, il est vrai, va jusqu'à désigner certains noms.

S'il est vrai que les fraudeurs sont connus, il fallait les poursuivre, Si des fraudes ont été signalées, il fallait rechercher les coupables. Depuis longtemps la morale publique demande impérieusement la punition des grands fraudeurs industriels. Au lieu de cela, le gouvernement vous propose une mesure ruineuse pour les petits, avantageuse exclusivement pour les grands. Cette mesure, si elle était adoptée, serait-elle efficace pour prévenir la fraude ? Et en supposant que l'on pût atteindre ce résultat, n'existe-t-il pas des mesures moins vexatoires, plus protectrices de tous les intérêts ?

La pétition des fabricants de sulfate de soude qui est déposée sur le bureau, offre, à mon sens, un moyen simple d'assurer au trésor ses justes droits, tout en épargnant aux fabricants les vexations qu'ils redoutent. Ils proposent : « de placer le sel emmagasiné dans leurs usines, sous le régime de l'entrepôt public, ou tout au moins de leur accorder, à titre de déchet, une déduction de 2 p. c. sur les quantités de sel déposées dans leurs magasins de crédit permanent. » C'est dans ce sens qu'est conçu l'amendement de l'honorable M. Lelièvre.

Je saisis cette occasion, messieurs, pour vous faire remarquer que la faveur accordée par notre législation douanière aux navires nationaux pèse déjà d'une manière notable sur une industrie qui doit tirer de l'Angleterre une grande partie de sa matière première.

Depuis quelques années, des découvertes d'importants gîtes de pierres pyriteuses ont engagé un grand nombre d'industriels, réunis en société, à exposer d'énormes capitaux à la fabrication des sels de soude. Ce sel de soude, traité avec le sable vitrifiable, sert de matière première à la fabrication des verres et cristaux. Ainsi, en frappant les fabricants de sel de soude, c'est la fabrication des verres que vous atteignez directement. Il faut noter que toute la quantité des sels de soude qui se fabriquent en Belgique s'y consomme, grâce aux verreries, et, malgré l'érection de nouvelles et importantes usines, nous sommes encore tributaires de l'étranger.

En effet, en Belgique, il faut extraire à grands frais du sein de la terre la pierre qui contient le soufre, et chercher au loin les matières à traiter. L'Anglais charge dans le Midi, comme lest, le soufre, et il possède le sel marin à pied-d'œuvre.

Notre position est donc relativement défavorable, et il est palpable que les grandes industries du pays, payant moins que les petites, pourront encore affréter des navires nationaux pour leurs transports, ce que ne pourraient faire les petites industries. Elles finiront par rendre toute concurrence impossible, anéantissant ainsi une source de travail pour nos populations laborieuses. L'administration ne saurait avoir pour but d'arriver à ce funeste résultat ; le but que je poursuis, c'est d'assurer au trésor ses justes recettes, mais ce que je veux en même temps, c'est d'épargner les vexations aux industriels probes, en soumettant leurs magasins de crédit permanent au régime des entrepôts publics, en laissant à la disposition du poste de la douaue les clefs des magasins avec décharge entière pour le fabricant de toute responsabilité, ou tout au moins une latitude jusqu'à concurrence de 2 p. c. Cette mesure rendrait impossible toute fraude de la part des industriels et le manquant ne sera que l'effet de la nature de la matière. Je ne puis admettre que le manquant que l'on a pu constater dans les magasins de sauniers soumis au régime des crédits permanents, soit toujours le résultat de la fraude ; je crois, au contraire, qu'il peut être le résultat de la nature de la marchandise. J'invoque à l'appui de ma manière de voir, l'autorité de M. Regnault, « Cours élémentaire de chimie, » et je lis à la deuxième partie, p. 564 : « Le chlorure de sodium (sel marin) cristallisé en tubes ne renferme pas d'eau combinée. Dans les temps humides il enlève de l'eau à l'atmosphère et se mouille. Il abandonne cette eau lorsque le temps devient sec. » En présence d'une autorité scientifique connue celle de M. Regnault, je m'incline et n'hésite pas à déclarer qu'il est impossible qu'il n'y ait pas toujours une différence de poids, à l'entrée et à la sortie du sel en magasin.

C'est dans cet ordre d'idées que je réclame toute votre justice, toute votre bienveillance, dans l'intérêt d'une industrie qui fournil la matière première à la fabrication des verres, glaces et cristaux. Cette dernière industrie a depuis peu de temps pris un développement inespéré, elle assure un travail largement rétribué à nos populations ouvrières. Les matières premières propres à l'alimentation de ses usines sont extraites du sol belge.

Chaque jour dans cette enceinte on répète qu'il faut avant toute chose assurer le travail national ; pour atteindre ce résultat, le plus grand nombre de nos industries réclament chaque jour aussi des lois de protection.

Et, lorsque la verrerie est en progrès, lorsque pour prendre son essor, elle ne vous demande ni primes, ni protection, on vous propose de la frapper d'une manière indirecte ! Car en atteignant une fabrication qui lui donne la vie et lui est indispensable, c'est bien cette fabrication intéressante qu'on vous propose de frapper.

M. Moncheur. - Le projet de loi en discussion a la prétention de ne pas être une loi d'impôt, mais simplement une loi de restitution de frais avancés par l'Etat.

Le gouvernement vient vous dire, messieurs, assez adroitement ceci : « Je suis obligé de faire certains frais de surveillance à l'occasion de l'exemption accordée sur le sel brut employé à la fabrication du sulfate de soude. Eh bien, je demande tout simplement à récupérer ces frais ; il est juste, en effet, ajoute le gouvernement, que puisque les fabriques de soude me causent une perte laquelle est égale aux frais de surveillance de leurs opérations, je sois maintenu indemne par elles-mêmes. »

Ainsi présenté, messieurs, le projet affecte certain air d'équité et même paraît assez innocent. Mais, messieurs, il faut lui restituer son véritable caractère ; et ce caractère est d'être une véritable loi d'impôt, et même d'un impôt très lourd. En effet, comment qualifier autrement, messieurs, une taxe qui, pour les petites fabriques de sulfate de soude, équivaut à 23 1/2 p. c. de la valeur du sel brut, qui est la matière première de leur fabrication, et pour la moyenne des fabriques du pays, à plus de 10 p. c. de cette valeur ?

Eh bien, messieurs, c'est bien là pourtant ce que fait le projet de loi, et c'est ce qui est constaté par la section centrale elle-même, qui est pourtant favorable au projet. (Voir page 4.) De sorte que la somme moyenne à payer par chacune des fabriques existantes serait de près de 5,000 fr., èl cela sans compter le surcroît de l'imposition qui résulterait du déchet du sel en magasin, si la loi n'admettait une certaine tolérance sur ce point, ainsi que nous le proposons subsidiairement. Certes, c'est là un impôt énorme et auquel on devait d'autant moins s'attendre que, contrairement aux principes, il frappe une matière première, et que d'ailleurs, le ministère nous promettait, peu de jours auparavant, qu'on ne songerait pas à créer des charges nouvelles.

Cet impôt est d'autant plus mal choisi qu'il aura pour résultat infaillible de faire renchérir, ne fût-ce que dans de faibles proportions, le sulfate de soude qui est un produit d'une absolue nécessité pour une quantité d'industries importantes du pays qui doivent rivaliser sur les marchés étrangers avec de rudes concurrents.

A ce titre seul, il devrait être rejeté par vous, messieurs ; mais en outre, je me suis demandé si le principe sur lequel repose le projet était bien juste, et je pense que non. S'ensuit-il en effet de ce que le gouvernement croit devoir établir dans les fabriques de sulfate de soude un poste de cinq employés, que ces fabriques, outre la gêne considérable et outre les frais de locaux, de chauffage et d'éclairage qu'occasionne déjà cette petite garnison, doivent encore payer leur traitement ? Mais, messieurs, c'est là un principe tout nouveau, et j'en conteste, quant à moi, le fondement.

Si la loi du 5 janvier 1844 a établi la franchise du droit d'accise sur le sel marin, destiné à la fabrication du sulfate de soude, évidemment cela a eu lieu par des motifs graves d'intérêt général.

Cela a eu lieu parce qu'il est de la plus grande importance que la Belgique puisse se suffire à elle-même pour ce produit, et ne dépende point, pour se le procurer, de l'étranger qui pourrait, dans telles ou telles circonstances données, ou nous en priver ou nous le faire payer un prix exagéré.

Il est donc évident que les frais de surveillance que cet état de choses nécessite sont des frais généraux d'administration comme tous les autres frais relatifs aux accises ou aux douanes.

L'Etat fait-il donc payer par chaque personne ou par chaque industrie qui est l'objet d'une exception quelconque, sa quote-part dans les frais du service des accises ou des douanes ? Non.

Et pourtant si ce principe était vrai pour les uns, il devrait l'être aussi pour les autres ; pourquoi donc cette préférence à l'endroit des fabriques de sulfate de soude ? Est-ce parce qu'elles ne sont encore en Belgique qu'au nombre de huit et que, parlant, il est plus facile de (page 416) les atteindre ? Mais la facilité de faire une chose ne constitue pas le droit, ni même l'opportunité de faire cette chose. Or, ce droit, cette opportunité n'existent point.

Ils n'existent point, même en prenant à la lettre le motif sur lequel on veut les fonder. Ce motif serait la nécessité qu'il y aurait pour le fisc de « s’indemniser » des pertes que lui occasionneraient les fabriques de soude ; mais, messieurs, si la question est uniquement placée sur ce terrain comme le fait le gouvernement, et si les fabricants prouvent au fisc que, loin d'être pour lui une cause de frais ou de pertes, ils lui procurent au contraire des revenus considérables, il est clair que la base même du projet s'écroule.

Eh bien ! messieurs, il suffit d'un instant de réflexion pour être convaincu que soit par les patentes, soit par les péages d'une matière première et des fabricats sur nos voies de communication, soit par mille autres produits indirects, l'existence des fabriques de soude fait entrer dans les caisses du trésor des sommes infiniment supérieures à celles que peut coûter au fisc le mode de surveillance qu'il lui plaît d'employer à leur égard.

Ainsi, messieurs, là où le fisc réalise un lucre, il n'est pas recevable à réclamer une indemnité.

Au surplus, voyez, messieurs, où conduit un principe erroné ; il conduit à une contradiction flagrante dans la loi elle-même et à une injustice.

En effet, comme il en coûte autant pour surveiller une petite fabrique qu'une grande fabrique, fidèle à son principe, le fisc devrait redemander à une petite fabrique autant d'argent qu'à une grande ; mais, comme il comprend, d'un autre côté, que ce serait là écraser les petites fabriques, il propose d'établir la taxe de manière que les grandes fabriques payent une partie des frais de surveillance des petites.

Or, je dis que la loi se met ainsi en contradiction directe avec son propre principe, et, au point de vue de ce principe, elle commet une véritable injustice.

Quoi qu'il en soit, messieurs, si les fabricants de sulfate de soude doivent payer un impôt sur le sel brut, voici subsidiairement le langage bien raisonnable qu'ils vous tiennent : « Que l'on nous taxe pour les matières premières que nous recevons et dont nous usons réellement, soit, et c'est déjà assez dur ; mais du moins que l'on ne nous taxe pas pour les matières premières que nous n'aurons même jamais reçues dans nos magasins. »

Or, c'est ce qui aurait lieu si l'on n'admettait pas certaine tolérance entre la sortie et l'entrée du sel brut de nos magasins.

« Car nous affirmons qu'il s'opère dans les sels marins qui entrent dans ces magasins un déchet de 2 à 3 p. c. du poids, déchet qui a lieu par suite de l’humidité dont le sel marin est chargé en y arrivant par bateaux. Si donc vous n'admettez aucune tolérance entre l'entrée et la sortie, no -seulement vous nous ferez payer l'impôt sur une quantité de sel que nous n'avons jamais possédée, mais encore les quantités manquantes à la sortie étant considérées, par le gouvernement, comme ayant été livrées à la consommation alimentaire, elles seront taxées, à nos charges, à raison de 18 fr. pour 100 kilos. »

Voilà, messieurs, ce que vous disent les fabricants.

Le résultat qu'ils signalent serait inique et contraire d'ailleurs au but avoué de la loi : il importe donc de l'éviter.

Il y a deux moyens de le faire : le premier, c'est d'admettre la tolérance de 2 p. c. en faveur de la sortie des magasins de crédit permanent ; c'est l'amendement formulé par M. Lelièvre que j'appuie ; le second, c'est de soumettre les magasins au régime des entrepôts publics, et c'est, subsidiaircment, celui que je proposerai.

Aucune raison plausible ne peut être opposée à cette double proposition.

L'honorable ministre des finances s'y oppose pourtant, parce qu'il nie la réalité du déchet. Mais dans cette dernière supposition même, il est sans intérêt pour s'y opposer, car si le déchet n'existe pas, il en résultera que les employés, qui auront une des clefs des magasins, constateront constamment à la sortie des magasins un poids égal à celui de l'entrée. Ainsi le fisc ne souffrira en rien de la tolérance.

Pour refuser cette tolérance, le gouvernement doit donc nécessairement supposer une chose, c'est que des fabricants, quoique surveillés constamment par un poste de cinq employés ayant une des clefs des magasins, auront, je ne dirai pas seulement la possibilité, mais encore l'excessive et sotte témérité de soustraire quoi, messieurs ? Environ 2 p. c. du sel brut déposé dans leurs magasins et de le livrer à l'usage alimentaire.

Or, je dis que cette supposition est absurde ; et je ne veux d'autre preuve de cette absurdité que les paroles de M. le ministre des finances lui-même.

En effet, que dit M. le ministre des finances dans son exposé des motifs, page 5 ? Il déclare formellement que le système de la loi qu'il présente rend toute fraude impossible. Il ajoute que la permanence d'employés spéciaux dans les huit fabriques qui existent dans le pays donne une garantie complète au gouvernement, et, messieurs, il suffit de lire l'arrêté royal du 7 novembre 1853 pour être convaincu que M. le ministre des finances a, en cela, parfaitement raison.

En effet, d'après les précautions prises par cet arrêté que vous pouvez tous lire à la suite du projet de loi, et que je vous engage tous à lire, il est physiquement impossible, à moins de connivence avec les employés, que le fabricant détourne la moindre quantité de sel de sa destination. Or, si la connivence peut exister pour la quantité de 2 p. c, elle le pourra également pour davantage. Mais à cet égard ainsi que le proclame M. le ministre, la garantie de l'Etat est complète.

Mais si elle est complète cette garantie, il est donc certain que la totalité des quantités de sel emmagasinées en sortira sous les yeux des employés, et, par une conséquence nécessaire, il est donc certain aussi que si un manquant quelconque est constaté à la sortie, ce manquant ne pourra avoir d'autre cause que le déchet. Il faut donc admettre au moins la possibilité du déchet.

Vous craignez la fraude si vous admettez une tolérance de 2 p. c.. Mais outre la garantie complète que vous trouvez, M. le ministre, contre la fraude, dans votre arrêté du 7 novembre 1853, vous en avez une autre non moins efficace mais plus précieuse encore ; c'est l'intérêt des fabricants eux-mêmes ; car, est-il raisonnable de croire que, surveillés qu'ils sont constamment par un poste de cinq employés établis chez eux, les fabricants qui ont des capitaux considérables engagés dans ces sortes de fabrications, iront s'exposer jamais à voir leur établissement fermé, ainsi que la loi de 1845 les en menace, si on constatait la moindre fraude à leur charge, et qu'ils iraient s'exposer à cette ruine pour soustraire à l'impôt deux pour cent, au maximum, leur matière première ?

Pareille supposition ne peut être un seul instant admise.

Que si le gouvcincmeut nie le déchet du sel marin, et cela en le confondant avec le sel de roche, qui n'est point hygrométrique comme le premier, eh, bien les fabricants nous offrent alors un autre moyen qui prouve bien leur bonne foi et qu'il est impossible, me semble-t-il, de ne pas accepter.

Ils disent : Considérez nos magasins de sel brut comme des entrepôts publics ; prenez-en toutes les clefs, fermez-les, surveillez-les, et nous payerons la taxe au fur et à mesure des délivrances que les employés nous feront du sel qui y aura été déposé ; mais alors il va de soi que, nous déclinons toute responsabilité pour les manquants qui pourraient s'y trouver.

Qu'objecte-t-on, messieurs, à cette proposition, que je vous ferai, pour le cas où vous n'admettriez pas la tolérance de 2 p. c. à la sortie ? On oppose une véritable fin de non-recevoir qui n'a aucun valeur ; on dit que cette proposition « contrarierait la loi du 4 mars 1846, qui veut que tout entrepôt public soit un magasin fourni par l'autorité communale, et destiné à recevoir les marchandises de tous les négociants indistinctement. »

Mais cette objection, il dépend des fabricants de la faire cesser ; car s'il leur convient, à eux, de livrer un magasin au lieu et place de l'autorité communale et de le mettre à la disposition de tous les négociants indistinctement, de quoi donc le gouvernement peut-il avoir à se plaindre, et en quoi est-ce que la loi du 4 mars 1840 serait alors violée ? Elle ne le serait en aucune manière.

Vous ne pourriez donc pas vous laisser arrêter par une objection aussi mal fondée que celle qui vous est faite, pour adopter une proposition juste, raisonnable et de nature à sauvegarder tous les droits.

Que si l'on objectait que la présente loi ne pourrait imposer sans inconvénient grave, à tous les fabricants de sulfate de soude, l'obligation de fournir des magasins qui, en vertu de leur qualité d'entrepôt public, seraient à la disposition de tous les négociants indistinctement, je réponds à cette objection en disant que la loi ne sera point impérative à cet égard, mais qu'elle laissera aux fabricants la faculté de réclamer le régime des entrepôts publics pour leur magasin de sel brut.

Encore une fois, le fisc est sans intérêt, et par conséquent sans droit pour refuser cette garantie réclamée par l'industrie, car d'une part la fraude est parfaitement impossible et d'autre part, s'il est vrai, comme le prétend M. le ministre, qu'il n'y a pas de déchet, les employés retrouveront à la sortie tout ce qui sera entré, et le droit se percevra ainsi sur la totalité de la matière.

Je propose donc l'amendement suivant pour le cas où le principe de la loi serait admis et la tolérance de 2 p. c. rejetée.

Ajouter au paragraphe 3 de l'article unique :

« Toutefois, les magasins des fabricants de sulfate de soude pourront, à la demande de ceux-ci, être assimilés aux entrepôts publics ; en ce cas les clefs de ces magasins resteront en mains des employés de l'administration, et les fabricants ne seront soumis à aucune responsabilité pour manquants à la sortie du sel emmagasiné. »

M. Lelièvre. - Le projet de loi qui vous est soumis est de nature à porter une atteinte grave à la fabrication du sulfate de soude et à une industrie qui prend des développemeuts notables dans le pays, et c'est à ce point de vue que je viens combattre le système du gouvernement et celui de la section centrale.

Le discours du trône annonçait un dégrèvement des charges pesant sur les matières premières, et cependant le résultat de l'adoption du projet serait d'augmenter de 10 p. c. les droits frappant la matière première de l'industrie dont il s'agit. La fabrication était, du reste, déjà soumise à des charges considérables, résultant 1° des droits très élevés de péage qui se perçoivent sur les rivières et canaux du pays ; 2° du droit d'un franc 40 cent, par 100 kilog. de sel anglais importé sous pavillon étranger ; 3° de la faveur accordée pour le transport au pavillon national par la loi sur les droits différentiels.

(page 417) Sous ce premier rapport, le projet ne saurait être admis, parce qu'il affecte gravement les matières premières de l'une de nos principales industries, ce qui ne lui permettra pas de concourir avantageusement avec les industries similaires de l'étranger.

Ce n'est pas tout ; il est constant que le sel éprouve un déchet par le fait seul du séjour dans les magasins. Le sel arrivant par eau est toujours humide lors de l'entrée en magasin et il en sort sec, de sorte que par la nature des choses un manquant doit être constaté.

L'adoption du projet de loi aura pour conséquence d'astreindre les fabricants au droit de 18 fr. par 100 kil. sur tous les manquants ainsi constatés, alors cependant qu'ils seront l'objet d'une surveillance incessante qui ne permettra pas de distraire un grain de sel sans le concours de la douane.

Voulez-vous être convaincus de l'injustice de semblable disposition, ne perdez pas de vue que les fabricants consentent à soumettre leurs magasins en crédit permanent au régime des entrepôts publics, c'cest-à-dire de laisser à la disposition exclusive des préposés de la douane les clefs du magasin avec décharge pour le fabricant de toute responsabilité à l'égard des manquants qui seraient constatés lors des recensements.

A mon avis, il est impossible de se refuser à cette juste demande. Sinon, c'est prétendre percevoir un droit sur des quantités dont le fabricant ne profite pas et qui lui échappent par la nature des choses. C'est, selon moi, vouloir légaliser une exaction contraire à toute justice.

Enfin ne veut-on pas adopter un régime analogue à celui des entrepôts publics, il serait juste, comme le demandent les fabricants, de leur accorder une tolérance de 2 p. c. entre la quantité constatée à l'entrée et celle vérifiée à la sortie.

Ces réclamations ne peuvent être rejetées raisonnablement, et si, contre toute attente, on n'y fait pas droit, je ne puis que protester énergiquement contre un projet de loi qui aura pour conséquence d'établir une perception injuste au préjudice d'une industrie importante qui se développe chaque jour et que le gouvernement doit favoriser, loin de lui nuire considérablement par des mesures contraires à l'équité.

Que répondre à des fabricants qui disent aux agents du fisc : Mais prenez les clefs de nos magasins et assurez-vous ainsi que rien ne sera distrait.

En présence de cette offre, il y aurait injustice à vouloir percevoir un droit sur des quantités excédant celles réellement trouvées à la sortie.

Aussi je ne puis croire que la Chambre veuille s'associer à semblable mesure.

Pour tempérer la rigueur des dispositions du projet, j'ai proposé un amendement ayant pour objet d'autoriser le gouvernement à accorder à titre de déchet la déduction dont j'ai parlé. Cet amendement ne saurait être sérieusement combattu, puisqu'il ne confère qu'une simple autorisation et une faculté dont il est juste d'investir le gouvernement dans l'intérêt de la justice, autorisation qui ne saurait donner lieu à aucun inconvénient.

Le gouvernement pourra s'assurer que le déchet par nous signalé existe réellement, sans qu'il y ait la moindre faute du fabricant.

Si dans quelques magasins on n'a pas constaté de déchet, c'est qu'il s'agit de sel qui n'a rien de commun avec celui employé dans les établissements dont je parle. Dans ces derniers, il ne s'agit pas de sels minéraux et en bloc, de sels gemmes en un mot, mais bien de sel marin, composé de petits grains, qui absorbe de l'eau dans les navires et les bateaux servant à le transporter et qui perd cette eau par son séjour en magasin.

Voici, du reste, ce que nous lisons dans Regnault, « Cours élémentaire de chimie », deuxième partie, page 564, dont l'autoriléa déjà été invoquée. « Le chlorure de sodium (sel marin) cristallisé en tubes ne renferme pas d'eau combinée. Dans les temps humides, il enlève de l'eau à l'atmosphère et se mouille ; il abandonne de nouveau cette eau lorsque le temps devient sec. »

Il est donc évident qu'autoriser le gouvernement à accorder la déduction réclamée, ce n'est que faire acte d'éclatante justice en faveur de fabricants dont on aggrave la position sans motif sérieux.

Remarquez du reste, messieurs, que le principe lui-même du projet est inadmissible. C'est une véritable innovation eu matière d'impôts que de faire payer par une industrie les frais de surveillance. Sous ce rapport encore, je ne puis donner mon assentiment au projet qui vous est soumis.

Projet de loi autorisant le gouvernement à rembourser certaines rentes de faible importance

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Liedts). présente :

1° Un projet de loi ayant pour objet d'autoriser le gouvernement à rembourser quelques petites rentes s'élevant ensemble au capital de 9,150 fr., qui grèvent certains domaines de l'Etat et qui courent à 5 p. c.

Projet de loi aliénant des domaines nationaux

Dépôt

2° Un projet de loi qui a pour objet d'autoriser le département des finances à aliéner, conformément à la loi de 1843, des domaines nationaux jusqu'à concurrence d'un million.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ces projets et les renvoie, le premier à la commission des finances, le second à l'examen des sections.

Projet de loi établissant une taxe sur le sel employé dans la fabrication du sulfate de soude

Discussion générale

M. Mercier. - Messieurs, le projet de loi actuellement en discussion me paraît avoir de l'importance, en ce sens qu'il introduit dans la législature un nouveau principe, celui de faire payer par les redevables les frais de surveillance de leurs établissements. C'est là, messieurs, une innovation qui me paraît devoir entraîner de graves conséquences dans son application à d'autres branches d'industrie. Je ne vois pas pourquoi ce principe serait plutôt appliqué aux fabriques de sulfate de soude qu'aux brasseries, aux distilleries et à d'autres établissements. Je ne puis considérer ce projet que comme créant un nouvel impôt, et ce n'est qu'à ce titre que je pourrais l'admettre. Les revenus généraux de l'Etat doivent subvenir à toutes les dépenses publiques ; il ne me semble pas qu'il y ait lieu de déroger à cette règle générale, et de former un fonds spécial dans cette circonstance.

Depuis longtemps nous avons renoncé aux fonds spéciaux : nous en avons reconnu les inconvénients et les abus. Tous les revenus de l'Etat se confondent dans le budget des voies et moyens. Le gouvernement lui-même tout en proposant de n'établir cet impôt que pour faire face aux dépenses de surveillance des fabriques de sulfate de soude, n'en fait pas précisément un fonds spécial, qui ne pourrait être employé qu'aux frais de surveillance de ces fabriques ; une semblable clause n'existe pas dans son projet ; pourquoi dès lors insérer dans la loi les mots : « pour couvrir les frais de la surveillance » ?

Les lois d'impôt n'indiquent pas les motifs qui les font décréter. Le gouvernement se borne à les exposer aux Chambres, qui les apprécient.

Ce que je trouve injuste dans le projet du gouvernement, c'est de faire contribuer les petites fabriques dans une proportion plus forte que les grands établissements qui déjà sont placés dans de meilleures conditions de production.

En conséquence, je ne pourrai voter le projet qu'autant qu'on lui ôte le caractère qu'on semble vouloir lui donner et qu'on retranche les mots : « pour couvrir les frais de la surveillance » ; je me rallierai au système de la section centrale qui établit un impôt proportionnel, suivant les prescriptions de la Constitution.

Je ne puis pas adopter la proposition du gouvernement qui impose le sel employé dans les fabriques de sulfate de soude d'un droit de 75 c. les 100 kilogr. jusqu'à concurrence de 500,000 kil. et de 15 c. seulement pour les quantités suivantes, c'est-à-dire qui frappe les petites usines d'un impôt trois fois plus élevé que les plus grands établissements.

Si l’on ne peut, sans nuire essentiellement à cette industrie, imposer à 40 centimes les 100 kilog. le sel employé à la fabrication du sulfate de soude, votons cet impôt, mais votons-le avec son véritable caractère. N'introduisons point dans notre législation un principe qui est évidemment en opposition avec notre Constitution. La taxe qu'il s'agit d'établir doit être proportionnelle comme tous les autres impôts de l'Etat.

Je voterai pour la proposition de la section centrale, modifiée en ce sens qu'on en fera disparaître les mots : « pour couvrir les frais de la surveillance ».

Je dépose un amendement dans ce sens.

M. Coomans. - Messieurs, avant de voter sur le projet de lui, j'aurai besoin d'un renseignement que je demanderai à l'honorable ministre des finances.

Si le tarif douanier actuel doit être maintenu en ce qui concerne le sel de soude, je suis assez disposé à voter le projet de loi, puisque les fabricants du sel de soude, jouissant d'un grand avantage, au point de vue de la concurrence étrangère, qui est rendue impossible en leur faveur, peuvent bien donner quelque chose au trésor. Mais si, comme je l'espère, l'honorable ministre des finances est décidé à comprendre le sel de soude parmi les matières premières dont il a promis de nous proposer la libre entrée, alors, il n'y a pas lieu, ce me semble, d'aggraver la situation des fabricants de sel de soude ; on ne peut pas exiger d'eux une contribution nouvelle, ce que fait M. le ministre, comme l'a très bien démontré l'honorable M. Mercier ; on ne peut pas, dis-je, leur demander, d'une part, un supplément d'impôt, et d'autre part, les soumettre à la concurrence étrangère.

Pour ma part, je demanderai la libre entrée des sels de soude. Je pense que je justifierai très facilement ma demande. Les sels de soude, sont une matière première indispensable à une foule de nos industries, aux verreries, aux blanchisseries et à cent autres. Je représente un arrondissement où il existe de très nombreuses blanchisseries et où l'on fait une très grande consommation de sel de soude. Or, non seulement le sel de soude est aujourd'hui beaucoup plus cher en Belgique qu'il ne le serait, s'il n'y avait pas de droits prohibitifs, mais il est arrivé que le sel de soude a manqué aux consommateurs par suite de la rareté de cette marchandise, la consommation étant parfois beaucoup plus grande que la production.

Puisque nous sommes généralement d'accord qu'il faut appliquer les principes libéraux aux matières dites premières, j'espère qu'on fera enfin droit à la réclamation que j'ai formulée et renouvelée souvent depuis cinq années. Vous comprenez dès lors, messieurs, qu'une réponse de M. le ministre des finances m'est nécessaire pour que je puisse voter le projet de loi en connaissance de cause.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, ce qui se passe (page 418) dans cette enceinte à l'occasion du projet en discussion, me prouve une fois de plus qu'il est bien difficile de contenter les grandes industries. Permettez-moi, messieurs, d'entrer dans quelques explications, pour vous montrer comment j'ai été amené à présenter le projet de loi dont la Chambre est saisie, et vous serez étonnés d'entendre les plaintes qu'on vient de faire retentir.

Jusqu'en 1844 il y avait un assez grand nombre d'industries qui jouissaient du privilège de ne pas payer l'accise sur le sel ; mais, averti par l'expérience, le gouvernement en 1842 saisit la chambre d'un projet de loi ayant pour objet de restreindre le privilège de l'exemption de l’accise sur le sel à deux industries : la pêcherie et la fabrication du sulfate de soude ; les abus auxquels cette exemption avait donné lieu furent révélés dans la discussion dans des proportions telles, que la Chambre refusa l'exemption à toutes les industries, même à celle de la fabrication du sulfate de soude.

Il est évident qu'en présence de ce vote les fabriques de sulfate de soude devaient se fermer. Le gouvernement insista et sollicita la Chambre de revenir sur son vote. De nouvelles garanties ayant été introduites dans le nouveau projet, la Chambre le vota en 1844, en chargeant le gouvernement de prendre les mesures nécessaires peur qu'il n'y eut plus d'abus possible ; en un mot, pour que le sel destiné à la fabrication du sulfate ne pût pas être employé comme sel comestible. Cette recommandation avait son importance, car elle avait pour but de sauvegarder une somme de 2 millions de francs que ne paye pas l'industrie dont il s'agit et qu'elle payerait sans le privilège dont elle jouit.

Le gouvernement pour accomplir cette mission fit divers essais pour empêcher l'emploi du sel jouissant de l'exemption dans les usages domestiques ; il eut recours à des chimistes, et après bien des essais on s'arrêta à un mélange consistant à prendre 100 kil. de sel, 50 grammes de noir de fumée et 600 grammes de goudron et à en faire un mélange ; la fabrication du sulfate de soude fut forcée d'accepter dans cet état le sel destiné à son industrie.

Quelques années s'écoulèrent, non sans de vives plaintes qui allèrent croissant d'année en année de la part des industriels, au point de prétendre qu'on finirait par tuer leur industrie ; qu'en effet il fallait d'abord employer 10 à 12 p. c. d'acide sulfurique de plus que si ce mélange n'était pas prescrit ; on ajoutait que pour fabriquer le sulfate de soude, ce mélange nécessitait l'emploi de plus de combustible ; on fil voir qu'il détériorait les cuvettes et l'outillage de leur fabrication.

On fit voir que ce mélange produisait beaucoup plus de gaz, à cause du goudron qui y est mêlé, et qu'il fallait plus de temps, de peine et de travail, pour la fabrication du sulfate de soude. On fit voir enfin que les produits tels que les glaces et les verreries que l'on fabrique avec ce sulfate de soude étaient d'une qualité inférieure.

Le gouvernement, déterminé par ces plaintes, fit une enquête qui constata la réalité de tous ces griefs. Pour vous faire voir, messieurs, jusqu'où j'ai poussé le désir de faire cesser ces griefs, il me suffira de vous dire que, rien qu'à l'annonce qu'il se faisait en Prusse un mélange qui pouvait convenir aux fabricants de sulfate de soude, j'envoyai dans ce pays un fonctionnaire supérieur de mon département au courant de cette affaire, accompagné d'un chimiste pour qu'il me rendît compte de ce qu'était ce mélange.

Il était vrai qu'en Prusse on se contentait d'un autre mélange qui semblait plus utile, moins dispendieux, moins dangereux. C'était un mélange de trois litres d'acide sulfurique, délayé dans 4 ou 5 litres d’eau par cent kilog. Mais arrivés sur les lieux, les commissaires belges firent voir à l’administration prussienne que ce mélange n’offrait aucune garantie au trésor public, et que rien n’éyait plus facile, au moyen d’une carbonisation peut dispendieuse, que de rendre le sel très comestible.

L'administration prussienne dut en convenir, mais elle ajouta que, pour elle, le mélange était une garantie très accessoire, que sa principale garantie était dans le droit de faire des visites domiciliaires, de faire la vérification des comptes et des inventaires et de retirer aux fabricants leur patente et par conséquent de les ruiner si la moindre contravention était constatée.

Eu Belgique, le pouvoir n'a pas ces droits énormes, il n'a que le droit de traduire le fraudeur devant les tribunaux, et l'on sait qu'il est toujours assez difficile d'établir les faits de fraude devant les tribunaux. Pour adopter le mélange prussien, il nous faudrait cependant des garanties aussi grandes qu'en Prusse.

Nous fûmes donc (les industriels doivent en convenir) placés dans l'alternative de conserver ce qui existait, malgré les inconvénients de ce système, ou de permettre aux fabricants de se passer de tout mélange, d'employer le sel pur, à la condition que les magasins fussent jour et nuit contrôlés par des employés de l'administration.

Je réunis chez moi les industriels, il ne sont pas si nombreux ; il y en a huit dans le pays. La moitié à peu près déclarèrent que ce dernier système leur convenait parfaitement, qu'ils aimaient mieux supporter la faible dépense qui pourrait être mise à leur charge que s'exposer aux inconvénients que j'ai signalés en commençant.

Mais comme il est difficile de plaire à tout le monde, il y en a quelques-uns qui se récrièrent fortement contre ce système. Vous allez voir tantôt si leurs plaintes sont fondées.

D'abord, on attaque l'équité du projet de loi. J'avoue que s'il est une critique qui m'étonne, c'est celle-ci, et que s'il y a une mesure justifiable c'est bien celle qu'on vous propose. Comment ! vous jouissez d'un privilège énorme que l'Etat admet dans l'intérêt de votre industrie, et lorsqu'il s'agit de mesures de précaution pour empêcher que vous n'en abusiez, vous trouvez injuste que vous payiez les frais de surveillance !

Mais il y a une analogie parfaite entre cette disposition et l'article 154 de la loi générale des douanes contre lequel jamais personne n'a protesté et qui dispose que lorsqu'il arrive dans le pays un navire chargé de vins, par exemple, il est convoyé par des employés, auxquels le propriétaire doit payer 3 fr. par jour. Il n'y a pas plus d'injustice dans un cas que dans l'autre. L'un est un magasin flottant ; l'autre est un magasin fixe.

Ce n'est donc pas un impôt que nous voulons prélever sur une industrie. C'est tout simplement la restitution d'une prestation de service dans l'intérêt des industriels.

Ceux qui disent que le projet de loi a pour but de ruiner leur industrie oublient sans doute que je les ai déchargés, par le projet qui va être voté à l'instant même d'une série de dépenses et d'inconvénients dont la disparition compense largement la faible rétribution qu'ils auront à payer pour la surveillance de leurs établissements.

En effet, aujourd'hui ils semblent avoir oublié qu'avec l'ancien mélange il fallait plus de combustible, plus d'acide sulfurique, que leur outillage, leurs cuvettes s'abîmaient beaucoup plus vite, que ce mélange rendait leurs produits industriels moins parfaits que ceux de leurs concurrents. Ils ne voient plus que le remboursement qu'on leur demande. Cela me prouve que, si au lieu de leur donner le bienfait sans mettre la charge immédiatement à côté, au lieu de provoquer l'arrêté royal qui a amélioré leur situation, j'avais attendu la présentation du projet de loi pour qu'ils eussent en même temps la mesure qui favorise leur industrie et la charge qui en est la conséquence, ils auraient accepté le tout, en remerciant le gouvernement.

Ne parvenant pas, du moins, j'aime à le croire, à renverser le projet de loi, ils cherchent au moins à rejeter la dépense sur le trésor. Pour cela ils emploient cette argumentation : Le sel, en arrivant, est imprégné d'eau. Lorsque nous l'employons pour faire du sulfate de soude, il ne pèse plus autant. Il y a un déchet. Par conséquent, vous devez nous accorder à la sortie de nos magasins un déchet de 2 p. c.

J'ai fait mon calcul, et j'ai trouvé que ces 2 p. c. représentent la somme que l'on demande aux fabricants de sulfate de soude, c'est-à-dire qu'ils y trouveraient le remboursement de l'indemnité à payer aux employés. J'aimerais mieux qu’on y mît plus de franchise, qu'on demandât que le trésor payât et qu'il n'y eût pas de déchet du tout.

Ce déchet ne serait pas justifiable.

Il y a dans le pays une immense quantité de sel marin, et de sel de roche. La pesée se fait régulièrement dans les magasins pour le sel qui entre et pour celui qui sort, et jamais on n'a songé à réclamer en faveur des négociants une tolérance pour le déchet sur le poids.

Ainsi dans la ville de Louvain, où il existe plusieurs magasins, on n'a jamais constaté qu'une différence ou manquant de 163 kilog. sur plus de 2 millions de kilog. ; encore cette différence était due probablement à une erreur qui avait été commise dans la première pesée.

De 1846 à 1855, bien que la pesée embrassât de 2 à 5 millions de kilogrammes par an, on n'a jamais constaté l'absence d'un seul kilogramme.

Cela prouve que quand les magasins sont construits avec les précautions nécessaires, il n'y a aucune évaporation.

J'ai entendu dire : Mais c'est peut-être du sel de roche ! Eh bien, à mon tour, j'ai voulu voir ce qui en était, et il y avait à peu près un tiers de sel marin, c'est-à-dire de la même qualité de sel que celui qui est employé à la fabrication du sulfate de soude, et certes je puis défier les honorables préopinants de donner l'ombre d'une raison qui permette de croire que le sel destiné à la fabrication du sulfate de soude soit exposé à un déchet alors que le sel déposé dans les magasins des négociants n'est exposé à aucun déchet.

Je suppose, par impossible, que l'expérience fasse voir qu'il y a un déchet ; eh bien, pour ce cas, je prends l’engagement, qui sera certainement respecté par mes successeurs, de présenter un projet de loi pour autoriser le gouvernement a tenir compte du déchet.

Que risquez-vous, dit un honorable préopinant, puisque la pesée aura lieu et qu'elle se fera par vos propres employés ? Si les quantités s'y trouvent, elles payeront ; si elles ne s'y trouvent pas, c'est qu'il y a évaporation et alors il est injuste de faire payer sur ces quantilés. Il y a deux choses à répondre à cela : d'abord l'expérience prouve que même les clefs entre les mains de l'administration ne sont pas toujours une garantie suffisante pour les intérêts du trésor : des fraudes ont été commises alors même que cette précaution avait été prise. Ensuite, messieurs, il ne faut pas que les industriels trouvent dans la loi un motif pour construire des magasins de telle manière qu'une évaporation doive avoir lieu ; puisque la chose est possible, il faut qu'ils prennent des mesures pour qu'il n'y ait pas plus d'évaporation chez eux que dans les magasins des marchands en gros.

L'honorable M. Mercier a cru voir dans la loi un principe nouveau et il a dit qu'il n'est pas plus équitable de demander cette indemnité aux fabricants de sulfate de soude que de la demander aux distillateurs ou aux brasseurs ; l'honorable membre aurait dû, ce me semble, faire une distinction ; il ne s'agit pas ici de surveiller la perception d'un impôt dont le trésor doive profiter ; la surveillance est exercée uniquement pour empêcher que le privilège dont jouissent les industriels ne dégénère en abus.

J'aborde, messieurs, les trois systèmes qui sont possibles.

(page 419) Il y a, comme j'ai eu l'honneur de le dire, huit fabriques de sulfate de soude dans le pays ; la dépense que la surveillance de ces huit fabriques occasionne, est de 38,000 fr. ; il s'agit de savoir quelle est la répartition la plus équitable. J'ai entendu dire qu'il faudrait que chacune de ces huit fabriques payât la même somme. Peut-être, messieurs, dans un sens rigoureux, serait-ce le système le plus conforme à la rigueur des principes, mais ce serait le cas de dire ici que l'excès du droit serait une injustice, summum jus, summa injuria. En effet les petites fabriques seraient accablées, tandis que pour les grandes la somme de 4,750 fr. serait insignifiante.

Le système de la section centrale consiste à faire payer 40 centimes par 100 kilog., quelle que soit la quantité de sulfate de soude fabriquée par chaque établissement ; dans ce système il y aurait une fabrique qui payerait 900 fr., une autre payerait 1,400 fr., une autre 3,600 fr., une autre 4,800 fr. ; trois autres, 5,000 à 7,000 fr. ; enfin la société d'Oignies payerait 13,000 fr. Eh bien, messieurs, entre ces deux systèmes extrêmes, le gouvernement propose ceci : 75 centimes pour les 500 premiers kilogrammes, puisque le plus petit établissement consomme au moins cette quantité, et au-dessus de cela 15 c. seulement.

Lorsqu'on applique ce système aux faits, ou trouve que la dépense se répartit beaucoup plus équitablement que dans le système de la section centrale ; en effet, vous avez pour les plus petites fabriques 1,700 fr. tandis que si toutes payaient la même somme, ce serait 4,750 fr. et la plus grande, au lieu de payer 15,000 fr. comme le voudrait la section centrale, ne payerait que 7,890 fr. Il me semble, messieurs, que cette répartition est plus juste que celle de la section centrale, qui paraît frapper trop fortement les grandes fabriques au bénéfice des petites.

Je me bornerai, messieurs, pour le moment à ces observations, sauf à reprendre la parole si de nouvelles objections sont faites.

M. Coomans. - M. le ministre n'a pas répondu à mon interpellation.

M. Moncheur. - M. le ministre ne s'est pas expliqué sur le système d'entrepôts qui a été proposé.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - En effet, messieurs ; c'est une omission.

On a demandé pourquoi nous ne permettrions pas que le sel fût déposé en entrepôt public ; d'abord, messieurs, il n'existe pas d'entrepôts publics partout ; il n'en existe que dans les grandes villes et, aux termes de la loi, ces entrepôts doivent être fournis par les communes où ils sont établis ; dans les autres localités il n'en existe point. J'ai entendu la manière dont l'honorable député de Namur voulait résoudre la difficulté ; il a dit : Que nous importe ?

Dans les villages, en effet, il n'existe pas d'entrepôts publics, mais l'industriel fournira son établissement et vous aurez là un entrepôt public. C'est jouer sur les mots. Ce sont des établissements particuliers qui prendraient le nom d'entrepôts publics et qui seraient surveillés par les employés de l'administration aux frais du trésor.

Ce serait seulement substituer un nom à un autre. Eh bien, j'aimerais mieux dire franchement : Le trésor public supportera la défense.

Un autre membre m'a fait l'honneur de me demander ce que je comptais faire pour le sel de soude dans le projet de loi que j'ai promis et que je regrette de n'avoir pu déposer aujourd'hui. Du reste, messieurs, nous vous n'en serez pas étonnés quand je vous dirai que le projet est très volumineux et qu'il faudra trois semaines pour l'imprimer avec les annexes. Il y a encore quelque divergence sur deux ou trois articles de ce projet, mais dans mon opinion personnelle le sel de soude devrait être affranchi de tout droit d'entrée.

M. Moreau, rapporteur. - J'ajouterai peu de mots aux considérations que renferme le rapport de la section centrale, dans lequel sont assez longuement développés les motifs qui militent en faveur du système qu'elle vous propose de sanctionner et qui, selon moi, n'ont pas été réfutés.

La section centrale a donné la préférence à une taxe uniforme, parce qu'il lui a paru que cette répartition était plus juste et moins arbitraire que celle proposée par le projet de loi.

En effet, il est évident qu'une redevance égale par quintal de sel, servant à la fabrication de sulfate de soude, laissera toutes les usines dans les mêmes conditions de fabrication et n'augmentera pas pour les uns plus que pour les autres le prix de revient de la matière première qui lui est indispensable.

Comme vous le savez, il existe en ce moment dans le pays huit fabriques de sulfate de soude, eh bien, savez-vous quelles seront les conséquences du système proposé ?

C'est que la répartition présentera des anomalies vraiment singulières que rien ne justifie.

Pour vous en convaincre, veuillez prendre le tableau suivant annexé au projet de loi et faire avec moi quelques calculs bien simples.

Vous trouverez d'abord que la première de ces fabriques payera d'après le projet de loi 900 fr. de plus que si la taxe était de 35 centimes par quintal de sel, la seconde 1,400 fr., la troisième 1,200 fr., la quatrième 600 fr., et la cinquième seulement 200 fr. de plus.

Ainsi, ces cinq fabriques verseront dans les caisses de l'Etat et en proportion inégale 4,500 fr. et cela pour exonérer respectivement les trois autres fabriques de 600, de 750 et de 3,500 fr. enviroa.

Le résultat de la répartition propesée sera donc de surtaxer presque toutes les fabriques pour n'en favoriser en quelque sorte qu'une seule, la dernière qui est la plus importante.

En un mot cette fabrique qui consomme annuellement 3,250,000 kil. de sel frappés d'un droit d'accise de 585.000 fr. ne payerait que 7,875fr., c'est-à-dire la même taxe que si elle n'employait que 2,500,000 kil. et n'obtenait qu'une exemption de droit d'accise de 405,000 fr., c'est-à-dire encore qu'elle sera taxée de 4 1/2 fois moins que la première fabrique quoiqu'elle use 14 fois plus de sel.

J'ai également calculé, messieurs, qu’lle serait l'augmentation du prix de revient des 100 kil. de sel pour chaque fabrique dans le système du projet de loi.

Et voici le résultat de cette opération :

La première et la deuxième fabrique payeront les 100 kilog. de sel 75 centimes de plus ; la troisième 48 cent., la quatrième 40 cent., la cinquième 37 cent., la sixième 32 cent., la septième 31 c. et la huitième fabrique seulement 24 cent.

Ainsi la même matière première coûterait à la petite fabrique 31 cent, de plus aux 100 kilog. que ne la payerait la plus grande.

Je vous le demande, messieurs, un système qui a des conséquences semblables est-il conforme au principe de l'équité, aux principes de la justice distributive ?

La section centrale, au contraire, d'après la mode de répartition qu'elle propose, place tous les fabricants de sulfate de soude sur la même ligne, elle augmente pour tous le prix du sel de 40 centimes les 100 kilog.

Ce système ne porte donc préjudice à personne, je dirai même que si, au premier abord, il paraissait que cette taxe était une nouvelle charge imposée aux fabricants de soude, en réalité, cependant,elle leur est favorable et ce en proportion du sel qu'ils emploient.

Car que se pratiquc-t-il aujourd'hui ? L'exposé des motifs vous en rend compte.

Aujourd'hui, chaque fabricant doit mélanger chaque quintal de sel commun avec 50 grammes de noir et 600 grammes de goudron ; la loi lui prescrit en outre de renfermer le sel brut dans des sacs, j'ignore si cette dernière prescription est encore suivie. Mais peu importe, car bien certainement, par le mélange précité, par l'augmentation des frais de fabrication qu'il occasionne, et par la moins-value du produit obtenu, chaque fabricant essuyait une perte d'au moins 40 centimes par 100 kil. de sel. Si donc vous allez maintenant faire profiter chacun de ce surcroît de dépense, n'est-il pas équitable d'abord qu'il indemnise le trésor des nouvelles dépenses qu'il doit faire pour leur procurer cet avantage, et en second lieu de répartir les frais de la nouvelle surveillance en proportion des épargnes que chacun va faire ?

La section centrale ne fait donc que demander à chaque fabricant 40 cent, pour être dispensé de mélanger 100 kil. de sel avec du noir et du goudron, de mettre ce sel dans des sacs pour lui épargner des frais plus grands de fabrication et lui faire obtenir des produits de meilleure qualité, tandis que le gouvernement veut faire pour la même chose payer aux uns, tantôt 75, 40 ou 38 cent., tantôt aux autres 31, 32 et même 24 centimes. Je vous le demande encore une fois, messieurs, cela est-il rationnel ? est-il équitable ? La section centrale ne l'a pas pensé, elle a cru que si les fabricants profitaient dans certaines proportions du nouveau mode de surveillance ils devaient payer la taxe dans la même proportion.

M. Veydt. - Avant toutes choses, messieurs, je tiens à faire connaître que tous les établissements, destinés à la fabrication du sulfate de soude, ne se sont pas montrés indifférents, j'allais dire injustes, pour mieux rendre la pensée de tout à l'heure de l'honorable ministre des firanecs, quand le gouvernement a annoncé son projet d'abandonner ce déplorable mélange de goudron et de noir de fumée, qui a été employé pour dénaturer le sel.

Il est un établissement fort important, qui a su gré à M. le ministre du changement dont il a pris l'initiative et qui l'a envisagé comme un service rendu à l'industrie, notamment à la fabrication du verre à vitre et des glaces, dont les produits avaient à souffrir de ce malencontreux moyen de dénaturer le sel. La preuve de cette vérité a été acquise par les investigations mêmes du gouvernement.

Ceci dit, et je désirais le dire en premier lieu, je n'ai pas entendu sans surprise non plus les quatre orateurs, y compris l'honorable M. Mercier, qui ont parlé avant M. le ministre des finances.

A les entendre il n'y a rien à demander aux fabriques de sulfate de soude pour tenir compte au gouvernement des dépenses que leur surveillance sur le pied actuel lui occasionne. Je regarde comme une illusion de croire que la Chambre se montre disposée à admettre ce système. Aucune section ne l'a mis en avant. Toutes ont voté le principe d'une indemnité, en y attachant toutefois cette pensée, veuillez-le remarquer, messieurs, car il me paraît que là est le point principal du débat, qu'elle ne pourrait avoir le caractère d'un impôt, mais uniquement la signification et le but d'un remboursement des frais pour les quarante employés qui seront attachés à la surveillance des huit fabriques qui cxistent en Belgique.

Sur ce point essentiel, les sections et la section centrale ont été d'accord.

Au sein de cette dernière, la division ne s'est manifestée que lorsqu'il s'est agi de la répartition à faire. La minorité, dont je faisais partie, a défendu le projet du gouvernement comme s'approchant plus de ce qui est juste ou équitable. La justice, dans la véritable acception du mot, serait de percevoir de chaque fabrique une somme égale à la (page 420) dépense qu'occasionne la surveillance qui doit y avoir lieu pour sauvegarder les intérêts du trésor. S'il n'y avait pas eu de fabriques de sulfate de soude, la mesure eût été appliquée dans ce sens. Mais le gouvernement a cru devoir tenir compte de la réalité des choses, et il s'est épris d'une vive sollicitude pour les petits, les très petits établissements.

La minorité de la section centrale, comme toutes les sections, est entrée dans ces vues ; mais elle s'est vivement opposée à ce qu'on allât plus loin, comme le voudrait la majorité. Les motifs de l'une et de l'autre opinion sont exposés dans le rapport de l'honorable M. Moreau.

Il me reste peu de choses à ajouter aux raisons déduites par l'honorable ministre des finances pour faire prévaloir la répartition de la taxe, conformément à son projet.

Vouloir faire un impôt de cette taxe n'est pas chose admissible.

L'exemption de tout impôt en faveur du sel employé à fabriquer une matière aussi nécessaire à l'industrie que le sulfate de soude a été maintenue par la loi de principe, la loi de 1844, quand cette exemption était retirée pour un grand nombre d'autres cas. Il doit en être encore ainsi.

Lors de cette discussion approfondie de 1844, la fixation d'une indemnité fixe de 2,000 fr. par fabrique fut proposée, et si elle eût suffi pour tenir le trésor indemne de ses frais de surveillance, elle aurait probablement été admise. A présent, ce n'est plus de 2,000 francs qu'il s'agit pour les plus grands établissements, mais de 4 fois cette somme, d'après le projet du gouvernement, et de 6 à 7 fois, si le projet de la section centrale devait prévaloir.

Evidemment, messieurs, l'injustice dépasserait toutes les bornes. D'un côté, les frais de chaque fabrique étant les mêmes et s'élevant à 4,750 fr. pour chacune d'elles, vous décréteriez que la plus petite payerait moins que le cinquième de cette somme et la plus grande jusqu'à trois fois les dépenses qu'elle occasionnerait. Il est bon de protéger les petits, je le veux bien ; mais il ne faut pas accabler les grands, il ne faut pas, pour prix du développement qu'ils ont donné à l'industrie, leur courir sus à chaque occasion qui s'offre, les punir, en quelque sorte, des progrès dont ils ont été les promoteurs. Où en serions-nous pour notre rang industriel en Europe, si cette impulsion n'avait pas été donnée ? Vous en tiendrez compte, messieurs, en vous prononçant en faveur du projet du gouvernement.

Je n'ajoute plus que quelques mots. Il est un argument mis en avant par M. le rapporteur, le seul qui, suivant moi, pourrait avoir quelque chose de spécieux : il consiste en cette observation que l'affranchissement de tout mélange profitera aux fabriques, en raison de l'importance de leur consommation de sel ; mais j'ai à ce sujet des renseignements que j'ai tout lieu de croire exacts. Ces frais étaient peu considérables. On les évalue de vingt-cinq à vingt-huit centimes par mille kil. de sel ; ear il n'a jamais été question de la mise en sacs du sel.

Dès le commencement, cette mesure a été jugée impraticable ; l'exposé des motifs du projet de loi ne le cache pas. Or, il s'agira désormais d'une somme équivalente à dix fois au moins les 2 à 3 centimes payés pour les matières et la manipulation du mélange, qui devait servir à la garantie illusoire des intérêts du trésor. L'aggravation est donc, en réalité, fort sensible. Je crois qu'on ne peut pas la porter plus loin.

M. Moncheur. - Messieurs, je dois répondre à ce qu'a dit M. le ministre des finances relativement à l'amendement que j'ai proposé. M. le ministre ne me paraît pas avoir bien saisi la portée de cet amendement. En effet, je n'ai pas demandé de mettre à la charge du trésor les frais de surveillance de ces entrepôts assimilés aux entrepôts publics ; j'ai proposé mon amendement subsidiairement, et pour le cas où le principe de la loi du nouvel impôt serait admis.

Ainsi, je suppose qu'on dise : « Les fabriques payeront sur le sel brut un impôt équivalent aux frais de surveillance ». Mais cela posé, il faut du moins que l'impôt ne se prélève que sur le sel brut réellement emmagasiné.

Les fabricants, sachant par expérience que, dans leurs magasins, il existe un déchet, demandent à la législature de prendre des mesures telles qu'ils ne soient pas exposés à payer la taxe, non seulement sur le sel entré au magasin, mais encore sur l'eau dont ce sel était imprégné et qui, étant évaporée, donne lieu à un manquant à la sortie du magasin. Ils proposent, à cette fin, deux moyens : le premier, c'est une tolérance de 2 p. c ; le second, c'est l'adoption, pour leurs magasins, du régime des entrepôts publics.

Ainsi, mon amendement a uniquement pour but d'autoriser le gouvernement à dire aux fabricants qui le désireront : « Je considère votre magasin comme un entrepôt public ; j'en prends possession à ce titre ; je le fais surveiller par mes agents et à vos frais ».

S'il existe un déchet dans le magasin, ce déchet ne sera pas à votre compte, vous n'en serez pas responsable ; vous payerez la taxe sur les quantités extraites du magasin au fur et à mesure qu'elles en seront extraites.

Dans ce système, s'il n'existe pas de déchet, il est évident que le gouvernement est complètement sans intérêt pour ne pas accepter ma proposition, puisqu'il percevra la taxe sur la totalité du sel emmagasiné.

Je m'explique encore une fois, je dis : De deux choses l'une : ou il y aura déchet ou il n'y en aura pas. S'il y a déchet, il est juste et conforme aux principes de la loi elle-même, que la taxe ne soit pas imposée sur ce déchet ; s'il n'y a pas déchet, il en résultera que le gouvernement n'aura absolument aucun intérêt à ne pas adopter mon amendement. Or, il est démontré aux fabricants, par l'expérience elle-même, que le déchet existe, et la meilleure preuve qu'ils sont sincères à cet égard, c'est qu'ils consentent à voir leurs propres magasins transformés en des espèces d'entrepôts publics, accessibles à tous les négociants, alors qu'ils payeront eux-mêmes la surveillance que le gouvernement y fera exercer.

Je demande s'il est raisonnable de croire que les fabricants feraient de gaieté de cœur une semblable proposition et s'il est raisonnable de la part du gouvernement de s'y opposer.

Messieurs, l'heure est avancée, je ne répondrai qu'un seul mot aux paroles sorties de la bouche de M. le ministre des finances en réponse à l'interpellation de l'honorable M. Coomans. M. le ministre des finances a dit que, dans son opinion, le sel de soude devrait être affranchi de tout droit à l'entrée en Belgique.

Eh bien, je dirai, moi, tout simplement, que c'est là une chose parfaitement impossible, parce que ce serait l'anéantissement immédiat de toutes les fabriques et de sel de soude et de sulfate de soude qui existent en Belgique. Et ce serait non seulement l'anéantissement de ces fabriques, mais encore la ruine de beaucoup d'autres qu'elles alimentent ; car notez, messieurs, que ces fabriques ne font pas seulement du sel de soude ou du sulfate de soude, mais elles fabriquent encore une quantité d'autres produits accessoires qui sont d'une absolue nécessité pour plusieurs autres industries, et qui doivent se créer dans le pays même à peine d'en être privés, parce qu'ils sont d'un transport tellement dangereux par leur nature inflammable, qu'il est impossible de les faire venir de l'étranger. Semblables produits de nos fabriques de sel de soude servent entre autres à nos nombreuses et importantes manufactures de papiers. Si donc celles ci n'existaient pas, il y aurait à l'instant un vide énorme dans nos éléments de production et, par conséquent, une véritable crise dans l'industie. J'espère donc, messieurs, que la Chambre ne suivra, en aucun cas, M. le ministre dans cette voie, et j'espère d'ailleurs que M. le ministre lui-même n'en viendra jamais à formuler en proposition de loi l'opinion qu'il vient d'exprimer.

M. Mercier. - Malgré les arguments spécieux présentés par M. le ministre il s'agit bien de frapper les fabriques de sulfate de soude d'un impôt. Cet impôt doit-il être proportionnel, comme le veut la Constitution, ou peut-il, suivant une sorte de fantaisie du gouvernement, s'écarter de cette règle ?

Je soutiens qu'à moins de tomber dans l'arbitraire, et de méconnaître tous les principes suivis jusqu'à ce jour en matière d'impôt il faut adopter la proposition de la section centrale. M. le ministre invoque l'analogie qui existerait entre sa proposition et l'indemnité payée par le négociant aux employés de la douane chargés de convoyer des bâtiments du commerce. Cela se fait, il est vrai, en vertu de la loi de 1822 ; mais depuis 1830, chaque fois que l'occasion s'est présentée de faire disparaître des dispositions de cette nature, nous l'avons fait. Dans les bureaux de douane par exemple, on percevait sous le nom de leges, des rétributions spéciales au profit des employés.

Celte perception a été supprimée parce que les fonctionnaires publics doivent être rétribués sur les fonds généraux de l'Etat. Si M. le ministre pouvait alléguer que les dépenses de la douane sont exclusivement à la charge de l'industrie qu'elle protège, il y aurait là une véritable analogie ; mais elle n'existe pas lorsqu'il ne s'agit que d'une rétribution accessoire et exceptionnelle.

C'est donc devant une demande d'impôt que nous nous trouvons. Le gouvernement est d'avis que l'industrie intéressée peut supporter une taxe modérée. Je n'ai pas de motif de combattre cette opinion ; je voterai cet impôt s'il est réparti proportionnellement. On ne peut sans blesser toutes les règles de la justice, faire payer 75 centimes pour 100 kilogrammes à l'industriel qui emploie moins de 500 mille kilogrammes, tandis qu'on n'en exigerait que 24 de celui qui en mettrait 3 millions et plus en fabrication. La chambre ne sanctionnera pas un pareil système.

Je veux bien concourir à faire atteindre le but que se propose le gouvernement en créant une nouvelle ressource, mais je ne puis y consentir que selon le mode admis par la section centrale, et moyennant la suppression des mots : « Pour couvrir les frais de la surveillance » que je trouve inutiles et qui établiraient un principe, que je repousse de toutes mes forces.

M. Moreau. - Je désire répondre un mot à l'honorable M. Veydt. Il prétend que le nouveau mode de surveillance n'est pas aussi avantageux que je le soutenais, il nous dit que le mélange ne coûtait que 28 centimes par 1,000 kil., je dois le croire, je ne connais pas du reste la fabrication du sulfale de soude.

Mais M. le ministre a ajouté tantôt que l'addition du noir animal et du goudron nécessitait l'emploi de 10 et 12 p. c. d'acide sulfurique ; et enfin, il n'est pas contesté que ledit mélange rende les produits moins beaux.

Si donc les fabriques de sulfate de soude profitent de ces trois choses par le nouveau mode de surveillance, il est juste que toutes elles payent le taux en raison du sel qu'elles emploient, en raison des avantages qu'elles retirent chacune.

- Plusieurs voix. - La clôture ! La clôture !

- D'autres voix. - A demain ! A demain !

M. David. - Je demande le renvoi de la discussion à demain. : Messieurs, il y a bien d'autres industries que celle de la fabrication du (page 421) sulfate de soude qui devraient obtenir l'exemption du droit d'accise sur le sel ; si vous ne remettez pas la discussion à demain, comme j'ai à parler longuement, je ne pourrai pas faire valoir les considérations que je veux présenter, notamment en faveur de l'agriculture. On me dira que pour certains usages l'exemption existe ; c'est vrai, mais personne n'en use à cause des formalités inexécutables qu'on y met.

Faute de cette exemption, la fabrication du fromage et du sel ne peut pas se développer ; la poterie ne fait pas de progrès parce qu'elle doit payer l'accise sur le sel : je ne suis pas suffisamment préparé pour traiter cette question ; l'heure est, du reste, trop avancée pour que je puisse le faire aujourd'hui ; je demande à pouvoir prendre la parole demain.

- Le renvoi à demain est mis aux voix, il n'est pas adopté.

La discussion est close.

Vote de l’article unique

La suppression des mots : « pour couvrir les frais de surveillance », à laquelle le gouvernement se rallie, est mise aux voix et adoptée.

L'amendement de la section centrale ainsi modifié est mis aux voix et adopté.

L'amendement proposé par M. Lelièvre est ensuite mis aux voix. Il n'est pas adopté.

L'amendement proposé par M. Moncheur est également mis aux voix ; il n'est pas adopté.

Le second vote est fixé à jeudi 19.

M. Veydt. - Je demande la parole pour proposer dès à présent des amendements.

- Plusieurs voix : Déposez-les ; ils seront imprimés.

- La séance est levée à 4 heures trois quarts.