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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 23 janvier 1854

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 455) M. Dumon procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Maertens donne lecture du procès-verbal de la dernière, séance ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dumon présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.

« Le sieur Henri-Théodore Stroot, peintre en bâtiments à Laeken, né à Ruremondc, demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Plusieurs habitants de Gand demandent que le gouvernement concède aux sieurs Moucheron et Delaveleye, le chemin de fer direct de Saint-Ghislain à Gand. »

« Même demande d'autres habitants de Gand. »

« Troisième demande semblable d'habitants de Gand. »

« Même demande d'habitants de Zomerghem. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Falkembergh, secrétaire communal de Noduwez-Linsmeau, demande l'établissement d'une caisse provinciale de retraite en faveur des secrétaires communaux. »

- Même renvoi.


« Le sieur Pasquier-Kalinne, pharmacien-chimiste à Fleurus, breveté pour une eau propre à éteindre subitement les incendies, demande que le gouvernement lui accorde une prime équivalente aux droits de son brevet ou une réduction sur les frais de transport de sa marchandise par le chemin de fer de l'Etat. »

- Même renvoi.


« Les sieurs Van Hoorebeke, distillateurs à Eecloo, présentent des observations contre l'article 5 du projet de loi sur les distilleries. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Le conseil communal de Lillois-Witterzée demandent que les houilles, les fontes et les fers soient soumis à un droit fiscal qui n'excède pas 10 p. c. de la valeur. »

« Même demande du conseil communal de Rosières. »

« Même demande du conseil communal de Braine-Lalleud. »

« Même demande du conseil communal de Maransart. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi concernant le tarif des douanes.


« Les membres du conseil communal de Flobecq prient la chambre de voter des fonds destinés aux communes dont les ressources sont insuffisantes pour venir en aide à la classe ouvrière. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.


« L'administration communale de Tournai prie la chambre de voter, en faveur des athénées royaux, un crédit suffisant pour fournir aux villes les moyens de remplir leurs obligations dans les proportions fixées par la loi. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.


« Des habitants de Meerhout déclarent adhérer à la pétition du comité central flamand en date du 25 décembre 1853. »

« Même demande d'autres habitants de Meerhout. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet deloisur l'enseignement agricole et à la commission des pétitions.


« M. le ministre des finances transmet à la Chambre les explications qu'elle lui a demandées sur les pétitions des sieurs Deschryver et Dejosez, ex-sous-lieutenanls des douanes, tendant à obtenir que la campagne qu'ils ont faite au mois d'août 1831 soit comptée dans la liquidation de leur pension. »

- Dépôt au bureau des renseignements.


« Le sieur Xavier Debouge fait hommage à la Chambre d'une brochure intitulée : « Un mot sur les exécutions sanglantes. »

- Dépôt à la bibliothèque.

Projet de loi portant le budget du ministère de l'intérieur de l'exercice 1854

Rapport de la section centrale

M. de Man d'Attenrode. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le budget de l'intérieur sur des demandes de crédits faites par M. le ministre de l'intérieur, et devant se rattacher au budget de l'exercice 1854.

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

Projet de loi accordant des crédits supplémentaires au budget du ministère de l’intérieur

Rapport de la section centrale

M. de Renesse. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi allouant un crédit supplémentaire de 374,000 fr. au budget des non-valeurs et remboursements de l'exercice 1853.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite des objets à l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1854

Discussion générale

M. le président. - M. le ministre se rallie-t-il aux amendements de la section centrale ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Non, M. le président.

M. le président. - En conséquence la discussion est ouverte sur le projet du gouvernement.

M. de Man d'Attenrode, rapporteur (pour une motion d’ordre). - Je demande à dire deux mots par motion d'ordre.

J'ai l'honneur d'informer la Chambre que les pétitions qui ont été renvoyées à la section centrale sont, conformément à sa décision, déposées sur le bureau.

Ces pétitions émanent :

1° D'administrations centrales qui demandent que le crédit destiné à la voirie vicinale soit augmenté.

2° De décorés de la croix de fer, qui demandent que la subvention destinée à leur être distribuée en gratification soit augmentée.

Ce sont les seules pétitions qui aient été renvoyées à la section centrale.

M. de Renesse. - La discussion du budget de l'intérieur me fournit l'occasion d’émettre quelques considérations sur le procédé préservatif contre la pleuropneumonie exsudative des bêtes bovines, inventé par M. le docteur Willems, de Hasselt.

Depuis le commencement de l'année 1852, où M. le docteur Willems a communiqué et fait connaître au département de l'intérieur ses essais et ses succès sur l'emploi du virus pneumonique, comme moyen prophylactique contre les ravages de la pleuropneumonie exsudative du bétail, de nombreuses expériences ont été faites, non seulement en Belgique, mais aussi dans différents autres pays, desquelles il paraît résulter que réellement ce moyen préservatif contre la grave maladie qui avait porté une si fâcheuse atteinte aux intérêts agricoles, mérite d'être pris en plus sérieuse considération par le gouvernement, et doit, en outre, attirer l’attention de tous ceux qui s'intéressent à l'agriculture ; sous ce rapport, je crois de mon devoir de présenter quelques observations pour témoigner ici publiquement à M. le docteur Willems toute ma gratitude, pour l'heureuse invention à laquelle il a fait participer le public agricole, en faisant connaître sa méthode préservative sans avoir voulu en tirer profit, comme d'autres spéculateurs paraissaient vouloir le faire pour s'en emparer et l'exploiter.

Par un arrêté du 3 avril 1852, une commission centrale fut nommée par M. le ministre de l'intérieur, pour soumettre à des expériences le procédé de M. le docteur Willems ; cette commission, composée d'hommes honorables et distingués par leurs connaissances, fit de nombreuses expériences, constata différents faits, pendant près dune année, et son rapport du 6 février 1853 conclut plus particulièrement « que l'inoculation avec le liquide extrait d'un poumon hépatisé par suite de la pleuropneunionie exsudative, n'est pas un préservatif absolu contre cette maladie, etc., et que, quant à savoir si l’inoculation possède réellement une vertu préservative, et en ce cas, dans quelle proportion et pour quelle durée elle conserve l'immunité aux animaux qui l'ont subie, cette question ne pourra être résolue que par des recherches ultérieures. » Contre les conclusions si peu favorables de la commission, non seulement M. le docteur Willems a cru devoir s'élever, en présentant de nombreuses considérations pour les combattre, et, pour demander de vouloir faire de nouvelles expériences contradictoires ; mais encore d'autres hommes honorables, s'occupant surtout de sciences médicales, prirent la défense de cette utile invention ; et notamment, d'après un excellent ouvrage publié récemment par M. le docteur Didot, membre de l'Académie royale de médecine de Bruxelles, professeur agrégé à l'université de Liège, et l'un des délégués de l'Académie auprès de la commission centrale, chargée d'examiner le procédé préservatif, il paraît démontré, à l'évidence, que par l'inoculation du virus pneumonique, exécutée d'après la méthode de M. le docteur Willems, l'on avait réellement trouvé un moyen prophylactique contre les ravages de cette cruelle maladie des bêtes bobines, et que de nombreuses expériences faites dans beaucoup de localités de notre pays constataient le succès de cette belle invention ; que si elle n'avait pas toujours produit ses bons effets, cela provenait, en grande partie, de la fausse application de cette méthode, et de la manière vicieuse dont les opérations de l'inoculation auraient été pratiquées, peut-être par quelques praticiens froissés dans leur amour propre, dans leurs intérêts, et aussi par leurs préjugés contre ce moyen préservatif si utile, cependant, aux intérêts de l'agriculture, ainsi qu il a été démontré par des hommes les plus honorables de différents pays.

Malgré l'opposition que M. le docteur Willems a rencontrée plus particulièrement en Belgique contre sa belle découverte, sa pratique salutaire est aujourd'hui introduite dans toutes les parties du royaume, où le terrible fléau de la pleuropneumonie exsudative exerçait ses ravages ; l'on a pu officiellement constater qu'au commencement de 1852, cette grave maladie des bêtes bovines régnait avec une grande intensité en Belgique, et que, depuis le milieu de 1852, elle n'a cessé de décliner, au point qu'elle n'existe presque plus dans notre pays, grâce à l’inoculation.

Aussi un grand nombre de distillateurs, d’engraisseurs, d’éleveurs et de propriétaires, entièrement indépendants de position et hors de toute influence, s'associèrent pour témoigner à l'honorable docteur Willems toute leur sympathie, toute leur reconnaissance pour le service (page 466) immense qu'il avait rendu à l'agriculture, et, dans un banquet à Hasselt, ils lui offrirent une médaille d'or en témoignage de leur gratitude.

Cette ovation, si publique, si spontanée de la part des personnes les plus intéressées à cette belle découverte, et aussi très compétentes pour juger de l'efficacité de ce moyen prophylactique contre la pleuropneumonie exsudalive, doit faire éprouver à M. le docteur Willems la plus vive satisfaction, être pour lui la récompense de toutes les peines qu'il s'est données, et la consolation de toutes les contrariétés que l'on a voulu lui susciter, afin de jeter de la défaveur sur son utile invention.

Je regrette seulement que le gouvernement soit resté étranger à cette belle manifestation si publique, et qu'il n'ait pas cru devoir s'y associer, afin de donner à M. le docteur Willems une marque de sa sympathie pour sa belle découverte, et témoigner ainsi du vif intérêt qu'il porte à toute invention aussi utile à la première industrie du pays.

En portant devant la chambre la question de l'inoculation de la pleuropneumonie excudative des bêtes bovines, due à l'intelligente invention de M. le docteur Willems, je crois répondre au désir de toutes les personnes honorables qui se sont franchement associées à cette belle découverte, et ont pu, par leur propre expérience, en juger le mérite efficace ; ainsi, en terminant, je dirai avec l'honorable professeur Didot, « qu'il y a injustice flagrante à contester davantage les bienfaits d'une pratique que la France, l’Angleterre, la Hollande, le Piémont, l'Italie accueillent avec faveur, avec reconnaissance, parce que, dans ces pays on a reconnu qu'elle seule peut mettre fin aux dévastations d'un fléau qui se rit de la science.

« Qu'il y a injustice à s'obstiner, malgré l'évidence des faits, à contester à un compatriote, à un Belge, l'honneur d'avoir le premier appliqué et généralisé une méthode qui doit enrichir notre agriculture, tout en rehaussant la gloire scientifique du pays.

« Qu'il y a plus que de l'injustice à dénier l'efficacité d'une pratique que les agriculteurs et les engraisseurs se sont empressés d'adopter, et dont les bienfaits sont attestés par des milliers de succès plus significatifs que de vaines déclamations de journaux. »

Les observations que j'ai cru devoir présenter à la Chambre sur la méthode préservative de la pleuropneumonie exsudative des bêtes bovines doivent avoir pour but d'engager le gouvernement à s'occuper, dans l'intérêt de l'agriculture, plus activement de cette utile invention, à faire procéder à de nouvelles expériences contradictoires suivant les demandes faites par M. le docteur Willems afin de pouvoir constater officiellement l'efficacité de l'inoculation du virus pneumonique.

L'intérêt du trésor public qui, chaque année, a dû jusqu'ici fournir des sommes assez notables afin de pouvoir payer les indemnités pour les pertes des bêtes à cornes, doit pareillement stimuler le gouvernement pour rechercher tou" les moyens qui pourraient délivrer la Belgique du terrible fléau de la pleuropneumonie exsudative qui, notamment depuis 1830, a fait perdre à l'industrie agricole des capitaux assez considérables, puisque l'on a pu constater officiellement, presque chaque année, plusieurs milliers de bêtes bovines atteintes de cette grave maladie.

M. Lelièvre. - La discussion du budget de l'intérieur fournit l'occasion de proposer quelques observations relativement aux diverses branches de service ressortissant au département dont il s'agit, et je crois en conséquence devoir appeler l'attention du gouvernement sur quelques améliorations qui me paraissent pouvoir être introduites relativement à certains objets du ressort du ministre de l'intérieur.

L'esprit de nos institutions est de favoriser l'exercice légitime des droits électoraux. Or, sur ce point, il existe une véritable anomalie que je dois signaler.

Aux termes de l'article 9 de la loi du 1er avril 1843 relativement aux élections générales, le recours en cassation est ouvert aux intéressés contre les décisions rendues par les députations permanentes du conseil provincial, et afin de donner à tous les citoyens les facilités nécessaires pour faire valoir leurs droits ; à cet égard, il est énoncé qu'en cas de rejet du pourvoi, il n'y a pas lieu à l'indemnité prononcée par l'article 58 de la loi du 4 août 1832 contre celui qui succombe en son recours.

La loi de 1843 a sous ce rapport modifié les lois antérieures, mais ce qu'on a omis de faire, c'est de modifier en même temps l'article 18 de la loi communale, qui, en cas de pourvoi, prononce l'exemption des frais de timbre et d'amende, mais garde le silence sur l'indemnité et laisse ainsi subsister le principe de la loi de 1832. Il résulte de là qu'en cas de pourvoi, en ce qui concerne les droits électoraux à la commune, le demandeur qui succombe est condamné à une indemnité de cent cinquante francs envers chacun des défendeurs, ce qui élève souvent la condamnation à une somme considérable, puisque en cette matière les défendeurs ont un intérêt distinct.

Il existe donc une anomalie qui doit disparaître, car c'est surtout en matière communale qu'il faut donner aux citoyens toutes les facilités nécessaires pour soutenir leurs droits électoraux, et du reste, il n'est pas possible de maintenir, entre la loi électorale et la loi communale de 1836, une antinomie que rien ne justifie et qui résulte de ce que, lors de la loi de 1843, on n'a pas pris égard à ce qui était statué par la loi de 1836 en matière communale.

Il se présente, du reste, une occasion favorable de faire disparaître l’anomalie que je signale. M. le ministre de la justice a nommé une commission pour réviser toutes les lois concernant l'organisation judiciaire. Or, en s'occupant de l'article 58 de la loi de 1832, on pourrait énoncer les divers cas d'exception tels qu'ils résultent des lois spéciales, et comprendre dans la nomenclature l'hypothèse prévue, par la loi de 1836. Il suffirait donc que M. le ministre de l'intérieur signalât mes observations à son collègue de la justice. J'aurais déposé une proposition formelle dans le sens que j'ai exposé ; si je n'avais pensé qu'on pouvait traiter le point dont il s'agit à l'occasion de la loi sur l'organisation, annoncée par le gouvernement.

Je dois aussi, au nom de la province de Namur, réclamer du gouvernement un acte de justice. Depuis longtemps la province demande qu'on lui restitue les dépenses qu'elle a faite à l'hôtel du gouvernement à Namur et qui ne lui incombent en aucune manière, en vertu de la loi provinciale de 1836. Le conseil provincial de Namur et la députation permanente ont souvent adressé des réclamations auxquelles le ministère ne peut se dispenser de faire droit. Je prie M. le ministre de l'intérieur de vouloir enfin y statuer. La province de Namur demaude d'être traitée comme les autres provinces sous le rapport de l'entretien de l'hôtel du gouvernement, elle demande l'application de la loi de 1836 et sa réclamation est certes très légitime.

J'appelle également l'attention de la Chambre sur quelques dépenses qu'il est impossible de maintenir ultérieurement. C'est ainsi qu'au chapitre intitulé « Académie royale de médecine » on ne craint pas de porter une indemnité de mille francs pour le président, semblable indemnité de 1,000 fr. pour un secrétaire honoraire et enfin une indemnité de 1,680 fr. allouée à un homme de lettres de Paris, chargé de donner de la publicité aux actes de l'Académie de Belgique.

En vérité il n'est pas possible d'employer les fonds de l'Etat à des dépenses moins justifiées. Il est contraire à tous les usages d'accorder des indemnités aux présidents des sociétés savantes. L'honneur de la présidence suffit en semblable occurrence, et l'allocation d'une indemnité est d'autant moins justifiée dans l'espèce que le titulaire perçoit, à d'autres titres et pour d'autres fonctions, des émoluments considérables sur les fonds de l'Etat.

L'indemnité accordée à un secrétaire honoraire ne peut également se soutenir, puisqu'un secrétaire-adjoint touche une indemnité de quinze cents francs pour le même service.

Enfin, on ne saurait également légitimer la somme de 1,680 francs allouée pour le simple fait de donner de la publicité aux actes de l'Académie.

Je félicite l'honorable rapporteur de la section centrale d'avoir signalé ces allocations injustifiables et j'espère que le gouvernement s'empressera de les faire disparaître. Quant à moi, il m'est impossible de les voter.

En ce qui concerne l’enseignement supérieur, je ne puis m'empêcher de signaler que l'organisation du jury est considérée généralement par tous les hommes de la science comme présentant de sérieux inconvénients. Il faut nécessairement songer à un autre système qui, en sauvegardant la liberté de l'enseignement, fera cesser l'antagonisme qui naît de l'ordre de choses actuel dans le sein même du jury.

Quant à l’enseignement moyen, nous pouvons constater avec bonheur les progrès de l'instruction publique et affirmer que les études ont atteint un niveau inconnu depuis longtemps.

J'espère du reste que M. le ministre de l'intérieur nous fera connaître si les négociations avec le clergé relativement à son intervention en ce qui concerne l'enseignement religieux ont abouti, ou bien si elles continuent d'être activées.

Je terminerai par une observation générale. Le chiffre du budget de l'intérieur augmente chaque année. Il me semble cependant qu'il est temps de songer à réaliser des économies sérieuses, si l'on ne veut compromettre de nouveau notre situation financière. Je vous avoue, messieurs, que cet accroissement successif des dépenses présente quelque chose d'effrayant, et je convie le gouvernement à en peser avec attention toutes les conséquences qui sont bien propres à émouvoir les chambres et le pays.

M. Vander Donckt. - Lorsque nous venons dénoncer des irrégularités ou des erreurs commises au préjudice de la province que nous avons l'honneur de représenter dans cette enceinte, et réclamer en faveur d'intérêts lésés, d'ordinaire on nous répond par des tableaux de statistique et des chiffres que l'expérience nous oblige de n'accueillir qu'avec une certaine défiance et sous bénéfice d'inventaire, parce que souvent ces tableaux sont entachés d'erreurs et d'irrégularités.

C'est ainsi que, dans la session précédente, l'honorable ministre des travaux publics, répondant à un honorable membre qui réclamait contre l'inégalité des subsides accordés aux provinces, produisit également un tableau dans lequel il disait que la province de la Flandre orientale avait reçu sa part des subsides ; je crois (et je dois revenir sur ce point), je crois que c'est entièrement par erreur qu'on a répondu en ce sens. Après avoir établi par des chiffres une longue série de subsides alloués aux diverses provinces, M. le ministre en vient au point principal pour lequel la province de la Flandre orientale réclame incessamment, sans que jusqu'ici le gouvernement ait tenu compte des sacrifices énormes que cette province a faits dans l'intérêt de la voirie vicinale. M. le ministre nous dit tout simplement que « quant aux routes provinciales, la part contributive de l'Etat n'était, en réalité, que de 43,000 fr. ; mais je vois que les communes ne figurent que pour 146,000 fr. et que la province figure pour le reste. » L'honorable ministre des travaux publics ne prononçait pas seulement le chiffre des sacrifices de la province, qui dépassent deux millions et qui pèsent lourdement sur le budget provincial.

(page 457) De ces tableaux, messieurs, qui, je le répète, sont souvent entachés d'inexactitude, on déduit, souvent aussi, des conséquences tout aussi inexactes et dans le rapport qui nous a été distribué de la part du conseil provincial du Hainaut, nous voyons, messieurs, la phrase que voici :

« Le gouvernement a déposé récemment à la Chambre des représentants un rapport très developpé sur les travaux d'amélioration de la voirie vicinale pour la période décennale de 1841 à 1850. Nous nous sommes occupés d'en extraire les éléments de deux tableaux que nous déposons aujourd'hui sur le bureau du conseil comme annexes à notre rapport, littera A et B. »

Eh bien, messieurs, l'honorable M. Rousselle, au conseil provincial du Hainaut, est parti d'une base très inexacte puisque le rapport très développé auquel il fait allusion (c'est celui qui nous a été distribué à tous) part seulement de 1841, et que c'est en 1837, sinon en 1836, que le conseil provincial de la Flandre orientale a décrété un emprunt de 2 millions, qui, comme je l'ai dit, pèse si lourdement sur le budget de cette province. Pour les autres provinces, elles n'ont commencé qu'en 1841 à faire des sacrifices ; c'est alors que le gouvernement a porté au budget une allocation considérable pour venir en aide aux provinces.

Il reste donc prouvé et je tiens à ce qu'il soit constaté que le rapport qui nous a été distribué est défectueux, en ce sens qu'il ne tient aucun compte des deux millions que la Flandre orientale a sacrifiés, et que si on ajoutait cette somme à tous les tableaux qui nous ont été soumis successivement et qui, copiés les uns sur les autres, perpétuent les mêmes erreurs, il serait de la dernière évidence qu'à cet égard la Flandre orientale a fait plus de sacrifices que les autres provinces. Et je conjure le gouvernement d'en tenir compte dans la répartition des subsides.

Il est une autre remarque sur laquelle j'appelle l'attention spéciale du du gouvernement.

C'est que dans la Flandre orientale, comme dans la Flandre occidentale, l'entretien des chemins vicinaux constitue une charge des riverains dont il n'est tenu compte dans aucune administration. Les commissaires-voyers ou les administrations communales ordonnent aux riverains de réparer par eux-mêmes les chemins vicinaux, tandis que dans toutes les autres provinces l'entretien des chemins vicinaux se fait aux dépens de la commune même ; on porte de ce chef, dans les budgets communaux, une allocution dont le gouvernement tient note, taudis que les provinces des Flandres seraient encore fortement lésées, si le gouvernement ne tenait pas compte de cette manière d'entretenir les chemins vicinaux.

Je dirai maintenant un mot à propos des commissaires de district et des commissaires-voyers. On s'est débattu longuement dans la session précédente sur la question de savoir si l'institution des commissaires de district était utile oui ou non. Quant à moi, l'institution des commissaires de district me paraît indispensable dans la position où nous nous trouvous aujourd'hui.

Tout ce qu'on a avancé à ce sujet me semble erroné et sans fondement aucun. L'honorable membre qui a le plus combattu l'utilité des commissaires d'arrondissement, a dit : « Ils viennent faire une apparition dans la commune, et ils vont dîner chez le bourgmestre ; voilà à quoi se borne leur besogne. »

Il me semble que de semblables propos peuvent se tenir dans des conversations particulières ; mais devant la législature, ils sont au moins inconvenants. Il est pour les commissaires d'arrondissement, comme pour tous les autres hommes, un devoir, celui de se restaurer quand ils ont faim ; quand ces fonctionnaires se rendent dans une commune, il faut bien qu'ils dînent quelque part. Est-il raisonnable de leur en faire un reproche ? Il faudrait plutôt leur tenir compte de leur peine et de leur dévouement.

Ceux qui ont quelque connaissance de la marche des administrations communales (et j'ai l'honneur de vous dire que depuis 25 ans je fais partie d'une de ces administrations), savent que c'est une chaîne, et que si vous rompez une chaîne, vous rompez l'harmonie administrative ; et en présence de notre système électif, qui souvent change les chefs des autorités locales, vous mettriez l'administration supérieure dans l'impossibilité de faire exécuter les lois et règlements dans les communes rurales si elle n'avait pour intermédiaire le commissaire d'arrondissement qui est tout dévoué aux administrations communales, qui est le conseiller des autorités subalternes, qui leur vient en aide par ses conseils et les ramène dans la bonne voie, alors qu'à défaut de connaissances suffisantes ils s'en écartent, c'est le médiateur dans les conflits qui parfois surgissent entre les communes.

Cet intermédiaire est donc indispensable.

On a parlé aussi des commissaires d'arrondissement au sujet de l'inspection de la voirie vicinale.

Mais, messieurs, s'il y a des commissaires d'arrondissement qui ne remplissent pas convenablement leurs devoirs, il en est d'autres qui. les remplissent à l'entière satisfaction des administrés. Ils se rendent dans les communes et en prennent quelques-unes dont ils visitent la voirie vicinale en détail ; il est vrai qu’il est impossible de faire cette inspection détaillée tous les ans et dans toutes les communes ; mais en en prenant quelques-unes tous les ans, on finit après un certain temps par avoir inspecté en détail tous les chemins vicinaux des communes.

Le commissaire d'arrondissement est une autorité constituée qui exerce de l'influence sur les administrations communales. En administration comme en toute autre chose on va souvent d'un excès à l'autre.

Pendant longtemps la voirie vicinale a été abandonnée au plus déplorable délaissement.

En 1848 on a fait une loi sur la voirie vicinale ; à peine cette loi était-elle promulguée, qu'on a dit qu'il fallait surveiller davantage la voirie vicinale et créer à cet effet des commissaires-voyers.

La nomination de ces fonctionnaires eût été inutile si on avait laissé au temps le soin d'amener l'exécution des règlements.

Dans ma province les chemins vicinaux sont si bien entretenus, sont tellement changés que qui les aurait vus avant 1841 ne les reconnaîtrait plus.

Si dans d'autres provinces il n'en est pas ainsi, je puis assurer que dans mon arrondissement, que je connais plus particulièrement, ce service ne laisse rien à désirer.

On a prétendu qu'il était impossible d'avoir de bons chemins vicinaux sans commissaires-voyers.

La province de la Flandre orientale a été pressée par le gouvernement de nommer des fonctionnaires de cette catégorie. Satisfaisant à cette demande, le conseil provincial de la Flandre orientale n'a pas refusé de nommer des commissaires-voyers. Mais il n'a pas jugé à propos de charger son budget d'une nouvelle dépense permanente, et il s'est très bien trouvé de la mesure qu'il a prise ; il a investi la députation du droit de nommer des commissaires-voyers temporaires pour les envoyer dans des localités où l'on croyait nécessaire de faire visiter en détail les chemins vicinaux, soit sur les plaintes de particuliers, soit sur celles des commissaires d'arrondissement. Au lieu de mettre en question l'existence des commissaires d'arrondissement, il faudrait les entourer de toute notre considération, stimuler leur zèle et les encourager dans la rude tâche qu'ils ont à remplir ; et on arriverait bientôt à se passer d'une autre catégorie d'employés, de celle des commissaires-voyers.

J'ai encore un mot à dire sur l'allocation portée au budget pour la voirie vicinale.

L'honorable ministre de l'intérieur, dans la session précédente, nous a dit à propos de l'allocation pour les chemins vicinaux : Le crédit de 492,000 francs est depuis quelque temps reconnu insuffisant pour encourager l'exécution des travaux de voirie jugés même les plus urgents. Tous les rapports venus des provinces s'accordent sur ce point ; il est devenu impossible de pourvoir aux nécessités les mieux constatées.

« Je crois que c'est le moment de présenter à la chambre quelques observations sur la situation de la voirie vicinale, dont les besoins sont tels, qu'il est fort difficile d'y satisfaire dans l'état actuel des crédits.

« Cet article a été l'objet de critiques, et d'observations de toute nature, souvent opposées l'une à l'autre. Cela ne prouve qu'une chose, à mon avis, c'est qu'il est très difficile d'arriver à des règles de distribution assez précises pour contenter tous les intérêts en jeu dans cette question.

« C'est probablement ce qui a déterminé le gouvernement, après de nombreux essais, à s'arrêter à la règle suivie jusqu'ici pour la répartition entre les provinces.

« Quoi qu'il en soit, j'ai pris note des observations qui ont été faites dans la discussion. Tout ce que je pourrai faire sera de me livrer à une étude nouvelle pour voir s'il serait possible d'arriver à une répartition plus équitable du fonds affecté à l'amélioration de la voirie.

« Maintenant je donnerai à la chambre quelques explications sur le crédit en lui-même, sur l'état où se trouvent un grand nombre de travaux commencés et qui restent dans un état complet d'inachèvement.

« Le crédit de 492,000 fr. est depuis quelque temps reconnu insuffisant pour encourager les travaux de voirie jugés même les plus urgents ; tous les rapports venus des provinces s'accordent sur ce point, et il est devenu impossible de pourvoir aux nécessités le mieux constatées.

« Ce sont des faits que je pourrais établir par des documents irrécusables.

« Mais il y a aussi les travaux entrepris, au moyen de crédits extraordinaires, que vous ne devez pas perdre de vue. Dans toutes les provinces, des routes nouvelle sont en cours d'exécution ; elles ont été commencées sons l'empire de circonstances tout à fait exceptionnelles.

« Ainsi, dans les Flandres, dans le Brabant et dans d'autres provinces, on a ordonné l'ouverture de nouveaux chemins pour donner du travail aux populations ouvrières, pour alléger des maux très grands que vous connaissez tous.

« Pour achever tous ces travaux en aidant les provinces par des subsides, il faudrait obtenir un crédit extraordinaire d'à peu près un million. J'ai sous les yeux l'état des travaux commencés dans les Flandres, dans le Brabant, dans les provinces d'Anvers, de Hainaut et de Limbourg. Il en résulte qu'un grand nombre de chemins en voie de construction ont dû être abandonnés par suite de l'impossibilité où l'on est d'y affecter des subsides.

« C'est là une valeur improductive dont personne ne peut, par conséquent, retirer le moindre fruit.

« Il me semble, messieurs, qu'en bonne administration il serait convenable de s'occuper un peu de cet arriéré et de se demander s'il ne serait pas possible, par un effort nouveau, extraordinaire, d'arriver à compléter ce qu'on a commencé dans des vues très utiles, mais ce qui ne produirait absolument rien, si vous laissiez ces chemins dans l'état d'inachèvement où ils se trouvent.

(page 458) « Or, il résulte, comme je viens le dire, du relevé que j'ai fait faire, qu'il faudrait, pour arriver avec des subsides proportionnés à l'importance des sacrifices que les communes et les provinces s'imposent, obtenir un crédit extraordinaire d'un million, avec lequel on viendrait au secours de ces provinces et de ces communes et avec lequel aussi on donnerait des secours extraordinaires à d'autres provinces pour commencer de nouveaux chemins vicinaux et les mettre sous ce rapport sur un pied d'égalité avec les provinces où des travaux plus considérables ont été entrepris

« Je ne sais jusqu'à quel point vous goûterez une observation de cette nature, jusqu'à quel point elle pourra se convertir en proposition formelle qui nous mènerait à obtenir, pour cette année un crédit extraordinaire d'un million. Quoi qu'il en soit, il était de mon devoir d'appeler votre attention sur la situation où se trouvent plusieurs de nos provinces.

« Messieurs, en dehors de ce crédit extraordinaire d'un million qui nous serait nécessaire, on peut se demander s'il ne serait pas juste d'élever un peu le crédit ordinaire. Des amendements vous ont été présentés à cet égard, et il me semble que le moins qu'on puisse faire, en attendant que des ressources plus complètes soient mises à la disposition du gouvernement, c'est de lui permettre de faire face aux travaux ordinaires les plus urgents.

« Sous ce rapport le gouvernement ne peut qu'applaudir à la pensée qui a inspiré les auteurs des amendements présentés. Je crois qu'en présence de la faveur méritée que rencontre dans cette enceinte tout ce qui se rattache aux chemins vicinaux, il est inutile d'insister sur la nécessité de donner au gouvernement des moyens nouveaux d'influer sur la construction des chemins vicinaux.

« Il ne vous échappera pas, messieurs, que ces chemins vicinaux non seulement exercent la plus grande influence sur la prospérité de notre agriculture, mais peuvent augmenter d'une manière considérable les produits que nous attendons de l'exploitation du chemin de fer. Tout ce qui sert d'affluents à la grande communication du chemin de fer, affluents qui résultent des chemins vicinaux que nous construisons aujourd'hui, peut être considéré comme une source de produits nouveaux qui augmenteront d'autant les ressources de l'Etat.

« J'ai cru devoir vous présenter ces considérations pour que vous examiniez s'il ne serait pas utile de donner au gouvernement quelques moyens nouveaux de venir en aide à la voirie vicinale. »

Messieurs, je dois l'avouer, j'ai vu avec peine qu'on ne nous a proposé aucune augmentation d'allocation et que le gouvernement n'a pas pris l'initiative à cet égard. Je crois, quant à moi, qu'une augmentation semblable serait très utile. On dira peut-être que nous nous trouvons dans une crise financière, que les finances de l'Etat ne permettent pas d'augmenter les allocations du budget. Mais nous trouvons-nous dans une position autre que celle où nous étions en 1847, alors que la Chambre votait un crédit de 2 millions pour venir au secours des populations ouvrières ? Je crois que la situation est bien la même et peut-être pire qu'à cette époque.

L'honorablc ministre de l'intérieur, dans la session précédente, nous a dit que pour satisfaire à toutes les demandes de construction de chemins vicinaux il faudrait, non pas cent mille francs, mais un million. Eh bien ! en présence de la crise alimentaire qui pèse sur nos populations, je crois que le moment ne peut être mieux choisi pour que la législature montre qu'elle veut aussi encourager les classes ouvrières et donne l'exemple de la charité.

Le gouvernement prêche, dans ses circulaires, la charité aux particuliers et aux administrations communales ; il les stimule. Je ne l'en blâme pas ; au contraire j'y applaudis. Mais pour que ces recommandations soient efficaces, il faut que le gouvernement et la législature donnent l'exemple et commencent par faire exécuter dans nos campagnes les travaux utiles et nécessaires, afin que les particuliers, que les hommes charitables imitent cet exemple et viennent aussi au secours de nos classes ouvrières, en leur fournissant le moyen de pourvoir à leur existence par le travail qui manque à l'époque présente de l'année.

J'ai dit.

M. Rogier. - Je désire présenter quelques observations à la Chambre dans la discussion générale.

J'attendrai, pour reprendre la parole s'il y a lieu, que M. le ministre de l'inférieur ait bien voulu repondre à l'interpellation qui lui a été adressée par l'honorable M. Lelièvre.

Je ne sais si tous mes honorables collègues ont lu le rapport de l'honorable M. de Man sur le budget de 1854. Je l'ai lu attentivement, et j'ai eu le regret de me trouver arrêté dès le commencement par de telles erreurs, par des erreurs si palpables, que je m'étonne, non pas précisément qu'elles aient pu échapper à l'honorable rapporteur, cela lui est arrivé quelquefois, mais qu'elles aient reçu, en quelque sorte, la sanction de la section centrale.

Sans aller plus avant que la page 6, j'v trouve quatre ou cinq erreurs des mieux conditionnées.

A entendre l'honorable rapporteur de la section centrale, il y aurait au département de l'intérieur une tendance très marquée à augmenter le personnel ; un inspecteur du service de santé aurait été nommé par moi en 1850 ; l'article 18 de l'arrêté organique du département de l'intérieur aurait été violé au profit d'un employé. Avant 1837, le crédit pour le personnel ne s'élevait qu'à 136,000 fr. ; il s élève aujourd'hui à 192,000 francs.

A toutes ces assertions, je me bornerai à opposer des faits, en ce qui touche mon administration.

Mais examinons d'abord une assertion plus générale de la page 3. De 1843 à 1853, les dépenses du département de l'intérieur ont suivi une progression très marquée. Il faut arrêter cette marche.

Messieurs, en ce qui concerne l'augmentation croissante des dépenses au budget de l'intérieur, je ferai une observation préalable. Je me demande si les dépenses consignées au budget de l'intérieur sont utiles ou si elles sont inutiles, et si elles peuvent être diminuées ? Je me demande comment, étant jugées inutiles, exagérées par l'honorable rapporteur de la section centrale, on ne parvient pas à les réduire.

M. le ministre de l'intérieur actuel est sans doute arrivé avec des idées d'économie. Il avait tant de fois entendu dire, et depuis il a tant de fois entendu répéter qu'il se faisait des dépenses exagérées au département de l'intérieur, qu'il y avait là de grandes réductions à introduire, qu'il y avait là des gaspillages à faire cesser ; l'opposition a tant de fois répété sur tous les tons ce langage, que probablement M. le ministre a dû faire des efforts, des efforts sérieux et nombreux pour arriver à des économies.

Messieurs, que voyons-nous en examinant les budgets de l'intérieur ?

Le budget de 1853 avait été présenté par le prédécesseur de M. le ministre de l'intérieur à la somme de 6,610,000 fr.

Le champ était ouvert. C'était le moment d'introduire ces réductions si réclamées, probablement si faciles ; or, il se trouva que le budget de l'intérieur pour 1853 fut voté à un chiffre supérieur à celui qui avait été proposé.

Le prédécesseur de M. le ministre actuel avait proposé un chiffre de 6,610,000 fr. ; on a voté à M. le ministre de l'intérieur actuel 6,678,000 fr.

Mais, dira-t-on, M. le ministre de l'intérieur ne faisait qu'entrer en fonctions ; il n'avait pas eu le temps de s'occuper de l'étude des différentes parties du budget. Mais pour l'année 1854, il avait du temps devant lui et probablement nous allons jouir de ces réductions si urgentes et si faciles à introduire. Eh bien, que porte le budget de 1854 ?

Celui de 1853 avait été voté au chiffre de 6,678,000 fr., chiffre supérieur, je le répète, aux propositions faites par le prédécesseur de M. le ministre. Voici que, pour 1854, on nous propose 6,901,000 fr., c'est-à-dire près de 300,000 fr. de plus que ce qui était proposé pour 1853.

Que fait la section centrale en présence de cette augmentation qui devait être pour elle des plus inattendues ? Ramène-t-elle les proportions du budget de 1854 au chiffre de 1853 ? Pas du loul. Si j'ai bien additionné, toutes les réductions proposées par la section centrale ne s'élèvent pas à 100,000 fr. Nous aurons à apprécier dans la discussion des articles la valeur de ces réductions ; mais tant il y a que si le budget est voté, même avec les réductions proposées par la section centrale, il sera encore de 200,000 fr. supérieur au budget proposé pour 1853.

Ce sont sans doute ces circonstances qui ont fait dire à l'honorable M. Lelièvre qu'en effet il y a des tendances d'accroissement de dépense au budget de l'intérieur. Mais, pour être juste, il faudait voir s'il n'y a pas des causes en quelque sorte invincibles d'augmentation qui font que ce budget a dû être augmenté d'année en année dans des proportions plus ou moins fortes.

On voudra bien se rappeler cependant que pour le budget de l'intérieur de 1849 il avait été proposé et voté des réductions jusqu'à concurrence de 400,000 fr.

D'où sont venues depuis lors les augmentations ? Vous le savez aussi bien que le gouvernement. Vous avez augmenté certains articles. Ainsi l'article de la voirie vicinale a été augmenté tout d'un coup de 200,000fr. Si je remonte à la première augmentation, je trouve que l'augmentation a été de 400,000 fr.

L'exécution de la loi sur l'enseignement moyen a entraîné pour le budget une dépense nouvelle de 350,000 fr. Voilà deux chiffres seulement. Pouvez-vous réduire ces dépenses ? Qui est-ce qui songe à réduire la dépense de la voirie vicinale ? Non ; il y a toujours eu des propositions d'augmentation, et, de mon temps, j'ai dû lutter, à mon grand regret, contre des propositions en ce sens.

Mais quant à des augmentations qui ne seraient pas résultées des besoins réels de l'administration et de l'exécution des lois, il serait très difficile de les indiquer. La preuve, c'est que malgré toute la bonne volonté de la section centrale et particulièrement de son rapporteur, on n'a pu renfermer le budget de 1854 dans les limites des budgets antérieurs.

Je me borne à cette observation générale sur l'augmentation de la dépense au budget de l'intérieur. Je passe aux reproches adressés au personnel de cette administration.

On l'accuse d'avoir une tendance à s'accroître, à vouloir se charger de travail (étrange reproche), d'attributions, d'avoir pris une grande extension, extension superflue.

Le personnel du département de l'intérieur, depuis 1847, loin de s'être accru, a subi une réduction de 18 employés non remplacés. Voilà l'extension qu'a prise le personnel du département de l'intérieur. En 1848, l'allocation, pour le personnel du département de l'intérieur, était de 202,000 fr. Une réduction de 10,000 fr. a été introduite sur cet article par le ministre d'alors. Il a été réduit à 192,000 fr. et il est (page 459) tellement vrai que le personnel du département de l'intérieur n'a pas pris une extension exagérée, que sur cette somme de 192,000 fr. il est resté disponiblc près de 40,000 fr. qui n'ont pas été attribués à des employés nouveaux ou nommés en remplacement de ceux qui ont disparu soit par décès, soit par déplacement, soit par départ ou autrement. Mais au moyen de cette somme de 40,000 fr., il a été opéré des régularisations, des augmentations de traitements, car ce personnel de l'administration de l'intérieur, que l'on traite avec peu de bienveillance, il faut le dire, se trouve dans cette position qu'il est, relativement, moins payé que le personnel de toutes les autres administrations.

En 1847 l'honorable M. de Theux a porté à 202,000 fr. l'allocation fixée page 6 du rapport à 136,600 fr., et cela pour régulariser la position d'un grand nombre de fonctionnaires qui étaient payés sur divers articles du budget en dehors de l'article destiné au personnel. Eh bien, messieurs, il est encore resté à cette époque des employés qui ont continué d'être payés sur des allocations étrangères à l'article 2, sur des articles spéciaux du budget.

Ces employés, depuis, sont rentrés dans la règle générale, ils sont payés sur l'allocation du personnel. En définitive ce personnel que l'on accuse d'avoir pris une si grande extension se trouve aujourd'hui réduit de 18 employés : or malgré cette réduction on a travaillé davantage au département de l'intérieur.

Ces détails, messieurs, je vous prie de vouloir bien y être attentifs un moment. Si vous voulez obtenir des fonctionnaires de l'Etat, du zèle, de l'activité, du dévouement, il ne faut pas, dans cette Chambre, venir se livrer contre eux à des accusations qui les découragent, qui les paralysent.

Le personnel du ministère de l'intérieur, je le répète, a été réduit depuis 1847 de 18 employés, et cependant, on peut le dire, il a deux fois plus de besogne qu'à toutes les autres époques.

Il y a eu, en 1848, toutes les administrations communales et provinciales à réorganiser, par suite des lois que nous avons faites ; il a eu la garde civique à réorganiser vers la même époque.

Pour la division de l'industrie, il y a eu l'affaire considérable des Flandres, qui a créé une besogne entièrement nouvelle et qui a pris une grande extension. Le regrette-t-on ? Je ne le pense pas ; je ne pense pas qu'on vienne soutenir que ce qui a été fait là a été fait en pure perte.

Pour l'instruction publique, il y a eu l'organisation de l'enseignement moyen, la réorganisation de l’enseignement supérieur, sans parler de beaucoup d'autres mesures toutes nouvelles.

La division de l'agriculture, cette division née de rien, en quelque sorte, s'est successivement développée et a pris le plus grand accroissement. Il suffit de vouloir bien se rappeler les actes nombreux relatifs à l'agriculture, posés dans les dernières années.

Enfin, messieurs, vient la division de la voirie vicinale, et l'on peut dire que les occupations y ont été triplées d'abord par l'extension donnée aux travaux de la voirie vicinale, et en deuxième lieu par la créaton d'un service entièrement nouveau, je veux parler de l'hygiène publique, qui a pris aujourd'hui une très grande place dans les travaux de l'administration.

Le service des poids et mesures a passé du ministère des finances à celui de l'intérieur, mais non le personnel.

Ainsi, messieurs, c'est en doublant peut-être les travaux de chaque employé et avec une réduction notable dans le personnel qu'on est parvenu à faire marcher l'administration. Il n'est donc pas juste, ce me semble, d'adresser le reproche de superfétation et de superfluité au personnel de l'administration de l'intérieur.

En moyenne il est moins payé que le personnel des autres administrations et, en fait, depuis un certain nombre d'années, on peut dire que les travaux de chaque division se sont doublés. Voilà des faits que je soutiens et qu'on ne contestera pas.

Toujours dominé par cette erreur qui voit s'accroître inutilement le nombre d'employés de l'intérieur, on me reproche d'avoir nommé un inspecteur général du service de santé qui n'a d'autre attribution que de voyager quand une épidémie se déclare.

Je ne sais où l'on a puisé que cet inspecteur général du service de santé, institué non par moi, mais par mon prédécesseur, se borne à voyager.

Il est vrai, messieurs, dans les moments les plus difficiles, quand les Flandres étaient décimées par le typhus et le choléra, il a fait des tournées dans ces provinces pendant six semaines. Si l'honorable M. de Man voulait bien se donner la peine de demander au département de l'intérieur le tableau des attributions de l'inspecteur général du service de santé, il verrait qu'il a autre chose encore à faire que des tournées, mission d'ailleurs très utile et parfois périlleuse, devant laquelle il n'a jamais reculé.

On me reproche d'avoir avancé un employé sans droit ; d'avoir fait pour lui violence au règlement ; mais, messieurs, on n'a pas lu le règlement qui autorise le gouvernement à donner un avancement plus rapide à l'employé qui fait preuve de beaucoup de zèle et de capacité ; un employé se trouvait dans ce cas, et le ministre n'a pas hésité à lui donner de l'avancement, conformément au règlement et non pas, comme l'a dit M. de Man, en violant le règlement.

Je prie aussi l'honorable rapporteur de la section centrale d'avoir l’obligeance de ne pas se tromper quand il fait des additions, de ne pas se tromper au préjudice des ministres. Ainsi je vois, page 2, la comparaison entre les crédits supplémentaires et extraordinaires accordé aux deux ministères précédents : eh bien, que fait l'honorable rapporteur de la section centrale ? Il compte deux fois au ministre les mêmes dépenses. Je prendrai un exemple, il est frappant. Nous voyons 500,000 fr. dans les crédits extraordinaires votés pour l'armement de la garde civique ; ce crédit, accordé par une loi spéciale, n'ayant pas été épuisé dans les délais voulus, le ministère d'alors a reporté la somme restée disponible sur le crédit de 500,000 francs, dans une loi de crédits supplémentaires ; il s'agit d'une somme de 184,000 fr. : on me l'impute deux fois. Je donne ce fait pour exemple. Il y a encore d'autres erreurs.

M. de Man d'Attenrode. - Je demande la parole.

M. Rogier. - Des erreurs matérielles, inexplicables de la part de l'honorable M. de Man qui a la prétention d'approfondir les questions de chiffres et qui se trompe bien souvent.

M. de Man d'Attenrode. - Vous vous entendez à dépenser les chiffres.

M. Rogier. - Vous vous entendez à les dénaturer.

M. de Man d'Attenrode. - C'est ce qu'il s'agira de voir.

M. Rogier. - Je crois jusqu'à présent avoir été assez modéré, vis-à-vis de M. de Man ; mais s'il me dit des choses désobligeantes, je suis armé pour lui répondre...

M. de Man d'Attenrode. - Et moi aussi.

M. Rogier. - L'honorable M. de Man a la réputation d'être un comptable très remarquable ; quand on a cette position dans la Chambre, on ne doit pas présenter légèrement les chiffres, on ne doit pas, par exemple, attribuer deux fois la même dépense à un ministre.

Voilà une observation que je me permets de faire à l'honorable M. de Man ; s'il veut conserver, dans cette Chambre, un peu d'autorité dans les questions de comptabilité, je l'engage à faire mieux ses additions.

Eh bien, voilà un fait, il y en a d'autres, mais je ne veux pas fatiguer la Chambre de détails. Je veux seulement insister sur celui-ci.

Je disais que sur un crédit de 500,000 fr. pour l'armement de la garde civique, il était resté un excédant de 184,000 francs dont on n'a pu disposer dans les délais voulus. Qu'a fait le ministre ? Il a demandé, dans une loi de crédits supplémentaires, à réemployer ces 184,000 fr. ; eh bien, en bonne justice, l'honorable M. de Man aurait dû retrancher ces 184,000 fr. du crédit extraordinaire ; ou bien, en donnant le détail des crédits supplémentaires, il aurait dû faire observer que les 184,000 fr. ne constituent qu'un transfert et n'étaient pas une augmentation de dépense ; mais il n'a pas fait cette simple et équitable observation. Et à son compte, au lieu de 500,000 fr., j'aurais dépensé 684,000 fr.

L'honorable M. de Man, dans les crédits extraordinaires alloués au département de l'intérieur, attribue aussi à l'administration de 1847 200,000 fr. pour l'exécution de la convention cotonnière de Gand ; les dépenses résultant de cette convention auraient dû être attribuées à l'administration qui avait signé la convention et non à celle qui l'avait exécutée.

Et puisque l'honorable M. de Man a cru devoir nous donner, page 2, le tableau des dépenses, tant extraordinaires que supplémentaires, qui ont été faites au département de l’intérieur de 1843 à 1853 ; nous allons apprécier par comparaison cette administration, si décriée, à partir de 1847, qui a ruiné le pays (ce que je lisais encore récemment), qui est cause de la crise, qui a commis toute espèce de gaspillages.

D'après les tableaux de l'honorable M. de Man et en prenant tous les chiffres qui s'y trouvent pour parfaitement exacts, le département de l'intérieur, depuis 1845 jusqu'en 1847, c'est-à-dire pendant vingt mois de l'administration des amis de l'honorable M. de Man, a obtenu de la législature 5,100,000 fr. de crédits extraordinaires.

D'après les mêmes tableaux, de 1847 à 1853, c'est-à-dire en 60 mois, je trouve 7,040,000 de crédits extraordinaires alloués à l'administration qui a tant abusé, dit-on, des crédits extraordinaires.

On ne dira pas que les circonstances que l'administration de 1847 a eu à traverser aient été plus faciles que celles pendant lesquelles ont administré les amis de l'honorable M. de Man. Il y a eu une crise financière, une crise alimentaire, une perturbation générale en Europe, deux révolutions à traverser, des lois nouvelles à mettre à exécution, eh bien, si nous avions suivi les antécédents, si nous avions eu notre part proportionnelle, en soixante mois nous aurions dû obtenir 15 millions ; nous avons obtenu 7 millions. Cela n'empêchera pas l’honorable M. de Man de soutenir qu'on a fait un scandaleux abus des crédits extraordinaires, pendant l'administration déplorable du 12 août 1847. Cela n'empêchera pas les amis du dehors de l'honorable M. de Man de prétendre que nous avons ruiné le pays, que si aujourd'hui il y a des souffrances dans la classe pauvre, c'est par suite des dépenses folles du département de l'intérieur pendant l'administration du 12 août.

Messieurs, je l'ai déjà dit dans d'autres discussions, je ne blâme pas l'honorable M. de Man des recherches auxquelles il se livre : je crois qu'il est très utile qu'il y ait dans la Chambre des membres qui s'occupent spécialement de ces questions ; mais pour exercer de l'autorité il faut demeurer impartial, il ne faut pas seulement sembler dominé par le désir de trouver le mal ; il faut de temps en temps avoir la justice de reconnaître ce qui est bien.

On peut pardonner beaucoup de choses à l'honorable M. de Man, en considération du but qu'il poursuit : il ne se contente pas des documents fournis par les ministres ; il se livre à des enquêtes personnelles, il (page 460) visite les bureaux de la cour des comptes, ceux des administrations, il interroge les employés ; nous voyons figurer dans le rapport des notes fournies, dit-on, par la cour des comptes ; ce sont des notes fournies à la cour des comptes, ce qui n'est pas la même chose. Si je dis que l'honorable membre n'est pas entièrement blâmable de se livrer à des enquêtes personnelles, il y aurait bien cependant quelque chose à y reprendre.

Après s'être livré à tant de recherches et avoir fait tant d'efforts, je m'étonne qu'il en perde le fruit par les inexactitudes que renferment les documents qu'il publie et qui passent à la section centrale faute de vérification suffisante. Voilà ce qui jette du discrédit sur les travaux de M. de Man. Quand on parle de restreindre les dépenses dans les limites strictement nécessaires, par qui pourrait-on être combattu dans cette Chambre ? Est-il un esprit assez mal tourné pour qu'on lui suppose la pensée préconçue de vouloir augmenter bon gré mal gré inutilement les dépenses ? Nous voyons avec plaisir des membres se livrer à des recherches pour opérer des économies dans les dépenses s'il y en a à faire ; mais pour exercer de l’influence il faudrait qu'ils fussent guidés par un esprit plus exact et moins partial, qu'ils ne fussent pas exclusivement préoccupés du désir de trouver le mal, de dénoncer des abus, de signaler des vices ou des fautes dans l'administration.

C'est ce qui est arrivé à l'honorable M. de Man ; aussi a-t-il eu le désagrément la plupart du temps de voir ses propositions repoussées par la Chambre, aussi a-t-il été battu dans presque toutes les discussions ; pourquoi cela ? C'est par suite de la marche qu'il suit et de l'esprit qui paraît présider à ses observations, indépendamment des inexactitudes dont fourmillent ses rapports.

Messieurs, j'ai cru bien faire en déblayant en quelque sorte la discussion du budget de l'intérieur par ces observations générales et préalables ; j'ai surtout pris la parole en faveur des employés de cette administration ; c'est là le motif principal qui m'a engagé à parler ; j'ai tenu à prouver que le personnel du département de l'intérieur, loin de prendre une extension exagérée, avait subi une notable diminution en même temps que ses occupations s'étendaient d'une manière considérable.

Du reste, la section centrale n'a pas fait de proposition de réduction en ce qui concerne les traitements du personnel. Si, en effet, il y avait une extension si considérable du personnel au département de l'intérieur, le seul moyen d'y mettre un frein serait de proposer des réductions.

C'est là la véritable pierre de touche des observations critiques qui sont faites.

Je ne pense pas que jamais la Chambre ait repoussé les économies dont l'utilité était démontrée. S'il y a des abus au ministère de l'intérieur, s'il a une tendance à tout accaparer, s'il y a des superfluités, réprimez les dépenses exagérées, proposez des réductions. Je ne puis concilier toutes ces critiques si vives avec les conclusions négatives des rapports.

On critique presque tout et on conclut à l'adoption de presque toutes les propositions du gouvernement. On critique chaque année, le budget, et chaque année on vote un budget plus élevé. Je compte pour rien les insignifiantes propositions de réductions de l'honorable membre et je suis convaincu qu'il n'en fera pas adopter la moitié.

Conciliez les conclusions avec les prémisses. Si le département de l'intérieur est une espèce d'omnibus ouvert à tous les abus, comme on dit, réprimez-les ; si le budget est si énormément gonflé, réduisez-le ; vous êtes ici pour cela. Si vous ne le faites pas, on est en droit de dire que vos critiques manquent de fondement, qu'il y a des paroles plus ou moins désobligeants adressées à d'honorables fonctionnaires ; mais qu'en fait, les abus n'existent que dans l'imagination de ceux qui se posent en redresseurs de torts et pourfendeurs d'abus.

Du reste, je suis bien convaincu que M. le ministre de l'intérieur, qui, après être arrivé sans idée préconçue et avec l'intention de présenter un budget modéré, a cependant été dans l'obligation de préseuter un budget plus élevé que ceux de ses prédécesseurs, sera parfaitement à même de défendre les allocations qu'il a proposées. Quant à moi, j'examinerai ces propositions avec la plus grande impartialité. Si nous pouvons introduire des économies dans le budget de l'intérieur, je ne demande pas mieux que de les admettre. J'applaudirai à toute réduction utile qui serait introduite dans ce budget comme dans tout autre.

.Si, au contraire, M. le ministre démontre que les augmentations qu'il a proposées sont indispensables, je voterai les allocations. Je crois en cela remplir un devoir de bon représentant, qui consiste à admettre toutes les économies raisonnables et à voter aussi toutes les dépenses raisonnables, justifiées par le ministre, abstraction faite de son caractère politique.

M. le président. - La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je crois que l'honorable rapporteur a demandé la parole, et que, pour éviter des répétitions, il vaudrait mieux l'entendre d'abord.

M. le président. - La parole est à M. le rapporteur.

M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - La section centrale, en procédant à l'examen du budget des dépenses du département de l'intérieur, a poursuivi un double but :

Elle s'est proposé d'abord d'arrêter cette tendance à la centralisation administrative, tendance évidente pour tous ceux qui examinent de près les actes du gouvernement, et qui se révèle même par les discours prononcés, depuis plusieurs années, par l'honorable député d'Anvers, dans cette enceinte.

Elle s'est proposé de mettre un point d'arrêt à la progression des dépenses, tout en obligeant l'administration de respecter nos lois de finances trop souvent violées.

Les crédits supplémentaires, les conflits entre le département de l'intérieur et la cour des comptes, suffisent pour établir cette violation.

Le travail de la section centrale ne plaît pas à l'honorable député d'Anvers. Dès qu'il est question du département de l'intérieur, l'honorable membre se lève, et traite sans réserve ceux qui se permettent de ne pas partager ses opinions

A l'entendre, ne croirait-on pas qu'il dirige encore les affaires de ce département, qu'il est encore ministre, que le budget que nous discutons a été présenté par lui, que les crédits, que l'on nous demande, doivent être mis à sa disposition ?

Heureusement il n'en est pas ainsi.

Mais son langage m'autorise à croire que le budget présenté a été rédigé plus ou moins sous son inspiration, et qu'il exerce sur l'administration une influence qui perpétue nos griefs, et dont je voudrais la voir débarrassée dans l'intérêt du trésor public et de bien d'autres intérêts encore.

Mon honorable contradicteur a déclaré et répété à satiété que le rapport de la section centrale fourmille d'erreurs.

Pour le prouver il a commencé un discours de discussion générale en nous appelant sur le terrain de l'article 2.

Quand nous en serons arrivés à cet article, il me sera peu difficile d'établir la réalité des faits énoncés dans le rapport, de vous prouver que je ne vous ai pas induits en erreur.

J'attends sans crainte l'honorable M. Rogier sur ce terrain. Cet honorable collègue, après m'avoir adressé des reproches, a bien voulu m'adresser des conseils, dans mon intérêt, bien entendu dans l'intérêt de ma position dans cette Chambre.

Voyons d'abord ce qu'il me reproche ; il m'accuse d'avoir cherché à faire croire à la progression de la dépense par un tableau qui se trouve au commencement du rapport.

Qu'est-ce que nous révèle ce tableau ?

La dépense réelle était d'environ 6 millions en 1846, elle s'est élevée à 7 millions en 1851.

Les comptes ne nous ont pas encore révélé les chiffres de 1852. Le chiffre des dépenses du budget a donc augmenté d'un million en six années, cela est évident.

Le tableau qui est porté à la page 5 du rapport indique que le département de l'intérieur, outre son budget ordinaire, s'est fait adjuger encore 12 millions en huit années.

Les chiffres que ce tableau étale ont fait l'objet des observations critiques de l'ex-ministre de l'intérieur.

Il a commencé par renvoyer 5 millions au cabinet qui l'a précédé au pouvoir, il a bien voulu consentir cependant à en prendre sept pour lui.

Messieurs, voyons pourquoi ces 5 millions ont été demandés ? Ils l'ont été pour faire face à une crise alimentaire combinée avec la crise de l'industrie linière, à une crise telle qu'on ne se rappelle pas d'en avoir vu dans le pays.

Et ces crédits ont été dépensés, sans donner lieu à aucune critique sérieuse.

Le compte en a été discuté dans la commission des finances, par une commission composée en grande majorité des partisans de l'honorable M. Rogier, et le rapport n'a révélé aucune observation qui affectât péniblement la responsabilité des ministres qui ont eu à diriger les affaires du pays dans ces tristes circonstances.

M. Rogier. - Ils sont plus bienveillants que vous.

M. de Man d'Attenrode. - Quand ensuite il s'est agi d'examiner les millions accordés en 1848 et 1849, les rapports de la commission des finances n'ont plus été aussi favorables. Vous n'avez pas oublié, messieurs, les discussions qui sont intervenues dans cette enceinte à propos de l'usage qui a été fait de ces millions.

Ils avaient été demandés pour maintenir l'ordre par le travail ; or les crédits ont reçu en partie une destination que le maintien de l'ordre n'exigeait pas, car l'ordre s'esl rétabli promptement, l'ordre n'était plus menacé en 1849.

Examinons, messieurs, à quoi ces crédits ont servi ? Ils ont eu pour résultats d'accroître les dépenses ordinaires du budget. Ces millions ne devaient faire face qu'à des besoins accidentels, et ils ont servi à créer plusieurs services qui se perpétuent au budget.

L'honorable député d'Anvers vous a ensuite signalé une erreur concernant un crédit de 500,000 fr. alloué pour armer les gardes civiques en 1849.

J'ai d'abord été quelque peu effrayé de cette découverte, car enfin l'on peut se tromper. Or si j'avais fait erreur, je ne ferais pas difficulté d'en convenir, mon but est de rechercher la vérité et d'arriver à un résultat utile.

L'honorable membre prétend que sur le crédit de 500,000 fr. qui lui a été alloué, une somme de 164,000 fr. n'a pas été dépensée. Messieurs, je suis chargé par la section centrale du rapport sur des demandes de (page 461) crédits supplémentaires, parmi lesquelles figure un crédit pour l'armement et l'équipement des gardes civiques.

Or il résulte des pièces qui m'ont été transmises par le département de l'intérieur, que 539,345 fr. ont été dépensés. Un état détaillé des dépenses le constate.

Au reste nous discuterons ces dépenses en temps et lieu, mais il faut que j'ajoute qu'en réduisant à 539,345 fr. la dépense effectuée pour l'armement, l'équipement, etc. des gardes civiques, je suis très modéré. Car le département de l'intérieur n'a pas restitué au département de la guerre les 300,000 fr. qu'il lui doit. (Interruption.) Ah ! vous m'interrompez ! Puisqu'il en est ainsi, j'ai encore quelque chose à ajouter.

Lorsque le crédit de 500,000 fr. fut discuté dans cetle Chambre, l'honorable M. Frère, alors ministre des finances, déclara au début de la discussion, et il fit cette déclaration au nom du gouvernement, il déclara donc au nom du cabinet dont l'honorable M. Rogier faisait partie, que nos règlements financiers exigeaient que le département de l'intérieur remboursât au département de la guerre le prix des fusils qui seraient tirés des arsenaux de la guerre.

L'honorable M. Frère, qui toujours a cherché à maintenir les règlements financiers, l'a déclaré d'une manière formelle, et a motivé assez longuement et avec talent cette opinion ; il s'est cru obligé de le faire, parce qu'un membre de la section centrale avait manifesté une opinion différente assez faiblement combattue par le rapport de la section centrale.

On peut donc dire que le département de l'intérieur, loin de n'avoir point absorbé les 500,000 fr., a dépensé environ 840,000 fr. pour armer, équiper nos gardes civiques. C'est une opinion qu'on peut traduire en chiffres irréfutables.

Enfin l'on s'est encore plaint d'une somme portée en compte au cabinet de 1848 pour l'industrie colounière gantoise. Or il est avéré que si la politique ancienne a ouvert ce crédit, elle n'en a disposé que pour une somme insignifiante, tandis que la nouvelle politique l'a entièrement absorbé dans d'autres conditions, quand la situtation était entièment modifiée.

Je disais en commençant que l'honorable M. Rogier, après m'avoir adressé des reproches, avait bien voulu me donner des conseils.

Il a fait remarquer que, pour conserver l'influence que les études toutes spéciales dont je m'occupe doivent m'assurer, je ne devais pas toujours tendre à la recherche du mal, c'est le mot dont il s'est servi.

Messieurs, vous m'avez chargé souvent de la mission d'examiner les comptes de l'Etat, les crédits supplémentaires, des actes accomplis irrégulièrement. C'est là une besogne pénible, parce qu'il s'agit toujours de faits personnels ; cette besogne, je ne la recherche pas, je l'accepte, quand on me la donne à remplir, je tâche de l'accomplir de mon mieux, le moins mal possible.

Je fais des recherches, j'ai peu de confiance en moi-même, et lorsque l'on me prouve que j'ai tort, je le reconnais sans qu'il m'en coûte le moins du monde.

Ou m'a fait en quelque sorte un grief des recherches que j'ai faites à la cour des comptes. Or, en agissant ainsi, c'est un droit que j'exerce ; je dis plus, je remplis un devoir.

L'honorable M. Rogier fait semblant d'ignorer le but de la création de la cour des comptes. Ce but est de nous éclairer, de rendre notre contrôle possible.

Mais, bon Dieu ! sans le contrôle de la cour, nous resterions dans l'ignorance la plus complète sur cette tendance à abuser des ressources des contribuables.

Sans le contrôle de la cour, le nôtre n'existerait pas, car il est difficile de connaître la vérité dans les départements ministériels. (Interruption.) Oui, messieurs, je puis vous prouver, je puis établir, par un fait récent, qu'on n'est pas toujours de bonne foi au département de l'intérieur.

Je vais vous en donner une preuve. Voici ce qui m'est arrivé : Il était nécessaire que la section centrale s'assurât si le crédit de l'article 2 ; si les 192,100 fr. destinés au service de l'administration centrale étaient suffisants ou insuffisants.

Je m'adressai à cet effet à ce département. Eh bien, on me transmit un état de dépenses d'après lequel le crédit était entièrement absorbé. Je demandai ensuite à la cour des comptes, afin de contrôler la réponse du ministère, l'état d'émargement des employés du département de l'intérieur pour le mois d'octobre, et j'ai appris par sa réponse, que le crédit n'était pas employé en totalité, qu'il y avait un excédant de près de 5,000 fr.

Je témoignai au département de l'intérieur ma surprise de cette découverte, et ce ne fût qu'après y avoir mis autant d'insistance, que j'obtins l'état du personnel, qui est annexé au rapport.

Je viens donc de constater qu'on n'est pas toujours de bonne foi dans les renseignements qu'on nous communique, et si l'on m'y pousse, je dévoilerai encore autre chose, d'autres faits.

M. Rogier. - Celui que vous citez ne regarde pas mon administration et quant aux faits qui concernent mon administration, je supplie l'honorable M. de Man, je le somme d'exécuter ses menaces.

M. de Man d'Attenrode. - Ayez un peu de patience.

L'on est venu vous dire : Le rapporteur de la section centrale ne recherche que ce qui est répréhensible, le mal.

Mais je voudrais bien savoir si nous sommes ici pour faire valoir vos bonnes actions. Quand vous faites le bien, vous ne remplissez que votre devoir. Mais quand vous abusez des pouvoirs qui vous sont conférés, notre devoir nous oblige de le constater, de nous en plaindre, d'en avertir le pays.

Qu'est-ce qu'un gouvernement constitutionnel ? C'est un gouvernement contenu et contrôlé, comme le disait naguère un grand orateur. Or il paraît que vous ne vous souciez guère d'être ni contenu ni contrôlé. Vous aimez beaucoup le gouvernement constitutionnel, mais à une condition : c'est d'avoir une majorité docile et compacte qui vous soutienne et qui passe l'éponge sur tous vos actes !

L'on a constaté ensuite que je me permettais de faire souvent des rapports au nom des sections centrales, dans des tenues assez précis, assez fermes ; j'en ai rédigé en effet quelques-uns depuis peu d'années, je sais qu'ils ne plaisent pas à l'honorable député d'Anvers. Je regrette d'être nu désaccord avec lui sur les principes qu'ils contiennent ; je le regrette, parce que je les crois conformes aux intérêts de mes concitoyens.

L'honorable M. Rogier a ajouté avec complaisance, que chaque fois j'avais été battu. Cela n'est pas tout à fait exact, car je puis lui citer une circonstance, où quoique de la minorité dans cette Chambre, et contrairement aux conclusions de la section centrale, j'ai fait prévaloir un principe dont mon honorable adversaire ne voulait à aucun prix.

C'est à l'occasion de la discussion du crédit de 500,000 francs, demandé en 1851, pour continuer les défrichements.

L'honorable M. Rogier voulait donner à ce crédit le caractère d'un fonds roulant. Je combattis vainement ce système en section centrale, je le combattis en séance publique, et mon opinion a prévalu, malgré les efforts du ministre de l'intérieur, qui avait une préférence marquée pour les fonds roulants, système qui neutralise tous les contrôles.

Aussi, bien que l'on me dise que je dois me décourager de faire des rapports, je persévérerai dans la voie où je me suis engagé, parce que c'est la bonne, parce que le sentiment public finira par me donner raison

Au reste pourquoi me laisserais-je aller au découragement ? Les rapports dont je suis chargé ne prouvent-ils pas que le sentiment de la chambre ne me désavoue pas ? J'ai reçu la mission de faire des rapports sans demander cet honneur, et quand on me la donne, je l'accepte, et je la remplis de mon mieux, parce que c'est mon devoir.

Et pour le remplir je procède à des enquêtes. Or, on me reproche de faire des enquêtes !

Quelle est la mission d'une section centrale ? L'honorable M. Rogier semble l'ignorer. Quand on demande des crédits à la législature, la section centrale a pour mission d'examiner si ces demandes sont fondées ; elle doit donc s'enquérir des motifs qui ont déterminé le gouvernement à demander ces crédits ; et comment pourrait-elle le faire si elle ne procédait pas à une enquête ? Je sais que la Chambre a reculé presque toujours devant l'application de ce principe constitutionnel qui l'autorise à faire des enquêtes parlementaires, et je crois qu'elle a tort.

Mais nous sommes en droit de faire individuellement des enquêtes ; nous sommes, je pourrais le dire, à l'état d'enquête perpétuelle si nous voulons remplir notre devoir.

Quant aux erreurs dont fourmille mon rapport, j'attends l'honorable M. Rogier à la discussion des articles. Il nous a parlé de l'article 2 ; je l'attends sur le terrain de l'article 2. Si l'on me prouve que j'ai commis des erreurs, je le répète, j'en conviendrai humblement et sans peine.

Mais je pense qu'il sera bien difficile de prouver que j'ai inséré des erreurs dans le rapport dont la section centrale a bien voulu me confier la rédaction. J'ai consulté des personnes éclairées, des personnes qui m'inspirent assez de confiance, pour croire que ces erreurs n'existent pas.

Messieurs, je ne veux pas en dire davantage. Je tiens seulement à déclarer en terminant que je désire mettre dans cette discussion toute la modération possible. Nous nous en sommes déjà peut-être un peu écartés, mais je promets de faire de mon mieux pour que cette discussion se passe avec tout le calme désirable. Je ne recherche qu'une chose, je désire le bien et je désire arriver à la vérité dans l'intérêt de mon pays.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - J'accepte avec beaucoup de plaisir la déclaration qui vient d'être faite par l'honorable rapporteur, qu'il entend apporter la plus grande modération possible dans la discussion qui commence aujourd'hui. Le gouvernement, je n'ai pas besoin de le dire, imitera cet exemple, et je crois que, quand nous nous serons expliqués, quand nous aurons rectifié quelques erreurs qui, malgré tout le soin qu'il y a apporté, ont pu échapper à l'honorable rapporteur de la section centrale, la Chambre et le gouvernement seront bientôt d'accord sur le terrain des faits révélés par le budget.

Je commence par répondre à quelques observations qui ont été présentées par plusieurs honorables membres.

Et d'abord l'honorable M. de Renesse a appelé l'attention du gouvernement sur les moyens de propager la découverte faite par M. le docteur Willems sur l'inoculation de la pleuropneumonie épizootique.

Le gouvernement suit, depuis longtemps, avec une attention soutenue, les progrès de cette découverte, et c'est pour obtenir des éléments certains d'appréciation qu'il a prescrit une enquête spéciale destinée à faire de expériences sur une grande échelle, expériences qui doivent être répétées dans toutes les parties du royaume où cette terrible maladie a fait (page 462) invasion. Non seulement le gouvernement veut s'éclairer, dans ses recherches, des travaux de cette commission spéciale ; mais encore il attend de tout les pays voisins où la découverte du docteur Willems a été mise en pratique, des renseignements statistiques qui mettront le gouvernement à même de contrôler les faits et de s'assurer si cette découverte doit produire les heureux résultats qu'on en attend.

Jusqu'ici le travail de cette commission n'a pas abouti à un résultat certain. Au nombre des difficultés qui s'opposent à ce qu'on arrive à un résultat rapide, il faut noter qu'il est difficile de faire ces expériences d'une manière régulière et continue, par la raison que la maladie ne sévit pas toujours avec la même intensité, et qu'il est des localités où la maladie a complètement disparu depuis un an. Les cas sont heureusement beaucoup plus rares et les travaux de la commission ont dû en être ralentis.

Quoi qu'il en soit, la commission subsiste : elle continue ses expériences, et lorsque le gouvernement croira avoir des éléments certains d'appréciation, confirmés par les expériences des pays voisins, il prendra un parti au sujet de la découverte de M. le docteur Willems.

L'honorable M. Lelièvre a appelé l'attention du gouvernement sur deux questions. La première est relative à l'hôtel du gouvernement provincial à Namur. Je puis lui donner une explication sur la situation dans laquelle se trouve le gouvernement quant à cette affaire.

L'hôtel du gouvernement provincial de Namur n'est pas régi par les lois générales en ce qui concerne les dépenses à faire pour l'entretien et le loyer. Aux termes de la loi provinciale, ces dépenses sont à la charge du gouvernement, mais il n'en est pas ainsi pour l'hôtel du gouvernement provincial de Namur. La raison en est que l'ancien département de Sambre-et-Meuse a été mis en possession d'un certain nombre de propriétés dites nationales, au nombre desquelles figurait l'hôtel du gouvernement provincial, et que, parmi les charges attachées à cette concession, se trouvait celle de l’affectation spéciale de l’hôtel aux besoins du gouvernement provincial, alors de la préfecture, et, par une conséquence naturelle de cette affectation spéciale, de l'entretien de l'hôtel. Sur ce dernier objet il s'est établi un débat ; on a demandé que le gouvernement prît à sa charge la totalité ou une partie de ces frais d'entretien ; comme le département des travaux publies a dans ses atltributions les édifices civils, c'est avec ce département que la province de Namur est entrée en relations pour cet objet.

C'est un point qui n'est pas entièrement décidé, mais sur lequel très prochainement la province de Namur pourra recevoir une solution définitive.

L'honorable M. Lelièvre a demandé s'il était possible au gouvernement de donner, dès à présent, des explications sur le résultat des négociations qui ont été ouvertes avec l'épiscopat, en ce qui concerne l'enseignement moyen. Je dois me borner pour le moment à déclarer à la Chambre que ces négociations ne sont pas encore arrivées à une solution définitive ; je pourrai donner à cet égard des explications ultérieures lorsque la discussion sur le chapitre de l’enseignement moyen sera ouverte.

Voilà, messieurs, les points principaux sur lesquels plusieurs honorables membres ont désiré obtenir des.explications. J'arrive maintenant à la partie de la discussion générale où le gouvernement doit rencontrer les observations critiques qui ont été faites sur le budget de l'intérieur, en général, par l'honorable rapporteur de la section centrale. Je pourrai abréger beaucoup mes observations par la raison, d'abord, que l'honorable membre qui a pris la parole tout à l'heure a cru devoir prendre la défense d'une partie des articles qui figurent au budget, et notamment du chapitre relatif au personnel. C'est une tâche que je me proposais de remplir moi-même, mais qu'il a entreprise parce qu'elle est juste et honorable ; je l'en remercie et je reconnais qu'il s'en est acquitté avec l'autorité de langage que donne une longue habitude des affaires. Je n'aurai donc qu'à compléter, par quelques faits particuliers, les explications qu'il a données à la Chambre.

Je dirai d'abord un mot de la comparaison que l'honorable rapporteur de la section centrale a faite entre la situation de 1843 et celle de 1852. Il a déduit de la comparaison des chiffres de dépense du ministère de l'intérieur aux deux époques, la conséquence que ce ministère augmente tous les ans ses dépenses, tantôt par la voie des crédits ordinaires, tantôt par la voie des crédits extraordinaires, tantôt enfin par la voie des crédits supplémentaires. Messieurs, il sera très facile, par l'examen de chacune des parties du budget, de réduire à néant ces critiques qui ne sont pas exactes, qui ne sont pas même justes, et de démontrer à la Chambre, par la comparaison entre les deux époques et par quelques faits particuliers qui se rattachent à l'époque intermédiaire, que la situation actuelle, sous le rapport de la dépense, n'est pas plus grave que celle qui existait en 1843. C'est ce que je puis démontrer à la Chambre, à l'instant même, par un simple fait.

En 1843, dit l'honorable rapporteur, la dépense globale du ministère de l'intérieur était de 4,851,000 francs ; en 1852, nous sommes arrivés au chiffre de 6,510,000 francs ; c'est une différence de 1,659,000 francs. Puis on se demande pourquoi cette énorme progression ? C'est, dit-on, parce que le ministère de l'intérieur a tellement la manie de la centralisation qu'il s'empare de toutes les affaires, et que, si on ne l'arrête pas, il finira par absorber tous les autres services. Eh bien, messieurs, vous allez voir que la différence qui existe entre les chiffres de 1843 et ceux de 1852 s'explique par trois ou quatre grands services nouveaux que vous avez créés et qui ne pouvaient pas manquer d'être créés puisqu'il fallait bien donner à nos lois organiques le développement qu'elles nécessitaient.

Ainsi, messieurs, vous avez organisé depuis 1842 l'enseignement primaire. Vous avez voulu que l'Etat prît sa part des charges qu'il impose aux communes et aux provinces. Il en est résulté pour le budget de l'intérieur une augmentation de dépenses de 715,000 francs.

Vous avez voulu que l'enseignement moyen fût organisé à son tour ; il en est résulté une augmentation de dépenses de 462,000 francs.

Vous avez voulu que la voirie vicinale se ressentît des bienfaits du budget, afin que l'agriculture en profitât ; il en est résulté une. augmentation des dépenses de 250,000 francs.

Enfin, l'agriculture, abstraction faite du crédit pour la voirie vicinale, a été, de votre part, l'objet d'une sollicitude particulière et vous avez affecté aux divers services qui intéressent l'agriculture une somme de 260,000 fr, qui ne figurait pas au budget en 1843, et qui y a été ajoutée depuis, comme toutes celles dont je viens de faire l'énumération.

En résumant ces différents chiffres qui concernent des services particuliers et de premier ordre que le ministère de l'intérieur a proposés, mais qui sont votre œuvre, et dont vous devez vous applaudir tous les jours, en ajoutant ces chiffres au total du budget de 1843, on arrive à une somme supérieure à celle qui figure au budget de 1852. En effet, les dépenses nouvelles votées depuis 1843 s'élèvent à 1,688,908, tandis que la différence entre le budget de 1843 et celui de 1852 n'est que de 1,659,000 fr.

Voilà un fait qui démontre à l'évidence qu'il n'y a réellement pas au ministère de l'intérieur tendance à exagérer la dépense.

Ai-je besoin maintenant d'ajouter que cette espèce de revue rétrospective à l'aide de laquelle on a voulu faire le procès au département de l'intérieur en le représentant comme un gouffre dans lequel viennent s'engloutir successivement toutes les ressources de l'Etat ; ai-je besoin d'ajouter que cette revue rétrospective disparaît elle-même au moindre souffle ? Déjà l'honorable M. Rogier a dit tout à l'heure le cas qu'il fallait faire des chiffres qui se rattachaient au tableau rétrospectif ; eh bien, est-ce un grief à faire au ministère de l'intérieur d'avoir été le dispensateur des largesses que la Chambre a votées pendant huit ou dix ans, tantôt pour venir au secours des populations malheureuses que la crise alimentaire avait décimées, tantôt pour apporter un soulagement aux Flandres sur lesquelles sévissait une crise épouvantable, tantôt pour améliorer la voirie vicinale ? Et cependant on en fait aujourd'hui un crime au département de l'intérieur, en plaçant, à côté des chiffres qu'il demande, cette énorme nomenclature de lois de crédits extraordinaires qui ont été votées ; comme si toutes ces lois concernant les subsistances, l'agriculture, l'hygiène, n'avaient pas été des lois d'intérêt général !

Le ministère de l'intérieur n'a été en quelque sorte que l'intermédiaire chargé de distribuer les bienfaits de la législature entre toutes les parties des services que vous avez voulu créer ou améliorer.

On a articulé un troisième grief, et j'avoue que j'ai été extrêmement sensible à celui-là, parce qu'il incrimine des hommes qui., ous mes yeux, se livrent à un travail assidu et quelquefois des plus ingrats.

Je suis autorisé à tenir ce langage ; l'ancien ministre de l'intérieur vous a révélé tout à l'heure un fait essentiel pour le département que j'ai l'honneur de diriger. C'est que le personnel de ce département ne reçoit qu'une faible rémunération de son travail, si on la compare à celle que reçoivent les employés dans les autres ministères ; j'ajouterai sur ce point qu'en faisant la moyenne des traitements qui sont attribués à chacun des départements ministériels, on trouve que c'est celui de l'intérieur qui vient en dernière ligne ;la moyenne n'en est que de 2,000 francs, tandis qu'elle est ailleurs de 2,800, de 2,600 ou de 2,500.

Or, je ne sache pas que le personnel du département de l'intérieur, en aucun temps, ni sous l'administration de l'honorable M. de Theux, ni sous celle de l'honorable M. Rogier, ait démérité de l'estime de la Chambre et du pays. Il y a là, comme ailleurs, d'honorables et intelligents fonctionnaires qui rendent à l'administration tous les services que l'Etat est en droit d'attendre d'employés zélés et dévoués ; je puis ajouter, avec la conviction de remplir un devoir de conscience, que le personnel dont on parle est toujours prêt, même en dehors des heures de bureau, à se rendre à l'appel qui lui est fait, et à fournir à l'adminislralion tous les éléments de travail qui lui sont nécessaires.

Voilà ce que j'avais à dire pour repousser les reproches hasardés et nullement mérités qui ont été articulés contre ces employés, reproches qui les avaient impressionnés douloureusement et qui, demeurés sans réfutation, auraient pu nuire dans l'opinion publique à l'honorabilité et à l'aptitude de ces fonctionnaires.

Non seulement ce personnel n'a pas une position égale à celle des employés des autres départements, mais il est un fait essentiel que je dois révéler, afin qu'une bonne fois ce personnel cesse d'être l'objet de semblables attaques.

Savez-vous dans quelle situation se trouve le personnel du ministère de l'intérieur ? Il a été organisé, quant aux cadres, par un homme à qui personne de nous ne supposera sans doute un esprit de prodigalité et qui a de profondes connaissances administratives, par l'honorable comte de Theux. Eh bien, c'est encore le règlement organique fait par l'honorable comte de Theux à la fin de 1846 qui est aujourd'hui la mesure des cadres du personnel du ministère de l'intérieur tant pour le nombre des employés que pour le chiffre des traitements. Or, quant au nombre d'employés, voici ce qui existe. Lorsque l'honorable (page 463) M. de Theux créa les cadres du personnel, le travail était moins considérable qu'aujourd'hui, tout le monde en conviendra, et cela s'explique naturellement.

Depuis l'administration de M. de Theux, d'autres services généraux considérables ont été créés et sont venus aboutir pour la plupart au ministère de l'intérieur. Malgré tout cela, les cadres n'ont pas été augmentés. Je dirai plus, c'est que le chiffre du personnel n'est pas atteint quant au maximum.

D'après le règlement organique, un traitement maximum et nu traitement minimum ont été attachés à chaque grade. Ce maximum et ce minimum ont été réglés dans les proportions les plus modestes ; l'honorable M. de Theux le sait ; il me fait un signe affirmatif, et je l'en remercie. Eh bien, savez-vous ce qui arrive ? C'est qu'un grand nombre d'employés n'ont pas même le traitement minimum. Maintenant que doit faire le ministre afin de pouvoir marcher avec ce chiffre de 192,000 francs à l'occasion duquel on a essayé tout à l'heure de faire une révélation compromettante, révélation qui va être combattue à l'instant même d'une manière victorieuse ? Cette somme de 192,000 fr. sur laquelle on a eu la faiblesse de consentir en 1847 une réduction de 10,000 fr., loin de permettre à l'administration d'allouer le traitement maximum aux employés, la met dans l'impossibilité d'allouer à un grand nombre d'entre eux le minimum.

I.e ministre est condamné à se conduire envers ses employés avec la plus sévère parcimonie. Non seulement il n'augmente pas le personnel pour atteindre la limite extrême des cadres ; mais il a adopté pour système d'utiliser les traitements devenus vacants par extinction, par décès ou par abandon d'emploi, non pas à donner des gratifications à d'autres employés, mais à allouer d'abord le minimum du traitement à ceux qui ne l'ont pas encore. Je sais qu'on n'obtiendra pas facilement des augmentations de crédit de la Chambre, et c'est précisément parce que j'ai cette conviction que je n'ai pas trouvé d'autre moyen de faire justice que d'utiliser de cette manière les traitements devenus disponibles.

Et voilà ce qu'on appelle les exagérations ; voilà ce qu'on appelle l'extension démesurée du personnel et une tendance indéfinie à accroître les dépenses.

Et c'est en présence d'une situation aussi restreinte, quant au chiffre du personnel et à celui des traitements, qu'on inflige à d'honorables fonctionnaires et employés l'humiliante épithète de bureaucratie !

Croit-on, par des procédés aussi peu équitables, encourager le travail, soutenir le courage des hommes que l'Etat emploie et qu'il indemnise à peine de leurs travaux ? Croit-on ainsi inspirer aux fonctionnaires le dévouement qui n'importe pas moins à l'expédition intelligente des affaires que la tâche ordinaire de la journée ? Ce serait, messieurs, une grande erreur, et j'espère que cette discussion sera la dernière qui offrira l'affligeant spectacle d'une investigation qui ne se borne pas aux choses, mais qui oblige le gouvernement à défendre les serviteurs de l'Etat contre des tendances excessives et des irrégularités dans le travail qui n'existent que dans l'imagination.

Maintenant, j'en viens à la révélation faite par l'honorable rapporteur. Je ne l'en blâme pas ; je l'en remercie, au contraire. Je lui sais gré d'appeler l'attention sur toutes les mesures de l'administration ; l'intérêt de la chambre, comme celui du gouvernement, est d'y voir clair. et il n'y a rien de caché au ministère de l'intérieur. Eh bien, vous allez voir qu'avec la meilleure foi du monde, avec tout le zèle possible on arrive quelquefois à se faire illusion.

Ou a demandé des renseignements sur la manière dont le chiffre de 192,000 fr. est réparti. Comme on s'est plaint de ne pouvoir pas donner aux employés ce que le règlement veut qu'on leur donne, M. le rapporteur a répondu : Vous avez plus d'argent qu'il ne vous en faut ! Non seulement le crédit n'est pas épuisé, mais il présente un excédant et par conséquent si une modification devait être apportée au chiffre global, ce serait plutôt pour le réduire que pour l'augmenter. Car vous avez un reliquat non employé de 5,000 fr. environ.

Savez-vous ce que c'est que ces 5 mille francs d'excédant qu'on trouve ? Ce sont les traitements de quelques employés, dont deux sont décèdes. Un troisième a été placé ailleurs ; non parce qu'il existe trop d'employés, mais parce qu'en demandant un travail plus considérable à ceux qui restent, on leur offre une rémunération plus forte.

Cinq mille francs étaient donc disponibles. J'en ai fait la répartition entre les moins rétribués des employés de mon département ; à ceux qui n'avaient pas le minimum fixé par le règlement ; il en reste plusieurs qui ne l'ont pas encore.

Vous voyez que cette manière de trouver de l'argent est dans l'esprit de la Chambre, est conforme à la pensée, souvent exprimée, qu'il faut faire des économies. En soi-même, l'économie obtenue par la réduction du nombre des fonctionnaires profite au personnel restant qui fournit un travail plus abondant.

Voilà pour le personnel ; la Chambre voudra bien admettre qu'il est suffisamment vengé des critiques dont il a été l'objet ; j'espère qu'on n'y reviendra plus, car au défaut d'être injustes, elles ajouteraient celui de n'avancer en rien les affaires du pays.

On a dit aussi qu'il y avait au ministère une tendance à créer un personnel d'ingénieurs. Ce personnel consiste dans quelques employés attachés à certains services créés par la Chambre : le service de la voirie vicinale, celui du drainage et celui de l'agriculture et des irrigations. Il a bien fallu nommer ces employés ; car ces services ne marchent pas sans direction ; il est certain que ce n'est pas dans les bureaux du ministère qu'on pouvait trouver les ingénieurs chargés de donner la vie à ces services.

On a prétendu que ces ingénieurs étaient la pierre d'attente d'un corps des ponts et chaussées qu'on voulait créer au ministère de l'intérieur. Voulez-vous savoir quel est ce corps d'ingénieurs institué pour les différents services : de la voirie vicinale, du drainage, de l'agriculture et des défrichements ? Pour le drainage il y a un ingénieur, un sous-ingénieur et un employé ; pour l'agriculture, les défrichements et tout ce qui tient à l'irrigation, il y a un ingénieur, deux sous-ingénieurs et un conducteur.

Au-dessus de ce personnel restreint qui n'a qu'un traitement modique, car le sous-ingénieur, y compris ses frais de déplacement, n'a que deux mille francs, il y a un inspecteur général chargé d'inspecter la voirie vicinale, les écoles d'agriculture et tout ce qui concerne l'agriculture, les défrichements et les irrigations.

Voilà quel est ce personnel nombreux dont on a parlé et qui serait une pierre d'attente pour augmenter indéfiniment les proportions du personnel du département !

Un autre grief, c'est la disposition qui a toujours existé au département, de confondre les dépenses ; de rétribuer ies employés tantôt sur le matériel et tantôt sur le personnel. Cela a existé longtemps, par des raisons d'habitude et de nécessité que la chambre n'a pas ignorées. Ainsi, sous l'administration de M. le comte de Theux, l'allocation pour le personnel n'était que de 136 mille francs ; pour combler le déficit on était obligé de prendre à droite et à gauche et on arrivait en réalité au chiffre de 202,000 francs.

L'honorable M. de Theux a trouvé que c'était irrégulier. Si 200,000 francs sont nécessaires pour le personnel, a-t-il dit, imputons-les sur le chapitre qui le concerne, et n'allons pas demander pour le payer des fonds au matériel pour compléter le crédit du personnel. La Chambre a compris ce raisonnement et elle a fait justice. Il y a quelques autres dépenses qui ont dû continuer à être imputées sur le crédit du matériel ; notamment pour la statistique. J'ai pensé qu'il fallait faire cesser cette irrégularité.

Pour faire disparaître la confusion du matériel et du personnel, j'ai proposé un transfert de 2,700 fr. destinés à payer les frais de rédaction de la statistique générale, article 9 du budget.

La section centrale admet le principe ; mais en fait, elle a transféré la dépense, mais non la somme destinée à y faire face ; de sorte que voilà trois employés nouveaux à payer sur le crédit du personnel qui n'est pas augmenté, et qui ne seront plus payés sur le matériel. La Chambre ne peut pas sanctionner une pareille confusion.

Il est un autre grief dont je dois dire un mot, car il est de nature à faire de l'impression au dehors ; je veux parler de la caisse occulte, de la caisse mystérieuse qui, l'année dernière, promettait des révélations curieuses. Celle année le tableau est moins sombre. « Il existe au département de l'intérieur, dit le rapport, une caisse illégale destinée à payer à certaines personnes privilégiées des créances qui devraient être soumises au visa préalable de la cour des comptes. »

Cetlc terrible caisse a déjà, vous le savez, défrayé en partie la discussion du budget de 1853. Vous en avez fait justice, en ce sens qu'elle ne vous a pas beaucoup effrayés. L'abus signalé consiste en ce que les payements faits par cette caisse seraient soustraits au visa préalable de la cour des comptes. Mais la loi de comptabilité a admis qu'il y avait certains payements pour lesquels ce visa préalable est impossible. Ce n'est donc pas illégal. Est-ce dangereux ? Oui, dit l'honorable rapporteur, parce que le visa n'étant pas préalable, plus tard quand la dépense est faite il faut bien que la cour des comples l'approuve. Ceci n'est pas exact ; le droit de contrôle de la cour des comptes reste entier sur les pièces soumises à son examen, c'est-à-dire que quand la dépense est faite, la cour des comptes est libre de ne pas l'approuver si elle constate quelque irrégularité.

Voilà comment les choses se passent.

Veut-on savoir dans quelles proportions opère la caisse : ses opérations ont porté en 1850 sur une somme de 110,000 fr., en 1851 sur 157,000 fr., en 1852 sur 97,000 fr. La différence provient de certaines circonstances extraordinaires. Ainsi pour l'exposition de Londres, il y a eu des dépenses assez considérables que vous avez successivement votées ; il a fallu mettre les fonds nécessaires à la disposition des personnes qui étaient en relations avec le gouvernement à Londres, et en qui le gouvernement avait une entière confiance. C'est ce qui a eu lieu, car cela ne pouvait se faire au moyen de mandats.

Comment cela se fait-il ? Par le moyen d'un agent comptable qui, avec un mandat délivré par le ministre, obtient les fonds nécessaires.

Ainsi encore le service des haras exige chaque année l'emploi d'une somme considérable qui doit être remise au fonctionnaire qui se rend à Londres. Cette somme ne peut être remise en un mandat, elle doit être remise en espèces. Cela se fait encore au moyen de l'agent comptable.

Au surplus, qu'on ne s'effraye pas, la somme qui est entre les mains de cet agent, qui mérite la plus entière confiance, est tellement minime qu'elle ne dépasse jamais 5 à 6 mille fr. L'argent sort de la caisse à mesure qu'il y entre. Il ne peut jamais y avoir grand danger à laisser une somme aussi minime entre les mains d'un fonctionnaire.

(page 464) On a dit que des dépenses se font sans crédit préalable. Il en a été ainsi une seule fois, il y a quelques années, et vous l'avez approuvé. Vous aviez voté 150,000 fr. pour achat de pommes de terre destinées à la plantation dans le Luxembourg. Lorsqu'on en vint à l'application de ce crédit, on s'aperçut qu'une partie de la province de Nauiur se trouvant dans le même cas, réclamait la même mesure. Une somme de 10,000 fr. y fut affectée sans crédit préalable, vu l'urgence et avec le concours de la cour des comptes, et plus tard cette mesure, ayant reçu l'approbation de la législature, fut régularisée. Voilà ce qui est arrivé, et l'on n'est pas fondé à conclure de là qu'au département de l'intérieur il se fait des dépenses sans crédit préalable.

On a dit que la caisse occulte servait à payer certaines personnes privilégiées. Savez-vous qui sont ces privilégiés ? Ce sont de malheureux fournisseurs qui sont tellement dans le besoin qu'il leur est impossible d'attendre la liquidation de leurs créances.

Vu l'heure avancée, je remettrai à demain les observations que j'ai encore à faire.

M. le président. - La discussion est continuée à demain.

Deux amendements ont été déposés. Ils seront imprimés et distribués.

- La séance est levée à 5 heures.