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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 17 mars 1854

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1075) M. Dumon procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Vermeire lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

- La séance est ouverte.

Pièces adressées à la chambre

M. Dumon présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.

« Le sieur Herman-Jacques Forsthoff demeurant à Bruxelles, né à Kaldenkirchen (Prusse), demande la naturalisation ordinaire, avec exemption du droit d'enregistrement. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Les sieurs Jonnart, pharmaciens à Pommerœul, demandent que les statuts de l'Académie de médecine assurent à la pharmacie une représentation plus convenable dans cette assemblée et que l'exercice de la médecine soit déclaré incompatible avec l'exercice de la pharmacie. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Seutin, pharmacien à Merbes-le-Château, demande que l'exercice de la médecine et celui de la pharmacie ne puissent être cumulés que dans les localités où le médecin et le pharmacien ne pourraient vivre honorablement sans ce cumul, et que les statuts de l'Académie assurent à la pharmacie une représentation plus convenable dans cette assemblée. »

- Même renvoi.


« Les sieurs Leurquin, Criquelion et autres membres du cercle pharmaceutique du Hainaut et des pharmaciens à Mons demandent que les statuts de l'Académie de médecine contiennent une disposition qui assure aux pharmaciens une représentation plus équitable dans cette assemblée. »

« Même demande des sieurs Criquelion et Provoieur. »

- Même renvoi.


« Quelques habitants des sections de Fraiture et de Régnez, commune de Bihain, demandent que ces deux sections forment une commune séparée dont Fraiture serait le chef-lieu. »

- Même renvoi.


« Le sieur Van Beveren, ancien notaire, demande un emploi ou une indemnité. »

- Même renvoi.


« Le sieur Van Moorsel-Devis, exploitant et marchand de chaux à Molenbeek-St.-Jean, présentant des observations sur une disposition du projet de loi relatif à la réunion des faubourgs à la capitale, demande que les marchands de chaux ne soient plus obligés à se servir de mesureurs jurés. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi relatif à la réunion des faubourgs à la capitale.


« Le sieur Brasseur, fabricant de produits chimiques à Gand, demande que le bleu d'outremer pur et mélangé soit frappé d'un droit d'entrée de 1 fr. 50 c. le kil., et que le bleu de cobalt ou smalt soit libre à l'entrée. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi concernant le tarif des douanes.


« Les sieurs Houtcapel-Stevens et Benoît Lafleur demandent que le trass moulu soit frappé, à l'entrée, de 60 centimes par 100 kil. de plus que le trass brut. »

- Même renvoi.

« Plusieurs habitants de la commune de Schaerbeek présentent des observations contre le projet de loi relatif à la réunion des faubourgs à la capitale, »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi.


« Le sieur Moreau, distillateur à Ellezelles, prie la Chambre de maintenir, dans le projet de loi sur les distilleries, le droit de 1 fr. 50 c. par hectolitre de macération, et de porter à 30 p. c. la réduction pour les distilleries agricoles. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet.


« Des habitants d'Anvers déclarent adhérer à la pétition du comité central flamand du 25 décembre 1853. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur l’enseignement agricole et à la commission des pétitions.


« L'administration communale de Westvleteren présente des observations sur le projet de loi relatif à la réorganisation des administrations de bienfaisance. »

« Mêmes observations de l'administration communale de Crombeke.»

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Le sieur Muraille, éditeur de musique à Liège, prie la Chambre de ne point donner son assentiment à la convention littéraire conclue avec la France. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la convention.


« Par dépêche du 15 mars, M. le ministre de la justice transmet à la Chambre, avec les pièces de l'instruction, une demande de naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.

Il est procédé au tirage des sections du mois de mars.

Motion d’ordre

Exécution du règlement de la chambre

M. Dumortier (pour une motion d’ordre). - Messieurs, on vient de procéder au tirage au sort des sections. Ce tirage au sort pour les sections du mois de mars, se fait, vous le voyez, le 17 mars. Je me rappelle que, dans une autre circonstance, j'ai entretenu la Chambre de l'anomalie que présente le système que l'on suit aujourd'hui.

Dans l'origine de la Chambre, le tirage des sections correspondait avec chaque mois. Cela était très commode pour les députés. Car, en examinant, sur le titre des documents, le jour où ils avaient été présentés, chacun savait immédiatement à quelle section il appartenait pour leur examen.

Le règlement ne dispose rien à cet égard. Il dit simplement : « Le renouvellement des sections a lieu chaque mois par la voie du sort. » Nous sommes, je le sais, à une époque de la session où il est inutile de changer de système.

Mais je demande qu'à la session prochaine on veuille reprendre l'ancien système, de sorte que le premier tirage après l'ouverture de la session, se ferait pour le restant du mois, et que le 1er de chaque mois suivant on procéderait au tirage au sort des sections pour le courant du mois.

Je ne crois pas que ma proposition doive faire l'objet d'une modification au règlement ; mais si elle était admise, on pourrait l'acter au procès-verbal ; et à la session prochaine, on suivrait la marche que j'indique.

Si je fais aujourd'hui cette observation, c'est que lorsque l'on procède au premier tirage des sections, à l'ouverture de la session, la Chambre n'est pas encore constituée, et il est impossible alors de faire une proposition à cet égard. J'ai donc cru pouvoir saisir le moment actuel.

M. le président. - J'ai continué ce qui se pratique depuis un grand nombre d'années.

Comme la proposition n'est faite que pour la session prochaine, M. Dumortier pourra la renouveler à l'ouverture de cette session.

M. Dumortier. - M. le président, je ne demande pas mieux ; mais j'avais l'honneur de faire remarquer, à l'instant, que, lorsqu'on procède au tirage au sort des sections, au commencement de la session, on est souvent préoccupé d'autre chose, et une fois les sections tirées, on ne peut guère proposer de restreindre les travaux qu'on vient de leur décerner.

Que ma proposition soit faite aujourd'hui ou un autre jour, peu importe. Mais j'entends tous mes collègues dire que le système que j'indique vaut mieux. Je crois donc que M. le président pourrait mettre aux voix ma proposition.

Je sais, d'ailleurs, que M. le président n'a fait que continuer ce qui se pratiquait depuis plusieurs années.

M. le président. - Si personne ne fait d'opposition, la motion d'ordre de M. Dumortier est adoptée ; on s'y conformera à partir de la session prochaine.

Proposition de loi

Dépôt

M. le président. - Une proposition déposée sur le bureau est renvoyée aux sections pour examiner s'il y a lieu d'en autoriser la lecture.

Motion d’ordre

Recherche des promoteurs du pétitionnement en faveur de l'emploi de la langue flamande

M. Coomans (pour une motion d’ordre). - En conformité de l'engagement que j'ai pris dans la dernière séance, je viens prier le gouvernement de nous exposer les motifs qui lui ont fait écrire une circulaire relative aux instituteurs flamands. L'émotion très légilime, selon nous, que cette étrange mesure a produite dans plusieurs de nos provinces rend nécessaires les explications que je demande à l'honorable ministre de l'intérieur.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je suis aux ordres de la Chambre pour donner toutes les explications qu'on puisse désirer, mai je crois devoir faire observer que l'honorable auteur de l'interpellation (page 1076) témoigné le désir d'être présent, et que, sous l'impression de cette demande, on semblait avoir ajourné les explications à lundi prochain.

M. Coomans. - Je ne m'oppose pas au renvoi à lundi.

M. le président. - On distribuera ce soir le plan demandé par, M. Malou, relativement au projet de réunion des faubourgs à la ville de Bruxelles. Je proposerai à la Chambre de décider que les sections seront convoqués mardi pour s'occuper de ce projet.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi portant le budget de la dette publique de l’exercice 1855

Discussion générale

M. Van Grootven. - J'ai demandé la parole, dans la discussion générale du budget de la dette publique, pour appeler votre sérieuse attention sur le chapitre des pensions militaires et notamment sur l'augmentation si considérable réclamée pour l'exercice prochain.

Il me sera facile de vous prouver, messieurs, que non seulement ce chapitre des dépenses publiques augmente tous les ans d’une manière effrayante pour le trésor, mais aussi que l'ou ne tient aucun compte, au département de la guerre, des observations critiques auxquelles ces augmentations de crédit n'ont cessé de donner lieu depuis plusieurs années dans cette enceinte.

Je ne reviendrai pas sur les abus qui ont déjà été si souvent signalés contre l'application injuste et immodérée que l'on a faite et que l'on ne cesse de faire de certaines dispositions de la loi de 1838. Les sections et la section centrale n'ont cessé de réclamer avec instance la révision de la loi de 1838, afin d'obtenir une diminution dans le chapitre des pensions militaires. Jusqu'à ce jour, on y a répondu obstinément par un accroissement annuel.

Je vais avoir l’honneur, messieurs, de vous citer quelques chiffres qui en diront plus que de longs discours, et vous prouveront à l'évidence que ce que j'avance est de la dernière exactitude. Je vous prie de croire que c'est bien à regret que je me vois forcé de signaler au pays des faits aussi regrettables.

Voici un relevé exact de ce que les pensions militaires coûtent au trésor et des augmentations que ce chapitre de nos dépenses a subies depuis 1847 seulement. Vous verrez que l'accroissement contre lequel nous n'avons cessé de nous récrier va toujours croissant.

Dans le budget de la dette publique, où figurent les pensions militaires, le chiffre réclamé pour 1847 était déjà beaucoup trop élevé d'après moi ; il s'élevait à la somme énorme de 2,133,000 fr., non compris une somme de 30,000 fr. pour pensions qui figurent au budget de la guerre et dont je dirai un mot plus tard.

En 1849, un des prédécesseurs de M. le ministre de la guerre actuel a jugée convenable de majorer encore de 219,000 fr. le chiffre déjà si exorbitant, et le pays a supporté de ce chef une charge de 2,350,000 francs.

Inutile de vous dire messieurs, qu'alors comme aujourd'hui, un grand nombre d'anciens et honorables officiers ont été mis à la retraite, contrairement à leurs désirs, et quand ils étaient encore parfaitement en état de rendre d'utiles et d'honorables services à leur patrie.

Je me suis fortement récrié, à cette époque, contre la loi de 1838 et contre l'abus inqualifiable qu'on en faisait. Plusieurs de mes honorables collègues, et notamment l'honorable M. d'Elhoungne, m'ont vivement soutenu dans cette discussion ; mais pour toute satisfaction à nos justes réclamations, il est douloureux de devoir en convenir, nous n'avons obtenu qu'un accroissement de crédit, qui augmente sans cesse.

De 2,350,000 fr. réclamés pour 1849, on a élevé le chiffre des pensions militaires pour l'exercice 1851 à la somme de 2,445,000 fr. En 1853 le trésor public, dont M. le ministre de la guerre devrait mieux connaître que moi la situation précaire, a payé pour cette partie de son département la somme de 2,487,000 fr.

J'arrive à l'exercice 1885, pour lequel M. le ministre réclame pour pensions militaires la somme énorme de 2,780,000 francs. Ce chiffre est supérieur de 293,000 fr. à celui voté par la Chambre pour 1853 ; si j'ajoute à cette somme de 2,780,000 fr. un autre crédit qui se trouve libellé dans le budget de la guerre de 1855, et qui s'élève à 67,185 fr. 18 c, je trouve que le trésor public aura à pourvoir au payement pour pensions ressortissant au département de la guerre pendant l'exercice 1855, de la somme énorme de 2,847,185 fr. 18 c, c'est-à-dire 714,185 francs de plus qu'en 1847, sans compter les extinctions des sept années.

Je ne crois pas, messieurs, devoir m'étendre davantage sur le fait important que je signale à votre sérieuse attention. La majoration des crédits que je vous ai signalée en dit suffisamment ; cette majoration vous prouve à l'évidence que M. le ministre de la guerre suit obstinément les errements de ses devanciers et qu'il ne tient aucun compte de nos observations, de nos critiques. En présence d'un pareil état de choses, je voterai contre le chapitre des pensions militaires et je m'abstiendrai sur l'ensemble du budget de la dette publique.

M. Thiéfry. - Je voulais également présenter des observations sur les pensions militaires, et pour ne pas prendre M. le ministre de la guerre au dépourvu, j'avais prié M. le ministre des travaux publics de le prévenir.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Il va venir.

M. Thiéfry. - J'attendrai alors qu'il soit ici, pour présenter mes observations. Je les développerai à l'occasion de l'article auquel elles se rapportent.

- La discussion générale est close et la Chambre passe à l'examen des articles.

Discussion des articles

Chapitre I. Service de la dette

Articles 1 à 18

« Art. 1er. Arrérages de l'inscription au grand-livre des rentes créées sans expression de capital, portée au nom de la ville de Bruxelles, en vertu de la loi du 4 décembre 1842, fr. 300,000. »

- Adopté.


« Art. 2. Arrérages de l'inscription portée au même grand-livre, au profit du gouvernement des Pays-Bas, en exécution du paragraphe premier de l'article 63 du traité du 5 novembre 1842 : fr. 846,560. »

- Adopté.


« Art. 3. Intérêts des capitaux inscrits au grand-livre de la dette publique, à 2 1/2 p. c, en exécution des paragraphes 2 à 6 inclus de l'article 63 du même traité : fr. 5,502,640 78. »

- Adopté.


« Art. 4. Frais relatifs à cette dette : fr. 2,000. »

- Adopté.


« Art. 5. Intérêts de l'emprunt de 30,000,000 de fr., à 4 p. c, autorisé par la loi du 18 juin 1836 : fr. 1,200,000.

« Dotation de l'amortissement de cet emprunt : fr. 300,000.

« Ensemble : fr. 1,500,000. »

- Adopté.


« Art. 6. Frais relatifs au même emprunt : fr. 2,000. »

- Adopté.


« Art. 7. Intérêts de l'emprunt de 50,850,800 francs, à 3 p. c, autorisé par la loi du 23 mai 1838, et du capital de 7,624,000 francs, à 3 p. c, émis en vertu des lois du 1er mai 1842 et du 24 décembre 1846 (semestres au 1er février et au 1er août 1855) : fr. 1,754,244.

« Dotation de l'amortissement de ces deux dettes (mêmes semestres) : fr. 584,748.

« Ensemble : fr. 2,338,992. »

- Adopté.


« Art. 8. Frais relatifs aux mêmes dettes : fr. 33,000. »

- Adopté.


« Art. 9. Intérêts, à 4 1/2 p. c, sur un capital de 95,442,832 fr., montant des obligations dont l'émission a été autorisée par la loi du 21 mars 1844 (semestres au 1er mai et au 1er novembre 1855) : fr. 4,294,927 44.

« Dotation de l'amortissement de cette dette (mêmes semestres) : fr. 954,428 32.

« Ensemble : fr. 5,249,355. «

- Adopté.


(page 1077) « Art. 10. Frais relatifs à la même dette : fr. 15,000. »

- Adopté.


« Art. 11. Intérêts de l'emprunt de 84,656,000 fr. à 4 1/2 p. c., autorisé par la loi du 22 mars 1844 (semestres au 1er mai et au 1er novembre 1855) : fr. 3,809,520.

« Dotation de l'amortissement de cet emprunt, à 1/2 p. c. du capital (mêmes semestres) : fr. 423,280.

« Ensemble : fr. 4,232,800. »

- Adopté.


« Art. 12. Frais relatifs audit emprunt : fr. 13,000. »


« Art. 13. Intérêts de l'emprunt de 26,000,000 de fr. à 5 p. c, autorisé par la loi du 20 décembre 1851 {Moniteur n° 356 (semestres au ler mai et au 1er novembre 1854) : fr. 1,300,000.

« Dotation de l'amortissement de cet emprunt, à 1 p. c. du capital : fr. 260,000.

« Ensemble : fr. 1,560,000. »

- Adopté.


« Art. 14. Frais relatifs au même emprunt : fr. 4,500. »


« Art. 15. Intérêts à 4 1/2 p. c, sur 157,615,300 fr., montant approximatif du capital des emprunts émis en vertu des lois du 1er décembre 1852 et du 14 juin 1853 (semestres au 1er mai et au 1er novembre 1855) : fr. 7,092,688 50.

« Dotation de l'amortissement de cette dette, à 1/2 p. c. du capital (mêmes semestres) : fr. 788,076 50.

« Ensemble : fr. 7,880,765. »

- Adopté.


« Art. 16. Frais relatifs à la même dette : fr. 28,000. »

- Adopté.


« Art. 17. Minimun d'intérêt garanti par l'Etat, en vertu de la loi du 20 décembre 1851 et de lois subséquentes. (Ce crédit n'est point limitatif ; les intérêts qu'il est destiné à servir pourront s'élever, s'il y a lieu, jusqu'à concurrence des engagements résultant de ces lois) : fr. 600,000. »

- Adopté.


« Art. 18. Frais de surveillance à exercer sur les compagnies au point de vue de cette garantie, en exécution des conventions : fr. 4,500. »


« Art. 19. Intérêts et frais présumés de la dette flottante : fr. 1,050,000. »

M. le président. - A cet article se rattache l'amendement qui a été adopté par la section centrale, de commun accord avec le gouvernement ; l'amendement consiste à réduire de 600,000 fr. le chiffre proposé à l'article 19 ; le chiffre ne serait donc plus que de 450,000 fr. ; mais on inscrirait en regard de l'article l'observation suivante :

« Ce crédit pourra être augmenté jusqu'à concurrence de 1,050,000 francs, dans le cas où la négociation autorisée par l'article 3 de la loi du 14 juin 1853 ne serait pas faite avant le 1er janvier 1853, ou n'aurait lieu que dans le cours de cet exercice. »

- L'article 19, ainsi amendé, est mis aux voix et adopté.


« Art. 20. Rentes viagères (charge extraordinaire) : fr. 3,921 45. »

- Adopté.


« Art. 21. Intérêts à payer aux anciens concessionnaires de la Sambre canalisée, sur une somme de 10,317 fr. 34 c. : fr. 515 87. »

- Adopté.


« Art. 22. Redevance annuelle à payer au gouvernement des Pays-Bas, en vertu des articles 20 et 23 du traité du 5 novembre 1842, pour l'entretien du canal de Terneuzen et de ses dépendances : fr. 105,820 10. »

- Adopté.


« Art. 23. Rachat des droits de fanal mentionnés au paragraphe 2 de l'article 18 du traité du 5 novembre 1842 : fr. 21,164 02. »

Chapitre II. Rémunérations

Discussion générale

M. Thiéfry. - On demande pour pensions militaires 159,000 fr. de plus que pour 1854, le budget de cette année comprenait déjà une augmentation de 134,000 sur l'exercice 1853, bien qu'en 1853 40,000 fr. ont été votés extraordinairement pour les officiers d'origine étrangère. Cette remarque m'a engagé à faire le relevé de ce qui a été porté dans les budgets depuis 10 ans. La somme qui figure à celui de 1845 s'élève à 1,940,000 et pour 1855 il s'agit de 2,780,000. Chaque année cette dépense s'accroît considérablement et si on n'y apporte aucun remède il est difficile de dire quand cela s'arrêtera.

Le nombre d'hommes pensionnés suit une marche inverse, il diminue peu, il est vrai, mais enfin il diminue tous les ans. Il résulte évidemment de ces rapprochements que le nombre des sous-officiers et soldats pensionnés décroît tandis que celui des officiers augmente.

Plusieurs membres de cette chambre se trompant sur les véritables causes de cet état de choses, ont à différentes reprises et notamment en 1849, reclamé la révision de la loi sur les pensions militaires et cela dans le seul but de faire réduire le taux des pensions.

Une semblable demande de la part de la quatrième section figure dans le rapport de la section centrale sur le budget de la guerre qui nous a été remis hier soir. J'ai toujours combattu cette opinion en indiquant les sources réelles du mal, et les voici.

Bien des officiers sont pensionnés alors qu'ils pourraient encore rendre des services dans la réserve, qui est uniquement destinée à la défense des places.

La loi sur l'avancement de l'armée autorise M. le ministre de la guerre à nommer, à son choix, à la plupart des emplois vacants. L'expérience prouve que la faveur n'est pas étrangère aux nominations ; les passe-droits sont très fréquents. La manière dont on use du droit accordé par la loi excite au plus haut degré le mécontentement de beaucoup d'officiers ; ils servent alors avec moins de zèle, et on s'empresse de les pensionner aussitôt qu'ils ont atteint leur cinquante-cinquième année.

(page 1078) D'un autre côté, on met d'office à la retraite des généraux encore très capables de servir ; depuis six ans et demi ou en a pensionné 30 ; leurs pensions, payées aujourd'hui, s'élèvent encore à 139,440 francs. J'en ai connu 10 qui, sans être fort vieux, étaient très valides à l'époque de leur mise à la retraite. Il semble que l'on ait voulu se débarrasser de tous les anciens généraux qui ont fait la guerre ; tandis que, dans notre pays plus que partout ailleurs, on devrait les conserver longtemps en activité. La Belgique a trop peu d'étendue ; elle peut être envahie tout à coup, les officiers n'auraient par conséquent pas le temps d'acquérir l'expérience.

J'ai cité dans cette enceinte bien des généraux conservés en activité dans d'autres pays jusqu'à un âge très avancé, et qui ont rendu d'immenses services. Je me bornerai aujourd'hui à rappeler que ceux qui auront, en Orient, les principaux commandements des armées russes et anglaises, sont de vieux militaires qui ont fait la guerre contre l'empire ; Napier a 69 ans, et on ne tardera pas à voir avant peu que cet amiral n'a rien perdu, ni de son énergie, ni de son intelligence.

M. le ministre de la guerre (M. Anoul). - Messieurs, je répondrai d'abord aux observations présentées par l'honorable M. Van Grootven sur les pensions militaires.

Les crédits destinés à assurer le service des pensions militaires s'élevaient, il y a quelques années, à 1,400,000 fr. En 1853 et 1854, ils ont été portés à 2,400,000 fr.. et c'est ce dernier chiffre que l'on a dû faire figurer au budget de 1855, parce que les causes de l'augmentation subsistent.

La Chambre n'ignore pas dans quelles circonstances l'armée s'est constituée en 1830. Le nombre des offîciers belges était alors très restreint et il fallait pourvoir, d'une manière rapide, aux nécessités d'un service fort étendu. On s'est donc trouvé dans l'obligation de composer le cadre d'officiers, eu grande partie d'hommes âgés de 18 à 40 ans. Il devait résulter de là que, pendant une vingtaine d'années, on n'aurait que des dépenses relativement peu considérables à faire pour les retraites militaires, mais que ces dépenses croîtraient ensuite d'une manière très brusque, lorsque la génération quia pris les armes, en 1830, viendrait à quitter les rangs de l'armée. C'est, en effet, messieurs, ce qui est arrivé et l'on peut facilement se rendre compte, d'après ce qui précède, de la légitimité de l'augmentation dont il s'agit.

Il me suffira, messieurs, pour montrer à la Chambre l'exactitude et la portée des raisons que je viens d'avoir l'honneur de lui présenter, de mettre sous ses yeux le détail suivant : En 1855, il y aura dans l'armée 236 officiers qui auront dépassé l'âge de 55 ans. Les dépenses pour pensions militaires ne sont donc pas à la veille de décroître, et il importe de ne point se faire illusion à ce sujet.

Cette situation, messieurs, nous a été léguée par les circontanccs ; le gouvernement doit la subir parce qu'il n'est point en son pouvoir, pas plus qu'en celui des Chambres elles-mêmes, d'y apporter une modification quelconque.

Je passe maintenant à ce que l'honorable M. Thiéfry vient de dire.

En admettant à la pension de retraite plusieurs officiers généraux, le gouvernement n'a fait qu'user d'un droit que lui donnent la Constitution et la loi du 24 mai 1838. Il a posé un acte du pouvoir exécutif dans les limites légalement assignées à l'exercice dece pouvoir.

Aux termes de l'article 2 de la loi du 24 mai 1838, le roi a la faculté de mettre à la pension de retraite les officiers de tous grades qui ont atteint l'âge de 55 ans accomplis.

Voilà le droit ! Le gouvernement en a toujours usé avec beaucoup de discrétion, S'il avait eu en vue tout autre intérêt que celui du pays, on ne verrait pas dans l'armée des officiers âgés de plus de 60 ans.

Quant à l'opportunité qu'il peut y avoir d'user de la faculté légale dont il s'agit, cette opportunité est tout entière à l'appréciation du gouvernement ; lui seul possède les éléments nécessaires à cette appréciation. Il ne pourrait d'ailleurs rendre compte des raisons qui le déterminent, sans toucher à des questions de personnes et de services dont la discussion, toujours fort délicate, peut souvent être très fàcheuse pour les officiers admis à la retraite.

Les Chambres législatives ont l'habitude d'écarter de leurs débats toutes questions de cette nature. Elles ne voudront pas sans doute déroger à un usage établi par des raisons de convenance.

Il reste un dernier point sur lequel je dois une réponse à l'honorable M. Thiéfry. Je repousse de toutes mes forces son allégation, quand il prétend qu'on prend pour guide autre chose que l'intérêt du service dans l'avancement des officiers ; l'honorable membre est complètement dans l'erreur, je le défie de citer un seul exemple à l'appui de son assertion.

M. Thiéfry. - Pour réfuter les observations que j'ai présentées, M. le ministre de la guerre répond que l'augmentation du chiffre des pensions vient de l'organisation de l'armée en 1830, et cependant près que tous les officiers mis à la retraite faisaient déjà partie de l'armée en 1830.

Quand on réfléchit au chiffre toujours croissant des pensions militaires, on est naturellement amené à en rechercher lartaison. Je l'ai attribuée à trois causes différentes.

La première, au défaut du placement des officiers dans la réserve.

La deuxième, à l'arbitraire qui existe dans l'avancement.

La troisième, à la mise à la retraite des généraux alors qu'ils sont encore très capables de commander. Je n'ai pas émis cette opinion avec légèreté ; je vais, du reste, la justifier par des faits.

Il n'est aucun de nous qui ne connaisse bon nombre d'officiers ayant été retraités alors qu'ils étaient encore très valides. Ils se promènent en vrais rentiers. Or, pour la défense de places, il n'est pas nécessaire d'avoir toute sa force physique, comme pour supporter les fatigues d'une campagne ; il faut principalement inspirer la confiance à ses soldats, et à ce point de vue, l'expérience acquise dans les anciennes guerres et surtout dans des sièges exercerait une grande influence sur la troupe. Sur 52 capitaines pensionnés en 1853, j'en ai remarqué 22 de l'infante rie, retraités uniquement pour leur âge, 55 ans ou un peu plus ; il est certainement permis de croire que les 2/3 ou au moins la moitié auraient pu servir dans la réserve. Si on en eût agi ainsi, M. le ministre de laguerre ne se serait pas vu dans l'impossibilité de remplir le cadre de lieutenants, parce qu'aucun sous-lieutenant n’avait 2 ans de grade, condition imposée par la loi. C'est encore là une circonstance qui ne s'est jamais présentée, je pense, dans une autre armée.

La marche suivie augmente considérablement les dépenses, c'est le meilleur moyen de refroidir un peu plus tôt l'ardeur des membres de cette Chambre pour un budget de 32 millions.

J'ai prouvé, il y a trois ans, que nous avions une loi sur l'avancement comme il n'en existe nulle part. Dans toutes les armées, et notamment en France où l'organisation militaire est si fortement constituée, on accorde une part beaucoup plus large à l'ancienneté.

L'ancienneté est une des qualités les plus précieuses dans le métier des armes, c'est l'expérience, c'est la connaissance des hommes, l'habitude du commandement. Puis les nominations à l'ancienneté empêchent les faveurs qui détruisent la discipline, déconsidèrent le pouvoir et abreuvent de dégoût des officiers.

Le budget de la dette publique constate l'augmentation continuelle de l'allocation des pensions. J'ai indiqué comme l'une des causes de ce résultat, les passe-droits que l'on fait éprouver aux officiers. J'ai soumis à la Chambre, en 1851, un travail consciencieux sur ce sujet ; il était rempli de faits ; rien, absolument rien, n'en a été réfuté. Malgré cela on persévère dans la même voie. M. le ministre m'a défié de citer un seul exemple ; eh bien, puisque je suis provoqué, j'en indiquerai non pas un seul, mais beaucoup :

Le 24 juin dernier, 3 majors d'infanterie ont été nommés lieutenants-colonels ; on a choisi les 34ème, 35ème et 44ème. On en a passé 34 parmi lesquels étaient les majors du régiment d'élite ; c'est-à-dire les officiers de l'armée cités comme les plus méritants ; on entrave leur avancement, et on les humilie devant leurs camarades.

Vous croyez, sans doute, messieurs, qu'on s'est trompé sur leur compte, lorsqu'on les a désignés pour le régiment des grenadiers ; il n'en est rien, deux mois plus tard 5 majors sont encore nommés lieutenants-colonels, et parmi les élus, 4 avaient été passés le 24 juin. Il est évident que s'ils avaient les qualités voulues pour obtenir de l'avancement au mois de septembre, ils les possédaient également au mois de juin. Les choix faits à cette dernière époque n'ont donc pas été basés sur l'équité. Le motif de cet arbitraire est facile à saisir pour un militaire, on a voulu favoriser les majors nommés le 24 juin, en leur accordant l'ancienneté sur les autres ; car s'il n'y avait eu qu'une seule nomination pour tous, il auraient marché après ceux promus en septembre.

On en a agi de même envers les capitaines. Lors de la discussion de la loi qui règle l'avancement, des membres de cette Chambre réclamaient une part pour l'ancienneté dans les nominations des capitaines au grade de major, en France, cette part est de moitié ; le ministre de la guerre, pour réserver toutes ces nominations au choix, et éviter un amendement, déclara positivement que les majors seraient toujours choisis parmi les plus anciens capitaines. Or, le 24 juin, on en nomme 14, et le 108ème est promu. Deux mois après, on fait une nouvelle nomination, on en choisit 6 qui ont été passés en juin, et on nomme jusqu'au 202ème. Chaque année l'annuaire est réimprimé, les numéros d'ancienneté ont donc été rétablis pour 1854. Le 8 février on nomme 2 capitaines au grade de major, ce sont les 144ème et 145ème. On passe 10 capitaines des grenadiers et 38 capitaines décorés, on donne ainsi à 145 capitaines un brevet d'incapacité.

M. de Mérode. - Ce n'est pas un brevet d'incapacité.

M. Thiéfry. - Si ce n'est pas un brevet d'incapacité, c'est une humiliation qu'on leur fait subir devant leurs camarades. Parmi les heureux, il en est sans doute qui doivent leur avancement à la position qu'ils occupaient près des généraux ; mais je dirai à M. le ministre qu'il est impossible de rendre l'effet produit dans l'armée après chaque nomination : pour un officier très satisfait d'obtenir un grade au détriment de ses camarades, il y en a cent qui sont froissés dans leur amour-propre, dans leurs intérêts et qui sont obligés, comme je viens de le dire, de subir une humiliation qu'ils se rappellent toute leur vie.

Je sais bien qu'une commission de généraux fait un travail préparatoire pour l'avancement au choix. Eh bien, à l'aide de ce travail, on commet les plus grandes injustices, en accordant des grades aux officiers qui se trouvent les derniers sur la liste, au préjudice de ceux qui sont à la tête par leur rang d'ancienneté.

Quant aux généraux qu'on met à la retraite lorsqu'ils sont encore capables de remplir leurs fonctions, M. le ministre de la guerre prétend que le gouvernement a la faculté de mettre à la retraite tous les officiers qui ont atteint l'âge de 55 ans, et qu'il en a toujours usé avec beaucoup de discrétion.

(page 1079) Personne ne conteste le droit du ministre ; mais qu'il en ait constamment usé avec ménagement, je ne le pense pas, et je crois que beaucoup de membres de cette Chambre sont de mon avis. Pour convaincre, du reste, M. le ministre de la guerre que tous les officiers ne doivent pas être pensionnés à 55 ans, je lui rappellerai ce qui s’est passé. Lors de la discussion de la loi de 1845 sur l’organisation de l’armée, la section centrale présenta un article qui avait pour but de porlonger et de fixer en même temps l’âhe auquel les militaires seraient mis à la retraite.

Les lieutenants généraux devaient être pensionnés à 65 ans ; les généraux-majors à 62 ans ; les officiers supérieurs à 59 ans, les capitaines à 57 ans et les autres officiers à 55 ans.

Le ministre de la guerre se rallia à cette proposition ; il demanda seulement une légère modification pour l'âge des ofiiciers supérieurs, la diminution d'une année pour les capitaines, et la prolongation de 3 ans pour les généraux qui auraient été ministres pendant au moins 3 ans.

Cet amendement fut fortement appuyé, notamment par l'honorable M. de Brouckere, ministre des affaires étrangères. Les opposants objectèrent qu'ils ne pouvaient admettre en principe l'obligation de mettre forcément à la retraite un officier à un âge fixé d'avance, alors, disait M. Orts, qu'il aurait conservé une constitution robuste, la jouissance la plus complète de ses facultés intellectuelles, le zèle le plus actif dans l'accomplissement de ses devoirs. M. d'Huart fit remarquer avec raison que cet article ne devait pas être inséré dans la loi d'organisation, mais bien dans la loi sur les pensions militaires ; il en proposa le renvoi à la section centrale pour en faire l'objet d'une loi spéciale. Cette proposition fut admise, elle ne reçut aucune suite, parce que la session fut close un mois après. Ainsi, messieurs, le gouvernement et la Chambre étaient d'accord pour conserver les officiers en activité jusqu'à un âge plus avancé qu'on ne le fait, pour autant, bien entendu, qu'ils soient capables de remplir leurs fonctions.

Eh bien, parmi les 30 généraux que j'ai cités comme ayant été pensionnés lorsqu'ils étaient encore en belle et bonne santé, j'en connais 10 retraités avant l'âge fixé en 1845, savoir 1 2 ans plus tôt, 2 3 ans plus tôt, 3 quatre ans plus tôt, 2 5 ans plus tôt et 2 sept ans plus tôt.

Sur 16 officiers supérieurs pensionnés en 1853, 14 n'avaient pas l'âge fixé en 1845, 18 capitaines ne l'avaient pas non plus ; puis on viendra dire à la Chambre qu'on use avec discrétion de la faculté de mettre les officiers à la retraite à l'âge de 55 ans, comme si les faits n'étaient pas en contradiction avec les paroles !

Nous n'avons pas seulement à envisager les intérêts du trésor, il s'agit encore de la sûreté du pays que l'on compromet par la mise à la retraite sans nécessité des généraux qui ont fait la guerre et qui sont encore valides. Celui qui a l'expérience des batailles a un immense avantage sur un adversaire qui n'a pas vu le feu. Puis, dans un pays comme la Belgique, où il y a tant de places fortes, les forteresses seront certainement mieux défendues par des généraux qui ont soutenu des sièges, que par ceux qui sont étrangers à ces sortes d'opérations.

Je le répète, la manière dont on exécute la loi est des plus arbitraires, elle est, en outre, très nuisible au pays.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Messieurs, il «'est pas désirable que la discussion que l'on vient de soulever se prolonge beaucoup, car, à coup sûr, elle ne contribuerait pas à fortifier l'esprit de discipline, si nécessaire dans une armée, et qui a si heureusement régné jusqu'ici dans la nôtre.

Vous avez entendu proclamer que, dans l'avancement des officiers, le gouvernement n'écoutait que l'arbitraire, au lieu de consulter l'esprit de justice qu'il devrait toujours prendre pour règle.

Je déclare que cette assertion est entièrement inexacte, et je dis de plus qu'elle est très dangereuse. Sur quoi fonde-t-on cependant un pareil reproche ? On vous dit : Quand on confère les grades, on ne consulte pas assez l'ancienneté. Mais où est donc la loi qui, pour les officiers supérieurs, pour ne parler que de ceux-ci, commande au gouvernement de respecter jusqu'à ses dernières limites la prérogative de l'ancienneté ?

La loi confère au gouvernement, pour tous les grades supérieurs, le droit de nommer au choix, selon le mérite, les officiers qu'il juge convenable de nommer.

Pour montrer qu'il n'y a dans les nominations faites par le gouvernement que de l'arbitraire, on vous dit : En juin il y avait 3 places de lieutenants-colonels à remplir ; on a nommé les 34, 37ème et, je crois, 45ème majors dans l'ordre d'ancienneté ; puis au mois de septembre on fait de nouvelles nomination et l'on nomme alors des officiers que l'on avait passés au mois de juin et l'on en tire la conséquence que le gouvernement a agi avec un arbitraire effrayant pour l'armée.

Eh bien, messieurs, quelle induction faut-il tirer de là ? C'est que, d'après le gouvernement, les officiers nommés au mois de juin avaient plus de mérite qui ceux qui ont été nommés au mois de septembre. Voilà la conséquence logique et la seule vraie que l'on puisse déduire des actes que l'on a si vivement et si injustement critiqués.

Car, messieurs, aucun de vous sans doute, aucun ne partage l'opinion émise par l'honorable M. Thiéfry, qu'un officier qui se voit dépassé par un autre du même grade, moins ancien que lui, reçoit par là un brevet d'incapacité. Mais, s'il en est ainsi, il faut décider que tous les grades se donneront à l'ancienneté, que l'ancienneté est la seule règle qu'il faut suivre et que le mérite ne sera plus pour rien dans les grades à conférer.

Non, messieurs, il n'est pas vrai que l'officier qui se voit dépassé par un plus jeune que lui reçoive par là un brevet d'incapacité. La nomination que l'on fait de ce dernier signifie uniquement qu'on le regarde comme plus capable. Et quel est donc le fonctionnaire, fonctionnaire civil ou militaire, qui peut se trouver déshonoré parce qu'un autre sera reconnu plus capable que lui ? Mais, à ce compte le gouvernement n'a pas à intervenir dans les nominations.

Que l'on inscrive la date de la naissance de chacun, et que chacun prenne de l'avancement selon l'époque de sa naissance.

Voilà où veut nous amener l'honorable M. Thiéfry ; mais ce système, le gouvernement ne l'adoptera jamais.

Messieurs, qu'il me soit permis d'abord de constater une chose. Les honorables orateurs dont vous avez entendu les critiques ne reprochent pas au gouvernement d'avoir violé une disposition de loi, ni même un règlement quelconque. Ils lui reprochent seulement d'avoir fait, pour me servir des termes les plus sévères que l'on a employés, une application injuste et immodérée des lois en vigueur.

Déjà mon honorable collègue, M. le ministre de la guerre vous a démontré que si, pendant ces dernières années, le chiffre des pensions a été croissant, c'est par suite de circonstances indépendantes de la volonté du gouvernement, par suite de circonstances qui disparaîtront d'ici à peu d'années.

De ce chef, il n'y a donc pas de grief contre le gouvernement. Mais celui qui existe dans la pensée de l'honorable M. Thiéfry, il le tire de ce que, en réglé générale, le gouvernement a adopté dans sa conduite une échelle d'âge selon les grades pour la mise à la pension, et s'il fallait prendre à la rigueur tout ce que l'honorable membre vous a dit, il s'ensuivrait que le gouvernement, en cela, a agi contrairement au vœu de la Chambre.

Or, messieurs, je tiens à rappeler que c'est de la chambre même qu'émane l'échelle d'âge qui sert encore de règle aujourd'hui au gouvernement, bien qu'elle n'ait jamais été décrétée par la législature. En effet, lors de la discussion en section centrale de la loi d'organisation de 1845, c'est la section centrale elle-même qui spontanément a proposé à la Chambre l'échelle d'âge que vous a rappelée l'honorable M. Thiéfry, échelle qui varie de 55 à 65 ans. J'ajouterai immédiatement que cette échelle a été adoptée à l'unanimité par la section centrale.

Lorsque la discussion s'est ouverte sur cette proposition, j'ai été un de ceux qui l'ont appuyée le plus vivement. J'ai sous les yeux le discours que j'ai prononcé, je viens de le relire, et je puis déclarer à la Chambre que si une discussion surgissait de nouveau sur cette échelle, je ne pourrais faire autre chose que répéter tout ce que j'ai dit en 1845.

Je regrette que ce discours soit un peu long, sans cela j'en donnerais lecture à la Chambre, et l'on verrait que le gouvernement, en 1854, met en pratique ce que je défendais en 1845, alors que j'étais bien indépendant d'adopter sur cette question tel principe qu'il me convenait.

Ainsi, la règle générale suivie, non pas seulement par le cabinet actuel, mais aussi par les cabinets qui l'ont précédé, c'est de mettre les officiers à la pension selon l'échelle d'âge dont je viens de parler.

Mais s'ensuit-il que cette échelle, qui n'établit qu'une sorte de maximum, soit obligatoire à ce point, dans la pensée du gouvernement, qu'il ne puisse jamais mettre un officier à la pension avant qu'il n'ait atteint l'âge qu'établit cette échelle ? En aucune manière. On vous l'a dit, la loi de 1838 confère au gouvernement sur ce point une latitude beaucoup plus grande. Cette latitude, il n'en use que dans des circonstances exceptionnelles, et l'honorable M. Thiéfry, si compétent en cette matière, sera sans doute d'accord avec moi que le gouvernement ne peut pas venir justifier, relativement à chaque officier, les motifs pour lesquels il a été mis exceptionnellement à la pension avant l'âge, où de semblables mesures sont prises en règle générale ; car nous aurions à débattre devant vous et les forces physiques de tel ou tel officier, et son intelligence, et sa capacité, et sa conduite, et mille autres considérations qui ne peuvent pas prendre place dans les discussions de la Chambre.

Cela serait contraire, non pas seulement à la dignité du gouvernement, mais à l'intérêt des officiers eux-mêmes. Je ne pense pas, en effet, qu'il y en ait aucun dans l'armée qui se soucie fort de voir débattre dans une Chambre comme celle-ci et en public, les points que je viens d'indiquer.

Ainsi, messieurs, je résume en deux mots la réponse que je viens de faire aux honorables orateurs. Le gouvernement n'a violé aucune loi, n'a violé aucun règlement.

Si le chiffre des pensions a été croissant, ce qui est vrai, c'est particulièrement par suite de circonstances indépendantes de sa volonté. On vous les a fait connaître en partie. J'en pourrais ajouter d'autres.

Ainsi, dans le courant de l'année dernière, un certain nombre d'officiers étrangers ont été mis à la retraite, bien qu'ils n'eussent pas atteint l'âge.

Ils l'ont été avec l'agrément de la Chambre qui a donné sa pleine approbation à la conduite que le gouvernement avait tenue.

(page 1080) Ce n'est donc par par suite de l'arbitraire du gouvernement, comme on a semblé le dire, mais c'est par suite de circonstances indépendantes de sa volonté, que le chiffre des pensions a été en augmentant. Cette progression, messieurs, pourra exister peut-être encore pendant un laps de deux ou trois années ; et puis, très probablement, le chiffre des pensions ira, au contraire, en baissant.

M. Thiéfry. - Qu'on mette les anciens officiers dans la réserve.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - L'honorable M. Thiéfry, dont j'accepte avec plaisir l'interruption, dit : Qu'en mette les officiers arrivés à un certain âge et reconnus encore capables de servir, dans la réserve.

Je ne prétends pas que cette idée ne soit pas de nature à devoir être examinée, et je pourrais même déclarer à l'honorable M. Thiéfry qu'elle est dans ce moment l'objet de l'examen du conseil des ministres.

M. Thiéfry. - Je suis satisfait.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Le conseil des ministres est tout entier ici, et il pourra certifier que tout récemment encore nous avons examiné s'il n'y aurait pas lieu de prendre une mesure qui retînt, dans un service moins actif, les officiers encore capables d'être utiles et qui cependant seraient arrivés à l'âge de la pension.

Je reprends donc ce que je disais. Ce n'est pas par le chef du gouvernement que le chiffre des pensions va grossissant.

D'un autre côté, les critiques que l'on a adressées au gouvernement relativement à l'avancement donné à des officiers de préférence à d'autres qui comptaient de plus longues années de services, ces critiques ne sont pas fondées. Je ne prétends pas, à Dieu ne plaise, que le gouvernement, dans ses choix, ne se trompe jamais.

Je crois que si l'honorable M. Thiéfry était à la tête du département de la guerre, même avec les principes sévères qu'il professe, il serait lui-même sujet à l'erreur et il pourrait se tromper comme M. le ministre de la guerre se trompe peut-être quelquefois dans l'appréciation du mérite des officiers. Mais ce que je puis déclarer aussi, c'est que jamais un officier n'est nommé, sans que son mérite ait été longuement discuté et sans que l'on ait consulté d'une manière toute particulière les officiers généraux chargés des inspections et chargés de dresser les listes de mérite de tous les officiers appartenant aux armes qu'ils inspectent.

(page 1082) M. Devaux. - Messieurs, ce n'est pas, vous le pensez bien, pour débattre des questions de personnes, pour blâmer ou défendre des nominations que j'ai demandé la parole, mais je veux dire quelques mots sur une question de principe.

J'ai demandé la parole, lorsque j'ai entendu l'honorable M. Thiéfry dire qu'une nomination au choix était une injure pour tous ceux qui avaient pour eux la supériorité de l'ancienneté. Un tel principe est, à mon avis, destructif de toute bonne organisation de l'armée ; c'est de plus le principe le plus anti-libéral que je connaisse.

Qu'est-ce que la nomination à l'ancienneté ? C'est le sacrifice de l'intérêt public à l'intérêt privé des officiers. Consacrer exclusivement le principe de l'ancienneté c'est dire : La capacité, l'instruction, la bravoure, la bonne conduite ne sont plus tenues pour rien dans les nominations ; les plus mauvais officiers ont les mêmes droits que les meilleurs à tous les commandements ; leur âge, la date de leur nomination, voilà la seule chose qui importe.

Sans doute on a raison de faire une part à l'ancienneté parce que dans ce bas monde il faut bien compter avec l'intérêt privé. Mais cette part faite, et notre législation la fait très suffisante, il faut bien aussi que l'intérêt public, qui veut la nomination des officiers les plus aptes, reprenne ses droits et que pour cela l'avancement au choix ait sa part aussi.

Bien loin de déconseiller au ministère les nominations au choix, il faut au contraire l'engager à résister aux séductions de la nomination à l'ancienneté.

L'avancement à l'ancienneté, messieurs, c'est le plus facile pour un ministre ; plus d'accusations, plus de difficultés de choix, plus personne à consulter ; il n'y a qu'à regarder la date des nominations antérieures.

Ce n'est point un outrage que de voir passer devant soi les hommes les plus capables. Cela se voit partout, cela se voit dans toutes les administrations, cela se voit dans tous les rangs de la société, et cela est juste.

Est-ce que, par hasard, l'aptitude ne serait pas aussi nécessaire dans l'armée que dans les autres administrations ? Qu'on me cite donc une position dans le monde qui exige des qualités d'esprit plus élevées et plus diverses que le commandement supérieur d'une armée ! Vous faites des reproches au gouvernement parce qu'il a choisi le 36ème capitaine, il a eu tort si le 36ème n'est pas le plus capable, mais s'il est plus apte que les 35 plus anciens le gouvernement a bien fait.

L'ancienneté, quand on lui accorde des droits exagérés, peut perdre une armée. Elle a été fatale aux armées de Louis XIV, qui, après tant de succès, ont fini, grâce aux effets de l'ancienneté, par manquer de chefs capables. On sait quelles en ont été les conséquences.

Messieurs, s'il est une armée où il ne faille pas exagérer les droits de l'ancienneté, c'est certainement l'armée belge. En effet, ce n'est qu'à partir de quelques années après la révolution que l'instruction s'est le plus répandue parmi nos officiers. Il arrive de là qu'en général, et à part de très honorables exceptions, c'est dans les grades inférieurs que se trouve, proportion gardée, le plus d'instruction. Il y a donc d'autant, plus d'utilité dans notre armée à hâter l'avancement des officiers les plus capables et à donner le pas au mérite sur l'âge.

L'avancement au choix, il faut le reconnaître, a ses inconvénients ; il présente surtout l'écueil du favoritisme, mais il vaut mieux s'exposer à quelques mauvaises nominations que de perdre le moyen d'en avoir de bonnes. Avec l'avancement au choix, les inconvénients sont possibles, mais partiels ; avec l'ancienneté comme règle absolue, ils sont certains et généraux, car chacun n'ayant plus rien à faire pour avancer, il n'y a plus d'émulation, et les hommes qui ont le plus de mérite n'ont plus chance d'arriver aux commandements supérieurs que lorsque l’âge leur aura probablement ôté une partie de la vigueur d'esprit et de corps qu'ils exigent.

Je crois, moi, messieurs, que l'usage s’était introduit dans notre armée d'avoir trop égard à l'ancienneté. En effet, que faisait-on ? La plupart du temps les nominations an choix n'étaient pas encore libres ; les ministres de la guerre se croyaient obligés, même pour les nominations au choix, de nommer, dans un certain nombre de candidats, les plus anciens : c'est là un abus ; les nominations au choix ne doivent avoir égard qu'à la supériorité de l'aptitude.

Dans l'état militaire si l'expérience a ses avantages, la jeunesse, la vigueur de l'âge a aussi les siens. Il faut au moins que dans une armée quelques officiers de mérite puissent arriver aux grades de colonel et de général avant que l'âge leur ait enlevé une partie de leur énergie.

Il peut arriver sans doute qu'un homme conserve encore, à l'âge de 70 ans, la plénitude de ses forces physiques et intellectuelles, mais ce sont, là des exceptions privilégiées sur lesquelles on ne peut compter. Et une armée qui n'aurait que des vieillards dans ses rangs supérieurs jouerait probablement un triste rôle sur le champ de bataille.

On dit que les nominations au choix font un mauvais effet dans l'armée. Cela se peut quand elles ne sont pas bien faites ; cela se peut aussi là où ou s'est fait l'idée que tout officier a droit, en gagnant de (page 1083) l'âge, de devenir général, que l'avancement aux grades supérieurs est une affaire de temps et non d'aptitude. Dans l'armée, comme dans les autres rangs de la société, les moindres capacités sont les plus nombreuses. L'avancement au choix n'est donc pas dans l'intérêt du plus grand nombre, mais il est à l'avantage des hommes de mérite que l’intérêt public appelle aux grades supérieurs. Aussi, si vous consultiez dans l'armée les hommes qui ont le plus d'avenir sur ce qu'ils pensent du principe de l'avancement à l'ancienneté, ils vous diraient que c'est la garantie de la médiocrité.

Il est possible qu'on se soit fait, dans certains rangs de l'armée, des idées exagérées sur les droits de l'ancienneté ; s'il en était ainsi, il faudrait tâcher de détruire ces idées, bien loin de les encourager. Il n'y a pas de déshonneur pour un officier à voir appeler à un grade supérieur un de ses camarades moins ancien que lui.

Il faut qu'il soit bien compris, dans l'armée, que ce n'est pas le soldat le plus ancien qui a droit de devenir général en chef, pas plus que dans un ministère ce n'est l'huissier le plus ancien qui a droit de devenir ministre.

Il y a des bornes naturelles à toutes les capacités : il y a des hommes très honorables qui doivent se contenter du grade de capitaine ; il en est d'autres qui ne doivent pas aller au-delà du grade de major.

Un très petit nombre de capacités peuvent légitimement aspirer au grade de général de brigade et bien moins encore sont faites pour arriver à celui de lieutenant général. Quand on est arrivé dans des régions aussi élevées, il n'y a de déshonneur pour personne à ne pas monter plus haut.

Les membres les plus anciens de cette Chambre ne sont pas déshonorés parce que le Roi ne les met pas à la tête de ses ministères. Nous ne croyons pas nous-mêmes nous déshonorer entre nous quand nous élevons à la présidence ou à la vice-présidence des collègues qui ne sont pas les plus anciens. Les fonctions publiques ont chacune leurs exigences spéciales, et on n'a pas le droit de s'y croire plus apte parce qu'on a pour soi la supériorité de l'âge, qui, pour certaines fonctions surtout, peut être quelquefois une supériorité fort contestable.

Que le gouvernement continue donc de faire scrupuleusement à l'ancienneté la part que la loi lui a faite. Mais qu'il n'oublie pas que c'est là la part de l'intérêt privé et qu'en dehors de ces limites son devoir est de ne conférer les grades militaires qu'à ceux qui sont le plus aptes à les remplir. S'il est des nominations pour lesquelles cette règle ne doit pas être oubliée, c'est surtout lorsqu'il s'agit de fonctions d'une si énorme responsabilité que toute l'existence du pays peut en dépendre.

(page 1080) M. Thiéfry. - Messieurs, je n'ai jamais, dans aucune discussion, exprimé la pensée qu'il fallût supprimer l'avancement au choix. Voici ce que je disais le 14 janvier 1850 :

« Loin de moi la pensée d'abolir entièrement l'avancement au choix ; il est nécessaire, comme je l'ai dît, pour exciter l'émulation, récompenser le vrai mérite et empêcher que les officiers ne parviennent à un âge trop avancé au grade de colonel et de général. Il faut combiner sagement l'avancement au choix et celui à l'ancienneté. Pour atteindre ce but, il me paraît indispensable de limiter le nombre d'officiers de chaque grade parmi lesquels le ministre pourrait choisir. La loi devrait, en outre, l'astreindre à n'exercer son droit que parmi les officiers proposés par une commission très nombreuse de généraux, et tout en respectant l'ancienneté. On donnerait aussi aux officiers une garantie contre la partialité, nul n'oserait se plaindre du jugement porté sur lui. »

Ce que je critique maintenant, c'est l'abus que l'on fait du droit de nomination au choix. Si vous connaissez des officiers de l'armée, vous n'avez qu'à leur demander ce qu'ils éprouvent. (Interruption.) Oui, M. le ministre, lorsqu'on voit des officiers obtenir de l'avancement au détriment de 150 de leurs camarades on peut dire, surtout quand on examine les titres des uns et des autres, qu'il y a réellement abus.

On a dit que c'était l'avancement par rang d'ancienneté qui a détruit l'armée de Louis XIV ; c'est là une grave erreur ; l'armée française, telle qu'elle était sous Louis XIV, a subsisté jusqu'en 1789 ; c'est la révolution de 1789 qui en a complètement changé l'esprit en en faisant une armée nationale, en rendant les grades accessibles à tout le monde et non à une classe privilégiée. Et Bonaparte qui, sous ce rapport, mérite bien un peu de créance, Bonaparte faisait grand cas de l'ancienneté.

Les maréchaux français qui ont élaboré la loi sur l'avancement, faisaient bien plus de cas de l'ancienneté que nous. Du reste, je répéterai ici ce que j'ai dit cent fois : Quand on fait autrement que partout ailleurs on fait mal.

M. le ministre de la guerre (M. Anoul). - Je désire en quelques mois expliquer à la Chambre comment il est procédé à la formation des listes pour l'avancement des officiers.

Au moment des inspections générales (et c'est précisément ce qui va avoir lieu dans très peu de jours), des instructions sont envoyées aux divers chefs de corps, afin qu'ils aient à établir des états de présentation en faveur des officiers les plus méritants ; ils adressent ces états à MM. les généraux commandants de brigade, qui, après y avoir inscrit leurs avis et considérations au sujet des candidats proposés, transmettent ces mêmes états à l'inspecteur général qui à son tour questionne sur les différents points de service les officiers proposés à l'avancement au choix, leur consacre une attention toute particulière et porte d'office sur ces mêmes propositions, les officiers qu'ils croiraient en avoir injustement été écartés.

Ce travail terminé, le ministre de la guerre réunit par catégories d'armes, les divers inspecteurs généraux, soit en sa présence ou en la présence d'un officier supérieur de son département, délégué par lui, à l'effet de voir débattre les titres comparatifs des officiers des régiments inspectés et établir des listes de présentation par ordre de mérite.

Si c'est cette marche que l'honorable M. Thiéfry qualifie d'arbitraire et de favoritisme, j'avoue que je n'y comprends plus rien. Pour ma part, je ne crois pas que l'on puisse suivre une marche plus loyale, plus juste, que celle que s'est imposée le département de la guerre.

M. de Mérode. - L'honorable M. Thiéfry a dit, et tout le monde l'a entendu, que c'était un brevet d'incapacité que le choix fait d'un officier moins ancien que celui qui était passé. Il en résulterait que tout officier qui serait passé par un autre, est par cela même amoindri en considération. Eh bien, l'honorable M. Devaux a parfaitement expliqué qu'il était impossible d'admettre un semblable principe et que ce serait détruire le bon commandement d'une armée.

Or, je crois que nulle part il n'est plus nécessaire d'avoir un commandement capable que dans une armée. Si vous nommez, par exemple, aux fonctions de gouverneur d'une province le commissaire d'arrondissement le plus ancien et si ce gouverneur administre médiocrement sa province, cette circonstance n'amènera pas la ruine de l'Etat ; elle ne fera pas perdre une grande bataille à une armée qui décide du sort d'un pays, comme nous avons pu en faire l'expérience ; il en résultera que la province sera régie un peu moins bien, mais enfin l'Etat subsistera.

Dans une armée, au contraire, si celui qui est capable n'arrive pas au commandement, le salut du pays est compromis.

Là surtout il est évident que le commandement doit être donné à la capacité, et non pas à celui qui est le plus âgé. Il en est de même des autres conditions de l'ordre social. L'évêque est-il le plus ancien curé du diocèse ? Cela ne s'est jamais vu. Nous avons des exemples d'évéques jeunes, placés au premier rang ecclésiastique très utilement.

Au commencement de la révolution, on a nommé aux grades supérieurs d'anciens officiers de l'empire ; eh bien, ces anciens militaires avaient servi, en général, dans les grades ordinaires, dans le grade de capitaine, par exemple ; et ils n'avaient pas pu acquérir, même en combattant, en tirant des coups de fusil, en s'exposant à de grands dangers, ils n'avaient pas pu acquérir par là même le talent de diriger des troupes nombreuses.

Aussi est-il arrivé qu'au camp, d'anciens militaires de l'empire n'ont pas pu commander aussi bien que des hommes qui n'avaient jamais servi, que nous avions introduits dans l'armée, et qui, en se donnant de la peine, sont parvenus à connaître ce qu'étaient les manœuvres et à les diriger.

Ceci prouve la nécessité de ne pas nous référer à l'ancienneté, lorsqu'il s'agit du commandement.

L'honorable M. Devaux a eu raison de dire que le choix est une chose très difficile. La jalousie et le mécontentement naissent jusqu'à un certain point parmi ceux qui ne sont pas les préférés. Mais c'est un mal inévitable.

Si vous allez causer, comme l'honorable M. Thiéfry semble nous y convier, avec tels ou tels militaires, ils vous feront toutes sortes de plaintes sur la manière dont les grades sont distribués : ces conversations ne peuvent jamais amener autre chose que ces plaintes de la part de ceux qui ne sont pas les préférés.

Nous ne devons donc pas engager le gouvernement à donner beaucoup à l'ancienneté. C'est nuire au but pour lequel un pays paye une armée. Une armée est une chose très chère : nous dépensons 32 millions pour la nôtre ; ce n'est pas pour des intérêts privés, mais dans l'intérêt national le plus important.

M. Prévinaire. - Messieurs, je partage l'opinion qu'exprimait tout à l'heure M. le ministre des affaires étrangères : je crois que la Chambre doit être circonspecte sur le terrain des questions qui se rattachent au personnel de l'armée.

Je dois cependant faire remarquer aux membres du cabinet que cette partie de l'administration publique n'échappe pas plus que toutes les autres au contrôle que la Chambre est appelée à exercer sur les actes du gouvernement.

Malgré la circonspection que je veux m'imposer, je n'entends pas abdiquer le droit de contrôler les actes du département de la guerre, tout en m'abstenant d'un examen trop minutieux des questions concernant le personnel.

Nous ne discutons pas maintenant la loi sur l'avancement : il est donc inutile de prolonger ce débat sur l'usage qu'a fait le gouvernement du droit de nommer des officiers au choix.

Cependant on pourrait citer, dans les armes spéciales notamment, des promotions qui peuvent faire supposer que le mérite n'a pas toujours été la régie prédominante pour l'avancement

Suivant moi, dans les armes spéciales, dans les armes savantes, il convient de s'écarter moins que dans d'autres armes du principe de l'avancement à l'ancienneté, parce qu'il existe une présomption de savoir et de savoir égale en faveur des officiers de ces armes spéciales.

Revenant au budget, objet en discussion, je demanderai à M. le ministre de la guerre s'il n'est pas arrivé qu'on ait fait usage de la faculté de nommer au choix, uniquement pour faire acquérir un grade supérieur à un officier qu'on se proposait de pensionner peu de temps après. S'il en était ainsi, ce serait une manière détournée de grever le budget des pensions et je ne pourrais pas approuver des mesures de ce genre.

M. le ministre de la guerre (M. Anoul). - Ce que suppose l'honorable M. Prévinaire est impossible, attendu que, pour jouir de la pension affectée à un grade, il faut avoir été investi pendant deux ans au moins des fonctions qui y incombent. Dans le cas contraire l'officier admis à la retraite ne jouit que du taux de la pension du grade immédiatement (page 1081) inférieur au sien, si, lui-même, a demandé à être mis dans cette position. Il en est différemment alors que le gouvernement prend l'initiative de cette mesure à cause d'infirmités ou accidents constatés être survenus depuis la dernière promotion, à l'officier qui n'est plus jugé apte au service actif.

M. Prévinaire. - Il y a cependant une distinction dont M. le ministre de la guerre ne tient pas compte : je crois que l'officier qui se trouve dans le cas indiqué et que le gouvernement pensionne spontanément, a droit à ce que sa pension soit réglée d'après son nouveau grade, tandis qu'il n'acquiert ce droit qu'après deux années de grade, lorsqu'il demande lui-même la pension. S'il en était ainsi, je le répète, il y aurait aggravation dans les dépenses.

M. le ministre de la guerre (M. Anoul). - Il en serait ainsi, si le fait existait ; mais il n'existe pas, on ne nomme à un grade supérieur que celui qui est dans les conditions nécessaires pour l'occuper d'une manière active ; si par la suite il est pensionné pour des causes indépendantes de sa volonté et dont le gouvernement est seul juge, il jouit alors de la pension de son grade.

M. Prévinaire. - Je m'empresse de déclarer qu'aucun acte de la nature de celui auquel je viens de faire allusion ne s'est produit, à ma connaissance, sous l'administration de l'honorable ministre actuel ; mais il s'est trouvé antérieurement qu'on a fait passer un officier à un grade supérieur et que deux mois après on l'a mis à la pension ; c'est, je crois, en 1846 ou 1847, que cela a eu lieu ; mais je n'ai voulu que poser une question à propos d'un fait antérieur, pensant que si un capitaine avait été nommé major, pour être pensionné un ou deux mois après, non sur sa demande, mais proprio motu de la part du gouvernement, cela devait être dans les errements du département de la guerre ; ce serait là un moyen d'aggraver les dépenses publiques, et le département de la guerre ne pourrait le justifier.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - L'honorable M. Préviuaire ne veut sans doute pas nous rendre responsables de faits antérieurs à notre entrée en fonctions. Nous répondons à son interpellation en ce qui nous concerne de la manière la plus nette et la plus catégorique ; nous disons : Non ; jamais un officier n'a été promu par nous pour lui procurer une position meilleure lors de sa mise à la pension.

M. Thiéfry. - Les renseignements donnés par M. le ministre sur la formation des listes pour l'avancement par les inspecteurs généraux sont exacts, mais je ne pense pas que ces listes soient dressées par numéro d'ordre de mérite ; lorsque les officiers sont portés sur ces listes, le ministre nomme indifféremment le premier ou le dernier. Voilà ce que je voulais constater.

M. Dumortier. - La Chambre, à mon avis, fera bien de terminer celle discussion ; un débat de ce genre peut créer de grandes difficultés dans le pays, et il me semble impossible qu'il rende un service réel à la chose publique ; dans la situation exceptionnelle où se trouve la Belgique, en présence de l'état de l'Europe, je pense qu'il est mieux de passer l'éponge sur certaines choses qu'on pourrait avoir à observer et même à critiquer, que d'engager des discussions de personnes, désobligeantes toujours pour le plus grand nombre de ceux qui y sont mêlés.

L'honorable M. Thiéfry a beaucoup insisté sur la part due à l'ancienneté dans l'avancement.

Quand la loi a été discutée, j'ai soutenu cette thèse ; mais depuis lors les choses ont bien changé ; beaucoup d'avancement a été donné au choix depuis cette époque ; eh bien, dans toutes ces promotions au choix, qui oserait dire qu'il n'y a pas eu d'abus ? Eh bien, qui peut réparer les abus de l'avancement au choix ? C'est l'avancement au choix. Le ministre a nommé, dit-on, un numéro très élevé de la liste d'ancienneté ; mais qui vous dit qu'en passant sur les numéros moins élevés, il n'a pas réparé une injustice antérieure ? S'il en est ainsi, peut-on dire qu'il a fait un mauvais acte ? Non ; il a fait un acte méritant.

Nous devons avoir pleine coufiance dans la loyauté de l'honorable général qui dirige le département de la guerre.

Je ferai remarquer qu'une des observations de l'honorable M. Prévinaire présente un grave danger ; il vous a dit : « Dans les armes spéciales, dans les corps savants, on devrait suivre l'ancienneté, car, dans ces corps savants, tous les officiers doivent être présumés également savants. »

Sans doute tous doivent être présumés savants : mais parmi des hommes savants, il s'en trouve toujours de plus distingués que d'autres ; pourquoi ôter au gouvernement la faculté de fortifier notre année en prenant les officiers les plus distingués pour la commander ?

Après ce qui s'est passé depuis vingt ans, je pense qu'il faut laisser au gouvernement la latitude nécessaire pour former une armée fortement organisée et commandée par des officiers distingués.

L'honorable ministre a pris part aux combats livrés sous l'empire, et à ceux qui ont assuré l'indépendance de la patrie ; il ne sera pas disposé à mettre de côté sans de graves raisons ses compagnons d'armes. Il y a du danger à n'avoir que de jeunes officiers dans une armée, mais il n'y a pas moins de danger à avoir des incapables. Le ministre de la guerre qui a pris part autant qu'aucun de nos officiers aux guerres antérieures, sait mieux que personne ce qu'il convient de faire, nous pouvons nous en rapporter à lui sans pousser plus loin une discussion qui pourrait produire le plus mauvais effet.

- La discussion est close.

Chapitre II. Rémunérations

Articles 24 et 25

« Art. 24. Pensions ecclésiastiques ci-devant tiercées (charge extraordinaire) : fr. 52,000.

« Pensions civiles et autres acvcordées avant 1830 (charge extraordinaire) : fr. 67,000.

« Pensions civiques (charge extraordinaire) : fr. 114,000.

« Pensions des veuves et orphelins de l'ancienne caisse de retraite (charge extraordinaire) : fr. 485,000

« Pensions militaires : fr. 2,780,000.

« Pensions de l'Ordre de Léopold : fr. 27,000. »

« Pensions civiles :

« Affaires étrangères :

« Marine : fr. 26,000.

« Affaires étrangères : fr. 32,000.

« Justice :

« Ecclésiastiques : fr. 110,000.

« Civiles : fr. 125,000.

« Intérieur : fr. 200,000.

« Travaux publics : fr. 133,000.

« Guerre : fr. 28,000.

« Finances : fr. 1,500,000.

« Cour des comptes : fr. 6,000.

« Pensions de militaires décorés sous le gouvernement des Pays-Bas (charge extraordinaire) : fr. 7,000.

« Secours sur le fonds dit de Waterloo (charge extraordinaire) : fr. 9,000.

« Arriérés de pensions de toute nature : fr. 5,000.

« Total charge ordinaire : fr. 4,972,000.

« Total charge extraordinaire : fr. 734,000. »

- Adopté.


« Art. 25. Traitements d'attente (wachtgelden) (charge extraordinaire) : fr. 17,573 74.

« Traitements ou pensions supplémentaires (toelagen) (charge extraordinaire) : fr. 8,571 42

« Secours annuels (jaarlijksche onderstanden) (charge extraordinaire) : fr. 4,000.

« Ensemble : fr. 30,145 16. »

Chapitre III. Fonds de dépôt

Articles 26 et 27

(page 1082) « Art. 26. Intérêts, à 4 p. c, des cautionnements versés en numéraire dans les caisses du trésor, par les comptables de l'Etat, les receveurs communaux et les receveurs de bureaux de bienfaisance, pour sûreté de leur gestion, et par des contribuables, négociants ou commissionnaires, en garantie du payement de droits de douanes, d'accises, etc : fr. 420,000.

« Intérêts arriérés du même chef, se rapportant à des exercices clos : fr. 3,000.

« Ensemble : fr. 423,000. »


« Art. 27. Intérêts des consignations (loi du 26 nivôse an XIII), ainsi que des cautionnements assimilés aux consignations par l'article 7 de la loi du 15 novembre 1847 : fr. 93,000. »

« (Les crédits portés au présent chapitre ne sont point limitatifs.) »

Vote de la disposition légale et sur l’ensemble du projet

La Chambre passe au vote du texte du budget ainsi conçu.

Vote de l'article unique et sur l'ensemble du projet

« Article unique. Le budget de la dette publique est fixé, pour l'exercice 1855, à la somme de trente-six millions neuf cent quarante six mille six cent quatre-vingts francs quatorze centimes (fr. 36,946,680-14), conformément au tableau ci-annexé. »

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du budget qui est adopté à l'unanimité des 60 membres qui prennent part au vote, deux membres (MM. Van Grootven et David) s'étant abstenus.

Ont pris part au vote : MM. Orts, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Roussel (A.), Rousselle (Ch.), Thiéfry, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (E.), Vander Donckt, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Veydt, Vilain XIIII, Visart, Anspach, Brixhe, Clep, Closset, Coomans, Coppieters, Dautrebande, de Baillet (H.), de Baillet-Latour, de Brouwer de Hogendorp, de Haerne, de Mérode (F.), de Mérode-Westerloo, de Naeyer, de Portemont, Dequesne, de Royer, de Ruddere, de Sécus, Desmaisières, de Theux, de T Serclaes, Devaux, de Wouters, Dumon, Dumortier, Jacques, Landeloos, Lange, Laubry, Lebeau, Lesoinne, Magherman, Malou, Manilius, Mascart, Matthieu, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Orban et Delfosse.

M. le président invite les membres qui se sont abstenus à motiver leur abstention.

M. Van Grootven. - Je me suis abstenu par les motifs que j'ai énoncés dans la discussion générale.

M. David. - Pour le gouvernement comme pour les particuliers l'obligation de payer les intérêts de ses dette existe. Je n'ai donc pu voter contre ce budget. Mais le chiffre des pensions militaires devient écrasant pour les finances du pays. Lorsqu'on a revisé la loi sur les pensions civiles en 1848, on nous avait promis de réviser dans un bref délai la loi sur les pensions militaires. Depuis lors, j'ai saisi toutes las occasions de réclamer la présentation de ce projet de loi, surtout quant à la limite d'âge et au cas d'infirmités donnant droit à la pension. Aussi longtemps que ce projet de loi n'aura pas été présenté, je serai obligé de m'abstenir sur le budget de la dette publique.


M. Mercier. - Je remarque qu'il ne reste à l'ordre du jour que des budgets qui ne donnent lieu d'ordinaire à aucune discussion. D'autre part il y a à l'ordre du jour des sections des projets de loi importants. Je propose donc de ne pas avoir de séance publique demain. Je propose de fixer la prochaine séance à lundi.

- Cette proposition est adoptée.

La séance est levée à 4 1/2 heures.