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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 21 mars 1854

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1097) M. Maertens procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Ansiau donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

- La séance est ouverte.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.

« Les bourgmestre, échevins et conseillers communaux de Baeleghem prient la Chambre d'accorder aux sieurs Moucheron et Delaveleye la concession d'un chemin de fer direct de Saint-Ghislain à Gand par Villerot, Ath, Nederbrakel et Sottegem avec embranchement sur Grammont. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Petit, pharmacien à Warquignies, déclare adhérer à la pétition du Cercle pharmaceutique du Hainaut, relative à la représentation de la pharmacie dans l'Académie de médecine. »

« Même déclaration du sieur Dupont, pharmacien à Estinnes-au-Val. »

- Même renvoi.


« Les pharmaciens à Tirlemont, Léau, Hoegaerden et Landen demandent que les statuts de l'Académie de médecine assurent une représentation convenable aux pharmaciens et que l'exercice de la médecine ne puisse être cumulé avec celui de la pharmacie que dans les localités où le médecin et le pharmacien ne pourraient vivre honorablement sans ce cumul.

« Même demande du sieur de Gloesener, pharmacien à Laeken. »

- Même renvoi.


« Plusieurs habitants de Schaerbeek présentent des observations contre le projet de loi relatif à la réunion des faubourgs à la capitale. »

« Mêmes observations d'autres habitants de Schaerbeek. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi.


» Des habitants de Putte déclarent adhérer à la pétition du comité central flamand du 25 décembre 1853. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur l'enseignement agricole et à la commission des pétitions.


« La veuve Lelong, libraire à Bruxelles, prie la Chambre de ne pas donner son assentiment à la convention littéraire conclue avec la France ou de l'indemniser du dommage que cet acte international lui fera subir. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la convention.


« Des habitants d'Anvers déclarent protester contre la circulaire de M. le ministre de l'intérieur, à l'occasion du pétitionnement en faveur de la langue flamande. »

- Dépôt au bureau des renseignements.


« Les sieurs Vervoort et Antoine, anciens entrepreneurs, réclament l'intervention de la Chambre, pour obtenir le payement d'un solde qui leur est resté dû sur leur entreprise de l'entrepôt d'Anvers. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Antoine Schols, négociant à Fall-Mheer, et Régnier Schols, négociant à Sichen-Sussen-et-Bolré, nés à Maestricht, demandent la naturalisation, avec exception du droit d'enregistrement. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le conseil communal et plusieurs industriels de Blaton prient la Chambre de donner son assentiment au projet de chemin de fer de Gand vers le Couchant de Mons qui a été présenté par les sieurs Hertogs et Hoyois. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

Projet de loi portant le budget du ministère de la guerre de l’exercice 1855

Discusion générale

M. de Renesse. - Messieurs, n'ayant pas assisté à la séance du 17 de ce mois, par suite d'une absence que j'ai dû faire, je n'ai pu prendre part à la discussion qui a eu lieu alors, sur la question des pensions militaires, ainsi que sur celle de l'avancement au choix. Quoique d'honorables ministres, et quelques de nos honorables collègues croient que, dans ce moment, il ne faille pas soulever ces questions : « que cela ne contribuerait pas à fortifier l'esprit de discipline militaire, qu'il vaudrait mieux, d'après d'autres, de passer l'éponge sur certaines choses qu'on pourrait avoir à observer, et même à critiquer, » je ne puis aucunement partager ces avis, et je crois de mon devoir, à l'occasion du budget de la guerre, en représentant consciencieux, et en dehors de toute influence, remplir une obligation que mon mandat m'impose, en adressant à la Chambre des observations à l'égard de certains actes du département de la guerre que je ne puis approuver.

J'espère que l'on me permettra d'exprimer, en cette occasion, mon opinion sur certains faits qui motiveront mon vote négatif sur le budget de la guerre.

Je n'ai pas l'habitude de faire de l'opposition au gouvernement, et de voter contre les budgets ; il faut donc que ma conviction soit bien profonde, pour que je prenne cette grave résolution ; ce n'est pas, toutefois, sans un certain regret, que je crois actuellement devoir employer ce moyen parlementaire, pour donner une signification à ma désapprobation de la marche suivie, par le département de la guerre, pour l'avancement au choix, et de la mise prématurée à la retraite d'officiers encore valides.

Si, d'après la loi sur l'avancement des officiers, une certaine latitude doit être laissée au gouvernement, pour pouvoir conférer les grades, surtout dans les rangs supérieurs de l'armée, ce que je ne conteste nullement, on ne peut cependant supposer que le législateur ait voulu autoriser le gouvernement à commettre des injustices, des passe-droits sans nécessité aucune envers d'anciens militaires, reconnus très expérimentés par des hommes capables de les apprécier, et qui seraient encore en état de rendre de bons services au pays ; l'on ne devrait donc admettre les officiers étant en concurrence avec d'autres plus anciens, à l'avancement au choix, surtout pour les grades supérieurs et généraux, que lorsqu'ils auraient rendu réellement des services éminents au pays, pour lesquels ils n'auraient pas obtenu d'autres distinctions honorifiques, ou si ces officiers se distinguent par une aptitude militaire hors ligne, si ce sont enfin des officiers du premier choix ; alors l'opinion publique les désigne d'avance à l'avancement, et l'on n'a aucune objection sérieuse à y faire.

Agir autrement, c'est créer l'arbitraire, c'est détruire l'union si nécessaire pour une jeune armée qui n'a pas de vieilles traditions, et n'a pas encore été appelée à se mesurer avec un ennemi sérieux.

Dans l'état militaire, il faut, avant tout, observer une grande justice, en conférant les grades ; il faut une grande impartialité, il ne faut pas de favoritisme, et surtout pour l'avancement au choix, il ne faut pas froisser le sentiment de l'honneur militaire, si indispensable pour donner de la force morale et de l'union au corps d'officiers ; il faut donc être sobre de passe-droits, et, si des anciens officiers, ayant rendu de bons services au pays, sont encore en état de servir activement, et que leurs capacités aient été reconnues, il me semble qu'ils doivent avoir la préférence au choix sur les officiers moins anciens, qui ne porteraient pas d'honorables blessures reçues devant l'ennemi, et qui n'auraient pas encore assisté à de grandes guerres.

Déjà par le temps qui s'est passé depuis 1830, beaucoup d'anciens officiers ont été pensionnés, et l'armée ne compte plus guère d'officiers ayant servi du temps de l'Empire, et des premiers moments du Royaume des Pays-Bas ; je crois cependant qu'il est de l'intérêt de notre jeune et belle armée, de pouvoir conserver dans ses rangs d'anciens officiers, surtout d'un rang supérieur, ayant encore la tradition militaire de ces temps de guerre ; ils ne peuvent par leurs capacités, par leur longue expérience, que donner du relief à notre force publique.

Sous un autre rapport, en admettant trop facilement à la pension des officiers pouvant encore servir soit activement, soit dans la réserve, pour faire place à d'autres moins anciens, l'on augmente chaque année les charges de la dette publique, et les honorables MM. Van Grootven et Thiéfry ont démontré, l'autre jour, à l'évidence que là encore le gouvernement ne tenait aucun compte de l'intérêt des contribuables, et que l'on avait admis à la pension des officiers très valides, pouvant encore utilement servir le pays. Sous ce rapport, j'adhère entièrement aux observations de nos deux honorables collègues. L'honorable ministre de la guerre y a répliqué, à la vérité, que, pour la mise à la retraite des officiers, le gouvernement s'était renfermé dans la stricte légalité ; je crois devoir répondre que le département de la guerre a plutôt appliqué la loi d'après sa lettre, que d'après son esprit ; en effet, si la loi ou le règlement militaire fixe un certain âge pour l'admission à la pension, il ne s'ensuit pas qu'il faille admettre à la retraite tout officier parvenu à cet âge ; il faut, avant tout, examiner si cet ancien officier, ayant toujours honorablement servi, ne peut plus être utile à l'armée par sa vieille expérience, qui vaut presque toujours bien plus que celle d'officiers n'ayant jamais assisté à une guerre régulière, ni senti la poudre sur le champ d'une grande bataille, et, sous ce rapport, l'honorable ministre, comme un ancien et bon militaire, aurait dû chercher à maintenir dans l'armée ses anciens compagnons d'armes, dont plusieurs, mis à la retraite prématurément, auraient encore pu être utiles au pays.

Quant à l'avancement au choix, l'honorable ministre a dit qu'on en avait usé avec modération ; je dirai, quant à moi : Oui, par rapport aux anciens officiers, parce qu'on leur a donné peu d'avancement ; l'on a donc agi de modération à leur égard ; mais, il n'en est pas ainsi en faveur d'officiers moins anciens, dont plusieurs, en très peu d'années, ont passé de différents grades à un rang supérieur, tandis que l'on laisse d'anciens officiers de mérite, et très capables de servir activement, pendant 8 à 10 années, dans le même grade ; je crois donc devoir persister dans mon opinion, que l’on ne se laisse aller que trop (page 1098) souvent à certaines influences, et à des considérations de personnes, pour accorder l'avancement au choix, tout en reconnaissant que, dans les dernières promotions, quelques anciens militaires ont obtenu la récompense de leurs bons services.

Puisque, chaque année, il y a des inspecteurs généraux chargés de faire des propositions pour l'avancement des officiers, il me semble que, dans ces rapports, on pourrait, en grande partie, trouver les renseignements nécessaires pour faire l'avancement au choix ; mais il paraît que l'on s'écarte assez souvent de l'appréciation des inspecteurs généraux.

Il est même un de ces inspecteurs généraux qui a été dépassé, il n'y a pas longtemps ; cependant, il est à supposer que l'on ne désigne, en général, pour inspecteur, que celui auquel on reconnaît les capacités, les connaissances nécessaires pour inspecter les autres officiers.

Il faut donc qu'une autre influence préside à certains avancements au choix, et parvienne à faire dépasser d'anciens officiers, dont le mérite ne peut être méconnu, et qui ont été appréciés publiquement, et par écrit, par des personnes haut placées dans la hiérarchie militaire.

Si l'on en croit l'opinion publique, et à cet égard, j'ai pris des renseignements auprès d'hommes des plus honorables, non intéressés personnellement, cette influence qui existait déjà depuis quelques années avant l'avancement de l'honorable ministre actuel, doit être exercé par quelques officiers composant le corps d'état-major, de ce que l'on appelle « le parti de la jeune armée ». Ceci, du reste, est aussi connu d'autres de nos honorables collègues de la Chambre ; ces officiers cherchant naturellement à appuyer de préférence ceux qui leur sont affiliés et chaque fois que d'anciens officiers, reconnu capables, croient pouvoir atteindre cet avancement au choix, l'on s'interpose, et, ordinairement, l'officier ayant de longs et de bons services, ainsi qu'une expérience militaire incontestable à mettre dans la balance des droits est distancé ; ses anciens titres sont méconnus.

Pour donner la preuve que ce que j'avance est exact, l'on n'a qu'à prendre l'annuaire militaire ; l'on peut y voir de quelle manière se font les avancements au choix ; déjà l'honorable M. Thiéfry en a donné, dans son discours du 17 courant, des extraits qui me dispensent d'en citer d'autres ; j'en conclus notamment que si parfois, parmi les lieutenants et capitaines, il faut aller rechercher les moins anciens, même au-delà du chiffre de 200, pour faire les avancements au choix, on mécontente un grand nombre d'officiers, qui se voient ainsi dépassés, il me semble qu'ils ont une certaine raison de se plaindre, et si, parmi ces 200 officiers, il n'y en a réellement pas un certain nombre aptes à obtenir leur avancement au choix, il faudrait désespérer de la composition du corps d'officiers de notre jeune armée : ce serait la plus grande critique que l'on pourrait en faire ; il faudrait se hâter de la réformer, pour qu'en cas de danger de la patrie, elle puisse, pour le moins, après toutes les dépenses qu'elle occasionne, honorablement défendre le drapeau national.

Si j'avais cette conviction intime, que notre armée contient, actuellement un si grand nombre d'officiers incapables d'obtenir l'avancement au choix, je me rangerais immédiatement de l'opinion de plusieurs de nos honorables collègues, qui croient inutile de dépenser, chaque année, environ le tiers de nos ressources financières, pour maintenir une force militaire aussi nombreuse qui, en définitive, ne serait pas en état de défendre notre indépendance nationale ; mieux vaudrait alors se mettre entièrement sous la sauvegarde des traités qui nous garantissent notre neutralité ; mais je doute que l'on veuille respecter une nation, ne sachant supporter les charges nécessaires à une bonne et forte organisation de l'armée, et qui aurait eu la faiblesse, l'incurie de ne pas savoir former un bon cadre d'officiers au bout de 25 années de nationalité.

M. le ministre de la guerre (M. Anoul). - J'ai eu l'honneur de faire connaître tout récemment à la Chambre la marche suivie par le département de la guerre pour arriver à la désignation exacte des officiers les plus dignes d'obtenir de l'avancement au choix. Proposition du chef de corps, avis du général de brigade, opinion de l'inspecteur général, classement du comité des inspecteurs généraux : tout est consulté avec le plus grand soin, avec la plus impartiale sollicitude, pour l'exercice du droit que la loi confère au gouvernement.

Lorsqu'il s'agit des grades les plus élevés de la hiérarchie militaire, le département de la guerre a des relations plus directes avec les divers candidats, et ses moyens d'appréciation sont par là plus sûrs et infiniment plus nombreux.

Les manœuvres du camp de Beverloo, véritable simulacre des opérations de guerre, offrent d'ailleurs, sous ce rapport, la meilleure occasion que l'on puisse désirer, et le département de la guerre en profite avec soin.

Ainsi, pour l'appréciation du ministre et la désignation de l'officier au choix du Roi, les chefs, à tous les degrés de la hiérarchie, interviennent. Je ne pense pas que l'on puisse offrir plus de garanties d'impartialité, et je doute que l'on arrive jamais à mettre en pratique un système à la fois plus rationnel, plus équitable, plus conforme à l'esprit militaire, et répondant plus exactement aux nécessités de service et aux légitimes exigences de l'honneur national et de l'intérêt public.

Quant à ce que vient de dire l'honorable comte de Renesse, d'une influence qui, au détriment d'autres catégories d'olliciers, ferait donner l’avancement de préférence à ceux qui inspireraient plus de sympathie au ministre ou aux officiers généraux chargés de faire les présentations, je répondrai que rien de semblable n'existe.

Les officiers se divisent en plusieurs catégories. Le besoin qui se faisait sentir était celui d'officiers aptes au commandement des troupes.

On a reconnu que tout officier appelé au grade de lieutenant-colonel devait réunir toutes les conditions nécessaires pour suppléer immédiatement le chef de corps, et que, lorsqu'on ne suivait pas cette règle quand il s'agissait de conférer le grade intermédiaire entre celui de major et celui de colonel, on se créait de graves embarras ; c'est une position dont on a voulu sortir. Il en est de même pour les grades supérieurs. Tous les officiers sont jugés d'une manière impartiale et sans craindre de déplaire à telle ou telle personne qui pourrait porter plus d'intérêt à un officier qu'à un autre.

M. Moxhon. - Messieurs, je n'entends prendre la parole dans cette grave discussion que pour motiver mon vote.

La Belgique a un avantage considérable sur d'autres Etats de deuxième ordre, c'est qu'on ne peut, à tout événement, lui contester sa neutralité qui lui a été garantie par les traités.

Sa politique doit donc tendre uniquement à vivre en bonne harmonie avec ses voisins, à favoriser l'accroissement de sa prospérité nationale, au lieu de la frapper au cœur en accablant les citoyens d'impôts, enfin à consolider ses institutions libérales. En suivant cette politique, si jamais la patrie était en danger, le concours de tous les Belges ne lui ferait pas défaut. Dans l'état actuel des affaires du pays, les armements ne devraient pas être hors de proposition avec ses ressources ; il me semble impolitique de charger les populations d'impositions nouvelles pour se donner, sans utilité comme sans résultat, des allures guerrières.

Je regarde comme fatale au pays l'organisation d'une armée de cadre de 100,000 hommes, je regarde comme souverainement injuste l'obligation où se trouvent les miliciens de rester pendant dix ans à la disposition du ministre de la guerre.

Le budget de la guerre sera, cette année, de 40,000,000 en y comprenant les dotations, les crédits complémentaires et supplémentaires ; ce chiffre sera désormais le chiffre normal du budget de la guerre.

Dans la séance du 7 de ce mois, l'honorable baron Osy disait :

« M. le ministre des finances sera obligé de nous demander de nouvelles ressources parce que nous ne pouvons marcher de déficit en déficit. Nous avons un arriéré très considérable, nous avons en perspective des dépenses que nous devons voter les années suivantes, l'administration de la guerre aura besoin de 15,000,000 de francs. » Et plus loin, il ajoutait qu'il évaluait le déficit de l'an prochain à (erratum, page 1123) 70,000,000 de francs.

Ces paroles d'un homme aussi pratique, aussi capable qu'est l'honorable baron Osy, ont fait une profonde impression. C'est que des discours étudiés ne pouvaient réfuter l'implacable logique des chiffres.

En présence d'une telle position financière, il me semble prudent de prévoir et d'aviser à l'éventualité d'une crise financière européenne, conséquence d'une guerre éloignée, mais déplorable.

Ces considérations me forceront, quoique à regret, de voter contre le budget de la guerre, ne pouvant concourir à augmenter nos embarras financiers.

M. Lelièvre. - Messieurs, la discussion du budget de la guerre me donne occasion de présenter quelques observations sur certains points qui me paraissent mériter l'attention de M. le ministre de la guerre.

Il est essentiel d'arrêter des mesures législatives pour assurer convenablement l'exécution des obligations civiles contractées par les personnes appartenant à l'armée. La jurisprudence en vigueur décide que, dans l'état actuel des choses, les militaires ne peuvent être appelés devant le tribunal dans le ressort duquel ils tiennent garnison, parce que là ne se trouve pas leur domicile légal. En conséquence, ordinairement ils ne peuvent être assignés en matière personnelle que devant le tribunal de leur domicile d'origine. On comprend à quels inconvénients donne lieu cet ordre de choses, contraire aux principes de l'ancienne jurisprudence.

Les légitimes créanciers habitant la ville où résident les militaires en garnison sont contraints d'exercer des poursuites dans un ressort judiciaire souvent très éloigné de l'endroit où les obligations ont été contractées. Il est évident qu'une réforme de la législation sur ce point est devenue indispensable. Sa nécessité est démontrée par l'expérience qui demande qu'on revienne aux principes anciens, arrêtant un ordre de choses plus équitable et plus propre à favoriser des relations qui aujourd'hui éprouvent des entraves.

Je recommande aussi à M. le ministre de la guerre l'examen de la proposition de l'honorable M. Orts. qui demande qu'on renvoie aux tribunaux ordinaires les crimes et délits communs commis par des personnes faisant partie de l'armée.

Il est évident que de nouvelles prescriptions sont nécessaires en cette matière surtout lorsqu'il y a partie civile et qu'un individu lésé par quelque crime ou délit juge convenable de réclamer devant la juridiction répressive la réparation du préjudice qu'il a éprouvé.

Le département de la guerre se trouve vis-à-vis de certaines villes, où il existe des fortifications, dans une position qui doit être régularisée. C'est ainsi que des villes sont propriétaires de terrains militaires, à charge de mettre ceux-ci, à la première demande, à la disposition du ministre de la guerre. Récemment encore le gouvernement a été autorisé à céder semblables terrains aux villes d'Ypres, d'Ath, de Philippeville, etc.

(page 1099) J'appelle l'attention de M. le ministre de la guerre sur la nécessité d'arrêter des conventions formelles et précises qui déterminent clairement, en cette occurrence, les obligations des villes et du gouvernement. Qui devra supporter les grosses réparations et reconstructions dans le sens des art. 605, 606 et 607 du Code civil. Qui sera responsable de l'incendie des bâtiments, lorsque ceux-ci seront occupés par les troupes ? Plusieurs autres questions peuvent s'élever à raison de la nature particulière de la propriété réservée au gouvernement et de celle qui en cette occurrence est abandonnée aux villes. Je prie donc M. le ministre de ne pas perdre de vue les points importants dont le règlement préalable est nécessaire pour prévenir des contestations dont l'expérience a déjà révélé la possibilité.

Je vois avec plaisir que la position des gardes du génie a été prise en considération par le gouvernement. Je ne doute pas que la Chambre ne seconde les vues du ministère vis-à-vis d'une catégorie de fonctionnaires dignes de la bienveillance de la législature.

J'espère que M. le ministre de la guerre ne perdra pas de vue la position des médecins militaires que je lui ai souvent sigualéc. C'est là un objet qui mérite son attention spéciale.

J'espère qu'il sera un jour possible de réduire les dépenses du budget de la guerre. Dans les circonstances actuelles, je n'hésite pas à voter le chiffre proposé en engageant le ministère à ne faire que les dépenses nécessaires et à ne pas oublier qu'un budget aussi élevé n'est pas proportionné aux ressources financières du pays.

Toutefois, dans les circonstances exceptionnelles où nous nous trouvons, il ne peut s'élever dans cette Chambre aucun dissentiment sérieux et en ce qui me concerne, je donne volontiers mon adhésion au projet de loi.

M. Magherman. - Messieurs, mon intention n'est pas de rouvrir le débat qui s'est engagé tout récemment sur l'usage trop fréquent, abusif même, qu'aurait fait le gouvernement de la faculté que lui donne la loi, de mettre à la retraite les officiers qui ont atteint l'âge de 55 ans ; je me bornerai à engager M. le ministre à faire usage de cette faculté avec le plus de modération possible ; d'abord dans un but économique, dans l'intérêt du trésor ; et ensuite pour être à même de faire droit aux justes réclamations d'nne certaine catégorie d'officiers, sans imposer de nouveaux sacrifices au trésor.

Vous vous rappelez, messieurs, qu'en novembre dernier on nous a distribué une pétition de quelques officiers appartenant aux diverses armes de l'armée, qui ont répondu à l'appel fait à leur patriotisme en 1850 et 1851.

Vous vous rappelez encore, messieurs, qu'à cette époque ce n'était pas tant les soldats qui vous manquaient, que des officiers expérimentés pour discipliner et commander notre armée. On fit appel aux officiers étrangers, ainsi qu'aux anciens officiers belges qui avaient abandonné la carrière militaire ; un certain nombre d'anciens officiers qui déjà s'étaient fait une position dans la carrière civile, ont répondu à cet appel, et ont repris du service ; la plupart avaient déjà atteint un certain âge, ce qui ne leur permettait plus d'espérer que leur pension future, quand le moment du repos serait venu, pût être liquidée de manière à leur assurer une position convenable.

Aujourd hui, ces officiers sont à la veille de voir liquider leur pension de retraite et sont menacés d'être réduits à des moyens d'existence qui les mettront, non seulement dans une situation d'infériorité, peu convenable au rang qu'ils occupent dans la société, mais même dans une position voisine de l'indigence.

Il aurait été très utile que la loi sur les pensions eût pris une disposition transitoire à leur égard. Ce que la loi n'a pas fait, j'engage M. le ministre de la guerre à vouloir le faire par une disposition qu'il pourrait soumettre aux délibérations de la Chambre.

Jusqu'ici, messieurs, nous nous sommes montrés généreux envers tous ceux qui ont concouru à fonder notre nationalité. Naguère encore nous avons voté des pensions larges aux officiers que des nécessités politiques nous ont en quelque sorte obligés d'écarter de l'armée. Nous venons, dans une de nos précédentes séances, à l'occasion du budget de l'intérieur, d'améliorer la position des décorés de la croix de Fer. Ne fera-t-on rien pour les seuls officiers belges qui, pour répondre à l'appel patriotique du gouvernement, ont abandonné une carrière civile qui leur promettait peut-être un avenir beaucoup plus brillant ?

Cela ne sera pas ; et je compte sur les bons sentiments de M. le ministre de la guerre pour nous proposer une mesure propre à améliorer la situation de ces officiers. La charge qui en résultera pour le trésor public ne pourra être bien grande et ne sera que temporaire. Ces officiers sont généralement à un âge où les extinctions se succéderont assez promptement.

D'ailleurs, comme je l'ai dit en commençant, cette amélioration pourrait être obtenue sans charges pour le trésor en ménageant davantage les mises à la retraite des officiers ayant atteint l'âge de 55 ans. On obtiendrait ainsi une économie qui permettrait d'améliorer le sort des officiers dont je viens d'entretenir la Chambre.

M. de Mérode. - Messieurs, bien loin d'adhérer au sentiment de l'honorable comte de Renesse qui manifeste l'intention de voter contre le budget de la guerre parce que l'on use avec trop d'extension, selon lui, du droit de promotion au choix, je me croirais plutôt obligé de réduire ce budget, s'il était employé de manière à devenir la pâture de l'ancienneté, à laquelle je ne reconnais d'autre droit que celui qui lui est expressément attribué par le règlement légal. Si l’on suivait pour les avancements l'opinion de l'honorable représentant du Limbourg, presque aucun officier et peut-être aucun ne parviendrait au grade de général avant 60 ou 70 ans, l'homme de vigueur, de haute intelligence et de capacité distinguée ne resterait jamais longtemps dans la carrière militaire. Il se dirait à lui-même après un certain temps d'essai : Le métier n’est pas fait pour moi, il vaut mieux me livrer à autre chose.

Messieurs, j'ajouterai ce que j'ai déjà dit : nous payons pour le budget de l'année 32 millions. Non seulement nous payons une somme considérable, mais nous forçons les jeunes gens arrivés à l'âge viril à être militaires quand le sort les désigne, et par conséquent nous les obligeons à exposer leur vie pour la défense du pays.

Cela posé, que devons-nous à ces jeunes gens ? Nous leur devons un bon commandement ; nous leur devons la meilleure direction possible, et nous n'avons nullement à nous occuper de l'âge de celui qui sera appelé à les commander. Nous ne devons avoir qu'un but : c'est qu'ils soient dirigés de la manière la plus sûre pour eux et pour le pays. Toute autre considération n'est pas acceptable, et c'est surtout dans l'armée, je le répète encore, que la prime accordée à l'ancienneté est le plus nuisibles des contre-sens.

M. de Renesse. - Messieurs, malgré la réponse que vient de me faire l'honorable ministre de la guerre, et les assurances qu'il a données à la Chambre sur les garanties dont on entourait l'avancement au choix, je dois maintenir entièrement l'assertion émise par moi, qu'il existe une certaine influence qui exercerait parfois une pression sur le département de la guerre, pour l'avancement au choix de certains officiers, ayant successivement, et en peu d'années, obtenu plusieurs grades au détriment d'anciens d'officiers dout les capacités avaient cependant été reconnues soit dans les inspections, soit par les officiers supérieurs sous les commandements desquels ils se sont trouvés ; notamment au camp et, au besoin cela pourrait être prouvé par des pièces émanées de leurs commandants supérieurs. Que l'avancement au choix n'ait pas toujours été heureux, je pourrais citer l'exemple, qu'il y a quelques années, l'on avait fait passer au choix, je pense, dix majors au grade de lieutenant-colonel ; lorsque, par après, l'on a eu besoin de nommer plusieurs colonels, il n'y a eu que deux de ces lieutenants-colonels, réunissant les conditions voulues pour être chefs de corps, et cependant les autres majors avaient été avancés au choix, probablement contrairement à l'avis de MM. les inspecteurs généraux.

L'on pourrait encore citer l'exemple d'officiers avancés au choix qui n'avaient pas été appuyés par les inspecteurs généraux. Que cette influence existe, cela est réellement connu dans l'armée ; par les longues et bonnes relations que j'ai avec un certain nombre d'officiers de tout rang, j'ai pu me convaincre que les avancements au choix ne sont pas toujours basés sur le besoin réel de l'année, mais que des considérations de personnes n'avaient que trop souvent prévalu.

C'est donc contre les nominations par pure faveur, que je crois devoir m'élever en votant contre le budget de la guerre.

Pour répondre à l'honorable comte de Mérode, je pense qu'il a mal saisi les quelques observations que j'ai présentées à l'égard de l'avancement au choix ; je n'ai pas prétendu que l'on doive donner tout l'avancement au choix aux anciens officiers de l'armée, mais j'ai positivement énoncé qu'à mérite égal, ils devraient obtenir la préférence sur le officiers moins anciens qui n'auraient pas rendu les mêmes services au pays. Je n'ai pas voulu que l'on donne l'avancement au choix à l'ancienneté seule, si, en même temps, ces officiers n'avaient pas les capacités nécessaires pour prétendre à cet avancement.

M. Thiéfry. - Il s'agissait, vendredi dernier, de la cause de l'augmentation du chiffre des pensions militaires. Je l'ai attribuée au défaut de placement dans la réserve d'officiers capables encore de servir, au mode d'avancement et à la mise à la retraite des généraux très valides. Je pensais la discussion terminée et je ne comptais plus prendre la parole. Mais j'ai entendu soutenir contre l'ancienneté des officiers une thèse que je dois combattre.

Quant à la réserve, l'honorable ministre des affaires étrangères nous a déclaré que l'on s'en occupait très sérieusement.

A propos de la mise à la retraite des généraux, on a dit que l'on avait suivi, en règle générale, l'échelle d'âge adoptée par la section centrale de 1845. C'est une erreur, puisque dans les 30 généraux qui ont été pensionnés depuis six ans, il en est dix, à ma connaissance, qui, quoique très valides, n'avaient pas atteint cette limite : il en est de même dans les autres grades.

Messieurs, je n'ai pas hésité à dire ma pensée sur le mode d'avancement, parce que faire ressortir les abus, c'est presque les redresser, et malgré tout ce qu'on a dit contre les droits de l'ancienneté, je maintiens mes observations comme justes, comme très fondées. Et ne pensez pas, messieurs, que je sois ici l'écho des plaintes des officiers qui ont été passés. Non, je ne fais que répéter le raisonnement que j'ai entendu de la part d'officiers supérieurs en activité.

Le mérite de ceux qui obtiennent de l'avancement au choix est très souvent contesté, non par ceux qui sont passés, mais par d'autres ; on dit, et les preuves ne manquent pas : Tel ou tel a reçu de l'avancement, parce qu'il était près du soleil. Et pour qu'on n'interprète pas mal mes paroles, je dirai qu'en Belgique comme dans le ciel, il y a beaucoup de soleils. A entendre l'honorable comte de Mérode et l'honorable M. Devaux, l'avancement tout entier devrait avoir lieu au choix.

M. Devaux. - J’ai dit tout le contraire.

M. Thiéfry. - Je pense que vous avez même fait ressortir combien les officiers anciens étaient capables de peu de chose.

(page 1100) M. Devaux. - C'est une erreur de fait.

M. Thiéfry. - Je suis content d'apprendre que vous accordez quelque chose à l'ancienneté, mais l'honorable comte de Mérode n'en disait pas autant tout à l'heure.

M. de Mérode. - J'accorde tout ce qui est légal à l'ancienneté.

M. Thiéfry. - Mais il ne suffît pas d'avoir le droit de faire un choix ; il faut en user dans certaines limites, et c'est la manière dont on fait usage de la loi que nous avons critiquée.

Messieurs, on a souvent invoqué dans cette enceinte le nom du grand Frédéric ; eh bien, ce guerrier célèbre disait qu'une armée sans passe-droit en valait deux. Le général Paixhans, officier d'un grand mérite, allait plus loin encore. Une armée où il y a des passe-droits, disait-il, cesse bientôt d'être une armée ; quand j'ai plaidé la cause de l'ancienneté, je n'ai fait qu'admettre le principe que l'on a adopté dans toutes les autres armées.

Nous ne devons certainement pas avoir la prétention de savoir mieux organiser une armée que les autres puissances. Voyons donc comment a lieu l'avancement ? Pour les grades subalternes, d'abord, en Autriche, en Prusse, en Bavière, dans le Hanovre, en Saxe, dans le Wurtemberg et encore ailleurs, il a lieu uniquement par rang d'ancienneté. En France, les deux tiers de ces grades sont donnés à l'ancienneté et le tiers au choix ; en Hollande, les deux tiers sont donnés également à l'ancienneté et le tiers au choix, et pour le choix on a toujours égard à l'ancienneté.

En Belgique, nous avons la moitié au choix et la moitié à l'ancienneté ; ainsi la proportion est moindre en Belgique que partout ailleurs, et j'ajouterai même que, pour le choix, on s'éloigne toujours considérablement de l'ancienneté.

La totalité des emplois supérieurs est donnée partout au choix, sauf en France, où la moitié est accordée au choix et la moitié à l'ancienneté et dans tous les pays on a néanmoins égard à l'ancienneté. Dans le Danemark, messieurs, on a un tel égard pour l'ancienneté que lorsqu'un officier a été passé, s'il est mis à la retraite, il a droit à la pension du grade supérieur.

Ainsi, messieurs, vous voyez que quand je réclame au nom de l'ancienneté je ne fais que demander l'application en Belgique du principe qu'on a adopté pour l'organisation de toutes les armées.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Il me semblait, messieurs, que la question qui nous occupe avait été vidée dans une des dernières séances et que tout ce que nous disons maintenant n'était qu'une faible repétition de ce que nous avons dit précédemment. L'absence de l'honorable M. de Renesse explique seule l'opposition qu'il fait au budget de la guerre en se fondant sur ce que de prétendus actes de partialité auraient été commis. Le gouvernement repousse de toutes ses forces cette accusation. Quel but pourrait-il avoir ? Peut-on supposer que le ministre de la guerre veuille sacrifier les intérêts du pays à une sotte camaraderie ? On dit que la manière dont s'accordent les grades est de nature à jeter le découragement dans l'armée.

Eh bien, je n'hésite pas à déclarer que si quelque chose est de nature à jeter du découragement dans l'armée, ce sont des discussions qui tendraient à faire croire aux officiers que ce n'est pas la justice qui guide le gouvernement, mais que ce sont des considérations personnelles.

L'honorable M. Thiéfry vient de dire qu'il y a des armées où tout l'avancement se donne à l'ancienneté ; oui, messieurs, il y a des armées où tout se donne à l'ancienneté jusqu'à un certain grade ; la même législation existait en Hollande.

Eh bien, l'honorable membre doit savoir mieux que personne à quelle 'anomalies ou arrive avec ce système. Qu'il me permette de citer sa propre personne : il a servi peut-être dix ans dans un grade où, certes, il ne serait pas resté, avec les connaissances qu'il possède, si l'avancement avait pu se donner au choix. Jusqu'au moment de la révolution, tout était accordé à l'ancienneté ; qu'en est-il résulté ? C'est que l'honorable membre a végété dans le grade de lieutenant, malgré ses neuf années de services. Voilà les anomalies auxquelles on arrive avec une législation qui accorde tout à l'ancienneté.

Je le répète, messieurs, tout ce que l'on pourrait dire aujourd'hui ne serait que la répétition de ce que l'honorable M. Devaux a dit dans l'avant-dernière séance. Le système de l'ancienneté, c'est le système de la paresse ; un ministre peut dormir sur les deux oreilles, il peut être certain qu'il ne sera exposé à aucun reproche de la part de ses camarades ; dans ce système il suffit de consulter l'almanach et les dates des naissances, et d'élever les officiers à mesure qu'ils sont plus âgés que ceux qui occupent le même rang. Eh bien, ce système conduit à une armée déplorable dans les grades supérieurs ; je ne crois pas que ce soit à ce résultat qu'on veuille aboutir. Quant à moi, je m'applaudis de ce que M. le ministre de la guerre continue à suivre le système qui a été suivi par tous ses prédécesseurs.

M. le ministre de la guerre (M. Anoul). - Je demanderai à l'honorable M. de Renesse à quel ministère s'adressent les reproches qu'il articule contre le département de la guerre.

M. de Renesse. - Pour répondre à l'interpellation de M. le ministre de la guerre, je dois lui faire observer que dans la réplique faite à son discours, j'ai formellement dit que les quelques majors dont j'ai parlé avaient été nommés il y a quelques années, par conséquent avant son avènement au ministère ; je les ai cités pour prouver que le choix n'est pas toujours judicieux, que l'on n'avait pas eu la main heureuse.

M. Devaux. - Messieurs, j'ai peu à ajouter à ce que j'avais dit dans la séance de vendredi dernier. Si j'ai demandé la parole, c'est parce que la mémoire de l'honorable M. Thiéfry l'a mal servi et qu'il a reproduit inexactement mes idées.

Quoique la reconnaissance du droit de l'ancienneté soit une concession faite à l'intérêt privé des officiers, j'ai reconnu que cette concession il était sage de la faire dans une certaine mesure. C'est ce que la loi a fait, et je blâmerais le gouvernement s'il y contrevenait sous ce rapport. Mais, à côté de la nomination à l'ancienneté, la loi consacre aussi la nomination au choix. Je demande qu'à cet égard elle soit également respectée, c'est-à dire que ce choix reste libre de ne suivre d'autres règles que l'avancement des plus aptes.

Je ne m'oppose pas même à ce que, dans quelques nominations au choix, on ait encore un certain égard à l'ancienneté, pourvu que dans d'autres la considération de l'aptitude l'emporte seule. L'honorable M. Thiéfry tend, au contraire, à exclure la promotion des plus capables.

Le sens qu'il donne au mot passe-droit irait jusque-là. Je ne veux pas plus de passe-droit que lui. Mais qu'est-ce qu'un passe-droit ? C'est la violation d'un droit. Il ne faut pas raisonner comme si le droit de l'ancienneté était le seul que la loi reconnût. Là où le gouvernement a le droit de nommer au choix, il n'y a pas de passe-droit quand il préfère le plus capable au plus ancien ; il n'y aurait de passe-droit que s'il préférait le moins apte au plus apte. Si des idées contraires existaient dans l'armée, il faudrait tâcher de les détruire.

Il ne faut pas perdre de vue que si l'âge augmente l'expérience, il affaiblit presque toujours une qualité indispensable aux commandements militaires, la vigueur de l'esprit et du corps. C'est par la voie des nominations au choix que le gouvernement peut et doit faire arriver aux grades supérieurs des officiers qui soient encore dans la force de l'âge et qui n'y arriveraient pas par la voie trop lente de l'ancienneté.

Il n'est pas nécessaire sans doute que tous les officiers supérieurs soient dans cette heureuse condition d'âge, mais il faut au moins qu'il y en ait quelques-uns.

Je ne demande pas qu'on exclue des hauts grades les Radelzki, les Napier, les Paskewitsch ; mais on voudra bien se rappeler aussi que les plus illustres chefs d'armée se sont couverts de gloire à un âge beaucoup moins avancé ; qu'Alexandre, César, Annibal et Napoléon sont morts avant l'âge où l'ancienneté les aurait portés au commandement en chef de leurs armées.

M. Dumon, rapporteur. - Messieurs, après tout ce qui vient d'être dit, la question me paraît à peu près épuisée. Il reste démontré que la loi fonctionnant en Belgique, laisse à M. le ministre de la guerre une latitude suffisante pour que l'armée ait à sa tête des chefs présentant toutes les garanties. M. le ministre peut ainsi donner un avancement convenable à des officiers jeunes, actifs et intelligents, pour qu'on ait aussi des hommes capables d'exercer le commandement avec toute la vigueur et l'énergie qu'on doit attendre d'un chef de corps.

Ainsi, dans un pareil système, on a la faculté d'admettre dans les grades subalternes un certain nombre d'officiers au choix ; et d'un autre côté une part suffisante est laissée à l'ancienneté, de sorte que tous les officiers sont assurés à leur tour d'arriver au grade de capitaine.

Mais pour les grades qui exigent des capacités beaucoup plus grandes, des connaissances beaucoup plus variées, une présence d'esprit à toute épreuve, une vigueur de corps et de caractère énergique, là le gouvernement a toute sa latitude.

Pour les grades supérieurs, la liberté de choisir est donc illimitée. Mais il y a des garanties dont le gouvernement doit s'entourer pour être certain que cette faculté du choix sera exercée pour le bien de l'armée. Or je crois que tous les ministres de la guerre se sont entourés à cet égard de toutes les garanties convenables. Il doit en être de même des autres chefs des départements ministériels qui ont à faire des nominations au choix.

M. le ministre de la guerre a expliqué, dans une séance précédente, les garanties dont il s'entoure avant de procéder aux nominations ; il prend d'abord l'avis des chefs de corps qui font les présentations pour les grades inférieurs ; quand il s'agit des grades supérieurs, on consulte les généraux de brigade et les généraux de division ; les inspecteurs généraux donnent ensuite leur avis ; dans les manœuvres du camp et dans les grandes réunions de troupes, les chefs de corps et les officiers ont occasion de manœuvrer devant le ministre, qui peut alors les apprécier par lui-même.

(page 1101) Chaque fois qu'il y a des nominations à faire, le comité des inspecteurs généraux des différentes armes se réunit et fait un travail complet, pour éclairer le ministre sur le mérite des officiers proposés ; il examine les propositions faites par les chefs de corps et les généraux ; une liste est dressée sur laquelle sont mentionnés les titres de chaque candidat ; si des candidats capables avaient été passés, les inspecteurs porteraient d'office sur la liste les officiers indûment exclus. Ces propositions avec les pièces à l'appui sont soumises au ministre, mais quand il s'agit de faire les choix, le ministre reste complètement libre ; car représentant le Roi, chef de l'armée, il conserve toute la responsabilité du bon commandement ; mais je crois pouvoir affirmer que ce travail du comité a toujours été suivi jusqu'ici presque sans exception.

Voilà ce que je voulais dire pour désabuser ceux qui pourraient croire que la faveur et la proximité des rayons du soleil sont pour quelque chose dans l'armée belge pour obtenir les grades supérieurs.

- La discussion générale est close.

Projet de loi approuvant les conventions commerciale et littéraire ainsi que le traité de commerce, conclus entre la Belgique et la France

Rapport de la section centrale

M. de Haerne. - J'ai l'honneur dé déposer le rapport de la section centrale qui a examiné les conventions conclues avec la France.

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

M. de Perceval. - Quand pourra-t-il être distribué ?

M. de Haerne, rapporteur. - Je ne pense pas qu'il puisse l'être avant vendredi.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Il serait désirable que ce projet pût être discuté le plus tôt possible ; le rapport pourra être imprimé et distribué pour vendredi ; la discussion pourrait être fixée au commencement de la semaine prochaine.

- Plusieurs voix. - A lundi !

- D’autres voix. - A mardi !

- La Chambre, consultée, fixe la discussion à mardi.

Projet de loi portant le budget du ministère des finances de l’exercice 1855

Rapport de la section centrale

M. T’Kint de Naeyer. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le budget des finances pour l'exercice 1855.

- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du ministère de la guerre de l’exercice 1855

Discussion du tableau des crédits

Chapitre premier. Administration centrale

Articles 1 à 5

« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000. »

- Adopté.


« Art. 2. Traitement des employés civils.

« Charge ordinaire : fr. 145,000.

« Charge extraordinaire : fr. 6,000. »

- Adopté.


« Art. 3. Supplément aux officiers et sous-officiers employés au département de la guerre : fr. 14,000. »

- Adopté.


« Art. 4. Matériel : fr. 40,000 »

-r Adopté.


« Art. 5. Dépôt de la guerre.

« Charge ordinaire : fr. 19,000. »

« Charge extraordinaire : fr. 10,000. »

- Adopté.

Chapitre II. Etats-majors

Articles 6 à 8

« Art. 6. Traitement de l'état-major général : fr. 769,921 60. »

- Adopté.


« Art. 7. Traitement de l'état-major des provinces et des places.

« Charge ordinaire : fr. 287,287 95.

« Charge extraordinaire : fr. 11,641 50. »

- Adopté.


« Art. 8. Traitement du service de l'intendance : fr. 150,729 75. »

- Adopté.

Chapitre III. Service de santé des hôpitaux

Articles 9 à 11

« Art. 9. Traitement du service de santé des hôpitaux : fr. 207,169 62. »

- Adopté.


« Art. 10. Nourriture et habillement des malades ; entretien des hôpitaux : fr. 632,192. »

- Adopté.


« Art. 11. Service pharmaceutique : fr. 100,000. »

- Adopté.

Chapitre IV. Solde des troupes

Articles 12 à 16

« Art. 12. Traitement et solde de l'infanterie : fr. 11,830,000.

« Les crédits qui resteront disponibles à la fin de l'exercice sur les chapitres II, III, IV et VIII, concernant le Personnel, pourront être réunis et transférés, par des arrêtés royaux, à la solde et autres allocations de l'infanterie, ce qui permettra le rappel sous les armes, pendant un temps déterminé, d'une ou de deux classes de miliciens qui appartiennent à la réserve. »

- Adopté.


« Art. 13. Traitement et solde de la cavalerie : fr. 3,565,000. »

- Adopté.


« Art. 14. Traitement et solde de l'artillerie : fr. 2,950,000. »

- Adopté.


« Art. 15. Traitement et solde du génie : fr. 793,000. »

- Adopté.


« Art. 16. Traitement et solde des compagnies d'administration : fr. 250,000.

« Les hommes momentanément en subsistance près d'un régiment d'une autre arme compteront, pour toutes leurs allocations, au corps où ils se trouvent en subsistance. »

- Adopté.

Chapitre V. Ecole militaire

Articles 17 et 18

« Art. 17. Etat-major, corps enseignant et solde des élèves : fr. 169,755 23. »

- Adopté.


« Art. 18. Dépenses d'administration : fr. 25,944 77. »

- Adopté.

Chapitre VI. Etablissements et matériel de l’artillerie

Articles 19 et 20

« Art. 19. Traitement du personnel des établissements : fr. 37,000. »

- Adopté.


« Art. 20. Matériel de l'artillerie : fr. 763,000. »

Chapitre VII. Matériel du génie

Article 21

« Art. 21. Matériel du génie : fr. 700,000. »

M. Osy. - Je demanderai à M. le ministre si nous pouvons espérer de voir présenter, dans la session actuelle, le projet de loi sur les servitudes militaires ; je sais qu'on ne pourra pas s'en occuper dans la session actuelle ; mais Anvers est préoccupé de cette question. Il serait à désirer que, dans l'intervalle des deux sessions, on pût connaître l'opinion du gouvernement sur cette grave question. Lors de la discussion du dernier budget, M. le ministre a promis de présenter un projet de loi dans la session actuelle.

M. le ministre des finances a pris aussi cet engagement au nom du gouvernement ; je demanderai si on peut espérer que cette promesse se réalisera dans la présente session ?

M. le ministre de la guerre (M. Anoul). - Je recommanderai ce projet à la sollicitude de mes honorables collègues des départements de la justice et des travaux publics, afin d'arriver à une prompte solution de la question soulevée par l'honorable baron Osy.

M. Osy. - C'est la même promesse que l'on nous faisait l'année dernière. Mais, depuis lors, est survenu à Anvers un événement considérable : c'est la défense de construire dans le rayon des forts ; de manière que, comme l'a dit l'honorable M. Lelièvre, tout est dans le vague, et l'on ne sait à quoi s'en tenir. J'engage donc le gouvernement à hâter la présentation de ce projet de loi ; car on est fortement préoccupé de cette affaire à Anvers. Au premier jour, on sera saisi d'une notice et d'une pétition ; il serait convenable que l'on eût une décision le plus tôt possible.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - La Chambre ne se plaindra certainement pas de ne pas avoir assez de grands travaux législatifs ; toutefois, malgré le grand nombre de projets de loi soumis à sa délibération, je veux bien insister auprès de mes collègues pour qu'ils (page 1102) hâtent le dépôt du travail que demande l’honorable M. Osy. Je sais que l’on s'en occupe activement ; mais je ne puis indiquer le jour où il sera possible de faire ce dépôt.

M. Lelièvre. - Je vois avec satisfaction que le gouvernement s'occupe sérieusement du projet sur les servitudes militaires. Je l'engage à en hâter le dépôt le plus tôt possible. Toutefois, je ne me dissimule pas les difficultés sérieuses que présente semblable projet, si l’on veut réviser convenablement la législation antérieure et adopter un système plus équitable, propre à garantir les intérêts importants agités en semblable matière. Je préfère donc que le gouvernement étudie avec attention les questions que le projet doit soulever et les résolve de manière à faire disparaître les vices du système actuel. Je l'engage du reste à apporter à cet examen l'activité convenable.

- L'article 21 est adopté.

Chapitre VIII. Pain, fourrages et autres allocations

Articles 22 à 28

« Art. 22. Pain : fr. 1,911,062 24. »

- Adopté.


« Art. 23. Fourrages en nature : fr. 3,017,000. »

- Adopté.


« Art. 24. Casernement des hommes : fr. 737,000. »

- Adopté.


« Art. 25. Renouvellement de la buffleterie et du harnachement : fr. 100,000. »

- Adopté.


« Art. 26. Frais de route et de séjour des officiers : fr. 85,000. »

- Adopté.


« Art. 27. Transports généraux : fr. 60,000. »

- Adopté.


« Art. 28. Chauffage et éclairage des corps de garde : fr. 50,000. »

- Adopté.

Article 29

« Art. 29. Remonte : fr. 494,110. »

M. Thiéfry. - Je lis dans le rapport de la section centrale :

« La troisième section appelle l'attention sur les frais qui résultent de la mortalité qu'on remarque chaque année dans les chevaux de remonte, n'y aurait-il pas lieu de créer uu dépôt de remonte au camp de Beverloo ? »

M. le ministre a répondu que l'on n'a pas constaté une mortalité extraordinaire dans les chevaux de remonte ; je n'en dirai rien, car je n'ai pas à ce sujet des renseignements assez précis. M. le ministre a ajouté :

« Quant à créer un dépôt de remonte, au camp de Beverloo ou ailleurs, on ne saurait y songer avec les effectifs restreints du pied de paix. En effet chaque escadron ne compte que 115 chevaux, effectif nécessaire pour les manœuvres. Si on en retranchait un certain nombre de chevaux pour constituer un dépôt de remonte, non seulement on entraverait l'instruction, mais on paralyserait éventuellement l'action de la cavalerie. »

Dans la discussion que nous avons eue sur le haras, j'ai parlé d'un dépôt de remonte sans que jamais il soit entré dans ma pensée d'y réunir les chevaux que l'on achète aujourd'hui pour la remonte de la cavalerie ; j'ignore même si un semblable établissement existe quelque part.

Je suis d'autant plus obligé de m'expliquer à ce sujet que l'honorable M. de Naeyer s'écriait alors : Est-ce bien l'armée qui proclame la nécessité de produire dans le pays les chevaux nécessaires à la remonte de la cavalerie ?

J'entends par dépôt de remonte un établissement où l'on élèverait des poulains jusqu'au moment où ils pourraient entrer dans les escadrons, l'effectif des escadrons n'en serait par conséquent nullement affaibli.

J'ai cité le camp de Beverloo comme un endroit favorable parce qu'il y a de bonnes prairies et de vastes écuries, qui sont vides pendant 8 mois de l'année. Le personnel, tant pour la direction du dépôt que pour soigner les chevaux, peut, sans inconvénient, être détaché des régiments ; il n'exigerait ainsi aucun surcroît de dépenses. Le dépôt de remonte n'aurait à supporter que les frais d'acquisition et de la nourriture des poulains. Et, comme compensation, le département de la guerre ne devrait rien payer pour la remonte de la cavalerie. La différence entre la dépense actuelle et ce que coûterait l'exécution de ce projet ne saurait être bien forte. Les avantages, au contraire, sont inappréciables, on compléterait facilement l'effectif des régiments, on pourrait se servir immédiatement des chevaux, tandis qu'en les achetant en pays étranger, il faut 6 mois pour les dresser.

L'utilité d'un dépôt de remonte a été constatée en 1843 par toute une commission, dans laquelle le département de la guerre était représenté par l'inspecteur général de la cavalerie, l'inspecteur du service vétérinaire, un colonel d'artillerie et le colonel de la gendarmerie.

Pour en justifier les avantages j'ai dit plusieurs fois dans cette enceinte que l'on éprouverait de bien grandes difficultés à se procurer des chevaux s'il y avait la moindre apparence de guerre. Eh bien, un ancien ministre, au sein de la grande commission mixte, a confirmé ce que je n'ai avancé ici qu'en me basant sur l'appréciation des choses, sans avoir eu connaissance de toutes les expériences faites, et pourtant ces expériences avaient eu lieu en 1839, 1848 et 1852, et c'est un ancien ministre de la guerre qui l'a déclaré.

La meilleure preuve qu'un dépôt de remonte est d'une absolue nécessité, c'est qu'on en a établi partout, et que dans tous les pays les résultats ont été avantageux. En Prusse, et ici je réponds encore à M. de Naeyer, en Prusse, dis-je, il n'y en avait pas sous le grand Frédéric, on prenait en Russie tous les chevaux nécessaires à l'armée. Le grand Frédéric s'est trouvé dans le même embarras que la Belgique en 1848 et en 1852. La Russie lui a laissé faire ses achats,puis elle a défendu la sortie des chevaux : il a fallu 6 mois de négociations diplomatiques, et le versement d'une somme au trésor russe pour lever cette défense, et l'année même de la mort du grand Frédéric la Prusse a créé 3 grands établissements à Neustadt, Trakenen et Trirdorf ; depuis 1819 elle a pu trouver toutes ses remontes dans son propre pays.

Personne ne peut contester, et j'appelle ici l'attention de la chambre, que dans l'espace de 13 années, la Belgique s'est trouvée 3 fois dans l'impossibilité de se procurer les chevaux nécessaires à l'armée ; j'ai signalé le mal, et indiqué le remède ; si quelqu'un connaît un meilleur moyen, qu'il le propose, je l'appuierai.

M. le ministre de la guerre (M. Anoul). - La question des dépôts de remonte dépendants de l'administration de la guerre a fait l'objet d'un examen spécial de la part de cette administration. Si d'un côté la création des dépôts dont il s'agit, considérée au point de vue militaire, tend à rendre plus facile le passage du pied de paix au pied de guerre, de l'autre, elle doit nécessairement donner lieu à des dépenses fortes et soutenues sans satisfaire entièrement tous les vœux de l'agriculture.

L'honorable M. Thiéfry vous a dit, lors de la discussion du budget de l'intérieur, qu'en n'employant dans ces dépôts que des militaires, le personnel ne coûterait rien.

C'est à peu près, messieurs, le raisonnement qu'on avait fait pour l'école d'équitation, ce qui n'a pas empêché la commission mixte, dont l'honorable membre faisait partie, d'en voter à l'unanimité la suppression.

L'inconvénient de ces institutions, quelque utiles qu'elles puissent être à certains points de vue, est d'énerver les corps en leur enlevant leurs officiers, leurs sous-officiers et leurs cavaliers et parfois aussi en obérant les masses sans avantage direct pour le régiment qui le subit.

Dans mon opinion on ne peut, en aucun cas,s onger à la création d'un haras militaire et de dépôts de remonte, qu'en y affectant des ressources propres.

J'entends par là les crédits nécessaires au traitement des officiers et à la solde des sous-officiers et cavaliers, en même temps que toutes les autres dépenses auxquelles les institutions de cette espèce peuvent donner lieu. Et encore faudrait-il être résolu à le faire d'une manière bien soutenue, car sans persévérance, il serait impossible d'arriver à un résultat de quelque utilité.

En tout état de cause, l'innovation dont il s'agit n'est pas dans les vœux du département de la guerre, parce qu'elle tend à faire paraître plus élevé le véritable budget de ce département et à compromettre ainsi la stabilité de notre établissement militaire.

M. Thiéfry. - Je ne comprends pas comment M. le ministre de la guerre est opposé à l'établissement d'un dépôt de remonte uniquement parce que cela augmenterait son budget qui est déjà de 32 millions. M. le ministre reconnaît que ce dépôt serait d'une très grande utilité pour passer au pied de guerre. Cette seule raison est à mes yeux suffisante pour légitimer la dépense qui ne serait pas beaucoup plus considérable qu'aujourd'hui ; le personnel ne coûterait rien.

L'officier qui dirigerait le dépôt de remonte, ainsi que les soldats qui y seraient détachés n'auraient pas d'augmentation de solde, et le résultat que l’on obtiendrait serait immense ; car, quand le moment serait venu de mettre la cavalerie en campagne, on aurait plus de chevaux et on s'en servirait plus tôt ; on a fait une triste expérience en 1839, en 1848 et en 1852. Il faut éviter de tomber dans le même embarras.

J'ajouterai que l'école d'équitation a été supprimée parce que les résultats obtenus n'ont pas répondu à l'attente.

M. Dumon, rapporteur. - La question soulevée en ce moment a également été discutée en section centrale, mais en d'autres termes. Une section avait émis l'idée qu'il serait utile de réunir tous les chevaux de remonte au camp de Beverloo pour les dresser, pendant quelque temps, au régime militaire. Les renseignements qui ont été fournis par le département de la guerre ont démontré que les chiffres que l'on avait avancés quant à la mortalité des jeunes chevaux n'étaient pas exacts. Il paraît qu'ils sont soumis dans les régiments à des soins particuliers, que l'on procède à leur dressage avec tous les ménagements qui sont nécessaires pour que leur santé ne soit pas altérée, et que la mortalité n'existe pas plus particulièrement dans les chevaux de remonte que dans les anciens chevaux.

L'honorable M. Thiéfry entend le dépôt de remonte d'une autre manière. Il voudrait que la Belgique cessât d'être tributaire de l'étranger pour la remonte de sa cavalerie ; il voudrait que, par des mesures prises en temps de paix, on se réservât des facilités pour compléter l'effectif au moment du danger. Pour cela, il pense que le gouvernement devrait, en temps de paix, acheter de jeunes poulains, qui seraient élevés au dépôt de remonte, lequel serait placé, je suppose, au camp de Beverloo. Mais il y a une difficulté qui me paraît assez grande. La Belgique ne trouve pas, au moment du danger les chevaux dont elle a besoin pour remonter sa cavalerie, comment les trouvera-t-elle pour peupler son dépôt ?

(page 1103) L'honorable M. Thiéfry pense que, ne trouvant pas de chevaux, il lui serait facile de trouver des poulains. Je ne comprends pas comment ce serait possible. S'il s'agissait de primes pour favoriser l'élève du cheval, il y aurait augmentation de production. Mais je ne comprends pas le système, sans l'encouragement à la production.

Je suppose qu'à force de soins on parvienne à acheter des poulains, il y aurait immédiatement des frais considérables, car il faudrait acheter les poulains qui seraient nécessaires pour la remonte de plusieurs années, former le personnel, approprier les bâtiments. Il faudrait supposer que l'Etat ferait élever ces poulains mieux et à des conditions plus favorables que les cultivateurs.

Or la Chambre n'est pas disposée à croire que le gouvernement fasse mieux et à meilleur marché que l'industrie privée.

Il est probable, au contraire, qu'il en coûterait plus cher au pays, si le gouvernement achetait des chevaux de deux ans et s'il consacrait trois ans à les mettre en état d'être employés dans l'escadron. Ces chevaux achetés même à des prix avantageux reviendraient au moins à 1,500 francs, après avoir été nourris, soignés et dressés, pendant trois ans, aux frais du gouvernement.

Par ces motifs, je n'oserais engager le gouvernement à entrer dans la voie qui lui est conseillée par l'honorable M. Thiéfry.

M. Thiéfry. - Je me bornerai à demander à l'honorable rapporteur, qui ne comprend pas comment nous trouverions plus de chevaux dans le pays avec un dépôt de remonte et qui ne conteste pas l'embarras où nous nous sommes trouvés à trois époques déterminées. Je lui demanderai à lui, militaire, comment il se fait qu'il maintienne les cadres des corps que l'on ne peut compléter au moment du danger.

- L'article 29 est adopté.

Chapitre IX. Traitements divers et honoraires

Articles 30 et 31

« Art. 30. Traitements divers et honoraires.

« Charge ordinaire : fr. 155,926 20.

« Charge extraordinaire : fr. 773 80. »

- Adopté.


« Art. 31. Frais de représentation : fr. 30,000. »

- Adopté.

Chapitre X. Pensions et secours

Article 32

« Art. 32. Pensions et secours.

« Charge ordinaire : fr. 59,000.

« Charge extraordinaire : fr. 8,185 18. »

- Adopté.

Chapitre XI. Dépenses imprévues

Article 33

« Art. 33. Dépenses imprévues : fr. 98,300 16.

« La partie disponible du crédit porté à l'article 33 pourra être transférée, par des arrêtés royaux, à d'autres articles du même budget, si des circonstances éventuelles rendaient insuffisants les crédits alloués pour ceux-ci. »

- Adopté.

Chapitre XII. Gendarmerie

Article 34

« Art. 34 Traitement et solde de la gendarmerie : fr. 1,835,000. »

- Adopté.

Vote de l'article unique et sur l’ensemble du projet

L'article unique du projet est ainsi conçu :

« Article unique. Le budget du ministère de la guerre est fixé, pour l'exercice 1855, à la somme de trente-deux millions cent trente-neuf mille francs (32,139,000 fr.), conformément au tableau ci-annexé. »

- Cet article est adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du budget.

69 membres répondent à l'appel nominal.

54 membres votent pour le budget.

9 membres votent contre.

6 membres s'abstiennent.

En conséquence le budget est adopté ; il sera transmis au Sénat.

Ont voté l'adoption : MM. Magherman, Mascart, Mercier, Moncheur, Orban, Osy, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Roussel (A.), Rousselle (Ch.), Thibaut, T'Kint de Naeyer, Van Iseghem, Van Overloop, Verhaegen, Vermeire, Veydt, Visart, Allard, Ansiau, Anspach, Boulez, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, de Baillet (H.), de Baillet-Latour, de Brouwer de Hogendorp, de Mérode (F.), de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs, de Portemont, Dequesne, de Royer, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, Devaux, de Wouters, d'Hoffschmidt, Dumon, Dumortier, Jacques, Landeloos, Lange, Lebeau, Lelièvre, Loos et Maertens.

Ont voté le rejet : MM. Moxhon, Vandenpeereboom (E.), Vander Donckt, Van Renynghe, Clep, David, de Renesse, Lejeune et Lesoinne.

Se sont abstenus : MM. Moreau, Pierre, Thiéfry, Closset, de Bronckart et Delfosse.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Moreau. - Je n'ai pas voté contre le budget de la guerre parce qu'il est dressé en conformité de la loi d'organisation de l'armée.

D'un autre côté, comme je n'ai pas donné mon assentiment à cette dernière loi, je n'ai pu non plus le donner au budget.

M. Pierre. - Je me suis abstenu pour les motifs que j'ai indiqués précédemment. La Chambre les connaît ; je crois inutile de les reproduire.

M. Thiéfry. - J'ai souvent fait connaître les motifs de mon abstention.

M. Closset.. - Je n'ai pas voté pour le budget de la guerre, parce que je ne puis admettre une dépense qui menace sérieusement l'avenir financier du pays. Je n'ai pas voté contre, parce que ce budget est l'exécution d'une loi qui est trop récente pour que je puisse en espérer le retrait.

M. de Bronckart. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que l'honorable M. Moreau.

M. Delfosse. - Je me suis abstenu pour les motifs que j'ai fait connaître lors du vote du budget de la guerre pour l'exercice 1854.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des travaux publics

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Le Roi m'a chargé de vous présenter un projet de loi destiné à accorder au département des travaux publics un crédit supplémentaire de 1,500,000 fr. pour couvrir l'insuffisance de certaines allocations du budget de 1853.

Ce crédit supplémentaire avait été prévu dans la situation du trésor qui vous a été distribué au mois de décembre dernier ; en conséquence, il ne modifie pas le découvert du trésor.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi ; la Chambre en ordonne l'impression et la distribution et le renvoi à l'examen des sections.

La séance est levée à 4 heures.