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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 23 mai 1855

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1854-1855)

(Présidence de M. Delehaye.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1179) M. Ansiau procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

M. Maertens donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.

Pétitions adressées à la chambre

M. Ansiau présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.

« Un grand nombre d'habitants de Courtrai demandent la prohibition temporaire à la sortie du bétail, du beurre et des œufs. »

M. Rodenbach. - Messieurs, j'ai été chargé, par plusieurs habitants notables de Courtrai, de déposer cette requête sur le bureau. Il s'agit des denrées alimentaires, notamment des œufs, du beurre et surtout de la quantité prodigieuse de bétail gras qui sort du pays d'une manière effrayante.

Je demande le renvoi à la commission d'industrie avec prière de faire un rapport dans le plus bref délai possible, et dans tous les cas, avant la fin de la session.

- Cette proposition est adoptée.


« Quelques brasseurs dans l'arrondissement d'Audenarde demandent provisoirement la prohibition à la sortie du houblon ou, du moins, l'établissement d'un droit élevé. »

« Même demande de brasseurs dans l'arrondissement de Malines. »

M. de Perceval. - Ces pétitions méritent de fixer à tous égards la plus sérieuse attention de la législature, car elles se présentent avec les caractères d'un intérêt public.

La hausse sans cesse croissante du prix du houblon affecte vivement les brasseries ; le taux auquel se trouve cette denrée apporte, dès aujourd'hui, des entraves réelles à l'industrie qu'exercent les pétitionnaires, et elle porte un grave préjudice aux consommateurs, voire même au trésor public. Le déficit de la récolte de 1854 d'une part, l'exportation active d'autre part, enfin la spéculation profitant largement de ces circonstances, telles sont les causes de cette hausse anormale ; ces causes sont également signalées par les pétitionnaires.

Joignez-y le prix élevé de toutes les autres matières premières qui entrent dans la fabrication de la bière et vous conviendrez avec moi, messieurs, que cette industrie traverse actuellement une véritable crise.

Faut il prohiber le houblon à la sortie ? Faut-il établir un droit élevé à la sortie du houblon ? Je prie le gouvernement d'examiner cette question.

Je ne me contente pas d'un simple renvoi de ces pétitions à la commission de l'industrie, je demanderai, en outre, que cette commission nous fasse un prompt rapport sur ces requêtes.

M. Magherman. - Je me rallie aux observations de l'honorable M. de Perceval. Ce sont celles que je comptais présenter.

- La proposition de M. de Perceval est adoptée.


« Le sieur Auchet demande la révision du deuxième alinéa de l'article 65 du décret du 10 février 1807, sur les frais et dépens. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des marchands de grains, à Binche et dans les communes circonvoisines, demandent qu'on leur permette d'exercer, partout où ils le jugent convenable, le commerce pour lequel ils sont patentés dans leur commune et qu'on leur restitue le montant des patentes supplémentaires auxquelles ils ont été assujettis pour avoir la faculté de se rendre au marché de Mons. »

- Même renvoi.


« Plusieurs habitants de Longchamps demandent qu'on examine s'il n'y a pas lieu de décider que les fabriques de produits chimiques suspendront aunuellement leurs travaux du 1er avril jusqu'au mois d'octobre. »

M. Lelièvre. - Je pense que, dans l'intérêt des établissements comme dans celui des populations alarmées, il est important que les questions relatives aux établissements de produits chimiques soient examinées avec impartialité.

Je demande le renvoi de la pétition à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport, et je prie le gouvernement de s'occuper de l’affaire avec toute l’attention qu'elle mérite.

- Cette proposition est adoptée.


« Les héritiers du sieur Choppinet, ancien notaire à Enghien, prient la Chambre d'allouer au département des travaux publics la somme nécessaire au payement de leur créance à charge du gouvernement. »

M. Matthieu. - Je demande le renvoi à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.

J'appelle l'attention toute particulière de la commission sur les faits qui se rattachent à la pétition qui prouvent la légitimité de la créance dont il s'agit.

- La proposition de M. Matthieu est adoptée.


« Le conseil communal d'Emine demande la mise en exploitation de la partie du chemin de fer de Luxembourg comprise entre Bruxelles et Rhisnes. »

- Même demande du conseil communal de Beuzet.

M. Lelièvre. - J'appuie la pétition et j'en demande le renvoi à la section centrale qui est chargée d'examiner le projet de loi concernant la prorogation des délais pour achever le chemin de fer de Namur à Luxembourg.

La Chambre a déjà statué hier en ce sens à l'égard de pétitions ayant le même objet. Je demande que la section centrale émette positivement un avis sur la pétition dont nous nous occupons.

- La proposition de M. Lelièvre est adoptée.


« La chambre de commerce et des fabriques d'Anvers demande une loi accordant des facilités pour la nationalisation des navires et puis la libre entrée des matières servant à la construction des navires et à leur équipement. »

M. Osy. - Messieurs, il y a quelques semaines, le gouvernement avait promis d'examiner la question de la nationalisation des navires étrangers. Comme la session approche de sa fin et que les armateurs d'Anvers désirent beaucoup pouvoir acheter des navires étrangers, je demanderai le renvoi de la pétition à la commission d'industrie, avec prière de faire un très prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« M. de Renesse demande un congé pour cause d'indisposition. »

- Ce congé est accordé.

Projet de loi relatif aux crédits pour l'exécution de certains travaux d'utilité publique.

Rapport de la section centrale

M. Van Hoorebeke. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi relatif aux crédits pour l'exécution de certains travaux d'utilité publique.

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

La Chambre le met à l'ordre du jour à la suite des objets qui y sont déjà.

Rapport sur une demande en naturalisation

M. Vandenpeereboom. - Messieurs, le sieur François-Hubert-Adam Kayser est né le 19 août 1831, dans la partie cédée du Luxembourg, d'un père belge, originaire de Bras, arrondissement de Saint-Hubert.

Il est donc Belge de naissance, et le traité de 1839 ne peut lui avoir fait perdre cette qualité.

Cette opinion est conforme à celle de M. le ministre de la justice.

Le pétitionnaire étant Belge, la commission propose de passer à l'ordre du jour.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Vandenpeereboom. - Le sieur Henri-Joseph Charlier, instituteur à Feschaux (province de Namur), demande la naturalisation ordinaire,

Le pétitionnaire est né à Feschaux, le 7 décembre 1816, de parents étrangers y domiciliés. Dans l'opinion de M. le ministre de la justice, le sieur Charlier est Belge. « Il est de jurisprudence constante, dit M. le ministre, que, en vertu de l'article 8 de la loi fondamentale, les personnes nées en Belgique, avant 1830, de parents étrangers y domiciliés, doivent être considérées comme Belges de naissance. »

La commission, partageant cette manière de voir, propose de passer à l'ordre du jour sur la demande du sieur Charlier.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Vandenpeereboom. - Le sieur Jean-Henri Gaspar, prêtre et professeur au collège de Dinant, est né le 27 décembre 1822, à Boegen, partie cédée du Luxembourg, d'un père né dans la partie de cette province qui n'a pas cessé de faire partie du royaume de Belgique, c'est-à-dire d'un père belge ; le pétitionnaire est donc lui même Belge de naissance. Les traités de 1839 n'ont pu lui faire perdre cette qualité.

La commission propose de passer à l'ordre du jour sur la demande du sieur Gaspar. »

- Ces conclusions sont adoptées.

Projet de loi portant le budget du ministère des affaires étrangères de l’exercice 1856

Discussion générale

M. le président. - Le gouvernement propose, par amendement au budget de 1856, un nouvel article spécial ainsi conçu ;

« Art. 48 bis. Etablissement d'une station de sauvetage à l'est d'Ostende (charge extraordinaire) : fr. 5,100 fr. »

(page 1180) La section centrale a adopté cet amendement ; elle propose, du reste, l'adoption pure et simple du budget, tel qu'il a été présenté par le gouvernement.

La discussion générale est ouverte.

La parole est à M. de Wouters.

M. de Wouters. - Messieurs, en 1848, les Chambres paraissaient être convaincues que la marine militaire était inutile aux besoins du pays, qui, par sa position sans colonies, ne devait point entretenir à grands frais un corps militaire qui ne pouvait être appelé à lui être utile qu'à une époque qu'il n'était au pouvoir de personne de prévoir.

Cette époque est peut-être à nos portes. En effet, peut-on avec certitude assurer à notre patrie qu'elle ne sera plus le champ de bataille où viendra se décider la grande question actuellement pendante en Orient ?

Quoique tous les efforts de notre gouvernement tendent à conserver une sage et stricte neutralité, il n'en est pas moins vrai que lorsqu'une des grandes puissances aura besoin de nos champs, elle ne s'en fera pas défaut.

C'est certes bien en vue de semblable éventualité que le gouvernement se crée, avec de grands sacrifices d'argent, une ressource dans une place forte de réserve, où notre armée pourra venir s'appuyer et le gouvernement lui-même trouver un refuge jusqu'à ce que des armées alliées intéressées à l'existence de notre neutralité viennent la rétablir.

A cet effet, voyons si la place d'Anvers dans l'état actuel est rendue par son système de défense ce qu'elle devrait être.

La Tête de Flandre et les ouvrages élevés sur cette rive du fleuve ne sont point reliés à la place par une communication assez rapide ; il est vrai que quelques bateaux à vapeur de passage desservent cette voie de communication en temps de paix, mais ils sont loin d'être à même de rendre de pareils services en temps de guerre, par leur peu de marche et leur petitesse. Si ces bâtiments sont à même de faire le service entre la Tête de Flandre et les ouvrages militaires adjacents, il n'en est pas ainsi des forts qui bordent l'Escaut. Eloignés de 2 à 3 lieues de la forteresse, il faut, pour les relier entre eux et au système général de la place d'Anvers, qu'ils puissent correspondre avec elle par des bâtiments de guerre que n'arrête point la marée et pourvus d'un armement formidable.

Ce n'est point le brick « Duc de Brabant », ni la goélette « Louise-Marie » qui se trouvent dans ces conditions. Dépourvus tous deux d'un mode d'action indépendant de l'influence du vent et de la marée, ces navires ayant du reste un trop fort tirant d'eau, se trouvent forcément condamnés à l'inaction par la marée et le veut lorsque leur effet est contraire au mouvement projeté. Ces bâiiments dans l'Escaut sont donc plus nuisibles que favorables, savoir ;

1° Ne pouvant en tout temps relier les forls avec la place d'Anvers et y jeter en temps voulu des renforts de troupes, munitions de guerre, etc., etc. ;

2° Artillerie trop faible et de trop petite portée ;

3°Leur trop grand tirant d'eau qui les empêche d'approcher assez près de terre pour débarquer avec rapidité soit les troupes ou les munitions.

Le premier paragraphe est important, car il peut être nécessaire de jeter, dans un moment donné, des renforts de troupes sur l'une ou l'autre rive, soit en amont, soit en aval de la place d'Anvers ou dans l'un des forts du bas Escaut. A. cet effet, des chaloupes canonnières à vapeur et à hélice peuvent seules remplir les conditions requises. Ces bâtiments du reste peuvent convenir à toutes les exigences requises par notre position géographique et, par leurs bonnes qualités à la mer, être employés avantageusement à la protection de nos côtes, soit comme éclaireurs, soit dans les passes étroites de nos bancs où ils lutteraient avec avantage contre des bâtiments d'un ordre supérieur. Ils pourraient être employés annuellement à la protection de notre pêche nationale abandonnée à elle-même depuis nombre d'années. Certes, une population de 1,500 âmes est bien digne d'attirer l'attention du gouvernement. Y a-t-il une commune de cette importance qui n'ait journellement des rapports officiels avec le pouvoir ?

Eh bien, cette commune se trouve en ce moment et tous les ans, dans la mer du Nord, représentée par nos bateaux de pêche d’Ostende et de Nieuport, et jamais il ne s'y trouve, depuis plusieurs années, de surveillant ni le moindre secours médical et effectif en cas de besoin.

La goélette Louise-Marie fut pourtant achetée dans ce but, mais détournée de ce service pour aller sur les côtes d'Afrique et au Guatemala, faire un simple acte de présence fort inutile, on l'a enlevée à un service plus en rapport avec les véritables besoins du pays et de l'humanité.

Voyons maintenant si la marine constituée, comme elle l'est actuellement, peut rendre le moindre service à l'Etat. Avec hardiesse et sans crainte d'être contredit, nous répondrons ; Non elle ne l'est pas ; loin de là, c'est une charge excessivement lourde au budget, c'est payer près de 500,000 francs par an le plaisir de voir stationner dans l'Escaut, pendant six mois de l'année, un brick et une goélette de guerre, et pendant les six autres mois, nous rendre ridicule à l’étranger par le mauvais état de notre armement.

Le corps des officiers de la marine est réduit à quelques officiers, 19 en tout.

Ce petit nombre démontre clairement que par la maladie d'un seul de ces officiers ou autre cause quelconque qui le mettrait dans l'impossibilité de continuer son service, tout le service doit en souffrir. Il en résulte que le corps doit être augmenté.

Le gouvernement à cet effet s'est adressé à la marine marchande d'après ce qu'on m'a dit, mais le peu d'avancement qu'offre la marine de guerre en Belgique la fait dédaigner de ceux qui dans d'autres contrées, seraient heureux et fiers de pouvoir en faire partie. Une autre cause du refus de prendre du service dans cette arme gît dans le système des pensions actuellement en vigueur.

Est-il équitable en effet qu'un officier de marine doive, pour jouir de sa pension, avoir en temps de paix le même nombre d'années de service effectifs que l'officier de l'armée de terre ? Lorsque ce dernier n'est appelé qu'à une vie uniforme passée dans les garnisons, le premier est embarqué, il a pour logement un petit réduit de quelques pieds carrés, il court à chaque instant de véritables dangers, il a à lutter non seulement contre les éléments, mais encore contre les diverses actions climatériques.

Est-il donc équitable qu'il lui faille le même nombre d'années de service que l'officier de l'armée de terre et cela pour jouir d'une pension équivalente à celle de l'officier d'infanterie du grade correspondant au sien ?

Il serait donc de toute justice de réduire le temps du service actif et d'adopter les bases suivies par un Etat voisin pour les pensions des officiers de marine (la France).

Certes, un officier ayant vingt ans de service actif sera assez affaibli par les différentes maladies inhérentes à ce long embarquement et par les influences pernicieuses des divers climats intertropicaux qu'il aura visités et les longs séjours qu'il y aura faits, pour qu'il lui soit permis de se retirer et de jouir en paix de sa modique pension, d'autant plus qu'il n'a point en Belgique des positions assurées de retraite comme en Angleterre et en France, où ses services peuvent encore être utilisés dans les arsenaux, les ports et même le pilotage.

Une organisation définitive de la marine est nécessaire :

1° Parce qu'elle seule peut la mettre à l'abri des attaques qui se présentent lors de la discussion du budget et qui portent avec elles le découragement dans toutes les branches du service ;

2° Parce qu'elle fait prévoir les chances d'avancement aux jeunes gens qui s'y destinent.

3° Afin que par la confiance que le corps aura dans son existence, il y soit apporté toutes les améliorations qui sont en rapport avec les besoins éventuels.

L'incorporation de ïa marine militaire au ministère de la guerre serait une des conséquences de cette nouvelle organisation.

Comment, en effet, admettre qu'une branche du système de défense du pays appartienne à un ministère complètement étranger à l'art de la guerre ? La marine appartenant au département de la guerre aurait plus d'homogénéité et elle serait en rapport plus direct avec l'armée de terre à laquelle elle peut être appelée à rendre de grands services.

Laisser la marine sur le pied oh elle se trouve, mieux vaudrait la supprimer. Il faudrait que le gouvernement ou la Chambre nommât une commission chargée de rechercher la nécessité de l'augmenter ou de la supprimer, et si elle se décide pour l'un des deux partis, il faut trancher la question d'une manière formelle, et, dans le cas d'augmentation, établir la marine sur un pied plus en rapport avec les exigences des besoins probables.

Nous disions qu'il valait mieux supprimer la marine que la laisser dans l'état actuel, parce que la marine existante en Belgique est trop peu nombreuse pour pouvoir être, matériellement parlant, d'un service réel ; ce ne sont point les deux bâtiments isolés et en mauvais état, formant actuellement toute la marine, qui peuvent nous rendre des services, nous l'avons prouvé plus haut, et nous ajouterons que nos côtes elles-mêmes ne peuvent être protégées par eux, car leur artillerie est d'un trop pelit calibre pour soutenir un simple engagement, sans y compromettre la dignité du pavillon national et la sûreté du bâtiment. La marine est encore vicieuse parce qu'elle n'est point habituée aux exercices du tir. L'artillerie de terre s exerce annuellement au polygone de Brasschaet, pourquoi la marine ne le fait-elle pas ? La laisser ainsi est donc une faute sous tous les rapports, tant pour la défense du pays que financièrement parlant.

Ce qu'il nous faudrait, ce serait une organisation, sur une petite échelle, du système français.

Un bataillon de marins, composé de quelques compagnies, appelées à servir à tour de rôle à bord des canonnières à vapeur et à hélice, et en d'autres temps stationné dans les forts du bas Escaut et à Ostende, où par leurs connaissances en marine, elles seraient, en cas d'attaque par des forces navales étrangères, d'une utilité incontestable. Ce bataillon serait commandé par un officier ayant rang de capitaine lieutenant, qui tous les ans aurait soin que des exercices de tir à boulet eussent lieu avec toutes les pièces en usage à bord des bâtiments et servant à la défense des places et des côtes.

Il nous faudrait également une flottille de canonnières à vapeur d'un tirant d'eau de 6 pieds, aptes à tenir la mer. Ces bâtiments seraient appelés à servir d'éclaireurs le long de la côte, à la protection de nos pêcheurs et de notre commerce maritime ; car marchant fort bien à la voile ils pourraient au besoin entreprendre des voyages, soit à la côte d'Afrique, soit ailleurs.

(page 1181) Il en est de la marine comme de l'armée, de bons sous-officiers y sont de première nécessité et sont d’autant plus difficiles à former, que ce sont des gens de différents états, maîtres de manœuvres, de charpentage, de canonnage, mécaniciens, armuriers, etc. Le licenciement partiel de la marine en 1848 nous a fait perdre cet homme précieux. La création d’un bataillon de marins aurait pour conséquence la formation d’une espèce de sous-officiers qui peuvent se former parfaitement à terre, celle des maîtres au canonnage. A bord des canonnières se formeraient les autres classes de ces hommes précieux et difficiles à se procurer.

La formation de ce bataillon aurait également pour conséquence de rendre l'usage des armes à feu portatives habituelles aux marins, ainsi que toutes les armes blanches en usage dans la marine ; en plus la discipline y gagnerait ; lorsqu'une ou plusieurs compagnies seraient appelées à s'embarquer, elles n'auraient plus à se préoccuper que des manœuvres inhérentes au navire pour compléter leur instruction théorique.

Nous ne savons si on sera disposé à compléter notre noyau de marine ou à lui donner une nouvelle organisation ; en ce cas nous proposerions la suppression définitive de la marine, afin de ne point continuer nne dépense complètement inutile et pour ne point augmenter les leurres qui pourraient bercer les officiers de cette arme restés au service depuis 1848 ; car est-il juste de briser l'avenir de ces hommes qui ont entrepris ce rude métier et que l’on a en tout temps trouvés dévoués au service de l'Etat ?

Nous demandons qu'il plaise à la Chambre de décider ; qu'une commission soit nommée par le gouvernement pour examiner :

1° S'il faut en Belgique une flotille de guerre, oui ou non ?

2° En cas d'affirmative, si la marine dans l'état où elle se trouve actuellement, peut être de quelque utilité au pays, à sa défense et peut protéger à l'extérieur notre commerce, pêche et navigation ;

3° Quel serait le meilleur mode d'organisation ?

4° En cas de négative, de la supprimer immédiatement.

Cette commission serait chargée de présenter à la Chambre son travail pour la session prochaine.

M. le président. - Voici la proposition qui vient d'être déposée par M. de Wouters :

« Nous demandons qu'il plaise à la Chambre de décider qu'une commission soit nommée par le gouvernement, pour examiner :

« 1° S'il faut en Belgique une flottille de guerre, oui ou non.

« 2° En cas d'affirmative, si la marine, dans l'état où elle se trouve actuellement, peut être de quelque utilité au pays, à sa défense et peut protéger à l'extérieur notre commerce, pêche et navigation ;

« 3° Quel serait le meilleur mode d'organisation ?

« 4° En cas de négative, la supprimer immédiatement.

« Cette commission serait chargée de présenter son travail pour la session prochaine. »

- La proposition est appuyée.

M. Osy. - Messieurs, j'ai toujours cru que la Belgique ne devait pas avoir une grande marine militaire ; j'avoue franchement que, dans l'état où elle est maintenant, il n'y a plus moyen de la réduire. Nous n'avons plus que deux navires qui font de temps en temps des excursions lointaines. Nous avons encore quelques bateaux à vapeur pour le service d'Ostende à Douvres et pour le service de l'Escaut.

Voilà messieurs ce qui nous reste ; je ne crois pas qu'il faille aller au-delà, mais il ne faut pas non plus supprimer ce qui existe, de sorte que je combattrai la proposition de l'honorable député de Louvain.

Dans le rapport de la section centrale, il est question d'un objet qui, depuis plusieurs années, donne lieu à des réclamations, à savoir qu'en tout et pour tout la surveillance de la cour des comptes devait être exercée. Dans tous les départements il y a une caisse

Mais la marine paraît être restée en dehors de ce régime. Elle prétend que comme la surveillance n'est pas inscrite dans la loi, elle n'est pas obligée. Il est à remarquer que pour la marine il n'y a pas seulement la caisse des matelots, mais encore la caisse du pilotage, qui doit être assez considérable, car quand le gouvernement a repris, il y a quelques années, la caisse du pilotage, il s'y trouvait au-delà de cent mille francs, qui ont été remis à la caisse de la marine ; depuis, cette caisse a été alimentée par les retenues opérées, la somme doit être assez considérable.

La caisse de la marine ne doit donc pas être affranchie de la surveillance de la cour des comptes.

Je demande à M. le ministre de soumettre ce service, comme les autres parties de son administration, à la surveillance de la cour des comptes.

Permettez-moi à cette occasion de revenir sur une question à propos de laquelle on a présenté des observations qui ont ému un corps très respectable à Anvers ; je veux parler du rapport de l'honorable M. Vander Donckt sur la pétition des courtiers de navire à Gand. On y a trouvé les phrases suivantes :

« Des renseignements fournis à la commission il semble résulter que le refus des courtiers d'Anvers d'adhérer aux pétitions présentées par leurs collègues d'autres villes et le peu de zèle et d'empressement que met la chambre de commerce de cette ville à satisfaire aux instances empressées du gouvernement, doivent être en grande partie attribuées à la brillante position que leur procure l'espèce d'anarchie et l'inexécution de la loi, depuis l'époque de l'arrêt de la cour de cassation. »

Messieurs, je vous avoue que je regrette de n'avoir pas lu avec attention le rapport fait il y a quelques jours par notre honorable collègue, car ce corps respectable a été extrêmement ému ; M. le ministre des affaires étrangères pourra vous attester la masse de requêtes qu'il a reçues des courtiers pour cet objet. La chambre de commerce a formulé un projet de loi qui n'a pas reçu la sanction du gouvernement, vous devez y trouver une preuve qu'elle n'a pas manqué d'empressement et de zèle, quand elle a eu à répondre aux demandes de renseignements qui lui ont été adressées par le gouvernement.

Je regrette que l'honorable membre nous ait adressé le reproche contraire. Il a dit que les lois n'étaient pas exécutées, qu'il y avait une véritable anarchie, que chacun faisait ce qu'il voulait ; les courtiers réclament le maintien du système actuel, mais la chambre de commerce en demande la réforme comme nous tous.

Messieurs, pendant la vacance des Chambres, j'assiste avec beaucoup d'assiduité aux réunions de la chambre de commerce, parce que j'y apprends beaucoup de choses que j'ignorais. Eh bien, je puis vous dire que dans les réunions de l'année dernière, nous nous sommes fréquemment occupés de cet objet important.

Je regrette donc que l'honorable M. Vander Donckt ait été mal renseigné et qu'il ait avancé que la chambre de commerce d'Anvers ne s'était pas occupée de cette question. M. le ministre des affaires étrangères pourra vous dire qu'il se trouve, au dossier de cette affaire, des lettres nombreuses de la chambre de commerce d'Anvers et même un projet de loi formulé par elle.

Je ne dirai rien des autres articles du budget ; je me bornerai à rendre justice au prédécesseur de M. le ministre actuel. Il a réellement tenu parole.

Nous voyons par les pièces déposées sur le bureau que non seulement des crédits supplémentaires ne seront pas nécessaires pour le passé, mais que sur plusieurs crédits il y a eu des excédants. Je suis persuadé que M. le ministre des affaires étrangères suivra les mêmes errements. Car je me rappelle que lui-même, l'année dernière, félicitait son prédécesseur de n'avoir pas demandé de crédits supplémentaires. Je suis, d'ailleurs, persuadé que de la manière dont le budget est formé, les crédits que nous allons voter seront suffisants pour les besoins d'une bonne administration.

M. Lelièvre. - A l'occasion de la discussion du budget des affaires étrangères, je crois devoir rappeler au gouvernement l'exécution de la loi votée cette année par les Chambres relativement aux sociétés anonymes étrangères et au traité international qui doit intervenir à cet égard avec les gouvernements voisins.

Il y a d'autres questions qui doivent faire en même temps l'objet de négociations particulières ; elles concernent les jugements rendus par les tribunaux étrangers et les actes reçus par les officiers étrangers.

Les articles 2123 et 2128 du Code civil, auxquels se réfère l'article 546 du Code de procédure, ayant été abrogés par la loi du 16 décembre 1851 sur le régime hypothécaire, il est important que l'exécution des jugements et actes reçus à l'étranger soit réglée par conventions internationales d'après des dispositions qui soient en harmonie avec les institutions nouvelles.

L'arrêté-loi du 9 septembre 1814, conçu sous un ordre d'idées qui n'a plus rien de commun avec l'état de choses actuel doit nécessairement être modifié ; d'un autre côté, tandis que l'article 77 de notre loi de réforme hypothécaire considère comme valables en Belgique les actes d’hypothèque consentis à l'étranger sur des immeubles situés sur notre sol, il est essentiel que nous obtenions la même faveur à l'étranger.

En un mot, les principes nouveaux qui président aux relations internationales réclament des modifications à la législation actuelle en ce qui concerne les actes et jugements qui interviennent en Belgique et dans les pays voisins. J'appelle en conséquence sur cette question importante l'attention de M. le ministre des affaires étrangères, qui voudra bien la soumettre à l'étude et prendre une décision qui ne peut plus être retardée.

A cette occasion, je crois devoir rappeler les améliorations importantes introduites dans les différentes parties de la législation par le ministère libéral de 1847. J'engage le gouvernement à suivre cette voie de progrès réclamée si impérieusement par les besoins de l'époque et qu'il serait imprudent de méconnaître.

M. Vander Donckt. - Je crois devoir à la Chambre quelques mots de justification sur le rapport que l'honorable M. Osy vient de rencontrer et par lequel j'aurais voulu, selon lui, jeter un blâme sur la chambre de commerce d'Anvers.

Messieurs, cela n'est nullement entré dans mes intentions ni dans celles de la commission. Que la chambre de commerce d'Anvers ait mis peu d'empressement à satisfaire aux demandes du gouvernement, c'est ce qui résulte à toute évidence de deux faits.

Le premier, de la lettre même que M. le ministre des affaires étrangères a écrite au président de la commission et dans laquelle il dit :

« La commission instituée pour la révision et la refonte éventuelle (page 1182) des lois et règlements concernant les bourses de commerce, les agents de change et courtiers, a voulu, avant de poursuivre ses opérations, recevoir le travail dont s'occupait la chambre de commerce d'Anvers, touchant la même question. Ce dernier corps, pressé à plusieurs reprises de fournir ce travail, en a fait parvenir un récemment à mon département ; celui-ci a du lui en demander un plus complet, et renfermant des conclusions et propositions formelles, et il attend ce nouveau travail. »

Or, messieurs, ne perdons pas de vue qu'il y a plus de deux ans que cette commission a été instituée. La chambre de commerce d'Anvers a donc mis deux ans pour élaborer le premier travail, pressée qu'elle était, par le gouvernement. Quant au second travail, il n'est pas encore arrivé au département des affaires étrangères.

Il résulte d'un autre document qui se trouve entre les mains d'un honorable membre de cette Chambre, que je ne suis peut-être pas autorisé pour le moment à nommer, que les courtiers de la ville de Gand ont écrit à leurs collègues d'Anvers pour faire simultanément des instances auprès de la Chambre pour obtenir la révision de la loi sur les courtiers de navires.

Or, dans une lettre émanée d'un de ces messieurs d'Anvers, il est dit : « Chez nous le chat dort, et nous ne trouvons pas bon de le réveiller. »

Messieurs, de ces deux différentes circonstances nous avons eu raison de conclure, j'ose le croire, que la Chambre de commerce d'Anvers comme la chambre syndicale et les courtiers ne se pressaient nullement de satisfaire aux instances du gouvernement.

Voilà ce qui a donné lieu à l'observation insérée dans mon rapport. L'honorable M. Osy ne contestera d'ailleurs pas que la position des courtiers de navires à Anvers est des plus brillantes, tandis qu'à Gand, à Termonde, comme le rapport le mentionne, deux de ces courtiers ont été emprisonnés pour dettes, un troisième est dans une position peu aisée, et un quatrième fait le lippage, il s'occupe d'affaires de commerce. On comprend donc que MM. les courtiers d'Anvers n'aient pas le même intérêt que ceux des autres villes à pousser à la réforme de la loi.

Je le répète, nous n'avons voulu incriminer personne. Nous avons constaté les faits tels qu'ils existent.

M. Osy. - Je conviens que la position des courtiers à Anvers est beaucoup meilleure, qu'elle rapporte beaucoup plus qu'à Termonde et à Gand ; sous ce rapport les courtiers d'Anvers ne désirent pas un changement et ils n'ont pas adhéré aux pétitions de leurs collègues des autres villes. Mais il ne s'agit pas des courtiers ; l'honorable M. Vander Donckt a parlé de la chambre de commerce d'Anvers et je puis dire qu'à trois reprises différentes elle s'est occupée de cette affaire pendant de longues séances. Deux fois, nous avons fait connaître notre opinion au gouvernement, nous lui avons dit que la loi n'était pas exécutée et qu'il fallait la modifier, M. le ministre des affaires étrangères nous a renvoyé nos conclusions en nous demandant de rédiger un projet. Ce projet a été fait, mais il n'a pas reçu l'adhésion du gouvernement.

En ce moment, il existe une commission, nommée par M. le ministre de la justice pour l'examen de la question. J'engage le gouvernement à réunir cette commission le plus tôt possible, à accélérer ses travaux et à nous faire sortir de la véritable anarchie dans laquelle nous nous trouvons ; car les lois ne sont pas exécutées. Le gouvernement ne peut poursuivre, comme vous l'a dit M. le ministre des affaires étrangères, les courtiers qui font le lippage. On appelle « lippage » l'achat par les courtiers de chargements entiers pour les vendre en détail, selon les besoins des commissionnaires.

Ces opérations sont défendues par le code ; mais dans les circonstances actuelles il n'est pas possible d'empêcher le lippage. Eh bien, comme je ne veux pas avoir des lois qui ne s'exécutent pas, je crois qu'il est plus que temps de changer les articles du code qui concernent, non seulement les courtiers de navires, mais aussi les courtiers de commerce.

J'engage donc, je le répète, le gouvernement à hâter les travaux de la commission. Mais je puis donner l'assurance à l'honorable M. Vander Donckt, que la chambre de commerce s'est occupée plusieurs fois, avec beaucoup de zèle, de cette affaire qui est certainement très difficile ; car vous avez derrière vous, non seulement six courtiers de Gand, mais un corps de 60 courtiers qui désirent conserver ce qui existe et ce qui, selon moi, est un abus.

M. Sinave. - Messieurs, je regrette que nous ayons eu si peu de temps pour examiner le budget si important qui nous est soumis. A peine avons-nous eu le lemps de le lire. Il me sera donc difficile d'exprimer convenablement tout ce que j'aurais à dire sur ce budget.

M. le ministre des affaires étrangères a proposé, en section centrale, d'allouer un crédit extraordinaire de 5,000 francs pour l'établissement d'une nouvelle station de sauvetage à Ostende. Je ne conteste nullement, messieurs, l'utilité de cette station ; je reconnais, au contraire, qu'elle est indispensable, d'après les travaux qu'on exécute à Ostende ; mais je crois qu'en étendant la modification qui a été adoptée l'une des années précédentes, on pourrait réaliser une économie suffisante pour couvrir les frais de la station projetée.

J'ai provoqué dans le temps un changement du système de sauvetage ; on a appliqué ce changement à la ville d'Ostende seule ; les résultats en ont été très favorables. Auparavant le sauvetage n'avait rendu aucune espèce de service ; dans cinq ou six circonstances on avait laissé périr des équipages, en ne faisant absolument rien pour les secourir. Depuis la réforme, le port d'Ostende se trouve dans une position infiniment meilleure ; les agents du sauvetage sont maintenant alertes et rendent des services réels. Je crois donc qu'il conviendrait, sous tous les rapports, d'appliquer le nouveau système d'une manière générale. Je ne fais pas de proposition, mais j'appelle sur ce point l'attention toute particulière de M. le ministre.

Je félicite M. le ministre de la. résolution qu'il est à la veille de prendre de rayer du budget la somme de cinq mille francs qu'on a accordée jusqu'à présent au chef des Nalous. J'ai réclamé cette suppression depuis un grand nombre d'années ; je me suis même servi de l'expression que le chef des Nalous nous « faisait la barbe ».

Messieurs, j'arrive à la question des bateaux à vapeur. Cette question a été agitée depuis nombre d'années, en n'a pas pris de décision parce qu'on voulait encore examiner pendant un certain temps les résultats de l'état actuel des choses.

Aujourd'hui, messieurs, l'expérience me semble faite, la question me paraît mûre ; les résultats sont désastreux.

D'après les rapports, je crois qu'une société s'est présentée pour reprendre ce service. Ses prétentions sont peut-être encore un peu exagérées, mais il me semble qu'elle est déjà en bonne voie pour arriver à des propositions raisonnables.

Dans la section centrale, il n'est plus resté qu'un seul membre, et je crois qu'il n'y aura également qu'un seul membre dans l'assemblée, pour soutenir le maintien de l'exploitation par l'Etat.

Cet honorable membre est envoyé dans cette enceinte par la ville d'Ostende, et je comprends qu'il s'oppose systématiquement à l'abandon de ce service à l'industrie privée, dût-il en coûter des millions à l'Etat.

Je ne lui en fais pas de reproche, je le félicite, au contraire, de son zèle à défendre l'état de choses actuel. Mais, quant à moi, je prie M. le ministre de prendre immédiatement une mesure efficace.

Cet honorable membre objecte qu'il serait possible, si le service dont il s'agit était abandonné à l'industrie privée, que dans un temps plus ou moins rapproché la société manquât à ses engagements et que nos lettres ne fussent plus portées en Angleterre. Il va plus loin, il dit qu'il serait dangereux de laisser transporter nos lettres par des bateaux appartenant à l'industrie privée. Ce sont là des arguments que la Chambre ne peut pas admettre ; on peut prendre, à l'égard d'une société, toutes les garanties possibles, et si la société venait à manquer le lendemain, le gouvernement trouverait des bateaux qui pourraient se charger du transport des lettres.

Remarquez, messieurs, que le gouvernement anglais, qui a à sa disposition plus de mille bateaux à vapeur, vient de décider que le service dont il s'agit sera abandonné à l'industrie privée. En Belgique même, nous avons la petite exploitation de Tamise ; eh bien, une société s'est déjà présentée pour reprendre cette exploitation.

Je ne suis pas à même d'examiner les calculs qui nous ont été communiqués relativement au service d'Ostende à Douvres, mais nous voyons que les dépenses du personnel et du matériel s'élèvent à deux cent soixante et dix mille francs.

Je le répète, nous n'avons pas eu le temps de lire les pièces, mais en résumé, il y a aujourd'hui plus de 250,000 fr. de perte annuelle. Quanti on considère le capital employé et la perte annuelle sur ce capital, on doit reconnaître que c'est une opération qui ne peut pas continuer.

En 1851, messieurs, les recettes s'élevaient à 270,000 fr., en 1854 elles se sont trouvées réduites à 100,000 fr., cette année-ci elles seront encore moindres.

Ainsi, la recette brute ne suffit pas même pour payer le charbon consommé.

Persister dans cette exploitation, c'est réellement vouloir faire peser sur les contribuables des dépenses inutiles. Ou m'objectera vainement que je ferai tort au chemin de fer de Il’Etat ; il n'en est rien. Aujourd'hui déjà la majeure partie des voyageurs passent par Calais ; vous ne détournerez pas les voyageurs de suivre cette route, parce que déjà aujourd'hui, il y a trois bateaux à vapeur qui sont en correspondance avec le chemin de fer et qui partent à des heures convenables pour les voyageurs, tandis que nos bateaux ne peuvent arriver et partir que nuitamment ; ce qui expose les voyageurs à des retards, à des désagréments et à des périls.

Quant à l'exploitation de ce service par une compagnie on dit : « La compagnie pourra donner de mauvais bateaux ; nous en avons fait l'expérience ; des accidents ont eu lieu. »

Messieurs, ce ne sont pas des raisons péremptoires ; on veillera à ce qu'il y ait de bons bateaux ; la compagnie aura intérêt à en avoir de bons.

Ainsi, tous les raisonnements produits contre l'exploitation privée établissent, au contraire, la convenance de ce genre d'exploitation.

Messieurs, je dirai un mot de la proposition de l'honorable M. de Wouters. Je crois que, sans rien préjuger, du reste, il y a lieu d'accueillir cette proposition. Je ne répéterai pas les excellentes raisons développées par l'honorable membre à l'appui de sa proposition. Je le répète, en l'adoptant on ne préjuge absolument rien. Si l'idée émise par l'honorable député de Louvain est acceptable, si la marine militaire doit être supprimée, eh bien, la Chambre pourra la supprimer ; si au contraire, la commission qui serait nommée pour examiner ces questions trouve qu'il y a lieu de maintenir cette marine et même de l'augmenter, la Chambre, et le gouvernement pourront aviser.

Je bornerai là pour le moment mes observations.

(page 1183) M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Messieurs, la motion d'ordre qu'a faite l'honorable M. de Wouters, au début de la discussion, ne me prend pas tout à fait au dépourvu. Des membres de la Chambre ont dû recevoir comme moi, il y a plusieurs jours, deux brochures qui ont été publiées et qui s'occupent de l'état actuel de la marine belge ; je les ai lues attentivement, et je suis obligé de dire qu'il y a quelque chose à faire, un parti à prendre.

Il est certain qu'en 1848 la marine de guerre belge a été désorganisée ; plusieurs de nos officiers les plus distingués ont embrassé d'autres carrières ; il en est même qui ont pris du service en Allemagne.

Un noyau d'officiers très honorables et très instruits s'est groupé autour du pavillon national et est resté jusqu'ici à la solde de l'Etat. Mais il ne faut pas se dissimuler que ces officiers sont très découragés, qu'ils ne voient pas d'avenir devant eux et qu'une crise se produit dans le sein de la marine belge. Cette crise se produit, parce qu'on prévoit la mise prochaine à l'eau des navires qui vont faire le service des bateaux à vapeur entre Anvers et New-York et entre Anvers et le Brésil. Cette navigation à vapeur cherche des capitaines distingués, éprouvés, et fera des offres considérables à plusieurs de nos officiers. Il y a donc quelque chose à faire.

Messieurs, il faut distinguer entre la marine de guerre belge et ce que je me permettrai d'appeler la marine civile. Nous avons une partie de notre marine qui rend des services que le pays apprécie, et que mon honorable collègue du département des finances doit apprécier mieux que tout autre. En effet, cette partie civile de la marine apporte un contingent considérable au trésor de l'Etat.

La marine, dans ses services civils, pourvoit au pilotage, au sauvetage, à la police maritime, aux passages d'eau et enfin au service des bateaux d'Ostende vers Douvres. Il ne serait, en aucun cas, question de toucher à ces services.

Quant au service de guerre, il se restreint à deux bateaux, au « Duc de Brabant » et à la « Louise-Marie ». Ce service ne coûte pas 500,000 francs, comme l'a dit l'honorable M. de Wouters, il ne coûte que 325,000 à 350,000 francs.

Rend-il des services ? Je dirai que les officiers distingués qui commandent ces bâtiments rendent tous les services possibles au pays ; mais ces deux bâtiments seuls rendent-ils des services en rapport avec la somme qu'ils coûtent annuellement au trésor ? C'esl une question que je me réserve d'examiner plus tard.

Je promets à la Chambre de porter toute mon attention vers la marine ; je consulterai mon honorable collègue du département de la guerre.

En effet, la marine de guerre se lie d'une manière intime à la défense d'Anvers ; et, après avoir consulté M. le ministre de la guerre, ainsi que l'administration de la marine, je prendrai un parti pour le budget prochain.

Messieurs, l'honorable M. Osy m'a demandé de soumettre à la surveillance de la cour des comptes les comptes de la caisse des veuves et orphelins du pilotage. C'est déjà fait. J'ai présenté à la sanction du Roi un projet d'arrêté qui m'est revenu ce matin, revêtu de la signature du Roi, et qui sera publié demain au Moniteur.

Messieurs, je n'ai pas à intervenir dans la conversation amicale qui a eu lieu tout à l'heure entre les honorables MM. Vander Donckt et Osy ; je me suis suffisamment expliqué sur cet objet dans une séance précédente.

L'honorable M. Osy a adressé un compliment à mon honorable prédécesseur et il m'a en même temps dit un mot d'encouragement. Ce compliment, c'était moi qui l'avais adressé, l'année dernière, à M. de Brouckere, en ma qualité de président de la section centrale qui avait examiné le budget des affaires étrangères ; je puis aujourd'hui confirmer le compliment que je faisais l'année dernière à mon honorable prédécesseur ; non seulement il n'y aura pas de crédits supplémentaires à demander, mais il y aura même des économies sur divers chapitres du budget.

Je n'ai pas besoin de dire à la Chambre que je tâcherai de mériter les mêmes éloges, si je suis encore aux affaires, et si je n'y suis plus, je prierai l'honorable M. Osy d'avoir soin de ma mémoire et de jeter quelques fleurs sur ma tombe.

L'honorable M. Lelièvre a appelé l'attention du gouvernement sur la nécessité de réclamer des puissances étrangères la réciprocité pour les sociétés anonymes et pour tous les actes passés à l'étranger, en ce qui concerne le régime hypothécaire.

C'est, messieurs, ce que le département des affaires étrangères a fait immédiatement après le vote de cette loi. Nous insistons vivement auprès des gouvernements étrangers pour obtenir la réciprocité pour les actes judiciaires et extrajudiciaires. L'honorable M. Lelièvre comprendra qu'il est impossible à la Belgique de forcer les gouvernements étrangers de nous accorder cette réciprocité.

Si les gouvernements étrangers ne nous l'accordent pas, nous ne la leur donnerons pas.

L'honorable M. Sinave a attaqué la question des paquebots d'Ostende. Quand je suis arrivé au département, je suis venu avec l'idée préconçue que j'avais, du reste, exprimée plusieurs fois de mon banc de député, qu'il fallait laisser à l'industrie privée tout ce qu'il serait possible de lui abandonner, sans compromettre les intérêts de l'Etat.

C'est pourquoi j'ai confirmé la résolution prise par mon honorable prédécesseur de ne plus reprendre pour le compte de l'Etat le service de passage entre Anvers et Tamise. L'intérêt général du pays n'étant pas engagé dans ce service, on pouvait sans danger l'abandonner à l'industrie privée.

J'avais eu l'idée qu'il pouvait en être de même du service des paquebots d'Ostende vers Douvres ; mais en approfondissant la question, en l'examinant de plus près, j'ai trouvé qu'il était de l'intérêt du pays de tenir cette ligne aux ordres du gouvernement.

Je commence par avouer qu'en la livrant à l'industrie privée on pourrait faire une économie considérable de 25,000 à 30,000 francs ; mais, plus on fera d'économie sur ce service, plus le danger que je prévois deviendra réel.

D'abord, il y a un petit intérêt à conserver cette ligne, c'est que ce service est la continuation de notre chemin de fer qui nous met en communication avec l'Angleterre ; or, toutes les exploitations de chemin de fer qui ont l'intelligence de leurs intérêts et qui aboutissent à un passage de mer, ont un service qui leur appartient. C'est ainsi que le chemin de fer du Nord a établi un service spécial de paquebots entre Calais et Douvres.

Le chemin de fer d'Anvers avec la Hollande est occupé à créer un service sur le Moerdyck ; le chemin de fer de St-Nicolas à Anvers, malgré les conditions avantageuses que lui offrait le service de l'Etat pour le passage de la Tête-de-Flandre, a cru nécessaire de faire construire un bateau à vapeur pour l'usage des voyageurs qu'il transporte.

Déjà sur une interpellation de l'honorable M. Sinave, j'ai dit que si le nombre des voyageurs venant par Douvres et Ostende, n'était pas en rapport avec ceux passant par Douvres et Calais, la raison en était que notre service se faisait pendant la nuit et que le trajet de mer était plus considérable. Par conséquent il n'y a que les personnes pressées ou qui veulent faire une économie qui prennent notre service. Cependant, ce service amène à notre chemin de fer des voyageurs qui lui donnent un produit indirect d'environ 100,000 fr.

C'est le petit côté de la question. Le grand côté est que ce service a procuré à la Belgique le transit de la correspondance par lettres de quatorze Etats ; la Prusse, l'Autriche, la Russie, la Hollande, la Bavière, le Hanovre, la Saxe, la Suède, la Norwége, le Danemark, Hambourg, Brème, Francfort, le Wurtemberg.

Pourquoi cela ? Parce que nous avons deux heures d'avance sur le transit par la France et Calais. Ne compromettons pas par quelque acte que ce soit, cet avantage de deux heures, car nous perdrions ce transit.

En 1854, il nous a rapporté 503 mille francs ; en 1850, il n'avait rapporté que 248 mille francs. Il augmente de 100 mille francs par an. Mais, dira M. Sinave, vous le conserverez toujours, vous n'avez qu'à faire une convention rigoureuse avec une compagnie particulière, vous ne perdrez pas vos deux heures d'avance.

C'est la question. Il peut arriver qu'une compagnie rivale vienne entreprendre notre transport de lettres de Londres vers le Nord, avec l'intention de dégoûter les pays étrangers du transit des lettres par la Belgique ; il serait très facile à cette compagnie de faire perdre deux heures en mer ; quelque précaution qu'on prît, il serait très difficile de prouver que cette société n'a pas été victime des éléments. Comment, pendant la mauvaise saison, pendant un brouillard, constater qu'un bâtiment est resté en panne, a arrêté ses roues ?

Il suffirait de deux ou trois retards par mois pour que l'Angleterre se dégoûtât du transport de ses lettres par la Belgique ; il suffit d'un retard d'un quart d'heure pour que les lettres en destination de l'Ecosse et de tout le nord de l'Angleterre doivent séjourner 24 heures à Londres.

Il suffirait, dis-je, que cela arrivât deux ou trois fois pour que ces différents pays fissent un traité avec la France qui nous enlèverait le transit des lettres. Pour gagner 25 à 30 mille francs, nous nous exposerions à perdre une recette de 500 mille francs, recette qui chaque année augmente de 100,000 francs et qui pourra bien s'élever à un million sans nous coûter beaucoup, car ce transport de lettres coûte très peu de chose à l'Etat.

Je crois avoir répondu à toutes les questions qui m'ont été adressées jusqu'à présent.

M. Loos. - Comme M. le ministre des affaires étrangères, je crois qu'il est utile de maintenir entre Ostende et Douvres le service de bateaux à vapeur de l'Etat ; la preuve que ce service est nécessaire, c'est que tous les chemins de fer qui ont à recevoir une correspondance par mer ont fini par établir des bâtiments à vapeur pour réaliser ces correspondances par leurs propres moyens et comme complément indispensable de leur exploitation.

C'est ainsi que le chemin de fer du Nord a établi un service entre Calais et Douvres, qu'une compagnie de chemins de fer vient d'établir des bateaux entre Anvers et Harwich.

C'est ainsi que sur tous les points où un chemin de fer aboutit à un passage de mer, les compagnies établissent des bateaux à vapeur ; cela doit prouver à la Chambre la nécessité,pour le chemin de fer de l'Etat, de posséder les mêmes moyens de correspondance par mer.

Vient se joindre à cet intérêt le transit des dépêches par la Belgique, qui ne laisse pas d'avoir une importance considérable, et qui ne peut que s'accroître d'année en année.

Mais, dit-on, traitez avec une compagnie particulière, imposez-lui l'obligation de faire le service dans un temps donné, et vous remplacerez le service de l'Etat. C'est un raisonnement qui doit venir à l'idée de tout le monde. Mais si ce service vient à péricliter par l'influence d'une compagnie rivale, dans quelle position se trouvera l'Etat ? Il aura à se (page 1184) débattre avec le concessionnaire des bateaux à vapeur ; il aura, je veux le croire, le droit de résilier, et il usera de son droit.

Mais avant qu'il en soit venu là, il aura perdu le transit des dépêches, les pays étrangers y auront renoncé, et les voyageurs du chemin de fer auront pris une autre direction.

Pour moi, surtout en présence de la faible économie qui résulterait de la suppression de ce service, je voterai toujours pour le maintien de la ligne de bateaux à vapeur entre Ostende et Douvres.

Le gouvernement, comme l'a dit M. le ministre des affaires étrangères, est, en effet, entré dans la voie de laisser à l'industrie privée tout ce qu'il peut lui abandonner. C'est ainsi qu'il a renoncé au service entre Anvers et Tamise. Ce service était bien fait quand il était exploité par l'Etat. Il est loin d'être dans des conditions semblables aujourd'hui.

Je l'ai dit dans une autre circonstance, le gouvernement pouvait abandonner ce service à l'industrie particulière ; mais il fallait y joindre le passage de la Tête de Flandre et la remorque des navires. Pour ces trois services, il pouvait se former avec avantage une compagnie de bateaux à vapeur. Mais j'ai peu de confiance dans l'avenir d'une compagnie qui a seulement le service de Tamise. Ce qui existe est tellement imparfait qu'il est à regretter que le gouvernement ait fait l'abandon du service.

J'ai appuyé tout à l'heure la proposition de l'honorable M. de Wouters. A une autre époque, j'ai déjà signalé la situation déplorable de la marine de l'Etat, je dirai plus, la situation dérisoire où elle se trouve. Je plains beaucoup les officiers, parmi lesquels je connais des hommes fort distingués et d'une grande valeur, qui sont engagés dans cette carrière, et qui aujourd'hui se trouvent réellement dans une impasse.

J'ai dit qu'il vaudrait mieux supprimer complètement la marine que la maintenir dans l'état où elle est. J'ai contribué à faire mettre en activité le brick le « Duc de Brabant » qui pourrissait dans un de nos ports, et qui depuis a été mis à la mer. Quelques officiers ont été employés, des services assez importants ont été rendus au commerce.

Je crois que des services du même genre pourraient être rendus au-commerce, si la marine recevait quelque développement.

Mais plutôt que de la maintenir dans l'état actuel, je le répète, mieux vaudrait la supprimer.

Avant de la supprimer, j'engage le gouvernement à examiner si cette mesure ne serait pas préjudiciable à tous les intérêts du pays.

Pour ma part, je ne pense pas que l'on puisse se passer complètement d'une marine militaire ; elle est indispensable pour la surveillance de la pêche, dans beaucoup de circonstances, dans l'intérêt du commerce. Les relations très importantes qui existent aujourd'hui entre la Belgique et la côte d'Afrique, je ne crains pas de le dire, doivent être attribuées exclusivement à la marine belge. C'est elle qui a fait les premières relations ; le commerce les a exploitées, fructifiées, étendues. Mais l'initiaiive appartient à la marine de l'Etat.

Je crois que l'industrie n'a qu'à applaudir à de pareils résultats qui lui ont procuré un débouché déjà très important aujourd'hui.

Il y a beaucoup de circonstances où une marine qui n'est pas très étendue, qui n'a pas des proportions très considérables rend des services très considérables au pays. Il faut examiner si la marine, dans des circonstances données, ne concourrait pas d'une manière très efficace à la défense du pays.

Dans une circonstance récente, il s'est agi d'établir des batteries sur les quais d'Anvers. Il semble que le gouvernement ait renoncé à ce projet, et pour ma part, je l'en félicite. Mais il serait possible que, pour compléter la défense par le fleuve, quelques navires de guerre fussent indispensables. Jamais les deux rives ne seront tellement fortifiées qu'une marine militaire ne soit pas nécessaire pour concourir à la défense.

Ensuite, comme on a pu le constater, il existe depuis quelque temps une grande pénurie de marins dans les ports de mer du pays comme dans ceux de l'étranger ; quand on ne possède pas une marine militaire, il est très difficile de recruter pour la marine marchande. Je crois que si le service de notre marine était rétabli sur un pied plus respectable, le commerce y trouverait un grand avantage pour le recrutement des équipages.

On pourrait créer aussi une école de mousses qui est indispensable pour former de bons marins et je crois que le pays possède à cet effet les meilleurs éléments.

Toutes ces considérations, développées par l'honorable M. de Wouters, m'ont frappé depuis longtemps. Je pense donc qu'il y a lieu, comme il le demande, de nommer une commission chargée d'examiner s'il ne convient pas de mettre la marine de l'Etat sur un pied plus respectable.

M. Orts. - J'ai demandé la parole pour combattre l'opinion qui vient d'être émise par l'honorable préopinant sur la motion de l'honorable M. de Wouters.

En 1848, la question de l'utilité d'une marine militaire pour la Belgique a été soigneusement étudiée, comme toutes les questions de réforme que la Chambre a résolues alors avec le concours du gouvernement, et dans cet esprit de sage économie dont nous recueillons aujourd'hui les bons fruits.

A cette époque, j'ai appuyé très vivement la suppression de la marine militaire belge, précisément dans l'intérêt de ces braves et intelligents officiers de marine que l'état actuel des choses maintient, par une sorte de mensonge ,dans une carrière sans honneurs et sans profit, alors que, sous tous les rapports, par leurs services et par leur dévouement, ils méritent honneurs et profit. Dès cette époque, j'ai cru et je le crois encore, ce serait se faire une profonde illusion, une illusion dangereuse au point de vue de l'intérêt financier du pays, que de s'exagérer les services que peut rendre aujourd'hui une marine militaire à la Belgique

Un pays quelconque peut avoir un triple intérêt à l'existence d'un marine militaire. On l'a indiqué tout à l'heure en prétendant que chacun de ces intérêts est un intérêt belge, un intérêt national. Une marin militaire peut servir à la protection du commerce à l'étranger, concourir à la police des côtes, contribuer à la défense nationale.

Messieurs, dans les limites assignées à leur opinion par les honorables préopinants eux-mêmes, sous le rapport financier, il est impossible d'atteindre, au profit de la Belgique, un résultat sérieux, quel que soit le point de vue auquel on se place. L'intérêt commercial tout le premier, le seul qui me paraisse un peu sérieusement engagé dans la question, n'exige en aucune façon une marine militaire pour sa sauvegarde.

Messieurs, pour protéger le commerce national à l'étranger, et pour le développer sous l'influence bienfaisante de pareille protection, il fau une marine militaire sérieuse, une marine imposante, une marine qu puisse compter comme appoint des forces militaires maritimes du monde comme compte à juste titre, au point de vue des forces de terre, notre année nationale.

Mais est ce là que l'on veut aller ? Veut-on donner à la Belgique des flottes, des escadres pour qu'elle puisse, proportion gardée à sa population et à son importance territoriale, tenir son rang dans une guerre maritime, comme elle saurait maintenir son rang et défendre son drapeau dans une guerre continentale ? Mais qu'on y songe ! Si c'est là le but que l'on poursuit, quelle sera la dépense ?

Vous savez ce que nous coûtent nos forces militaires sur terre ; dans quelle proportion faudra-t-il augmenter la dépense, si à côté de cette force territoriale il nous faut une force maritime correspondante ?

Messieurs, il est une puissance, et je l'ai rappelé en 1848 en défendant mon opinion devant vous, il est une puissance qui tient un rang honorable parmi les nations maritimes et qui a, avec la Belgique, des rapports très directs quant à sa population et quant à son armée de terre. Ce pays, c'est la Suède.

Sa force maritime militaire est très modeste. Eh bien, pour atteindre le rang de la Suède comme puissance maritime, il nous faudrait une dépense de 60 à 80 millions, rien qu'en construction de navires de guerre. Je laisse de côté l'entretien.

Messieurs, le commerce d'un pays, son commerce maritime, son commerce lointain, même avec les nations les moins civilisées, ne dépend pas de la présence de quelques bâtiments de guerre.

Rappelons-nous qu'il n'est pas de commerce maritime plus florissant, se faisant plus au loin, qu'il n'est pas de pavillon qui se montre plus souvent aux extrémités du monde, que le commerce, que le pavillon hambourgeois ; je ne souhaite pas à notre commerce d'Anvers et d'Ostende une prospérité plus grande que celle du commerce de Hambourg et de Brème, mon orgueil maritime ne va pas au-delà pour mon pays. Où est la force maritime qui protège le commerce de Hambourg ? Qu'on me la cite, qu'on me la montre, et je voterai les fonds que l'on voudrait consacrer à la création d'une marine belge équivalente.

La police de nos côtes, la police sanitaire, elle peut se faire parfaitement bien avec quelques-uns de ces bâtiments appartenant au service civil de la marine, dont parlait tout à l'heure M. le ministre des affaires étrangères, service civil que je n'entends pas supprimer, service civil que je reconnais utile et qui suffit aujourd'hui.

Il n'est pas besoin de canons pour faire la police sanitaire dans l'Escaut ; il n'est pas besoin de canons pour arrêter les délinquants sur nos côtes ; il n'est pas besoin de canons pour maintenir l'ordre au milieu de nos pêcheurs occupés à recueillir les fruits de leurs travaux dans les mers du Nord. Un simple stationnaire civil qui leur donnerait tous les secours nécessaires en cas de danger, qui leur apporterait des provisions lorsqu'ils en manquent, des agrès lorsque l'armement de leurs légers navires a souffert des vents et des orages, tout cela pourrait se faire sans appareil militaire, sans canons, et cela coûterait moins cher. Et ces officiels expérimentés qui aujourd'hui sont engagés dans la malheureuse carrière militaire seraient mille fois plus utiles comme officiers de la marine civile dans la position que je viens d'indiquer.

Vient la défense nationale. Ici je m'étonne que d'honorables membres, appartenant précisément à la ville d'Anvers, nous parlent du concours que pourrait prêter à la défense de cette place une flotte de guerre.

L'honorable bourgmestre d'Anvers, qui vient de se rasseoir, oublie-t-il que le port de cette ville fut menacé un jour par une puissance maritime ? C'était en 1808. L'Escaut portait alors une escadre autrement puissante que celle que nous pourrions jamais y avoir. Que fit de cette escadre l'autorité militaire chargée de pourvoir à la défense d'Anvers ? Son premier soin fut de remonter ces navires jusqu'à l'embouchure du Rupel, à trois lieues en arrière du point menacé, pour le moins.

Où veut-on, en effet, placer des navires de guerre pour défendre Anvers ? Sera-ce devant les bassins ou la Tête-de-Flandre ? Jamais. Sans doute alors entre le fort du Nord et la flotte ennemie ? C'est-à-dire avec le canon ennemi devant soi et le canon ami derrière ?

Aujourd'hui, du reste, de récentes expériences viennent de nous l'apprendre ; le plus grand profit qu'en puisse tirer des navires de guerre pour la défense d'une place maritime, c'est de les couler à fond à l'entrée de la passe.

(page 1185). - Un membre. - C'est déjà un service.

M. Orts. - C'est déjà un service, mais c'est le payer un peu cher. Faites couler des navires de commerce qui sont dans vos bassins et qui sont beaucoup plus grands que les navires de guerre que possédera jamais la Belgique ; vous aurez atteint le but que vous vous proposez. Vous aurez épargné vos millions. Après tout, la question de la défense nationale a été examinée. Une commission militaire dès 1847 s'est prononcée quant au peu de concours qu'on pouvait espérer d'une force maritime quelconque pour la défense de la place d'Anvers, et je crois que nos autres forteresses en ont moins besoin encore. Toujours la défense d'Anvers a été combinée en vue des forces de terre et des fortilfcations dont on pouvait disposer, pour appuyer ou couvrir les premières.

Lorsque plus tard la commission semi-parlementaire, dont j'eus l'honneur de faire partie, examina notre état militaire, il n'est venu chez aucun de ses membres l'idée de faire concourir à la défense d'Anvers une force de guerre maritime.

Je pense donc que c'est là une question jugée par les hommes spéciaux, et je crois que M. le ministre de la guerre, si M. le ministre des affaires étrangères le consulte, comme il annonce l'intention de le faire, que M. le ministre de la guerre attachera à mon témoignage l'autorité de son expérience.

Messieurs, une dernière réflexion.

En présence de ce qu'exigent, à juste titre, les besoins de la défense nationale sur terre, nous ne devons pas chercher à augmenter par fantaisie ou par amour-propre la dépense de cette défense. La Chambre agira sagement en écartant la nomination d'une commission qui est une porte large ouverte aux dépenses nouvelles, nous le savons d'expérience. Elle se référera à l'examen promis par M. le ministre des affaires étrangères, examen qui, j'en suis persuadé, le mènera à la conviction partagée par tous les ministres des affaires étrangères qui se sont succédé depuis 1847 jusqu'aujourd'hui.

M. Sinave. - Je ne suivrai pas les honorables membres qui ont parlé d'une force maiitime militaire, je ne ferai qu'une seule remarque. Pour avoir une marine militaire tant soit peu respectable, il faut un port, et vous n'en possédez pas. D'après les traités existants, il est défendu à la Belgique d'avoir des navires de guerre à Anvers et de descendre l'Escaut.

Pour monter ou descendre cette rivière, il faut baisser votre pavillon, mettre vos canons à fond de cale et demander aux Pays-Bas la permission de passer.

Ce n'est pas à Ostende non plus que vous pourrez avoir des bâtiments de guerre d'une certaine importance. Vous pouvez y avoir un brick comme le Duc de Brabant, comme la Louise-Marie, mais vous ne pouvez y avoir ce qu'on appelle un bâtiment de guerre, vous ne pouvez y avoir une corvette.

Je ne préjuge rien ; je dis seulement qu'il serait utile de renvoyer cette question à une commission pour examiner ce qu'il convient de faire.

L'honorable ministre, en répliquant à mes observations sur l'utilité de remettre les bateaux à vapeur à l'industrie privée, a fait remarquer qu'il faut tenir compte des 400,000 fr. que produit la poste. Mais M. le ministre a senti lui-même que cette objection n'était pas sérieuse, et il a fini par dire ; Je sais bien que si le service était livré à l'industrie privée, le transit se ferait comme aujourd'hui.

Une objection que je considère comme bien moins sérieuse encore, c'est de dire qu'une compagnie pourrait faire ballotter les passagers pendant quelques heures pour leur donner le mal de mer ou autres inconvénients et les détourner ainsi de suivre la voie de Belgique.

Enfin la section centrale a dit que la compagnie pourrait employer de mauvais bateaux, et elle a cité un exemple à cet égard ; mais, messieurs, le fait qu'on a invoqué ne provient pas du bateau, c'est le port qui ne vaut rien.

En résumé, messieurs, je pense qu'il n'y a aucun motif sérieux pour ne pas abandonner à l'industrie privée un service qui cause tous les ans une perte considérable à l'Etat.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Je n'ai dit qu'une chose, messieurs, pour démontrer la nécessité de maintenir le service des bateaux à vapeur entre les mains du gouvernement, c'est que tout le transit des lettres par la Belgique repose sur un avantage de deux heures que la Belgique possède, géographiquement, sur la France et que cet avantage de deux heures peut être facilement enlevé par une cause ou par l'autre ; que, par conséquent, nous devons tenir en mains tous les moyens possibles de conserver cet avantage de deux heures qui nous rapporte 500,000 fr. par an. Je n'ai pas dit autre chose.

M. Loos. - Messieurs, je suis venu témoigner de mes sympathies pour la marine militaire, mais je n'ai jamais prétendu qu'il fallût créer une marine comme celles que possèdent la Suède, le Danemark ou la Sardaigne ; j'ai demandé seulement qu'on ne laissât pas notre marine dans l'état misérable où elle se trouve aujourd'hui et j'ai ajouté que je préférerais qu'elle fût supprimée complètement, car sa situation actuelle est tout à fait dérisoire et elle nous rend ridicule.

Messieurs, mon opinion ne diffère de celle de l'honorable M. Orts qu'en un seul point ; c'est que j'appelle marine militaire ce qu'il appelle marine civile. Il n'y a que le canon qui épouvante l'honorable M. Orts.

M. Orts. - Parce qu'il coûte cher.

M. Loos. - L'honorable M. Orts a énuméré, comme je le faisais moi-même, les services que rendrait une marine qu'il appelle civile et que j'appelle moi militaire. Eh bien, peu m'importe le nom, pourvu que le gouvernement crée une marine qui puisse, dans tous les cas, protéger les intérêts sur l'importance desquels l'honorable M. Orts est d'accord avec moi.

Je ne demande donc pas, comme on le suppose, une dépense de 60 millions ; ce que je désire pourrait se faire très bien, je crois, avec un million par an.

En attendant que le gouvernement crée pour la marine une situation meilleure, les officiers ont demandé à pouvoir utiliser leur temps et leurs connaissances, par exemple à bord des bateaux à vapeur qui vont faire le service vers les Etats-Unis et le Brésil ; le gouvernement ne leur en accorde l'autorisation qu'autant qu'ils donnent leur démission du service de l'Etat. Je trouve que le gonvernement a tort. Ces officiers ne veulent pas renoncer à leur position dans la marine de l'Etat, ils ne veulent pas perdre des droits acquis, mais ils désireraient rendre service au pays en utilisant leurs connaissances à bord des navires à vapeur transatlantiques ; pourquoi ne pas leur accorder un congé qui leur permette de le faire ?

L'honorable M. Orts disait que puisque Hambourg n'a pas de marine il ne faut pas que la Belgique en ait une. Mais, messieurs, Hambourg a-t-il à protéger des côtes ? Hambourg a-t-il à se préoccuper de la police maritime ?

Ensuite, messieurs, qu'on ne l'oublie pas, Hambourg fait partie de la confédération germanique, et si les intérêts de Hambourg étaient lésés par l'étranger, ce serait la confédération germanique qui les défendrait. Quant à nous, nous n'avons personne pour défendre nos intérêts, et dès lors nous devons bien les défendre un peu nous-mêmes. Certes je n'entends pas que nous ayons à mettre en ligne une flotte capable de livrer bataille à une flotte puissante ; je ne veux pas aller au-delà des services que l'honorable M. Orts a énumérés.

M. Van Iseghem. - Messieurs, après ce que l'honorable M. Loos vient de dire, en réponse au discours de l'honorable député de Bruxelles, j'aurai peu de chose à ajouter.

L'honorable M. Orts a parlé de 1809 ; je répondrai qu'en 1830 et en 1831, au contraire, on a reconnu la nécessité d'avoir une certaine marine militaire, et qu'à cette époque, pour défendre l'Escaut et la ville d'Anvers, il y avait 14 navires, montés par 700 à 800 hommes d'équipage, et qui portaient 84 pièces de canon.

L'honorable M. Orts a dit encore qu'en 1848, la question de la marine avait été décidée. Je répondrai à l'honorable député de Bruxelles que le ministre des affaires étrangères de l'époque ne s'est jamais déclaré pour la suppression de la marine. C'est le contraire ; voici comment l'honorable M. d'Hoffschmidt s'est exprimé en 1848 :

« Je commence par faire observer que, dans notre position, il ne s'agit que de l'année 1849. Le gouvernement a dû examiner si, en 1849, il était nécessaire de maintenir le navire qu'il propose de désarmer provisoirement, voilà toute la question.

« Il ne s'agit donc pas de la suppression de la marine militaire ; il s'agit de savoir si nous devons maintenir, pendant 1849, deux navires, dont l'un, le « Duc de Brabant », occasionne une dépense annuelle de 160,000 fr. Il nous a semblé qu'avec un seul de ces navires, ou pourrait pourvoir aux besoins du service, ainsi qu'à quelques explorations utiles au commerce. »

En finissant, le même ministre disait :

« Je désire qu'on comprenne bien la proposition du gouvernement, telle qu'elle doit être entendue. Il ne s'agit pas de la suppression de la marine ; il s'agit du désarmement d'un navire auquel, pour le moment, nous n'avons à donner aucune destination. Il a fait un voyage naguère sur les côtes occidentales de l'Amérique. Quant aux côtes d'Afrique, la « Louise-Marie » les visitera, sans que cela l'empêche de protéger la pêche pendant la saison.

« Le gouvernement trouve donc qu'un seul navire armé lui suffit pour 1849 ; si, plus tard, il a besoin d'un deuxième navire, il fera une proposition aux Chambres. »

L'honorable M. d'Hoffschmidt n'a donc pas dit qu'il voulait la suppression de la marine.

Messieurs, on ne peut pas se le dissimuler ; la position des officiers de notre marine n'est plus tenable ; ils veulent savoir s'il y a un avenir pour eux.

Je m'associe aux honorable préopinants pour demander que M. le ministre des affaires étrangères examine la question avec toute l'attention qu'elle mérite.

J'ajouterai encore, comme je l'ai dit dans mon rapport, que rien n'est organisé pour la marine ; à tout moment il y a des changements sans nécessité et il y en a même, d'après moi, contraires au bon sens. Pour la marine on invoque souvent les lois qui régissent notre armée, mais sait-on qu'il n'y a que deux lois qui contiennent des dispositions relatives à la marine ? n'a-t-on pas apporté des changements aux règlements organiques dernièrement par un arrêté royal ? Il faut absolument pour les officiers de la marine de la stabilité, une organisation complète qui leur donne de certaines garanties.

Il me reste maintenant à répondre à l'honorable M. Sinave au sujet des paquebots à vapeur entre Ostende et Douvres.

L'honorable membre a dit que la question était mûre, que le résultat était affreux pour nous.

Oui, messieurs, le résultat est affreux, non pour notre service, mais pour le service anglais, et je n'aurais pas employé ce mot dur, s'il n'avait pas été prononcé par l’honorable député de Bruges, s'il n'avait pas (page 1186) parlé du mauvais état du port d'Ostende, que c'est à cet état qu'où doit attribuer la perte du « Dover ».

Je me serais tu, mais la Chambre comprendra qu'il m'est impossible de laisser une telle chose sans réponse. Le port d'Ostende est un des meilleurs ports de marée de la mer du Nord et de la Manche. L'assertion que l'honorable membre n'a pas craint d'émettre me force à dire que le mal n'est pas dans les conditions du port, mais dans le mauvais état du navire qui a fait naufrage.

Si le navire avait été en bon état, il n'aurait pas péri. Il était vieux et construit dans de mauvaises conditions ; il avait une voie d'eau, et au lieu de tenir la haute mer, il a longé la côte, ainsi il aurait dû manœuvrer de manière à attaquer directement l'entrée du port, ce qui lui eût permis, en cas d'accident, de battre en arrière et de choisir la passe la plus profonde au lieu de longer la côte de très près.

Peut-on comprendre pourquoi on envoie de vieux navires sur Ostende ? Oui, pour faire mal le service, pour protéger Calais. Ce serait ici le cas de prononcer un mot qui appartient aussi à l'honorable député de Bruges. Il y a quelques années, il nous disait que nos bateaux étaient des carcasses ; je lui dirai, à mon tour, que le bateau anglais était une vieille carcasse.

Mon honorable contradicteur dit encore que les prétentions de ceux qui demandent à pouvoir entreprendre ce service ne sont pas leur dernier mot.

Mais en supposant même qu'il y eût là pour le trésor une économie directe de 25,000 à 30,000 francs (et je vais encore loin), que serait cette somme, en comparaison de la perte de 500,000 à 600,000 francs que l'Etait ferait d'autre part, ainsi que l'a parfaitement dit M. le ministre des affaires étrangères, qui vient de prononcer sur cette question un discours rempli de faits et qui ne peut pas être contredit.

L'honorable M. Sinave a dit ensuite qu'outre les dépenses indiquées, il y a encore une grande perte ; je ne me rappelle pas à quel chiffre il l'a évaluée.

Mais ne sait-il donc pas que dans le budget annuel il y a un crédit pour les réparations ?

Ce sont les chaudières qui souffrent le plus, et tous les ans une des trois est renouvelée, jusqu'à présent on n'a pas encore dû voter des crédits supplémentaires.

L'honorable M. Sinave prétend que le chemin de fer de l'Etat ne perdra rien. Mais, comme l'a fait observer avec raison l'honorable ministre des affaires étrangères, du moment que les passagers seront dégoûtés de venir à Ostende, ils iront à Calais. A cette objection, l'honorable membre répond que les voyageurs arriveront tout de même en Belgique par Mouscron.

Mais sait-il, qu'arrivés à Calais, ou bien les passagers traverseront la France ou s'ils arrivent en Belgique ils prendront les chemins de fer concédés, et au lieu, comme d'Ostende à Verviers, de voyager sur une étendue de chemin de fer de l'Etat de 70 lieues, ils voyageront peut-être par la suite sur un parcours, de 10 à 20 kilomètres ; ainsi l'Etat perdrait immensément.

L'honorable M. Sinave a dit aussi qu'on pouvait facilement mettre des conditions positives dans le cahier des charges, qu'on pouvait forcer les capitaines à partir immédiatement, aux entrepreneurs de livrer de bons bateaux ; mais ces derniers n'ont-ils pas pris cet engagement envers le gouvernement anglais et n'a-t-on pas vu comment cet engagement est exécuté ? L'honorable membre ignore-t-il qu'il y a une infinité de moyens d'étuder tout cela ? Ne peut-on pas reculer le départ du navire, marcher lentement et même ne pas partir ?

Les entrepreneurs de la ligne de Calais à Douvres, si l'Etat belge avait la faiblesse de leur concéder le service, feraient en sorte, d'après moi, de compromettre notre ligne. Je citerai un exemple, que j'ai vu moi-même à Ostende. On sait que la marée diffère tous les jours d'environ 45 minutes ; un jeudi un bateau belge partait du port, le lendemain, le bateau anglais, au lieu de partir aussi du port, et bien qu'il y avait plus d'eau que le jour précédent, il s'est mis sur rade pour faire crier les passagers ; ils ont été obligés de s'embarquer en canot, ce qui les a dégoûtés du voyage d'Ostende.

Messieurs, nous avons à défendre ici les intérêts du commerce ; nous devons voir que tout marche avec régularité et qu'il y ait de la sécurité ; nous ne pouvons pas non plus compromettre les intérêts du trésor. Je crois que pour toutes les raisons ainsi que celles que M. le ministre des affaires étrangères a alléguées, il y a lieu de ne pas adopter la proposition de l'honorable M. Sinave et de maintenir le service entre Ostende et Douvres, au moins tel qu'il est organisé en ce moment.

Voilà sept ans que nous avons la même lutte à soutenir. J'espère que ce sera la dernière ; à diverses époques, le gouvernement a fait un appel à l'industrie privée et aucune offre sérieuse n'est venue ; maintenant des entrepreneurs se présentent, mais ce sont les concessionnaires d'une ligne concurrente qui, je le crains, viennent pour nous couper la gorge.

M. Vervoort. - Messieurs, la marine militaire belge se trouve dans une situation précaire, dans une situation qui n'est pas digne de notre pays. L'honorable M. Loos vient de qualilicr cette situation de dérisoire, l'honorable M. Orts l'a appelée un mensonge ; ces qualifications n'ont rien d'exagéré.

L'état de notre marine militaire soulève deux questions ; Faut-il maintenir notre marine ou faut-il la changer, l'améliorer, la développer ? La Chambre n'est pas saisie en ce moment de la solution de ces deux questions. Si la Chambre était saisie de la solution de ces questions, les observations de l'honorable M. Orts seraient parfaitement placées dans le débat et nous aurions à les examiner.

Mais la proposition de l'honorable M. de Wouters soulève une question toute différente ; il s'est demandé si l'importance de cette matière ne devait pas engager le ministère à soumettre la difficulté, que je viens de rappeler, à l'appréciation d'une commission spéciale et les observations de l'honorable M. Orts ne sont pas de nature à faire écarter la proposition.

Dans mon opinion, la proposition de l'honorable M. de Wouters doit être accueillie. La matière, je le répète, est assez importante pour la soumettre à l'examen d'hommes spéciaux.

Si la Belgique peut se passer d'une marine de l'Etat, eh bien, que cette commission le déclare, que le débat soit soulevé et que cette marine disparaisse complètement. Si, au contraire, la marine militaire doit être développée, je crois que la Belgique ne reculerait pas devant un sacrifice qui serait commandé par une semblable nécessité.

J'engage la Chambre à adopter la proposition de l'honorable M. de Wouters. C'est le moyen d'en venir sagement et régulièrement à une solution définitive.

- La discussion générale est close.

Discussion du tableau des crédits

Chapitre premier. Administration centrale

Articles 1 à 6

« Art. 1er. Traitement du Ministre : fr. 21,000. »

- Adopté.


« Art. 2. Traitement du personnel des bureaux : fr. 108,491. »

- Adopté


« Art. 3. Premier terme des pensions à accorder éventuellement : fr. 3,500. »

- Adopté.


« Art. 4. Secours à des fonctionnaires et employés, à leurs veuves ou enfants, qui, sans avoir droit à la pension, ont des titres à l'obtention d'un secours, à raison de leur position malheureuse : fr. 1,000. »

- Adopté.


« Art. 5. Matériel : fr. 37,600. »

- Adopté.


« Art. 6. Achat de décorations de l'Ordre de Léopold, sans que l'on puisse augmenter ce chiffre par des imputations sur d'autres articles : fr. 8,000. »

- Adopté.

Chapitre II. Traitements des agents diplomatiques

Articles 7 à 19

« Art. 7. Missions en Allemagne : fr. 101,000. »

- Adopté.


« Art. 8. France : fr. 45,000. »

- Adopté.


« Art. 9. Grande-Bretagne : fr. 62,000. »

- Adopté.


« Art. 10. Italie : fr. 37,000. »

- Adopté.


« Art. 11. Pays-Bas : fr. 39,000. »

- Adopté.


« Art. 12. Russie : fr. 62,000. »

- Adopté.


« Art. 13. Brésil : fr. 18,000. »

- Adopté.


« Art. 14. Danemark, Suède et Hambourg : fr. 15,000. »

- Adopté.


« Art. 15. Espagne : fr. 15,000. »

- Adopté.


« Art. 16. Etats-Unis : fr. 18,000. »

- Adopté.


« Art. 17. Portugal : fr. 15,000. »

- Adopté.


« Art. 18. Turquie: fr. 27,000. »

- Adopté.


« Art. 19. Indemnités à quelques secrétaires et attachés de légation ; charge extraordinaire : fr. 12,000. »

- Adopté.

Chapitre III. Consulats

Article 20

(page 1187) « Art. 20. Traitements des agents consulaires et indemnités à quelques agents non rétribués : fr. 82,600. »

- Adopté.

Chapitre IV. Frais de voyage

Article 21

« Art. 21. Frais de voyage des agents du service (page 1546) extérieur et de l'administration centrale, frais de courriers, estafettes, courses diverses : fr. 70,500. »

- Adopté.

Chapitre V. Frais à rembourser aux agents du service extérieur

Articles 22 et 23

« Art. 22. Indemnités pour un drogman, six cavasses, employés dans diverses résidences en Orient et pour un capou-oglan : fr. 6,530. »

- Adopté.


« Art. 23. Frais divers : fr. 73,470. »

- Adopté.

Chapitre VI. Missions extraordinaires, traitement d’inactivité et dépenses imprévues

Articles 24 et 25

« Art. 24. Missions extraordinaires, traitements d'agents politiques et consulaires en inactivité ; charge extraordinaire : fr. 36,000. »

- Adopté.


« Art. 25. Dépenses imprévues non libellées au budget : fr. 4,000. »

- Adopté.

Chapitre VII. Commerce, navigation, pêche

Articles 26 et 27

« Art. 26. Ecoles de navigation. Personnel : fr. 16,420. »

- Adopté.


« Art. 27. Ecoles de navigation. Frais divers : fr. 7,280. »

- Adopté.

Article 28

« Art. 28. Chambres de commerce : fr. 12,000. »

M. Magherman. - Messieurs, l’année dernière j'ai signalé la manière abusive, vicieuse, dont se composent quelques chambres de commerce. En effet, dans quelques villes les chambres de commerce se recrutent exclusivement parmi les négociants du chef-lieu du ressort. J'ai cité la ville de Gand.

La ville de Gand a une chambre de commerce qui est censée représenter les intérêts des arrondissements de Gand, d'Audenarde et d'Eccloo.

Elle est composée de 15 membres et tous appartiennent à la ville de Gand ; de manière que lorsque les intérêts des diverses localités formant le ressort sont en jeu, les intérêts des autres localités sont sacrifiés à ceux du chef-lieu. C'est ce qui est arrivé récemment dans une question très importante, les intérêts de l'arrondissement d'Audenarde ont été totalement perdus de vue.

L'honorable prédécesseur de M. le ministre actuel avait promis d'appeler l'attention des chambres de commerce sur cet abus, lors du renouvellement partiel de leur personnel.

Il n'est pas étonnant que l'abus que je signale se perpétue, car les chambres de commerce se renouvellent tous les trois ans par tiers, sur la proposition des chambres de commerce elles-mêmes.

Une fois que cet abus existe au profit du chef-lieu, les membres n'ont garde de le faire cesser, ils ont au contraire soin de perpétuer, au profit du chef-lieu, l'état de choses existant. C'est ce qui a eu lieu cette année pour le renouvellement de la chambre de commerce de Gand. J'ignore si M. le ministre aura appelé l'attention de cette chambre de commerce sur l'abus que j'ai signalé.

Toujours est-il que cette chambre s'est renouvelée cette année, comme les années précédentes, c'est-à-dire que tous les membres ont été pris dans le sein de la ville de Gand.

Le ministre précédent semblait ne pas être éloigné d'accorder une chambre de commerce à l'arrondissement d'Audenarde si la demande lui en était adressée ; je suis informé que la demande a été faite par la ville de Renaix qui est le centre commercial le plus important de l'arrondissement d'Audenarde ; je prie M. le ministre d'activer l'instruction de cette demande, et de lui donner une solution aussitôt que le conseil provincial, appelé à donner son avis, aura fait connaître son opinion.

Si l'on rencontrait de l'opposition, je prierais M. le ministre de tenir la main à ce que l'abus que j'ai signalé cessât et que toutes les localités ressortissant à une chambre de commerce ne fussent plus sacrifiées au chef-lieu.

Il est déplorable qu'une population de 337,000 habitants, formant le ressort de la chambre de commerce de Gand en dehors du chef-lieu soit entièrement sacrifiée à la population de 102,000 habitants que comprend ce chef-lieu.

Je ne veux pas méconnaître l'importance commerciale de Gand qui doit être prise en sérieuse considération quand il s'agit des intérêts du ressort de l'arrondissement mais les intérêts des autres localités ; ont aussi des titres à l'attention de la chambre consulaire.

M. Rodenbach. - Messieurs, ce que vient de dire l'honorable préopinant, des intérêts de l'arrondissement d'Audenarde oubliés dans la composition de la chambre de commerce de Gand, s'appliquait il y a quelque temps à l'arrondissement de Courtrai ; le même abus existait, on l'a fait cesser en créant une chambre de commerce à Courtrai.

Puisque les intérêts de l'arrondissement d'Audenarde et particulièrement de ville de Renaix, qui est très importante par son industrie, ont été négligés dans la composition de la chambre de commerce du ressort, qu'on demande la création d'une chambre de commerce à Renaix.

Ils n'ont qu'à faire les frais d'une chambre de commerce, à payer leur secrétaire et à se procurer un local. Je suis persuadé qu'ils ont de bonnes raisons à donner, comme en a donné la ville de Roulers dont les intérêts étaient méconnus par la ville de Courtrai, qui négligeait de présenter des membres de cette localité.

J'engage donc l'honorable membre à faire en sorte d'obtenir une chambre de commerce à Renaix. Les habitants seront satisfaits. C'est le meilleur conseil qu'on puisse leur donner. Il y a un exemple. Nous avons fait les frais et nous avons réussi.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Je reconnais tous les droits de l'arrondissement d'Audenarde et de Renaix à avoir une chambre de commerce. Je promets à l'honorable M. Magherman de faire activer la demande adressée à mon département. Si l'instruction n'étail pas terminée avant la fin de l'année, j'adresserais à la chambre de commerce de Gand une invitation pressante de me présenter un représentant de ces localités pour faire partie de la chambre.

M. Manilius. - Je crois que l'honorable ministre des affaires étrangères fera bien d'étudier la question. Mais j'ai demandé la parole pour répondre à l'honorable M. Magherman qui est dans l'erreur, lorsqu'il croit que les chambres de commerce des chefs-lieux de province agissent par esprit de clocher et veulent abuser de la bonne position qu'elles ont. Elles n'ont absolument rien à exploiter. Ces fonctions ne sont pas recherchées ; elles sont une charge gratuite, purement honorifique et assez lourde ; car il n'est pas de mesure intéressant le commerce sur laquelle les chambres de commerce ne soient consultées ; aussi ont-elles assez de peine à obtenir l'assentiment des membres qui doivent les composer.

Si donc il y a, à Audenarde et à Renaix, des personnes désireuses d'accepter cette charge, qu'elles veuillent bien se faire connaître au gouvernement ; la chambre de commerce de Gand, n'en doutez pas, si elle est consultée, ne s'opposera pas à l'érection d'une chambre de commerce à Audenarde, voire à Renaix même ; que l'on n'argumente donc pas d'abus.

M. Magherman. - Je n'ai nullement eu la pensée d'attaquer les intentions d'aucun des membres de la chambre de commerce de Gand, ni de les accuser de vouloir exploiter quoi que ce soit ; et certainement, cette expression ne s'est pas trouvée dans mon discours. Mais il est naturel qu'une chambre de commerce, ne comprenant que des membres appartenant à une seule localité, se préoccupe plus des intérêts de cette localité que des intérêts tout aussi respectables du restant du ressort qu'elle ne connaît pas.

(page 1188) C'est à ce point de vue que je me suis permis de dire que la chambre de commerce de Gand ne représente pas les intérêts de son ressort, mais uniquement ceux de Gand.

D'après la promesse de M. le ministre des affaires étrangères, j'ai lieu de croire que cet abus cessera, et qu'il sera créé une chambre de commerce en la ville de Renaix, qui s'engage à payers sa part de frais, aussitôt que le conseil provincial auquel incombe également une partie de ces frais, aura voté l'allocation nécessaire. Quant à l'Etat, je ne doute pas qu'il ne soit prêt à supporter sa part dans cette légère dépense.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - L'Etat est prêt.

- L'article 28 est adopté.

Articles 29 à 35

« Art. 29. Frais divers et encouragements au commerce : fr. 15,200. »

- Adopté.


« Art. 30. Encouragements pour la navigation entre les ports belges et étrangers, sans que, dans l'un ou l'autre cas, sauf pour le service de navigation à vapeur entre la Belgique et le Brésil, les engagements, puissent obliger l'Etat au-delà du crédit alloué pour l'exercice 1856, et sans que les crédits puissent excéder 40,00,0 francs par service.

« Personnel : fr. 1,050. »

« Frais divers : fr. 113,350.

- Adopté.


« Art. 32. Service de navigation à vapeur entre Anvers et New-York, subside accordé en vertu du n°1 de l'article 10 de la convention du 29 mai 1853 : fr. 28,800.

« Service de navigation à vapeur entre Anvers et Rio de Janeiro, remboursement des droits de tonnage, de pilotage, de phares et fanaux, spécifiés à l'article 6 de la convention du 25 avril 1854 : fr. 20,500.


« Art. 33. Pêche maritime. Personnel : fr. 7,950. »

- Adopté.


« Art. 34. Pêche maritime. Primes: fr. 92,050. »

- Adopté.

« Art. 34. Coutume à Lamina, chef des Nalous, pour l'exercice 1855 : fr. 5,000. »

- Adopté.

Chapitre VIII. Marine. Pilotage

Discussion générale

M. le président. - Nous sommes parvenus au chapitre VIII « Marine ».

La discussion est ouverte sur ce chapitre et sur la proposition de M. de Wouters.

M. Julliot. - Je suis étonné de la facilité avec laquelle les questions nouvelles s'introduisent à la Chambre. Il y a deux ans et l'année dernière, nous avons discuté le budget du département des affaires étrangères ; il n'a pas été question alors de la marine militaire. Il y a huit jours, on a distribué une brochure bien écrite par un ancien officier du génie ; probablement un officier pensionné, et je lui en fais mon compliment, sa brochure a eu du succès, car on a fait différents discours tous brodés sur ce thème de la brochure qu'il faut une bonne marine, ou qu'il ne faut rien.

On nous propose la nomination d'une commission. Nous savons tous ce que sont les commissions ; je n'en suis pas partisan, je ne trouve pas qu'elles aient été jamais avantageuses à nos finances.

Je voudrais, avant de me décider, avoir un peu plus de renseignements sur notre situation.

Je prévois que cette commission devra faire un travail, et proposera une marine. Après cela, il faudra des fonds ; le trésor en pâtira. Je ne vois pas les avantages qu'il peut y avoir là au point de vue de l'intérêt général.

Ce qui m'a frappé dans ce qu'on a dit, c'est que la ville de Hambourg qui n'a pas de marine a de la considération. Je crois que notre neutralité doit nous faire considérer aussi, car les puissances ont intérêt à nous soutenir.

Je n'adopte donc pas la proposition de l'honorable M. de Wouters.

M. Lebeau. - Messieurs, il y a déjà quelque temps que je siège dans cette enceinte et c'est la première fois que je vois surgir une proposition de cette nature. J'avais compris à l'énoncé de la proposition de l'honorable M. de Wouters qu'il s'agissait pour la Chambre de se prononcer sur la question de savoir si elle nommerait elle-même une commission. Mais proposer à la Chambre de décider que le gouvernement sera invité à nommer une commission, c'est mettre la Chambre vis-à-vis du gouvernement dans une position de subalternité inconciliable avec la dignité de la Chambre, inconciliable aussi avec l'indépendance du gouvernement.

Je ne comprends pas une pareille proposition ; elle est tout à fait insolite.

Si l'honorable M. de Wouters veut qu'on procède régulièrement qu'il propose à la Chambre de nommer une commission pour examiner cette question. Mais il ne peut vouloir que la Chambre prie le gouvernement de nommer une commission.

Je dois donc m'opposer, dans cette forme, à la proposition de l'honorable M. de Wouters, et si je ne demande pas la question préalable, c'est par égard pour l'honorable membre.

M. de Wouters. - Je modifie ma proposition dans le sens que vient d'indiquer l'honorable M. Lebeau.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Il s'agit dès lors d'une proposition de commission d'enquête. Cela changeront-plétemént la question.

Je me suis engagé au commencement de la séance, en répondant à la motion de l'honorable M. de Wouters, à nommer moi-même une commission pour examiner la question. Je n'ai pas dissimulé la crise qui travaillait la marine. J'ai dit qu'il y avait quelque chose à faire.

M. Lebeau. - Cela suffit.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Si la Chambrer a confiance dans le gouvernement et veut bien nous laisser le soin de nommer cette commission, nous sommes d'accord. Mais une commission d'enquête, je ne pourrais l'accepter. Ce serait un acte de défiance que nous ne méritons pas.

M. de Wouters. - Je retire ma proposition.

M. de Mérode. - Messieurs, bien que je sois souvent d'accord avec l'honorable M. Julliot, je ne puis admettre la comparaison qu'il vient de faire de la Belgique avec la ville de Hambourg. Hambourg n'est qu'une simple ville et elle appartient à la confédération germanique.

Nous n'appartenons à aucune confédération et nous devrions, selon moi, participer à la protection que les différentes puissances qui se trouvent au bord de la mer accordent à la marine marchande. Nous ne rendons aucun service dans les différentes mers, par exemple quant à la piraterie ; et nous faire défendre en quelque sorte par la gendarmerie maritime des autres peuples, cela n'est pas de nature à nous attirer une grande considération dans le monde.

Nous sommes neutres au point de vue de l'armée destinée à défendre notre territoire ; par conséquent nous ne faisons pas d'expéditions militaires en Europe ni hors de l'Europe. Mais nous pourrions au moins agir quant à la protection qui est due à la marine de toutes les nations qui naviguent dans les différentes mers du globe.

A ce point de vue, je trouve qu'une petite marine belge bien organisée serait une chose très désirable. Pourrons-nous suffire à cette dépense et à d'autres encore que l'on nous demande ? Je n'en sais rien. Mais quant au principe, je suis obligé de le soutenir.

M. Loos. - Je n'ai pas la moindre envie de reprendre pour mon compte la proposition de l'honorable M. de Wouters, surtout en présence de la déclaration que vient de faire M. le ministre des affaires étrangères. Mon but, en appuyant la proposition de l'honorable M. de Wouters, était de faire examiner la question par une commission, et comme M. le ministre des affaires étrangères vient de déclarer qu'il en serait ainsi, je suis parfaitement satisfait.

M. Orts. - Si M. le ministre des affaires étrangères compte procéder à la formation d'une commission pour l'examen de cette question, je demande que cette commission ne soit pas exclusivement composée d'officiers de la marine.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Cela va sans dire.

- La discussion est close.

Articles 36 à 45

« Art. 36. Pilotage. Personnel : fr. 170,850. »

- Adopté.


« Art. 37. Remises à payer aux pilotes et autres dépenses relatives au pilotage (crédit non limitatif) : fr. 200,610. »

- Adopté.


(page 1188) « Art. 38. Passage d'eau. Personnel : fr. 11,850. »

- Adopté.


« Art. 39. Police maritime. Personnel : fr. 25,400. »

- Adopté.


« Art. 40. Primes d'arrestation aux agents et vacations aux experts et agents chargés de la surveillance de l'embarquement des émigrants (crédit non limitatif) : fr. 4,000. »

- Adopté.


« Art. 41. Sauvetage. Personnel : fr. 14,300. »

- Adopté.


« Art. 42. Paquebots à vapeur entre Ostende et Douvres. Traitement des courriers et agents : fr. 14,350. »


« Art. 43. Bâtiments de l'Etat. Personnel : fr. 235,831 67. »

- Adopté.


« Art. 44. Bâtiments de l'Etat. Vivres : fr. 88,600. »

- Adopté.


Art. 45. Bâtiments de l'Etat. Secours aux marins blessés, à leurs veuves, etc., et médicaments : fr. 4,000. »

- Adopté.

Article 46

Art. 46. Bâtiments de l'Etat. Dotation à la caisse de prévoyance : fr. 10,000. »

- Adopté.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Cette dotation à la caisse de prévoyance a été autorisée par la loi de 1844 sur les droits différentiels. Le gouvernement était autorisé par cette loi à accorder un subside ; mais elle ne lui en fait pas une obligation.

Le gouvernement a accordé pendant dix années de suite une somme de 10,000 fr. Cela fait une somme de 100,000 fr. que nous avons déjà versée dans cette caisse.

Messieurs, cette caisse se trouve dans l'état le plus prospère. Il résulte des comptes que j'ai reçus qu'elle est dans les meilleures conditions de prospérité. En conséquence je propose de supprimer entièrement l'article 46 du budget.

M. Van Iseghem, rapporteur. - Si j'ai bien compris l'honorable ministre des affaires étrangères, cette caisse se trouve dans une position réellement prospère. J'appuie donc la proposition, qu'il vient de faire de supprimer l'article.

- L'article est supprimé.

Articles 47 à 49

« Art. 47. Bâtiments de l'Etat. Magasin : fr. 2,000. »

- Adopté.


« Art. 48. Bâtiments de l'Etat. Matériel des divers services : fr. 352,500. »

- Adopté.

Article additionnel

« Article nouveau proposé par le gouvernement, d'accord avec la section centrale. Etablissement d'une station de sauvetage à l'est d'Ostende : fr. 5,100. »

- Adopté.

Chapitre IX. Frais de perception des droits de chancellerie

Article 50

« Art. 49 (50). Personnel : fr. 3,000. »

- Adopté.

Vote de l'article unique et sur l'ensemble du projet

« Article unique. Le budget du ministère des affaires étrangères est fixé, pour l'exercice 1856, à la somme de deux millions trois cent soixante et dix mille six cent quatre-vingt-deux francs soixante-sept centimes (fr. 2,370,682-67), conformément au tableau ci-annexé. »

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du budget, qui est adopté à l'unanimité des 68 membres présents.

Ce sont : MM. de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Theux, Devaux, de Wouters, Dubus, Dumon, Dumortier, Faignart, Frère-Orban, Jacques, Julliot, Lambin, Landeloos, Laubry, le Bailly deTilleghem, Lebeau, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Maertens, Magherman, Manilius, Mascart, Matthieu, Mercier, Moreau, Orts, Pirmez, Rousselle, Sinave, Tack, Thienpont, Tremouroux, Van Cromphaut, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Vervoort, Veydt, Vilain XIIII, Visart, Wasseige, Anspach, Boulez, Brixhe, Calmeyn, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, David, de Bronckart, de Chimay, de Haerne, de La Coste, Delfosse, Deliége, Della Faille, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Naeyer, de Perceval et Delehaye.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de l’intérieur

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Mercier) présente un projet de loi ayant pour objet d'accorder au département de l'intérieur un crédit de 39,000 francs pour dépenses relatives aux exercices 1853 et 1854.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce projet et le renvoie à l'examen des sections.

La séance est levée à 5 heures.