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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 27 novembre 1855

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1855-1856)

(Présidence de M. Delehaye.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 73) M. Maertens procède à'I'appel nominal à 2 heures.

M. Calmeyn lit le procès-verbal de la dernière séance. La rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la Chambre

M. Maertens communique l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieurs François-Marie Bisso, ancien lieutenant, né à Gênes, demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le sieur François Sidon, ouvrier tailleur à Bruxelles, né à Montherme (France), demande la naturalisation ordinaire. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Denderleeuw prie la Chambre d'accorder à la compagnie des chemins de fer de la Jonction de l'est la concession d'un chemin de fer partant de Luttre et aboutissant à Denderleeuw, en passant par Nivelles et Hal. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« L'administration communale de Tournai demande la révision des décrets de 1814 relatifs aux prestations militaires. »

- Même renvoi.


« Le sieur Hochgesang, ancien professeur d'allemand, réclame l'intervention de la Chambre pour qu'il soit donné suite à l'affaire dont il a saisi le tribunal de Verviers, et qu'on lui accorde le pro Deo. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Couvin demande que le gouvernement fasse suspendre les travaux de toutes les fabriques de produits chimiques depuis le 1er avril jusqu'au 1er octobre de chaque année. »

- Sur la proposition de M. de Baillet-Latour, renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.


« Plusieurs cultivateurs à Welden demandent que les vétérinaires non diplômés puissent continuer l'exercice de leur profession. »

« Même demande de cultivateurs à Nedereenaeme. »

- Même renvoi.


« Le sieur Wangermée, médecin vétérinaire de deuxième classe en non-activité pour infirmités temporaires, demande que la loi établisse une différence entre l'officier placé dans la position de non activité par mesure d'ordre et celui qui l'est pour infirmités contractées par le service. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal d'Oosterzeele prie la Chambre d'accorder aux sieurs Delaveleye et Moucheron la concession d'un chemin de fer destiné à relier le Borinage à la ville de Gand et à la Hollande. »

« Même demande du conseil communal de Scheldewindeke, du conseil communal et des habitants de Wasmes, de l'administration communale d'Everbecq, des membres du conseil communal de Nederbrakel et de plusieurs exploitants et industriels de Hornu. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Lemberge déclare appuyer la demande en concession d'un chemin de fer destiné à relier le Borinage à la ville de Gand et à la Hollande, qui a été faite par les sieurs Moucheron et Delaveleye. »

« Même déclaration du conseil communal de Mante. »

- Même renvoi.


« Le sieur Maertens adresse à la Chambre deux exemplaires d'un mémoire à l'appui de son projet de chemin de fer destiné à relier la ville de St-Ghislain à celle de Gand, en passant par Péruwelz, Leuze, Renaix et Audenarde, et demande qu'on respecte son droit de priorité dans cette question. »

- Même renvoi et dépôt à la bibliothèque.


« Plusieurs habitants de Moorsele demandent la prohibition à la sortie du beurre, du bétail et des œufs, et proposent des mesures destinées à faire baisser le prix des denrées alimentaires. »,

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur les denrées alimentaires.


« Le conseil communal de Couvin demande la libre entrée des volailles, des poissons, du lait, des œufs et des viandes de toute espèce ; la prohibition à la sortie, jusqu'au 31 décembre 1855, des farines et moutures de toute espèce, du pain, des pommes de terre et de leurs fécules, du sarrasin et de sa farine, des cochons, des moutons au-dessus de 6 mois, des veaux au-dessous de 6 mois, du beurre, du lait, des œufs, des volailles et de l'orge ; la prohibition à la sortie jusqu'au 15 février prochain des objets de consommation énumérés dans l'article premier du projet de loi sur les denrées alimentaires, l'interdiction de distiller les (page 74) céréales de toute espèce, les pommes de terre et leurs fécules ; la réduction à l’entrée du droit sur les sirops et mélasses ; la sortie libre des eaux-de-vie ; la défense d'établir de nouvelles distilleries et de nouvelles sucreries de betteraves indigènes. »

M. de Baillet-Latour. - Je demande le renvoi de cette pétition à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur les denrées alimentaires.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur Van Snick, lieutenant pensionné, demande qu'il soit compté 15 années de service dans la pension des officiers qui, en qualité de volontaires, ont pris part aux combats de la révolution en 1830, et qui n'ont pu acquérir dix années de grade, ou qu'on leur accorde quelques années d'indemnité. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi relatif à la pension des officiers qui, en qualité de volontaires, ont pris part aux combats de la révolution en 1830.


« Le sieur Iweins, commissaire de police de la commune de Seraing, prie la Chambre de statuer sur sa demande tendant à obtenir une indemnité pour les fonctions d'officier du ministère public qu'il remplit près le tribunal de simple police du canton de Seraing. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de la justice et renvoi à la commission des pétitions.


« Le commissaire de police de la ville de Tongres demande une indemnité du chef des fonctions d'officier du ministère public qu'il exerce près le tribunal de simple police du canton. »

- Même décision.


« Le sieur Doursse demande la prohibition de l'avoine à la sortie et propose de venir en aide aux classes nécessiteuses au moyen d'une augmentation de 25 centimes additionnels aux contributions foncière, personnelle et des patentes, à exiger dans le mois de décembre 1855 et au plus tard le 1er février 1856. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur les denrées alimentaires et à celle qui sera chargée d'examiner le projet de loi concernant un crédit de 1,500,000 fr. pour mesures à prendre en faveur des classes ouvrières et indigentes.


« Plusieurs cultivateurs à Beririx prient la Chambre d'allouer au budget une somme de 100,000 fr. pour distribuer de la chaux à prix réduit dans le Luxembourg. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le budget du ministère de l'intérieur.


« Le sieur Mertens prie la Chambre d'augmenter l'allocation demandée au budget de l'intérieur en faveur des décorés de la croix de Fer. »

« Même demande du sieur Polemans. »

- Même renvoi.


« Le sieur Marin, intendant militaire de 2ème classe en retraite, demande que le projet de loi relatif à la pension des officiers qui, en qualité de volontaires, ont pris part aux combats de la révolution de 1830, sotl modifié en ce sens que les services rendus à partir de 1830 par les fonctionnaires de l'intendance de l'administration de la guerre, pensionnés comme officiers, puissent également donner lieu à une augmentation de pension. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi.


« Plusieurs facteurs ruraux du bureau des postes de Rochefort demandent une augmentation de traitement. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget des travaux publics.


« Le sieur Bussen demande que les fonctionnaires donlle traitement ne dépasse pas 1,500 fr. soient admis à parliciper au crédit proposé en faveur des employés inférieurs de l'Etat. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi concernant un crédit de 800,000 fr.


« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, six demandes de naturalisation. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« Le sieur Lippens, capitaine pensionné, demande que le projet de loi relatif à la pension des officiers qui en qualité de volontaires ont pris part aux combats de la révolution de 1830, contienne une disposition applicable à ceux qui n'ont été brevetés qu'au mois de janvier 1831.»

M. Rodenbach. - Messieurs, les officiers qui se croient froissés sont des officiers d'une autre catégorie que ceux dont il est question dans le projet de loi qui a été soumis à la Chambre. Je désire qu'on examine mûrement cette question. Il paraît que les officiers qui sont en instance ont aussi à faire valoir des droits. Il y a déjà plusieurs autres requêtes du même genre. Je demande le renvoi de la pétition à la section centrale qui voudra bien en faire l'objet d'un examen attentif.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur Dehane prie la Chambre de lui faire obtenir une place. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Alph. Susé, commis voyageur à Bruxelles, né en Hollande, demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Plusieurs habitants d'Ostende présentent des observations contre la proposition de permettre l'entrée du poisson étranger en franchise de droit. »

M. Van Iseghem. - Les armateurs d'Ostende et de Nieuport craignent que la Chambre ne pût prendre des mesures pour permettre la libre entrée de la morue salée, du poisson frais et quelques autres qualités, et j'ai la conviction que si une telle mesure devait être décrétée, ce serait la ruine totale de la pêche.

Le poisson est peut-être le seul article qui n'a pas haussé en prix ; encore il se vend à un prix excessivement bas, à Ostende, à Blankenberghe et à Nieuport.

Cette pétition est de la plus haute importance ; une réduction de droits est une question de vie ou de mort pour nos courageux pêcheurs. Je propose, messieurs, d'envoyer la pétition à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi sur les denrées alimentaires.

- Cette proposition est adoptée.


« Des armateurs à la pêche, à Nieuport, prient la Chambre de ne point abolir ni réduire les droits d'entrée sur le poisson étranger. »

M. Van Iseghem. - Je demande le même renvoi.

- Cette proposition est adoptée.


« Plusieurs habitants de Namur demandent la révision des lois sur les servitudes militaires. »

M. Wasseige. - Messieurs, la ville et la province de Namur se sont déjà adressées plusieurs fois au gouvernement par l'organe du conseil provincial et du conseil communal à l'effet d'obtenir la suppression d'une partie des fortifications qui étreignent Namur sans pouvoir, paraît-il, servir utilement à la défense de cette place.

Celte demande était basée sur la gêne qu'éprouvent le commerce et l'industrie faute d'espace ; il est nécessaire qu'ils obtiennent à Namur une station de chemin de fer plus vaste, celle qui existe étant notoirement insuffisante. L'ouverture de la ligne directe de Paris à Cologne par Erquelinnes, l'exploitation très prochaine du chemin de fer du Luxembourg jusqu'à Namur rendent cette station une des plus importantes du pays, et le moment est on ne peut plus opportun pour que des travaux soient faits pour la mettre à la hauteur de cette importance.

Ces demandes, jusqu'à ce jour, sont restées sans réponse. Les commerçants et les industriels les plus considérables de Namur se sont alors réunis pour présenter à la Chambre la pétition dont vous venez d'entendre l'analyse.

Le sujet est sérieux ; les circonstances sont favorables et très pressantes. Je demande donc le renvoi de la pétition à la commission que la chose concerne, en l'invitant à en faire un examen attentif et l'objet d'un prompt rapport.

M. Lelièvre. - J'appuie les observations de M. Wasseige. Il est certain que les réclamations des habitants de Namur sont fondées sur les motifs les plus sérieux. Il est possible de remplacer le système actuel de défense de la place de Namur par un ordre de choses qui ne compromette pas l'avenir industriel de la ville. D'un autre côté, la station telle qu'elle existe est réellement trop étroite et présente des dangers sérieux pour la sûreté publique. Depuis longtemps des réclamations ont été adressées au gouvernement qui n'y a pas fait droit. Je demande que le ministère veuille au moins faite étudier la question. Et certes, ce n'est pas une prétention excessive que de demander qu'on examine s'il y a possibilité d'accueillir les réclamations unanimes d'une ville qui a droit à la sollicitude du gouvernement. Je prie donc M. le ministre de bien vouloir soumettre la question à l'étude d'hommes spéciaux, et c'est pour atteindre ce but que j'appuie le renvoi de la pétition à la commission qui sera invitée à déposer un prompt rapport.

J'appelle du reste dès maintenant l'attention du ministre sur les observations que je viens de présenter.

- La proposition de M. Wasseigc est adoptée.


« Plusieurs cultivateurs à Welden demandent que les vétérinaires non diplômés puissent continuer l'exercice de leur profession. »

« Même demande de cultivateurs à Nedereenaeme. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Senault, ancien capitaine de cavalerie, demande que les services civils soient comptés à l'officier pour la fixation de sa pension. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi relatif à la pension des officiers qui en qualité de volontaires ont pris part aux combats de la révolution de 1830.


« Le sieur Chevalier, pharmacien militaire pensionné, demande qu'il soit pris une mesure pour améliorer sa position. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

« La chambre des avoués près le tribunal de Liège demande une loi sur la récusation des magistrats pour cause de parenté ou d'alliance avec les défenseurs des parties et déclare retirer sa pétition du 25 mai dernier relative au même objet. »

M. Lelièvre. - Cet objet a une urgence réelle. Je demande le renvoi de la pétition à la commission des pétitions qui sera invitée à faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur Schoutteten, ancien sous-lieutenant des chasseurs partisans, demande une augmentation de pension. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


(page 75) « Le sieur Vangoelhem, propriétaire de plantations de mûriers et éducateur de vers à soie, prie la Chambre de rétablir au budget de l'intérieur l'allocation en faveur de l'industrie séricicole. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le budget de l'intérieur.


« La dame Verhaert réclame l'intervention de la Chambre pour que son mari obtienne diminution de sa peine d'emprisonnement ou remise de l'amende à laquelle il a été condamné. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« M. de Renesse, retenu par une indisposition, demande un congé. »

- Accordé.


« M. Brixhe demande un congé de quelques jours pour affaires urgentes. »

- Accordé.

Projet de loi relatif à l’établissement d’une ligne de navigation à vapeur vers le Levant

Dépôt

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - J'ai l'honneur de présenter à la Chambre un projet de loi portant homologation de la convention conclue entre M. Spilliaert et le ministre des affaires étrangères pour l'établissement d'une ligne de navigation à vapeur entre Anvers et le Levant.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi. La Chambre en ordonne l'impression, la distribution et le renvoi à l'examen des sections.

Projet de loi portant le budget des voies et moyens de l’exercice 1856

Rapport de la section centrale

M. Moreau. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de budget des voies et moyens pour l'exercice 1856.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite des objets à l'ordre du jour.

Projet de loi accordant des crédits supplémentaires au budget du ministère des travaux publics

Modifications au projet initial

M. le président. - M. le ministre des travaux publics transmet à la Chambre quelques modifications à un projet de loi de crédits supplémentaires présenté précédemment. S'il n'y a pas d'opposition, ces modifications seront renvoyées à la section centrale qui a examiné le projet.

Projet de loi portant le budget du département de la justice pour l’exercice 1856

Discussion générale

M. le président. - La section centrale a apporté quelques modifications au projet de budget d'accord avec M. le ministre de la justice.

Je dois faire observer qu'une erreur s'est glissée dans le rapport. La section centrale y fait une observation qui a été portée au chapitre IX, et elle doit figurer au chapitre VIII. C'est celle qui concerne le culte israélite.

M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - J'ai l'honneur de déposer un amendement au projet de budget. Il est ainsi conçu : « Je prie la Chambre de vouloir augmenter d'une somme de 6,000 francs l'article 48 du projet de budget : traitement des employés attachés au service domestique, et de porter ainsi le crédit à la somme de 441,000 francs. »

Je développerai cet amendement lorsque nous arriverons à l'article 48.

- La discussion générale est ouverte.

M. Lelièvre. - A l'occasion du budget en discussion, j'aurai l'honneur de soumettre à la Chambre et au gouvernement quelques observations relatives à certaines questions du ressort du département de la justice qui me paraissent exiger une solution dans l'intérêt général.

Depuis longtemps on comprend la nécessité de réviser la législation en ce qui concerne la saisie forcée des actions industrielles et autres droits incorporels de même nature. Lorsque en 1854 l'on s'est occupé de la saisie des rentes constituées, l'honorable M. Faider avait promis de déposer dans la session suivante un projet de loi ayant pour objet de régler cette importante matière.

Les lois du 15 août 1854 sur la saisie immobilière et sur la saisie des rentes ont tracé la marche à suivre en cette occurrence et peu de modifications suffiront pour compléter la législation en ce qui concerne la saisie des actions industrielles.

J'appelle donc l'attention de M. le ministre de la justice sur ce point, et je le prie de réaliser la promesse nous faite par son prédécesseur,

Un arrêt récent de la cour de Douai, portant date du 23 mars 1855 (Sirey,1855, 2ème partie, p. 640), a pensé que les tribunaux pouvaient, en ce qui concerne les saisies en question, adopter une marche qui me paraît assez arbitraire. Pour prévenir des difficultés sérieuses à cet égard, il me semble nécessaire de s'occuper d'une loi spéciale qui, par des dispositions claires et précises, fasse cesser tout doute en cette matière.

Je recommande également au gouvernement de ne pas perdre de vue la révision de la législation sur le domicile de secours.

On ne peut méconnaître la nécessité de nouvelles dispositions mieux en harmonie avec les besoins et faisant cesser les contestations nombreuses auxquelles donne lieu la loi actuellement en vigueur.

La loi du 12 juin 1816 sur la vente des immeubles appartenant aux mineurs et celle du 15 août 1854 sur la saisie immobilière ayant introduit un système qui produit de bons fruits, il devient aussi indispensable d'introduire entre majeurs un mode de licitation moins dispendieux et moins compliqué que celui énoncé aux articles 953 et suivants, 972 et suivants du Code de procédure civile.

Lorsque les copartageants majeurs ne sont pas d'accord, il est évident qu'on ne peut laisser subsister les formalités qu'on a cru devoir supprimer, en ce qui concerne les mineurs et mène relativement aux poursuites en expropriation, il devient donc urgent de s'occuper d'un projet de loi spécial, ayant pour objet de réaliser la vente des biens indivis avec économie des frais de justice. Les dispositions du Code de procédure civile doivent être révisées, et ne sont plus en harmonie avec le système des lois votées récemment par les Chambres.

Je crois aussi devoir signaler à M. le ministre la position peu convenable sous le rapport du traitement qui est faite actuellement aux secrétaires des parquets.

Ces employés reçoivent une rétribution si modique, que véritablement il leur est impossible de satisfaire aux besoins les plus pressants. Les chefs des parquets ont souvent adressé sur ce point des réclamations fondées au département de la justice, et il est temps d'y faire droit.

Lors de la discussion de l'adresse, j'ai signalé au gouvernement l'insuffisance du personnel de la cour de Liège. Je pense qu'il est indispensable de proposer aux Chambres un projet de loi particulier, comme on l'a fait en 1833, en ce qui concerne la cour de Bruxelles.

L'arriéré de la cour de Liège s'accroit considérablement, nonobstant le zèle et l'activité des magistrats. M. le ministre peut prendre des renseignements sur l'état de choses que je lui dénonce.

Il reconnaîtra bien certainement qu'il y a lieu de faire cesser sans délai une situation qui compromet les intérêts les plus importants.

Il me reste à dire quelques mots sur le rapport de la section centrale en ce qui concerne l'expulsion des locataires. Il est incontestable que l'état de choses actuel donne lieu aux plus graves abus. Le propriétaire est souvent forcé de sacrifier une somme égale à la valeur de six ou huit mois de loyer pour parvenir à l'expulsion de locataires en retard de payement ou refusant d'abandonner les lieux à l'époque convenue. Les locataires spéculent sur les frais que doit supporter le propriétaire, et non seulement ne payent pas leurs loyers, mais exigent même des indemnités des bailleurs qui sont contraints de subir cette exaction plutôt que de devoir faire les dépenses considérables auxquelles l'expulsion donne lieu.

La section centrale pense que par la loi de 1833 on a déjà fait beaucoup en faveur des propriétaires, je ne puis partager cet avis. Je pense qu'on ne saurait assez favoriser l'exercice d'un droit légitime et que les lois doivent venir au secours du créancier de bonne foi, et non pas protéger des locataires qui violent leurs conventions. Je persiste donc à maintenir que la législation actuelle, en cette matière, n'est ni juste, ni équitable.

Je ne conçois pas du reste à quel titre on croirait devoir traiter favorablement des individus qui prétendent occuper le bien d'autrui sans rien payer ou refusent d'abandonner l'immeuble à l'époque de l'expiration du bail. A mon avis, c'est le droit du propriétaire, qui a pour lui la raison et la justice, qu'il faut protéger efficacement et non pas les résistances et les spéculations injustes des locataires qu'il est impossible de justifier. Je dois donc protester énergiquement contre le système énoncé au rapport de la section centrale.

M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Messieurs, j'ai écouté avec soin les observations que vient de présenter l'honorable M. Lelièvre ; en examinant les questions auxquelles elles se rapportent, je leur donnerai toute l'attention que mérite l'autorité due à la parole de l'honorable membre. J'ajouterai quelques observations à celles qu'il a faites. Quant à la loi sur le domicile de secours dont il vous a entretenus, je dirai que c'est une des questions les plus difficiles à résoudre : l'honorable membre le reconnaîtra avec moi.

La législation sur cette matière a été modifiée complètement en 1845 et on peut dire que cette loi, vu l'importance de son objet, est d'une date trop récente pour qu'il faille facilement y toucher.

Sans doute, elle peut renfermer des imperfections et des lacunes. Aussi le département de la justice recherche-t-il les modifications qu'il serait utile d'apporter en cette matière.

Tous les jours la jurisprudence se fixe sur quelques points, tous les jours des difficultés nouvelles sont constatées, mieux connues, plus élucidées ; quand le travail sera mûri et l'expérience plus complète, le gouvernement présentera à la législature des modifications à la loi existante. Tout gouvernement est intéressé à proposer les réformes dont l'utilité est démontrée ; c'est son devoir, c'est son honneur, et, pour ma part, je le ferai toules les fois que je le pourrai.

L'honorable membre a parlé ensuite des lois qui régissent la licitation des biens des mineurs. Ces lois rentrent dans le cadre du Code de procédure civile ; lorsqu'on s'occupera de la révision de ce Code, il y aura lieu de s'occuper des réformes dont l'expérience aura démontré la nécessité.

L'honorable membre a recommandé à la bienveillance du gouvernement la position des secrétaires des parquets dont les modestes émoluments ne sont pas en rapport avec leur position et les services qu'ils rendent. Personne n'est plus désireux que moi de contribuer à améliorer leur position, mais cette amélioration ne peut pas être faite d'une manière isolée ; lorsque, rentrés dans des circonstances normales, nous aurons devant nous une situation plus prospère, le sort des secrétaires des parquets sera, comme celui de tous les fonctionnaires, l'objet de la légitime sollictude des pouvoirs publics.

En ce qui concerne l'augmentation du personnel de la cour de Liège, (page 76) ainsi que naguère j'ai déjà en l'honneur de le dire, cette question se présentera naturellement quand on examinera le projet de loi de réorganisation judiciaire qui vous sera prochainement soumis. La réorganisation du personnel est intimement liée aux questions de principe qui devront d'abord être décidées. L'honorable membre a dit que pour la cour de Bruxelles, on n'a pas attendu la réorganisation judiciaire et qu'on a présenté un projet de loi spécial. Cela est vrai, mais c'est qu'alors on ignorait ou l'on ne pouvait prévoir l'époque de la présentation d'un projet de loi général ; aujourd'hui cette présentation est prochaine.

Je me persuade que ce projet pourra être voté dans le cours de la session actuelle, nous serons alors conduits à augmenter le personnel de quelques sièges, et peut-être même à créer quelques circonscriptions nouvelles.

Enfin l'honorable membre a appelé mon attention sur les frais d'expulsion des petits locataires. Je ne crois pas nécessaire d'entrer dans une discussion approfondie de cette question, elle a été épuisée dans cette enceinte. Je ne puis que me référer au rapport que mon honoraire prédécesseur vous a présenté à la session dernière.

Pour mon compte, je ne pense pas qu'il soit nécessaire de faire une position privilégiée aux propriétaires vis-à-vis cette classe de locataires. Il ne faut pas d'ailleurs s'exagérer ce que sont ces frais d'expulsion ; ils sont minimes ; car ils ne dépassent guère 15 ou 20 fr. ; je ne crois pas non plus qu'il faille faire une position relativement mauvaise aux petits locataires, ils ne sont certes pas tous de mauvaise foi ; la plupart sont plus malheureux que blâmables, et ils ne méritent pas qu'on aggrave leur situation déjà généralement pénible.

M. Vander Donckt. - Messieurs, la discussion du budget de la justice me fournit l'occasion de revenir encore sur la suppression des dépôts de mendicité.

Jusqu'ici nous avons constamment réclamé, et journellement des pétitions nous sont adressées par les conseils communaux de différentes communes non seulement des Flandres et du Hainaut, mais encore de la province de Liège et, pour parler exactement, de toutes les localités de la Belgique. Cependant rien n'a été fait sur cet objet.

Ce ne sont pas seulement les communes et les particuliers qui réclament aujourd'hui, ce sont aussi les conseils provinciaux, et la pétition qui a été adressée à la Chambre des représentants et au département de la justice par le conseil provincial de la Flandre orientale et qui renferme des considérations fort judicieuses et concluantes à ce sujet, mérite de fixer toute l'attention du gouvernement et de la Chambre.

Messieurs, plus que jamais les circonstances sont urgentes. Le renchérissement de toutes les denrées alimentaires est un motif de plus pour prendre des mesures immédiates sur cet objet.

La chérie des vivres fait que déjà les bureaux de bienfaisance de nos communes ne sont plus à même de donner un morceau de pain noir à leurs pauvres honnêtes. Ceci est tellement vrai, qu'en ma qualité de bourgmestre moi-même d'une commune populeuse de plus de 6,000 âmes, je dois déclarer que nous ne trouvons plus moyen de faire en sorte qu'il soit mis une somme minime même à la disposition du bureau de bienfaisance pour la distribuer aux pauvres.

Messieurs, le revenu du bureau de bienfaisance dans cette commune est de 3,000 et quelques cents francs. Il faut, en premier lieu, déduire de cette somme 1,20 à 1,500 francs pour sept, huit et quelquefois neuf aliénés entretenus dans les maisons de santé.

En deuxième lieu, il faut en déduire les loyers des pauvres honnêtes qui restent dans la commune. En troisième heu, il faut en déduire encore les frais de quelques objets d’habillement et des literies. Je me trompe, car dans nos communes les pauvres n'ont pour couchage autre chose qu'une litière de feuilles sèches. On leur donne quelques couvertures faites de déchets de lin.

Restent les dépôts de mendicité, qui imposent annuellement à la commune au-delà de 2,000 et jusqu'à 3,000 fr. de frais. Vous comprenez, messieurs, que cela doit constituer en déficit tous les bureaux de bienfaisance des communes.

Les 3,000 francs dont j'ai l’honneur de parler sont formés en premier lieu et une allocation de mille francs, que le conseil communal porte annuellement à son budget, comme subside au bureau de bienfaisance. Eh bien, le rôle des membres du bureau de bienfaisance se réduit aujourd’hui à se réunir deux ou trois fois par an pour mandater au profit de l’hospice, de la maison d'aliénés et du dépôt de mendicité tout l’avoir du bureau de bienfaisance.

Si vous décidiez que désormais les pauvres ne pourront plus être admis au dépôt de mendicité sans le consentement de l'administration communale du lieu du domicile de secours, alors vous feriez disparaître cette cause de ruine pour les communes.

Le tableau que je vous dépeins de cette commune est applicable à toutes les communes des Flandres, et il en est de beaucoup plus pauvres, telles que Mullem, Elst, Opbrakel et autres, dénuées de toutes ressources.

Déjà, comme l’a dit l’honorable M. Moreau dans un discours très remarquable, déjà en France on est revenu sur cette idée ; on y considère les dépôts de mendicité comme un très mauvais moyen d’administration, comme une institution ou son entourage, plutôt la paresse que l’on n’engage ces pauvres au travail. Quant le travail des champs est termoné, quand il n’y a plus de ressources nulle part, les indigents de mauvais vouloir vont se caser au dépôt de mendicité aux frais de la commune qui est leur domicile de secours.

Dans ces dépôts il y a des commissions de surveillance, qui vont goûter la soupe, examiner les lits, voir si tout est bien propre ; et les détenus sont là comme de petits seigneurs. Qu'on ne perde pas de vue que les pauvres honnêtes dans nos communes n'ont souvent pas de soupe. Et ces détenus, ce sont de mauvais garnements, ce sont des pauvres récalcitrants, qui ne veulent pas se soumettre à la loi commune, qui ne veulent pas se contenter du pain noir qu'on leur distribue hebdomadairement dans le lieu de leur domicile de secours. Ils trouvent beaucoup plus commode d'aller se caser au dépôt de mendicité.

Je le répète, messieurs, en France les dépôts de mendicité peuvent être considérés comme supprimés et certainement, sous le rapport de l'administration, la France peut être citée comme exemple.

Il y a, messieurs, une autre considération, c'est que les ressources de nos communes rurales sont dans une situation telle, que tout tend vers une banqueroute générale. L'honorable M. T'Kint de Naeyer, dans un discours très remarquable, a présenté à cet égard des données statistiques extrêmement claires et concluantes.

Les impôts écrasent les habitants de nos communes ; l'impôt de capitation est effrayant comparativement à ce qui se passe dans les autres localités de la Belgique, et ce contrairement aux lois existantes qu veulent une répartition égale des charges entre tous les citoyens ; dans d'autres provinces, on a la ressource des revenus des biens et bois communaux.

L'honorable prédécesseur de M. le ministre actuel nous a dit : « Les communes pourraient vendre quelques parcelles de terre, éteindre aussi leurs dettes et avoir un revenu beaucoup plus considérable. » Mais pour vendre des propriétés, il faut en avoir. Je n'ai pas répondu à l'honorable ministre, parce que mon tour de parole n'était pas arrivé ; mais évidemment, je le répète, pour vendre des propriétés, il faut en avoir. Dans les Flandres, la plupart des communes n'ont pas de propriétés, elles n'ont d'autres ressources, pour faire face à leurs dépenses, qu'un droit de capitation, que l'octroi personnel.

Eh bien, dans la plupart de nos localités, l'octroi personnel est porté à son maximum. Dans la commune dont j'ai l'honneur de vous parler, cet impôt est de 9,000 fr. pour 6,000 âmes ; et veuillez remarquer qu'i y a là 2,500 pauvres qui sont inscrits aux registres du bureau de bienfaisance et qui y sont en permanence ; ce nombre même s'élève à 3,000 pendant la saison rigoureuse ; sur les 3,000 habitants restants la moitié seulement est en état de payer quelque impôt. Le quart des habitants est donc obligé de supporter toutes les charges de la commune. Or, cette commune, comme je l'ai dit, n'a d'autres ressources qu'un droit de capitation.

Je vous le demande, messieurs, en présence des vives réclamations que nous adressent et les communes et les conseils provinciaux bien en position, je pense, d'apprécier l'état des choses ; en présence de l'exemple que nous fournit la France, je vous le demande, n'est-il pas de la dernière urgence de prendre des mesures immédiates, alors surtout que la misère n'est pas encore à son comble dans les campagnes Car il faut bien faire cette distinction : dans les campagnes, la grand misère ne commence que quand les pauvres ont épuisé les petites provisions récoltées par eux en glanant dans les champs avoisinant leur demeure ; ces provisions durent ordinairement jusqu'au mois de janvier ou de février.

Mais quand les champs sont dépouillés de leurs récoltes et qu'il n'y plus de navets, c'est alors seulement que commence la grande misère dans les campagnes.

Et remarquez qu'à la campagne nous n'avons pas les ressources qu'ont les grandes villes où se retirent pendant l'hiver les grands propriétaires ; là on a des ressources immenses pour venir au secours de la classe ouvrière et indigente. A la campagne, nous n'avons rien de tout cela, c'est alors que les pauvres viennent mendier jusque dans les villes pour ne pas crever de faim.

Je dis à dessein : « crever de faim », parce qu'en 1847 plusieurs pauvres ont crevé de faim. Aujourd'hui que la grande misère est à nos portes si nous étions délivrés de cet insupportable fardeau des dépôts de mendicité, nous aurions peut-être alors le moyen de donner encore un morceau de pain noir à nos pauvres, qui, sans cela, je le dis avec douleur, sont exposés à crever de faim.

Je supplie le gouvernement de prendre sans retard des mesures dans le sens que je viens d'indiquer ; je l'en conjure dans l'intérêt de la classe ouvrière et indigente de nos communes rurales.

M. T’Kint de Naeyer. - J'avais demandé la parole pour présenter quelques observations, dans le sens de celles que vient de faire l'honorable préopinant, sur la réforme des dépôts de mendicité si vivement réclamée depuis plusieurs années. J'ai vu avec regret, d'après un passage du rapport de la section centrale, que nous sommes menacés d'un ajournement indéfini.

Il y a lieu de s'en étonner, car le gouvernement possède sur la matière un projet de loi qui émane des hommes les plus compétents. Ce projet conclut à la suppression des dépôts de mendicité et à leur remplacement par des institutions de répression essentiellement agricoles. M. le ministre de la justice pense qu'il faut attendre des temps plus prospères ; il nous oppose des difficultés financières ; mais nous pourrions à notre tour lui opposer la situation financière de la plupart de nos communes rurales, qui cherchent vainement à alléger le fardeau qui leur est imposé.

J'ai eu occasion d'en entretenir plusieurs fois la Chambre, il est impossible que l'état actuel des choses se perpétue. Je n'examine pas (page 77) pour le moment quels sont les établissements qu'il conviendrait de créer.

Il ne s'agit pas uniquement de la réforme ou de la suppression des dépôts de mendicité, c'est toute la législation sur le vagabondage et la mendicité qui doit être révisée. Les dispositions du Code pénal encore en vigueur ne sont plus en harmonie avec un ordre de choses qui a été profondément modifié.

La loi punit la mendicité sans distinction des causes qui sont de nature à constituer la culpabilité ; la punition frappe la véritable comme la fausse indigence. Au lieu d'étendre l'action de l'Etat dans la répression de la mendicité, il faut la restreindre et s'en rapporter davantage aux mesures que l'intérêt bien entendu des communes leur commandera de prendre pour arrêter la marche ascendante du mal qui les ruine. Je crois qu'il serait prématuré d'insister sur ce point pour le moment. Mais en attendant que le gouvernement puisse nous faire connaître ses intentions et ses vues, je me demande s'il n'y a pas un meilleur parti à tirer de ce qui existe, s'il n'y a rien à faire administrativement.

Nous voyons aujourd'hui dans les mêmes dépôts, les vieillards, les infirmes, les incurables, les malades et même les femmes en couche, confondus avec des mendiants valides aptes à toute espèce de travaux. Les premiers sont dignes de pitié et sont plutôt du ressort de la bienfaisance ; les derniers, au contraire, qui forment les deux tiers de la population des dépôts et parmi lesquels on compte au moins 60 p. c. de récidivistes, sont en général des paresseux fort peu dignes de la sollicitude qu'on leur témoigne.

Pour eux, le travail ne saurait être assez rude, et je crois qu'il y a mieux à faire que de les employer à filer, à tricoter, à éplucher de la laine ou à piquer des visières de casquettes. Un changement de régime enlèverait bientôt aux dépôts l'attrait qu'ils offrent à une catégorie nombreuse de vagabonds qui recherchent une condamnation pour obtenir la faveur de passer la mauvaise saison dans un état voisin de l'oisiveté.

Ne pourrait-on pas de préférence diriger les hommes valides sur les dépôts agricoles comme ceux de Hoogstraelen ou de Reckheim ?

Quel inconvénient y aurait-il, s'il y a trop de bras disponibles dans ces établissements, de détacher quelques brigades d'ouvriers pour l'entretien des routes ou d'autres travaux ? Les particuliers, ou des associations, consentiraient peut-être à les employer, moyennant certaines conditions, aux grands travaux de défrichement qui s'effectuent dans la Campine.

J'engage le gouvernement à faire étudier la question, car les communes sont dépourvues de moyens d'action contre les mendiants récalcitrants et de mauvaise volonté. Dès que l'on se montre sévère à leur égard, ils n'hésitent pas à encourir une condamnation et ils se donnent la satisfaction à faire payer à la commune les frais de leur transport et de leur entretien dans des refuges qu'ils sont loin de trouver désagréables.

Dans les circonstances difficiles que nous traversons, il y a un fait heureux, c'est que le travail est en général assez abondant. Eh bien, messieurs, je connais des communes où des hommes valides, à l'époque des semailles entre autres, ont refusé de travailler, parce qu'ils préféraient aller marauder, se réservant de chercher un asile dans les dépôts de mendicité pendant la saison rigoureuse. En résumé, si le gouvernement n'est pas à même de présenter immédiatement le projet de loi, que pour ma part je réclame de nouveau de la manière la plus pressante, j'espère, au moins, qu'il se préoccupera des dangers que le régime actuel présente et des améliorations qu'il serait possible d'y introduire administrativement ; sans cela aux époques calamiteuses comme aujourd'hui, la loi deviendra inexécutable.

Dès à présent les dépôts se remplissent et bientôt ils ne seront plus assez vastes pour abriter tous ceux que la paresse et le vice y poussent. Or, il n'y a rien de plus déplorable qu'une loi qui manque de sanction.

En terminant, je demanderai à M. le ministre de la justice, s'il n'y aurait pas avantage à introduire l'usage des viandes salées d'Amérique dans les dépôts de mendicité et dans les prisons. J'avais déjà appelé l'attention de son honorable prédécesseur sur ce point, il y a deux ans, mais j'ignore à quelles conclusions on s'est arrêté.

Les viandes d'Amérique, dont la consommation en Angleterre est si considérable, sont encore peu connues chez nous. Dans les circonstances actuelles, il est du devoir du gouvernement d'encourager, autant qu'il dépend de lui, l'importation de toutes les denrées qui pourront augmenter nos approvisionnements et faciliter l'alimentation publique.

M. Verhaegen. - Dans la discussion du projet d'adresse, j'ai déclaré hautement et sans arrière-pensée que si, d'après mes convictions politiques, je devais nécessairement me ranger parmi les adversaires du cabinet, je ne lui ferais néanmoins pas une opposition systématique et tracassière, qu'au contraire j'appuierais et de mon vote et de ma parole toutes les propositions utiles qu'il viendrait nous soumettre ; j'ai même ajouté que je ne lui ferais pas un grief de ses nombreuses nominations catholiques, alors qu'à mérite égal il préférerait ses amis à ses adversaires et gérérait ainsi les affaires du parti qu'il représente au pouvoir. Mais j'ai déclaré aussi avec non moins de franchise, que lors de la discussion des budgets, je signalerais à l'attention de la Chambre et du pays toutes les violations de nos lois organiques et autres, toutes les atteintes à la dignité du pouvoir et aux convenances administratives que j'aurais à reprocher à chacun des membres du cabinet.

Je viens aujourd'hui remplir cette tâche en ce qui concerne M. le ministre de la justice.

Messieurs, c'est surtout au ministère de la justice que domine cet esprit de favoritisme si fatal aux intérêts de l'administration judiciaire, et cette soumission aveugle aux exigences du clergé qui avilit le pouvoir et qui, le plus souvent, provoque à la violation de la loi.

Comme preuve de l'esprit de favoritisme et de camaraderie qui préside aux nominations, je me bornerai, parmi plusieurs faits, à vous en signaler deux, parce qu'ils sont assez graves par eux seuls et qu'ils ont soulevé dans, le pays un tollé général. Je vous parlerai de la nomination d'un notaire à Chokier, arrondissement de Liège, et de la nomination d'un président près le tribunal civil de Louvain.

Le sieur Adolphe Cornesse était depuis longtemps le protégé d'un ami politique de M. le ministre de la justice, d'un sénateur influent auquel on n'ose rien refuser, parce qu'on sait bien que son opposition serait fatale au cabinet.

Cornesse avait été nommé greffier de la justice de paix d'Hollogne-aux-Pierres par un arrêté contresigné d'Anethan, portant la date du 10 août 1847, ainsi in extremis, puisque c'était la veille de l'avènement du ministère libéral du 12 août.

Mais le protégé de l'honorable sénateur aspirait au notariat. Sa nomination aux fonctions de greffier de la justice de paix d'Hollogne n'avait été qu'un acheminement au but qu'il se proposait.

C'était la place de notaire à Chokier, près de Liége, qu'il ambitionnait en première ligne, parce qu'à Chokier, à raison de sa position toute spéciale, il devait lui être très facile de se créer immédiatement une clientèle ; c'était donc la place de Chokier que, par une combinaison quelconque, il fallait chercher à rendre vacante.

L'occasion se présenta bientôt au nouveau ministre de la justice : une place de notaire était devenue vacante dans la ville de Liège par le décès du titulaire. Plusieurs candidats sérieux, réunissant toutes les conditions voulues, se présentèrent et demandèrent la place. On n'eut aucun égard à leur demande et on alla chercher comme candidat d'office M. Fraikin, notaire à Chokier, homme très estimé, il est vrai, mais aussi très âgé et dont l'inaptitude physique et morale était de notoriété publique. Aussi M. Fraikin s'était-il bien gardé de faire aucune démarche, car un déplacement devait contrarier et ses goûts et ses intérêts.

M. Fraikin, candidat d'office, comme nous l'avons dit, fut nommé notaire à Liège, au grand désappointement de tous les candidats sérieux et cette nomination fut considérée comme d'autant plus étrange que les journaux de la droite acculés et forcés de s'expliquer finirent par déclarer que si réellement M. Fraikin était incapable de desservir convenablement les fonctions de notaire à Liège, ce serait lui qui serait la première victime de cet état de choses, puisque dans cette hypothèse son étude ne lui rapporterait rien ou peu de chose ; comme si l'intérêt général n'était pas aussi engagé dans de semblables nominations.

Par suite de cette vacature forcée, on put nommer et on nomma, en effet, notaire à Chokier, M. Cornesse, et nous savons maintenant à quelle haute influence est due cette nomination !

C'est encore à la même influence qu'il faut attribuer la nomination du président du tribunal civil de Louvain, nomination plus exorbitante encore que celle dont nous venons de vous entretenir, puisqu'elle froisse toutes les convenances administratives dans l'ordre judiciaire, en même temps qu'elle témoigne d'un profond dédain pour nos corps électifs.

M. Vandenhove était juge suppléant depuis 1830 et juge effectif depuis le 9 décembre 1836 ; il était donc infiniment plus ancien que son compétiteur. Pendant plusieurs années il avait rempli les fonctions de juge d'instruclion, et cela bien antérieurement à l'époque où M. Poulet avait été promu aux fonctions de procureur du roi.

M. Vandenhove, fils d'un ancien membre du Congrès, d'un de nos collègues que nous avons longtemps regretté, lui-même père d'une nombreuse famille, car il a onze enfants, avait l'état de service le plus honorable, et depuis dix-huit mois il remplissait les fonctions de la présidence avec un talent et une distinction que tout le monde appréciait et prisait très haut.

Je dis tout le monde, car M. Vandenhove n'est pas un homme de parti, et c'est ce qui me met parfaitement à l'aise dans cette discussion. Aussi, je n'hésite pas à le déclarer, je ne suis pas en droit de classer M. Vandenhove parmi mes amis politiques, je ne sache pas qu'il ait jamais manifesté une prédilection quelconque pour l'un ou l'autre parti politique ou même qu'il se soit montré, dans des luttes électorales, partisan de tel ou tel candidat, à raison de telle ou telle nuance d'opinion.

Mais la nomination de M. Vandenhove à la présidence était dans les vœux unanimes de ses collègues, du barreau tout entier et des justiciables, parce que, indépendamment de ses droits d'ancienneté, il avait pour lui, d'une manière incontestée, l'aptitude à la place.

Sa candidature à la cour ne réussit pas complètement, il est vrai, il n'obtint que 9 voix contre 15 données à M. Poulet, procureur du roi, bien entendu pour la première candidature, car il fut nommé deuxième candidat à une très grande majorité.

(page 78) Au conseil provincial, M. Vandenhove eut sa revanche et fut nommé candidate une immense majorité ; et quoique les quelques partisans de M. Poulet fussent parvenus à engager son compétiteur M. Desangré à se retirer au moment du vote, ce fut ce dernier qui fut nommé deuxième candidat, et M. le procureur du roi n'eut aucune candidature. Le conseil provincial témoignait bien ainsi de son intention d'écarter de toute candidature M. Poulet qui n'avait, d'après lui, aucun titre à invoquer.

En résumé, M. Vandenhove avait eu à la cour d'appel 9 voix contre 15 pour la première candidature, et il avait été nommé deuxième candidat par ce corps à une immense majorité. De plus, M. Vandenhove avait obtenu la presque unanimité des voix pour la première candidature au conseil provincial, et ce conseil n'avait pas même voulu accorder une deuxième candidature à M. Poulet, puisqu'il lui avait préféré M. Desangré, qui au moment du vote s'était retiré.

Enfin on nous assure que MM. le premier président de la cour d'appel de Bruxelles, le président du conseil provincial et M. le gouverneur du Brabant avaient fait des démarches officielles près de M. le ministre en faveur de M. Vandenhove.

Et toutes ces autorités, toutes ces recommandations ont dû fléchir devant la recommandation du personnage auquel j'ai fait allusion tantôt.

M. le procureur du roi avait donné un avis tout à fait conforme aux élucubrations d'un honorable sénateur dans l'affaire du legs de feu le curé Deraere au profit d'un hospice de pauvres aveugles, à diriger par les sept curés de la ville, contre les hospices de Louvain qui le revendiquaient. C'est cet avis qui lui a valu les sympathies d'un homme qui aujourd'hui est tout-puissant ; aussi sa nomination fut-elle définitivement arrêtée dès le principe ; on sait même dans quel salon.

M. Poulet fut donc préféré à M. Vandenhove, et par cette préférence M. le ministre de la justice, outre qu'il fit preuve de dédain pour la présentation du conseil provincial du Brabant, s'est mis en opposition avec toutes les convenances administratives.

Quoi ! l'on va chercher pour présider le tribunal de Louvain un homme qui la veille encore lui présentait des conclusions et des suppliques, et on évince l'ancien juge dont la place était marquée et qui jusqu'au dernier moment a rempli l'intérim de la présidence ! Ce président intérimaire est aujourd'hui le simple assesseur de M. le procureur du roi devenu président titulaire !

N'est-ce pas là décourager la magistrature assise ? n'est-ce pas surtout décourager les juges suppléants, en leur enlevant tout espoir d'avancement ? Et qu'on veuille bien le remarquer, la nomination de M. Poulet comme procureur du roi, qui ne date que du 15 juillet 1844, est postérieure, non seulement à la nomination de M. Vandenhove comme juge instructeur, mais encore aux nominations comme juges suppléants de MM. Vanderveken, Debruyn et Deram, dont la dernière date du 21 décembre 1841.

Et en parlant ici des juges suppléants près le tribunal de Louvain, je fais encore abstraction de toute considération politique, car je ne pense pas qu'aucun d'eux appartienne à mon opinion.

Messieurs, si j'invoque des droits de préférence pour la magistrature assise alors qu'il s'agit de pourvoir à une vacature qui se produit dans son sein, ce n'est pas que je fasse fi du talent et du zèle de la plupart des membres de nos parquets et que je ne reconnaisse pas leur aptitude à remplir d'autres fonctions ; mais dans la carrière spéciale qu'ils ont embrassée, ils ont aussi eux la perspective d'avancement, et cette perspective est tout aussi belle que celle qui est offerte aux membres de la magistrature assise. Après les parquets dans les différents arrondissements, n'a-t-on pas les parquets des cours d'appel et enfin le parquet de la cour de cassation, et les hommes les plus éminents, tels que les honorables MM. Leclercq et Faider, ne se sont-ils pas contentés de cette position ?

Loin de moi toutefois de prétendre qu'il faille une ligne de démarcation complète, quand il s'agit de nominations, entre la magistrature assise et les membres des parquets.

Les considérations que j'ai fait valoir doivent certes fléchir devant des circonstances exceptionnelles ; mais dans l'occurrence il n'existait pas la moindre circonstance de cette nature, au contraire, toutes les convenances imposaient au ministre le devoir de ne pas ouvrir la place de procureur du roi à Louvain, ; en effet, en ouvrant cette place et en amenant ainsi des vacatures dans d'autres arrondissements, on est arrivé à une dernière nomination qui, aux yeux du public, devait passer et a passé pour un acte de camaraderie, car la nomination de M. Dedobbeleer en remplacement de M. Poulet a laissé vacante la place de substitut à Bruxelles, puis la place de substitut à Mons, puis enfin la place de substitut à Tournai !...

Et il a été pourvu à toutes ces vacatures le même jour, en quelque sorte par un seul et même arrêté sans qu'il ait été fait appel au mérite réel et sans qu'on ait laissé à la concurrence le temps de se produire.

On conçoit qu'on en agisse ainsi lorsqu'il s'agit de pourvoir à des places vacantes dans l'armée ou dans l'administration des finances, car là il y a urgence de remplir les vides ; mais il n'en est pas de même lorsqu'il s'agit de nominations à faire dans l'ordre judiciaire qui compte dans son sein des juges suppléants et des substituts procureurs du roi.

Je n'en dirai pas davantage sur les nominations qui se font au ministère de la justice et sur l'esprit qui les dicte ; le pays est d'ailleurs déjà suffisamment édifié sur ce point.

Il me reste à vous dire quelques mots de cette soumission aveugle aux exigences du clergé, dont je vous parlais au commencement de mon discours, mais je crois que mes observations à cet égard trouveront mieux leur place dans la discussion des articles et je les réserve pour ceux des articles qui sont relatifs au culte.

Toutefois, avant de terminer la discussion générale, je ne puis pas me dispenser, d'après l'attitude que le ministère a prise sur le projet de loi concernant la charité, de lui demander quels sont en définitive ses principes sur cette matière et spécialement de lui demander si dans les arrêtés qu'il a pris depuis son entrée au pouvoir, il a suivi la jurisprudence existante ou bien s'il s'en est écarté.

A cette occasion je demanderai l'impression au Moniteur ou tout au moins le dépôt sur le bureau de tous les arrêtés « in extenso » autorisant l'acceptation des dons et legs - car aujourd'hui à la différence de ce qui se passait sous le ministère de l'honorable M. de Haussy auquel on a cependant osé reprocher un système traquenard, les arrêtés auxquels je fais allusion ne se publient plus que par extraits, et par suite il ne nous est pas possible de les apprécier. C'est là néanmoins un objet de la plus haute importance et qui mérite de fixer toute l'attention de la législature.

Je demanderai encore que le gouvernement veuille bien nous présenter sans délai le projet nouveau qu'il nous a annoncé dans le discours du Trône et dont il doit désirer la discussion immédiate, puisque, s'il dit vrai, ce que je suis loin d'admettre, il se rattacherait à la crise alimentaire.

M. Wasseige. - Messieurs, j'ai quelques mots à ajouter aux explications de M. le ministre, pour justifier l'opinion de la section centrale, relativement à la diminution des frais de procédure pour l'expulsion des petits locataires. Elle aurait cru, en suivant l'opinion manifestée par mon honorable collègue de Namur, pousser le gouvernement vers une mesure tout à fait illibérale, en l'engageant à présenter une législation différente, pour les gros et les petits locataires. Elle a pensé que ces derniers avaient tout autant droit que les premiers à la protection des formes tulélaires de la procédure, que la mauvaise foi n'était pas plus la règle chez les petits locataires que chez les autres, qu'une législation exceptionnelle ne devait pas être établie pour ce qui n'est déjà qu'une exception ; et que si la mauvaise foi ne doit pas être encouragée, le malheur et la gêne sont des titres à l'indulgence et à la protection. La section centrale a pensé enfin qu'il avait été assez fait dans cette matière, par la loi de 1834 sur la compétence, et qu'aller plus loin serait nuire à l'intérêt même des propriétaires, pour lesquels quelques formalités pour arriver à l'expulsion des petits locataires sont un frein salutaire ; que ce frein les empêche de n'envisager qu'un côté de la question, le plus gros loyer offert, et les force à penser aussi aux qualités de moralité et de solvabilité des amateurs, au grand avantage des gens honnêtes et de bonne foi, et à celui des propriétaires eux-mêmes dont le payement est en définitive plus assuré chez ces gens honnêtes qu'il ne le serait chez cette autre race bohémienne toujours disposée à offrir cher comme à ne rien tenir. Telles sont les seules observations que j'ai cru utile d'ajouter à celles qui vous ont été présentées par M. le ministre de la justice.

(page 80) M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - L'honorable député de Bruxelles qui vient de se rasseoir m'a fait un reproche auquel je serais très sensible s'il était fondé. Il m'accuse d'avoir, dans les nominations judiciaires que j'ai soumises au Roi, fait preuve de favoritisme, ou de soumission aveugle à je ne sais quelle influence extérieure.

Je proteste contre ce reproche et le repousse de toute mon énergie ; il ne tend à rien moins qu'à m'accuser de manquer de conscience ; or si je crois avoir droit à quelque chose, c'est à être considéré comme un honnête homme, incapable de faire d'autres nominations que des nominations de gens honorables et capables ; car c'est la meilleure trace qu'un ministre puisse laisser de son passage aux affaires.

La position de l'honorable député qui m'attaque et la mienne ne sont pas égales ; il peut tout dire et je ne le puis pas.

L'honorable membre a parlé largement de beaucoup de choses. Ministre, je devrais peut-être me taire. Une grande réserve m'est commandée ; car il m'est impossible de suivre l'honorable M. Verhaegen dans une revue critique de noms propres. Eh bien, pour me justifier complètement, je devrais pouvoir à mon tour discuter des noms propres. C'est ce que je ne veux pas faire. Je porte la responsabilité de mes actes. Je ne veux découvrir ni critiquer personne et je répugne à m'abriter, même pour ma défense, derrière n'importe quel rapport émané des autorités judiciaires.

Je ne croyais pas, je l'avoue, qu'il fût dans les usages parlementaires de tolérer la discussion des noms propres. J'ai toujours pensé que la collation aux emplois publics est un attribut essentiel du gouvernement dont il ne doit pas compte à la Chambre... (Interruption) si ce n'est au point de vue de la responsabilité de l'acte même et sans qu'il faille aller jusqu'à la regrettable extrémité de citer des noms propres.

Cependant que mon honorable contradicteur soit bien persuadé que je n'éprouve aucun embarras à le faire. On m'a appelé sur ce terrain ; avec regret, et en y mettant une grande circonspection j'y suivrai l'honorable membre. Si par malheur ayant à répondre sans préparation à un discours écrit, il m'échappait une parole désobligeante pour l'une ou l'autre personne, je proteste d'avance contre toute intention mauvaise. Je réponds, parce que je suis attaqué.

L'honorable député a principalement critiqué deux nominations : l'une, d'un notaire dans le ressort du tribunal de Liège, l'autre, d'un magistrat dans un tribunal voisin de la capitale. Je parlerai d'abord de la première et je m'efforcerai d'être aussi bref que possible.

On me reproche d'avoir choisi un candidat d'office comme notaire à Liège, afin de nommer M. Cornesse à Chokier. On énonce que j'ai choisi un candidat physiquement et moralement incapable, parce que je voulais faire un acte de favoritisme.

Voyons les faits : Il y avait, pour occuper la vacance de Liège, 40 compétiteurs. Parmi eux, il y avait des notaires de date récente, hommes très capables et des notaires de date très ancienne, et à la tête de ces derniers se trouvait M. Fraikin, en exercice depuis plus de 30 ans.

Comment était-il signalé dans les rapports ? Comme un des notaires les plus capables et les plus honorables de l'arrondissement. Ce sont les termes mêmes, si ma mémoire me sert bien. Mais un des documents portait en outre : « que la santé du candidat paraissait être un peu altérée. » Je regrette de devoir invoquer des rapports administratifs ; la Chambre voit que j'y suis contraint. Ma première pensée a été d'examiner quel était l'âge de ce notaire. Eh bien, ne croyez pas que cet âge soit celui d'un vieillard dans la décrépitude. M. Fraikin a 61 ou 62 ans.

Pour m'assurer si réellement il avait la santé physique nécessaire pour remplir ses fonctions, j'ai vérifié quel est le nombre d'actes qu'il reçoit par année. La statistique tenue au ministère de la justice m'a fourni ce renseignement. Elle m'a appris que, dans un canton rural difficile à parcourir, ce notaire rédige 300 actes par an.

C'était pour moi une première indication que M. Fraikin n'était pas physiquement incapable ; je constatai de plus, et c'était essentiel, que sa clientèle suivait une marche ascendante.

Je ne me suis pas tenu pour satisfait : j'ai voulu voir M. Fraikin ; j'ai voulu vérifier son état physique ; je l'ai vu ; j'ai trouvé un homme avec les apparences d'une santé ordinaire, d'une santé telle qu'elle est généralementà 62 ans. J'ai donc eu toute espèce de garantie : assurance que c'était un homme honorable, assurance qu'il était capable de remplir parfaitement son ministère, puisqu'il recevait chaque année un grand nombre d'actes. J'ajoute que puisqu'il était valide assez pour exercer dans un canton rural, il devait pouvoir le faire avec moins de fatigue dans une ville.

Il y a plus, et je dis que la nomination de M. Fraikin était non seulement régulière, mais même commandée par la stricte justice. En l'écartant, sans motif aucun, de la liste des compétiteurs, j'eusse commis une injustice vis-à-vis d'un homme qui compte 30 années d'une honorable et laborieuse carière.

Enfin j'ai su depuis que M. Fraikin est licencié en droit, et ce dernier titre parle encore en sa faveur. Sa nomination à Liége a fait de son remplacement par M. Cornesse un acte tout naturel. M. Cornesse était un aspirant-notaire, ancien déjà, qui comptait dix ou douze ans de candidature.

Il avait rempli des fonctions de juge-suppléant à Stavelot, et depuis plusieurs années, à la satisfaction générale, celles de greffier de la justice de paix ; il avait acquis, par une conduite irréprochable, l'estime de tous. Quel autre titre lui eût-il encore fallu posséder ?

J'ai donc fait un acte de bonne administration, en lui confiant une place qu'il saura dignement remplir et pour laquelle la confiance des justiciables lui était déjà acquise.

Voilà comment cette double nomination s'est faite. J'aime à croire que la Chambre sera satisfaite de ces explications, que j'aurais voulu rendre moins longues.

J'arrive au deuxième grief de l'honorable député de Bruxelles. Il a blâmé la nomination de président du tribunal de Louvain. Qu'il me soit permis de faire remarquer qu'en cette occasion il s'est quelque peu mis en contradiction avec lui-même : il a dit que le candidat évincé n'avait pas ses sympathies politiques, et n'était pas de son parti. Dès lors comment (page 81) aurais-je pu faire une nomination politique ? Comment aurais-je pu servir un intérêt politique ?

M. Verhaegen. - Je n'ai pas dit que cette nomination fût politique.

M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - J'avais cru comprendre que vous aviez critiqué cette nomination en ce sens que j'aurais subi l’influence d'une opinion politique qui n'est pas la vôtre. Peut-être la Chambre l’avait-elle compris de même.

Il n'y a rien de politique dans cet acte qui est purement administratif ei que j'ai posé de la manière la plus simple du monde.

J'avais devant moi deux magistrats également honorables, également recommandables, je me hâte de le dire, irréprochables tous deux. Le premier était juge, l'autre, chef du parquet ; l'un présenté par le conseil provincial, l'autre présenté par la cour d'appel.

J'ai choisi celui qui était présenté par la cour d'appel. Je ne puis donc avoir amoindri, comme le soutient l'honorable préopinant, la magistrature assise puisque j'ai donné la préférence à son candidat ; l'honorable membre verse dans une contradiction. Je ne crois pas qu'il faille toujours et nécessairement se guider par la présentation du même corps. Où serait alors la liberté du gouvernement, liberté qui engendre responsabilité, responsabilité qui suppose libre arbitre.

Dans d'autres circonstances, je donnerais la préférence au candidat du conseil provincial ; je l'ai fait naguère pour une nomination dans la Flandre. Il n'y a là aucune espèce d'esprit de parti, aucune espèce de favoritisme. C'esl le jeu régulier de nos institutions.

Le candidat qui a été nommé, dit-on, était bien moins ancien que son concurrent. C'est une erreur, erreur involontaire de la part de l'honorable M. Verhaegen. Il y a eu dans la carrière de l'honorable juge Vandenhove (je regrette de devoir citer si souvent des noms propres), il y a eu une interruption ; il est resté, si je ne me trompe, deux ans en dehors des fonctions judiciaires. Dès lors l'équilibre se rétablit entre lui et le magistrat qui a été nommé, magistrat qui était supérieur en grade, qui était chef de corps, qui, dans cette position, s'était acquis la sympathie du tribunal et la confiance générale.

L'honorable député de Bruxelles a invoqué des rapports judiciaires, des démarches officielles ou officieuses faites auprès du ministre de la justice. Je me refuse de suivre l'honorable membre sur ce terrain. Il m'est impossible de discuter avec lui dans cette enceinte et des visites qui m'auraient été faites et des rapports qui m'auraient été présentés. Je le répète pour terminer : la position n'est pas égale. Pour me justifier, si j'avais à me justifier, je devrais pouvoir tout dire et cela ne se peut.

Je convie l'honorable député à une chose : C'esl qu'il me fasse l'honneur de venir dans mon cabinet. Je lui montrerai les dossiers sans en retrancher une virgule et si après les avoir vus, après les avoir examinés, il me donne encore tort, je passe condamnation vis-à-vis de la Chambre.

En finissant, l'honorable député a parlé de ma jurisprudence en matière de charité et m'a demandé quels étaient mes principes. La réponse à cette question ne peut être ni générale ni absolue. La jurisprudence varie selon les cas, selon les espèces qui se produisent.

L'honorable député demande le dépôt sur le bureau, des arrêtés pris en cette matière. Si la Chambre l'ordonne je n'ai aucune répugnance à faire ce dépôt. Je publierai ces arrêtes, si elle le veut, et à mesure qu'on me signalera un acte déterminé, j'expliquerai sans embarras ce que j'ai fait avec loyauté.

Quant aux principes du cabinet sur la loi à venir, il me paraît inopportun d'entrer dans un exposé qui serait purement doctrinal, puisque la discussion ne pourrait aboutir. Dans peu de temps la loi nouvelle sera déposée et alors la Chambre appréciera le système que nous lui soumettrons.

Voilà ce que j'avais à répondre à l'honorable député de Bruxelles.

Je vais donner quelques mots de réponse, si la Chambre le permet, à l'honorable M. Vander Donckt qui a bien voulu appeler mon attention sur la question des dépôts de mendicité.

Depuis que j'ai l'honneur d'être à la tête du département de la justice, cette question est une de celles, je puis le dire, qui m'ont le plus vivement préoccupé ; et en cela je n'ai fait que suivre les errements que m'ont laissés tous mes honorables prédécesseurs.

Depuis de longues années, cette question a été l'objet des études incessantes des ministres de la justice. Tous s'en sont occupés comme d'une affaire capitale, et, ainsi que le disait, dans cette enceinte même, un de mes honorables prédécesseurs, la question des dépôts de mendicité est la plus grosse question du département de la justice. Et l'on comprend sans peine qu'il en soit ainsi. La question des dépôts de mendicité se rattache intimmement à celle du paupérisme et à son extinction, qui est un des problêmes les plus graves, le plus grave peut-être de la société actuelle.

L'honorable membre a soutenu que rien jusqu'ici n'avait été fait en cette matière. Qu'il me permette cependant de lui faire remarquer que déjà, en 1848, on a sérieusement modifié la législation sur les dépôts de mendicité. La loi du 3 avril 1848 contient des améliorations véritables en ce qu'elle a rendu impossible pour l'avenir l'entrée spontanée des mendiants dans les dépôts de mendicité. Cette entrée aujourd'hui n'est plus libre, elle doit être précédée d'un acte de l'autorité administrative qui l'autorise.

Ceci me paraît déjà une amélioration importante au point de vue de la répression de cette lèpre sociale.

L'honorable membre me sollicite de prendre une mesure immédiate pour extirper un mal dont tous nous reconnaissons la gravité. Mais, je dois le dire, le conseil est plus facile à donner que le remède à trouver. Quel est donc ce remède ? Depuis dix ans on se préoccupe du soin de le découvrir, on n'y est pas parvenu encore.

Eh, messieurs, avouons-le sans nous faire illusion, le remède radical ne sera jamais trouvé. Comment le serait-il ? puisque la question se lie à l'existence même de la mendicité, à l'existence du paupérisme, à un de ces fléaux inévitables et inhérents à tout état social.

Messieurs, on a proposé beaucoup de systèmes. Bien des opinions se sont fait jour. Mais je crains bien que, quoi qu'on fasse, on n'arrivera qu'à des palliatifs. Les charges sont énormes, je le reconnais. Ou pourra peut-être les déplacer ; ce serait être bien confiant que de croire qu'on puisse jamais les faire cesser complètement.

Mon honorable prédécesseur a institué une commission, composée d’hommes très compétents. Cette commission a préparé un projet dont j'ai eu l'honneur d'entretenir la section centrale dans la note insérée dans son rapport ; je m'y réfère.

Je crois effectivement, que dans la situation actuelle, la seule mesure qui puisse avoir son but utile, c'est la transformation, mais non la suppression des dépôts de mendicité. On pourrait conserver les dépôts de mendicité tels qu'ils sont, pour les mendiants malades, pour les mendiants infirmes, incapables de travailler et mettre les mendiants valides dans des dépôts répressifs qui seraient consacrés au travail agricole. C'est peut-être un moyen. Je dis peut-être, parce que je fais mes réserves à cet égard.

Je ne crois pas que ce moyen soit souverain. Je le vois entouré de beaucoup de difficultés, qu'il me paraît inutile de signaler longuement en ce moment, mais parmi lesquelles je ferai ressortir cependant ce premier point, à savoir : si c'est une mesure utile de voir le gouvernement commencer la colonisation agricole par des détenus ? Cette opération sera-t-elle bien féconde ? C'est ce que l'avenir nous apprendrait. Un gouvernement qui fait de l'agricultnre, entreprend une chose difficile, et qu'il la fasse par des mendiants par des paresseux, cela me paraît plus difficile encore. Toujours est-il que pour avoir recours à ce système, il faudra commencer par mettre dans l'entreprise des fonds considérables.

Il faudra créer trois et peut-être quatre grands établissements agricoles et des sommes considérables devront y être employées.

C'est donc une question d'argent et de temps, mais surtout une question d'argent et de beaucoup d'argent.

Le gouvernement, je le déclare, se préoccupe vivement de ces grands intérêts, et lorsque l'examen sera complet, il soumettra à la Chambre les idées auxquelles il aura cru pouvoir s'arrêter. Toutefois j'ai voulu, dès maintenant faire quelques réserves sur la valeur d'un système qui paraît réunir, non sans raison, beaucoup de partisans.

L'honorable membre a indiqué comme remède la suppression d'une disposition de la loi du 3 avril 1848. C'est celle qui permet l'entrée au dépôt de mendicité sur l'autorisation d'une commune autre que celle du domicile de secours. Je ne veux pas abuser des moments de la Chambre ni rappeler de quelle manière se fait la collocation au dépôt de mendicité. Je dirai seulement que l'entrée a lieu aujourd'hui par quatre modes, parmi lesquels il en est deux où l'autorisation est accordée par une commune étrangère, c'est-à-dire autre que celle du domicile de secours.

J'examinerai mûrement ce que propose l'honorable M. Vander Donckt, mais qu'il me permette de lui faire remarquer dès maintenant que lorsqu'on s'est occupé de la loi de 1848, une section de la Chambre a déjà demandé la suppression de ce paragraphe. La suppression a été repoussée par la section centrale, et, dans la discussion, il n'en a plus été question. Je me contente d'appeler l'atteniion de l'honorable M. Vander Donckt sur le rapport de la section centrale.

J'ajouterai cependant que ce qui m'a frappé, quant à l'emploi du moyen proposé comme efficace par l'honorable membre, c'est qu'il ne s'appliquerait, en définitive, qu'à un très petit nombre de mendiants. Que l'honorable membre veuille bien consulter les états statistiques et il verra que le nombre des individus reçus sur l'autorisation des communes étrangères au domicile de secours, est à peine de 50 sur près de 3,800 reclus. Que revient dans le remède s'il s'applique là où n'est pas le mal ?

L'honorable M. T'Kint de Naeyer s'est rallié à la plupart des observations de l'honorable M. Vander Donckt.

Je n'aurai donc que peu de mots à répondre à l'honorable député de Gand, et je me bornerai à rencontrer ce qu'il a dit de l'emploi des mendiants valides aux travaux agricoles.

L'honorable membre a recommandé au gouvernement de diriger le plus grand nombre possible de mendiants sur les dépôts de Reckheim et d'Hoogstraeten. Je crois que ces dépôts sont encombrés à tel point qu’il serait impossible de donner du travail agricole à un nombre plus considérable d'individus.

L'honorable membre pense qu'on pourrait aussi employer des escouades de mendiants, en les mettant au service des particuliers ou des associations pour le défrichement des terrains incultes, par exemple dans la Campine.

Aucune demande de ce genre n'a été, que je sache, adressée au gouvernement. (page 82) Je doute même qu'on en présente ; on préférera toujours les travailleurs libres et honnêtes ; mais, le cas échéant, l'administration ne se refuserait certainement pas, tout en privant les précautions nécessaires, à favoriser cet emploi utile de bras inoccupés et qui sont une charge pour la société.

Enfin l'honorable membre pour Gand a appelé mon attention sur la question des viandes salées à introduire comme nourriture dans les établissements publics. Déjà le gouvernement s'est occupé de cet objet sur lequel il a réuni un grand nombre de documents et qui est en ce moment soumis à différentes administrations des départements ministériels.

Cependant je dois déclarer que des essais ont été tentés il y a plusieurs années dans l'administration des prisons et qu'ils paraissent ne pas avoir réussi. Dans tous les cas les essais et investigations seront continués et s'il en résulte que le moyen offre des avantages sérieux, le gouvernement s'empressera de l'employer.

(page 78) M. Rodenbach. - Messieurs, je crois devoir répondre quelques mots à l'honorable ministre, relativement aux dépôts de mendicité.

Voilà déjà un grand nombre d'années que nous avons fait connaître que ces dépôts sont véritablement une charge excessive pour le pays. En France, où il y a 36 millions d'habitants, il ne reste plus que neuf dépôts de mendicité, tandis qu'en Belgique, où la population n'est que de 4,500,000 âmes, il y a cinq dépôts de mendicité. Evidemment cet état de choses ne peut pas être maintenu.

Savez-vous, messieurs, ce que nos dépôts de mendicité coûtent à l'Etat ? Ils coûtent l'énorme somme de 1,200,000 francs, non compris les frais d'entretien des locaux et indépendamment des charges qui pèsent sur les communes. Or, nos communes payent annuellement au-delà de 600,000 francs de ce chef.

Ces dépôts de mendicité sont, je pense, peuplés de 4,500 individus. Ce sont véritablement des repaires de malhonnêtes gens, de gens qui souvent ont déjà été condamnés à la prison, qui vont passer l'hiver dans les dépôts et qui y donnent des leçons de vice ; bref c'est là qu'on forme les voleurs. Il y en a même qui connaissent assez le Code pour pouvoir le violer impunément ; c'est une chose qu'il est plus que temps de faire disparaître.

Le gouvernement nous dit toujours : C'est une question d'argent ; il faudrait faire des frais immenses ; il faudrait établir deux ou trois grands établissements de répression. Je me permettrai de dire que c’est le système qui est mauvais. Il faut extirper le mal dans sa racine. Il ne faut pas établir d'autres institutions qui coûteraient aussi des sommes considérables. Il faut décentraliser la bienfaisance. Il faut que chaque commune entretienne ses pauvres, ses mendiants et ses vagabonds, sauf au gouvernement à leur donner des subsides.

C'est aux communes à réprimer la mendicité. Nous avons des exemples en Flandre. Dans la commune de Rumbeke lez-Roulers, que j'ai l'honneur d'administrer, les Sœurs de la charité entretiennent 200 vieillards moyennant un subside de 16 centimes par individu. Elles (page 79) possèdent quelques hectares de terre et les vieillards travaillent à la culture. C'est par l'agriculture que ce résultat est obtenu, et c'est le seul moyen d'entretenir les pauvres à bon marché. On ne procède pas ainsi dans les dépôts de mendicité, où la journée d'entretien coûte de 40 à 50 centimes.

Je prie M. le ministre d'examiner cette question. Elle n'est pas si difficile qu'on le suppose bien. Il y a dans les environs de Roulers plus de 50 communes où deux cents à trois cents vieillards sont entretenus moyennant 16 centimes par jour, et avant la cherté des subsistances ce n'était que 13 centimes.

C'est grâce aux sentiments chrétiens dont les Sœurs de charité sont animées, car elles ne font rien par esprit de lucre, que ces communes s'entendent avec les bureaux de bienfaisance pour se procurer quelques hectares de terre soit par achat ou par location, et que le gouvernement donne des subsides ; cela ne coûtera pas 1,200,000 fr. à l'Etat et 600,000 fr. aux communes.

Je le répète, la grande faute, c'est la centralisation. On veut tout centraliser, tandis qu'on devrait faire diamétralement le contraire, et cela dans l'intérêt même des pauvres qui seraient plus heureux, ainsi que dans l'intérêt des communes et des bureaux de bienfaisance qu'on mène à la ruine.

Je n'en dirai pas davantage. Je me suis borné, il est vrai, à énoncer une opinion ; mais il me paraît que cette opinion mérite d'être examinée attentivement par M. le ministre de la justice, qui n'a pas encore eu le loisir de s'occuper de ces graves questions.

M. Moreau. - Messieurs, je viens joindre ma voix à celles des honorables orateurs qui viennent de parler centre les dépôts de mendicité.

La section centrale qui a examiné le budget de la justice, frappée des vices qui renferme l'organisation des dépôts de mendicité et des charges si lourdes qu'ils font peser sur les communes, réclame d'une manière pressante la présentation d'un système qui fasse disparaître de trop justes plaintes sans aggraver la position déjà si difficile des communes.

Je joins, messieurs, mes instances à celles de la section centrale, j'appelle de tous mes vœux cette réforme, et je désire que les communes et les bureaux de bienfaisance dans un moment où ils ont tant besoin de toutes leurs ressources pour venir en aide à de véritables malheureux, ne soient plus forcés de s'imposer des sacrifices ruineux pour entretenir une foule de fainéants qui souvent se rient de la facilité qu'ils ont de se faire nourrir aux dépens de la bienfaisance publique.

Mais, messieurs, je dois l'avouer, je crains bien que cette réforme promise depuis si longtemps ne soit quasi définitivement ajournée, je crains qu'on n'apporte un remède au mal, lorsqu'il sera trop tard.

En effet, que porte la réponse de M. le ministre de la justice à la demande de la section centrale, conforme, du reste, à ce qu'il vient de dire.

Le gouvernement, dit-il, a étudié depuis longtemps le régime des dépôts de mendicité et il est convaincu de la nécessité de le modifier complètement. Sur ce point je suis d'accord avec lui.

Un premier pas a été fait dans cette voie de la réforme par la loi du 5 avril 1848, qui a mis des entraves à la liberté illimitée des entrées et des sorties des mendiants. Ici je ne partage nullement cette opinion ; que M. le ministre de la justice me permette de le lui dire, c'est là une grave erreur.

Je sais bien qu'on a cru atteindre ce but, en insérant une disposition restrictive dans la loi de 1848 ; mais en fait, dans la pratique, elle est toujours éludée. Quand un vagabond (et, comme je l'ai déjà prouvé, les dépôts de mendicité en sont presque entièrement peuplés) ; quand, dis-je, un vagabond veut être hébergé dans un dépôt, il va mendier dans un endroit où il est certain d'être arrêté. N'a-t-on pas même vu, plus d'une fois, de ces êtres dégradés dire aux administrateurs communaux : « Donnez-moi des secours ou sinon je vais me faire condamner pour délit de mendicité et de cette manière me faire entretenir aux frais de votre commune ? »

Ces cas ne sont pas rares, et le conseil provincial de la Flandre orientale se plaint également de cette manœuvre, dans sa requête adressée à la Chambre, le 15 septembre dernier.

L'on entre donc aujourd'hui dans les dépôts de mendicité avec autant de facilité qu'avant la loi de 1848. Savez-vous ce qu'il y a de plus ? C'est que la commune doit actuellement supporter, en outre, les frais de transport de ceux qui auparavant se seraient rendus volontairement dans les dépôts. Voilà comment la loi de 1848 a amélioré l'ancien état de choses !

Plus bas, M. le ministre de la justice dans sa réponse à la section centrale fait remarquer qu'il faudra des sommes considérables pour créer de nouveaux établissements, ei qu'il pense que le moment n'est pas opportun pour faire une nouvelle dépense.

Quant à la loi sur le domicile de secours, on a aussi examiné s'il y a lieu de la modifier, mais il est impossible de dire avec certitude que la législature sera saisie d'une proposition à cet égard.

Savez-vous, messieurs, ce que signifient ces phrases ? C'est qu'on attendra que des communes soient presque complètement ruinées avant de rien changer.

Je n'exagère pas, le mal s'aggrave de jour en jour ; déjà beaucoup de communes rurales sont en retard de s'acquitter de ce qu'elles doivent à des dépôts de mendicité ; le gouvernement le constate ; on doit avoir recours au triste moyen de délivrer des mandats d'office sur les caisses communales, et encore ce mode violent de procéder est inefficace, dit-on, parce que souvent les caisses communales sont vides, et que la loi communale n'autorise pas à créer d'office des ressources ; c'est-à-dire en d'autres termes à établir dans ces communes une véritable taxe des pauvres, et je le vois avec peine, c'est à cet expédient fâcheux qu'on devra infailliblement recourir, si l'on persiste dans notre législation à consacrer le droit à l'existence, même sans travail.

Le système que l'on suit est donc mauvais, détestable, on le reconnaît, on le constate à chaque instant, il est préjudiciable non seulement aux communes, mais encore au trésor public.

En effet, en 1848, 25,000 fr. suffisaient pour payer les frais d'entretien et de transport de mendiants, etc. (article 37 du budget de la justice). Aujourd'hui on vous demande 100,000 fr., et on ferait mieux d'exiger 180,000 ou 200,000, car ce crédit sera évidemment insuffisant. En 1854, 140,000 fr. n'oni pas couvert ces frais. Que M. le ministre de la justice veuille bien nous dire quelle sera cette dépense en 1855 ; il doit posséder actuellement des données qui le mettent à même de répondre à ma question, et alors vous verrez que si vous laissez exister l'état de choses actuel, il est préférable d'augmenter cet article pour l'exercice 1856, plutôt que de combler un déficit considérable par des crédits supplémentaires ou complémentaires qui dérangent si souvent l'économie de notre situation financière.

Quant à moi, messieurs, en attendant que les études si longues du département de la justice soient complètes, je proposerai d'opposer au mal existant un remède radical ; je demande la suppression des dépôts de mendicité ; je ne veux pas toutefois renvoyer immédiatement dans leurs foyers les 4,000 à 5,000 reclus qui les peuplent ; je comprends que cette mesure présenterait des inconvénients, surtout dans les circonstances actuelles ; mais ce que je veux, c'est que dès maintenant, on ne reçoive plus de mendiants dans lesdits dépôts. Pour mon compte, je ne pense pas qu'il y ait le moindre danger à adopter ma proposition et encore moins à faire l'essai de ce système.

Et voici, messieurs, en peu de mots sur quoi je me fonde :

En France après avoir établi de nombreux dépôts de mendicité, on les a supprimés de fait ; y a-t-il dans ce pays plus de mendiants qu'en Belgique ? S'y plaint-on de la suppression de ces dépôts ? Y a-t-elle fait naître des dangers, de graves inconvénients même ?

D'un autre côté la statistique constate qu'il y a en Belgique ordinairement 85,000 individus qui se livrent à la mendicité ; nos dépôts peuvent en contenir tout au plus 4 à 5 mille, c'est-à-dire 5 1/2 p. c. de la gent mendiante.

Y a-t-il donc de quoi tant s'effrayer, si même au lieu de 85,000 mendiants, nous en avions 90,000 ?

Chose étrange, c'est pour obtenir un si mince résultat, en laissant la loi à chaque instant inexécutée, parce qu'elle est inexécutable, à moins, comme je l'ai prouvé dans la session dernière, qu'on ne dispose annuellement d'une somme de 15 millions ; c'est, dis-je, pour obtenir un résultat aussi mince qu'on impose des charges considérables aux communes, qu'on détruit leur bonne situation financière, et qu'on laisse surgir de toute part tant de plaintes justes et fondées sans y faire droit.

Et encore est-il bien certain que si les dépôts de mendicité sont supprimés le nombre de mendiants s'accroîtra ? C'est ce que ne pense pas le gouvernement lui-même, car dans un document qu'il a rendu public, il avoue (ce sont ses propres expressions) que les dépôts, loin de remédier à la mendicité, y provoquent.

Les communes, messieurs, savent mieux apprécier que nous tout ce qui concerne leurs intérêts. Lorsqu'elles vous demandent à grands cris la suppression des dépôts de mendicité, elles ne croient pas, elles, que leur sécurité sera en péril, parce qu'elles renfermeront peut-être dans leur sein en moyenne deux ou trois mendiants de plus.

En résumé, aussi longtemps qu'on ne m'aura pas démontré que ce qui a lieu en France ne peut être adopté en Belgique, aussi longtemps qu'on ne m'aura pas prouvé qu'on ne peut se dispenser de renfermer 4,000 à 5,000 mendiants sur les 85,000 qui parcourent la Belgique, je persisterai à demander la suppression des dépôts de mendicité.

M. Verhaegen. - M. le ministre de la justice, pour répondre à mes observations, s'est retranché derrière sa conscience. Mais, messieurs, je n'ai attaqué les intentions de personne ; je n'ai pas l'habitude de le faire. J'ai cité des faits dont chacun de vous peut tirer des conséquences, et quand je cite des faits, je les appuie de pièces.

A ces faits l'honorable M. Nothomb n'a absolument rien répondu ; il est resté dans le vague. Quant à moi, je suis obligé de maintenir tout ce que j'ai avancé dans mon discours et je n'en retranche rien.

On ne veut pas aborder des questions de personne ; moi aussi je regrette de devoir les aborder, mais je ne puis cependant pas admettre avec M. le ministre de la justice qu'il ne serait pas permis à un député d'examiner dans cette enceinte les nominations qu'il a faites. Les nominations, il l'a dit un instant après, engagent la responsabilité du ministre qui les fait ; j'ai donc le droit d'examiner ces nominations pour attaquer, s'il y a lieu, la responsabilité ministérielle.

J'ai si bien compris qu'il fallait s'abstenir, autant que possible, de prononcer des noms propres, que je me suis borné à parler de deux nominations principales. J'aurais pu, parler de cinquante nominations de même nature. Au sujet de la place devenue vacante à Liège, M. le ministre a voulu (page 80) se justifier en prétendant que le notaire Fraikin de Chokier, qu'il a nommé, était un ancien notaire qu'il devait préférer à de simples candidats quels que fussent leur mérite et leurs titres. Mais d'abord M. le ministre sait bien que M. Fraikin ne tenait pas à être nommé, et même qu'il n'avait fait aucune démarche.

Quoi qu'il en soit, il voulait, dit-il, donner la préférence à un ancien notaire qui ne demandait rien ; mais pourquoi donc n'agit-il pas toujours ainsi ? Une place de notaire est vacante à Surice, un ancien notaire la demande, c'est le notaire de Gedinne ; sa résidence actuelle est meilleure que celle qu'il sollicite, mais il tient à se rapprocher de sa famille ; et on ne le nomme pas à Surice, parce qu'on désire nommer un simple candidat, fortement recommandé pour cette localité. Si cette nomination se fait, ce sera un nouvel acte de népotisme.

. Autre contradiction ! Une place de juge de paix était ouverte à Dalhem ; elle était sollicitée par un juge de paix d'un autre canton ; elle l'était encore par des greffiers de justice de paix et par plusieurs anciens avocats. Et M. le ministre qui nomme-t-il ? Il met de côté l'ancien juge de paix, les greffiers, les anciens avocats, et il nomme un jeune avocat, parent, cette fois, d'un homme influent dans une opinion qui n'est pas la mienne.

Veut-on encore d'autres faits ? je suis prêt à continuer mes observations critiques ; mais, je le répète, je n'aime pas non plus les questions de personne ; et c'est uniquement pour cette raison que je me suis borné à citer quelques faits graves qui, je n'en doute pas, auront exercé de l'impression sur l'esprit des membres de cette Chambre et qui ont déjà été appréciés par le pays.

Du reste, qu'on soit bien convaincu d'une chose, c'est que je n'attaque les intentions de personne. Si M. le ministre de la justice prétend que sa conscience ne lui reproche rien, c'est alors à ceux qui l'entourent qu'il doit adresser le reproche qui lui est personnel, car les faits parlent assez haut et les faits restent.

Quant à moi, je compte bien des adversaires dans cette enceinte, mais j'espère n'y jamais compter d'ennemis.

M. Osy. - Messieurs, j'ai à entretenir M. le ministre de la justice d'une affaire qui n'est pas bien intéressante pour le pays, mais qui suscite chez nous beaucoup de plaintes.

Depuis l'ouverture du chemin de fer vers la Hollande, les habitants du Brabant septentrional se rendent à Anvers en bien plus grand nombre encore qu'auparavant.

A la cérémonie religieuse du 15 août, il s'est présenté à Anvers 800 personnes de cette province. Mais il paraît que le gouvernement a donné des ordres tellement sévères, quant aux passe-ports, qu'il en résulte des embarras inouïs pour les voyageurs du Brabant septentrional.

Je prie M. le ministre de la justice de vouloir bien examiner avec bienveillance quelles mesures il conviendrait de prendre pour faciliter l'entrée en Belgique à ces voyageurs paisibles qui viennent du voisinage.

M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - L'honorable M. Osy vient d'entretenir la Chambre d'un détail d'administration que je n'ai pas présent à la mémoire. Je m'engage à examiner moi-même le fait dont il a parlé et à donner aux citoyens de la Néerlande toutes les facilités que la sécurité publique comporte.

- La discussion générale est close.

La Chambre remet à demain la discussion des articles.

La séance est levée à 4 heures et demie.