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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 15 janvier 1856

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1855-1856)

(Présidence de M. Delehaye.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 323) M. Maertens procède à l'appel nominal à. 2 heures et un quart.

M. Calmeyn lit le procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Le sieur Antoine Tulleners, cafetier à Tongres, né à Wybre, partie cédée du Limbourg, demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le sieur Conra-Théodore-Jacques Cornelsen, commis de commerce à Anvers, né à Hambourg, demande la naturalisation ordinaire. »

- Même renvoi.


« Le sieur Borré demande une récompense pour la part qu'il a prise aux combats de la révolution. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les gardes champêtres du canton de Perwez demandent une augmentation de traitement. »

- Même renvoi.


« Les membres du conseil communal de Bomal présentent des observations en faveur d'un chemin de fer de Luttre à Maestricht dont la concession est demandée par le sieur Delstanche. »

« Mêmes observations des membres du conseil communal et des habitants de Blanchon, Bergilers, Boneffe, Taviers, Monceau-sur-Sambre. »

- Même renvoi.


« Des habitants du canton d’Eeckeren demandent l'endiguement d'un schorre situé à l'extrême frontière de ce canton, vis-à-vis de Santvliet. »

« Même demande d'habitants de Cappellen, Stabroeck, Lillo, Santvliet. »

- Même renvoi.


« Le sieur Dubois se plaint d'un cumul de fonctions à Namur. »

- Même renvoi.


« Le sieur Falque, maréchal ferrant, demande qu'on lui permette d'exercer la médecine vétérinaire. »

- Même renvoi.


« Des administrateurs communaux et des habitants du canton de Beauraing demandent la construction d'une route empierrée parlant de Dion-le-Mont et reliant la route de Marche à Philippeville à celle de Ciney. »

- Même renvoi.


« L'administration communale de Gand demande des modifications à la loi concernant l'entretien des enfants trouvés et abandonnés. »

- Même renvoi.


« Plusieurs secrétaires communaux prient la Chambre d'améliorer leur position et de décréter l'organisation d'une caisse de retraite pour eux, leurs veuves et leurs orphelins. »

- Même renvoi.


« Des membres du conseil communal de Keyem protestent contre l'a-cuat d'une partie de terre qui a été fait pour compte de cette commune. »

— Même renvoi.


» Des habitants de Bruxelles prient la Chambre de voter un subside pour la fondation d'une société nationale destinée à favoriser la colonisation des familles belges en Amérique. »

- Même renvoi.


« Les commissaires de police d'Arlon et de Bouillon demandent un traitement du chef des fonctions de ministère public qu'ils remplissent près les tribunaux de simple police. »

- Même renvoi.


« La dame Lehouque demande une modification à la loi sur les pensions en faveur de la veuve qui se remarie. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Campenhout prie la Chambre de rapporter la loi sur le domicile de secours et demande que les communes soient tenues d'entretenir les pauvres qui viennent s'y fixer. »

- Même renvoi.


« Plusieurs propriétaires, exploitants et industriels demandent l'exécution des travaux de canalisation de l'Ourthe. »

- Même renvoi.


« Les membres de l'administration communale de Bottelaere demandent la révision de la loi sur le domicile de secours. »

« Mêmes demandes des membres de l'administration communale et d'habitants de Lemberg, Munte, Baeygem. »

- Même renvoi.


« L'administration communale de Mons demande qu'il soit apporté des modifications au système de division des athénées en quatre classes, créée en vertu de la loi du 1er juin 1850. »

- Même renvoi.


« Le sieur Tremouroux, juge de paix à Genappe, présente des observations en faveur d'un chemin de fer de Luttre à Maestricht, dont la concession est demandée par le sieur Delstanche. »

- Même renvoi.


« Les membres de la commission de l'hôpital civil de Sottegem prient la Chambre de faire restituer à cet établissement les contributions personnelles qu'il a été obligé de payer pour les années 1854 et 1855, sur la partie de l'hôpital comprenant les chambres à coucher des religieuses attachées au service des malades, le foyer de la cuisine, et la salle où se réunissent les membres de la commission de l'hospice. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Bruges demande la révision de la loi du 21 mai 1819, relative au droit de patente. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Sempst demande que l'entretien des pauvres soit à charge de la commune où ils se trouvent. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Louvain demande la construction d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain. »

- Même renvoi.

M. Landeloos. Messieurs, la pétition dont on vient de faire l'analyse et la pièce qui y est annexée démontrent les avantages et l'utilité de la construction d'un chemin de fer direct de Louvain à Bruxelles, dont mes honorables collègues de l'arrondissement de Louvain et moi nous n'avons cessé de demander l'exécution au département des travaux publics.

Comme cet objet pourrait être compris dans le projet de loi que le gouvernement doit présenter pour l'exécution de certains travaux publics, je demande que cette requête soit renvoyée à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur Pierre, atteint, ainsi que sa famille, d'une ophthalmie qu'ils ont contractée de son fils, milicien renvoyé dans ses foyers en congé illimité, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir un secours. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Barvaux exposent les faits qui se rattachent au legs de la dame Hubert que le conseil de fabrique de l'église de Barvaux n'a pas été admis à accepter. »

- Sur la proposition de M. de Moor, renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.


« Le conseil communal de Jurbise demande la prohibition du charbon à la sortie ou l'établissement d'un droit équivalent. »

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.


« Plusieurs bateliers du haut et du bas Escaut prient la Chambre de rejeter le projet de loi relatif au pilotage des bateaux. »

« Même demande de plusieurs bateliers à Mortagne. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Des ouvriers pilotes à Gand demandent le maintien de leur droit de pilotage ou du moins que le pilotage, depuis le sas de la porte de Bruxelles jusqu'au pont des Chaudronniers, soit laissé aux corps dits des passeniers et des sasseniers. »

- Même renvoi.


« Des habitants d'Oisquercq prient la Chambre de rejeter le projet de loi relatif à la concession d'un chemin de fer de Luttre à Denderleeuw. »

« Même demande d'industriels, commerçants et propriétaires à Bois-d'Hayne et Fayt, et des sieurs Daubresse, Thiriar et autres, administrateurs des charbonnages de La Louvirèe et la Paix. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi.


« Des habitants de la commune de Bois-d'Haine présentent des observations contre le projet de loi relatif à la concession d'un chemin de fer de Luttre à Denderleeuw. »

« Mêmes observations des membres de l'administration communale et d'industriels de Haine-Saint-Pierre, d'habitants de Haine-Saint-Paut et Fayt. »

- Même renvoi.


« Les membres de l'administration communale d'Hennuyères demandent que le chemin de fer de Luttre à Denderleeuw soit relié au chemin de fer de l'Etat à Tubize. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Soignies prie la Chambre de rejeter le projet de loi relatif à la concession d'un chemin de fer de Luttre à Denderleeuw ou du moins de réserver son vote, jusqu'à ce que le projet du chemin de fer destiné à relier la ville de Charleroi à celle de Gand, qui a été déposée par la compagnie Dupont-Houdin, ait été soumis aux formalités prescrites par la loi. »

- Même renvoi.


« Les membres du conseil communal de Hal demandent que le chemin de fer de Luttre à Denderleeuw, dont la concession est demandée par les sieurs Waring, passe par Hal et Nivelles. »

- Même renvoi.


« Des éleveurs de chevawx et des cultivateurs du district de Liège et des environs prient la Chambre de voter les fonds nécessaires pour maintenir au grand complet le dépôt d'étalons de l'Etat. »

(page 324) - Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget du département de l'intérieur.


« Des cultivateurs et éleveurs à Courtrai demandent la conservation du haras et prient la Chambre d'allouer les fonds nécessaires pour augmenter le nombre des étalons. »

- Même renvoi.


« Par trois pétitions, des cultivateurs èt éleveurs dans la province de Namur prient la Chambre de maintenir et même d'augmenter l'allocation portée au budget en faveur de la race chevaline. »

- Même renvoi.


« Plusieurs fabricants et négociants à Gand prient la Chambre d'accorder aux sieurs Moucheron et Delaveleye la concession d'un chemin de fer de Saint-Ghislain à Gand et Terneuzen, avec embranchement sur Grammont et Eecloo. »

- Même renvoi.


« Les administrations communales du canton de Wellin demandent que le gouvernement fasse exécuter la convention intervenue entre lui et l'entrepreneur du transport des dépêches dans le Luxembourg. »

- Même renvoi.


« Par messages en date des 20, 21, 22, 28 et 29 décembre, le Sénat informe la Chambre qu'il a donné son adhésion à 23 prolets de loi de naturalisation ordinaire et aux projets de loi :

« Concernant un crédit supplémentaire de 412,000 francs au budget du ministère de la justice pour l'exercice 1855 ;

« Contenant le budget du ministère de la justice, pour l'exercice 1856 ;

« Concernant des crédits supplémentaires au budget du ministère de l'intérieur, pour l'exercice 1855 ;

« Concernant les exemptions à accorder aux consuls des puissances étrangères ;

« Contenant le budget du ministère de la guerre, pour l'exercice 1856 ;

« Sur les denrées alimentaires ;

« Qui ouvre au département de l'intérieur un crédit de 1,500,000 francs pour mesures à prendre en faveur des classes ouvrières et indigentes ;

« Qui fixe le contingent de l'armée pour 1856 ;

« Contenant le budget des voies et moyens pour l'exercice 1856 ;

« Concernant un crédit de 800,000 francs pour venir en aide à des employés inférieurs de l'Etat et aux ouvriers journaliers salariés par le gouvernement ;

« Relatif à l'établissement d'un service régulier de narigation à vapeur entre la Belgique et le Levant ;

« Qui proroge la loi du 31 décembre 1853 relative à la tarification des charbons de terre à l'entrée ;

« Qui proroge la loi du 30 novembre 1854 relative à l'exportation des eaux-de-vie fabriquées avec des granus indigènes ;

« Qui ouvre au département des travaux publics un crédit provisoire de 3,383,774 francs, à valoir sur le budget de ce département pour l'exercice 1856 ;

« Qui ouvre au ministère de l'intérieur un crédit provisoire de 1,200,000 francs, à valoir sur le budget de ce département pour l'exercice 1856. »


« Par 25 messages en date du 28 décembre, le Sénat informe la Chambre qu'il a pris en considération 25 demandes de naturalisation ordinaire. »

- Pris pour notification.

Projet de loi modifiant le cens d’éligibilité pour le sénat

Dépôt du projet adopté par le sénat

Par message en date du 19 décembre, le Sénat transmet à la Chambre un projet de loi tendant à modifier la loi électorale relativement au cens d'éligibilité pour le Sénat ; projet qu'il a adopté dans la séance de ce jour.

- Ce projet de loi est renvoyé à l'examen des sections.

Pièces adressées à la chambre

« Il est fait hommage à la Chambre :

« 1° Par M. le ministre de la justice.

« De 2 exemplaires du 1er cahier du 3ème volume des procès-verbaux des séances de la commission royale pour la publication des anciennes lois et ordonnances de la Belgique ;

« 2° Par l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts, de Belgique, de 110 exemplaires de son Annuaire pour 1856 ;

« 3° Par le sieur Bisman, de 108 exemplaires d'une brochure relative au projet de loi sur le pilotage des bateaux.

« 4° Par le sieur DignefFe, de 120 exemplaires d'une consultation de plusieurs avocats de Liège sur la légalité de l'usine à zinc de Saint-Léonard à Liège et d'un travail sur les institutions en faveur des ouvriers de la société de la Vieille-Montagne. »

- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.


« M. Thienpont, empêché par le décès de son beau-père, et par des affaires de famille qui en sont la conséquence, demande un congé de quelques jours. »

« M. de Naeyer demande un congé.

- Ces congés sont accordés.

Démission d’un membre de la chambre

Il est donne lecture de la lettre suivante :

« Bruxelles, le 15 janvier 1856.

« M. le président,

« Des motifs graves ne me permettant plus de prendre part aux travaux de la Chambre des représentants, je dépose ma démission en vos mains, conformément à l'article 51 de la loi électorale.

« Veuillez agréer, M. le président, l'assurance de ma haute considération. »

« Ch. de Brouckere. »

- Il sera donné avis de cette démission à M. le ministre de l'intérieur.


Il est procédé au tirage au sort des sections de janvier.

Projets de loi de naturalisation

M. Wasseige. - J'ai l'honneur de présenter, au nom de la commission des naturalisations, plusieurs projets de loi de naturalisation ordinaire.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ces projets de loi et les met à la suite des objets à l'ordre du jour.

Rapports sur des pétitions

M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du rapport de la commission des pétitions sur les requêtes de plusieurs habitants de Liège qui demandent une loi sur la police des établissements dangereux, insalubres et incommodes.

La commission conclut au renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics.

M. de Renesse. - Messieurs, en appuyant les conclusions de la commission des pétitions, présentées dans son rapport du 21 décembre dernier, sur la requête de plusieurs habitants de la ville de Liège, demandant la révision, par une loi, des arrêtés et règlements régissant actuellement la police des établissements dangereux, insalubres ou incommodes, ainsi que celles émises par la même commission, sur la pétition des habitants du quartier du nord de la même ville, qui réclament la fermeture d'une usine de zinc, située au milieu d'une population de 10,000 âmes, je crois devoir présenter à la Chambre quelques considérations sur ces justes réclamations, et, avec instance, engager les honorables ministres de l'intérieur et des travaux publics, de vouloir s'occuper plus activement de cette affaire si importante, sous le rapport de la tranquillité et surtout de l'hygiène publique.

Si depuis quelque temps certains établissements de cette catégorie ont pris un développement plus considérable, si des extensions illégales ont été apportées à leurs moyens de fabrication, contrairement à leurs actes d'autorisation, et cela au milieu d'habitations agglomérées des villes et communes rurales, ont pu ainsi léser les droits d'autrui, ont pu porter atteinte à l'hygiène publique, l'on ne doit pas s'étonner de ce que dans le public l'on se soit ému, et que déjà notamment à Liège, et dans d'autres localités près de celle ville, depuis assez longtemps, de vives réclamations aient été transmises au département des travaux publics qui a dans ses attributions la haute surveillance de ces établissements, et qu'en dernier lieu, le comité central du nord de la ville de Liège ait cru devoir s'adresser pareillement au conseil des ministres et à la Chambre des représentants.

Déjà, par suite de réclamations antérieures, l'administration supérieure doit avoir prescrit certaines mesures, et, par des arrêtés royaux, l'on avait ordonné, notamment à une puissante société, d'exécuter des travaux et certaines constructions pour empêcher les émanations délétères de son établissement industriel, reconnu, pour tout le voisinage, insalubre au premier degré ; néanmoins, cette société ne paraît pas s'être conformée aux prescriptions légales ; elle ne fait que ce qu'elle juge convenable et le gouvernement, au lieu d'insister pour l'entière exécution des arrêtés royaux, se soumet aux exigences de cette société en faisant intervenir un nouvel arrêté royal qui changeait les premières prescriptions indiquées dans l'intérêt de l’hygiène pubiique et qui avaient été reconnues nécessaires par de hauts fonctionnaires de l'administration des mines, chargés de la surveillance de cet établissement industriel. Il nous paraît donc indispensable, que l'on s'occupe au plus tard d'élaborer une loi pour régler tout ce qui a rapport à la police de pareilles usines insalubres et incommodes au premier degré. A la loi il faudra bien se soumettre, puisque l'on semble ne pas vouloir respecter actuellement les arrêtés pris dans l'intérêt de la santé publique.

En ce qui a rapport à la réclamation adressée, depuis plusieurs années, par de nombreux habitants de la ville de Liège, et qui vient d’être renouvelée sous la date du 15 octobre 1855, et du 7 du mois passé, jusqu'ici, aucune décision n'est encore intervenue de la part du gouvernement. Après avoir toutefois assez longtemps réfléchi, l’on avait ordonné une enquête, ensuite une commission fut chargée d'examiner les mesures à prendre, pour permettre, sous certaines conditions, la continuation de la fabrication dans cet usine non autorisée, qui est devenue intolérable pour les habitants de ce faubourg de Liège, et reconnue comme telle par le conseil communal de cette ville.

Pourquoi, dans ce pays-ci, n'a-t-on pas prescrit d'employer, comme à Paris et à Londres, des appareilt fumivores, qui y paraissent absorber les émanations malsaines ? Et pourquoi le gouvernement, lorsqu'il prescrit des mesures de salubrité publique, n'a-t-il pas la force, le courage de les faire exécuter ? Faut-il, sous ce rapport, qu'il se soumette toujours aux exigences de certaines puissantes sociétés ?

Dans un pays comme le nôtre, régi par une constitution aussi libérale, où il n'y a de privilège pour personne, mais une égalité d'obligation pour tout le monde, il faut que le puissant comme le faible se (page 325) soumettent aux lois et arrêtés pris pour leur exécution ; il ne doit pas être permis de se mettre au-dessus de la loi ; et surtout ceux qui sont dans une haute position, par leur fortune et leur éducation devraient donner l'exemple de l'obéissance aux lois et aux règlements de police, et pas les enfreindre ou les éluder dans leur propre intérêt financier.

On ne peut vraiment comprendre cette impuissance de la part du gouvernement en ce qui a rapport à la police efficace de pareils établissements industriels ; sa trop grande tolérance jusqu'à présent a été la cause que des établissements insalubres ont pris une extension considérable, contrairement à leurs actes d'autorisation, et que l'on n'ait pris aucune mesure d'hygiène publique à leur égard ; il me semble que l'autorité supérieure n'est sortie de son inaction que par suite des manifestations déplorables et illégales qui ont eu lieu dans le courant de l'année dernière.

Cependant, depuis 1849 l'Etat a dépensé, presque chaque année, des sommes assez importantes pour l'hygiène publique, et notamment, pour stimuler ïe zèle des communes, et pour les engager à porter des allocations à leurs budgets afin d'améliorer la salubrité et l'assainissement de certains de leurs quartiers, et, néanmoins, il a fallu plus de deux années de plaintes continuées d'une population nombreuse de l'un des faubourgs de la ville de Liège, avant que le gouvernement ait cru devoir s'occuper sérieusement de leurs justes réclamations, contre une usine non dûment autorisée et reconnue être intolérable par toutes les autorités consultées.

En appuyant de tous mes moyens les deux requêtes sur lesquelles la commission des pétitions a fait rapport dans la séance du 21 décembre dernier, j’ose espérer que le gouvernement voudra s'occuper très activement des différentes questions soulevées par les pétitionnaires et, s'il est nécessaire qu'une loi intervienne pour régler la police des établissements dangereux, insalubres ou incommodes, je demanderai, avec les réclamants, la présentation prochaine d'un pareil projet de loi, pour que les Chambres législatives puissent encore le discuter pendant la présente session.

M. Rodenbach. - Messieurs, tout récemment le gouvernement anglais a nommé une commission d'enquête pour examiner la législation sur les établissements insalubres.

Mais le parlement anglais ne s'est pas contenté de s'occuper des établissements insalubres, il s'est aussi occupé de la sophistication des denrées alimentaires qui devient réellement effrayante pour la santé publique.

Lorsque le Code pénal a été rédigé, la sophistication, l'art de mélanger les aliments n'était pas aussi bien connu qu'aujourd'hui. La cherté des vivres et la science chimique lui ont fait faire de monstrueux progrès.

Les règlements, lois et arrêtés qui nous régissent actuellement ne suffisent point. Il est de toute urgence qu'on s'en occupe, et qu'on donne au pays une loi qui garantisse les populations des fraudes et des vols qui se commettent aujourd'hui au détriment du consommateur et de l'hygiène publique.

Je parlerai en premier lieu des farines.

Certains meuniers vendent, pour de la farine de froment, des farines frelatées et mélangées avec des farines de féveroles, de maïs, de riz, de pommes de terre et de son pulvérisé.

Un procès est en ce moment pendant devant le tribunal de Bruxelles pour des sophistications de ce genre.

Quelques boulangers, de leur côté, vendent, comme pain de froment pur, du pain dans lequel il entre toute espèce de farine d'un prix inférieur aux nutritives céréales, comme le froment et le seigle. Je sais très bien que ces matières ne sont pas malsaines ; ce n'en est pas moins une fraude condamnable que de vendre un pareil pain jour du pain ée froment pur.

Il est également prouvé, messieurs, que de malhonnêtes gens mettent aujourd'hui dans la chicorée qui sert de boisson aux classes infimes de la société, de la tourbe pulvérisée jusqu’à concurrence de 12 à 15 p. c. Or, c’est là une matière pernicieuse et nuisible à la santé ; car la tourbe provient de végétaux qui sont restés pourrir des siècles entiers dans la terre.

Je pourrais énumérer beaucoup d'autres aliments. Ainsi lorsque le vin est acide, ou y met de la chaux, de la litharge et pour le colorer du boic de Campêche. Lorsque l'été n'a pas été assez chaud et que le vinaigre de bière n'a pas atteint un degré suffisant d'acétification, des brasseurs cupides y ajoutent de l'acide sulfurique, autrement appelé vitriol ; pour la bière aigre on emploie aussi de la chaux, et dans les spiritueux force poivre et eau. Pour la panification de la pâtisserie, du pain d'épice et autres pains on se sert du sulfate de cuivre, de l'alun et du sulfate de potasee, et pour colorer les bonbons on fait usage de couleurs minérales, ce qui est également très nuisible à la santé.

Dans le beurre on mélange de la fécule de pommes de terre et de la poudre jaune pour le colorer ; le chocolat des sophistiqueurs se fabrique avec des farines, des fécules et de l'ocre rouge. Dans les tourteaux destinés à la nourriture du bétail on mêle une terre de la même couleur.

Je pourrais citer cent autres articles qui, avec cette perfection à laquelle on est aujourd'hui parvenu dans l'art de tromper, sont l'objet de falsifications.

Il faut sans doute s'occuper de la législation sur les établissements insalubres, et la modifier, s'il y a lieu.

Mais, je demande que l'on s'occupe plus spécialement de la révision de la législation sur la sophistication des denrées alimentaires, et je le répète, il y a urgence. Il faut qu'une véritable police s'exerce' à cet égard, pour que, dans l'intérêt de là santé publique, l'autorité puisse faire des visites chez les meuniers, les boulangers, les épiciers, chez tous les marchands qui Tendent des denrées et liquidés frauduleusement mélangés.

Je demande donc de toutes mes forces une révision des lois sur les établissements insalubres et surtout des mesures efficaces cpntre la sophistication des denrées alimentaires qui porté un si grand préjudice à la santé publique. J'aime infiniment le progrès dans toutes les industries. Si les spéculateurs se contentaient d'obtenir en tout du perfectionnement, cela serait tout à fait louable ; mais il est de funestes progrès en chimie culinaire et tellement pernicieux que peu de denrées et peu de liquides sont exempts de sophistication.

Je demande le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics et à M. le ministre de l'intérieur, qui a l'hygiène dans ses attributions, et je prie instamment le gouvernement de prendre cet objet en très sérieuse considération.

M. Delfosse. - Messieurs, l'usine à zinc, dont les habitants du faubourg Saint-Léonard de la ville de Liège se plaignent, existait en 1806. Aux termes de l'article 78 de la loi du 21 avril 1810, elle aurait dû, pour être maintenue en jouissance, obtenir une permission avant le 1er janvier 1813. A la fin de 1819, la demande en permission n'avait pas même été formée. Néanmoins, l'usine était restée en activité. L'oubli où on l'avait laissée s'explique par les événements graves qui se passèrent alors : par la chute de l'Empire sur les ruines duquel le gouvernement des Pays-Bas s'était élevé. Le 16 décembre 1819 un arrêté royal prorogea jusqu'au 1er janvier 1821 le délai accordé par la loi du 21 avril 1810. Une demande en permission fut déposée le dernier jour du délai.

L'enquête ouverte par l'administration communale paraît n'avoir donné lieu alors à aucune opposition, mais cette enquête terminée, l'affaire resta enfouie dans les cartons pendant un très grand nombre d'années.

En 1826, le gouvernement fut tiré de son long sommeil par les plaintes des habitants. L'usine ayant pris une assez grande extension, était devenue extrêmement incommode pour le voisinage.

Saisi de ces plaintes, le gouvernement des Pays-Bas aurait dû se rappeler qu'il avait un devoir à remplir, qu'une demande en maintenue, formée en 1820, attendait depuis trop longtemps une instruction et une solution.

Chose inouïe, il rejeta les oppositions sans s'occuper le moins de monde de la demande en maintenue et sans prescrire aucune mesure pour rendre l'usine moins incommode. Après cet acte, il s'endormit de nouveau, pour ne plus se réveiller.

Le gouvernement belge, qui lui succéda, ne fut pas plus vigilant. En 1836, c'est-à-dire vingt-trois ans après l'expiration du délai fixé par la loi de 1810, aucune décision n'avait encore été prise sur la demande en maintenue.

Trompé par l'acte qui avait rejeté les oppositions, le gouvernement belge crut probablement que l'usine avait été régulièrement autorisée, car en 1836, il prit un arrêté pour accorder à l'établissement du faubourg St-Léonard l'autorisation d'importer une certaine quantité de calamine en franchise de droits, à la condition d'entretenir au moins onze fours en activité.

Deux années plus tard, il eut à s'occuper d'une demande d'autorisation relative à l'établissement d'Angleur. Il accorda l'autorisation en se réservant de prescrire des mesures propres à diminuer les inconvénients de l'usine. Mais celle de St-Léonard continua à rester sans autorisation et, ce qui est plus fâcheux, sans contrôle.

Quinze années s'écoulèrent encore, sans qu'il fût le moins du monde question de la demande en maintenue formée en 1820. Les changements survenus dans le personnel du corps des mines amenèrent enfin à Liège un ingénieur qui prit cette affaire à cœur ; son rapport, concluant à l'autorisation, sous certaines conditions, fut transmis en 1851 à l'ingénieur en chef ; le rapport de ce dernier ne parvint à la députation permanente que le 20 décembre 1853.

Le 20 octobre de la même année, c'est-à-dire 2 mois avant l'envoi du rapport de l'ingénieur en chef à la députation permanente, un très grand nombre d'habitants du faubourg Saint-Léonard à Liège avaient adressé à l'administration communale une pétition contre l'usine ; ils se bornaient alors à réclamer des mesures propres à en diminuer les inconvénients et à demander que l'usine ne fût autorisée, en aucun cas, à agrandir le siège, déjà trop vaste, selon eux, de ses opérations.

Le 24 décembre suivant, ils allèrent plus loin, ils demandèrent, au nom de la loi, la suspension ou la fermeture de l'établissement.

Consulté par le gouverneur de la province, le ministre des travaux publics décida que l'établissement du faubourg St-Léonard ayant reçu une organisation nouvelle et subi des modifications, il ne pouvait plus s'agir de la demande en maintenue formée en 1820.

La société de la Vieille-Montagne déposa, en conséquence, une demande, sous la réserve, indiquée, du reste, par le ministre de travaux publics, des droits qu'elle pouvait tenir de l'article 78 de la loi du 21 avril 1810. Si l'on en croit la société de la Vieille-Montagne, sa nouvelle demande, comprenant 9 massifs, soit 18 fours chacun de 2 foyers, (page 326) ne dépasserait pas les limites de la demande en maintenue faite en 1820 pour 9 fourneaux. D'après la société de la Vieille-Montagne, fourneau et massif seraient synonymes. Cette prétention, qui ne paraît pas admissible, est contredite par le plan joint à la demande eu maintenue ; et ou l'on ne voit que 5 massifs et trois demis ; l'usine n'employait d'ailleurs en 1820 que 416 creusets et aujourd'hui elle en emploie plus de 2,000.

Une enquête « de commodo et incommodo » fut ouverte sur la nouvelle demande formée par la société. Elle eut naturellement pour opposants les habitants qui avaient signé les pétitions dont j'ai parlé tantôt.

L'administration communale, appelée à donner son avis, ie formula dans les termes suivants :

« Le conseil, vu les inconvénients qui sont résultés jusqu'à présent de la fabrication du zinc par la Vieille-Montagne, est d'avis que ladite société ne doit pas être admise à continuer cette fabrication, à moins qu'on n'y apporte des modifications qui donnent la certitude que tous les inconvénients ou au moins la plupart d'entre eux viendront à dispa-raître. »

La députation permanente, appelée également à se prononcer, proposa la nomination d'une commission qui aurait pour mission de rechercher les moyens de faire disparaître les inconvénients résultant de la fabrication du zinc. A part ce point, son avis est au fond le même que celui de l'administration communale ; seulement elle exclut, dans tous les cas, de l'autorisation un neuvième massif de quatre foyers, construit postérieurement aux plaintes formées par les habitants du faubourg Saint-Léonard, et elle demande que la quantité de minerai à mettre journellement en réduction soit déterminée par le nombre et la capacité des creusets.

Ces deux avis, celui de l'administration communale et celui de la députation permanente, peuvent être envisagés comme une adhésion à la pétition des habitants du faubourg Saint-Léonard du 20 octobre 1853, non à celle du 24 décembre suivaut par laquelle on réclamait au nom de la loi et d'une manière absolue la suspension ou la fermeture de l'établissement.

Le conseil communal et la députation permanente ont sans doute considéré qu'il serait d'une ngueur extrême et contraire à l'équité de faire fermer brusquement une usine de cette importance, créée en 1806, garantie en 1810 par la loi autorisée implicitement dans l'état où elle était alors par un arrêté royal de 1827.

Il est vrai que plus tard l'administration communale impatiente des lenteurs du ministre des travaux publics et voulant le mettre en demeure, a émis à la presque unanimité le vœu que les lois reçoivent leur exécution. Mais l'auteur de la proposition a dit que dans sa pensée les lois pouvaient recevoir leur exécution par l'autorisation légalement donnée comme par le rejet de la demande d'autorisation, par la régularisation de l'existence de l'établissement comme par sa fermeture.

D'accord avec le conseil communal et avec la députation permanente du conseil provincial, j'engage fortement M. le ministre des travaux publics à n’autoriser la continuation de l'usine qu'en prescrivant des mesures qui seraient évidemment propres à diminuer les inconvénients graves dont on se plaint avec raison.

D'accord avec la députation permanente je l'engage, dans tous les cas à exclure de l'autorisation le neuvième massif de quatre foyers construit postérieurement aux plaintes des pétitionnaires et en quelque sorte au mépris des droits de l'autorité. J'engage surtout le ministre des travaux publics à veiller strictement, sévèrement à l'exécution des mesures qu'il croira devoir prendre.

Des mesures de ce genre prescrites à l’établissement d'Angleur sont, comme l’a dit mon honorable ami M. de Renesse, restées inexécutées.

La société de la Vieille-Montagne, ne tenant compte ni des injonctions, ni des menaces de l'ingénieur en chef a fini par avoir le dessus, c'est le gouvernement qui a reculé ; il ne faudrait pas que cet acte de faiblesse se renouvelât.

(erratum, page 330) Après 25 ans d'incurie et d'anarchie administrative, il est temps que l'usine du faubourg St-Léonard soit contenue dans de justes limites ei placée sous un régime qui donne aux habitants des garanties efficaces. Tant qu'on n'aura pas statué sur sa demande (a dit l’ingénieur en chef dans l’un de ses rapports) « aucune condition spéciale ne lui est imposée, et en l'absence de cahier des charges, je ne découvre aucune contravention. »

Ces paroles de l'ingénieur en chef prouvent l'urgence de cette affaire ; on est donc en droit de s'étonner que M. le ministre des travaux publics ait employé trois mois uniquement à nommer une commission, on est en droit d’insister pour qu’il se mette enfin sérieusement à l’œuvre et ne tarde plus à prendre une résolution digne d’un gouvernement qui se respecte.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Messieurs, le rapport de l'honorable M. Moreau sur la pétition dont s'occupe la Chambre conclut au renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics.

Les honorables membres qui ont pris la parole sont d'accord sur les conclusions, ils y ajoutent des commentaires auxquels je désire répondre quelques mots.

L'honorable M. Delfosse appelle principalement l'attention du gouvernement sur la nécessité de statuer promptement sur la demande en autorisation.

L'historique qu’il vous a fait de cette affaire prouve que ce n'est pas le ministre des :travaux publics actuel qui doit subir tous les reproches s'il y en a de méritésn puisque depuis 1813, époque à laquelle expirait le délai imposé aux établissements régis par la loi de 1810 sur les mines pour se pourvoir d'une autorisation régulière, la loi est restée inexécutée.

Il n'y a que peu de mois que j'ai été appelé à m'occuper de cette affaire ; il n'est donc pas étonnant qu'en si peu de temps elle ne soit pas arrivée à une solution.

On s'explique facilement les retards qu'a pu éprouver cette affaire. Les crises politiques que notre pays a traversées depuis la création de l'usine dont il s'agit, sont sans doute pour une grande part dans ces retards. D'un autre côté, plus une affaire est ancienne, plus il est difficile d'en renouer les fils, d'en faire l'historique, d’en démêler les détails.

L'autorité publique a fait récemment tout ce qu'elle a pu dans cette question pour que le droit ne soit pas méconnu.

Le point principal est de trouver le moyen le plus propre à empêcher l'usine de nuire au voisinage. Quelques mois d'examen pour arriver à une solution satisfaisante ne me paraissent présenter rien d'extraordinaire ni d'exorbitant.

Nous sommes tous d'accord que le gouvernement ne pouvait statuer que sur le rapport d'experts compétents afin de donner à ses décisions un caractère impartial. Il fallait nommer une commission qui se livrât à des expériences, à des travaux tels que le résultat qu'on obtiendrait pût inspirer à tout le monde une confiance absolue.

C'est ce qui explique la circonspection avec laquelle le gouvernement a procédé, le soin avec lequel il s'est entouré de renseignements, et la prudence qu'il a apportée dans le choix des membres de la commission ; on a voulu qu'elle pût inspirer toute confiance, et que le résultat de ses travaux pût être de nature à enlever aux populations intéressées dans la question tout sujet de crainte pour leur avenir.

L'honorable M. de Renesse parle d'extension illégale, de violation de la loi.

Le mot « irrégularité » conviendrait bien mieux que celui de violation de la loi. La loi de 1810 a admis des délais pour se munir d'une autorisation convenable. Mais ces délais ont été prolongés jusqu'en 1813 et 1821, et c'est dans ces termes de prorogation officielle que la demande de la Vieille-Montagne a été formulée.

Il est vrai que la demande semble avoir été perdue de vue pendant de longues années, et que l'attention du gouvernement n'a été appelée sur le défaut d'autorisation de l'usine de Saint-Léonard que lorsque des plaintes ont été formulées par des habitants du voisnage.

Des avis émis par l'autorilé communale, des décisions royales, et notamment l'arrêté royal du 31 décembre 1827, ont pu être considérés comme équivalant à l'autorisation prescrite par la loi de 1810. Jusque dans ces derniers temps, les propriétaires de l'usine et le gouvernement lui-même ont pu croire que l'établissement était couvert par une autorisation suffisante.

Ainsi, en 1836, comme l'a dit l'honorable député de Liège, le gouvernement belge a considéré l'établissement comme étant suffisamment autorisé puisqu'il lui imposait le maintien d'un certain nombre de fours, comme condition de l'importation en franchise de droits d'une certaine quantité de zinc brut.

Ce n'est qu'en 1853, quand de nouvelles plaintes ont surgi, qu'un examen plus minutieux a fait naître des doutes sur le point de savoir si l'établissement de St-Léonard est régulièrement autorisé.

A partir de cette époque, on vit se produire toutes sortes de demandes ; on réclama la fermeture de l'usine, en se basant sur le décret du 15 octobre 1810, abrogé par l'arrêté du 31 janvier 1824 ; ce dernier arrêté a lui-même cessé d'être en vigueur depuis l'arrêté du 12 novembre 1849. Ici les pétitionnaires ont perdu de vue que ces actes et notamment l'arrêté de 1849, s'appliquent seulement aux fonderies qui fondent des métaux, par exemple, aux fonderies qui fondent le fer en fer, le cuivre en cuivre ; mais que les établissements qui fondent le minerai pour le transformer en métal, restent soumis à la loi de 1810. Ainsi, l'usine de Saint-Léonard est régie par l'article 78 de cette loi qui maintient les usines existantes et non munies d'une autorisation, au moins jusqu'à décision sur le fond : il n'entre pas dans les termes ni dans l'esprit de la loi de vouloir la fermeture préventive. L'absence d'une demande dans les délais n'entraîne qu'une amende.

En ce qui regarde l'usine de Saint-Léonard, une demande en maintenue a été déposée en 1820. Mais, dit-on, l'usine a reçu depuis lors des extensions et des accroissements. Cet agrandissement a-t-il eu lieu légalement ?

A l'époque de 1853, il y avait huit massifs ; un neuvième aurait été établi à cette époque ; mais si un neuvième massif a existé, il est démoli aujourd'hui ; il n'y a plus maintenant de nouveau que huit massifs.

Ainsi, messieurs, le grief principal, celui de l'augmentation de l'usine depuis 1853, a cessé, puisqu'il n'y a aujourd'hui que huit massifs. Le nombre de massifs est toujours la condition principale qui a été considérée par l'administration dans toutes les affaires de l'espèce. Le nombre de creusets était laissé de côté dans toutes les autorisations d'usine à zinc. L'on s'est toujours préoccupé du nombre des feux. Le mot « feux » est celui dont se sert l'instruction ministérielle du 3 août 1810, paragrape 8. En (page 327) déterminant donc le nombre de massifs comprenant deux fours doubles, on reste dans les termes de l'instruction de 1810 ; on ne s’est écarté de cette marche qu'une fois ; dans une autorisation d'usine, on a fixé le nombre de creusets.

Le nombre des feux ne fixe pas d'une manière absolue le nombre de creusets qu'il est permis de mettre en activité.

Depuis 1810 l'industrie a fait des progrès ; elle marche tous les jours, aussi aucune usine n'a pu rester circonscrite dans les limites étroites qu'elle avait dans le temps. Cela se conçoit sans peine. En matière d’industrie il faut améliorer pour n'être pas dépassé ; il faut produire le plus au meilleur marché possible, il faut tirer le plus grand parti des établissements qu’on possède et il n'y a pas un haut fourneau. Il n'y a pas un four à réverbère, il n'y a pas une seule usine qui, quant à sa production, soit restée depuis vingt ans dans les termes où elle se trouvait. En pareille matière ne pas avancer, c'est reculer.

Le nombre des creusets n'a donc pas été déterminé et il serait difficile de se prévaloir de cette circonstance que le nombre des creusets à été augmenté pour dire que la société a établi des augmentations illégales. Le nombre des massifs reste le même que celui qui a été déterminé dans la demande. Quant au nombre de creusets et à leur capacité, il faut reconnaître qu'il n'est pas facile de les réglementer.

Pour l'avenir, l'honorable représentant de Liège le sait, j'ai déjà eu occasion de le dire à la Chambre, il y aura une mesure à prendre. Mais cette mesure ne peut être prise à la légère. L'honorable m«mbre me reproche d'avoir nommé tardivement la commission qui a été formée, parce que trois mois se sont écoulés entre l'avis de la députation permanente et la nomination de cette commission.

Je, veux bien accepter le reproche de ce retard ; j'avoue que je n'ai pas cru devoir prendre une détermination à la légère sans avis, sans examen ; sans chercher à reconnaître la situation ; à me fixer sur le sens de la loi, sur les droits des propriétaires d'usines, sur les pouvoirs accordés au gouvernement : une commission ne s'improvise pas d'ailleurs ; il faut procéder dans une semblable circonstance avee beaucoup de prudence et de discernement.

La commission qui a été nommée s'est livrée à un examen sérieux des opérations de l'usine, de la nature des poussières qui s'échappent de ses cheminées, et des inconvénients qui peuvent résulter de ces émanations pour les populations voisines et des moyens effîcaces d'y remédier. La Chambre comprendra sans peine qu'en l'absence du rapport qui ne m'est pas encore parvenu, je ne puis entrer dans le fond du débat, ni faire pressentir la solution que pourra recevoir cette question.

J'engage les personnes qui ont un intérêt réel dans cette question à vouloir se calmer.

En Belgique, le gouvernement s'est toujours appliqué à prendre en sérieuse considération les besoins des populations ; aussi, dans ce cas, comme toujours, les mesures les plus convenables seront adoptées.

L'usine ne sera autorisée que s'il y a moyen d'empêcher qu'elle ne nuise au voisinage, et les mesures nécessaires et utiles seront prises pour assurer l'exécution des conditions auxquelles l'autorité croira devoir subordonner l'autorisation sollicitée par la société de la Vieille-Montagne.

M. Le Hon. - Messieurs, je me crois obligé de donner quelques explications sur cette affaire. Elle offre un nouvel exemple de ce que peuvent, pour égarer l'opinion publique, la violence des clameurs et la persévérance des calomnies. (Interruption.) Je parle, bien entendu, de ce qui se passe au-dehors de cette enceinte.

M. Delfosse. - Je l'entends bien ainsi.

M. Le Hon. - Vous jugerez,messieurs, par des faits, et je tiens à les produire sous vos yeux dans leur ensemble, vous jugerez jusqu'à quel point sont exagérées les demandes des pétitionnaires. Et pour avoir, dans un débat de cette nature une position nette, je dirai aux honorables membres de la Chambre qui pourraient l'ignorer, que je suis administrateur président de la Vieille-Montagnc et en même temps son fondateur, et que je tien à honneur d'accepter la responsabilité des actes de cette administration, sans la séparer de mes devoirs de représentant.

Quaud une société a près de quarante millions de capitaux nationaux et étrangers engagés dans l'industrie belge, je ne crains pas de dire qu'elle a sa place marquée dans les intérêts publics du pays. Ce n'est donc pas défendre un intérêt exclusif et personnel que de venir expliquer, d'après les actes officiels, l'origine légale et la situation vraie de l'usine de Saint-Léonard, et de vous démontrer que la Vieille-Montagne n'a jamais entendu se soustraire à l'autorité de la loi, et, comme l'a dit, à mon grand regret, le premier orateur, n'a jamais eu la pensée d'imposer sa volonté au gouvernement. Le gouvernement n'a pas fléchi devant elle, je vous ie prouverai.

M. de Renesse. - Il a fléchi en 1852.

M. Le Hon. - Ni en 1852, ni en 1855. Depuis longtemps, je sais ce qui se passe, accordez-moi quelques moments d'attention.

Messieurs, le décret de concession des mines de la Vieille-Montagne avait imposé au concessionnaire, article 21, la condition de faire des épreuves pour réduire, à l'aide de fourneaux appropriés, la calamine à l'état métallique.

Le zinc était inconnu à cette époque. L'administration de la ville de Liége accueillit le concessionnaire avec faveur dans le faubourg Saint-Léonard. Elle l'encouragea en lui accordant, le 7 octobre 1809, la franchise des droits sur la houille et le charbon nécessaires à son exploitation. Le préfet ratifia cette concession le 20 du même mois, et le ministre des finances la sanctionna le 21 novembre suivant.

Le Mémorial administratif du département de l’Ourthe, en date du 18mai 1812, contient, sous le titre « Actes de la préfecture », le passage suivant :

« La situation de l'établissement de Dony donne les plus belles espérances : il fournit, dans le moment actuel, jusqu'à 700 kilog. de métal par jour ; de nouveaux fourneaux s'élèvent, et tout porté à croire que désormais l'on ne se servira, en France et dans une partie de l’Europe, que du zinc de Liège.

En 1812, l'autorité se félicitait déjà de l'accroissement des fourneaux qui allait augmenter cette production de 700 kilogrammes au point d'alimenter la consommation en France et en Europe.

C'est, en effet, la première industrie qui ait glorifié au-delà des mers le nom de la ville de Liège, en le rattachant à la conquête d'un métal nouveau, et en y créant le siège de sa fabrication,

Le 17 juin 1818, la régence municipale certifie, par un acte officiel, « que la fabrique de zinc, établie depuis longtemps en cette ville, est d'une importance majeure, tant sous le rapport de la richesse nationale que par le travail qu'elle fournit à un grand nombre d'ouvriers... La régence estime que cette fabrique mérite toute la protection qu'on accorde à l'industrie éclairée et perfectionnée.

« (Signé) le bourgmestre président

« Chevalier de Mélotte d'Envoz. »

Ce témoignage est précieux, parce que, à cette époque, l'organisation de l'usine, encore imparfaite, laissait échapperait dehors les poussières des fours, et que, en outre, on y calcinait les minerais bruts, opération qui a cessé en 1819.

Le 9 novembre 1827, le sieur Bastin, commissaire de police du quartier du Nord (et ceci se passait à la suite de la pétition de 1826, adressée au gouvernement) se transporte à l'usine de St-Léonard, pour en constater l'organisation en vertu d'un ordre des états députés en date du 31octobre ; il dresse de cette visite un procès-verbal dont nous extrayons le passage suivant :

« Nous avons d'abord reconnu, dans la partie de l'établissement à droite de la rue, se rendant du faubourg St-Léonard à celui de Vivegnis, huit corps de maçonnerie surmnontés chacun d'une cheminée, chaque cheminée divisée en quatre tuyaux, et à chaque masse de maçonnerie, quatre fours séparés, comprenant chacun vingt-quatre cases destinées à recevoir un nombre égal de creusets, servant à la fusion des minerais.

« En sorte que sept cent soixante-huit creusets peuvent être mis en activité en même temps...

« (Signé) Bastin, Nélys, Kirsch. »

Voilà donc un procès-verbal constatant qu'il existait, à cette époque, huit massifs, surmontés chacun d'une cheminée, et ayant chacun 4 fours, ce qui faisait bien 32 fours à réduction.

Le 31 décembre 1827, un arrêté royal, statuant sur une demande en suppression de l'usine Saint-Léonard, la rejetait à défaut de motifs suffisants, sauf aux pétitionnaires à se pourvoir devant les tribunaux pour l'obtention d'indemnités, auquel cas ils pouraient agir conjointement pour en supporter plus facilement les frais. »

Cette décision prouve qu'à cette époque on n'avait pas encore pensé à attribuer aux matières zincifères une influence pernicieuse sur la santé publique, car il n'y a pas d'indemnité qui puisse réparer un dommage de cette nature.

Il est donc officiellement constaté que la fonderie de Saint-Léonard ne contient que huit massifs, comme en 1827. et qu'elle n'a nul besoin de se pourvoir d'une autorisation supplémentaire pour de prétendues augmentations qui n'existent pas.

Par arrêté royal du 11 avril 1836, le concessionnaire de la Vieille-Montagne est autorisé à introduire en Belgique, annuellement, un million de kilog. de zinc brut fabriqué au territoire neutre de Moresnet, sous la condition expresse, porte l'article 3, qu'il maintiendracn en activité ontinue, au nombre de onze, au moins, les fours de sa fonderie de zinc dans la province de Liège.

L'usine de Saint-Léonard était alors la seule que possédât le concussionnaire dans la province de Liège.

Le gouvernement craignait que cette introduction d'im million de kilogrammes venant du territoire neutre ne devînt un motif de restreindre la fabrication du zinc dans le faubourg Saint-Léonard, et, en accordant cette libre entrée, il stipulait que la production de cette usine ne serait pas diminuée. Vous voyez qu'elle fonctionnait alors avec la sanction maintes fois renouvelée de l'autorité publique, et qu’on était loin de la pensée de la supprimer.

Néanmoins, le 31 décembre 1820, M. Mosselman, se conformant au prescrit de l'arrêté royal du 16 décembre 1819, avait demandé la maintenue de l'usine établie et en activité depuis 1809.

Le 9 novembre 1821, la régence envoyait aux états députês le certificat de l'enquête de commodo et incommodo fait sur cette demande, constatant qu'il n'y avait eu aucune opposition.

Le concessionnaire s'était mis en règle vis-à-vis de l’administration. Il appartenait à celle-ci d'agir ; il n'avait aucun moyen de l’y contraindre, (page 328) et son inaction n'affectait pas la légalité de la maintenue qui ne pouvait être refusée à une usine préexistante, et contre laquelle aucune opposition n'était formée.

Dans ces circonstances, les arrêtés royaux du 31 décembre 1827 et du 11 avril 1836 constituent, de la part du gouvernement, une sanction aussi positive, aussi formelle que l'eût été celle d'un simple acte de maintenue.

On conçoit, en effet, que l'attente d'une formalité ne peut laisser indéfiniment suspendue l'activité d'un établissement industriel, créé, comme celui-ci, sous les auspices de l'autorité. La province de Liège a offert plus d'un exemple d'usines, dont les retards d'une maintenue régulière n'ont pas ralenti les travaux.,

La fabrique de Seraing, qui datait de 1818, n'a été autorisée qu'en 1851.

M. Pirlot se pourvoyait pour sa fonderie en 1820, et n'était autorisé qu'en 1841.

M. Orban demandait pour ses hauts fourneaux en 1820, et était autorisé seulement en 1845.

M. Delloye faisait en 1838 une demande qui est encore en instruction.

L'arrêté royal du 31 décembre 1827 est donc la base de la sanction légale de l'usine de Saint-Léonard.

Or, il est établi par le procès-verbal du commissaire de police Bastin que, au 9 novembre 1827, par conséquent avant l’arreté du 31 décembre, cette usine contenait huit massifs de maçonnerie, divisés chacun en quatre fours séparés ; soit en tout trente-deux fours..

Voilà bien l'état de choses qui existait en 1827. Mais, dit-on, le nombre de fours à réduction a été depuis lors considérablement augmenté. C'est là une erreur et je le prouve.

Le 31 décembre 1855, l'ingénieur en chef de l'administration des mines dans la province de Liège, accompagné de l'ingénieur du district et d'un sous-ingénieur, a constaté, sur les lieux mêmes, l'existence de huit massifs, dont cinq renfermant quatre fours chacun ; un, deux fours seulement, et deux ne se composant que d'un seul four. Total, vingt-quatre fours.

Le neuvième massif, dont on a tant parlé, et qui avait été construit en 1853 pour l'essai d'un nouveau procédé, était démoli en 1855.

Remarquez d'ailleurs que le nombre de neuf massifs était celui pour lequel la maintenue avait été demandée en 1820.

En présence de ces faits, d'où vient le reproche adressé à la Vieille-Montagne d'avoir violé la loi et méconnu les ordres du gouvernement ? Veut-on faire allusion aux mesures arrêtées pour remplacer, dans l'établissement d'Angleur, toutes les cheminées par une cheminée unique de 60 mètres de haut ? Mais il y avait là à résoudre une grave question technique de laquelle dépendait le sort de la fabrication. On ne peut ordonner qu'un tel changement s'exécute à jour fixe.

- Un membre. - C'est la loi !

M. Le Hon. - La science eu ces matières est supérieure à la loi, qui ne veut pas qu'on l'exécute d'une manière funeste à l'industrie.

Quand vous vous honorez à bon droit des couronnes remportées à l'étranger par l'industrie belge, assurément vous entendez lui laisser les conditions indispensables de progrès et de prospérité, c'est-à-dire, une juste mesure de liberté dans ses travaux et ses mouvements.

Le changement proposé par les ingénieurs a fait l'objet de délibérations scientifiques et administratives qui ont donné lieu à des actes de correspondance entre le directeur de la société, la députation permanente, l'ingénieur en chef et le gouvernement. Elles ont abouti à la construction d'une haute cheminée en tôle, mise en communication par des galeries souterraines avec la moitié des massifs de la fonderie, dans la vue de compléter le système en l'appliquant à la seconde moitié des fours, après vérification des résultats de l'essai, à l'intervention et sous le contrôle des ingénieurs de l'administration des mines. La prudence seule a dicté cette conduite ; et quand plus de 180,000 fr. ont été dépensés dans ces travaux, il serait injuste de dire qu'on s'était préoccupé, avant tout, de la crainte d'un sacrifice.

Je reviens au rapport de la commission. Je crois avoir prouvé qu'elle a été induite en erreur, quand elle affirme que la Vieille-Montagne à considérablement augmenté son exploitation sans autorisation préalable. J'ajoute qu'elle tombe dans une plus grave erreur, en posant d'une manière absolue le principe qu'un établissement industriel ne peut recevoir ni accroissement d'appareil ou de matériel, ni agrandissement de local, sans y avoir été préalablement autorisé par le gouvernement. Où peut conduire ce genre de tutelle, et quelles entraves n'apporterait-il pas aux moindres tentatives d'amélioration et de progrès !

On a laissé de simples demandes de maintenue vingt et vingt-cinq ans sans solution : qu'adviendra-t-il de demandes entourées de difficultés techniques et qui toucheront à l'économie des consommations et des mains-d'œuvre, en un mot, au prix de revient ? L'industrie marche sans cesse et partout ; suivre ce mouvement, le devancer même, est une des conditions du succès. Soumettrez-vous à une instruction administrative le projet d'augmenter la capacité ou le nombre des creusets que peut chauffer utilement une même quantité de combustible ? La solution sera impossible, quelle que puisse être pour le dehors l'innocuité du changement. Et d'ailleurs l'établissement maintenu peut modifier ses procédés de fabrication, pour autant qu'il n'augmente pas le nombre de massifs et de fours qui sont la base de son organisation, dans ses rapports avec l'intérêt d'autrui.

Je ne puis donc admettre les motifs de la conclusion de la commission tels qu’ils sont formulés : car si l'usine de Saint-Léonard a subi des changements et une sorte d'extension, ce n'est pas, comme je l'ai dit, dans le nombre de ses foyers de production, mais dans les moyens d'assainir les halles, de faciliter le travail de l'ouvrier, de contenir et d'absorber les matières pulvérulentes, de simplifier les mouvements intérieurs, et de mieux distribuer les ateliers. Pour tout cela, vous en conviendrez, il n'est besoin ni d'instruction ni d'autorisation préalable.

Il est remarquable que ces améliorations essentielles ont diminué considérablement les inconvénients extérieurs dont on se plaignait autrefois, et que c'est aujourd'hui que s'élèvent les plaintes les plus vives au point de vue de la santé publique qui n'a plus à souffrir.

Si je n'étais pas administrateur de la société de la Vieille-Montagne, je proposerais de remplacer la conclusion du renvoi par celle de l'ordre du jour, parce que, d'une part, la loi n'a pas été violée, et que, d'autre part, l'affaire est l'objet d'une instruction administrative qui n'est pas achevée.

M. de Renesse. - Proposez l'ordre du jour, et vous verrez l'accueil qu'il aura.

M. Le Hon. - L'honorable comte de Renesse sait bien que ce conseil est inutile, quand ma résolution est prise.

M. de Renesse. - Nous ne sommes ici que des représentants de la nation ; nous ne parlons ici que dans cette qualité ; s'il en était autrement, il faudrait s'empresser de faire une modification à la loi sur les incompatibilités et l'étendre ; car, bientôt, il n'y aurait plus dans les Chambres que des directeurs, des administrateurs et des commissaires de sociétés industrielles et financières ; ce ne serait plus une représentation véritable du pays : l'intérêt matériel serait seul représenté.

M. de Perceval. - Vous devez parler ici comme représentant et non comme administrateur ou président de la Vieille-Montagne.

M. Le Hon. - Je ne comprends pas l'honorable membre ; c'est aussi comme représentant que je parle. D'ailleurs, ce que je dis, je le dis la loi et les actes officiels à la main.

M. de Renesse. - A...

M. le président. - M. de Renesse, vous n'avez pas la parole. La parole est continuée à M. Le Hon.

M. Le Hon. - Je parle comme représentant, mais je n'ai pas voulu que personne ignorât ma qualité d'administrateur de la Vieille-Monlagne. C'est un acte de déférence envers ceux de mes collègues qui auraient pu l'ignorer.

Je ne m'opposerai donc pas au renvoi au ministre des travaux publics et même à celui de l'intérieur, mais j'ajoute que c'est dans le but de les mettre à même de vérifier les faits et de se convaincre, en connaissance de cause, de l'erreur des pétitionnaires et de la commission.

Maintenant permettez-moi d'opposer à l'influence nuisible qu'on lui reproche, en l'exagérant outre mesure, un faible aperçu des avantages qu'a répandus autour d'elle le mouvement industriel de la Vieille-Montagne.

M. de Perceval. - La Chambre n'est pas une assemblée d'actionnaires.

M. Le Hon. - Dans la province de Liége où on la signale comme une cause de désastres et de ruine, elle entretient une consommation de 1,500,000 hectolitres de houille, représentant 1,500,000 fr. au moins.

Elle y dépense 5,600,000 fr. en main-d'œuvre, matières, fournitures et transports.

Les salaires répartis dans le faubourg St-Léonard s'élèvent seuls à 250,000 fr. par an.

En 1854, la caisse de secours et de prévoyance a distribué fr. 101,503. Dans la même année, les salaires payés en Belgique aux ouvriers, sur le capital global indiqué ci dessus, ont été de fr. 2,600,000.

Prétendra-t-on encore que la fonderie de zinc porte atteinte à la santé publique ? J'opposerai à cette accusation le témoignage d'une des célébrités médicales dont s'honore la Belgique, celle de feu le docteur Lombard, que ne récuseront pas sans doute ses concitoyens de Liège.

Voici comment s'exprimait M. Lombard, le 10 novembre 1854 :

« En ce qui concerne la santé des ouvriers employés dans l'usine de Saint-Léonard, ou des personnes qui vivent dans son voisinage, je cherche depuis vingt ans à constater si elle peut être influencée d'une manière fâcheuse par la fumée et les émanations qui s'échappent des fours à zinc, et je dois déclarer en conscience que je n'ai pas encore pu découvrir un seul cas de maladie qui devrait être attribué à cette cause. J'ai fréquemment visité les ouvriers des manufactures de zinc, je les ai soumis à des investigations réitérées, et j'ai toujours eu la satisfaction de voir que ces ouvriers n'étaient pas plus souvent, ni plus dangereusement malades, qu'ils se portaient aussi bien et vivaient aussi longtemps que d'autres ouvriers placés dans des conditions et attachés à des industries différentes.

« Si, après 20 années d'observation et de recherches constantes, je n'ai jamais rencontré une seule maladie qui fût propre aux ouvriers attachés aux manufactures de zinc ; si je n'ai point vu un seul malade dont l'affection dût être attribuée à l'influence des émanations zincifères ; si j'ai toujours remarqué que ces ouvriers n'étaient pas plus sujets à des infirmités ni à une caducité précoce, que tous les ouvriers en général des autres industries ; si, enfin, j'ai noté fréquemment des hommes qui atteignaient l'âge de 70 ans, 75 ans et au-delà, après avoir travaillé pendant 25 et 30 ans dans les usines de zinc, je me crois en droit de conclure, plus catégoriquement que je n'ai pu et que je n'aurais osé le faire (page 329) en 1835 : que les émanations zincifères n'ost aucune influemce malfaisante sur la santé des personnes. »

L'usine de St-Léonard n'a pas causé non plus aux propriétés les dommages qu'on lui impute, les faits sont là pour le prouver.

Des constructions très nombreuses, des rues entières ont été élevées depuis vingt ans dans ce faubourg, dans le rayon de 200 à 300 mètres du centre de l'établissement,

La population s'y est accrue de 28 p. c. dans les trois dernières années : ce qui la ferait plus que doubler en douze ans, phénomène dont il n'y a pas d'exemples, même aux Etats.-Unis.

La valeur locativc des terres a augmenté considérablement ; la valeur vénale a suivi ce mouvement : la terre, qui se payait en 1806, 51 centimes le mètre carré, se vend aujourd'hui au prix moyen de 6 fr. 90 cent, la même mesure.

La fabrique de l'église Sainte-Foi, qui vendait, il y a peu de mois, quinze ares de terre à moins de 500 mètres de l'usine, en a obtenu le prix de 60,000 fr. en adjudication publique.

Si l'on transférait la fonderie de Saint-Léonard en d'autres lieux, loin sans doute des habitations, elle attirerait bientôt autour d'elle une population nouvelle, comme cela se voit partout où le travail assure à l'homme des moyens d'existence, sauf à voir un jour les mêmes reproches de dommages et d'insalubrité se reproduire contre elle.

On a dit que la Vieille-Montagne avait eu à soutenir des procès en indemnité au faubourg Saint-Léonard, et qu'il s'en préparaît encore. Je puis affirmer qu'il ne lui en a été fait aucun, et qu'elle paye, pour toute indemnité, réglée à l'amiable, 381 fr. par an, à neuf personnes.

Voilà le faubourg où tout le monde souffre si cruellement de la fabrication du zinc, bien qu'il y existe en outre six fonderies de fer et onze fonderies de cuivre et de plomb.

Si, comme l'avancent certains chimistes, il faut attribuer une. influence nuisible moins aux émanations zincifères qu'à l'acide sulfureux que dégage la pyrite du charbon minéral, il en résulterait que les attaques dirigées contre l'usine de Saint-Léonard devraient s'étendre à tous les grands établissements des faubourgs et de la ville qui consomment des quantités considérables de charbon. Il faudrait donc proscrire de ce rayon non seulement toute la grande industrie, mais encore l'usage industriel de la houille pyriteuse qui s'extrait sous le sol même de la ville de Liège.

J'ajouterai néanmoins, pour rassurer la population des faubourgs Saint-Léonard et Vivegnis, que, lors de l'épidémie de 1854, ce sont eux qui ont le moins souffert, comme l'atteste la statistique suivante : Est 0,47 p. c., Ouest 0,42, Sud et centre 0,38, Nord (St-Léonard) 0,36 ; Moyenne, 0,40 p. c.

De plus, sur une population de 1,064 individus qui composent les ouvriers de cette usine et leurs familles, la Vieille-Montagne n'a eu à déplorer aucun autre décès que celui d'un enfant en bas âge, qui était à l'agonie quand le médecin fut appelé.

Les indemnités réclamées sur d'autres points des exploitations de la Vieille-Montagne, à raison des dommages à la propriété ou aux arbres, ont été quelquefois plus onéreuses qu'à Saint-Léonard. Mais vous jugerez de la bonne foi de ces réclamations par l'exemple suivant : Un propriétaire, pour augmenter le taux d'une expertise, se plaint amèrement que la fonderie de zinc fait mourir ses arbres et brûle sa prairie ; et quand l'administration du chemin de fer négocie pour l'achat d'une partie de sa terre, il en demande un prix double, parce que, dit-il, la proximité de la Vieille-Montagne en doublait la valeur.

Vous pouvez juger, par ce seul fait, si la situation des propriétaires voisins est aussi malheureuse qu'on le prétend.

Je me résume ; je dis qu'il y a erreur de principes dans la conclusion de ce rapport en ce qu'on prétend qu'il faut une autorisation préalable du gouvernement pour un changement d'appareil et de matériel et pour un agrandissement de local. J'y trouve de plus erreur de fait en ce qu'il suppose qu'on a augmenté l'établissement de Saint-Léonard, et que cette augmentation avait besoin d'une autorisation du gouvernement. Je conteste cela ; je fais plus encore, je prouve le contraire, et je le prouve par des actes de l'autorité publique. Mais j'ajoute que, ne voulant pas, à raison de ma position particulière, combattre par un vote les conclusions du rapport, je voterai le renvoi de la pétition à MM. les ministres des travaux publics et de l'intérieur, pour qu'ils puissent se convaincre de l'erreur qu'ont avancée les pétitionnaires et qu'a partagée la commission, par l'organe de son rapporteur.

M. Prévinaire. - La discussion qui vient d'avoir lieu a fait naître dans mon esprit quelques réflexions que je désire communiquer à la Chambre. Ces réflexions ont renforcé l'opinion que j'avais déjà conçue de l'inefficacité qui résulte des lois existantes en matière d'établissements insalubres. L'honorable comte vient de vous signaler les inconvénients très graves qu'il y a à faire intervenir l'administration dans tous les changements intérieurs que subissent les usines, et l'inconvénient non moins grand des délais nombreux qui précèdent les autorisations.

L'intervention du gouvernement, l'intervention de l'autorité dans la matière ne se justifie que par un seul point, depuis que 1830 nous a rendu notre indépendance industrielle ; c'est uniquement au point de vue hygiénique, au point de vue de la police que l'autorité intervient.

On peut invoquer la désuétude de toutes les dispositions des lois antérieures qui faisaient intervenir l'autorité à d'autres titres. Or c'est à d'autres titres que la loi de 1810 provoquait l'interventîon du gouvernement, et si M. le ministre des travaux publics intervient pour autoriser l'érection de certaines usines, c'est uniquement en vertu de la loi de 1810, car dans presque tous les autres cas, c'est à M. le ministre de l'intérieur qu'il appartient d'en connaître.

. En présence de la liberté industrielle dont nous jouissons, l’intervention de l'autorité ne devrait, en présence même de la législation existante, avoir lieu qu'au point de vue hygiénique. Eh bien, voyons ce que produit cette intervention.

On demande l'autorisation d'ériger une usine. L'administration communale fait une enquête de commodo, après cette enquête l'autorité communale se prononce contre l'érection de l'usine. On va en appel auprès de la députation. Celle-ci adopte la manière de voir des juges en première instance ; elle refuse l'autorisation. On va en appel auprès du gouvernement et le gouvernement autorise.

Voyez quel est l'effet moral que produit cette autorisation du gouvernement. Elle place la population qui avait émis son opinion dans l'enquête, dans une sorte de conflit avec l'autorité supérieure, celle que devrait éviter avec le plus de soin tout conflit. Elle tend en outre à discréditer l'autorité communale et provinciale.

C'est là, il faut en convenir, un inconvénient des plus graves.

Viennent des réclamations semblables à celles qui ont donné naissance à la pétition dont nous nous occupons. On se plaint avec beaucoup de véhémence ; les autorités, les habitants, le corps médical, tout le monde s'émeut.

Enfin la législature elle-même est saisie de la question, et cela, il faut le reconnaître, presque toujours avec une présomption que la réclamation est sérieuse. Que nous dit le gouvernement ? Il ne conteste pas la nécessité d'agir, de remédier aux inconvénients signalés, mais il cherche le moyen, la question est à l'étude ; l'instruction sera longue. Ere attendant, rien ne se fait et les populations se plaignent avec raison.

Messieurs, je dis que le gouvernement prend dans cette intervention un rôle doublement odieux. Il autorise l'érection d'une usine lorsque la population la repousse, et lorsque la population invoque l'intervention du gouveruement qui devrait se produire, il dit : J'aviserai.

Je dis qu'il aurait dû faire autrement : je dis qu'il aurait dû aviser immédiatement et dire à l'intéressé : Je vous interdis aussi longtemps que vous n'aurez pas trouvé des moyens de remédier à des inconvénients constatés. C'est ainsi, messieurs, que j'arrive à cette conséquence qu'il vaudrait mieux supprimer les autorisations, supprimer les enquêtes préventives, laisser tout le monde s'ériger comme il l'entend, aussi promptement qu'il le veut, sans cette intervention du ministre, de la députation des Etats, de l'autorité communale, des ingénieurs, laissant à chacun les coudées franches.

Mais à côté de cette liberté, je voudrais des moyens de répression bien organisés contre ceux qui compromettent la santé ou la sécurité publique. L'autorité communale devrait être investie de ce contrôle qui constitue réellement un intérêt communal, sauf le recours à l'autorité supérieure contre les mesures qu'elle aurait prises et fait exécuter.

Je ne fais qu'indiquer cette question à M. le. ministre des travaux publics, ou plutôt à M. le ministre de l'intérieur, qu'elle concerne spécialement. Je voudrais que le gouvernement l'examinât altentivement. Il faut qu'il s'affranchisse de la position difficile où il se trouve aujourd'hui. Les grands établissements, à mesure qu'ils se développent, acquièrent de plus en plus d'influence.

Lorsqu'une question telle que celle qui nous occupe se présente, si le gouvernement ne se prononce pas en faveur des réclamants, on lui impute à tort ou à raison de subir de puissantes influences. Ce n'est certes pas toujours le cas, mais cela peut être. Je reconnais cependant qu'il a de grands ménagements à prendre vis-à-vis des industriels et je crois qu'à cet égard on ne doit pas craindre l'arbitraire de l'autorité communale. Mais je n'hésite pas à déclarer que dans mon opinion, le gouvernement doit avant tout pourvoir à ce que réclament la santé et la sécurité publique et que cet intérêt doit avoir le pas sur les autres.

M. Delfosse. - Messieurs, je regrette que l'honorable comte Le Hon, dont la voix se fait rarement entendre dans cette enceinte, ait signalé sa rentrée par une accusation de calomnie dirigée contre d'honorables citoyens qui ont usé de leur droit en vous adressant une pétition. Ils se plaignent avec raison d'un dommage qui leur est causé ; ils demandent justice. Ils ne s'attendaient pas à trouver dans cette enceinte, au lieu de justice, des injures.

Les paroles de l'honorable comte Le Hon, dans les circonstances actuelles, sont au moins fort imprudentes ; elles ne sont pas de nature à calmer les passions.

M. Le Hon. - Je demande la parole.

M. Delfosse. - L'honorable comte Le Hon, qui s'est proclamé, avec une franchise dont je lui sais gré, administrateur de la Vieille-Montagne, trouve que cet établissement ne cause pour ainsi dire aucun dommage, qu'il est en quelque sorte inoffensif. A l'avis de l'honorable comte Le Hon, administrateur de la Vieille-Montagne, j'opposerai l'avis unanime du conseil communal de Liège et de la députation permanente, qui déclarent que l'usine de Saint-Léonard produit les plus graves inconvénients et qui engagent le gouvernement à n'en autoriser la continuation qu'autant qu'on trouve des moyens propres à (erratum, page 330) faire disparaître ces inconvénients ou au moins la plupart d'entre eux.

(page 330) L'honorable comte Le Hon a laissé debout tout ce que j'ai dit. Car ce n'est pas à moi, c'est plutôt à des mémoires qui ont été publiés qu'il a répondu. Je maintiens tous les faits que j'ai avancés. Ils sont tirés la plupart du mémoire émané de la société de la Vieille-Montagne.

L'honorable membre n'a guère touché qu'à deux points de mon discours.

J'avais demandé que, conformément à l'avis de la députation permanente, le gouvernement n'autorisât dans aucun cas le neuvième massif de quatre foyers, construit postérieurement aux.plaintes des habitants. L'honorable comte Le Hon nous a dit que ce neuvième massif n'existe plus ; c'est possible, mais il existe au moins encore dans la demande faite par la société. (Interruption.) Quoi qu'il en soit, ce point doit être écarté puisque nous sommes maintenant d’accord (et j'ai à cet égard la déclaration de M. le ministre des travaux publics), que l'autorisation ne s'appliquera pas au neuvième massif.

Le deuxième point de mon discours, que. l'honorable comte Le Hon. a voulu attaquer, c'est l'accusation dirigée contre le gouvernement de n'avoir pas eu le courage de faire exécuter certaines mesures prescrites à l'établissement d'Angleur. L'honorable comte Le Hon a dû avouer lui-même que ces mesures prescrites par le gouvernement ont été abandonnées plus tard, bien qu'elles eussent été jugées nécessaires par l'ingénieur en chef, bien que l'ingénieur en chef eût menacé de proposer la suspension de l'usine d'Angleur, si la société de la Vieille-Montagne n'exécutait pas ces mesures.

L'honorable comte Le Hon nous a dit que la science était au-dessus de l'administration, qu'il y avait à l'exécution des mesures prescrites des difficultés insolubles. Qui nous prouve que la principale difficulté n'ait pas résidé dans la volonté des administrateurs, dans leur désir d'éviter d'assez fortes dépenses ? Jusqu'à présent l'honorable comte Le Hon n'a produit l'avis d'aucun savant, pour démontrer que les mesures prescrites par le gouvernement, sur la proposition de l'ingénieur en chef, étaieut inexécutables. Jusqu'à présent, nous n'avons sur ce point que l'avis de l'honorable comte Le Hon lui-même.

Le fait que j'ai avancé reste vrai. Un arrêté royal a prescrit certaines mesures à la société de la Vieille-Montagne ; la société de la Vieille-Montagne a refusé d'exécuter ces mesures nonobstant les injonctions et les menaces de l'ingénieur en chef ; et après ces injonctions et ces menaces, le gouvernement a reculé.

L'honorable comte Le Hon a vanté les avantages de l'industrie ; personne ne les reconnaît plus que moi, et je crois avoir parlé en termes très convenables de l'industrie de la Vieille-Montagne que j'ai proclamée une industrie importante. Mais toute industrie, quelque importante qu'elle soit, doit se soumettre aux mesures que le gouvernement prescrit dans les limites de ses attributions.

Messieurs, il y avait en 1820 moins de massifs qu'il n'en existe aujourd'hui ; c'est un point qui est encore démontré par la société de la Vieille-Montagne elle-même ; c'est la société de la Vieille-Montagne qui déclare, dans son mémoire, que le plan annexé à sa demande de 1820 ne comprenait que 5 massifs et trois demis, six massifs et demi. La demande était bien faite pour neuf fourneaux, et la société prétend qu'un fourneau est la même chose qu'un massif ; mais s'il en était ainsi, le plan aurait dû comprendre neuf massifs.

Le plan ne comprenant que 5 massifs trois demis, on n'est pas fondé à prétendre que la demande portait sur 9 massifs.

En 1827, l'usine avait pris de l'extension ; En 1820, d'après le plan présenté par les propriétaires de l’établissement eux-mêmes le nombre des massifs n'était que de 5 et trois demis en 1827, comme le dit l'honorable comte Le Hon, un procès-verbal dressé par le commissaire Bastin, constate qu'il y avait 8 massifs. C'est, à un massif près, le nombre pour lequel on demande l'autorisation aujourd'hui. Mais on pourrait soutenir avec beaucoup de raison que les massifs de 1827 n'avaient guère la même importance que les massifs actuels. D'après le rapport de M. Bastin, il n'y avait en 1827 que 700 et quelques creusets, et aujourd'hui il y eu a plus de deux mille.

La société, on ne peut le nier, a pris une grande extension et le gouvernement a été trop négligent. Ce n'est pas sans doute seulement à M. le ministre des travaux publics, c'est aussi à ses prédécesseurs que ce reproche peut s'adresser.

Cependant, il est juste de dire que ses prédécesseurs n'ont pas eu, comme lui, un dossier tout prêt, une affaire entièrement instruite ; les avis de l'ingénieur, du conseil communal, de la députation permanente, ne leur étaient pas transmis, ils pouvaient s'excuser en disant qu'il n'y avait pas eu moyen pour eux de statuer ; mais lorsque M. le ministre eut reçu le dossier complet, lorsque l'affaire était instruite, il n'aurait pas dû laisser passer trois mois avant de nommer une commission.

Messieurs, je no veux pas abuser plus longtemps des moments de la Chambre. J'ai parlé en termes très convenables de la société de la Vieille-Montagne, de l'usine de Saint-Léonard. Seulement j'ai demandé, comme le conseil communal, comme la députation permanente, qu'il soit pris des mesures pour faire cesser les inconvénients dont les pétitionnaires se plaignent avec raison. M. le ministre des travaux publics a promis que l'autorisation ne serait accordée que moyennant l'exécution de ces mesures. J'ai foi dans la parole de M. le ministre des travaux publics.

J'appuie le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics et à M. le ministre de l'intérieur, comme l'a proposé l'honorable M. Rodenbach.

M. Le Hon. - L'honorable M. Delfosse me semble avoir mal interprêté ce que j'ai dit au commencement de mon discours. Il suppose que j'ai adressé le reproche de calomnie aux pétitionnaires. Je n'en ai pas eu la pensée ; j'ai dit que je supposerai toujours qu'un pétitionnaire était de bonne foi, parce que j'étais appelé à me prononcer sur sa demande, en qualité de membre de la Chambre ; j'ai dit que nous avions dans cette affaire un nouvel exemple de ce que pouvaient, pour égarer l'opinion publique, la persévérance de la calomnie et la violence des clameurs. Ce langage était sans application possible aux auteurs de la pétition.

Mais, messieurs, c'est précisément parce que ces clameurs et ces calomnies ont causé une agitation factice dans une partie de la ville de Liège, que j'ai voulu expliquer tout ce mouvement si passionné auquel a donné lieu une simple mesure administrative à l'égard d'une usine. Je ne connais pas d'exemple de tant de passion manifestée pour un pareil sujet.

On dira qu'il y avait une société qui voulait se mettre au-dessus de la loi. J'ai déjà déclaré que je repoussais tous les reproches de ce genre qu'oni adressait à la société de la Vieille-Montagne ; en ma double qualité de membre de la Chambre et d'administrateur, non pas d'une société française, comme on l'a dit, mais d'une société belge, je maintiens que cette société n'a jamais cessé de se soumettre à la loi.

M. Delfosse. - J'ai dit que la société de la Vieille-Montagne n'a pas tenu compte des mesures prescrites par le gouvernement et que le gouvernement a reculé.

M. Le Hon. - Je dis qu'elle en a si bien tenu compte que, lorsqu'elle s'est entendue avec le gouvernement sur les difficultés de la question technique, elle a consacré plus de 180,000 fr. à cette mesure d'hygiène publique. Ce qui a fait perdre du temps, c'est l'examen de savoir si la cheminée serait double ou unique, en tôle ou en maçonnerie, si le travail pouvait se diviser en deux parties. Il a fallu modifier les premiers plans.

Je me suis borné à parler de l'agitation entretenue par certains organes de la presse et de nature à exercer une sorte de contrainte morale sur l'esprit des fonctionnaires, qui les redoutent : cette agitation impressionne toujours vivement les intérêts de localité.

Je répète, en terminant, que la Vieille-Montagne n'a jamais entendu résister aux mesures prescrites par le gouvernement, et que je tiens particulièrement, comme Belge et comme représentant, à ce qu'elle respecte les lois et les autorités du pays.

M. Delfosse. - Messieurs, je dois protester de toutes mes forces contre cette allégation de l'honorable comte Le Hon, que les autorités communale et provinciale de Liège redouteraient la presse et prendraient leurs décisions sous l'influence de certains journaux. Les honorables citoyens qui composent le conseil communal et la députalion permanente de Liége sont entièrement indépendants et savent se mettre au-dessus des articles de journaux lorsqu'ils ont un devoir à remplir.

M. Thiéfry. - Messieurs, je n'avais demandé la parole que pour piéseiiter quelques considérations contre le maintien ee l'atelier d'affinage des matières d'or et d'argent à la Monnaie de Bruxelles : objet qui, a beaucoup d'analogie avec celui de la pétition qui est en discussion ; mais, vu l'heure avancée de la séance, je renonce à la parole.

- La discussion est close.

Le double renvoi des deux pétitions à MM. les ministres des travaux publics et de l’intérieur est mis aux voix et prononcé.

La séance est levée à 5 heures.