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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 11 février 1856

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1855-1856)

(Présidence de M. de Naeyer, vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 543) M. Ansiau fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Maertens donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est approuvée.

M. Ansiau présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

Pièces adressées à la chambre

« Des habitants de Wilmarsdonck demandent l'endiguement des schorres de Santvliet. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des secrétaires communaux, dans l'arrondissement de Bruxelles déclarent adhérer à la pétition de plusieurs secrétaires communanx, en date du 21 décembre. »

« Même déclaration du sieur Devidts, secrétaire communal à Pamel. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Cortil-Noirmont demandent que le gouvernement prenne des mesures pour sauvegarder l'existence et l'avoir des familles belges qui émigrent en Amérique. »

- Même renvoi.


« Le sieur Tombeur, cultivateur à Kesselloo, demande que le sieur Egide Holsbeek soit admis à traiter les maladies non contageuses du bétail. »

- Même renvoi.


« Un grand nombre d'habitants de Gosselies demandent l'exécution des chemins de fer proposés par le sieur Lebeau et par la compagnie Dupont Houtart. »

- Même renvoi.


« Les bourgmestre, échevins, membres du conseil communal et des négociants et industriels de Braine-le-Comte prient la Chambre d'accorder au sieur Tarte la concession d'un chemin de fer de Braine-le-Comte à Courtrai, par Enghien, Renaix et Avelghem. »

- Même renvoi.


« Le sieur Jalheau, ancien capitaine d'infanterie en 1830 et ancien conservateur des plantations de l'Etat, demande que le projet de loi relatif à la pension d'officiers de volontaires, soit applicable aux officiers qui, se trouvant dans les conditions voulues, ont depuis occupé des fonctions civiles, et ce, jusqu'à concurrence de 25 années de service dans la supputation de leur pension, et prie la Chambre de déclarer que les militaires pensionnés et décorés de la croix de Fer auront droit, s'ils ne touchent déjà la pension attachée à cette croix, à une augmentation équivalente de leur pension, sans que toutefois, par suite de cette augmentation, elle puisse s'élever au-delà de 1,500 francs. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« M. Thibaut, obligé de s'absenter pour affaire, demande un congé jusqu'au 18 courant. »

- Ce congé est accordé.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1856

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XIII. Industrie

Article 67

« Art. 67. Traitement de l'inspecteur et des membres du comité consultatif pour les affaires d'industrie : fr. 7,600. »

M. le président. - La section centrale propose la suppression des mots : « et des membres du comité consultatif » et la réduction du crédit à 3,000 fr.

Le gouvernement se rallie-t-it à la proposition de la section centrale ?

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Non, M. le président. Je ne puis, au point de vue de l'administration, me rallier à la proposition de la section centrale. Le comité consultatif pour les affaires industrielles est un des rouages les plus indispensables qui existent au département de l'intérieur.

Avant d'entrer dans quelques détails pour prouver cette assertion, je dirai, d'abord, que tous les motifs qui ont déterminé la création de ce comité en 1841, existent encore aujourd'hui et militent en faveur de sa conservation.

Sous ce rapport, je diffère essentiellement d'avis avec la section centrale ; car c'est parce que la section centrale croit que ce comité n'a plus de motifs d'existence, de raison d'être, qu'elle en propose la suppression.

Ce comité consultatif avait été créé pour l'examen de toutes les affaires concernant les brevets d'invention. La section centrale trouve que, depuis la nouvelle législation sur les brevets, les occupations de ce comité consultatif n'ont aucune importance.

Il est vrai que l'on ne doit pas aujourd'hui, comme autrefois, faire une étude aussi approfondie de chaque brevet. Mais vous remarquerez que le nombre de demandes de brevets est augmenté dans une proportion extraordinaire et que chaque brevet, aujourd'hui encore, doit être examiné par un homme compétent, ne fût-ce que pour comprendre parfaitement l'objet de la demande du brevet. Car l'examen, même superficiel, des brevets suppose un homme entendu, un homme ayant les connaissances particulières qui sont requises pour l'appréciation de brevrets d'une variété infinie.

Vous savez aussi, messieurs, que, d'après la nouvelle législation sur les brevets, on a fondé un recueil où le gouvernement s'est engage à publier une analyse de tous les brevets.

Pour ces analyses encore qui prennent parfois certains développements et qui sont toujours failes par un des trois membres du comité consultatif, il faut des connaissances spéciales, il faut des connaissances techniques qu'on ne peut exiger des employés ordinaires de l'administration.

Ainsi au point, de vue seul des brevets et de l'instruction des demandes de brevets, il faut aujourd'hui, comme à l'époque de l'institution de ce comité consultatif, des hommes possédant des connaissances particulières et spéciales.

Le deuxième motif pour lequel ce comité a été créé, existe encore aujourd'hui ; aujourd'hui même il est plus impérieux qu'il ne l'était à l'époque de l'institution du comité. Ce deuxième motif, c'est l’examen de toutes les affaires relatives à l'industrie. Il est fait mention expresse de ce motif dans l'arrêté de création du comité consultatif.

Vous le savez, messieurs, les affaires industrielles ont pris un immense essor en Belgique. Une expérience de tous les jours m'autorise à dire qu'un grand nombre de questions industrielles sont soumises à l'avis du comité. Tous les autres départements qui ont à prendre une décision, ayant trait à des affaires industrielles, renvoient ces affaires au département de l'intérieur, lequel, à l'aide du comité, émet des avis qui pour l'ordinaire sont suivis par les autres départements.

Ainsi, par exemple, presque tous les projets de traités de commerce, en tant qu'ils doivent exercer de l'influence sur l'industrie, soat renvoyés à l'avis du comité. Tous les arrêtés, pris dans les pays étrangers, et qui peuvent intéresser noire industrie nationale, d'une manière quelconque, sont communiqués au comité.

Presque tous les jours le département des finances est dans la nécessité de provoquer auprès du comité des explications sur les difficultés que présente l'application des dispositions du tarif des douanes à tel ou tel produit industriel. Cela est si vrai, que, si le comité était supprimé au département de l'intérieur, il faudrait presqu'immédiatement le reconstituer, sous une autre dénomination au département des finances.

Le comité est encore consulté sur les demandes en autorisation de construire des usines, ainsi que sur celles qui ont pour objet le renouvellement de semblables autorisations. Ces requêtes arrivent en grand nombre. Aujourd'hui, on compte par milliers les usines qui sont soumises à l'autorisation. Toutes ces affaires sont du ressort de ce comité. C’est lui qui examine les demandes en autorisation ou en renouvellement d'autorisation ; c'est lui qui indique les conditions auxquelles ces autorisations doivent êlre accordées.

Le comité est également saisi de toutes les demandes d'encouragement pour telle ou telle branche de l'industrie. Vous savez que le gouvernement a créé et crée encore des ateliers d'apprentissage, des écoles-manufactures, etc. ; c'est le comité qui est consulté pour la création de ces institutions, pour leur maintien, pour la nouvelle direction à leur imprimer d'après les progrès de l'industrie ; c'est encore le comité qui est chargé de l'inspection générale de tous ces établissements, dus aux circonstances par lesquelles la Belgique a passé depuis quelques années.

Ainsi, messieurs, la besogne du comité est aujourd'hui bien plus importante qu'elle ne l'était à l'époque de sa création. Ce comité a été accepté par tous les cabinets qui se sont succédé depuis lors ; il n'y a pas lieu aujourd'hui, moins que jamais, de supprimer un rouage dont je suis à même de constater la haute utilité au département de l'intérieur.

Je le déclare sincèrement, il serait difficile, sans les hommes spéciaux qui composent le comité consultatif, de prendre, dans un grand nombre d'affaires, des décisions pour lesquelles il faut des connaissances qu'on ne peut requérir de la part des fonctionnaires ordinaires de l'administration.

La section centrale pense que ce comité est inutile parce que les chambres de commerce pourraient le remplacer pour l'instruction des affaires industrielles. Mais on ne peut songer à les consulter à chaque instant et pour la moindre affaire. Ce serait faire descendre cette institution de la hauteur où il faut la maintenir. Ce serait en faire une dépendance des bureaux de l'administration centrale. Je doute fort qu'elles acceptassent un pareil rôle. D'ailleurs cet immense et perpétuel échange de correspondances entre le ministère ei les chambres de commerce, distantes de Bruxelles, occasionnerait des retards très nuisibles à l'instruction des affaires.

Ce dernier motif pour lequel la section centrale se montre hostile anucomité consultatif, c'est qu'il diminue la responsabilité du ministre. Je prie la Chambre de croire que ce n'est pas à ce point de vue que j'envisage ce rouage administratif, J'accepte la responsabilité de toutes les décisions que je prends dans les matières où le comité intervient.

(page 544) Mais le comité consultatif, s'il ne m'enlève pas ma responsabilité, me donne le moyen de prendre une décision en connaissance de cause ; ce qu'il me serait impossible de faire sans le concours d'hommes spéciaux compétents, versés dans ces matières, qui sont en dehors des objets ordinaires de l'administration.

Par ces motifs, je demande le maintien du comité consultatif, qui existe d'ailleurs dans la plupart des pays voisins.

M. Maertens, rapporteur. - Je désire répondre quelques mots à l'honorable ministre de l'intérieur pour appuyer la décision prise par la section centrale, qui a puisé les motifs de son appréciation dans les dispositions de l'arrêté qui a institué le comité consultatif. Elle a vu que le principal but de son institution était l'examen approfondi de tous les brevets demandés au gouvernement, et celui des questions industrielles que le ministre de l'intérieur croit devoir faire étudier à son département.

Quant au premier objet, je pense que le but du comité vient complètement à disparaître, puisque, d'après la nouvelle loi, il ne faut plus faire l'instruction des demandes de brevets qui sont accordés sans études préalables.

Cependant M. le ministre pense que plus que jamais son maintien est nécessaire eu égard à la rédaction du Recueil des brevets.

Mais l'honorable ministre ne doit pas perdre de vue qu'au chapitre premier du budget, nous avons, sur sa demande, voté une allocation de 5,000 fr. proposée pour cet objet, et que ce travail n'est pas d'une grande importance ; car il consiste à résumer dans ce recueil de simples arrêtés royaux, sans discuter le mérite des brevets qu'ils accordent, de manière qu'il ne faut pas des hommes extrêmement compétents pour faire un travail aussi simple.

Je pense donc, messieurs, que sous ce rapport le comité devient complètement inutile.

Reste la question d'industrie. Certes nous ne voulons pas enlever à M. le ministre un conseil utile et c'est pour cela qu'on maintient l'un des fonctionnaires qui rendent le plus de services à son département, c'est-à-dire l'inspecteur général, mais il n'en est pas de même du comité tout entier.

Le ministre vient d'insister surtout sur les services qu'il peut rendre dans l'examen des diverses questions qui se rattachent à l'établissement d'usines qui peuvent présenter des dangers et compromettre la santé publique.

Mais il semble perdre de vue qu'il vient d'organiser un nouveau comité pour tout ce qui concerne ces établissements ; il y aurait donc de ce chef un double emploi que rien ne justifie.

Pour ce qui regarde les questions industrielles en général, la section centifh est d'avis que les chambres de commerce doivent suffire et elle puise sa conviction dans l'arrêté même qui les institue. Les dispositions de cet arrêté ne sont pas très étendues, et je vais en donner lecture à la Chambre qui pourra mieux juger ainsi de la vérité de ce que j'avance. L'article 7 de l'arrêté du 10 septembre 1841 porte :

« Les attributions des chambres de commerce consistent :

« l° A présenter soit au gouvernement, soit aux Chambres législatives, leurs vues sur les moyens d'accroître la prospérité industrielle, commerciale et maritime du pays ;

« 2° A faire connaître aux autorités compétentes les causes qui arrêtent les progrès industriels, commerciaux et maritimes ;

« 3°A fournir tant au gouvernement qu'aux Chambres législatives, les renseignements et rapports qui leur sont demandés ;

« 4° A donner, relativement au commerce et à l'industrie, à l'administration provinciale ainsi qu'aux administrations des villes de leur ressort, les avis et renseignements qui peuvent être nécessaires ou utiles à l'administration ;

« 5° A faire, chaque année, dans le cours du mois de mars, au ministère chargé du commerce et de l'industrie, un rapport général sur la situation de toutes les branches commerciales et industrielles de leur ressort. »

Je pense, messieurs, que ces attributions sont de nature à donner une nouvelle preuve de l'inutilité du comité consultatif.

Du reste, messieurs, voyons ce qui se fait dans la pratique ; jamais un projet de loi quelconque, se rapportant à des questions industrielles ou commerciales, n'est soumis à la Chambre sans qu'on ne trouve dans les annexes les rapports des chambres de commerce. Il y a quelques semaines, par exemple, nous avons été saisis d'un projet de loi relatif à l'exportation du minerai de fer ; la section centrale a cru devoir étendre à toutes nos frontières les dispositions de ce projet ; qu'a fait le gouvernement pour s'éclairer ? S'est-il adressé au comité industriel ? Pas le moins du monde. Il s'est adressé aux chambres de commerce, précisément parce qu'elles sont seules compétentes pour résoudre de semblables questions.

Comment voulez-vous, messieurs, que trois hommes puissent se prononcer en connaissance de cause, sur toutes les difficultés si multiples qui se présentent en pareille matière ? Tout ce qu'ils peuvent faire, c'est de profiter eux-mêmes des avis que les chambres de commerce leur fournissent, et de les résumer dans les rapports qu'ils adressent au gouvernement ; mais, quant aux idées mêmes, je crois que les assemblées de commerçants et d'industriels sont plus à même de donner d'utiles renseignements. Le gouvernement a'insisté sur un autre point pour justifier le maintien du comité ; c'est celui de l'introduction de machines neuves.

Il prétend que son intervention est encore indispensable à cet égard, mais je pense que dans la pratique c'est presque toujours l'inspecteur général qui est chargé d'intervenir. Quoiqu'il en soit, ce sont encore les chambres de commerce qui, aux termes de l'arrêté dont j'ai déjà parlé doivent être consultés. L'article 8 de cet arrêté est formel, il porte :

« Les chambres de commerce pourront en outre être chargées par le gouvernement de l'examen des machines et mécaniques nouvellement introduites dans le pays, ainsi que d'autres missions rentrant naturellement dans le cercle de leurs attributions. »

Il me semble que ces courtes observations suffisent pour vous démontrer que la section centrale n'a pas été si irrationnelle, alors qu'elle a demandé la suppression d'un comité qui, d'après elle, devient désormais inutile.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Messieurs, je demande à la Chambre la permission de dire encore deux mots en réponse à l'honorable rapporteur.

Je commencerai par sa dernière observation.

Si l'honorable membre veut bien se rendre compte, d'une part, de la mission des chambres de commerce, d'autre part, de la mission du comité consultatif, il devra admettre avec moi que ces missions sont différentes de point en point.

L'honorable membre vient de vous dire quelles sont les différentes parties de la mission des chambres de commerce.

Elles doivent exposer au gouvernement leurs vues sur l'ensemble de la situation commerciale de leur ressort, elles doivent présenter chaque année un rapport sur cette situation.

On les consulte dans les affaires d'intérêt général, lorsqu'il s'agit d'apporter un changement à la législation douanière, ou lorsqu'il s'agit d'un traité de commerce.

Mate pourquoi a-t-on créé le comité consultatif ? Pour avoir sous la main des hommes qu'on puisse consulter jour par jour, et pour ainsi dire heure par heure, sur telle ou telle question technique, et évidemment on ne peut pour cela s'adresser à des corps qui ne se réunissent qu'à certaines époques, à des hommes qu'on ne peut enlever à leurs affaires importantes pour de petits détails d'administration.

La Chambre comprendra, sans qu'il soit nécessaire d'insister davantage, que la destination des chambres de commerce est tout à fait différente de celle du comité consultatif.

L'honorable rapporteur nous dit : Pour les établissements insalubres, il ne faut pas de comité consultatif, puisque le gouvernement, dans son projet de budget, propose lui-même une administration nouvelle pour ce genre d'établissements. Mais ici encore, l'honorable rapporteur confond deux choses complètement distinctes. Le gouvernement a besoin de son comité consultatif pour savoir s'il y a lieu et sous quelles conditions il y a lieu d'autoriser tels et tels établissements dangereux et insalubres.

Mais le gouvernement a constaté les inconvénients de l'absence d'une inspection permanente sur les établissements insalubres et dangereux, parce que très souvent ils ne remplissent pas les conditions auxquelles leur fondation a été autorisée, ou parce qu'on fait aux établissements les changements pour lesquels on n'a pas d'autorisation et que l'on sort ces termes de l'octroi en vertu duquel ces établissements étaient créés.

C'est pour cela que le gouvernement se croit obligé (et nous agiterons cette question dans quelques jours) d'organiser une inspection permanente de ces établissements. Ce corps sera obligé d'être pour ainsi dire constamment en route. Ce sera une sorte de comité ambulant, qui sera chargé de visiter les établissements qui sont répandus par milliers dans le pays.

Mais il est facile de voir que le but de cette inspection est tout autre que celui du comité consultatif.

- La discussion est close.

L'article, rédigé tel que le propose le gouvernement et le chiffre de 7,000 fr. sont mis aux voix et adoptés.

Article 68

« Art. 68. Enseignement industriel : fr. 54,850. »

M. Vervoort. - Messieurs, ce crédit, porté au chapitre de l'industrie, renferme une somme destinée à l'institut commercial d'Anvers.

La création de cet institut, due au concours du gouvernement et de l'autorité locale, répond à un des besoins de notre époque, et si je prends la parole en ce moment, c'est pour provoquer quelques mesures propres à affermir son existence et pour justifier ces mesures en peu de mots.

Depuis quelques années, depuis quinze ans surtout, le commerce et l'industrie du pays ont pris un développement considérable. Notre commerce avec l'étranger s'élève aujourd'hui au chiffre de 1,354 millions. Il n'atteignait pas 430 millions en 1840.

La marche progressive du commerce et de l'industrie, débarrassée des entraves de la routine et du monopole, et la grande facilité des communications ouvrent aujourd'hui un vaste champ aux efforts des plus instruits, des plus habiles, et des plus entreprenants.

(page 545) Chacun cherche à faire mieux et à meilleur marché, ou travaille à étendre le marché de nos produits et à protéger notre commerce maritime en créant de nouveaux débouchés. C'est, en un mot, l'époque de la lutte du perfectionnement, du progrès par la recherche, les essais et la concurrence.

Dès lors nous ne pouvons plus nous borner à offrir à la jeunesse l'apprentissage, souvent routinier, de l'usine et du bureau. Il faut songer au développement intellectuel des jeunes gens. Il faut travailler à augmenter l'aptitude de nos jeunes négociants et de nos jeunes industriels en leur donnant l'accès facile à une instruction solide et l'initiation intelligente à la pratique des affaires. Et puisque le gouvernement a des établissements où l'on forme des avocats et des médecins, il convient aussi d'en posséder où l'on forme des négociants et des industriels.

La loi de 1850 a divisé l'instruction donnée dans les collèges en deux branches : il y a la section des humanités et la section professionnelle, Les élèves qui sortent du cours des humanités se dirigent vers les universités, l'instruction professionnelle s'achève dans l'établissement supérieur voué à l'étude des sciences commerciales.

L'institut est donc le complément de la section professionnelle de l'enseignement moyen.

La commission à laquelle est confiée la direction de cet établissement est composée des sommités du commerce.

Elle est présidée par le bourgmestre d'Anvers, notre honorable collègue. Elle a donné à cette institution une puissante impulsion, et aidée par un corps de professeurs plein de zèle et de capacité, elle est parvenue à l'élever au rang des établissements d'instruction les plus importants du pays. Il y a des élèves appartenant à toutes les provinces du royaume et à l'étranger, On est arrivé en peu de temps au nombre de 69 élèves, dont 25 appartenant à la ville et à l'arrondissement d'Anvers, 23 aux autres provinces du royaume et 23 à l'étranger.

L'instruction est donnée en deux ans. Elle est gratuitement accordée aux élèves dont les parents sont peu favorisés de la fortune. Un musée d'échantillons et une bibliothèque sont attachés à l'institut.

Le commerce s'est empressé d'envoyer des échantillons de tous les produits qui font l'objet de ses opérations. Le gouvernement, de son côté, a demandé à ses consuls, répandus sur tous les points importants du globe, des comptes simulés de vente et d'achat, des échantillons, et la situation commerciale du lieu de leur résidence. Les consuls ont répondu à l'appel du gouvernement.

Leurs rapports et leurs envois ont été dirigés vers le musée de l'institut où ils sont soumis à l'inspection du public. L'utilité et l'importance de l'institut sont donc incontestables ; les élèves ont obtenu des succès que je crois devoir signaler.

Déjà la réputation de l'établissement est arrivée jusqu'à Londres. Deux élèves sur la présentation de leur diplôme surtout ont été admis chez MM. Baring frères et chez M. d'Argenti, deux des plus puissantes maisons du monde commercial.

Ces succès ont été obtenus à l'aide de faibles subsides eu égard au but que l'on se proposait d'atteindre.

Le gouvernement et la commune ont mis beaucoup de réserve et de prudence à encourager une entreprise dont le succès était incertain dans le principe.

Et cependant la commission avait à conquérir dès le principe la confiance du public, et à assurer l'avenir de l'institut par le choix d'hommes d'un mérite éprouvé dont la réputation pût jeter de l'éclat sur l’établissement naissant. On leur a fait des promesses et, à titre provisoire, on leur a donné des appointements très modestes, s'élevant de 1,000 à 2,600 francs, soit en moyenne 1,600 francs.

Or, les professeurs des cours préparatoires d'un athénée de quatrième classe reçoivent une somme supérieure à cette moyenne.

Dans les établissements d'instruction supérieure, le montant des inscriptions est partagé entre les professeurs.

A l'institut d'Anvers, 4,000 francs sont prélevés sur les minervalia et figurent au budget des recettes.

M. le ministre de l'intérieur porte aujourd'hui au budget une augmentation de 3,000 fr. Cette somme est destinée à rétribuer un sous-chef de bureau et un appariteur. Il convient cependant d'attacher définitivement à l'établissement des professeurs qui font sa prospérité, il convient d'élever leurs appointements à un taux qui permette d'exiger d'eux qu'ils se vouent exclusivement à leur enseignement.

J'appelle l'attention sérieuse du gouvernement sur cette situation et j'engage l'honorable ministre de l'intérieur à retrancher du règlement les articles 24 et 40 dont le premier distrait 4,000 fr. des minervalia et le second le tiers des frais d'examen des récipiendaires. Si M. le ministre de l'intérieur prend cette résolution, il y aura à porter au budget une somme 3,000 à 4,000 fr. ; car la commune d'Anvers contribue aux frais de l'institut jusqu'à concurrence du quart des subsides accordés par l'Etat.

J'indique la somme à ajouter au budget pour l'augmentation des appointements des professeurs, je l'indique dans de faibles proportions en prenant pour base le montant des inscriptions ; mais je n'en recommande pas moins à M. le ministre de l'intérieur d'accorder la protection du gouvernement, dans la plus large mesure.

Il faut bien le reconnaître, messieurs, il y a aujourd'hui des carrières très encombrées, trop encombrées. Les parents, fascinés par de séduisantes espérances, lancent leurs enfants dans ces carrières auxquelles je fais allusion, et les jeunes gens, très souvent après une perte irréparable de temps et de grands sacrifices d'argent, n'y puisent que la désillusion et quelquefois même de funestes découragements. Aujourd'hui, le commerce, l'industrie, l'agriculture, possèdent les faveurs de l'opinion. Ces carrières sagement parcourues offrent en récompense non seulement des chances d'arriver à la fortune, mais encore la considération et les plus brillants honneurs. Le gentilhomme même honore son blason en l’appliquant aux progrès de l’industric ou de l'agriculture. Et, en effet, messieurs, rien n'est plus souverainement honorable que de substituer à une oisiveté improductive l'emploi de sa richesse et de son intelligence pour se rendre utile au pays.

Les trois branches que je viens d'indiquer ont un autre avantage, c'est d'offrir un domaine d'exploration presque illimité. Il y a place pour tout le monde dans ces carrières, sources inépuisables de prospérité publique. Et pour en revenir au sens pratique de ces observations qui m'échappent, j'engage M. le ministre de l'intérieur à donner à l'institut supérieur le plus grand développement. Ainsi, par exemple, il serait utile, peut-être, d'y donner un cours de chimie appliquée aux arts industriels.

En France, un établissement de ce genre a été créé en 1820 sous la direction de notabilités commerciales en tête desquels se trouvaient Casimir Périer et Jacques Laffitte et là on enseigne aux jeunes gens la chimie appliquée à l'industrie.

Je crois qu'il serait utile aussi d'employer quelques bourses à faire entreprendre des voyages aux colonies par des élèves distingués qui en feraient la demande.

Ce serait le moyen peut-être de créer au loin quelques relations commerciales plus intimes et plus solides que celles qui existent avec les maisons entièrement étrangères à la Belgique.

Messieurs, si j'ai insisté sur les recommandations que je crois devoir faire à l'honorable ministre de l'intérieur, c'est que j'intercède (la Chambre en sera convaincue) en faveur d'une institution dont l'avenir intéresse le pays tout entier, et qui, dès à présent, mérite d'être appelée notre université commerciale, et d'être traitée à l'égal de nos autres, universités.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Messieurs, j'apprécie hautement l'utilité de l'institut commercial d'Anvers. Jusque dans ces derniers temps, messieurs, tout le monde signalait la lacune qui existait, sous le rapport commercial, dans l'enseignement public de la Belgique, comme, du reste, elle existe encore chez beaucoup d'autres nations. Il était temps de fournir aux pères de famille les moyens de créer à leurs enfants d'autres ressources que celles qu'ils cherchaient jusqu'ici exclusivement dans quelques carrières libérales. C'est un complément, messieurs, qui, à tous égards, au point de vue social comme au point de vue des familles, a son utilité incontestable. Le gouvernement a donc été heureux de s'associer à l'administration communale d'Anvers pour aider à la prompte organisation de l'institut commercial.

Le gouvernement, de prime abord, a beaucoup fait pour cette institution. Ainsi sur le budget de l'établissement, qui, à l'heure qu'il est, s'élève à 24,000 fr., le gouvernement paye 15,000 fr. La ville, qui s'est engagée à payer le quart, paye 5,000 fr., et 4,000 fr. sont distraits du produit du minerval, pour contribuer aux dépenses d'organisation générale de l'établissement.

Le gouvernement, messieurs, est donc intervenu d'une manière très large dans l'organisation de l'institut commercial d'Anvers. Aujourd'hui l'honorable préopinant voudrait que le gouvernement donnât de plus vastes proportions à son intervention.

Je ne sais, messieurs, si l'honorable membre comprend toute la portée de son observation. Pour moi, je crois que, dans l'intérêt même de l'établissement, il n'est pas bon de lui donner un développement prématuré. Il vaut mieux qu'il se développede lui-même, progressivement, qu'il acquière peu à peu la confiance des familles, que tout le monde en apprécie la bonne organisation par les succès obtenus.

Le gouvernement se montrera toujours, qu'on en soit convaincu, disposé à seconder l'administration communale d'Anvers pour étendre graduellement l'importance de cet institut.

C'est ainsi que, cette année, le gouvernement propose une augmentation de crédit de 3,000 fr. Si la ville d'Anvers y ajoute un millier de francs, on aura, sous une autre forme, les 4,000 francs qu'on distrait aujourd'hui du minerval.

De fait, cette anomalie pourra ainsi disparaître, car c'est une véritable anomalie que d'enlever aux professeurs une partie du produit de leurs leçons. Cette mesure avait été prise parce qu'on ne pouvait pas, de prime abord, grever trop fortement le budget de l'Etat pour une institution qui n'avait pas encore fait ses preuves. Et puis, remarquez, messieurs que la plupart des professeurs attachés à cet établissement et qui montrent, comme le dit l'honorable préopinant, beaucoup de zèle et de dévouement dans l'accomplissement de leurs devoirs, que la plupart de ces professeurs ont d'autres ressources à côté de celles que leur procurent leurs cours à l'institut commercial.

Ce sont ou des avocats, ou des médecins, ou des hommes qui occupent d'autres positions.

La plupart cumulent plusieurs fonctions, et cela leur est d'autant plus facile que presque toutes les leçons se donnent le soir, de manière que les professeurs ont la libre disposition de leur journée.

Ce n'est pas un motif, messieurs, pour que le gouvernement se refuse (page 546) aux améliorations rationnelles à introduire dans la position de ces professeurs.

Aussi, avec les 3,000 fr. proposés par le gouvernement auxquels la ville d'Anvers joindra un millier de francs, il sera possible d'augmenter de 500 à 600 fr. la moyenne des traitements. C'est déjà une amélioration qu'il ne faut pas dédaigner.

Je le répète, mieux vaut, à mon avis, améliorer la position de ces professeurs d'une manière graduelle et successive, afin qu'ils se sentent incessamment aiguillonnés par l'espoir de cette amélioration. C'est donc dans l'intérêt même de l'établissement qu'il me paraît utile de ne pas précipiter des mesures du genre de celle que provoque l'honorable préopinant.

Je l'ai déjà dit, le gouvernement, de son côté, sera toujours disposé à contribuer au développement de l'institut commercial ; mais, à son tour, l'administration communale d'Anvers comprendra la haute utilité que cet institut a pour la ville d'Anvers spécialement.

Certainement le pays tout entier est intéressé à ce qu'il se forme des négociants instruits ; mais c'est surtout la ville d'Anvers qui doit se préoccuper de la prospérité de cet établissement. Chaque fois donc que la ville d'Anvers donnera l'exemple d'une générosité intelligente, pour développer cette prospérité, le concours du gouvernement ne lui fera pas défaut.

L'honorable membre voudrait voir augmenter le nombre des cours qui se donnent aujourd'hui à cet institut ; il a parlé notamment d'un cours de chimie, ainsi que d'autres applications des sciences aux arts industriels. Je crois que par là on ôterait à l'institut le caractère spécial qu'il doit conserver, celui d'institut commercial. L'observation de l'honorable membie serait juste, et il aurait eu raison d'aller chercher des exemples à l'étranger, si nous n'avions pas chez nous des instituts exclusivement consacrés à l’enseignement industriel. Sous ce rapport, nous sommes beaucoup plus riches que tous les autres pays. On a organisé daus la plupart de nos villes un enseignement industriel.

Ainsi, la ville de Gand a deux établissements d'enseignement industriel. Elle a d'abord son école industrielle proprement dite, pour le soutien de laquelle le gouvernement intervient annuellement pour 10,000 fr. De plus, on avait remarqué, il y a quelques années, que ce qui faisait défaut dans une ville industrielle comme Gand, c'était de bons dessinateurs, des tisserands perfectionnés.

Ou a donc créé subsidiairenieut une deuxième institution dont la ville de Gand a déjà recueilli les plus heureux fruits, c'est une école de tissage et de dessin industriel.

Le gouvernement intervient encore pour 2,500 fr. dans les dépenses de cette école.

La ville de Liège a d'abord les écoles spéciales qui sont rattachées à l'université et qui sont dans un état de |prospérité si remarquable. En outre, il y a à Liège, une école industrielle à laquelle le gouvernement alloue un subside annuel de 3,000 fr.

A Bruges, il y a une école industrielle qui reçoit un subside de 3,000 francs sur les fonds de l'Etat.

La ville de Tournai a une école d'arts et métiers à laquelle le gouvernement accorde une subvention de 5,000 fr.

La ville de Verviers possède une école industrielle en faveur de laquelle l’Etat s'impose un sacrifice annuel de 2,000 fr. Le gouvernement est aujourd'hui en négociation avec l’administration communale de Verviers pour organiser dans cette ville une nouvelle institution, à l'instar de celle qui existe à Gand, c'est-à-dire une école de tissage et de dessin industriel.

Jusqu ici c'était par la fabrication des étoffes unies que la ville de Verviers s'était distinguée et qu'elle avait acquis dans le monde entier une légitime célébrité. Aujourd'hui l’industrie verviétoise entreprend aussi, avec beaucoup de succès, la fabrication des étoffes façonnées. Sous ce rapport donc il serait utile de ciéer à Verviers une école du genre de celle dont il s'agit.

Il y a aussi dans la ville de Huy une école industrielle à laquelle le gouvernement alloue un subside de 1,000 fr.

La ville de Bruxelles possède des cours publics dans les dépenses desquels te gouvernement intervient pour une somme de 2,500 fr.

Enfin, il existe dans la ville d'Anvers l’institut supérieur de commercc qui va recevoir un subside de 18,000 fr.

Vous le voyez, messieurs, nous avons en Belgique un enseignement industriel des plus complets, adapté, dans chaque ville, au genre d'industrie qui s'y exerce.

Il me semble donc, en ce qui concerne l'institut commercial d'Anvers, qu'il faut lui conserver sa destination spéciale qui est de former des négociants intelligents au poiint de vue théorique et au point de vue pratique ; il ne faut pas en faire subsidiairement une école industrielle.

Je répète, en terminant, que le gouvernement se montrera toujours disposé à seconder les efforts que fait la ville d'Anvers pour assurer de plus en plus le succès de l'institut.

M. Loos. - Mon honorable ami, M. Vervoort, qui vient d'appeler l’attention de la Chambre sur l'institut supérieur de commerce d'Anvers, en vous signalant la pénurie des ressources dont cet établissement dispose, n'a réclamé en sa faveur que le redressement d'une situation anomale qui pèse d'une manière onéreuse sur la position du corps professoral.

En effet, messieurs, il n'est dans le pays aucun autre établissement d'instruction supérieure où l'on fasse servir une partie du minerval à augmenter les recettes de l'institution ; je crois que partout le montant des inscritions est dévolu aux professeurs, tandis qu'à Anvers, il en est distrait une somme de 4,000 fr., dont il est fait recette au budget de l'établissement.

L'augmentation qui est proposée au budget de l'intérieur ne tend qu'à rétribuer quelques fonctions secondaires, un sous-chef de bureau et un appariteur ; la position des professeurs restera donc ce qu'elle est aujourd'hui ; elle ne recevra aucune amélioration.

M. le ministre de l'intérieur dit que le gouvernement en ce qui le concerne croit avoir fait assez, quant à présent, pour l'institut de commerce.

Il semble résulter de là, que M. le ministre voudrait bien que la ville d'Anvers fît quelque chose de plus.

Je répondrai que pour l'institut supérieur de commerce qui doit être envisagé comme une université commerciale, le gouvernement impose à la ville d'Anvers des conditions qu'on n'impose pas aux autres villes où il existe une université, ou des écoles spéciales. Dans ces villes, l'administration est seulement tenue de fournir un local, et le gouvernement pourvoit à tous les frais de l'enseignement. A Anvers, au contraire, l'administration intervient pour les 1/4 dans ces dépenses et fournit, en outre, des locaux. La ville d'Anvers a déjà dépensé environ 150,000 fr. pour cet objet ; tandis qu'en deux ans le gouvernement n'a dépensé pour l'institut qu'une trentaine de mille francs. La ville d'Anvers supporte donc la plus forte partie de la dépense.

Je crois que cet établissement dont on reconnaît la haute utilité, qui manquait aux besoins de notre époque, qu'on cherche à établir partout ailleurs et que nous avons été assez heureux pour établir les premiers en Europe ; je crois, dis-je, que cet établissement, devrait être traité moins rigoureusement qu'il ne l'est aujourd'hui.

Appelé par ma position à proposer la première dépense, à former le premier budget de l'établissement, j'ai tenu le même raisonnement que M. le ministre de l'intérieur, j'ai voulu qu'on ne précipitât rien, qu'avant de développer l'établissement on attendît que le temps vînt démontrer son utilité. Aujourd'hui que des résultats très heureux ont été constatés ; quoi qu'il doive en résulter une augmentation de dépenses pour la ville d'Anvers, je crois qu'il convient d'augmenter les ressources de l'institution et d'améliorer la position des professeurs afin de les attacher d'une manière exclusive à l'établissement, ce qu'on ne peut pas demander aujourd'hui à raison des faibles avantages qui leur sont faits.

Les derniers examens ont produit, ainsi que l'a dit mon honorable ami M. Vervoort, quelques élèves très distingués. J'espère que l'année présente aura les mêmes bons résultats, et si quelqu'un des élèves parvient à obtenir la plus grande distinction, je verrai avec bonheur la réalisation d'une promesse écrite dans le règlement, et d'après laquelle une bourse du gouvernement doit être accordée à l'élève pour résider à l'étranger.

M. Julliot. - Les honorables MM. Vervoort et Loos ont prononcé de fort bons discours qui seront lus avec plaisir à Anvers, mais je doute que le contribuable intelligent partage ce plaisir ; l'honorable M. Vervoort surtout vous a parlé d'ériger l'institution commerciale d'Anvers sur le pied de nos universités de l'Etat. Quand on a créé cette école commerciale d'Anvers, je ne lui aurais jamais donné mon approbation si on m'avait dit qu'on voulût en faire une université. Cette prétention universitaire ne nous conduirait à rien moins qu'à une dépense de 300,000 fr. Ou voudrait y joindre une école industrielle, un cours de dessin, un cours de chimie ; enfin on voudrait y enseigner tous les arts qui peuvent intéresser l'industrie.

On établit une école d'industrie là où s'exerce l'industrie et une école commerciale là où il y a du commerce. Quand on songe aux charges qui pèsent déjà sur le pays on hésite à lui en imposer de nouvelles ; si j'avais pu croire que mon premier vote pour l'école d'Anvers dût recevoir cette extension de devenir le fondement d'une université industrielle et commerciale, je ne l'aurais jamais émis. La ville d'Anvers parle des dépenses qu'elle a faites pour l'appropriation de locaux et des sacrifices d’argent qu'elle s'est imposés, mais c'est par ce moyen qu'elle a engagé la Chambre à voter des crédits pour son école de commerce.

Il a toujours été entendu que la ville d'Anvers supporterait la grande part de la dépense et que l'Etat se bornerait à accorder un léger subside.

J'engage M. le ministre de l'intérieur à ne pas se départir des idées qu'il a émises tantôt et je le félicite de sa résistance.

M. Prévinaire. - Je viens appuyer de quelques mots le crédit demandé par M. le ministre de l'intérieur. Il est incontestable que l'institut d'Anvers doit produire les plus heureux résultats sur nos relations commerciales, et que sous ce rapport il s'élève à la hauteur d'un établissemeut national de haut enseignement. En général nous avons trop peu de tendance à ouvrir des relations commerciales lointaines, notre pays est même très arriéré sous ce rapport ; il est très rare que nos jeunes gens s'expatrient pour aller fonder des maisons de commerce à l'étranger, au reste pour le faire il faut présenter des garanties de connaissantes et de moralité qui engagent les grandes maisons du pays à se prêter à des tentatives de ce genre.

Sous ce rapport, ceux qui auront fait leurs études à l'institut d'Anvers offriront toutes les garanties de savoir et de moralité nécessaires pour engager nos grandes maisons à leur confier la création et la (page 547) direction d'établissements de commerce dont nous manquons aujourd'hui.

Je suis très partisan de l'institut commercial d'Anvers et je trouve que c'est faire un très utile emploi des deniers de l'Etat que d'en consacrer une partie à subsidier de semblables institutions qui sont tout à fait en dehors du domaine privé ; il est impossible en effet d'obtenir de semblables institutions des efforts privés ; si l'intervention de la main du gouvernement est quelquefois utile, c'est dans une semblable occurrence.

Pour que l'institut d'Anvers continue marcher vers le but qu'on s'est proposé et accomplisse ses glorieuses destinées, il faut qu'il conserve son caractère communal. Quand il s'agit d'une institution dont la sphère d'action est assez limitée, il ne faut y introduire l'action du gouvernement autrement que par voie de subside.

Aussi je désire que l'école commerciale d'Anvers continue à être entièrement administrée par l'intérêt communal ; je crois que le pays peut avoir une entière confiance dans les hommes qui ont pris l'initiative de cette création ; je suis convaincu qu'avec l'esprit qui existe en Belgique on verra cet établissement commercial, s'il continue à être municipal, grandir comme on peut le désirer. J'engage le gouvernement à marcher sagement dans la voie où il est entré, à ne pas laisser cette institution incomplète faute de ressources, car il est d'un grand intérêt pour le pays que son organisation ne laisse rien à désirer ; et il serait impossible que la ville d'Anvers en supportât les frais dans une large mesure. Mais je demande au gouvernement de laisser l'administration communale arbitre de toutes les questions que peut soulever l’enseignement à donner dans tel établisement.

M. de Haerne. - J'ai applaudi à la création de l'institut d'Anvers. Je n'y ai pas plus trouvé un intérêt local que dans l'établissement d'une ligne de bateaux à vapeur pour l'Amérique et pour l'Orient ; j'y ai vu l'intérêt général du pays. Je ne puis donc qu'appuyer les idées émises par plusieurs honorables membres qui ont pris la défense de cette belle institution.

Je crois avec M. le ministre de l'intérieur, que cet établissement n'a pas pris tous les développements dont il est susceptible ; faut-il s'en étonner ? Il n'y a que quelques années qu'il existe et ce n'est pas dans deux ou trois ans qu'on peut élever à toute sa hauteur un établissement de ce genre.

Non-seulement, il faut du temps pour former des professeurs, mais il en faut aussi pour créer cette réputation qui attire des élèves de tous les pays.

Je dis donc qu'il faut encourager l'établissement, qu'il faut le développer, mais en le maintenant dans sa spécialité ; j'applaudis, je le répète, sous ce rapport aux vues du ministre de l'intérieur qui demande qu'on procède avec une certaine circonspection dans la voie du progrès et des améliorations, et qu'on s’occupe surtout des conditions qui doivent élever à toute sa hauteur l'établissement commercial proprement dit.

Ainsi, pour ce qui regarde les cours de chimie, de physique, d'histoire naturelle dont on a parlé tout à l'heure, je les crois très utiles, mais comme ils sont utiles dans d'autres établissements où ils sont considérés comme accessoires et non comme cours principaux. Du reste, c'est une question d'application, où il faut procéder avec prudence et d'après des idées pratiques.

A mesure que les besoins de l'enseignement scientifique se révéleront, le ministère y donnera satisfaction ; il verra quelles sont les améliorations qu'il faut introduire sous ce rapport, améliorations que je ne repousse pas, mais que je crois devoir restreindre dans les limites de la spécialité commerciale. J'admets ces idées pour le fond, sauf à les appliquer dans une juste mesure et sans dénaturer l'institution. La dénaturer ce serait la perdre.

Quant à la spécialité d'enseignement, il y a un ordre d'idées qu'il ne faut pas perdre de vue et qui appartient essentiellement à l'institut commercial. C'est le développement à donner à l'enseignement des langues modernes, des langues vivantes.

Je crois que l'on doit s'attacher surtout à cet enseignement, non seulement à ce qui concerne les langues étrangères généralement répandues dans le pays, telles que les langues allemande et anglaise, qu'on enseigne dans presque tous les établissements d'enseignement moyen, mais je crois que l'enseignement donné à l'institut supérieur de commerce doit embrasser toutes les langues commerciales dont l'usage est plus ou moins réclamé dans les ports de mer.

D’abord les langues du midi de l'Europe, qui jouent, vous le savez, un très grand rôle dans les relations commerciales avec l'Italie, l'Espagne, le Levant et l'Amérique.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - C'esi ce qui se fait.

M. de Haerne. - Je le sais. Aussi n'est-ce pas pour stimuler le gouvernement que j'en parle.

Je sais qu'il a les yeux ouverts sur cette partie de renseignement ; mais j'ai pris la parole pour faire comprendre de quelle manière j'entends la question, et pour que la Chambre et le pays sachent dans quelle voie le gouvernement est entré, et comment il doit, selon moi, continuer l'œuvre qu'il a commencée. A ces langues il faut ajouter l'étude approfondie de l'anglais et de l'allemand, dont aujourd'hui on exige une certaine connaissante, comme condition d'admission à l’établissement. Je pense que les langues scandinaves et slaves doivent également faire partie du programme, pour que l'enseignement soit complet au point de vue des langues.

Permettez-moi, messieurs, de citer un fait à l'appui de mon opinion. Il y a des établissements semblables à notre institut commercial dans d'autres pays. Il y en a un à Hambourg, un autre à Brème, qui est très florissant. Là, l'on apprend toutes les langues, l'espagnol, l'italien, le russe, les langues scandinaves. Savez-vous quel en est le résultat ? C'est qu'à l'établissement de Brème, il y a des élèves de tous les pays du monde.

Il y a des Américains, des Mexicains, des Péruviens, des élèves qui viennent des Etats-Unis et de l'Amérique centrale, pour s'instruire à Brème.

Pourquoi l'institut d'Anvers ne recevrait-il pas aussi bien les Mexicains, les Péruviens, les jeunes gens d'autres parties de l'Amérique, où l'on professe la même religion qu'en Belgique ?

N'est-il pas évident que les catholiques préféreraient un pays catholique, plus rapproché, mieux situé, à un pays protestant ? Si j'appelle l'attention de la Chambre sur ce point, c'est seulement pour faire voir que nous avons autant d'intérêt que d'autres nations à donner du développement à l’enseignement des langues, et que, sous certains rapports, nous avons plus de chances de succès.

Voilà comment j'entends favoriser le progrès réel dans cet établissement, bien entendu en nous renfermant dans la spécialité dont il s'agit.

M. Rodenbach. - Je suis de l'avis du premier opinant que le nombre des médecins et surtout des avocats est considérable dans notre pays, car si je suis bien informé, il y a plus d'avocats que de procès.

Messieurs, je partage également l'opinion qu'il faut protéger efficacement l'instruction commerciale ; car notre population est éminemment commerciale, elle est éminemment agricole et industrielle, et je pense que proportionnellement à notre population de 4,500,000 d'habitants nous pouvons dire qu'après l'Angleterre, nous sommes un des pays les plus industriels de l'Europe.

Mais tout en adhérant aux idées émises par les honorables députés d'Anvers, je dois présenter quelques considérations sur une de leurs observations. Ils voudraient transformer l'institut d'Anvers en université commerciale ; car j'ai entendu prononcer ce mot.

Messieurs, nous avons des universités très prospères en Belgique. Nous avons d'abord deux universités du gouvernement qui nous coûtent éminemment cher, qui nous coûtent 582,000 fr. C'est énorme, et faire un pareil sacrifice pour l'instruction supérieure, c'est prouver que l'on veut une lutte sérieuse entre l'instruction officielle et l'instruction libre, pour qu'elles ne servent mutuellement d'aiguillon.

Mais il y a également en Belgique deux universités libres. Il y a l'université de Bruxelles qui prospère ; il y a celle de Louvain qui est également en grande prospérité ; car 900 ou 1,000 élèves y sont inscrits cette année.

Eh bien, messieurs, si l'école industrielle d'Anvers dont on a parlé, donne déjà de brillants résultats, si l'on y compte déjà un tiers d'élèves étrangers sur un tiers de jeunes gens du pays eitun autre tiers de jeunes gens d'Anvers même, c'est une preuve que cette institution est née viable. Et puisque ces messieurs ont préféré le mot d'université libre, dans un pays libre où l'on est éminemment commercial, qu'à l’instar de ce qui s'est fait pour les universités de Bruxelles et de Louvain, ou proclame l'institut d'Anvers université libre pour le commerce, l'industrie et les manufactures. Nous sommes dans un siècle de positivisme, dans un siècle éminemment industriel ; si les professeurs de cet établissement ont un talent éminent, un talent transcendant, je suis persuadé que cette université commerciale pourra prospérer et parviendra aussi à avoir des centaines d'élèves, et même un millier d'élèves comme ailleurs.

Mais ce que je demande, c'est qu'on n'aille pas tout de suite voter des milliers et des milliers de francs. On ne doit pas oublier que nous sommes en présence d'un déficit qui grossit tous les ans de plusieurs millions, que nous avons une dette de 600 millions. En présence d'uue situation pareille, nous ne devons pas eucourager auprès du gouvernement ces idées grandioses d'université commerciale, d'université pour toute espèce de science. Nous devons nous rappeler que nous sommes un petit pays et que nous devons payer tous les ans 130 millions dimpôts.

M. Vervoort. - Messieurs, j'ai prononcé un mot qui paraît avoir heurté vivement les projets d'économie de l'honorable M. Julliot, ce mot a provoqué par ricochet une sortie contre les tendances de la ville d'Anvers, et l’honorable M. Julliot a saisi cette occasion de se constituer le défenseur des intérêts des contribuables qui ne sont nullement menacés.

Messieurs, si j'ai parlé de nos universités à propos de l'institut commercial d’Anvers, ce n’est pas afin d'engager M. le ministre de l'intérieur à proposer une loi qui assimilât l'institut d Anvers aux universités de l’Etat ; mais c'est afin de faire mieux comprendre que c'est une institution d'études supérieures appliquées aux sciences commerciales et marchant parallèlement aux universités de l'Etat, comme l'enseignement professionnel se trouve établi, parallèlement à l'enseignement des humanités, dans les établissements d'instruction moyenne.

C'est afin de faire mieux ressortir l'importance de l'institut et la nécessité de son développement dans l'intérêt du pays.

M. le ministre de l’intérieur croit qu’en laissant aux professeurs de modiques appointements, il les conduira par l'émulation au but qu’il (page 548) veut atteindre. Ils ont reçu, à titre provisoire, des appointements, qui, pour quelques-uns, n'atteignent pas ceux que l'on donne anx professeurs des classes inférieures d'instruction moyenne ; au lieu de stimuler leur zèle, on pourrait fort bien ne leur inspirer que la résolution de se retirer.

Vous voulez des hommes capables, mais les conserverez-vous à ce prix ? Pour ma part j'ai signalé la nécessité de leur accorder au moins le montant total des minervalia, comme cela se fait dans les établissements d'instruction supérieure et d'instruction moyenne.

Je le répète, en prononçant le mot d'université, j'ai voulu faire ressortir l'importance de l'institut, mais non provoquer son assimilation légale aux universités de l'Etat.

L'honorable M. Julliot prétend que l'institut commercial ne profite qu'à la ville d'Anvers. C'est une grave erreur. Si la ville d'Anvers profitait seule cet établissement, j'adresserais à l'administration communale d'Anvers les observations que j'ai eu l'honneur de vous exposer.

Si je m'adresse à la Chambre, c'est parce que cet établissement intéresse le pays. Je l'ai déjà dit, la province de Namur, la province de Liège et la province de Hainaut fournissent 16 élèves ; les autres provinces en fournissent 7. Anvers fournit 23 élèves sur 69.

L'honorable M. Julliot a parlé de l'intérêt des contribuables. Messieurs, il y a différentes manières d'envisager cet intérêt. Je me place au point de vue de l'intérêt général et du progrès et je crois que l'argent qu'on emploie à développer l'instruction commerciale et industrielle du pays est un argent placé à gros intérêts. On reconnaît que les professions libérales sont trop encombrées. Eh bien, je convie le ministre à protéger un établissement où l'on forme des industriels, des négociants, des citoyens utiles.

Je crois que c'est une excellente manière d'envisager l'intérêt des contribuables et pour ma part chaque fois que je donnerai mon vote à des dépenses de cette nature, je croirai agir dans un but véritablement utile à tous.

L'honorable M. de Haernc a insisté sur la nécessité de l’enseignement des langues vivantes à l'institut commercial. Je me permettrai de faire observer à cet égard que l'on n'est admis à l'institut commercial qu'après un examen sur les matières enseignées dans les cours professionnels d'instruction moyenne. L'élève doit connaître l'allemand et l'anglais. On enseigne à l'institut l'espagnol et l'italien. Les élèves travaillent quatre heures par jour dans un bureau commercial parfaitement organisé à s'initier par des exercices fictifs, mais complets, à toutes les opérations commerciales.

On leur fait connaître tous les produits industriels, on leur enseigne la géographie commerciale et industrielle, l'histoire du commerce et de l'industrie, l'économie politique, le droit commercial et, comme je viens de le dire, des langues modernes qu'ils sont censés ne pas connaître, car l'étude de l'allemand et de l'anglais appartient à l’enseignement professionnel moyen.

Un mot encore du cours de chimie dont j'ai parlé. L'introduction de ce cours n'est pas une prétention de ma part, mais une indication donnée à M. le ministre de l'intérieur. C'est une question à examiner.

Je viens de rétablir la portée réelle des observations que j'ai eu l'honneur de présenter.

En présence des sacrifices de la ville d'Anvers qui a dépensé 150,000 francs pour le seul local de l'institut, j'espère que tout au moins le chiffre des inscriptions sera lors de la présentation du budget de 1857 exclusivement consacré au corps professoral. J'espère que le gouvernement continuera à donner à cet établissement un appui sérieux et efficace.

M. Magherman. - Messieurs, je suis d'accord avec plusieurs honorables préopinants sur la haute utilité ou plutôt sur la nécessité sociale, en quelque sorte, d'attirer l'attention des jeunes gens et principalement des parents sur les carrières commerciales et industrielles. En effet, comme on l'a déjà dit, la plupart des carrières libérales sont encombrées ; il y a une foule de jeunes gens qui, à leur sortie de l'université, se trouvent réellement dans une situation fâcheuse, n'ayant pas un talent suffisant pour se faire immédiatement une clientèle et ne possédant pas les ressources nécessaires pour attendre cette clientèle pendant plusieurs années. Il faut donc appeler de préférence les jeunes gens vers les carrières industrielles et commerciales et à cet effet je voudrais que l'enseignement qui prépare à ces carrières fût doté de quelques-uns de ces avantages qui font affluer les jeunes gens vers les professions libérales, je veux dire de quelques bourses.

Il ne faudrait pas pour cela augmenter les dépenses de l'Etat, il suffirait de mieux répartir les bourses existantes. Le nombre des bourses attachées aux universités est réellement trop considérable ; cet encouragement ne devrait servir qu'a appeler aux universités les jeunes gens qui ont des aptitudes spéciales, tandis qu'il y appelle aujourd'hui un assez grand nombre d'élèves médiocres dont l'entrée dans le monde présente un véritable danger non seulement pour eux-mêmes, mais encore pour la société.

En effet, ces jeunes gens, ne voyant pas se réaliser les espérances qu'ils avaient conçues, donnent souvent tête baissée dans les théories les plus dangereuses et deviennent ainsi, dans des circonstances données, un véritable danger pour l'Etat.

Il me semble donc, messieurs, que, l'on pourrait, sans inconvénient, donner à l'institut d'Anvers et aux autres institutions de même nature qui peuvent exister dans le pays, une partie des bourses affectées aujourd'hui aux universités. Je n'en fais pas la proposition, je me borne à appeler sur ce point l'attention du gouvernement. A mon avis ce serait donner une meilleure direction aux subsides votés pour l'instruction supérieure, et je crois qu'il en résulterait un grand bien pour le pays.

- L'article 68 est mis aux voix et adopté.

Article 69

« Art. 69. Achat de modèles et de métiers perfectionnés ; inspection des établissements dangereux et insalubres ; expertise de machines pour lesquelles on demande l'exemption des droits d'entrée ; voyages et missions ; publications utiles ; prix ou récompenses pour des ouvrages technologiques ou d'économie industrielle ; subsides en faveur d'industries nouvelles ; caisses de prévoyance : fr. 25,000. »

- Adopté.

Article 70

« Art. 70. Subside en faveur de l'industrie linière et de la classe des tisserands et des fileuses ; distribution de métiers, etc. ; charge extraordinaire : fr. 80,000. »

M. T'Kint de Naeyer. - D'honorables préoplnanls viennent de faire ressortir l'importance de l'enseignement industriel et commercial ; il y a, messieurs, un enseignement qui n'est pas moins utile, c'est l'enseignement professionnel pratique, celui qui se propage principalement au moyen des ateliers d'apprentissage. Je désire, à ce point de vue, présenter quelques observations sur l'emploi du crédit qui est en discussion et engager le gouvernement à en consacrer la plus grande partie à achever l'œuvre que ses prédécesseurs ont commencée dans l'intérêt de l'industrie linière.

Jamais la nécessité ne s'en est plus vivement fait sentir dans les Flandres, qu'aujourd'hui. L'industrie linière est entrée dans une phase nouvelle ; grâce à la transformation qu'elle a subie, elle a paru au premier rang à l'exposition universelle de Paris. Mais, messieurs, il ne suffit pas de bien faire, il faut encore que l'élan de la production ne soit pas entravé, je ne dirai pas faute de bras, car ils ne manquent point, mais faute de bras capables, ayant l'aptitude nécessaire.

S'il y avait des doutes à cet égard, il me suffirait de citer quelques chiffres. Il y a dix ans on comptait dans l'arrondissement de Gand-Eecloo, environ 22,642 tisserands de toile de lin.

Aujourd'hui, d'après les renseignements officiels que je me suis procurés, il n'en resterait plus que 3,770, dont 1,729 seulement se servent de métiers perfectionnés, à la navette volante.

Il est vrai, messieurs, que deux métiers nouveaux font l'ouvrage de trois métiers anciens, mais il n'y a aucune proportion, vous le voyez, entre le chiffre que je viens de citer et celui que l'on constatait naguère.

On demandera comment il se fait que l'industrie privée ne songe pas à former d'habiles tisserands ; elle fait des sacrifices dans ce but, mais elle ne peut pas tout faire. Le tissage a conservé un caractère distinctif ; il s'exerce à domicile, au lieu de se concentrer dans les fabriques, comme d'autres industries.

Le tisserand reste ouvrier libre, et travaille à la façon. Les négociants, qui servent d'intermédiaires, s'adressent aux tisserands capables et délaissent ceux qui n'ont pas l'aptitude nécessaire.

On ne se soucie pas en général de payer l'apprentissage de tisserands qu'aucun lien n'attache à leurs patrons et qui souvent même émigrent lorsque leur instruction est terminée. Il en est de même des avances à faire pour l'amélioration des métiers.

Dans de pareilles conditions, il est facile de comprendre que l'intervention des communes, de la province et du gouvernement sera nécessaire encore pendant quelques années. La plupart des ateliers d'apprentissage chômeraient bientôt s'ils étaient abandonnés à eux-mêmes. Ce serait une véritable calamité pour les Flandres.

Les ateliers d'apprentissage tels qu'ils sont organisés dans certaines localités à Thielt et à Cruyshautem par exemple ; tels qu'il serait facile de les réorganiser ailleurs parviendront seuls à vulgariser les bonnes méthodes de tissage.

Et que l'on ne s'effraye pas de la dépense ; à Cruyshautem que j'ai cité, il y a 500 ouvriers ; les frais annuels d'entretien n'ont pas dépassé 2,000 fr., et on a consacré une somme égale à la distribution de métiers perfectionnés. Les frais de premier établissement en 1848 ont coûté 2,500 francs.

Les ateliers d'apprentissage ont rencontré des adversaires dans cette enceinte, parce que l'on a cru y voir une concurrence à l'industrie privée, mais en formant des tisserands capables, ils rendent, au contraire, un service signalé à l'industrie privée, qui se plaint de manquer d'ouvriers.

Il n'y a rien de permanent dans l'organisation de ces établissements ; les apprentis qui se présentent sont inscrits et admis à tour de rôle, à mesure que des métiers deviennent vacants.

Quand un apprenti est devenu tisserand, on lui prête un métier, pour qu'il s'en serve à domicile, où on approprie son ancien métier.

Le remboursement s'opère au moyen de retenues proportionnées aux salaires.

De cette manière, il est permis d'espérer qu'au bout de quelques années nous aurons de nouveau dans les Flandres un nombre de tisserands proportionné à l'importance de notre industrie linière. La question (page 549) que j'ai soulevée mérite de fixer très sérieusement l'attention du gouvernement ét des Chambres.

La question des ateliers d'apprentissage est digne de toute la sollicitude du gouvernement et des Chambres. Il y a encore dans les Flandres des milliers de bras qui ne peuvent pas être utilisés faute d'aptitude. Il y a des milliers d'hommes et de femmes qui ne trouvent du travail que pendant une partie de l'année et qui tombent à charge des bureaux de bienfaisance faute de ressources suffisantes.

Je n'exagère pas en disant qu'il y a dans les budgets des ouvriers liniers des deux Flandres, faute d'instruction suffisante, un déficit annuel de plus de quinze millions de francs par an.

Je suis profondément convaincu que l'enseignement industriel pratique bien dirigé parviendrait, en peu d'années, à rétablir l'équilibre.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Messieurs, les observations que vient de présenter l'honorable préopinant sont fondées en raison. La Flandre a traversé une crise désastreuse par suite de la transformation de l'industrie linière. Le gouvernement et les Chambres ont puissamment contribué à soulager les maux inséparables de cette crise, et les Flandres ont de grandes obligations au gouvernement pour l'intervention, incontestablement utile cette fois, qu'il a exercée.

Aujourd'hui, messieurs, le gouvernement se trouve devant des résultats très encourageants, sans doute, mais encore bien incomplets, et il ne sera pas inutile de dire quelques mots à la Chambre afin qu'on ne se méprenne point sur le rôle que le gouvernement a encore à jouer quant à l'institution d'ateliers d'apprentissage.

Ces ateliers n'ont qu'une existence temporaire, et le gouvernement comme les Chambres ont constamment voulu leur conserver ce caractère.

Cependant, il ne faut pas se le dissimuler, ils seront encore nécessaires pendant un certain nombre d'années afin de transformer complètement l'ancienne industrie linière.

On a constaté récemment encore, et M. le gouverneur de la Flandre orientale m'a adressé, ces jours derniers, un rapport remarquable sur cette question, on a constaté, dis-je, que le quart seulement des tisserands des Flandres sont dans des conditions favorables pour soutenir la concurrence avec l'étranger. Il y donc encore une transformation à opérer dans les procédés de la majeure partie de nos tisserands.

Ce point est extrêmement important. En effet, on a remarqué que, sur tous les marchés, les bonnes toiles s'écoulent facilement et à de bons prix. Les tisserands qui se sont perfectionnés dans le tissage d'après les procédés nouveaux, sont recherchés partout ; on nous les arrache, même à l'étranger. Ainsi, perpétuer la transformation du tissage à l'aide des ateliers, c'est récréer pour ainsi dire la fortune des Flandres. Pour cela il faut du temps. On est loin d'avoir complètement atteint le but qu'on s'est proposé. L'industrie linière est sans doute fort importante encore dans l'ordre de nos relations extérieures ; mais elle est loin d'avoir reconquis son ancienne importance. L'exportation moyenne était autrefois de 25 à 30 millions par an. Aujourd'hui c'est tout au plus à 12 millions qu'on peut évaluer le chiffre de nos exportations.

Il y a donc encore à faire ; et on atteindra le but, en fournissant aux tisserands le moyen de se perfectionner dans le tissage, d'après les procédés modernes.

C'est pour cela qu'on a institué des ateliers de tissage dans les principaux centres industriels d'une partie des Flandres ; les ouvriers vont, pendant quelques mois, s'y perfectionner dans les procédés nouveaux et sont remplacés successivement par d'autres ouvriers. Cela ne suffit pas, il faut encore, au sortir de l'atelier, leur fournir le moyen de changer leurs métiers ; car l'on aurait eu beau leur enseigner les procédés nouveaux, tous les frais d'apprentissage deviendraient inutiles, si on ne leur procurait pas des métiers nouveaux, qu'ils sont dans l'impossibilité d'acquérir par eux-mêmes. C'est dans ce but qu'une partie du crédit actuellement en discussion est consacrée à l'achat de métiers nouveaux. Cet outillage perfectionné est mis à la disposition des meilleurs ouvriers qui sortent des ateliers d'apprentissage.

Je tenais à présenter ces observations, pour prouver que si le gouvernement a fait quelques sacrifices momentanés pour une partie des Flandres, ces sacrifices trouveront une compensation dans les progrès qui se réalisent et dans les succès qui sont obtenus. Mais il faut aussi que la Chambre sache qu'il y a encore de longs efforts à faire. Ce n'est pas seulement en remédiant aux maux produits par les crises passagères que nous venons de traverser, que nous remplissons notre mission sociale, mais en prévoyant l'avenir, en améliorant la condition normale de nos ouvriers, en les aidant à perfectionner leurs procédés et à modifier leurs métiers.

- Personne ne demandant plus la parole, l'article 70 est mis aux voix et adopté.

Article 71

« Art. 71. Impression du Recueil officiel des brevets : fr. 10,000. »

- Adopté.

Article 72

« Art. 72. Personnel du bureau de la librairie ; charge temporaire : fr. 6,600. »

M. Verhaegen. - Messieurs, la convention littéraire conclue avec la France a porté un coup funeste à la librairie belge.

Non seulement elle a interdit en Belgique la libre reproduction des ouvrages publiés primitivement en France ; mais elle a frappé encore au profit de l'éditeur étranger la publication de la suite des ouvrages commencés avant le traité. Elle a fait plus, elle a interdit à nos éditeurs la jouissance des clichés qu'ils avaient fait exécuter de bonne foi au prix de grands sacrifices sous l'empire d'une législation qui autorisait à considérer comme appartenant chez nous au domaine public tout livre imprimé à l'étranger. Nous connaissons deux ou trois maisons dans la capitale qui possèdent des clichés d'une valeur de 30,000 à 40,000 fr. et au-delà.

De ce chef la librairie belge avait droit assurément à obtenir une juste indemnité ; on la lui avait promise, mais elle n'en a obtenu aucune. On s'est imaginé faire beaucoup pour elle en confiant à quelques imprimeurs l'exécution typographique des documents législatifs et administratifs. En réalité on n'a rien fait ; on n'a pris surtout aucune de ces grandes mesures qui mettent une industrie compromise à l'abri d'un désastre complet.

Aussi, la typographie belge, frappée au cœur par le traité, abandonnée depuis à elle-même, sans protection, sans appui, marche-t-elle à grands pas vers sa ruine ; les travaux languissent dans les ateliers, et une foule d'honnêtes et braves ouvriers se trouvent aujourd'hui privés d'un travail qui assurait le pain à leur famille.

Cet état de choses est déplorable. Il importe de le faire cesser, dans l'intérêt général il importe d'aider, de soutenir, de relever une industrie qui est le plus puissant véhicule des idées nationales. L'abandonner, c'est livrer le marché belge à la librairie des pays voisins, à la librairie française dont les importations augmentent d'année en année. Sans parler de Paris et d'autres villes de France, les seules villes de Tours, de Limoges et de Lille expédient annuellement plus de 80,000 volumes dans notre petit pays, comme l'attestent des documents officiels ; c'est favoriser l'action des idées et de l'esprit français dont l'influence ne peut tendre qu'à affaiblir chez nous le sentiment national. Cette conquête intellectuelle, nous devons tout faire pour la prévenir, car elle serait pour nous l'avant-courrière de plus grands malheurs.

Aussi ne peut-on voir sans un vif étonnement le gouvernement lui-même aider à la vente et à la propagation des ouvrages imprimés à l'extérieur. Dans un catalogue d'ouvrages propres à être donnés en prix dans les écoles primaires et imprimé par les soins du gouvernement, catalogue qui ne compte que 200 articles, la librairie Maine, à Tours, compte à elle seule 75 ouvrages.

Les établissements d'instruction publique n'emploient guère que des ouvrages composés et imprimés en France. L'année dernière, peut-être même encore aujourd'hui on se servait dans la classe de septième, à l'athénée de Bruxelles, pour les exercices de lecture, de récitation et de mémoire, du livre « Morale pratique » par Th. Barrau, publié par MM. Hachette de Paris.

Nous n'avons pas à juger du mérite littéraire de cet ouvrage ; nous ne constaterons qu'une chose : c'est qu'il est imprudent de mettre entre les mains de jeunes élèves des livres qui ne les entretiennent que de la gloire de nations voisines et qui ne s'occupent pas plus de la Belgique que si elle n'existait pas. Dans le livre de M. Barrau pa etxemple il n'est question que d'un fait courageux accompli par un Belge, par le mineur Coffin auquel, comme on le sait, l'empereur Napoléon Ier accorda la croix de la Légion d'honneur.

Mais ce n'est là qu'un fait isolé ; les exemples fourmillent.

On dira sans doute que la librairie belge n'a pas produit un assez grand nombre de livres destinés à l'enseignement ; cela vrai jusqu'à un certain point, et il ne faut point s'en étonner. On n'a rien fait pour encourager la production de ce genre d'ouvrages, que disons-nous ? On a tout fait au contraire pour dégouter nos éditeurs ; rien n'est plus facile à démontrer.

Les ouvrages français sont admis depuis longtemps dans nos établissements d'enseignement moyen. Ils y ont été admis sans contrôle et ils y restent de même, tandis qu'on ferme la porte à la production des auteurs et des éditeurs belges.

En effet, pour y être introduit, il faut à ces derniers l'approbation du conseil de perfectionnement. Or, ce conseil a été institué depuis plusieurs années et jusqu'à présent le gouvernement n'a pas jugé à propos de lui soumettre les nombreux ouvrages qui lui ont été adressés. - On dit qu'il y en a plus de 600 déposés au ministère de l'intérieur. - Ce n'est qu'avec beaucoup de peine et après beaucoup de démarches personnelles que, sous le ministère de l'honorable M. Piercot, on est parvenu à en faire examiner et approuver deux : ce sont la « Rhétorique de M. Baron et l'histoire de M. Bornier qui, nous le disons avec orgueil, font honneur à la Belgique.

Ainsi, tandis que l'étranger est maître de la place, nous-mêmes nous ne permettons pas à nos compatriotes de l'en déloger.

Croit-on que cet état de choses soit de nature a encourager les efforts de nos libraires, de ceux-là qui ont assez de foi dans le patriotisme de leurs concitoyens pour ne point s'effrayer des avantages avec lesquels la librairie française se présente sur notre marché.

Je dis « avantages » ; en effet, les livres fabriqués en France ne payent, à leur entrée en Belgique, que la moitié du droit fixé pour l'entrée en France des livres fabriqués en Belgique.

De plus, si l'on compare Paris à Bruxelles, Paris est en position de fabriquer dans des conditions plus économiques les ouvrages qui, comme les livres destinés à l'instruction et à l'éducation des masses, sont tirés à un grand nombre d'exemplaires, afin de pouvoir être livrés à bon marché à la consommation. Des chiffres irrécusables établissent cette vérité.

(page 550) Ainsi la librairie française produit en général les livres à un plus bas prix.

Elle exploite un marché intérieur beaucoup plus vaste, car elle s'adresse à 36 millions d'habitants.

Elle vient nous combattre avec des armes supérieures sur notre propre domaine.

Je sais qu'il est difficile au gouvernement, dans la position qui lui est faite par le traité, d'apporter un remède à cet état des choses ; aussi nos éditeurs ne portent pas leurs exigences jusque-là, mais ils pensent qu'il y a d'autres moyens de leur venir en aide ; ainsi il conviendrait d'assurer par tous les moyens possibles à la librairie belge le privilège de fournir à la consommation des établissements de l'Etat.

Pour atteindre ce but il suffira d'y interdire l'usage des livres imprimés au-dehors.

On forcera ainsi les éditeurs étrangers dont les ouvrages sont actuellement adoptés dans nos écoles et dans nos collèges à s'entendre avec nos éditeurs ou bien à faire réimprimer en Belgique des ouvrages plus ou moins appropriés à notre esprit national.

D'un autre côté on encouragera les auteurs belges à composer des livres destinés à l'enseignement ; en même temps, on préviendra le renchérissement de ce genre d'ouvrages, que la contrefaçon, ou pour mieux dire, la réimpression nous livrait avec une grande modicité de prix. En effet, quelque temps avant le traité, nos éditeurs ont reproduit un assez grand nombre de livres classiques, adoptés chez nous et publiés primitivement à l'étranger, mais ces livres sont d'une vente courante, ils s'écoulent avec rapidité, ils seront bientôt épuisés, alors il faudra les acheter en France et les payer, par conséquent, beaucoup plus cher.

Or l'intérêt de l'enseignement qui prédomine dans cette question exige que les livres classiques soient livrés à la consommation au plus bas prix possible.

En résumé j'engage le gouvernement à encourager par des subsides efficaces les efforts des auteurs et éditeurs belges et de prescrire qu'il ne sera fait usage dans nos établissements d'instruction que de livres imprimés en Belgique.

M. Dumortier. - Messieurs, je ne puis qu'appuyer les observations si sages que vient de faire l'honorable préopinant.

Vous vous en souviendrez, messieurs, je n'ai jamais été partisan de la contrefaçon, cependant, lorsque le traité pour l’abolition de la contre-façon a été conclu avec la France, j'ai été un de ceux qui se sont élevés le plus vivement contre ce traité, parce que, dans mon opinion, cette convention allait beaucoup au-delà de ce qu'on aurait dû faire.

En matière de contravention, il me semblait qu'il ne fallait pas autoriser la spoliation des écrivains étrangers ; je croyais que ces écrivains, ayant fait avec les éditeurs un contrat sous l'empire de l'état de choses qui existait alors, du jour où l'on faisait un traité avec la France, c'était en faveur des écrivains et nom des éditeurs qu'il fallait stipuler.

Si l'on avait opéré de la sorte, il eût été extrêmement facile à nos typographes de s'entendre avec les écrivains, tandis qu'il leur est devenu presque impossible de s'entendre avec les éditeurs.

Le résultat de cette mauvaise mesure a été de placer notre typographie dans un état de dépérissement vraiment désolant. La typographie faisait vivre un grand nombre de familles qui se trouvent aujourd'hui dans une position déplorable. Il est évident que tout ce qu'on peut faire pour porter remède à cet état de choses serait un véritable bienfait pour le pays.

J'ajouterai que les faits signalés par l'honorable député de Bruxelles qui vient de se rasseoir, sont dignes de toute l'attention du gouvernement. C'est surtout dans l’enseignement qu'il faut mettre entre les mains de nos jeunes gens des ouvrages qui leur prêchent l'amour de la patrie ; ii faut éloigner d'eux les livres qui ne leur prêchent que l'amour de l'étranger ; vous attacherez ainsi ces jeunes intelligences de cœur et d'âme à notre nationalité.

L'honorable préopinant a parlé des livres classiques. Ici, messieurs, permettez-moi de déplorer que les débats sur la convention n'aient pas eu lieu en séance publique. Les débats ont eu lieu en comité secret, je respecte certainement la décision de la majorité de la Chambre qui a ordonné le comité secret ; mais il n'en est pas moins vrai que si, au lieu d'être tenus en comité général, les débats eussent eu lieu en séance publique, l'esprit dans lequel la Chambre a voté le traité aurait pu être mieux connu.

Il existe dans le traité des obscurités au sujet des auteurs classiques. Vous vous rappellerez tous que dans le comité secret j'ai relevé ces obscurités et que j'ai interpellé le ministre de l'intérieur d'alors, ainsi que le commissaire envoyé à Paris, M. Liedts, sur la portée de certaines dispositions, eu exprimant la crainte que cette portée n'allât jusqu'à rendre la Belgique tributaire des ouvrages classiques imprimés à l'étranger.

Mon opinion a été vivement combattue ; le gouvernement a déclaré dans les termes les plus exprès qu'il n'avait pas entendu faire entrer les livres classiques dans le traité, tel qu'il était rédigé.

Cette opinion s'est trouvée écrite par le gouvernement lui-même quelques jours après et la première circulaire du ministre de l'intérieur qui était, je crois, M. Piercot, rappelait complètement ce qui avait été dit dans cette Chambre.

Maintenant, j'ai entendu dire que les éditeurs étrangers avaient attaqué les éditeurs belges au sujet de la réimpression de ces ouvrages.

Je regrette que les tribunaux appelés à prononcer n'aient pas pu savoir comment les faits s'étaient passés en comité secret ; car dans ce comité il avait été dénié par le ministre, que les ouvrages classiques eussent été compris dans ce traité. Je ne sais où en sont les chosess, mais le gouvernement devrait, ce me semble, faire en sorte par la voie diplomatique d'obtenir une interprétation conforme à celle au moyen de laquelle on a obtenu de la Chambre le vote du traité.

La Belgique ne peut pas rester tributaire de l'étranger pour les ouvrages classiques.

Si cette interprétation ne pouvait être obtenue, ce serait de soumettre de nouveaux classiques à l'approbation de la commission et d'en prescrire la mise en circulation dans toutes les écoles, en donnant à tous les libraires le droit de les réimprimer, afin d'avoir une concurrence qui tournât au profit des éditeurs, des libraires, des ouvriers et des élèves.

Les souffrances de la librairie sont dignes de la sollicitude du gouvernement et de M. le ministre de l'intérieur en particulier. Je ne doute pas qu'il fasse tout ce qu'il pourra pour y porter remède. J'appuie les observations de l'honorable député de Bruxelles.

(page 558) M. Vervoort. - J'ai demandé la parole pour appuyer, avec mon honorable ami M. Dumortier, le fond des observations de l'honorable M. Verhaegen. Oui, il y a lieu d'encourager les auteurs et les éditeurs belles.

Il est désirable que le gouvernement prenne dans ce but des mesures compatibles avec la liberté d'enseignement, sans toutefois imposer de nouvelles charges au trésor. Ces mesures seront nationales, prudentes et humaines. J'indiquerai une autre raison qui doit faire entrer le gouvernement dans cette voie, c'est qu'il faciliterait les moyens d'existence de centaines d'ouvriers typographes qui en sont presque dépourvus en ce moment.

Dans la seule ville de Bruxelles on en compte 400 au moins qui sont sans travail ou qui n'ont que des ressources précaires. On vient d'organiser en leur faveur une loterie d'objets d'art que je n'hésite pas à recommander à la bienveillance de tous mes concitoyens, à commencer par mes honorables collègues. Je saisirai cette occasion aussi pour demander à l'honorable ministre s'il accepterait un amendement qui allouerait une certaine somme pour venir au secours des typographes sans travail. Je dois rappeler que des promesses dans ce sens ont été pour ainsi dire faites lors du vote du traité international dont les conséquences ont été si fâcheuses pour la classe des travailleurs belges dont je parle. Je me rappelle que dans la séance secrète à laquelle l'honorable M. Dumortier vieni de faire allusion, le gouvernement s'est réservé l'examen de la question de savoir s'il fallait donner une certaine indemnité aux ouvriers dont on venait de compromettre l'existence.

Remarquez, messieurs, que je ne songe pas à vous demander de grands sacrifices en faveur des typographes. Le traité est un fait accompli dont les conséquences seront peu à peu atténuées ; je renoncerai même à formuler une proposition quelconque si le gouvernement déclare que les ressources dont il dispose déjà lui fournissent le moyen de donner une marque de sympathie aux typographes, notamment à ceux de Bruxelles. Une somme de 3,000 fr. environ suffirait. J'attendrai la réponse de l'honorable ministre.

(page 550) M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - J'abonde dans le sens des observations présentées par les houorables préopinants. Avec eux je désire fournir du travail aux typographes que la convention avec la France a laissés momentanément sans ouvrage ; comme eux, je désire voir employer dans l'enseignement des livres d'auteurs belges, publiés par des éditeurs belges.

Je regrette vivement qu'une immense quantité de productions françaises soit mise chaque année entre les mains de la jeunesse belge. Je considère cttle conquête intellectuelle de la Belgique (pour me servir de l'expression de l'honorable M. Verhaegen), comme plus dangereuse que la conquête matérielle.

La conquête intellectuelle s'opère pas l'infiltration insensible des sentiments et des idées de l'étranger sans que l'opinion publique puisse réagir ; tandis que la conquête matérielle ne pourrait s'opérer que par des actes qni, froissant profondément le sentiment national, provoqueraient d'unanimes résistances. Aussi cette conquête intellectuelle est-elle la plus dangereuse pour nous et celle contre laquelle la Belgique ne peut trop se prémunir.

Je me rallie donc, au fond, aux observations qui ont été présentées par les honorables membres. Mais je ne suis plus d'accord avec l'honorable député de Bruxelles, lorsqu'il fait un grief au gouvernement de ce qui se pratique quant au choix des livres en matière d'enseignement.

Messieurs, ce n'est pas seulement dans les établissements de l'Etat, mais dans les établissements libres qu'on est convenu de donner la préférence aux livres venus de France. L'excessif bon marché de ces livres a seul déterminé cette préférence. Quelques maisons de Tours, de Lille et de Paris sont parvenues à fabriquer les livres à des prix si fabuleusement bas, qu'il a été impossible aux plus puissantes sociétés de librairie du pays de lutter contre ces maisons françaises. C'est ce qui explique que non seulement le gouvernement pour ses établissements, mais toutes les maisons d'éducation, en général, ont donné la préférence à ces produits de l’industrie étrangère.

L'honorable M. Verhaegen va plus loin ; il croit que le gouvernement a tout fait pour dégoûter les éditeurs belges. Cette accusation n'est pas fondée. Quel est donc le ministre belge qui, par parti pris, ait pu vouloir décourager, ruiner une importante industrie nationale ? Si des auteurs n'ont pas vu encourager leurs publications, c'est qu'elles n'étaient probablement pas de nature à être mises dans les mains de la jeunesse. Je ne puis admettre que six cents productions belges aient été soumises au gouvernement et repoussées par lui.

Pour l'enseignement primaire, les livres sont examinés chaque année par la commission centrale des inspecteurs provinciaux, qui se réunit pendant une dizaine de jours. Plusieurs séances, de toute une journée, sont consacrées à l'examen de ces livres que leurs auteurs destinent à l'enseignement primaire. Tous ces livres sont examinés avec une extrême bienveillance. J'ai assisté à ces réunions ; je puis garantir à la Chambre que tous les inspecteurs provinciaux sont pénétrés de la nécessité de mettre entre les mains des enfants les livres les plus propres à leur inspirer le sentiment de notre nationalité.

Le conseil de perfectionnement est chargé d'exécuter, sous le rapport du choix des livres, la loi sur l'instruction moyenne.

Tout le monde comprendra que des mesures administratives sont nécessaires pour empêcher que le premier venu puisse jeter dans les écoles les livres destinés à l'instruction de la jeunesse. Ni le ministre ni les employés ordinaires de l'administration ne peuvent se charger du soin d'examiner toutes ces productions.

Il faut, à cet effet, un corps qui offre toutes garanties. Le conseil de perfectionnement nomme, dans son sein, un sous-comité qui chaque année se réunit au mois de février ou de mars pour examiner les livres destinés à l'enseignement moyen et envoyés à l'administration. Si des réunions extraordinaires sont encore nécessaires, le sous-comité se réunit de nouveau pour examiner ces livres.

Voilà ce qui se pratique au ministère de l'intérieur.

Y avait-il mieux à faire que ce qu'a fait, sous ce rapport, le gouvernement ? Je ne le crois pas.

L'honorable M. Verhaegen trouve qu'il serait nécessaire que le (page 551) gouvernement assurât à la librairie belge le privilège de fournir à la consommation des établissements de l'Etat. Les désirs de l'honorable membre ont été prévenus. Déjà depuis longtemps, dès mon arrivée aux affaires, j'avais été frappé de l'inconvénient de laisser entre les mains de notre jeunesse, soit pour l'enseignement, soit pour les distributions des prix, des livres faits sous une inspiration étrangère.

Dans toutes mes circulaires, dans tous mes rapports avec les inspecteurs provinciaux, j'ai laissé des traces de ces sentiments qui m'animent. Les distributions des prix surtout ont, sous ce rapport, une grande importance. Les livres qu'on y donne en prix sont répandus dans les familles ; ils forment le noyau des bibliothèques domestiques, et peuvent exercer ainsi une funeste influence sur toute une génération.

Toujours, dans toutes les circonstances, j'ai recommandé qu'on accordât, tout intérêt de l'enseignement sauf, la préférence aux livres belges sur les livres français. (Approbation générale.)

Je n'ai cessé de le recommander. Je ferai dans l'avenir ce que déjà j'ai fait dans le passé. Je prends l'engagement d'insister pour que, autant que possible, les livres d'école et de prix soient faits par des auteurs belges et imprimés en Belgique.

Mais, il ne faut pas se le dissimuler, jusqu'à présent il y a très peu de livres de ce genre fabriqués en Belgique qui soient susceptibles d'être mis entre les mains de la jeunesse ; ils sont très rares. Ce ne sont pas seulement les auteurs que j'accuse sous ce rapport d'un manque d'initiative. Ce sont les éditeurs qui, d'après moi, n'ont pas fait les efforts nécessaires pour mettre le gouvernement à même de préférer leurs livres aux livres faits à l'étranger. Si un éditeur présentait une série de livres qui fût de nature à être acceptée par le conseil de perfectionnement ou par la commission des inspecteurs provinciaux, je prends l'engagement d'y accorder à tous égards la préférence.

L'honorable M. Dumortier a appelé l'attention du gouvernement sur une question déférée en ce moment aux tribunaux, la question relative au droit de réimpression des ouvrages classiques publiés en France avant la mise en vigueur de la convention littéraire.

Le gouvernement suit avec intérêt toutes les phases de cette affaire qui est fort importante pour l'avenir de la librairie belge.

L'honorable M. Coomans, s'intéressant à bon droit aux ouvriers typographes, voudrait que le gouvernement pût, par une disposition spéciale, ou par un article du budget, leur consacrer une certaine somme, à titre de secours momentané, pour traverser l'époque difficile où nous nous trouvons. Je ne sais quelles seraient à cet égard les dispositions de la Chambre. Mais je crois être allé au-devant des intentions de l'honorable membre. Les typographes de Bruxelles, doit plusieurs se trouvent dans une situation extrêmement pénible, sont réunis en associations d'épargne et de secours mutuels. Je puis donc leur accorder, comme société d'assistance et de prévoyance, un subside sur le crédit de 1,500,000 francs récemment voté par la législature. J'ai promis à ces associés typographes de leur donner une allocation sur ce crédit, et je pense que, moyennant la réalisation de cette promesse, il sera inutile de donner suite à la proposition de l'honorable M. Coomans, qui consisterait à leur accorder une somme sur le budget de l'intérieur.

Je crois avoir satisfait ainsi au vœu de l'honorable membre, qui sans doute est partagé par toute l'assemblée.

- La discussion est continuée à demain.

Projet de loi portant le budget du ministère des affaires étrangères de l’exercice 1857

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Mercier) présente le projet de loi de budget du département des affaires étrangères pour l'exercice 1857.

- La Chambre donne acte à M. le ministre des finances de la présentation de ce projet de loi ; en ordonne l'impression, la distribution et le renvoi aux sections.

- La séance est levée à 4 heures trois quarts.