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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 28 février 1856

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1855-1856)

(Présidence de M. Delehaye.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 801) M. Maertens procède à l’appel nominal à 3 heures.

M. Calmeyn donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la Chambre

M. Maertens présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.

« Le sieur Winand-Hubert Claessens, cantonnier à Meeltelen, né à Saint-Pierre (partie cédée du Limbourg), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Plusieurs administrations communales des arrondissements d'Arlon et de Virton proposent un nouveau mode de poursuites pour la rentrée des deniers des communes, et subsidiairement elles demandent que les comptables des communes soient autorisés à envoyer aux redevables le dernier avertissement et la sommation contrainte. »

- Même renvoi.


« Le comte Vander Meere soumet à la Chambre la question de savoir s'il peut être fait application d'une peine qui n'est pas dans la loi. »

- Même renvoi.


« Plusieurs gardes champêtres dans l'arrondissement de Turnhout demandent une augmentation de traitement. »

- Même renvoi.


« Plusieurs industriels à Bruxelles demandent l'abolition de la surtaxe à laquelle se trouve assujetti le charbon du Centre qui emprunte le canal de Charleroi à Bruxelles, à partir de Seneffe. »

« Même demande d'habitants de Malines. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal d'Ottignies demande la libre sortie du minerai de fer. »

« Même demande du conseil communal de Genval, »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à la sortie du minerai de fer.


« Le conseil communal de Soîgnies présente des observations en faveur du projet de chemin de fer dont la concession est demandée par la compagnie Dupont-Houdin. »

M. Ansiau. - De nombreuses pétitions nous sont déjà parvenues relativement au chemin de fer de jonction directe du Hainaut avec les Flandres.

Avant-hier encore, c'étaient les habitants de la ville d'Enghien qui s'adressaient à la Chambre, comme le font aujourd'hui les administrations communales de Soignies, du Rœulx et d'Horrues.

Ces localités importantes insistent avec raison pour la ligne directe : il y a en effet toute justice, messieurs, à les tirer enfin, pour deux d'entre elles du moins, de l'isolement complet où on les a laissées jusqu'ici. D'autre part, elles font ressortir, à toute évidence, l'intérêt général qu'il y a à décréter le chemin de fer traversant leur territoire.

Aux yeux de tout homme impartial, le projet dont il s'agit constitue la ligne la plus rationnelle et en même temps la plus magnifique que l'on puisse concevoir dans le but, tout à la fois, de desservir les intérêts vitaux de plusieurs provinces, et d'un autre côté, de relier au réseau des chemins de fer des foyers importants de populations qui n'aspirent qu'à cet acte de justice pour développer les éléments de richesse qui se trouvent en quelque sorte aujourd'hui chez elles à l'état complètement inerte.

Dans la situation actuelle des choses, ces localités doivent lutter vainement contre une double cause de décadence : l'isolement d'abord où elles se trouvent, et, d'autre part, ia prospérité relative des autres parties du pays traversées par des railways : dans ce dernier cas même, rester stationnaire, c'est décliner.

Plus on examine les raisons produites à l'appui de cette demande, plus on est convaincu qu'il n'est pas possible de ne pas l'accueillir sous peine du plus complet déni de justice vis-à-vis de ces localités et du sacrifice de l'intérêt général vis-à-vis du pays.

Je propose donc que toutes ces pétitions soient renvoyées à la section centrale chargée de l'examen du projet de chemin de fer de Luttre à Denderleeuw, et qu'il soit fait un rapport spécial à ce sujet.

- Cette proposition est adoptée.


« Les sieurs Dupont, Houdin et Cie, présentent des observations contre le chemin de fer projeté de Luttre à Denderleeuw et en faveur de la ligne de Charleroi à Gand, dont ils demandent la concession. »

M. Ansiau. - Les mêmes observations sont applicables à ce chemin de fer ; je fais la même proposition.

- Adopté.


« Le conseil communal d’Horrues prie la Chambre de rejeter le projet de loi relatif au chemin de fer de Luttre à Denderleeuw et d'accorder à ia compagnie Dupont-Houdin la concession qu’elle demande. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal d'Aerschot demande l'établissement d'un chemin de fer de Bruxelles à Louvain. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la concession de plusieurs lignes de chemin de fer.


« Le conseil communal de Heppen demande que la société concessionnaire d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain soit tenue de prolonger cette ligne jusqu'au camp de Beverloo, par Winghe-Saint-Georges, Diest et Beeringen. »

« Même demande des conseils communaux de Molenbeek-Wersbeek, Winghe-Saint-Georges, Meensel-Kieseghem et d'habitants de cette dernière commune. »

- Même renvoi.


« M. le ministre des travaux publics transmet à la Chambre 110 exemplaires d'une carte de Belgique indiquant le tracé des chemins de fer qui font l'objet des deux projets de loi soumis en ce moment aux délibérations de la Chambre. »

- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.


« MM. Hondin, Lambert et Cie adressent à la Chambre 110 exemplaires de la pétition par laquelle ils sollicitent la concession du chemin de fer de Charleroi à Gand par le bassin du centre. »

- Même décision.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget des non-valeurs et remboursements

Rapport de la section centrale

M. Vander Donckt. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné la demande de crédit supplémentaire de ..15,000 fr. au budget des non-valeurs et remboursements de l'exercice 1855.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite des objets à l'ordre du jour.

Projet de loi réprimant la falsification des denrées alimentaires

Discussion des articles

Article additionnel

M. le président. - La section centrale qui a examiné la proposition de M. Maertens en propose l'adoption en la rédigeant de la, manière suivante :

« Dans les cas prévus par les articles 318 du Code pénal, et A de la loi du 19 mai 1829, la peine d'emprisonnement sera de huit jours à deux ans, et l'amende de 50 à 1,000 francs. »

Cet article serait intercalé entre les articles 9 et 10 du projet et deviendrait l'article 10, et dans ce dernier article, devenu article 11, il serait fait mention de l'article 10 nouveau, pour faire cesser tout doute sur le point de savoir si les peines qu'il établit pourront être réduites, lorsqu'il existera des circonstances atténuantes en faveur du prévenu.

M. Lelièvre. - Messieurs, j'adopte l'amendement de M. Maertens auquel se rallie la section centrale ; mais il faudrait énoncer qu'on pourra appliquer séparément, soit l'emprisonnement, soit l'amende. Il suffirait d’ajouter : ou l'une de ces deux peines seulement, ou bien, « les peines pourront être appliquées cumulativement ou séparément. »

Si l'on ne faisait pas cette addition, l'on devrait changer la rédaction de l'article 10 déjà voté par la Chambre et relatif aux circonstances atténuantes. On devrait autoriser le juge, en ce qui concerne l'emprisonnement et l'amende, à prononcer séparément l'une ou l'autre de ces peines ; en un mot, se conformer au texte de l'article 463 du Code pénal, remplacé par l'article 6 de la loi de mai 1849. Sans cela le juge, même en cas de circonstances atténuantes, devrait toujours appliquer cumulativement l'emprisonnement, et l'amende, tandis qu'il est évident qu'il doit pouvoir n'appliquer que l'une de ces peines.

Je crois donc devoir demander un changement dans la rédaction ; ce qui aura aussi pour avantage de mettre notre disposition en harmonie avec les autres articles du projet que la Chambre a déjà adoptés. En conséquence, je propose d'ajouter à l'article adopté par la section centrale, les mots : « les peines pourront être appliquées cumuativement ou séparément. »

M. Maertens. - Je ne vois pas de motifs pour m'opposer à la modification introduite par l'honorable M. Lelièvre dans l'article nouveau que j'ai proposé ; je crois donc pouvoir m'y rallier.

- L'amendement de M. Lelïèvre est mis aux voix et adopté. L'article nouveau, ainsi modifié, est adopté.

Le vote définitif de la loi est fixé à samedi.

Rapports de pétitions

M. Thienpont, rapporteur. - Par pétition datée de Saint Trond, le 12 mai 1855, le sieur Roosen réclame l'intervention de la Chambre pour être indemnisé des pertes que lui a fait subir l'administration des chemins de fer de l'Etat, à l'occasion du transport de son bétail.

Le pétitionnaire se plaint d'abord d'une perte de 450 francs subit dans son commerce de bétail, par suite d'erreurs et de négligences, imputées aux agents de l'administration du chemin de fer.

Il se plaint aussi de la non-restitution d'une somme qu'il prétend avoir payée en trop a la même administration.

(page 802) Ce n'est pas tout. Le 11 juillet 1854 le pétitionnaire réclame au bureau de Saint-Trond deux waggons à petite vitesse pour transporter du bétail à Bruxelles.

Par une falale erreur, toujours attribuée aux employés du chemin de fer, le bétail est conduit à Anvers. Le sieur Roosen se trouvé donc à Bruxelles sans bétail, ne pouvant ni vendre ni livrer à ses pratiques ordinaires, et faisant de ce chef une perte évaluée par lui à 200 fr., plus 24 fr. de transport qu'il a à suppléer, sans compter ses frais et déboursés extraordinaires, ni la perte de plusieurs de ses chalands.

Le 2 janvier 1855, même fatalité. Trois bœufs destinés pour Louvain sont, encore et toujours par une incompréhensible erreur, transportés à Bruxelles.

Enfin, messieurs, aucun envoi ne réussit au pétitionnaire et il a plus que personne le droit d'être mécontent du service de nos voies ferrées Le 8 mai 1855, huit génisses grasses, destinées pour Louvain, passent encore cette dernière ville et arrivent à Bruxelles. Le sieur Roosen se trouve de nouveau sans bétail, et de plus il a à sa charge, outre tous les faux frais, le transport d'aller et retour de Louvain à Bruxelles ; d'où résulte une nouvelle perte estimée à 250 francs.

Faire connaître de telles erreurs, dit le pétitionnaire, est un sûr garant de les voir redresser et régulariser, autant dans l'intérêt du commerce en général que dans celui du suppliant en particulier.

Votre commission, messieurs, a été unanime pour reconnaître que fréquemment il se commet dans l'administration contre laquelle le pétitionnaire réclame, des erreurs regrettables qui sont cause de graves préjudices et obligent les intéressés à s'adresser aux cours de justice et à faire des dépenses souvent considérables. Elle ne conteste donc pas les droits du pétitionnaire ; mais elle est d'avis que lorsque les parties intéressés ne parviennent pas à s'entendre, les tribunaux seuls peuvent débrouiller ces sortes de démêlés. La seule proposition qu'elle puisse vous faire, messieurs, c'est de passer à l'ordre du jour.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Thienpont, rapporteur. - Par pétition datée de Liège, le 10 mai 1855, le sieur Combaire de Sprimont réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir une prompte décision dans un procès qui doit se plaider devant la Cour d'appel de Liège.

Le pétitionnaire se plaint de la lenteur que la cour d'appel de Liège apporte dans la décision des causes qui sont portées devant elle, et par suite, de la nécessité où il se trouvera bientôt réduit, de laisser chômer une usine, donnant du travail à trente familles qui seront sans ouvrage, sans ressources et sans pains.

Votre commission, messieurs, tout en reconnaissant les inconvénients qui parfois peuvent résulter de certaines lenteurs de cette espèce, ne peut pas méconnaître les inconvénients également graves qui résulteraient de l'adoption du principe contraire.

La justice d'ailleurs doit avoir toute liberté d'action, et votre commission ne peut que vous proposer l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Thienpont, rapporteur. - Par pétition datée de Liège, le 18 mai 1855, plusieurs employés du service actif de la douane, attachés au poste de Liège, demandent une augmentation de traitement. La position de ces employés devient effectivement des plus pénibles. La modicité de leur traitement, comparé à leur rude service et à la cherté de toutes les substances nécessaires à la vie, fait que leur plainte ne manque pas de fondement. Le gouvernement en est lui-même convaincu et recherche de son côté des moyens d'améliorer l'état de cette classe d'employés à laquelle nous portons tous le plus vif intérêt.

Votre commission, messieurs, a l'honneur de vous proposer l'envoi de cette pétition à M. le ministre des finances.

- Adopté.


M. Thienpont, rapporteur. - Par pétition datée de Mesnil-Saint-Blaise, le 10 mai 1855, les sieurs Robert et Lemaître, admis comme candidats pour l'emploi de préposé des douanes, réclament l'intervention de la Chambre pour obtenir leur nomination à ces fonctions.

Votre commission, messieurs, pense que la Chambre ne voudra pas servir d'intermédiaire à ces sortes de demandes. En conséquence elle vous propose l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Thienpont, rapporteur. - Par pétition datée de Haut-Vent, le 16 mai 1855, les habitants du hameau de Haut-Vent, commune de Fosses, réclament l'intervention de la Chambre pour qu'on fasse restituer à la commune le terrain dépendant de la place publique du hameau, que le sieur Biot a mis en culture.

Cette pétition est signée par une trentaine d'habitants qui, d'abord, se sont adressés à l'administration communale pour engager celle-ci à prendre des mesures à l'effet d'empêcher cet empiétement.

Après des démarches réitérées et toujours infructueuses auprès de cette autorité, pour obtenir la restitution de ce terrain, les pétitionnaires ont eu recours à la députation permanente, où leurs sollicitations sont restées tout aussi infructueuses.

Votre commission a pensé, messieurs, qu'il n'y avait nul inconvénient à envoyer cette requête, d'ailleurs rédigée en bons termes, à l'appréciation de M. le ministre de l'intérieur.-

- Adopté.


M. Thienpont, rapporteur. - Par pétition datée de Bruxelles, le 15 mai 1855, le sieur de Meyer demande une modification à la loi sur la milice, dans le but de faciliter le remplacement des miliciens par des militaires dont le terme de service est sur le point d'expirer.

Votre commission, messieurs, a l'honneur de vous proposer l'envoi de cette pétition à MM. les ministres de la guerre et de l'intérieur.

- Adopté.


M. Thienpont, rapporteur. - Par pétition datée de Charleroi, le 10 mai 1855, le sieur Ducarme demande que la somme fixée pour les aliments d'un détenu pour dettes soit augmentée.

Votre commission, messieurs, a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, par pétition datée d'Anvers, le 20 juillet 1855, le conseil provincial d'Anvers prie la Chambre de voter un crédit pour rétablir un service de bateaux à vapeur entre Anvers et les communes situées sur les rives de l'Escaut.

Par pétition datée de Burght, le 28 novembre 1855, l'administration communale de Burght demande le rétablissement du service de bateaux à vapeur entre Anvers et Tamise, soit par le gouvernement, soit au moyen d'un subside qui serait accordé à la société Vander Elst.

Les pétitionnaires se plaignent de l'irrégularité du service des bateaux à vapeur et des interruptions longues et fréquentes, à cause du mauvais état du bateau a vapeur actuel, dont les défauts exposent sérieusement la vie des rares voyageurs que l'irrégularité de ses départs n'en a pas encore écartés.

La province a voté, sur les instances du gouvernement, une allocation de fr. 15,000, dans le but d'obtenir un service réglé.

Ils demandent qu'un service régulier soit établi par le gouvernement ou bien qu'un subside convenable soit accordé à la compagnie Van der Elst à cette fin.

Votre commission, appréciant la haute utilité de ce service dans l'intérêt général et particulièrement dans l'intérêt des communes du littoral de l'Escaut, depuis Saint-Amand et Tamise jusqu'à Anvers, a l'honneur de vous proposer le renvoi de ces pétitions à M. le ministre des affaires étrangères.

M. de T'Serclaes. - Messieurs, depuis longtemps déjà on se plaignait de la manière dont a été organisé le service de navigation entre Tamise et Anvers ; ce service est de la plus grande utilité. J'appelle l'attention la plus sérieuse de M. le ministre sur la requête dont l'honorable rapporteur vient de nous entretenir.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - J'accepterai avec plaisir le renvoi proposé par M. le rapporteur de la commission des pétitions, mais j'éprouve le regret de devoir déclarer que je ne suis pas dans l'intention de proposer uu crédit pour rétablir le service de navigation à vapeur entre Anvers et Tamise. J'ai examiné cette question avec la plus grande bienveillance, mais il m'a été impossible de reconnaître que ce service fût un service d'intérêt national. C'est évidemment un service d'intérêt local.

La moyenne des subsides que ce service a coûté au trésor, depuis 12 ans, est de 6,000 francs par an. Il n'y a plus de bateau qui puisse faire ce service, il faudrait en construire un, c'est un crédit de 75,000 fr. que je serais obligé de demander à la Chambre.

Je n'hésiterais pas à le faire si j'y voyais un intérêt général ou même seulement un intérêt s'étendant à deux provinces ; mais je ne puis y voir qu'un intérêt local, l'intérêt de la ville d'Anvers, l'intérêt de quelques communes riveraines de l'Escaut et, à mon très grand regret, il m'est impossible de prendre l'engagement de demander un crédit pour cet objet.

Je crois, messieurs, que ce service peut très bien être livré à l'industrie privée.

Pourquoi l'Etat y perdait-il tous les ans ? Parce que l'Etat ne voulait pas faire concurrence aux beurtmans qui naviguent tous les jours entre Anvers et les communes riveraines de l'Escaut, parce que l'Etat s'était interdit de transporter soit des marchandises, soit des petits paquets, et qu'il transportait exclusivement des voyageurs.

Or, les beurtmans se rendent tous les jours d'Anvers à Burght, à Rupelmonde, à Tamise.

Ces communes ont un beurtman qui va à Anvers et qui en revient tous les jours. Ces beurtmans font très bien leurs affaires en ne transportant que des marchandises et des petits paquets ; une compagnie pourrait très bien organiser un service de bateaux à vapeur, en se chargeant et des voyageurs et des marchandises et des petits paquets, tandis que l'Etat, ne pouvant pas établir un monopole et faire concurrence à l'industrie privée avec l'argent des contribuables, doit nécessairement perdre à une pareille entreprise.

Je le répète, messieurs, je ne puis recommencer ce service qu'en demandant 75,000 fr. pour un bateau à vapeur et 6,000 fr. pour frais de charbon.

M. Van Overloop. - Je reconnais avec M. le ministre des affaires étrangères que le service de bateau à vapeur entre Anvers et Tamise n'est pas d'intérêt national ; mais je crois, d'un autre côté, que c'est un devoir, une obligation morale pour l'Etat de ne pas laisser les communes limitrophes de l'Escaut entre Anvers et Tamise privées de tout services de navigation à vapeur.

(page 803) Peu importe de quelle manière le service s'établira, et je reconnais qu'il vaudrait mieux que l'industrie privée s'en chargeât ; mais si une compagnie ne se présente pas, je crois que l'Etat est moralement obligé d'intervenir par un subside. 1

Et cela pour deux motifs : en premier lieu, quand, il y a quelques années, il s'est agi de créer, aux frais de l'Etat, un service de navigation entre Tamise et Anvers, le gouvernement a dit à la commune de Tamise : Construisez un grand embarcadère, et vous aurez votre service.

Eh bien, la commune de Tamise a fait construire un embarcadère qui a coûté de 30,000 à 40,000 fr. En second lieu, il ne faut pas oublier qu'il s'agit de venir en aide, soit au moyen d'un subside, soit d'une manière directe, à des communes qui contribuent pour une forte part dans les charges de l'Etat et qui ne viennent pas à tout moment puiser dans les caisses du trésor public, comme d'autres localités.

Il me semble donc que si l'Etat ne veut pas se charger lui-même de ce service, ce que j'approuve, il est de toute équité qu'il intervienne à l'aide d'un subside pour faire en sorte qu'un service s'établisse définitivement entre Anvers et Tamise.

Au point de vue de l'équité, je ne puis m'attendre qu'à un accueil favorable de la part de M. le ministre des affaires étrangères.

Je désire donc que la pétition soit renvoyée à ce haut fonctionnaire ; j'espère qu'il la prendra en sérieuse considération. L'honorable M. Loos, qui a demandé la parole, va s'empresser sans doute d'appuyer ce que je viens d'avoir l'honneur de dire à la Chambre.

M. Loos. - Messieurs, l'honorable ministre des affaires étrangères vient de dire qu'il ne renouvellerait pas le bateau destiné au service entre Anvers et Tamise, parce que, selon lui, ce service n'est pas d'un intérêt général, mais d'un intérêt local.

Je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères si l'intérêt général ne se compose pas de la réunion des divers intérêts locaux. Si, par exemple, on consacre une somme de 100,000 fr. à la construction d'un chemin vicinal, n'est-ce pas là un intérêt local, comme celui que présente, d'après M. le ministre des affaires étrangères, la communication entre Anvers et Tamise.

Au surplus, voici, messieurs, l'historique de cette affaire : ou avait considéré en effet que c'était par l'industrie privée que ce service devait être établi.

Une compagnie s'était formée pour l'exploitation du service ; elle avait reconnu que ce service ne pouvait pas être isolé ; qu'il fallait en même temps faire un service de remorque sur l'Escaut et le service du passage vers la Tête-de-Flandre ; la compagnie était disposée à faire ce triple service. La province venant en aide aux dispositions de la compagnie, avait voté en faveur de celle-ci un subside de 15,000 fiants. Mais qu'est-il arrivé ? La compagnie s'est adressée au gouvernement à l'effet d'obtenir, en même temps que le service vers Tamise, le passage vers la Tête-de-Flandre.

Le gouvernement s'est refusé à cette demande, attendu qu'il voulait continuer à exploiter le passage vers la Tête de Flandre, passage qui est d'intérêt local, si le service vers Tamise est d'intérêt local, qu'il entreprendrait lui-même le service vers Tamise et qu'il accepterait le subside voté par le conseil provincial. Le gouvernement n'a donc pas voulu que l'industrie privée se chargeât de ce service ; il s'est mis en lieu et place de l'industrie privée.

Aujourd'hui, par les considérations que M. le ministre a exposées, et qui ont fait rejeter les idées de la compagnie, le service est improductif ; et parce qu'il est improductif, et que d'autre part, on ne veut pas se mettre au-dessus des considérations indiquées par M. le ministre, on supprimera le service, et on met une compagnie particulière dans le cas de ne pas pouvoir exploiter ce service. Il est impossible que le service s'exploite par une compagnie, s'il ne s'applique pas à la fois et au passage vers la Tête-de-Flandre et à la remorque sur l'Escaut.

Après le refus fait par le gouvernement de livrer le service à une compagnie particulière, il y a, selon moi, obligation pour l'Etat de continuer le service. Mais qu'il le continue dans des conditions plus favorables que celles qu'il s'est créées.

J'entends mettre en avant des considérations en faveur de l’intérêt privé, ces motifs ne sont respectés sur aucun point. Quand le gouvernement a établi des lignes de chemin de fer, il n'a pas été demander aux voituriers qui desservaient la route s'il leur convenait qu'il transportât les petits paquets et les marchandises. Quand le gouvernement établit un service, il doit le faire dans les meilleures conditions possibles pour le public et pour lui.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - L'honorable M. Loos compare le service entre Anvers et Tamise à des routes que le gouvernement construit entre deux localités. Il me semble cependant qu'il n'y a pas de parité. Si l'on construit une route d'un côté, on en construit aussi de l'autre, et tout le pays finit par en obtenir, mais le gouvernement ne peut pas établir des communications par bateau à vapeur dans toutes les localités du pays.

La province de Liège a de nombreuses communications par bateaux à vapeur, notamment entre Liége et Maeslricht et entre Liège et Huy. L'Etat ne donne aucune espèce de subside.

Les rives de la Meuse ne sont pas plus peuplées que les bords de l'Escaut, par conséquent une entreprise privée faisant le service de l'Escaut aurait autant de chances de prospérer que celle dont les bateaux naviguent sur la Meuse.

Il y a deux ans que le service dont on réclame le rétablissement est supprimé ; lors de cette suppression, une entreprise particulière a été organisée, le ministre des affaires étrangères lui a montré toute la sympathie possible.

J'ai rendu à M. Vander Elst les services qu'il était en mon pouvoir de lui rendre ; à propos de fêtes je lui ai prêté un bâtiment de l'Etat, à condition qu'il rembourserait les frais et dépenses pour le charbon. Il a eu ainsi tout le profit du bâtiment que je mettais à sa disposition.

Tous les avantages que j'ai pu lui faire, il les a eus, à l'exception d'un subside.

Je suis très sévère pour ce qui concerne les subsides. Comme représentant je les ai toujours combattus ; aujourd'hui que je tiens une des six clefs du trésor, c'est pour moi une affaire de conscience de n'y puiser que pour payer des dépenses d'intérêt général.

Dans cette circonstance, il m'est extrêmement pénible de devoir résister aux instances de certains membres de la Chambre. Le service dont il s'agit a une très grande importance pour quelques communes d'un arrondissement que j'ai eu l'honneur de représenter pendant douze ans dans cette enceinte ; ma famille y est peut-être la plus intéressée, car il ne se passait pas de jour sans que quelqu'un de ses membres fût sur le bateau. Ainsi tous les motifs particuliers possibles se réunissaient pour me rendre sympathique à ce service, mais il m'était impossible de lui trouver le moindre intérêt général.

Or, pour le rétablir, je devrais d'abord demander une allocation de 75,000 fr., puis 6,000 fr. par an. Je crois que l'intérêt privé, s'il était bien convaincu que l'Etat ne reprendra pas le service, ce dont on a douté longtemps, mais si l'intérêt privé avait cette conviction, il s'en chargerait et ferait de très bonnes affaires.

Je ne sais trop s'il me sera possible de donner à cette entreprise le passage d'eau entre Anvers et la Tête-de-Flandre ; ceci n'est pas du tout un objet d'intérêt privé.

Ce passage d'eau est mis à la charge de l'Etat par une loi de la république de je ne sais plus quelle année.

Il est certain que l'Etat doit se charger du passage d'eau entre la province d'Anvers et la Flandre orientale. Ceci est d'un intérêt général.

Je ne savais pas qu'autrefois l'industrie privée avait demandé de réunir le passage d'eau à la navigation entre Anvers et Tamise. Au premier abord, je ne vois pas pourquoi l'Etat ne pourrait pas céder à l'industrie privée le passage d'eau entre Anvers et la Tête-de-Flandre, avec des conditions très rigoureuses pour que les passagers soient toujours certains d'être aussi bien servis par l'industrie privée que par le gouvernement. C'est une question qui m'est tout à fait étrangère en ce moment. Mais je l'examinerai avec soin et sympathie, et si je n'y trouve pas d'obstacle, je suis tout disposé à donner à l'industrie privée le passage d'eau en même temps que la navigation vers Tamise.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Je dois me joindre aux honorables préopinants pour demander le rétablissement du service des bateaux à vapeur entre Anvers et Tamise. L'honorable ministre des affaires étrangères convient de l'importance de cette communication. Il dit cependant qu'il ne peut intervenir dans cette affaire par des subsides, mais il ne doit pas perdre de vue qu'à une autre époque il a pesé lui-même sur le conseil provincial d'Anvers, qui a voté un subside de 15,000 fr. dans l'intérêt de cette communication, et sur la commune de Tamise, qui a fait un débarcadère pour lequel elle a dépensé une somme de 30,000 fr.

Ce n'est pas lorsqu'on a fait toutes les démarches possibles, que l'on a pesé sur les localités dans l'intérêt d'un service d'ailleurs d'une utilité générale, qu'on peut abandonner à elles-mêmes ces localités importantes, qu'on peut supprimer un service qui, j'en ai la conviction, est d'un intérêt général.

It est général en ce sens qu'il établit entre la métropole du commerce de la Belgique et toutes les localités intéressées jusqu'à Tamise et les Flandres, une communication qui est tout a fait dans l'intérêt général.

Je ne puis donc que me joindre aux honorables membres et insister auptès du gouvernement non pour qu'il établisse lui-même un service, mais pour qu'il voie s'il n'est pas possible d'aider par un subside la société qui se chargerait d'établir cette communication.

M. Rodenbach. - Messieurs, je pense qu'il faut abandonner cette affaire à l'industrie privée, Sous le gouvernement de Napoléon (je me rappelle alors avoir passé à Tamise moyennant un droit de passage sous le gouvernement hollandais, sous tous les gouvernements), le service des rives de l'Escaut était soutenu et payé par ceux qui en faisaient usage ; c'était l'industrie privée qui se chargeait de ce service.

Les honorables préopinants disent que la circulation entre les communes riveraines de l'Escaut est très considérable. C'est un motif de plus pour que l'industrie privée se charge de ce service, c'est une preuve qu'il produira des résultats avantageux.

Messieurs, des diligences sont établies partout pour transporter les voyageurs. Si des entrepreneurs de diligence venaient vous demander des subsides, la question serait la même. Je trouve que le gouvernement ne doit pas intervenir dans de pareilles entreprises.

Il faudrait une première dépense de 75,000 francs ; l'Etat aurait à subir chaque année une perte de 6,000 francs.

Je m'oppose de toutes mes forces à ce que l’Etat intervienne dans une semblable affaire.

(page 804) M. Osy. - Je partage l'opinion de M. le ministre des affaires étrangères, que partout où l'industrie privée peut agir, le gouvernement doit s'abstenir. Mais il se présente ici une question assez difficile. Le, gouvernement a engagé la commune de Tamise à faire un débaecadère et lui a promis un service de bateaux à vapeur. Cette commune a fait une dépense considérable, qui se monte à 30,000 fr. Est-il juste que le gouvernement ne tienne pas la promesse en vue de laquelle cette dépense a été faite ?

M. le ministre des affaires étrangères dit que le gouvernement ne peut rétablir ce service parce qu'il n'est pas dans l'intérêt général. Mais déjà le gouvernement fait un service semblable dans un intérêt privé. Il y a un bateau à vapeur au service du chemin de fer d'Anvers à Gand. Le transport des voyageurs pour ce chemin de fer se fait par le bateau à vapeur de l'Etat.

Messieurs, je désire le rétablissement du service de bateau à vapeur entre Anvers et Tamise, et je crois que si le gouvernement voulait abandonner à l'industrie privée le service entre Anvers et la Tête-de-Flandre, les habitants des rives de l'Escaut obtiendraient ce qu'ils demandent, c'est-à-dire que l'industrie privée se chargerait d'exploiter en même temps le service pour la Tête-de-Flandre, et le service pour Tamise ; ce serait un avantage pour le gouvernement, car aujourd'hui les dépenses ne sont pas couvertes par les recettes.

J'engage M. le ministre des affaires étrangères à examiner cette question.

M. Sinave. - Depuis cinq ou six ans nous voyons se reproduire la même demande. Je suis un de ceux qui se sont opposés de toutes leurs forces à la demande des pétitionnaires. Je ne comprends pas cette persistance de la part d'Anvers a établir, aux dépens du gouvernement, une exploitation sur l'Escaut. Nous avons, ce me semble, assez d'embarras avec les bateaux à vapeur que nous possédons en ce moment ; ils causent assez de désagrément au gouvernement pour qu'on ne vienne pas le pouser à se mêler de nouvelles entreprises du même genre. Je crois, au contraire, qu'il serait très satisfait de se débarrasser des obligations qu'il a contractées de ce chef.

Je félicite M. le ministre de la résolution qu'il a prise au sujet du service à vapeur entre Anvers et la Tête-de-Flandre. Si cette résolution avait été prise depuis cinq ou six ans, nous ne nous trouverions certainement pas dans la position où nous sommes, nous ne devrions pas payer des millions.

J'ajouterai que si l'on veut poursuivre cette affaire, il sera très facile de livrer à l'industrie privée le passage d'eau de la Tête-de-Flandre. Il est vrai que si l'industrie privée ne s'en charge pas, le gouvernement doit s'en charger. Mais il n'y a pas le moindre doute qu'aujourd'hui, avec les passagers qu'amène le chemin de fer, l'industrie privée y trouverait son profit.

J'engage M. le ministre à persister dans cette voie, de livrer à l'industrie privée l'exploitation en question ; c'est la bonne et je le félicite de l'avoir adoptée.

Je saisis cette occasion pour prévenir M. le président que demain je ferai mes interpellations au gouvernement concernant la « Belgique ».

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Je promets à la Chambre d'examiner avec sympathie l'idée qui vient de se faire jour : C'est celle de combiner le service d'Anvers à Tamise avec le passage d’eau d'Anvers à la Tête de Flandre ; ce passage d'eau est une charge de l'Etat à laquelle il ne peut se soustraire.

Maintenant j'ai un mot à répondre à l'honorable M. Sinave.

L'honorable M. Sinave dit qu'il est fâché que le gouvernement n'ait pas toujours eu l'attitude que je prends aujourd'hui relativement à tous les services de navigation à vapeur.

Il y a une différence immense à faire entre le service entre Anvers et Tamise et le service d'Anvers à New-York, qui est un service tout à fait dans l'intérêt général et que je défendrai jusqu'au bout, quelque embarras que l'honorable M. Sinave puisse me donner, parce que les embarras d'un ministre des affaires étrangères sont extrêmement peu de chose en présence de l'intérêt du pays.

M. de Mérode. - J'engage beaucoup le gouvernement à ne pas se charger de nouveaux transports de voyageurs et de marchandises. Il a déjà assez à faire avec l'administration des chemins de fer. Beaucoup de localités d'ailleurs manquent de moyens de communication. Ainsi, autrefois, il y avait une diligence entre Chimay et Mons. Cette diligence a été supprimée à cause de l'établissement de certain chemin de fer, et toutes les localités qui se trouvent entre Mons et Chimay n'ont plus de moyens de communication. Dira-t-on que le gouvernement est obligé de leur en fournir un ? Quant à moi, je n'émettrai pas une semblable prétention.

Il y a aussi une route entre Anvers et Tamise. Cette route est viable pour tout le monde ; on peut y établir une diligence. Sur la rivière qui est à côté, il y a des services de beurtmans qui suffisent, paraît-il, aux besoins principaux des habitants, puisqu'on n'établit pas d'autres moyens de communication. Si la création d'un service nouveau de transport devait présenter de grands avantages, elle se ferait par l'industrie privée.

Je crois donc que le gouvernement fera bien de s'en tenir à son passage d'eau de la Tête-de-Flandre. Je serai même charmé s'il peut céder ce passage et amener ainsi le rétablissement d'un service vers Tamise, à condition qu'il n'en coûte rien à l'Etat.

M. Sinave. - Je n'ai qu'un mot à ajouter. L'honorable ministre vient de dire qu'il ne faut pas confondre le service des bateaux transatlantiques avec le service d'Anvers à Tamise. Messieurs, j'attirerai votre attention sur ce qui s'est passé depuis que vous avez voté les 330,000 fr. de subside à la ligne du Levant. Huit jours après ce vote une société s'est constituée et elle exploite cette ligne avec plusieurs bateaux à vapeur, malgré la perspective qu'elle a de rencontrer dans deux ou trois ans, la concurrence du gouvernement, elle exploite ; un bateau est déjà parti et il en partira un tous les mois.

C'est une preuve que l'on peut s'en rapporter à l'industrie privée, que les subsides sont inutiles, nuisibles, un embarras pour le gouvernement et une perte pour les contribuables.

M. de T’Serclaes. - Messieurs, il ne s'agit pas de prendre aujourd'hui une décision au fonds, M. le ministre des affaires étrangères a saisi l'occasion de nous faire connaître sa pensée qui n'est point favorable au rétablissement aux frais de l'Etat, de la ligne de navigation entre Anvers et Tamise. Il importe cependant de tenir grand compte des réclamations que vous venez d'entendre, des adresses des conseils provinciaux, des droits de la commune de Tamise, et des précédents de la question. Le gouvernement nous promet un examen nouveau, pour le moment cela doit suffire, mais je ne puis me dispenser de répondre quelques mots à l'honorable M. de Mérode.

Veuillez remarquer, messieurs, que l'on ne demande aucunement une innovation ; le service qui nous occupe, a été établi depuis plus de 15 ans, après une enquête sérieuse, dont la Chambre a été juge ; après une mûre délibération qui a constaté à toute évidence l'utilité, la nécessité de cette exploitation.

L'honorable M. de Mérode dit qu'il y a d'autres voies pour aller d'Anvers à Tamise, mais personne ne niera que le débouché le moins dispendieux, le plus court et le plus commode pour les nombreux établissements, usines et industries qui se sont établis sur les bords de l'Escaut, est assurément la navigation du fleuve. Il y a là une population nombreuse, active, produisant énormément, que vous privez de toute communication directe avec les chemins de fer.

Cela est-il juste, raisonnable, utile ? L'intérêt des localités que desservait la ligne d'Anvers à Tamise est certainement des plus importants, et ce n'est point à la légère que les Chambres ont reconnu que l'intérêt général était engagé dans cette question. On ne peut, comme l'honorable préopinant le prétend, obliger ces populations à se priver d'une voie qui est à leurs portes, pour chercher les voies lentes et coûteuses des chaussées.

- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée du 11 août 1854, la supérieure de l'hôpital civil d'Aerschot, de Tirlemont et de Vilvorde, la commission des hospices civils et du bureau de bienfaisance d'Aerschot, et le collège des bourgmestre et échevins de cette ville, présentent des observations contre la disposition d'un projet de loi sur l'exercice de l'art de guérir, qui porte défense aux directeurs des établissements de charité de faire ou laisser vendre ou distribuer des remèdes ou médicaments, excepté dans des communes où il n'existe pas d'autres pharmacies.

Les pétitionnaires, à l'appui de leur demanderont valoir les considérations suivantes : L'article 14 du projet de loi sur l'art de guérir est conçu comme suit :

« Il est défendu aux directeurs de ces institutions de faire ou laisser vendre ou distribuer des remèdes ou médicaments, excepté dans des communes où il n'existe pas d'autre pharmacie, etc., etc.

« Cet article tend évidemment, messieurs, à nous enlever un droit acquis : il est de plus en opposition avec l'esprit général de notre Constitution.

« Les pharmaciens des établissements de bienfaisance sont diplômés comme tout autre pharmacien. Comme tout autre, ils jouissent de la faculté de pouvoir débiter tous les médicaments connus : ils sont assujettis aux lois qui nous gouvernent, aux règlements en vigueur sur la matière, ils payent la patente, etc., etc., nous avons pu, sous leur responsabilité, jusqu'ici, livrer de médicaments indistinctement à toutes les personnes qui daignaient nous honorer de leur confiance. Nous possédions, en effet, les garanties de capacité que réclame la société. En nous enlevant ce droit, on ne blesse pas seulemcnt nos intérêts à nous, on blesse les prérogatives des pharmaciens, qui ont seuls le droit d'ériger une officine pour le débit de leurs médicaments, là où bon leur semble ; on blesse au surplus un principe de notre pacte fondamental, la liberté des industries. Le citoyen comme l'étranger, sur notre sol constitutionnel, doit pouvoir s'adresser librement, à toute personne diplômée qu'ils trouvent digne de disposer d'un droit aussi sacré que celui de l'existence.

« Ce principe, messieurs, on l'a reconnu dans le projet qui vous est soumis, pour les médecins de ces établissements ; pourquoi faire une exception pour les pharmaciens ?

« Les rédacteurs du projet nous objecteront, peut-être, que nous nous devons tout entiers aux établissements que nous desservons. C'est vrai, nous le reconnaissons, et jamais nous ne faillirons au devoir qui nous incombe. Nous sommes d'ailleurs sous le contrôle incessant de l'administration. Il en est de même pour celui qui dirige notre pharmacie, lequel subit encore le contrôle des commissions médicales, et si celles-ci l'aperçoivent qu'il faiblit dans son devoir, elles ont toujours des (page 805) moyens eoerciiifs, elles peuvent même le renvoyer et dès lors son avenir est brisé, puisqu'il repose sur la confiance du public.

« Notre intérêt donc se joint à un devoir de conscience, pour que nous nous acquittions fidèlement de nos fonctions. Celles-ci au reste nous laissent bien des moments pour desservir le public. Au surplus, ne voit-on pas qu'en nous enlevant ce droit dans l'intérêt des hospices, on va à l’encontre même de cet intérêt. En effet, une partie de notre subsistance consiste dans la clientèle qui nous vient du dehors ; ils (les hospices) devront nécessairement augmenter les prix des journées des malades, et, quant au pharmacien diplômé qui devra actionner dans l'établissement seul, son traitement sera toujours porté au même chiffre.

« Les soussignés ont l'honneur de vous soumettre, MM. les représentants, ces réflexions à vos lumières, dans la confiance que vous en apprécierez toute la valeur et l'importance. Ce faisant vous ajouterez un titre méritoire de plus à ceux que la nation vous doit à si juste retour. »

Votre commission, messieurs, a pensé que les pétitionnaires ont été induits en erreur par une fausse interprétation de l'article 14 du projet de loi, ce qui a donné lieu à leur réclamation à ce sujet.

Elle a cru,qu'il n'est jamais entré dans l'intention du législateur de défendre au pharmacien, légalement diplômé et patenté, de vendre ou débiter toute espèce de médicaments, simples ou composés d'après la pharmacopée légale, mais ce que le législateur a voulu défendre, c'est que les directeurs ou autres personnes attachées aux hospices, et étrangères à l'art de guérir, se permettent de faire ou laisser vendre ou distribuer des remèdes ou médicaments ; que si tel était le but des pétitionnaires, elle devrait vous proposer l'ordre du jour sur leur demande. Mais elle a pensé que, comme il s'agit d'une saine interprétation de l'article 14 susdit, elle a cru pouvoir vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre de l'intérieur.

- Adopté.


M. Van Renynghe, rapporteur. - Par pétition datée d'Anvers, le 15 janvier 1856, les sieurs Meslaagh et Cie demandent la restitution d'un droit d'enregistrement auquel s'est trouvé assujetti un contrat qui a été annulé de commun accord entre les parties, sans avoir reçu de commencement d'exécution.

Conclusions : Renvoi à M. le ministre des finances.

- Adopté.


M. Van Renynghe, rapporteur. - Par pétition datée d'Anvers, le 8 février 1856, la chambre de discipline des notaires de l'arrondissement d'Anvers demande que les actes de partage et de liquidation, ainsi que les actes et procès-verbaux de vente de biens meubles et immeubles moyennant des prix séparés ; de propriétés immobilières divisées en plusieurs lots dont quelques-uns sont retirés ; de biens situés dans différents arrondissements ne soient soumis à la transcription que sur extrait relatant tout ce qui intéresse la translation de la propriété.

Conclusions : Renvoi à MM. les ministres de la justice et des finances.

M. Lelièvre. - Il est évident qu'il ne peut être question de réviser actuellement la loi de réforme du système hypothécaire, mais je pense que M. le ministre des finances, par des instructions conformes à la véritable portée de la loi et à l'esprit qui a présidé à sa rédaction, pourrait prévenir les inconvénients signalés par les pétitionnaires. Je recommande donc la question dont il s'agit à l'examen sérieux de M. le ministre des finances.

- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.


M. Van Renynghe, rapporteur. - Par pétition datée de Reckheim, le 7 février 1856, le sieur Clément, premier commis aux écritures au dépôt de mendicité de Reckheim, demande que les employés de cet établissement soient admis à participer au subside alloué en faveur des employés provinciaux.

Conclusions : Renvoi à MM. les ministres de la justice et de l'intérieur.

- Adopté.


M. Van Renynghe, rapporteur. - Par pétition datée de Liège, le 30 janvier 1856, la dépulation permanente du conseil provincial de Liège prie la Chambre de voter un nouveau crédit pour l'exécution de travaux d'hygiène dans les villes et communes.

Conclusions : Renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

- Adopté.


M. Van Renynghe, rapporteur. - Par pétition datée de Brée, le 21 janvier 1856, des habitants du canton de Brée demandent que la chasse au gibier d'eau dans les marais et le long des rivières continue d'être permise jusqu'au 1er mai prochain,

Conclusions : Renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

- Adopté.


M. Van Renynghe, rapporteur. - Par pétition datée de Namur, le 21 janvier 1856, plusieurs avoués près le tribunal civil de Namur demandent la révision du tarif des frais en matière civile.

Conclusions : Renvoi à M. le ministre de la justice.

- Adopté.

M. Lelièvre. - La réclamation des avoués de Namur est parfaitement fondée. En présence des lois nouvelles, notamment celle sur l'expropriation forcée, un tarif en matière civile devient indispensable ; d'un autre côté le tarif de 1807 n'est plus en harmonie avec les nécessités actuelles, la valeur monétaire étant notablement diminuée.

Je prie M. le ministre de la justice de bien vouloir publier le tarif dont il s'agit dans le plus bref délai ; qu'il ne perde pas de vue que ce tarif est promis et attendu depuis 1849.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Van Renynghe, rapporteur. - Par pétition datée de Gand, le 16 février 1856, le sieur Maur demande que les ventes publiques dont il est question à l'article 3 de la loi du 23 décembre 1851, sur les mutations par décès, soient celles des immeubles d'au moins dix hectares, et qu'à défaut ou prenne le multiple le moins élevé des communes du canton.

Conclusions : Renvoi à MM. les ministres de la justice et des finances.

- Adopté.


M. Deliége, rapporteur. - Par pétition du 8 janvier dernier, l'administration communale de la ville de Mons demande qu'il soit apporté des modifications au système de division des athénées en quatre classes créé par la loi du 1er juin 1850.

La loi du 1er juin 1850 n'est en vigueur que depuis quelques années. Nous ne croyons pas que le gouvernement soit porté à y proposer actuellement des modifications. Cependant nous avons l'honneur de vous proposer le renvoi à M. le ministre de l'intérieur de la pétition qui vous a été transmise par l'administration communale de Mons

- Adopté.


(erratum, page 815) - M. Deliége, rapporteur. - Par pétition du 2 janvier dernier, plusieurs propriétaires et industriels demandent l'exécution des travaux de canalisation de l'Ourlhe.

L'importance de cette pétition nous a engagé à demander au département des travaux publics des renseignements sur le degré d'avancement d'un travail d'une haute utilité, travail dont l'exécution est promise depuis plus de trente ans. Voici la note que nous avons reçue de M. le ministre :

« Tout le monde est d'accord sur l'utilité qu'il y a à ce que la canalisation de l'Ourthe soit achevée le plus prochainement possible. C'est surtout l'industrie métallurgique qui, à cause des difficultés qu'elle éprouve aujourd'hui à se procurer des minerais de fer, insiste vivement pour obtenir promptement cette canalisation, parce que celle-ci faciliterait le transport des minerais des nombreux dépôts existants dans les localités traversées par l'Ourthe.

« Ce qui s'était opposé jusqu'à ce jour à ce que la société concessionnaire reprît sérieusement ses travaux, ç'a été le refus du gouvernement de consentir à ce que la société, qui, aux termes de son contrat, est tenue d'établir des barrages mobiles, remplaçât les ouvrages de ce genre par des barrages fixes.

Voulant faire disparaître cet obstacle à la reprise des travaux, le gouvernement vient d'autoriser la société à faire usage de barrages fixes, à la condition, acceptée par elle, de remplacer ces ouvrages par des barrages mobiles, aussitôt que le gouvernement le jugerait nécessaire.

« Il est à espérer dès lors que les travaux seront repris prochainement et poussés avec activité. »

La commission des pétitions vous propose, messieurs, de transmettre la pétition dont s'agit au département des travaux publics, chargé de surveiller l'exécution des engagements souscrits par la société du Luxembourg.

M. Lelièvre. - Je recommande l'objet énoncé en la pétition à la sollicitude de M. le ministre.

Il s'agit de travaux d'une utilité considérable. Ils sont attendus avec impatience par de nombreuses populations. On ne saurait les activer assez promptement.

Je prie le gouvernement de ne pas perdre de vue l'exécution de la canalisation énoncée à la réclamation.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Deliége, rapporteur. - Par pétition du 20 décembre 1855, des habitants de Frasnes, Villers, Perwez, Houtain-le-Val, Sart-Dames-Avelines, Rêves, Liberchies, Baisy-Thy et Mellet, prient la Chambre d'accorder au sieur Lebeau la concession d'un chemin de fer direct de Charleroi à Bruxelles.

Nous croyons devoir, messieurs, vous proposer le renvoi de cette pétition à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi relatif à la concession de plusieurs lignes de chemins de fer.

- Adopté.


M. Deliége, rapporteur. - Par pétition datée du 14 décembre 1855, le sieur Desforge, agronome, domicilié à Zoersel, province d'Anvers, demande l'achèvement du canal de jonction de la Meuse à l'Escaut par Saint-Job-in 't Goor, ou du moins provisoirement le dégorgement des fossés de la Campine et l'établissement de petits bateaux pour le transport des engrais et des produits du sol.

L'achèvement du canal de jonction de la Meuse à l'Escaut par Saint-Job-in 't Gor est un des travaux utiles, dignes de l'attention des Chambres et du gouvernement. Nous vous proposons donc le renvoi de la pétition du sieur Desforge au département des travaux publics.

- Adopté.


M. Deliége, rapporteur. - Par pétition, datée de Jemeppe-sur-Sambre, le 10 décembre 1855, beaucoup d'habitants de cette commune demandent que l'existence des fabriques de produits chimiques, et celle d'Auvelais en particulier, soit régularisée par des autorisations suffisantes ; que les appareils dont on se sert dans ces usines soient changés et améliorés de manière à ne laisser échapper aucune émanation nuisible à la santé des hommes, aux récoltes et aux arbres fruitiers et forestiers ; enfin que l'administration provinciale fasse procéder promptement à l'expertise des dommages causés aux propriétés voisines et notamment aux biens communaux qui sont si endommagés.

Dans votre séance du 21 décembre dernier, votre commission des pétitions vous a fait, par l'organe de l'honorable M. Moreau, un rapport dans lequel l'insuffisance de notre législation sur les établissements insalubres a été démontrée. L'extension donnée, depuis quelques années, à plusieurs de ces établissements a été pour les propriétés voisines une véritable expropriation. Dans plusieurs localités, les dommages causés ont été payés tantôt avec, tantôt sans l'intervention de l'autorité judiciaire, à laquelle la loi défère les questions relatives à ces dommages.

Votre commission des pétitions émet le voeu qu'une loi, conciliant l'intérêt de l'industrie avec le respect dû à la propriété, intervienne le plus tôt possible et qu'en attendant le gouvernement veille à l'exécution des lois existantes.

Le prompt payement des dommages causés et constatés amiablement, des efforts soutenus pour empêcher ou au moins atténuer ces dommages, quand l'autorisation voulue a été accordée, sont des palliatifs qui devraient au moins être employés partout.

La promesse d'une récompense honorifique et d'un prix d'une certaine importance stimulerait les recherches des hommes de science (page 806) qui pourraient enfin trouver le moyen, soit de renfermer dans l’établissement les émanations insalubres, soit de les transformer en les brûlant.

La commission des pétitions est convaincue que le gouvernement ne faillira pas à sa tâche et qu'il prendra, dans un bref délai, les moyens nécessaires pour que justice soit faite aux pétitionnaires.

Nous avons l'honneur de vous proposer à cette fin le renvoi de la pétition des habitants de Jemeppe-sur-Sambre à M. le ministre de l’intérieur.

Messieurs, ce rapport était écrit avant que nous eussions connaissance du rapport au Roi et de l'arrêté royal qui viennent de paraître au Moniteur.

M. Rodenbach. - Messieurs, on est parvenu aujourd'hui à empêcher les émanations nuisibles dans les usines. J'en citerai pour preuve l'hôtel des monnaies de Bruxelles qui peut être proposé pour modèle aux étrangers. Depuis peu de temps, grâce à la haute intelligence du directeur, tous les inconvénients dont on se plaignait ont complètement disparu.

Il y a une chambre qui est doublée en plomb et là toutes les émanations nuisibles à la santé se condensent et se transforment en acides susceptibles d'être utilisés.

C'est une invention qui fait réellement honneur à la Belgique et à ses ingénieurs ; j'ai été à même de l'apprécier et je puis assurer qu'il n'y aura plus de plainte de la part des voisins. Du resté, on peut s'en convaincre, car la Monnaie est ouverte à tous ceux qui veulent se rendre compte de ce nouveau procédé.

En Angleterre on a également employé des moyens de ce genre : la fumée des machines à vapeur qui causait autrefois tant d'inconvénients est aujourd'hui utilisée grâce à des procédés de la nature de ceux dont on se sert à la Monnaie de Bruxelles. Elle est brûlée une seconde fois, ce qui constitue un profit pour les établissements en même temps, qu'un grand avantage pour la salubrité publique.

- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées..

La séance est levée à 4 heures trois quarts.