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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 5 mai 1856

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1855-1856)

(Présidence de M. Rousselle, deuxième vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1314) M. de Perceval procède à l’appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Ansiau lit le procts-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la Chambre

M. de Perceval présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Des habitants de Morlanwelz prient la Chambre de nepas autoriser l'établissement du chemin de fer de Mariemont à Marchienne, proposé par le Sieur Mourlon, et d’ccoder à la société de Haussy-Rasquin la concession d’une ligne de Charleroi à Jurbise. »

Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à la concession de plusieurs lignes de chemin de fer.


« Le sieur de Potter rectifie des faits contenus dans la pétition du comte Vander Meere et demande l’insertion de sa lettre aux Annales parlementaires.

M. de Renesse. - M. de Potter, ancien membre du gouvernement provisoire, a cru devoir adresser à la Chambre quelques observations sur le mémoire que le comte Vander Meere, a fait parvenir à la Chambre, et qui a été inséré au Moniteur. Je crois que la pétition de M. de Potter doit pareillement être imprmée dans les Annales parlementaires, j'ai donc l'honneur de proposer a la Chambre de vouloir ordonner l’insertion de cette pièce au Moniteur.

M. de T’Serclaes. - Messieurs, je ne pense pas que la Chambre veuille faire insérer dans les Annales parlementaires une pétition dont le texte n'est connu ni de l'assemblée, ni même du bureau.

M. de Renesse. - Je ferai remarquer à la Chambre, que si l'on a ordonné l'impression au Moniteur du mémoire que le comte Vander Meere a fait parvenir à la Chambre, ainsi que la lettre de l'honorable M. de Brouckere, bourgmestre de Bruxelles, il serait aussi convenable de faire insérer aux Annales parlementaires les observations et rectifications présentées par M. de Potter.

M. Delfosse. - Messieurs, les documents dont parle l'honorable M. de Renesse ont été insérés dans les Annales parlementaires, après avoir passé sous les yeux de la commission ; il convient de suivre la même marche dans cette circonstance ; mais pour rester dans l'ordre d'idées de l’honorable M. de Renésse, il y a lieu de demander un très prompt rapport.

- La pétition de M. de Potter est renvoyée à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport.


« La chambre de commerce des arrondissements d'Ypres et de Dixmude prie la Chambre de porter à 50 années la garantie de minimum d'intérêt accordée aux concessionnaires du canal de Bossuyt à Courtrai. »

M. Vandenpeereboom. - Messieurs, des pétitions ont déjà été adressées à la Chambre relativement au canal de Bossuyt à Courtrai ; ces pétitions ont été renvoyées à la section centrale qui a examiné le projet de loi concernant divers chemins de fer. Je proposerai de lui renvoyer aussi ta pétition dont on vient de présenter l'analyse. Cette section centrale a parlé dans son rapport du canal de Bossuyt à Courtrai.

M. Lesoinne. - La section centrale a fait son rapport ; on pourrait se borner à déposer la pétition sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.

M. le président. - Je ferai remarquer que, dans une séance précédente, M. le ministre des travaux publics a annoncé qu'il déposerait un projet de loi relatif au canal de Bossuyt à Courtrai.

Projet de loi relatif au canal de jonction de l’Escaut à la Lys, entre Bossuyt et Courtrai

Dépôt

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau un projet de loi, concernant le canal de jonction de l’Escaut à la Lys, entre Bossuyt et Courtrai.

- Il est donné acte à M. le ministre des travaux publics de la présentation de ce projet de loi.

M. Vandenpeereboom. - Messieurs, je demanderai que ce projet de loi soit renvoyé à la section centrale qui a examiné les divers projets de chemins de fer.

Je ferai remarquer que la concession du canal de Bossuyt est déjà accordée ; il ne s'agit que d'une mesure complémentaire, d'une prolongation du délai de garantie.

Cette question se rattache à celle des chemins de fer que la commission a examinés ; il y a donc avantage et célérité à lui renvoyer le projet de loi qui vient d'être déposé. La Chambre a ajourné dernièrement la discussion du projet de chemin de fer de Luttre à Denderleeuw, jusqu'à ce qu'elle fût saisie du rapport sur les autres chemins de fer ; les mêmes motifs existent aujourd'hui pour en agir ainsi ; le canal de Bossuyt à Courtrai est dans le même ordre d'idées que le chemin de fer de Braine-le-Comte à Courtrai.

Or la section centrale pourrait utilement examiner les deux-projets. J'en fais la proposition.

M. David. - L'objet de ce projet est trop capital pour que nous prenions la résolution de l'envoyer directement à la section centrale et de le laisser arriver à la discussion publique sans en rien connaître, sans l'avoir examiné d'abord en sections. Je demande que ce projet soit renvoyé à l'examen des sections.

M. Sinave. - Il n'y a plus lieu à renvoyer à l'examen des sections, le projet a été examiné en sections, le minimum d'intérêt a été décidé, il s'agit seulement de savoir si on étendra la concession de 30 à 50 années.

M. de Mérode. - Il est important de savoir si on payera ce minimum d'intérêt pendant trente ou cinquante années.

M. Vander Donckt. - Il paraît qu'on veut maintenant en toute circonstance faire passer par dessus toutes les habitudes de la Chambre. La règle est de renvoyer à l'examen des sections les projets de lois dont nous sommes saisis. Celui qui vient de vous être présenté est assez important puisqu'il a pour objet d'étendre de trente à cinquante années une concession avec garanlie de minimum d'intérêt. Il est rationnel de le renvoyer à l'examen des sections.

M. Vandenpeereboom. - Messieurs, il ne s'agit pas d'un projet nouveau, mais de l'extension de la durée de la garantie. Il serait à désirer que ce projet fût examiné en même temps que les projets de chemins de fer dans la même direction que le canal.

M. de Mérode. - Messieurs, il s'agit d'une extension de garantie de trente à cinquante ans, c'est-à-dire du double à peu près, ou du moins des deux cinquièmes ; ce n'est pas peu de chose que toutes ces garanties qu'on met à la charge du budget ; il ne suffit pas de les inscrire, il faut payer. Si personne ne veut du canal avec garantie d'un minimum d'intérêt pendant trente ans, c'est qu'il n'est pas fort avantageux.

M. le président. - Le projet et l'exposé des motifs seront imprimés et distribués.

Il s'agit de savoir si l'examen aura lieu par les sections ou par la section centrale chargée d'examiner les projets relatifs à diverses concessions de chemin de fer.

- La Chambre consultée renvoie le projet de loi à l'examen des sections.

La pétition dont l'analyse a été présentée à la Chambre est renvoyée à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi.

Pièces adressées à la Chambre

« Les membres du conseil communal et des habitants de Houttave demandent l’approfondissement du canal de Blankenberghe et le rétablissement de son écluse. »

- Même renvoi.


« M. Tack, rappelé chez lui par la maladie d'un membre de sa famille, demande un congé. »

- Accordé.

Projet de loi accordant des crédits supplémentaires au budget du ministère des travaux publics

Motion d'ordre

M. de Man d'Attenrode (pour une motion d’ordre). - Messieurs, je me suis élevé souvent et avec force sous les administrations précédentes contre le sysième invétéré et en quelque sorte érigé en système par le gouvernement qui tend à présenter des demandes de crédits supplémentaires à une époque de la session où il est impossible de les examiner convenablement.

L'honorable M. Vandenpeerebooin, il y a quelques semaines, s'est plaint aussi de la continuation de ce procédé.

Le département des travaux publics, malgré ces justes observations, vous a présenté, il y a environ huit jours, un crédit supplémentaire de 103,000 fr. Ce projet a été renvoyé à la section centrale qui a examiné le budget des travaux publics. Avant-hier on nous a présenté un nouveau crédit supplémentaire de 405,000 fr. pour créances arriérées et litigieuses.

Je demande à M. le ministre des travaux publics s'il a présenté toutes les demandes de crédits supplémentaires qu'il a à nous faire.

Si je suis bien informé, il a encore à nous demander des crédits pour des créances litigieuses s'élevant au moins à 500,000 francs ; créances considérables qui indiquent que l'on intente bien facilement des procès au département des travaux publics. Or je vous l'avoue, je n'ai pas très bonne opinion d'une administration qui plaide si souvent. Quant à moi, j'évite les procès pour mon compte, je fais de mon mieux pour les prévenir, on a peu de chose à y gagner. Quelle est en général l'origine des procès ? On les intente le plus souvent pour réparer des actes de mauvaise administration amenés par la négligence.

Puisque le projet de 405,000 fr. a été envoyé pour examen à la (page 1315) section centrale qui a examiné le budget des travaux publics, dans le but de marcher plus vite, je prierai M. le ministre de vouloir envoyer à cette section centrale pour gagner du temps, le dossier complet concernant les dépenses arriérées et litigieuses.

Je demande de plus que M. le ministre veuille bien nous dire s'il a présenté la demande de tous les crédits nécessaires pour payer les dettes de son département ?

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Messieurs, l'honorable membre vient d'éveiller l'attention de la Chambre sur les retards qu'éprouvent ordinairement la précaution des crédits supplémentaires, retards qui, selon lui, sont beaucoup plus grands au département des travaux publics que partout ailleurs. L'honorable membre croit qu'outre les crédits demandés, un grand nombre de créances liligeuses restent encore à payer et demande si ces créances sont comprises dans les crédits réclamés ou si une nouvelle demande de crédits sera nécessaire.

En ce qui concerne les retards, je me permettrai de faire observer que généralement les crédits supplémentaires pour le service du département des travaux publics n'étaient soumis à la Chambre que dans les premiers mois de l'exercice subséquent ; j'ai pu présenter ma demande de crédit, pour l'exercice 1855 dans le courant du mois de novembre.

Les créances litigieuses ne peuvent d'ailleurs être liquidées que lorsque des jugements sont intervenus. Je pense que toutes les condamnations que l'Etat a subies sont portées dans les crédits demandés à la Chambre, et que les autres créances auxquelles l'honorable M. de Mana fait allusion, ne peuvent faire encore l'objet d'une demande spéciale, parce que des décisions judiciaires ne sont pas intervenues.

J ajoute, du reste, qu'il me serait impossible d'avoir présents à la mémoire tous les faits auxquels se rapportent ces crédits. Je veux bien m'engager à porter spécialement mon attention sur ce point, mais je crois pouvoir dire que toutes les affaires terminées par jugement ayant force de chose jugée, sont comprises dans le projet présenté.

Je pense que la Chambre ne sera plus saisie d'aucun autre projet de cette espèce dans cette session.

M. de Man d'Attenrode. - Permettez-moi, messieurs, de demander encore un renseignement à M. le ministre. J'ai ouï dire, et le fait paraît constant, que le départentent des travaux publics se propose de présenter avant la fin de la session, et notre séparation aura lieu bientôt, de nous présenter un projet de loi tendant à accorder à l'administration des chemins de fer un crédit de plusieurs millions. On parle même d'un crédit de 20 millions.

Je vous demande, messieurs, si une pareille demande serait bien opportune dans les circonstances actuelles ? La session ne peut plus se prolonger longtemps à cause des élections. Il nous sera donc impossible d'examiner mûrement un projet de cette importance.

D'un autre côté, M. le ministre est convenu qu'il y avait lieu d'introduire des réformes considérables dans cette administration, qu'il y avait lieu à la réorganiser.

Etes-vous disposés, messieurs, à confier un crédit aussi considérable à une administration qui laisse tant à désirer ?

L'on dira, sans doute, que M. le ministre veillera à l'emploi utile de ce crédit. J'ai certainement confiance dans ses bonnes intentions, dans sa probité ; j'ai à cet égard une confiance entière en lui. Mais il n'y a pas assez longtemps qu'il est à la tête de son département, il n'a pas acquis assez d'expérience pour que je puisse mettre immédiatement à sa disposition un crédit aussi considérable.

Pour le crédit de 9 millions voté en 1854, la Chambre avait mis pour condition que l'administration n'en disposerait que sous la surveillance d'une commission. M. le ministre a été le rapporteur de ce projet, il a insisté lui-même pour obtenir cette garantie.

Il n'en sera plus de même aujourd'hui, le comité a disparu.

Je le déclare, je suis très disposé à ne pas admettre, dans les circonstances présentes, un projet de loi qui tendrait à accorder a l'administration au chemin de fer un crédit de 20 millions.

Je demande donc à M. le ministre s'il est question de présenter à la Chambre, avant sa séparation, un projet de loi tendant à allouer plusieurs millions pour le service des chemins de fer exploités par l'Etat ?

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - L'honorable membre est parfaitement informé. Le gouvernement l'a déjà fait connaître à la Chambre et au Sénat, il compte demander des fonds pour le mettre à même de compléter le chemin de fer.

M. de Man d'Attenrode. - Combien de millions ?

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Je crois que le projet de crédit spécial pourra être présenté dans le courant de cette séance.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1856

Discussion du tableau des crédits

Chapitre IV. Chemins de fer. Postes. Télégraphes. Régie

Discussion générale

M. Rousselle. - La discussion continue sur le chapitre IV, Chemin de fer, Postes, etc.

M. Faignart. - Messieurs, dans la séance de samedi dernier,, mon honorable collègue et ami M. Matthieu a appelé l'attention de M. le ministre des travaux publics sur une surtaxe qui grève le transport des houilles du bassin du Centre qui doivent emprunter le chemin de fer de l'Etat pour arriver à destination. Cette surtaxe a fait l'objet de plusieurs réclamations fondées, auxquelles on n'a pas fait droit.

Pour vous mettre à même d'apprécier la justesse de notre demande, je crois devoir entrer dans quelques considérations de nature à éclairer la Chambre et lui faire apprécier l'injustice commise à l 'égard du bassin du Centre et des consommateurs.

Quand il fut question de construire un chemin de fer de Mons à Manage, l'Etat belge stipulant un profit des sociétés charbonnières du Centre, imposa comme une des conditions de la concession, que la compagnie anglaise ne pourrait jamais exiger de ces sociétés plus de huit centimes par tonne de houille et par kilomètre de distance moyenne, parcourue entre les diverses gares de chargement, ou stations des charbonnages du Centre.

Lors de la mise en exploitation de la ligne concédée, la société concessionnaire arrêta son tarif qui fixa une taxe uniforme de 8 centimes par tonne pour Manage, et 1 franc 76 pour Mons.

Ce tarif ayant été accepté par les diverses sociétés, la stipulation faite au profit des exploitants du Centre est devenue définitive et forme la loi des parties ; le prix du transport fut ainsi invariablement fixé à une taxe uniforme pour tous frais généralement quelconque.

C'était, de la part des deux parties contractantes, un contrat aléatoire qui les mettait à l'abri des fluctuations de prix, fluctuations qui, le plus souvent, ne sont que le résultat de circonstances imprévues. Cet arrangement, du reste, se prêtait mieux aux calculs des parties intéressées.

Ainsi, d'après cet arrangement, la société concessionnaire n'avait d'autre droit que de percevoir le prix convenu, et ce payement fait, elle ne pouvait plus rien réclamer, ni directement ni indirectement des sociétés du Centre pour le transport de leurs houilles.

Quand il fut question de relier le railway des concessionnaires à celui de l'Etat par Manage, une convention intervint pour régler les relations de service entre les deux administrations. Cette convention contient, entre autres conditions, les articles suivants :

« Art.11. Il sera établi pour le transport des marchandises, finances, équipages, chevaux et bestiaux, un tarif commun résultant de l'application à tous les parcours mixtes déterminés au premier paragraphe de l'article 7 des bases des tarifs du chemin de fer de l'Etat. D'après le décompté de partage, la part de la société pour les transports de l'espèce, sera invariablement de 80 centimes.

Pour rendre la chose plus sensible, supposons que la société de Strépy-Bracquegnies expédie un waggon de charbon pesant cinq mille kilog. à la station de Bruxelles par Manage. En l'absence de toute convention, et faisant l'application des articles 11 et 12 dont je viens de parler, ce transport coûterait :

1° Frais fixes fr. 5 00

2° Frais variables fr. 16 50

Total fr. 21 50

Partage de cette somme :

Pour l'Etat,

1° Frais fixes (article 12) fr. 2 50

2° Frais variables (article 12) fr. 13 50

Total, fr. 16 00

Part de la société de Manage,

1° Frais fixes (article 12) fr. 2 50

2° Frais variables (article 12) fr. 3 00

Toatl, fr. 5 50

Ensemble fr . 21 50.

Mais en vertu du tarif arrêté de commun accord entre les charbonnages du Centre et la société concessionnaire, la part de celle-ci oest limitée à quatre francs, à raison de 80 centimes par tonneau.

De telle sorte, que suivant ce qui vient d'être établi, le prix de transport d'un waggon devrait être ainsi de :

1° Pour l'Etat, fr. 16 00

2° Pour la société concessionnaire, fr. 4 00

Total fr. 20 00

Au lieu de cela les sociétés charbonnières ont toujours payé et payent encore aujourd'hui 22 fr. 50, tandis que s'il y avait convention comme pour d'autres lignes on ne devrait payer que 21 fr. 50 pour le trausport d'un waggon de cinq tonnes.

« Les prix de ces tarifs se composeront :

« 1° Des frais variables calculés à raison des distances légales de station à station, comme si les deux chemins de fer n'en formaient qu'un ;

« 2° D'une seule application des frais fixes.

« Art. 12. Le partage des recettes des transports mixtes se fera de la manière suivante entre les deux administrations.

« En ce qui concerne les frais variables, en raison des distances légales calculées sur chaque territoire, jusqu'au point de jonction des deux railways en relation.

« En ce qui concerne les frais fixes, ils seront partagés par moitié entre la station de départ et la station de l'arrivée pour toutes les expéditions bureau restant (…)

« Art. 13. Par exception aux stipulations des deux articles précédents, le prix de la houille transportée d'une station charbonnière du Centre par Manage vers une station de l'Etat, se composera :

« 1° D'une taxe uniforme de 80 centimes pour tous les frais de transport depuis les stations charbonnières jusqu’à Manage.

(page 1316) « 2° Du prix de transport, frais fixes compris, calculé d'après le tarif n°3 de l'Etat, depuis la station de Manage jusqu'à destination. »

On comprendrait difficilement par quels calculs, par quelles combinaisons on est arrivé à ce résultat si préjudiciable aux intérêts des exploitants du Centre et surtout à ceux des consommateurs, si le secret n'avait été révélé par la découverte de la convention faite entre l'Etat et la société concessionnaire du chemin de fer de Mons à Manage, et dont je viens de vous donner les principales dispositions.

Voici, messieurs, le raisonnement que l'on a suivi, reprenons l'exemple posé plus haut : la société de Strepy-Bracquegnies expédie un waggon de charbon pour Bruxelles. La société concessionnaire soigne le chargement, le pèse, l'inscrit et transporte l'expédition jusqu'à Manage. A ce point, l'Etat reprend l'expédition, ou plutôt attache le waggon à la suite de son convoi et le mène à Bruxelles.

La société concessionnaire qui a eu le plus d'embarras pour l'expédition devrait, aux termes de l'article 12 de la convention faite entre elle et l'Etat, percevoir la moitié des frais fixes qui, suivant l'article 6 du livret réglementaire, s'appliquent aux travaux d'expédition énumérés ci-dessus. Et il est à remarquer que toutes les expéditions de charbon se font bureau restant.

Mais on a compris que la société concessionnaire qui avait déjà reçu tout ce qu'elle est en droit d'exiger en vertu de sa convention particulière, ne pouvait pas recevoir deux fois pour la même chose et de la même personne ; on l'aurait repoussée par le principe non bis in idem.

D'ailleurs, messieurs, l'injustice aurait été trop manifeste, trop apparente et aurait soulevé les réclamations. On eut recours à une combinaison plus adroite : l'article 12, dont j'ai déjà parlé, établit une règle équitable, le partage par moitié des frais fixes à chacun selon son travail. Mais par une exception consacrée en l'article 13, et pour les charbons seulement, ce qui met plus à nu encore le but qu'on voulait atteindre, on attribue en entier à l'Etat le montant des frais fixes, et on ne laisse à la Société concessionnaire que le prix indiqué dans le tarif dont je viens de vous parler et qui constitue le lien de droit entre elle et les sociétés du Centre ; on chercherait en vain les motifs de cette exception pour les charbons seulement.

La houille est un objet de première nécessité, non seulement pour l'usage domestique, mais aussi pour l'alimentation des usines de toute espèce.

L'intérêt général veut que le transport s'en effectue au plus bas prix possible, afin d'en diminuer le prix de revient et de mettre cet objet de consommation à la portée de tous. C'est ce que le gouvernement reconnaît tous les jours. Comment donc expliquer l'exception contenue en l'article 13, sinon par des raisons que repoussent l'équité et le droit ? Car, qu'on ne le perde point de vue, les sociétés du Centre qui, en vertu de la convention arrêtée le 1er novembre 1848 entre l'Etat et la société concessionnaire, acquittant entre les mains du premier la totalité des frais fixes pour le transport de leurs charbons, ont déjà acquitté une partie de ces mêmes frais à la société concessionnaire en payant à celle-ci le prix convenu entre elles. De telle sorte que ces mêmes sociétés payent ainsi, en partie du moins, un double prix pour la même chose.

D'un autre côté, messieurs, nous avons déjà vu que les frais fixes ne sont que la rémunération de certains travaux accessoires au service de transport, tels que réception, inscription, chargement, etc., travaux exécutés, pour la majeure partie, par la société concessionnaire et pour lesquels celle-ci a déjà reçu rétribution.

L'Etat en recevant de nouveau les frais fixes en totalité, reçoit payement pour ce qu'il n'a point fait, pour un travail qu'il n'a pas exécuté, ce payement est donc sans cause entre ses mains, du moins pour la partie du prix afférente aux travaux qu'il n'a point effectués, c'est-à-dire pour plus de la moitié.

Ce n'est pas une faveur que nous demandons, messieurs, c'est une justice, et j'espère qu'elle ne se fera plus attendre ; ce qui m'autorise à le penser c'est que dès 1852 le gouvernement a reconnu l'anomalie dont nous nous plaignons ; c'est ce qui est prouvé par une lettre de l'honorable M. Van Hoorebeke, alors ministre des travaux publics et dont je vais vous donner lecture :

« Bruxelles, le 11 octobre 1852.

« Messieurs,

« Répondant à votre lettre du 28 août dernier, j'ai l'honneur de vous informer qu'il a été reconnu que l'anomalie signalée dans votre lettre existe réellement.

« Dans un délai rapproché, il sera passé uue nouvelle convention avec la société de Namur à Liège, avec ses extensions, ei il y sera tenu compte de votre réclamation, de manière à faire disparaître cette anomalie.

« Le ministre des travaux publics,

« Em. Van Hoorebeke. »

Vous voyez, messieurs, que depuis 1852, le gouvernement reconnaît l'anomalie, l'injustice dont se plaignent les exploitants du Centre, et depuis cette époque de nouvelles réclamations lui ont été adressées auxquelles M. le ministre a répondu dans le même sens, si pas d'une manière plus explicite encore ; vous allez le voir par la lettre suivante :

« J'ai l'honneur de vous informer, messieurs, que des propositions ont été soumises, il y a un mois environ, à la société du chemin de fer dont il s'agit, à l'effet d'accélérer la conclusion de la nouvelle convention dans laquelle il est fait droit à votre demande.

« D'après les renseignements qui me parviennent, cette conclusion est prochaine. »

Il semblerait qu'après des promesses aussi formelles et aussi précises, l'injustice dont je me plains ait dû être redressée depuis longtemps et cependant il n'en est rien.

Ce déni de justice est d'autant plus criant que la tarification qu'on nous refuse a été accordée depuis à nos concurrents de Charleroi.

Pour les expéditions de houille faites des stations de Roux et de Gosselies, en destination du bassin de Mons, qui empruntent le chemin de fer à Manage, l'Etat partage avec celui-ci le droit fixe d'un franc.

Ainsi, l'on accorde à nos concurrents, sur un chemin de fer construit dans l'intérêt du bassin du Centre, des avantages que l'on refuse à ses exploitants après avoir reconnu le bien fondé de leurs réclamations.

Le partage des frais fixes a lieu sur plusieurs lignes concédées, pour certaines catégories de grosses marchandises.

Ainsi, sur le chemin de fer de la Flandre occidentale, en vertu de l'article 11 de la convention du 7 juillet 1852, les frais fixes pour les transports de houille, coke et chaux se partagent entre l'Etat et la société concessionnaire.

Il en est de même pour le chemin de fer de Namur à Liège, én vertu de la convention du 24 août 1855.

Vous voyez, messieurs, que c'est avec raison que j'insiste pour obtenir réparation du préjudice causé aux intérêts des exploitants du Centre.

J'espère que M. le ministre appréciera la justice de la cause que je défends et que, sous peu, il fera disparaître l'anomalie dont on se plaint depuis longtemps.

M. de Brouwer de Hogendorp. - L'honorable ministre des travaux publics a bien voulu promettre la publication des procès-verbaux du comité consultatif des chemins de fer ; je lui demanderai s'il verrait quelque inconvénient à ce que tous les procès-verbaux indistinctement fussent publiés au Moniteur. Je ne demande pas une publication spéciale, comme celle qui a eu lieu pour les procès-verbaux de la commission d'enquête ; l'insertion aux Annales parlementaires suffirait, et les frais en seraient très peu importants.

M. le ministre a semblé vouloir exclure de la publication les procès-verbaux des sous-comités ; or, je pense que les procès-verbaux des sous-comités sont précisément ceux qui pourront fournir le plus d'éclaircissements à la Chambre. C'est dans les sous-comités que les questions ont été examinées avec le plus de soin.

M. le ministre exclut également les procès-verbaux des séances où l'on s'est occupé des questions techniques. D'après ce qui vient d'être dit à la Chambre, on se propose de demander un crédit considérable pour l'achèvement du chemin de fer ; or, je crois qu'il serait fort utile, dans cette circonstance que la Chambre eût connaissance des discussions qui ont eu lieu à propos de ces questions qui touchent au parachèvement de nos lignes et au complément de leur outillage.

Par exemple, le comité s'est occupé des locomotives, du choix à faire entre les différents systèmes, de ce qu'il convient de faire pour avoir une traction moins coûteuse, des conditions auxquelles il est possible d'avoir un bon matériel, eh bien ! je pense qu'il serait bon que la Chambre sût quel est, dans l'opinion du comité, le matériel qui devrait obtenir la préférence dans les acquisitions à faire ultérieurement.

Une autre question technique a été traitée longuement par le comité, c'est l'agencement des stations.

Selon le comité, les stations devraient être, à l'avenir, construites autrement qu'elles ne l'ont été dans le passé. Le comité a pensé que l'agencement des stations n'est pas convenable, qu'elles se prêtent très peu aux besoins du service, et qu'elles présentent même certains dangers pour les voyageurs. A la suite d'une excursion, dont il a été beaucoup parlé, et que le comité a faite en Angleterre, le comité a examiné avec beaucoup de soin l'agencement des stations anglaises, et il a proposé de donner aux stations qu'il y aura encore à construire les formes que l'on donne aux stations en Angleterre.

J'ai fait avec M. Masui un voyage en Allemagne, où nous avons étudié certaines questions techniques, notamment celle si importante des voies, la question de la meilleure forme de rails, les questions qui concernent l'application des éclisses, les procédés de conservation des billes, toutes questions qui ne manquent pas d'avoir leur importance, même au point de vue du budget, quoique ce soient des questions techniques.

Eh bien, je pense qu'il serait utile de publier les procès verbaux qui se rapportent à ces points comme aux autres. Si la publication a lieu par la voie des Annales parlementaires, elle sera extrêmement peu coûteuse.

Il y a un autre motif qui m'engage à prier M. le ministre de publier les procès-verbaux sans distinction. Si l'on n'en publie qu'une partie, il faudrait faire un triage. Certainement, j'aurais une entière confiance dans cette œuvre, si M. le ministre pouvait s'en occuper lui-même ; mais j'avoue que je n'ai pas la même confiance dans toutes les personnes qui pourraient être chargées de ce travail. Dans l'intérêt de la Chambre, comme dans celui du comité, pour lequel je demande justice, car vous ne voudrez pas qu'on continue à calomnier vos (page 1317) collègues, je demande à la Chambre et je prie M. le ministre de vouloir bien consentir à l'insertion aux Annales parlementaires, de tous les procès-verbaux du comité et des divers sous-comités ; cette publication pourra se faire après la clôture de la session.

M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - Messieurs, vous voudrez bien me pardonner de prendre une troisième fois la parole dans la discussion générale du budget des chemins de fer ; mais le discours qu'a prononcé l'honorable M. Verhaegen dans la séance de samedi dernier m'oblige de présenter quelques nouvelles considérations.

La section centrale, et je l'en remercie cordialement, a bien voulu consentir à ce que le rapporteur insérât dans son travail les tableaux qui indiquent la situation de trois chemins de fer français et celle des chemins de fer belges exploités par l'Etat. Ces tableaux contiennent le chiffre de la recette, celui de la dépense, le tantième des recettes absorbées par les dépenses, la longueur moyenne exploitée, le chiffre de la recette et celui de la dépense par kilomètre.

C'est ainsi que procèdent les compagnies qui administrent des chemins de fer et qui ont à rendre compte à leurs actionnaires du résultat de leur administration ; c'est ainsi que procèdent les compagnies qui n'ont rien à cacher à ceux qui leur ont prêté leurs capitaux.

La première chose que j'ai à constater devant vous, c'est que la publicité donnée à ces chiffres, a excité quelque émotion ; je ne m'en plains pas ; cela me prouve que j'ai atteint le but que je voulais atteindre.

Il n'en sera pas du moins de ces tableaux-là comme des myriades de chiffres accumulés dans le rapport annuel sur le chemin de fer de l'Etat, rapport dans lequel on a bien du mal à découvrir les chiffres qu'il est utile de connaître, parce qu'ils sont enfouis dans des séries innombrables de chiffres qui effrayent les travailleurs les plus déterminés.

Aussi la publication du rapport annuel est-elle en quelque sorte inutile. On ne trouve ni le parcours par tonne kilométrique, ni même l'étendue des voies parcourues. J'ai été obligé de réclamer ces notions élémentaires. Il coûte cependant une somme assez considérable au trésor, 15,000 à 16,000 frétant pour le personnel que pour les frais d'impression.

Si l'on fait une dépense aussi élevée pour un rapport que personne ne lit en quelque sorte, il me semble qu'on ne devrait pas faire tant de difficultés quand il s'agit de l'impression des rapports du comité consultatif. Je crois qu'ils sont plus instructifs et plus intéressants.

En 'effet, M. le ministre des travaux publics a déclaré dans la séance de samedi qu'il se proposait de faire publier les procès-verbaux du comité général ; mais qu'il ne comptait pas publier les procès-verbaux des sous-comitès. Or, les procès-verbaux du comité général sont peu nombreux ; les membres du comité assistaient avec tant d'assiduité aux séances des sous-comités, que les questions se trouvaient approfondies et résolues par la majorité dans les sous-comités, de sorte que tout l'intérêt de ces discussions est renfermé dans les séances des sous-comités.

La publication de ces comptes rendus sera utile, au point de vue de l'examen du projet de réorganisation, si le gouvernement en présente un, ils en sont en quelque sorte l'exposé des motifs.

Le gouvernement paraît vouloir présenter, ainsi qu'il l'a déclaré au début de la séance, un crédit considérable pour le chemin de fer ; eh bien, la publicité donnée aux procès-verbaux, serait d'une grande utilité, afin de constater les besoins réels des chemins de fer, afin de vérifier quelles sommes sont encore nécessaires pour les terminer ; toutes ces questions ont été traitées par le comité consultatif.

Je pense, messieurs, que vous serez de mon avis. Serait-il juste que l'administration seule jugeât du triage à taire pour la publication de ces documents ? Comme l'a très bien dit l'honorable M. de Brouwcr, il est impossible que M. le ministre des travaux publics ait le temps de le faire ; or, nous ne pouvons pas admettre que ce triage soit opéré par ses subordonnés ; vous en comprendrez les motifs ; il est inutile que je m'étende à cet égard.

Ce qu'il y aurait de mieux à faire, ce serait de procéder, comme l'a indiqué l'honorable M. de Brouwer, ce serait d'imprimer tous les procès-verbaux. Cette impression serait infiniment plus utile que la publicité donnée par le Moniteur à tant de pétitions, à tant de documents dénués d'intérét.

J'en reviens aux tableaux du rapport. Messieurs, les chemins de fer étrangers représentés dans le tableau porté au rapport de la section centrale sont le chemin de fer du Nord, le chemin de fer de Paris à Lyon et le chemin de fer d'Orléans.

L'honorable M. Vermeire s'est plaint, je ne dirai pas de la comparaison, car la section centrale n'a pas comparé les chiffres des compagnies avec ceux qui concernent hs chemins belges ; elle n'est pas entrée dans des détails, elle s'est bornée à présenter les résultats à votre appréciation ; l'honorable M. Vermeire s'est donc plaint de ce que le rapporteur a rapproché les résultats de ces trois chemins de fer de ceux des chemins de fer belges ; il aurait préféré qu'on eût mis en regard des chemins de fer belges le chemin de fer d'Anzin à Sommain et celui de Paris à Orsay, etc. Je suis persuadé, messieurs, que l'amour-propre de notre chemin de fer aurait protesté s'il avait été assimilé à des chemins de fer aussi peu importants ; je suis convaincu que M. le ministre des travaux publics, qui défend si généreusement son administration, eût envisagé ce rapprochement comme une humiliation, qu'il eût protesté aussi.

Il faut convenir, en effet, que des chemins qui parcourent les contrées opulentes de la Belgique peuvent être mis au niveau des voies ferrées de premier rang.

Contrairement à ce que pense l'honorable M. Vermeire, l'honorable M. Verhaegen trouve que cette publicité établit que le chemin de fer belge donne en recette des résultats relativement aussi bons que les chemins de fer français ; s'il en est ainsi, de quoi se plaint donc l'honorable député de Bruxelles ? Or, c'est bien le cas de dire ici que lorsque l'on veut trop prouver, l'on ne prouve rien.

Enfin, l'honorable M. Vermeire, d'accord avec l'honorable M. Verhaegen, a cherché à démontrer que la dépense des chemins belges est inférieure à celle des chemins de fer français, et qu'à ce point de vue la situation est des plus satisfaisantes.

Mais avant d'en venir là, je tiens à dire un mot des tarifs. L'honorable M. Verhaegen a voulu établir que si les recettes de nos chemins de fer ne progressent pas aussi rapidement que celles des chemins de fer français, cela provient de ce que nos tarifs sont moins élevés ! Il est réel que les tarifs de voyageurs en Belgique sont moins élevés que ceux du chemin de fer du Nord ; néanmoins le tarif des convois express est à un centime près égal à celui des convois de première classe en France. Or vous savez, messieurs, que l'administration a été assez disposée à multiplier les trains express ; il est vrai que leur marche n'est guère plus rapide que celle des trains ordinaires, c'est ce que tout le monde peut constaier. La différence est surtout dans le prix des places. Mais il importe de remarquer qu'au chemin de fer du Nord on accorde une tolérance de 30 kilogrammes pour les bagages de chaque voyage.

Il n'en est pas de même en Belgique. Cette tolérance équivaut à 6 centimes par kilomètre ; quand vous saurez que le prix par kilomètre du train express est de 10 centimes et demi ; si vous ajoutez 6 centimes pour les bagages vous aurez 16 centimes. Il suffira de faire le même travail pour les autres classes de voitures pour voir que quand les voyageurs ont des bagages, ils payent plus cher en Belgique que surltes chemins de fer français. Je ne m'en plains pas ; j'ai encouragé le gouvernement à organiser les trains express, seulement je voudrais que le service qu'ils rendent fût réglé en raison de la surtaxe, que leur marche fût plus rapide.

C'est l'honorable M. Osy qui a fait la proposition de les créer. Et c'est à partir de cette amélioration que les recettes des voyageurs se sont accrues d'une manière notable. Au reste puisque l'honorable député de Bruxelles est si soucieux des recettes du chemin de fer, je m'étonne qu'il n'ait pas encore appelé l'attention de la Chambre sur des recettes qui lui échappent et qui devraient lui appartenir d'une manière bien légitime.

Je m'explique ; nous avons, comme dans tous les Etats régulièrement constitués, un trésor public ; il donne lieu à des mouvements de numéraire. Or, messieurs, serait-il possible de le croire ? Ce mouvement ne s'opère pas par le service de l'Etat, mais par celui des compagnies particulières.

Ainsi, messieurs, il semble que l'Etat lui-même a plus de confiance dans l'industrie privée que dans son propre service. Cette circonstance curieuse, je l'ai constatée déjà il y a trois ou quatre ans.

Il paraît que l'honorable député de Bruxelles ne s'en est pas ému. Il n'a pas trouvé une parole pour ramener l'administration à des procédés plus conformes aux intérêts du trésor public !

Il en est de même pour l'armée quand un dépôt de cavalerie change de garnison. Le fait s'est passé récemment à Tirlemont, je l'ai appris parce que cette ville appartient à l'arrondissement qui m'a fait l'honneur de m'envoyer siéger dans cette enceinte, quand, dis-je un dépôt change de garnison, le transport du matériel se fait par les soins des commissionnaires. L'Etat préfère ainsi, je le répète, l'industrie privée à son propre service.

Au reste, il est constant, il est avéré que le public donne la préférence à l'industrie privée, partout où il peut avoir recours à des administrations privées.

Au reste, je suis persuadé que lorsque l'honorable M. Verhaegen est obligé d'expédier des articles de messageries ou du numéraire, lui-même, lui qui est le partisan si absolu au monopole des transports par l'Etat, il n'hésite pas à confier ses expéditions aux commissionnaires. Je ne pense pas qu'il ose le nier.

Au reste, je procède de la même manière quand j'ai un colis à envoyer, et voici pourquoi, c'est que l'industrie privée présente des garanties de responsabilité que l'Etat ne donne pas et que l'administration elle-même reconnaît ne pouvoir donner.

Le comité consultatif ayant reconnu que l'Etat transportait peu de numéraire parce qu'il semblait que le tarif était trop élevé, l'on émit l'opinion qu'il était convenable d'abaisser le tarif. Eh bien, l'organe de l'administration lui-même s'y est opposé. On ne recherche pas les transports de numéraire, on redoute la responsabilité que ce transport entraîne.

Je reviens à la question de la dépense. Est-il exact, comme le prétendent mes adversaires, que l'exploitation de l'Etat dépense moins par kilomètre que les compagnies françaises ? Il ne me sera pas difficile de prouver le contraire. L'administration de l'Etat belge dépense moins (page 1318) oui, pour les choses utiles, pour perfectionner son matériel. Mais elle dépende beaucoup plus pour les choses inutiles, pour un personnel surabondant, entre autres ; puis pour l'entretien des machines effet.

Toutes ces machines renouvelées dans des ateliers de l'Etat dépourvus d'outils, coûtent 50 p. c. de plus qu'elles ne devraient coûter si ces travaux se faisaient dans des ateliers suffisamment outillés. Ces réparations ont été faites dans le passé d’une manière si défectueuse, que leur entretien, que leur réparation ont occasionné en moyenne et par an 5,000 fr. pour chaque locomotive. Nos machines consomment au moins 30 p. c. de combustible de trop.

Il y a au reste une exception à faire, l'administration possède un chef d'atelier qui ayant obtenu l'autorisation de réparer plusieurs machines s'est engagé à leur faire faire 50 mille lieues sans réparation, sauf les rebandages des roues. Ce modeste ouvrier a déjà tenu parole pour 40 mille lieues. On lui a rendu justice, on a reconnu ses services, on a adopté son système pour les douze machines qui se reconstruisent à Malines sur un modèle uniforme, je dis uniforme, parce que c'est la première fois que cela arrive ; je ne puis d'ailleurs que féliciter l'administration d'être entrée dans cette voie d'amélioration.

Vous dirai-je encore que le prix du coke est de 30 francs pour le chemin de fer belge, tandis que le chemin de fer du Nord, qui tire son coke de Belgique, le paye 28 francs ? Et il est très supérieur à celui qu’emploie l’administration belge ; le chemin du Nord tient à ce que son coke ait 48 heures de cuisson pour qu'il acquière la densité convenable, tandis que l'administration belge se contente de 24 heures ; aussi son coke est-il très friable, il en résulte une perte d'au moins 2 p. c. Je me suis rendu, il y a peu de temps, dans le Haiuaut ; j'y ai appris que les bons charbonnages sont peu soucieux de conserver la clientèle du chemin de fer de l'Etat ; il y a tant de tracasseries, de difficultés dans les réceptions, qu'on aime mieux fournir au Nord à 28 fr. qu'à l'Etat à 30 fr. Que fait le Nord quand on procède à une réception ? On vérifie le coke sur le carreau de la mine, il y a une tolérance pour une certaines quantité de cendre, il y a des jours où la qualité du coke dépasse les conditions et des jours où elle ne les atteint pas.

Eh bien à la fin du mois, ou prend une moyenne ; si cette moyenne est satisfaisante, la réception est assurée sans difficulté aucune.

Pour le chemin de fer de l'Etat belge, c'est différent ; l'on prend un morceau de coke au hasard, s'il est en-dessous des conditions, toute la livraison est rebutée ; si ensuite on songe que le Nord paye immédiatement et que l'administration belge fait attendre ses payements pendant des mois, l'on comprendra la préférence des compagnies charbonnières. Ce sont des renseignements dont je puis garantir toute l'exactitude.

Il est donc constant que l'administration belge paye le charbon belge plus cher que le chemin de fer du Nord.

Vous parlerai-je du matériel ? Vous vous rappelez peut-être qu'en 1853 j'ai eu l'honneur de vous informer qu'un industriel habile de la capitale avait offert à l'Etat belge d'entretenir le matériel à 20 p. c. au-dessous du prix d'entretien du gouvemement.

Cette offre n'a pas été admise. Mais que pouvons-nous en conclure ? Que l'entretien du matérielcoûte 40 p. c. de plus qu'il ne devrait coûter ; car s'il offrait un rabais de 20 p. c, ce n'était pas pour rendre service au chemin de fer ; c'était pour faire un gros bénéfice, et il est probable qu'il comptait en réaliser un de 20 p. c. Je suis donc fondé à affirmer qu'il nous coûte 40 p. c. de plus qu'il ne devrait coûter.

Notez que cet industriel avait offert toutes les facilités pour prendre à lui le matériel et le personnel et fixer ses ateliers à Malines ; il offrait d'en passer par toutes les conditions raisonnables.

Qu'on ne vienne pas nous dire que nous ne dépensons que ca que nous devrions dépenser.

Il y a un reproche qui m'a été adressé, et qui m'aurait été sensible s'il n'était absurde : ou m'a reproche d'avoir comparé les résultats des chemins de fer étrangers pour l'exercice 1854 à ceux des chemins de fer belge, pour l'exercice 1856. Or telle n'a pu être mon intention.

J'ai écrit aux secrétaires des grandes compagnies : ils ont bien voulu m'envoyer leurs comptes rendus. Ces comptes rendus s'arrêtant à 1854, il m'était impossible d'aller au-delà. Ensuite, comme membre de la Chambre, j'ai pu me procurer, pour la Belgique, un chiffre plus récent. N'était-il pas tout simple de le donner ? Mais je n'ai pas comparé les résultats des chemins de fer étrangers pour 1854 aux résultats du chemin de fer belge pour 1855 et 1856.

C'eût été par trop absurde.

Après avoir dit tout ce que j'avais à dire concernant ces tableaux, permettez-moi de vous dire maintenant un mot d'un autre travail sur lequel l’attention de la Chambre n'a pas encore été appelée, et qui mérite cependant toute son attention. C'est le travail d'un corps fondé par la Coinstitution afin de veiller au bon emploi des deniers publics. J'entends parler de la cour des comptes. La cour a bien voulu compléter le compte du chemin de fer qu'elle avait publié en 1850, sur la demande, de mon honorable ami M. Vilain XIIII, aujourd bui ministre des affaires étrangères.

Ce compte s'arrêtait à 1848. Maintenant la cour l'a établi d'une manière plus claire, plus saisissable pour le public jusques et y compris 1854.

A quoi conclut la cour des comptes ? A ce que le chemin de fer reste endetté à l'égard du trésor public d'une somme de fr. 26,350,908-23.

En en établissant sa dette de cette façon-là, elle ne tient compte que des intérêts payés par le trésor pour le chemin de fer. Elle ne tient pas compte de l'amortissement payé dans les termes de la loi de 1854, des pertes sur les emprunts, de la différence entre le capital nominal et le capital réalisé.

Ce qu'il y a de remarquable, c'est que dans le compte établi en 1850 et dans la situation établie de manière à n'avoir égard qu'aux intérêts payés par le trésor public, la cour des comptes est arrivée au chiffre de 26,667,754 francs 87 centimes ; de sorte qu'entre la dette du chemin de fer en 1848 et en 1854, il n'y a qu'une différence de 336,846 fr. 64 c. Cette situation ne s'est améliorée que de cette somme. D'où cela provient-il ? Les exercices de1849, 1850, 1851 et 1852 ont donnédes résultats peu favorables. Ce qui a compensé ces résultats mauvais, ce sont les résultais de 1853, 1854 et 1855, surtout de 1855, qui ont été extrêmement favorables.

Mais voulez-vous savoir (et il est bon que vous le sachiez) quelle élail la situation, ea 1848, du compte chemin de fer avec le trésor public ? Je viens de vous dire que la situation était de 26,667,754 francs 85 c. en 1848, en ne tenant compte que des intérêts. Voici un extrait qui m'a été fourni par un ancien membre de la cour des comptes, l'honorable M. Hubert dont personne ne contestera les connaissances approfondies en fait de finances, et l'exactitude.

Il en résulte que la dette du chemin de fer envers le trésor sera :

Si l'on tient compte de l'intérêt et de l'amortisssement de fr. 44,845,771 03

Et si l'on tient compte de la différence entre le chiffre nominal des emprunts et le chiffre réalisé, en y comprenant les intérêts des capitaux avancés, de fr. 74,698,914 60.

Telle est encore à peu près la situation d'aujourd'hui.

Messieurs, puisqu'il s'agit d'une réorganisation prochaine, il est bon que la Chambre sache un peu quelle est l'organisation du chemin de fer, quant à son état financier. Le chemin de fer n'a pas d'existence propre, il est assimilé à un service public. Dans la séance de samedi, M. le ministre des travaux publics insistait pour que le chemin de fer fût assimilé autant que possible aux services publics, c'est-à-dire à la justice, à la guerre, à ces services qui se rendent gratuitement, système contre lequel je me suis élevé avec une grande force, il y a quelques années.

Je disais donc que le chemin de fer n'a pas d'existence qui lui soit propre : il n'a pas de caisse, de créanciers, d'actionnaires. Savez-vous ce qu'il a ? Des créanciers et des créanciers qu'il paye très mal. C'est le trésor public qui est son bailleur de fonds, et il paye pour lui l'intérêt du capital emprunté et les frais d'amortissement. Il supporte la différence entre le chiffre normal et le chiffre effectif des emprunts.

Je passe maintenant à un autre ordre d'idées ; veuillez, messieurs, me prêter encore un moment votre attention.

Après mûre réflexion, je n'hésite pas à vous communiquer l'idée que voici :

Je voudrais que l'exploitalion du chemin de fer fût placée dans la situation où se trouve la Banque Nationale, qui fait le service pour l'Etat. Le gouvernement exerce une haute surveillance sur cet établissement. Mais il a une existence propre.

Pourquoi le chemin de fer ne pourrait-il avoir aussi une existence à lui sous la haute surveillance du gouvernement ? Si le chemin de fer avait sa caisse, il ne se trouverait pas aussi souvent dans la débine. Il commencerait par prélever sur elle ce qui lui est nécessaire. Il donnerait ensuite aux actionnaires, et parmi eux se trouveraient l'Etat et d'autres encore, il dounerait ce qui resterait de disponible. Il donnerait des intérêts quand il le pourrait ; il donnerait même des dividendes.

C'est une question qui mérite d'être étudiée, elle mérite toute l'attention du gouvernement ; je suis convaincu que, si le chemin de fer était stimulé par des actionnaires, il serait infiniment mieux administré. En effet, s'il ne donnait pas des intérêts convenables, les actionnaires pèseraient de tout leur poids sur l'administration pour l'obliger à suivre de meilleurs errements.

Aujourd'hui quel est l'intéressé ? C'est le trésor public ; le trésor public qui est muet, le trésor public qui compte peu de défenseurs ; il en compte quelques-uns dans cette enceinte ; mais malheureusement leur voix n'est pas assez écoutée.

Il est question d'un emprunt, M. le ministre des travaux publics a dit au commencement de cette séance qu'il s'agissait d'un nouvel emprunt à contracter par le trésor public.

Eh bien, je voudrais que le chemin de fer empruntât lui-même ce qui lui est nécessaire pour faire marcher ses services. Il aurait alors des actionnaires ; mais, je voudrais que l'Etat restât son actionnaire principal ; cela ne serait pas difficile, son capital engagé serait le plus considérable, il aurait dès lors toujours la haute voix au chapitre dans la direction du chemin de fer. Si les bénéfices sont considérables, s'ils augmentent, le trésor en aurait sa part.

Mais, je le répèle, ce que je réclame ce sont des actionnaires pour le chemin de fer. Je tiens au stimulant des actionnaires. Je demande que des actionnaires stimulent l'administration qui, je ne dis pas aujourd'hui, mais dans le cours ordinaire, sommeille sur l'oreiller du trésor public.

Cette administration a des discussions parlementaires à subir. Mais (page 1319) nous le voyons aujourd'hui, quand cela arrive-t-il ? Une fois par an au plus. Alors qu'arrive-t-il ?

L'administration sait qu'elle a un orage à subir ; elle se blottit, elle reçoit l'orage ; elle sait, quelques jours après, qu'il n'en restera rien et elle continue sa marche languissante. C'est ce que je désire ne pas voir se perpétuer dans l'intérêt de mon pays.

M. Prévinaire. - Messieurs, je suis trop ami de la discussion pour ne pas applaudir à la position qu'ont prise l'honorable M. de Man et l’honorable M. de Brouwer dans cette discussion. Je les félicite, quant à moi, de la critique sincère et loyale qu’ils font du budget des travaux publics. Je crois, pour aborder immédiatement l’ordre d’idées dans lequel s’est placé en terminant l’honorable M. de Man, que jamais réunion d’actionnaires n’a soumis une administration à un contrôle plus sérieux que celui auquel l’honorable M. de Man vient de soumettre M. le ministre des travaux publics. Sous ce rapport, moi qui suis partisan de l’exploitation du chemin de fer par l’Etat, je crois que toute garantie est offerte ; car certes la discussion est assez large, elle est assez approfondie ; elle n’éprouve aucune entrave et depuis un grand nombre d’années elle se reproduit au sein de la Chambre.

Il est vraiment fâcheux, messieurs, qu'on ne puisse arriver à faire disparaître une grande partie des critiques qui compromettent le principe de l'exploitation par l'Etat.

Quant aux questions de détail, il me paraît évident qu'aussi longtemps que l'Etat exploitera le chemin de fer, et j'espère que ce sera longtemps, certaines critiques se reproduiront périodiquement. Elles sont dans la nature des choses, elles sont inévitables, elles auront même une portée utile en stimulant incessamment le zèle de l'administration.

Mais il est bon aussi de réduire à son importance réelle le résultat de la discussion à laquelle nous assistons.

Les honorables membres qui critiquent le budget des travaux publics ont présenté des observations utiles et dont plusieurs sont fondées.

Mais ils en ont présenté d'autres très faibles et qui ont été rétorquées d'une manière très complète par M. le ministre des travaux publics.

En effet, les comparaisons qu'on a cherché à établir entre l'exploitation des lignes françaises que l'on a citées et l'exploitation du chemin de fer belge, de l'aveu de tous, et je crois que mes honorables adversaires le reconnaissent aussi, pèchent essentiellement par leur base. Il est impossible de comparer une exploitation telle que celle du chemin de fer du Nord, telle que celle du chemin de fer d'Orléans, telle que celle du chemin de fer de Lyon, avec l'exploitation du chemin de fer de l'Etat en Belgique.

Il y a entre ces exploitations une distinction radicale, une distinction fondamentale à faire ; c'est celle du parcours moyen. Il est évident que le parcours moyen est tellement inférieur en Belgique qu'il n'y a pas de comparaison à faire en ce qui concerrie les résultats.

Quant à la dépense moyenne, à la dépense kilométrique, les chiffres énoncés par M. le ministre des travaux publics sont d'une nature tellement péremptoire que sous ce rapport il me semble que les honorables membres ne peuvent plus soutenir que leur opposition est fondée.

S'ensuit-il que leur opposition ne soit pas fondée sur d'autres points ? Je ne le pense pas.

Je crois avec ces honorables membres, qu'il y a une discussion très sérieuse à entamer sur différents points de l'exploitation du chemin de fer. Ainsi je crois qu'il y a lieu de la part de la Chambre d'encourager l'honorable ministre dans la voie d'une réorganisation du chemin de fer. Ses honorables prédécesseurs n'ont pas réussi à arriver à cette organisation qui est le seul moyen d'avoir une bonne exploitation.

Il faut, messieurs, que l'élément exécutif soit séparé de l'élément ordonnateur.

Dans toute bonne organisation il faut qu'il en soit ainsi. Il faut qu'à côté du ministre se trouve l'élément ordonnateur et loin du ministre l'élément exécutif responsable sur lequel le ministre ait une action toute-puissante.

Je ne suis pas complètement initié à l'organisation intérieure du chemin de fer, mais autant que j'y suis initié, je crois qu'aujourd'hui ces éléments ne sont pas assez distincts.

J'engage donc l'honorable ministre des travaux publics à examiner très serieusement cette question. Je compte sur son énergie, je compte sur son bon vouloir, je compte sur l'étude qu'il fera sérieusement avec la volonté d'aboutir, et je crois que nous arriverons à de bons résultats, si nous parvenons à séparer ces deux éléments.

Mais il faul êlre juste envers l'administration. Si elle laisse à désirer, si elle donne lieu à des critiques sous certains rapports, il en est d'autres sous lesquels elle mérite une complète, une entière approbation, et je crois qu'on doit tenir compte de ce qu'elle a fait.

Messieurs, je me permets aussi de recommander instamment à M. le ministre de demandera la Chambre tous les fonds dont il a besoin. Le chemin de fer est trop étroitement lié au développement de la prospérité nationale pour que le gouvernement hésite plus longtemps à compléter son organisation. Ce sera, du resie, de l'argent fructueusement appliqué.

Le gouvernement, n'étant pas bien sûr d'obtenir les crédits, nécessaires pour achever le chemin de fer, est entré dans un système de concessions qui est déplorable au point de vue des recettes du trésor. Certaines concessions ne sont que des emprunts déguisés, puisque l'Etat est resté chargé de l'exploitation, et ce mode d'emprunt deviendra chaque jour plus onéreux.

Il faut, messieurs, faire ce que ferait un bon industriel, ce que les industriels font tous les jours ; il faut se dire : Abandonnons-nous le chemin de fer, ou le conservons-nous ? Et si on se décide à le conserver, il faut faire toutes les dépenses nécessaires pour que le service marche convenablement.

J'engagerai M. le ministre à entrer autant que possible dans la voie de la simplification des rouages. Ainsi, par exemple, j'ai l'intime conviction que le système pratiqué au chemin de fer d'Orléans, le système de l'abonnement pour l'entretien et pour la fourniture du matériel, est excellent et qu'il serait extrêmement désirable de le voir introduire en Belgique. On objectera peut-être que le matériel n'offrira plus la même sécurité pour les voyageurs ; une semblable objection me toucherait peu, car on peut exiger des fournisseurs un cautionnement qui les déterminera à donner les plus grands soins à la construction ; au reste pourquoi une machine complète offrirait-elle moins de sécurité qu'une machine construite dans l'arsenal de Malines au moyen de pièces fournies en détail ? Si le danger existait pour les locomotives il existerait également pour les voitures, dont un grand nombre ont été fournies par l'industrie privée ?

Enfin, messieurs, nous avons l'exemple des compagnies concessionnaires. Je crois donc, messieurs, que la suppression de l'atelier de Malines serait une excellente mesure.

M. de Perceval. - C'est là une opinion personnelle ; je ne la partage point.

M. Prévinaire. - L'honorable M. de Man a parlé tantôt d'un déficit de 26 millions, qui serait même de 45 millions si on tenait compte de l'amortissement. Mais, messieurs, en regard de ce déficit, il faut placer la plus-value que le chemin de fer a acquise par les améliorations qui ont été successivement réalisées ; tel est, par exemple, le remplacement des rails de 17 et 27 kil. par des rails de 34 kil.

Il faut tenir compte encore de cette circonstance très importante que les revenus du chemin de fer s'élèvent d'un vingtième tous les ans, c'est-à-dire de plus d'un million.

Enfin, messieurs, si le capital emprunté s'est élevé à quelque chose comme 220 millions, le capital employé n'a été que de 200 millions environ, et le produit dépassera probablement cette année 5 p. c.

Je me résume, messieurs, je ne considère pas l'administration du chemin de fer comme parfaite ; je crois, au contraire, qu'il y a de grandes améliorations à y introduire ; mais je crois aussi qu'il faut icnir compte de tous les services bien réels et bien considérables que cette administration a rendus. Du reste, messieurs, quelles que soient les améliorations que vous réalisiez, vous n'arriverez pas à ce résultat, qu'il n'y aura plus aucune observation fondée à présenter. Je crois que dans aucune réunion d'actionnaires il n'est jamais arrivé que tout le monde fût complètement satisfait.

M. Verhaegen. - Messieurs, j'ai été l'objet d'attaques très vives de la part des honorables MM. de Man et de Brouwer de Hogendorp, parce que, cette fois, je me suis permis de soutenir le gouvernement. Je m'en console d'autant plus que je partage cet honneur avec un des amis des honorables préopinants, avec l'honorable M. Vermeire.

Je me suis dit d'ailleurs, messieurs, qu'en soutenant le ministère qui est debout je devais nécessairement déplaire à un ministère qui n'est plus et qui est tombé devant un vote solennel de cette Chambre. Je considère, en effet, quelques-uns des membres de la commission comme des ministres adjoints à l'administration des chemins de fer.

Aussi, messieurs, dans tous les reproches qui m'ont été adressés, je né vois que des regrets sur cette chute ministérielle.

A en croire d'honorables préopinants, le chemin de fer ne pourra plus fonctionner, parce que la Chambre a fait justice de la commission, qui est morte et qu'on voudrait absolument faire revivre.

En effet, messieurs, maintenant qu'il s'agit d'imprimer les pièces, on voudrait encore que le ministre eût la condescendance de s'adjoindre deux membres de la commission pour faire le triage des pièces.

Messieurs, nous sommes placés ici entre deux ministres, un ministre qui est là et un ministre qui n'est plus.

Eh bien, moi je soutiens le ministre qui est, non pas dans l'intérêt de ce ministre, mais dans l'intérêt de l'Etat, et je le fais avec d'autant plus de raison que, suivant l’honorable M. de Man, il faudra bien en finir avec le chemin de fer exploité par l'Etat, puisque, d'après lui, ce ne sont, en définitive, que des actionnaires et l'intérêt privé qui peuvent le mener à bien. C'est toujours là l'idée de l'honorable M. de Man ; eh bien, c'est cette idée que je combats. Tous mes efforts tendront à conserver le chemin de fer dans les mains de l'Etat et j'ai la conviction que l’Etat peut très bien l'exploiter.

Messieurs, on m'a fait dire que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, que l'administration des chemins de fer est une administration modèle et qu'il n'y a rien à faire pour l'améliorer, qu'on relise mon discours ; je n'ai rien dit de semblable, j'ai répondu au rapport de la section centrale, j'ai dit que le chemin de fer n'est pas si mal exploité qu'on veut bien le faire croire, mais je n'ai pas dit qu'on ne pouvait pas améliorer les rouages administratifs.

(page 1320) J'ai dit qu'il fallait soutenir le ministre, qu'il ne fallait pas décourager l'administration, qu'il ne fallait pas déprécier nos chemins du fer ; que notre devoir était d'aider le gouvernement à faire cesser les abus, s'il y en avait, à constituer une administration forte et de nature à produire des résultats avantageux. Encore une fois, j'ai été loin de dire que tout était au mieux dans le meilleur des mondes possibles.

Ce que je veux éviter, c'est que nos chemins de fer ne passent pas dans les mains de sociétés particulières ; indépendamment de l'intérêt matériel qui est en jeu, on a déjà prouvé dans d'autres circonstances, qu'il y aurait un grave danger à ce que des sociétés puissantes vinssent prendre la place du gouvernement. Je n'ai pas besoin d’entrer dans des détails à cet égard.

L'honorable M. de Man, après avoir caressé les principaux arguments qu'il a fait valoir dans son rapport, revient aujourd'hui sur ses pas ; il prétend qu'il n'a pas fait de comparaison entre les chemins de fer français et le chemin de fer belge ; il soutient qu'il s'est borné à insérer un tableau pour l'instruction de ceux qui voulaient s'instruire.

L'honorable M. de Man, en nous renvoyant à la page 38 de son rapport, a oublié ce qu'il a écrit à la page 37 ; il y dit en termes explicites que l'on donne le tableau, pour établir une comparaison entre les chemins de fer français et le chemin de fer belge ; et maintenant, répondant à une objection que je lui ai faite, il vient prétendre qu'il n'a pas établi de comparaison, qu'il n'a inséré le tableau à la page 38, que pour mémoire.

Nous avions donc intérêt à rencontrer la comparaison, et nous avons fait remarquer, l'honorable M. Vermeire et moi, qu’en produisant le tableau, M. le rapporteur avait fait abus des chiffres. Il dit qu'il n’a pas eu cette intention ; je le veux bien, mais le fait est assez patent pour qu'il frappe les yeux de tout le monde. Aussi, à la fin de chaque colonne, un chiffre doit attirer nécessairement l'attention de tous ceux qui examineront le tableau. Or, on voit par ce chiffre final que la dépense par kilomètre en moyenne est de 20,114 fr. pour le chemin de fer du Nord, de 20,474 francs pour le chemin de fer à Paris à Lyon et de 20,256 pour le chemin de fer belge. Voilà les chiffres qui frappent tout d'abord ; mais quand on voit les choses de près, on trouve que le dernier chiffre pour le chemin de fer du Nord et pour le chemin de fer de Paris à Lyon s'applique à l'exercice 1854, tandis que le dernier chiffre pour le chemin de fer belge s'applique à l'exercice 1855. On a donc pris pour point de comparaison, deux exercices différents, et certes la différence est énorme.

Comparons l'exercice 1854 à l'exercice 1855 et nous trouverons que la dépense moyenne par kilomètre est seulement de 17,884 pour le chemin de fer belge, tandis qu'elle est respectivement de 20,114 et de 20,474 fr. pour les deux chemins de fer français.

Nous avons fait remarquer, en outre, que le chemin de fer belge se trouvait, quant à la dépense, dans une position beaucoup plus défavorable que les chemins de fer français.

La dépense, vous le savez, est calculée, en moyenne, par kilomètre. Or plus les lignes sont longues, plus la dépense par kilomètre diminue ; ainsi, puisque nos lignes sont plus courtes, la dépense moyenne devrait être plus forte ; et cependant elle est moindre. Nous avons fait remarquer ensuite que, contrairement à ce qui existe en France, nous avons chez nous des courbes, des demi-cercles à parcourir, ce qui doit encore établir une grande différence dans le chiffre de la dépense.

Nous avons enfin signalé d'autres différences que l'honorable rapporteur a jugé à propos de ne pas rencontrer.

Quant à la recette, nous avons fait remarquer qu'elle dépendait tout d’abord des tarifs. L'honorable rapporteur répond qu'en France les tarifs ne sont guère plus élevés qu'en Belgique. « Il est vrai, dit-il, que les chiffres sont plus forts pour les première, deuxième et troisième places ; mais ils ne le sont pas pour les trains express, et en outre, il y a en France ce que nous n'avons pas en Belgique-, il y a là une tolérance pour les bagages de 30 kilog. ; et c'est cette tolérance pour les bagages qui fait qu'en Belgique, où l’on doit payer pour les bagages, les tarifs 40 sont tout aussi élevés qu'en France. »

J'avoue que je ne m'attendais pas à une semblable observation de la part d'hommes spéciaux. D'abord, pour les premières places, pour les trains express, ce sont celles dont on a à s'occuper le moins ; ce ne sont pas ces places qui produisent le plus de recettes ; ce sont surtout les secondes et les troisièmes places qui doivent fixer notre attention, et pour ces places-là, il n'y a guère de bagages à considérer, car ceux qui prennent des waggons et des chars à bancs ont tout au plus un petit paquet dont ils ne se dessaisissent pas et pour lequel ils ne payent rien ; ce sont les personnes aisées qui prennent les premières places et les trains express, qui ont des bagages ; mais c'est là l'exception.

Ce qui fait le grand nombre de voyageurs, ce sont ceux qui prennent la deuxième et la troisième classe, et là il n'y a pas de bagage à considèrer. Eh bien pour ces classes qui constituent la véritable recette, les prix sont, savoir : pour la troisième classe de 20 centimes en Belgique et de 25 centimes en France, et pour la deuxième classe de 30 centimes en Belgique et de 37 centimes en France. L'on voit donc qu'il n'y a pas de comparaison à faire ; aussi je me demande si c'est sérieusement qu'on a fait cette objection.

Mainlenant pour les marchandises la première classe paye, en France, 32 ; la seconde, 28, et nous avons une classe intermédiaire qui ne paye que 26. La troisième classe paye, en France, 23 ; la quatrième, 18, et nous avons une classe intermédiaire, qui ne paye que 16.

Maintenant, messieurs, bien loin de trouver bien tout ce qui se fait au chemin de fer, je m'associe aux reproches que l'honorable M. de Man vient d'adresser au gouvernement, à raison de ce que l'administration des finances fait transporter son numéraire par des messageries et que le département de la guerre se sert pour ses transports de l'industrie privée, ce qui constituera une ressource de plus pour le chemin de fer de l'Etat.

Je suis étonné que l'honorable M. de Man n'ait pas voulu me donner une réponse sur d'autres faits que j'ai signalés et qui se rattachent à la comparaison faite entre les recettes des chemins de fer belges et des chemins de fer français.

J'ai dit qu'en France les chemins de fer touchent des revenus assez forts pour le transport des dépêches, tandis que le chemin de fer belge ne touche rien de ce chef.

J'ai ajouté qu'il y a chez nous des transports gratuits ou à prix réduit et qu'il n'en existe pas pour les lignes françaises

Cependant, tout cela, soyons justes, doit entrer en ligne de compte.

L'honorable M. de Man, qui est si sévère sur d'autres points et qui reproche entre autres au gouvernement de faire transporter les fonds de l'administration des finances par les messageries, et le matériel de la guerre par l'industrie privée, au lieu de les remettre au chemin de fer, devrait bien reconnaître que les ressources dont jouissent les chemins de fer français, quant aux postes et à d'autres transports échappent aux chemins de fer belges.

Il n'est pas étonnant, en raison de ces circonstances, qu'il doive y avoir une différence et que nos recettes ne puissent atteindre les chiffres, indiqués pour les chemins de fer français.

Maintenant il faut use réorganisation ; il y a des abus qui doivent cesser.

On se plaint, dit-on, tous les ans, et ces plaintes restent sans effet ; mais s'il y a des abus, nous sommes les premiers à le proclamer : it faut les faire cesser ; s'il y a des vices d'organisation, il faut y porter remède. C'est ce que j'ai dit dans mon premier discours, et c'est ce que je répète ici.

Messieurs, pour atteindre ce but, croyez-vous qu'il convienne de discréditer constamment l'administration, de jeter de la défaveur sur l'exploitation de l'Etat, de crier sans cesse qu'il faut abandonner cette exploitation à l'industrie privée ? D'après moi, le moyen de faire cesser les abus signalés, c'est de donner de l'appui au gouvernement en l'engageant à faire tout ce qui est nécessaire pour avoir une bonne organisation, de lui donner surtout les ressources nécessaires pour y arriver. Alors seulement nous aurons agi dans l'intérêt public.

Maintenant, quant à la réorganisation de l'administration, peut-on vouloir sérieusement que ce soit la législature qui la décrète ? C'était l'avis de quelques honorables membres de la commission, c'est encore l'avis de l'honorable M. de Man ; mais cet avis n'a pas été partagé par la majorité de la section centrale.

M. de Man d'Attenrode. - C'est ce qui vous trompe.

M. Verhaegen. - Je vais vous le prouver.

On voudrait faire pour l'administration du chemin de fer ce qui ne se fait pour aucune autre administration. Le ministre des travaux publics fera pour le chemin de fer ce que les autres ministres font pour les administrations qui ressortissent à leur département. Si l'organisation étant faite, on a des observations à y faire, on les présentera lors de la discussion du budget, et alors la Chambre décidera.

L'honorable M. de Man, dans son rapport, énonce le voeu d'arriver à une organisation par la législature et il paraîtrait, d'après son discours d'avant-hier, que ce vœu aurait été partagé par la section centrale.

C'est une erreur, la section centrale, comme je l'ai fait remarquer, ne s'est pas ralliée à l'avis de M. de Man qui lui est resté personnel.

A la page 74 du rapport je lis : « L'ensemble du budget a été adopté par la section centrale, avec les modifications qui ont été introduites. Il a été adopté avec le caractère d'un moyen de service provisoire, en attendant la présentation prochaine d'un projet d'organisation qui servira de base à la formation du budget, de l'exercice 1857. »

Il ne s'agit pas là d'un projet organique à soumettre à la Chambre. Il y a plus : la section cenirale, si j'ai bien compris un honorable collègue qui en faisait partie, a eu à se prononcer sur le point de savoir si l'organisation devait être faite législativement, et d'après lui la majorité de la section centrale se serait prononcée contre cette proposition.

M. de Perceval. - C'est exact,

M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - C'est une erreur.

M. Verhaegen. - Que les honorables membres de la section centrale réunissent leurs souvenirs et qu'ils veuillent bien nous dire ce qui en est ; quant à moi, je ne puis voir dans le rapport que ce qui s'y trouve écrit. Or, je n'y rencontre pas un mot d'un vœu émis par la section centrale pour l'organisation par la législature.

Je veux bien, en ce qui me concerne, d'une organisation qui fasse cesser les abus. Mais je demande que le gouvernement organise lui-même, je ne veux pas de l'organisation par une loi. On voudrait faire aujourd'hui pour le chemin de fer ce qu'on n'a pas fait pour les autres administrations.

(page 1321) Je n'en dirai pas davantage sur le discours de l'honorable M. de Man. Je crois avoir répondu à ses principales objections.

Je n'ai plus qu'un seul mot à dire en réponse à l'honorable M. de Brouwer qui a résumé les mêmes idées, mais qui s'est mis en contradiction avec lui-même sur un point capital.

A l'en croire, le chemin de fer belge ne produirait pas assez. Il pourrait produire beaucoup plus s'il était bien organisé, il serait même une mine d'or. Bien exploité, il rapporterait des ressources considérables. L'honorable membre a dit précisément le contraire dans son rapport sur le chemin de fer de Denderleeuw.

Projet de loi convertissant un emprunt, autorisant la négociation d’un emprunt et aliénant les actions du chemin de fer rhénan

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Mercier) présente deux projets de loi.

Le premier ayant pour objet d'autoriser le gouvernement : 1° à convertir en emprunt à 4 1/2 p. c. l'emprunt de 26 millions à 5 p. c. contracté en vertu de la loi du 20 décembre 1851 ; 2° à négocier un emprunt de 35 millions à 4 1/2 p. c ; 3° à aliéner les 4,000 actions du chemin de fer rhénan, que possède l'Etat/

Projet de loi accordant un crédit extraordinaire au budget du ministère des travaux publics

Dépôt

Le second ayant pour objet d'accorder au département des travaux.publics un crédit extraordinaire de 21 millions a répartir en plusieurs exercices, afin de compléter le matériel du chemin de fer, d'achever les stations, d'établir des doubles voies là où il n'en existe pas, enfin de donner de l'extension aux lignes télégraphiques.

- La Chambre donne acte à M. le ministre des finances de la présentation de ces projets de loi, en ordonne l'impression et la distribution et les renvoie à l'examen des sections.

M. de Man d'Attenrode. - A la session prochaine.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1856

Discussion du tableau des crédits

Chapitre IV. Chemins de fer. Postes. Télégraphes. Régie

Discussion générale

M. le président. - La discussion continue sur l'ensemble du chapitre IV, chemin de fer, postes, régie, télégraphes.

M. Moncheur. - Messieurs, je serai très bref, car la Chambre accablée de besogne, à la veille de se séparer, doit avoir hâté de terminer cette discussion générale. Mais m'étant expliqué sur le chemin de fer dans la discussion générale du budget des travaux publics, je crois nécessaire tout au moins de motiver mon vote à cause des faits nouveaux qui se sont produits depuis lors.

Le principal de ces faits est celui qui vient à l'instant d'avoir lieu, c'est-à-dire la présentation d'un crédit au ministère des travaux publics pour terminer le chemin de fer de l'Etat et pourvoir à son matériel.

Vous savez en effet que mon principal grief contre l'exploitation du chemin de fer de l'Etat, c'est qu'il n'est pas même encore terminé ; je dis qu'il est non seulement peu honorable pour la nation belge d'avoir depuis 22 ans l'exploitation du chemin de fer qui lui appartient sans l'avoir pu encore achever, mais que cet état de choses est encore très préjudiciable aux produits du railway, et même plein de dangers pour les voyageurs, puisque sur bien des points des plus fréquentés il n'y a qu'une seule voie.

J'avais annoncé que si cet état de choses continuait, je serais obligé de m'abstenir sur le vote du budget. Aujourd'hui, que j'acquiers la conviction qu'au moyen du crédit qui vient d'être présenté, le chemin de fer pourra aussi recevoir son complément et que l'on pourra en compléter le matériel, je ne vois plus de difficulté à émettre un vote affirmatif.

Mais avant de terminer, qu'il me soit permis de rendre un témoignage public de la sympathie avec laquelle nous devons tous accueillir le travail de l'honorable rapporteur, sur le budget en discussion, et émettre en outre le désir de connaître les procès-verbaux des séances du comité permanent du chemin de fer, tant du comité général que de ses sous-comités.

Je fais donc, quant à ce point, la proposition formelle que la Chambre ordonne l'insertion desdits procès-verbaux in extenso dans le Moniteur, et j'espère que cette proposition sera généralement accueillie. Nous insérons souvent dans le Moniteur des documents infiniment moins intéressants que ceux-là. J'y ai vu notamment insérer des centaines de pétitions toutes pour le même objet et disant toutes les mêmes choses et dans les mêmes termes ; ce qui certes ne nous apprenait rien du tout. Or, les procès-verbaux dont il s'agit nous apprendront beaucoup de choses que nous ignorons.

Je n'en dirai pas davantage, parce que le temps presse, et que je ne veux pas retarder la discussion.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - L'honorable M. Moncheur insiste, ainsi que l'honorable rapporteur et l'honorable M. de Brouwer, pour l'insertion au Moniteur des procès-verbaux du comité des chemins de fer, non seulement de ses séances en comité général, mais des séances des sous-comités.

J'ai eu l'honneur d'exposer à la Chambre, dans une de ses précédentes séances, le peu d'importance qu'ont ces procès-verbaux principalement pour la Chambre.

L'honorable M. de Brouwer m'a donné gain de cause en disant que ces procès-verbaux contenaient des discussions sur la construction des locomotives et sur le déplacement des stations. Je ne puis comprendre que de pareilles discussions aient de l'importance au point de vue parlementaire, à moins que la Chambre ne veuille s'occuper de questions techniques ou faire de l’administration. A cet l'égard, je dois repousser les insinuations des honorables MM’ de Brouwer et de Man qui mettent en doute l'impartialité des personnes qui seraient chargées de faire un choix dans les procès-verbaux. Personnellement, je le sais, ils veulent bien me mettre hors de cause ; mais, ifs n'ont aucun motif de mettre en doute l'impartialité des personnes que je chargerais de ce travail.

Ici, messieurs, je dois les prier d'apporter un peu plus de bienveillance dans l'examen des travaux que je suis chargé de présenter à la Chambre ou d'effectuer. Je ne les fais pas tous ; mais quand, ensuite de ses résolutions, j'en prends la responsabilité, j'en surveille l'exécution de manière telle, que ma responsabiiité ne soit pas engagée.

Ainsi, je persiste dans cette idée que cette publication sera peu utile, qu'elle sera longue, quelle sera coûteuse, que le moyen que j'ai proposé pouvait atteindre le même but ; et je ne crois pas que la Chambre désire de marcher dans la voie où la convient d'honorables membres, c'est-à-dire d'entrer dans une voie d'administration pour régler elle-même le nombre de boulons, la dimension des roues d'une locomotive, le nombre de plates-formes d'une station.

Cependant je ne fais aucune difficulté de mettre à la disposition du bureau de la Chambre les procès-verbaux in extenso du comité. Ces documents sont très volumineux ; car vous savez que les séances du comité ont été très nombreuses ; elles ont été bien remplies ; les procès-verbaux ont été tenus avec le plus grand soin ; ils forment un volume très considérable. Cependant je les mettrai à la disposition du bureau de la Chambre, qui en fera l'usage qu'il trouvera convenable.

Avant d'aller plus loin, je dois un mot de réponse à l'honorable M. Matthieu et à l'honorable M. Faignart.

Ces honorables membres appellent de nouveau l'attention du gouvernement sur une convention faite ou sur une convention à faire avec la compagnie du chemin de fer de Mons à Manage. Selon eux, la convention qui existe ne vaut rien et doit être remplacée par une autre. Ils trouvent qu'il est peu équitable d'appliquer aux transports par cette ligne les frais fixes. Il faudrait mettre les transports de cette ligne vers un point quelconque du railway national dans une position privilégiée et ne leur faire payer que la moitié des frais fixes.

Je ferai remarquer à ces honorables membres que la société à laquelle ils s'intéressent se trouve placée dans le droit commun ; que ses transports sont frappés de la même taxe que les transports du chemin de fer du Flénu, par exemple, et des autres lignes, et que si, pour certaine transports spéciaux, pour des transports en transit, la compagnie du chemin de fer de Mous à Manage a obtenu une réduction des frais fixes, et si elle n'en a pas obtenu pour d'autres, c'est qu'on négocie en ce moment une convention. Car les honorables membres savent qu'on ne négocie pas seul ; ils connaissent les difficultés nombreuses que rencontre l'administration pour conclure une convention que tout le monde désire. Je ne puis toutefois pas prendre l'engagement que dans la nouvelle convention il sera fait droit en tout aux observations des honororables membres.

L'honorable M. de Man, reprenant la discussion générale au point où elle en était restée samedi, à voulu combattre les chiffres par lesquels j'ai cherché à établir que la comparaison que l'on avait faite avec l'exploitation des chemins de fer français, n'était pas aussi mauvaise pour l'exploitation belge qu'on avait voulu le faire croire. L'honorable M. Verhaegen a répondu à cette partie du discours de l'honorable M. de Man et je croirais abuser des moments de la Chambre, si, après avoir longuement exposé samedi devant elle les motifs qui me portaient à croire que nous n'avions rien à perdre, à la comparaison que l'honorable rapporteur avait voulu faire, je renouvellais cette discussion.

L'organe de la section centrale a exposé ses théories ; nous lui avons répondu ; il serait inutile de reproduire continuellement les mêmes chiffres. Je pense que la Chambre est en ce moment en possession des éléments complets d'appréciation et je m'en rapporte volontiers à son jugement.

Reprenant successivement différentes critiques contenues dans son rapport, l'honorable rapporteur insiste sur les faits suivants. Il lui paraît fort extraordinaire que toutes les messageries existant en Belgique avant l'exploitation du chemin de fer n'aient pas perdu leur clientèle au point de devoir fermer complètement leurs établissements ; qu'elles obtiennent la préférence sur le chemin de fer pour les transports de numéraire ; qu'enfin l'armée et les administrations publiques accordent à ces moyens de transport plus de confiance qu'au chemin de fer de l'Etat.

Je prie d'abord la Chambre de bien vouloir remarquer que ce n'est pas l'Etat qui administre son trésor et qui, au nom de ce trésor, fait les contrats pour les transports de numéraire.

Les fonctions de caissier de l'Etat sont confiées à une compagnie particulière qui emploie, pour ces transports de numéraire, qui bon lui semble. Ces transports ne se bornent pas à ceux qui s'effectuent entre localités reliées pour le chemin de fer ; ils s'étendent à tous les points du pays, qu'ils aient un chemin de fer ou non.

De là avantage de s'adresser à des entrepreneurs de messageries ayant des relations avec tous les points du pays.

Les établissements financiers rencontrent aussi dans l'industrie privée des facilités que les règles administratives empêchent (page 1322) l'administration publique de leur offrir. Il est impossible à l'Etat d'abaisser ses tarifs à mesure que des concurrences rivales abaissent les leurs pour obtenir plus de transports. Les arrêtés fixent une limite au-dessous de laquelle le département des travaux publics ne peut abaisser le prix des transports ; cette circonstance, qui n'existe pas ponr les entreprises particulières, fait que dans beaucoup de cas elles obtiennent la préférence.

Ce sont des motifs analogues qui empêchent le département de la guerre de confier à l'administration des chemins de fer tous ses transports.

Vous connaissez la loi de comptabilité qui oblige les administrations publiques à ne conclure de contrats qu'en vertu d'adjudications. Or, le département de la guerre a besoin d'un entrepreneur qui se charge de tous les transports à tous les jours de l'année et dans toutes les localités du pays. L'administration des travaux publics ne pouvait devenir cet entrepreneur ; elle ne pouvait pas se porter comme concurrente à ceux qui se présentent.

Le département de la guerre traite avec un entrepreneur qui s'engage à aller partout, et l'administration des transports militaires emploie pour le service qui lui est confié tel moyen qu'elle juge utile. Il n'y a donc pas lieu de faire un reproche au département des travaux publics de ne pas avoir su attirer chez elle ces transports.

Je passe à un autre point.

Le coke fourni à l'administration est, dit-on, beaucoup moins bon que le coke fourni aux administrations françaises ; il est plus cher et cependant les administrations françaises achètent leur coke en Belgique, et aux mêmes établissements que nous.

L'honorable membre devrait être un peu indulgent pour nous en ce qui concerne le coke, car je pense qu'il a pris part à la rédaction du cahier des charges en vertu duquel le coke nous est fourni et qui contient les précautions les plus minutieuses. Quant au prix, il ne dépend ni du ministre ni de l'administration, attendu qu'il est le résultat d’une adjudication publique.

Tous les établissements peuvent concourir, et si nous n'obtenons pas les prix les plus favorables, je ne sais pas s'il ne faut pas l'attribuer à cette obligation de recourir à l'adjudication publique qui rend les fournisseurs très incertains sur les approvisionnements qu'ils doivent faire, sur les quantités qu'ils doivent livrer à des époques auxquelles les livraisons devront avoir lieu. Car l'administration se réserve le droit de commander selon ses besoins et elle ne prend aucun engagement pour maintenir la fourniture au même entrepreneur. De là une grande différence.

Le Charbonnage qui a la fourniture du coke pour une compagnie particulière est sûr de la garder aussi longtemps qu'il livrera de bons produits. Pour le chemin de fer de l'Etat, au contraire, l’établissement qui vous a le mieux fourni, dont les produits ont donné les meilleurs résultats, se voit à l'adjudication suivante évincée de la fourniture pour une différence d’un centime.

Ainsi, messieurs, incertitude quant à la qualité, instabilité quant à la durée de la fourniture, c'est à cela qu'il faut particulièrement attribuer le fait que signale l'honorable membre. Du reste, la fourniture a été faite conformément à un cahier des charges qui a été étudié avec le plus grand soin et qui a reçu l'approbation du comité consultatif.

On a dit encore qu'à différentes époques l'attention du ministre a été appelée sur la possibilité de faire faire par entreprise les réparations du matériel du chemin de fer. Ces réparations faites maintenant par l'administration, exigent, au dire de l'honorable M. de Man, des frais considérables, la main d'œuvre serait excessivement mal employée et l'Etat ferait sur cet objet un sacrifice inutile de 20 à 40 p. c.

Eh bien, messieurs, si les offres qui ont été faites à cet égard étaient encore reproduites, elles ne pourraient pas être acceptées, parce qu'il faudrait avoir recours à l'adjudication publique, et qu'il est impossible de conlier à un entrepreneur, désigné en quelque sorte par le hasard, une portion si importante du service, au point de vue de la sécurilé des voyageurs. Il serait absurde de vouloir courir les chances d'une adjudication publique dans une matière si délicate, que la réparation du matériel roulant, pour les travaux si minutieux que comportent le montage et le démontage, les petites réparations, la revue des pièces ; ce serait mettre la sécurité du public entre les mains du hasard le plus aveugle, ce serait faire courir les plus grands dangers aux voyageurs.

L'honorable membre examine avec complaisance le rapport qui lui a été remis par la cour des comptes et il fait ressortir les résultats défavorables que ce rapport attribue à l'exploitation du chemin de fer de l'Etat. Il en conclut qu'on arrivera bientôt à ce qu'il regarde comme le plus grand bien, la vente du chemin de fer. Ici, je prie la Chambre d'être attentive à un fait : Déjà la cour des comptes a fourni un compte commercial du chemin de fer et dans la lettre qu'elle adresse maintenant à l’honorable M. de Man, elle veut bien reconnaître que ce compte n’était pas tout à fait ce qu’il aurait pu être, qu'il y a lieu à l'établir sur d'autres bases, ce qu'elle a soin de faire dans le nouveau tableau soumis à l’honorable membre.

Je ne saurais pas me prononcer en parfaite connaissance de cause sur l'exactitude des résultats constatés par ce tableau, mais il ne serait pas impossible qu'un jour ou l'autre la cour des comptes ne découvîit encore un autre moyen de procéder et qu'elle ne vînt dire que le déficit n'est pas aussi considérable qu'elle l'avait cru d'abord. Du reste, messieurs, une chose m'a frappé, c'est que le déficit va en diminuant et que, d'année en année les recettes suivent une marche ascendante. Il est donc probable que le déficit disparaîtra tout entier et que les résultats donneront gain de cause à ceux qui soutiennent que l'exploitation par l'Etat, malgré les inconvénients qui en sont inséparables, est encore ce qu'il y a de mieux à faire pour la prospérité publique.

Enfin l'honorable rapporteur, revenant sur une idée déjà émise par l'honorable M. Moncheur, voudrait que le chemin de fer eût une comptabilité séparée de celle de l'Etat, qu'il eût une caisse à lui, qu'il eût en quelque sorte son trésor et que ce trésor fût alimenté par des actionnaires, afin d'avoir ainsi l'intervention de l'intérêt privé dans cette administration publique. J'ai déjà répondu à l'honorable M. Moncheur, qu'il m'était impossible, sans un examen très approfondi, d'émettre une opinion sur une question de cette importance. C'est tout un système à étudier et je ne pense pas, messieurs, que vous soyez plus que moi disposés à vous aventurer à la légère dans un pareil système.

Je crois, messieurs, avoir rencontré en quelques mots les observations présentées par l'honorable M. de Man. Comme c'est à peu près le seul orateur que j'eusse à combattre, je pense pouvoir me dispenser d'en dire davantage.

M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - Messieurs, je répondrai d'abord à ce que vient de dire M. le ministre des travaux publics. Il m'a été pénible d'entendre que j'aurais l'air de me réjouir des mauvais résultats du chemin de fer.

Cette insinuation n'est pas parlementaire et peu convenable dans la bouche d'un ministre. Je suis chargé de la tâche très désagréable de signaler des choses qui ne sont pas conformes à l'intérêt public et M. le ministre semble insinuer que j'en éprouverais de la satisfaction.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Je ne l'ai pas insinué, je l'ai dit clairement.

M. de Man d'Attenrode. - Je ne me suis donc pas trompé. Non, messieurs, je ne me réjouis pas du tout des résultats peu satisfaisante de l'exploitation des chemins de fer, par l'intervention du gouvernement ; je désirerais beaucoup, au contraire, que ces résultats fussent meilleurs, puisque, en définitive, je suis, comme tous les contribuables, copropriétaire de cette grande entreprise et à ce titre j'ai le droit de dire toute ma pensée et de la dire à ceux qui la dirigent au nom de nos commettants.

L'honorable M. Verhaegen a articulé une accusation grave : j'aurais déclare à tort, dans la discussion, que la majorité de la section centrale a réclamé la présentation d'un projet de loi organique des chemins de fer. Eh bien, messieurs, je soutiens que la majorité de la section centrale a émis ce vœu.

M. de Perceval. - C'est une erreur.

M. de Man d'Attenrode. - Ce n'est pas une erreur, la minorité se composait de M. de Perceval et de M. Rousselle, notre honorable président. Le rapporteur a été élu en présence de l’honorable M. de Perceval.

M. de Perceval. - Le rapport n'en dit rien.

M. de Man d'Attenrode. - Voici ce qu'il dit à la page 4 :

« Aussi la section centrale insiste-t-elle vivement pour que le budget de 1857 soit enfin établi d'après un système d'administration sanctionné par la législature. »

Lorsque jai donné lecture de ce passage, MM. de Perceval et Roussele ont réclamé contre cette rédaction ; contre le vœu qu'elle contenait ; uue discussion s'en est suivie ; l'honorable M. Loos a soutenu mon opinion ; l’honorable M. Lambin a voté de la même manière, et la majorité de la section centrale a émis le vœu de la présentation d'un projet organique.

M. de Perceval. - C'est une erreur.

M. de Man d'Attenrode. - Comment ! c'est une erreur ?

M. le président. - La Chambre me permettra sans doute de donner une explication sur cet incident. (Parlez ! parlez !)

L'honorable M. de Man a fourni à la section centrale le paragraphe dont il vient de donner lecture ; je l'ai attaqué à la fois et sur le principe et sur la rédaction ; nous avons discuté et on est allé aux voix, après des explications fournies par l'honorable M. Loos ; cet honorable membre a déclaré que, dans son opinion, les mots : « sanctionné par la législature », n'avaient pas, dans son esprit, d'autre portée que celle-ci, à savoir que la législature donnerait ou refuserait sa sanction à la nouvelle organisation, lors du vote des articles du budget qui eu consacreraient l'application.

Néanmoins, j'ai demandé que l'on votât sur la rédaction, parce que je craignais qu’on ne donnât aux mots ; « sanctionné par la législatureé le sens que l’honorable M. de Man y attachait personnellement avec d'autres membres du comité consultatif, c'est-à-dire que l'organisation devrait se faire par une loi et non par un arrêté royal.

Nous avons donc été aux voix sur la rédaction proposée ; deux membres ont voté contre, les autres membres l'ont adoptée ; je ne puis faire connaître l'iutention de ceux des membres qui ont garde le silence dans la discussion, mais il est permis de croire que dans leur esprit, la rédaction n'avait d'autre sens que celui qui avait été très clairement indiqué par l'honorable M. Loos.

M. de Perceval. - Je demande la parole sur l'incident.

M. le président. - Vous avez la parole sur l'incident.

M. de Perceval. - Je demande la parole sur l'incident ; comme (page 1323) membre de la section centrale, je désire donner également quelques explications.

L'honorable M. de Man a soulevé, en section centrale, la question de l'intervention de la législature dans l'organisation future de l'administration des chemins de fer. Il a demandé qu'une loi organique, discutée par la Chambre, fixât les cadres de cette administration.

La section centrale, après un long débat, n'a pas admis le principe de l'intervention de la législature. Cela est tellement vrai, que le rapport de M. de Man est, pour ainsi dire, muet à cet égard.

Que trouvons-nous, en effet, à la page 74 du travail de M. le rapporteur ? J'y lis :

« L'ensemble du budget a été adopté par la section centrale, avec les modifications qui y ont été introduites. Il a été adopté avec le caractère d'un moyen de service provisoire, en attendant la présentation prochaine d'un projet d'organisation qui servira de base à la formation du budget de l'exercice 1857. »

Si, comme l'a avancé erronément l'honorable M. de Man, un vœu a été émis par la section centrale tendant à opérer la réforme de l'administration des chemins de fer avec l'intervention de la législature, je lui pose cette question : Pourquoi ce vœu n'esl-il pas inséré dans le rapport ?

La section centrale a demandé une organisation de l'administration des chemins de fer, mais elle n'a pas exigé que cette organisation fût, au préalable, soumise à la législature, discutée et approuvé par elle.

M. le président. - La parole est continuée à M. le rapporteur.

M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - Je viens de lite le paragraphe contesté par l'honorable député de Malines, ce paragraphe porte que la section centrale insiste vivement pour que le budget de 1857 soit établi d'après un système sanctionné par la législature.

Or si ce système d'après le rapport de la section centrale doit être sanctionné par la législature, il ne peut être question que d'une loi. Cela est tellement vrai, et je regrette que l'honorable M. Loos ne soit pas ici pour confirmer mes paroles, cela est tellement vrai que la minorité composée de MM. Rousselle et de Perceval a demandé qu'on consignât son vote négatif au procès-verbal : c'est ce qui a été fait par l'insertion d'une note au bas de la page 4.

Pendant la discussion qui a précédé ce vote en section centrale, la majorité a déclaré qu'il n'était pas du tout anormal que la Chambre discutât et sanctionnât un système d'organisation pour les chemins de fer, puisque la Chambre, après avoir réclamé pendant longtemps la présentation d'une loi organique de l'armée, avait discuté une loi de cadre pour l'armée.

C'est à la suite de ces observations appuyées par l'honorable M. Loos que l'honorable M. de Perceval et l'honorable président ont demandé que leur vote négatif fût inséré au rapport. Tels sont mes souvenirs, je ne pense pas que l'honorable M. Loos soit d'un avis contraire.

Maintenant j'en reviens à la réponse que je voulais faire à l'honorable M. Verhaegen ; elle sera courte, je crains d'abuser de la patience de la Chambre. L'honorable membre m'étonne vraiment ; il accuse les membres qui ont appartenu au comité consultatif de faire étalage ici de ce qu'ils y ont appris. Si nous étions restés muets, l'honorable membre aurait dit sans doute que nous n'y avions rien fait ni rien appris. Vous voyez qu'il est impossible de satisfaire l'honorable député de Bruxelles : aussi n'ai-je pas la prétention d'y parvenir.

Une autre chose m'étonne encore, de la part de l'honorable membre. Le motif qui nous divise, c'est que je désire pour le chemin de fer une administration collective ; il se prononce nettement pour le pouvoir d'un seul, pour un pouvoir absolu ; il veut que des millions puissent être dépensés par un chef de département qui change au moins tous les deux ans, par suite des caprices et des intérêts de la politique. Or, je dis, moi, que ce n'est pas là un système d'administration populaire en Belgique ; dans tous les temps, les habitants de ce pays ont tenu à jouir de la garantie d'une administration collective.

La commune e tla province ont toujours été administrées par des corps collectifs, par des collègues échevinaux, par des députations provinciales.

Pourquoi ce mode d'administration adopté par toutes les compagnies ne serait-il pas convenable à adopter pour une administration aussi compliquée que l'est celle d'un chemin de fer ?

Je dis donc que le système d'administration de l'honorable membre, qui consiste à livrer d'aussi immenses intérêts à la responsabilité d'un seul homme, n'est ni sage, ni libéral, ni conforme à nos traditions.

Une autre cause de dissentiment, c'est que l'honorable député de Bruxelles n'aime pas les sociétés financières, les associations. Ceci m'étonne de sa part. Qu'est-ce qui a fécondé les richesses de ce pays, nos charbonnages, nos usines, etc. ? Qui est-ce qui a tant augmenté la prospérité de ce pays ? C'est l'association des capitaux, on ne peut le méconnaître.

Eh bien, l'honorable M. Verhaegen paraît avoir pris les associations en aversion : cela me paraît d'autant plus surprenant de sa part qu'il dirige activement une association qui ne s'occupe pas de questions financières, de chemins de fer, d'une association qui étend ses ramifications partout. Je n'en dirai pas davantage. Cela suffit.

M. Moncheur. - Messieurs, je demande que la Chambre statue sur la proposition que j'ai faite, tendant à faire imprimer tous les procès-verbaux du comité général et des sous-comités. Je suis étonné que M. le ministre des travaux publics combatte cette proposition, car outre qu'elle se motive d'elle-même, il suffit, à mon avis, que des collègues, anciens membres du comité, demandent la publication dont- il s'agit, pour que la Chambre soit toute disposée à l'ordonner. Il ne s’agit, d'ailleurs, que d'une dépense insignifiante.

Nous avons un intérêt réel à savoir ce qui s'est passé dans ce comité. Il ne s'agit pas de transporter dans la Chambre l'administration, comme dit M. le ministre, mais de mettre à notre portée des documents utiles à consulter et qui resteront.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Je n'ai pas fait d'opposition absolue à la publicaiion des procès-verbaux du comité consultatif, je me suis borné à appeler l'attention de la Chambre sur ce point que beaucoup de documents compris dans ces procès-verbaux pouvaient présenter peu d'intérêt pour la Chambre.

J'ai dit que le compte rendu des travaux de l'ancien comité avait coûté fort cher, que l’impression des procès-verbaux du dernier comité ne coûterait pas moins et serait d’une utilité fort incertaine, mais que je ne refusais pas de les mettre à la disposition du bureau de la chambre pour en faire tel usage qu’il jugera convenable.

M. de Theux. - Je pense qu'il y a un milieu à prendre sur la motion de l'honorable M. Moncheur.

Le gouvernement a fait imprimer les procès-verbaux de la commission militaire, bien qu'il trouvât qu'il pouvait y avoir quelques inconvénients à donner de la publicité à toutes les délibérations qui avaient eu lieu sur le système défensif que la Belgique voulait adopter. Tous les jours le gouvernement fait imprimer dans le Moniteur les rapports de nos consuls à l'étranger ; quelque utiles, quelque intéressants que soient ces rapports, tous ne renferment pas des renseignements aussi intéressants que les procès-verbaux d'une commission qui s'est livrée à l'examen et à l'étude de toutes les questions que peut soulever l'exploitation des chemins de fer.

Je conçois que parmi ces procès-verbaux il doit y en avoir qui n'ont plus d'utilité actuelle ; mais il y aurait un moyen très facile de s'entendre ; si M. le ministre voulait réunir une fois encore le comité pour s'entendre avec lui et faire le triage des documents dont la publication peut être utile.

Le comité n'est pas mort ; la Chambre, il est vrai, n'a pas accordé l'indemnité, mais jusqu'ici il n'y a pas eu d'arrêté royal qui ait rapporté celui qui avait institué le comité ; donc le comité existe, il dépend dn ministre de le réunir pour cet objet s'il le trouve convenable. Un triage fait par le comité, d'accord avec l'administration, conduirait à un résultat très utile.

La dépense serait minime, car il suffirait d'insérer ces documents dans les Annales parlementaires, dans l'intervalle des deux sessions.

M. le ministre nous parlait d'un dépôt à faire sur le bureau, mais aucun de nous n'ira fouiller dans un tas de paperasses déposées sur le bureau. Pour examiner ces documents il faudrait les avoir à domicile ; un seul pourrait les avoir.

Si on veut les publier dans les Annales parlementaires, cette publicité sera très utile, pourvu que M. le ministre consente à faire le triage avec les membres du comité. Il serait regrettable que les travaux de cette commission restassent enfouis dans les cartons et que nous n'eussions pas la faculté de les consulter.

M. Verhaegen. - La commission ne peut pas être juge dans sa propre cause. Amoureuse de son œuvre, si on lui demande ce qu'il faut publier, elle répondra : Tout ! On dit à côté de moi que c'est excessivement volumineux. Si vous insérez cela au Moniteur, vous allez éloigner vos derniers abonnés. A peine peut-on le faire relier tel qu'il est. Si on veut imprimer les procès-verbaux du comité consultatif, qu'on les imprime à part comme document de la Chambre ; il ne coûte pas plus cher de les publier d'une façon que de l'autre, il faut toujours les imprimer. Mais il y a un terme moyen, si vous ne voulez pas qu'on nous jette dans un dédale, ce serait de déposer le tout sur le bureau, et de nommer, dans le sein de la Chambre, une commission qui examinerait et déciderait ce qui doit être imprime.

M. de Mérode. - Quand on aime le libre examen, ou doit vouloir qu'on puisse examiner. Le système qu'on propose est un système d'éteignoir. Une commission a été nommée pour faire des investigations, afin que la Chambre puisse en profiter pour apprécier l'exploitation de notre chemin de fer. Moi je désire être à même de ne plus voter en aveugle les dépenses du chemin de fer. Le moyen d'être bien informé, c'est d'avoir à sa disposition des documents ; la commission en a réuni, quoi de plus simple que de les insérer au Moniteur ?

On n'éloignera pas pour cela les abonnés, car les abonnés ne seront pas obligés de les lire et ils ne payeront pas plus cher. On dit que la commission à laquelle on propose de confier le triage ne doit pas être juge et partie ; mais il s'agit d'une commission d'investigation, elle ne peut être ni juge ni partie, elle est chargée de rechercher le moyen de jeter la lumière sur les choses fort obscures à mon avis : moi qui n'ai rien vu jusqu'ici parce que je manquais de lumière, je demande un flambeau ; eh bien, le flambeau le voilà, on vous le refuse.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Je n'ai mis aucune opposition à la publication que vous demandez.

M. de Mérode. - Alors, c'est M. Verhaegen qui veut qu'on mette l'éteignoir sur tout le travail de la commission. C'est étonnant, pour un homme du progrès ; c'est pour cela que je demande l'impression. Mais je demande aussi que la commission soit chargée de faire (page 134) un triage, afin que nous ne nous perdions pas au milieu d'un fatras de pièces inutiles qui nous empêcheraient de profiter des documents que nous avons intérêt à connaître. Les membres du comité qui n'est pas supprimé puisque l'arrêté royal qui n’institue n'a pas été rapporté, ne demanderont pas mieux que de nous faire jouir du fruit de son travail.

M. de Brouwer de Hogendorp. - J’ai que les procès-verbaux du comité comité consultatif n'étaient pas aussi volumineux qu'on supposait, il s'agirait tout au plus de 250 pages du Moniteur.

Ce qui m'étonne en cette circonstance, c'est l'opposition de l'honorable M. Verhaegn à cette impression. Je ne comprends pas le motif pour lequel il veut s’y opposer, à moins qu’il ne veuille reproduire ici la doctrine que j’ai vue publiée dans certains journaux et qui porte la signature de l’honorable membre. Je ne comprends pas non plus l’espèce de répugnance qu’il semble porter à l’ancien comité consultatif, à moins que ce ne soit parce que c’était un ministère mixte. En effet, le comité était composé, d’un côyé, des honorables MM. Loos, Tesch et Dolez et d’un autre côté des honorables M. de Man, Spitaels et de moi. Je ne puis m’expliquer autrement la répugnance qu’éprouve cet honorable membre pour le comité.

M. Van Hoorebeke. - Je me joins à l'honorable préopinant pour demander que la Chambre veuille bien ordonner l'impression comme documents parlementaires des travaux du deuxième comité. Je ferai remarquer que les travauxx de la première commission ont été imprimés. Il serait de toute justice que les membres du deuxième comité pussent voir imprimer les travaux utiles auxquels ils ont concouru. Je ne pense que que les travaux de la deuxième commission excèdent comme dimension le volume qui a été publié pour la premiére, et qui comprend, je crois, deux ou trois cents pages.

M. de Theux. - Le gouvernement ne s'y oppose pas.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Je ne m'y suis jamais opposé. J'ai seulement dit que le département des travaux publics n’avait pas les fonds nécessaires pour l'impression.

M. David. - Comment ! dans vos 21 millions ! C'est étonnant.

- La Chambre consultée décide que les procès-verbaux du comité permanent des chemins de fer seront imprimés et distribués comme documents parlementaires.

- La séance est levée à 5 heures et un quart.