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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 25 mars 1857

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1856-1857)

(Présidence de M. Delehaye.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1151) M. Crombez procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

M. Tack donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La réduction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Crombez communique l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Quelques propriétaires, industriels et exploitants de minerais et commercants à Farciennes prient la Chambre de donner une application temporaire aux nouveaux droits sur la fonte et le fer, d'autoriser le gouvernement à augmenter ces droits dans certaines limites et de permettre la sortie de tous les minerais de fer moyennant certains droits de douane. »

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.


« Le sieur Joseph Pierre Fau, barbier à Seraing, né à Aix- !a Chapelle (Prusse) demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Des maîtres de verreries déclarent adhérer à la pétition qui a pour objet la libre entrée du sel de sonde et du sulfate de soude. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi portant révision du tarif des douanes.

« Des fabricants de savons demandent la libre entrée des sels de soude. »

- Même décision.


« L'administration communale de Pael déclare adhérer à la pétition de l'administration communale de Diest en faveur du chemin de fer de Louvain à Beverloo par Diest. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs fabricants de toile réclament contre la concurrence qui leur est faite par la prison de Saint-Bernard dans la fabrication des russias. »

- Même décision.


Par messages en date du 24 mars, le Sénat informe la Chambre qu'il a adopté

1° le projet de loi qui ouvre au département des travaux publics un crédit de 70,000 fr.,

2° le projet de loi qui modifie les articles 7 et 22 de la loi du 24 mars 1851 sur les brevets d'invention.


M. Osy. - Parmi les pétitions qui viennent d'être analysées, il en est une qui est relative à la fabrication des toiles russias qui se fait à la prison de Saint-Bernard.

Je demanderai que la commission veuille bien faire son rapport avant la discussion du budget de la justice où se trouve un crédit pour cet objet.

- Invitation sera faite à la commission de présenter son rapport avant la discussion du budget de la justice.

Projet de loi révisant le tarif des douanes

Discussion générale

M. Lesoinne. - Messieurs, je remercie la Chambre d'avoir bien voulu consentir à m'entendre. Je ferai tous mes efforts pour être bref, afin de ne pas abuser de sa complaisance.

J'ai demandé la parole à la séance de samedi dernier, en interrompant M. de Brouckere pour lui dire que personne ne voulait la liberté commerciale absolue et immédiate. Je pense qu'à cet égard il est bon de préciser la question, afin qu'il n'y ait pas de malentendu.

Nous croyons qu'il est dans l'intérêt du travail national que les prix des matières premières qui servent à la confection des articles destinés à l'exportation ne soient pas portés à un taux supérieur à celui qui existe sur les marchés voisins.

En effet, messieurs, pour ces objets qui sont destinés à l'exportation, nous avons une concurrence, à soutenir à l'étranger, et pour que nous puissions le faire avec chance du succès, il faut qu'on puisse se les procurer dans des conditions favorables.

Je pense donc, messieurs, que les entraves apportées à ce qu'on puisse se procurer tous les objets nécessaires à la fabrication des objets destinés à l'exportation, ne peuvent avoir pour résultat définitif que de diminuer le salaire des ouvriers employés à la fabrication de ces articles ; par conséquent, elles nuisent véritablement au travail national.

Quant aux objets fabriqués qui sont consommés dans le pays, nous ne voyons pas d'inconvénient à ce qu'ils soient frappés d'un droit modéré, assez modéré pour qu'ils entrent dans la consommation, afin de procurer une recette au trésor.

Ce droit de consommation peut paraître à certains membres une protection ; mais je pense, qu'en fait d'industrie comme en beaucoup de choses, nul n'est prophète dans son pays ; j'ajouterai qu'il est heureux qu'il en soit ainsi ; c'est là la cause des échanges, c'est ce qui fait que les pays échangent leurs produits les uns avec les autres ; c'est, en un mot, ce qui fait la vie du commerce.

Ainsi, messieurs, nous pouvons parfaitement bien demander l'abolition des droits sur les matières premières et une diminution de droits sur les objets fabriqués, de manière à arriver à un simple droit fiscal. Nous avons demandé cette réforme d'une manière prudente et successive, comme la demandait l'honorable M. T'Kint de Naeyer dans la première discussion du projet de loi présenté en 1854. Nous voulons même laisser aux industries protégées des droits assez élevés pour qu'elles aient le temps de perfectionner leurs moyens de fabrication et jusqu'au moment où elles reconnaîtront elles-mêmes qu'elles n'ont plus besoin de la protection.

Je pense que ce n'est pas là agir avec précipitation, que ce n'est pas vouloir détruire les industries du pays. C'est, au contraire, les engager à perfectionner leurs moyens de production de manière à pouvoir soutenir la concurrence, non seulement sur le marché intérieur, mais aussi sur les marchés étrangers.

J'ajouterai que la manière de procéder de ceux qui se prétendent les défenseurs du travail national est de nature à donner une pauvre idée de l'industrie de notre pays. On la fait trop petite, et cette opinion, qu'on cherche à propager, est de nature à nuire à beaucoup d'industries de notre pays.

Messieurs, elles ne sont pas aussi malades qu'on veut bien le dire, et ce qui le prouve, c'est le chiffre croissant du mouvement commercial. Ce n'est pas ici de la théorie, ce sont des faits.

L'honorable M. de Brouckere a dit que si l'on en venait à abaisser les droits sur ce qu'on appelle les matières premières, on ne tarderait pas à abaisser également les droits sur les produits fabriqués ; ce n'est nullement une conséquence obligatoire, mais que si l'on pouvait se procurer les matières premières nécessaires à la fabrication des articles qui servent à l'exportation, nos industriels seraient dans de meilleures conditions pour produire et qu'ils pourraient eux-mêmes reconnaître qu'ils n'ont pas besoin de droits aussi élevés pour les défendre sur leur propre marché. J'ai déjà dit, d'ailleurs, que j'admettais un droit fiscal sur les objets fabriqués.

L'honorable membre a encore fait valoir qu'il faudrait abaisser les droits sur tous les articles servant à l'industrie des houilles, ainsi qu'à la consommation et aux vêtements des ouvriers. Je ferai observer à l'honorable membre que les prix de la plupart de ces objets ont subi jusqu'à présent une proportion décroissante, tandis que les matières premières ont augmenté, de prix.

Ainsi dans la dernière exposition des objets pour l'usage domestique, l'honorable M. de Brouckere aurait pu voir un habillement complet d'ouvrier, confectionné d'une manière assez satisfaisante, et que l'on pouvait se procurer pour le prix de 12 fr., la chaussure comprise. Comme je viens de vous le dire, il n'en est pas de même de la houille et des autres matières premières. Aussi nous avons adopté, en matière de denrées alimentaires, une loi libérale.

Cette loi, quoi qu'en ait dit l'honorable M. Dumortier, j'espère qu'elle aura un caractère de permanence, car les agriculteurs sont revenus de l'idée qu'ils avaient relativement à la protection. Ils ont vu, sous l'échelle mobile, les prix descendre à des taux extrêmement bas, et quand les prix sont remontés, ou est venu pour ainsi dire les exproprier et leur ôter la libre disposition de leurs produits.

Messieurs, l'honorable M. de Brouckere a fait des efforts pour effrayer l'industrie houillère relativement au droit de faveur dont les charbons jouissent à leur entrée en France.

Messieurs, il ne faut pas compter sur la permanence de cette faveur. Le gouvernement français, si mes souvenirs sont exacts, n'a pas voulu garantir qu'il maintiendrait cette faveur et je crois qu'il a bien fait. Il n'a pas voulu se lier vis-à-vis de nous, parce qu'il ne pourrait pas mesurer quelle serait l'étendue de ses besoins.

La France manque de charbon. L'honorable M. Prévinaire vous a fait voir combien la proportion de la consommation de charbon par 1,000 habitants est inférieure en France, relativement à ce qu'elle est en Angleterre et en Belgique.

Mais l'industrie est aussi en progrès en France. La France multiplie aussi ses voies de communication et les charbons y entreront de plus en plus dans la consommation ;les besoins de la France deviendront de plus en plus grands.

(page 1152) Je ne crois pas non plus que l'industrie charbonnière de notre pays doive s'en effrayer. Aujourd'hui il y a un temps d'arrêt dans la construction des chemins de fer. Les capitaux se sont portés vers de grandes entreprises qui ont lieu dans des pays étrangers, en Russie et en Autriche. Ces immenses lignes ont absorbé des capitaux en proportion avec leur étendue et il faudra quelque temps pour qu'ils puissent être remplacés.

Mais je crois que ce temps arrivera ; un temps viendra où l'on continuera à multiplier les voies ferrées et alors l'écoulement des charbons prendra encore une extension très considérable.

Il faut se rappeler qu'il n'y a pas bien longtemps, nous recevions des pétitions très fréquentes pour demander qu'on établît un droit de sortie sur les charbons. Nous avons même reçu des pétitions conçues en termes très vifs. On se plaignait non seulement de ce qu'on ne pouvait pas avoir de charbon quand on le voulait, mais que celui qu'on se procurait, après avoir attendu longtemps, était mélangé de terre et de pierres.

Et il y avait, entre autres, une pétition du quatrième district agricole du Hainaut qui disait que l'on ne connaîtrait bientôt plus du charbon que la couleur. Ces expressions, naturellement, étaient exagérées ; cependant elles faisaient sentir combien le charbon était rare, combien il était difficile de s'en procurer à cette époque. Ce temps peut revenir, et alors, si vous établissez un droit d'entrée, ce droit, vis-à-vis des réclamations qui arriveront, le maintiendrez-vous ?

Le charbon sera augmenté de prix, ajouterez-vous encore ce droit qui est déjà considérable, l'ajouterez-vous encore au prix qui existera alors ?

On a établi la libre entrée du charbon, non seulement à cause de la cherté, mais à cause de h difficulté de s'en procurer.

Messieurs, je l'ai dit en commençant, il est nécessaire que les charbons, si nécessaires à l'industrie, ne soient pas plus chers chez nous qu'ils ne le sont à l'étranger.

Nous avons une exportation extrêmement considérable sur la France et l'importation étrangère est assez insignifiante ; nous avons peut-être reçu 100,000 tonneaux l'année dernière et nous en avons exporté 3 millions.

Et, messieurs, ce n'est pas d'Angleterre que la plus grande quantité de charbon est arrivée, c'est de France, et c'est la France qui nous prend elle-même la plus grande partie du charbon exporté. Le Luxembourg et le Limbourg reçoivent aussi du charbon qui vient de la Prusse ; cela n'est pas considérable, mais cela vient en aide aux populations. Nous avons même exporté du charbon en Angleterre, comme on peut le voir par le tableau que M. le ministre des finances a produit dans une précédente séance.

L'honorable M. T’Kint de Naeyer est venu encore, messieurs, dans la séance de samedi, vous parler des soldes et il nous a cité un passage d'un discours de M. Thiers qui disait, qu'en 1848, les industriels français avaient été très heureux de déverser leurs soldes sur l'Allemagne et la Suisse, à 40 ou 50 p. c. au-dessous de la valeur.

Je ne sais pas quel est l'effet que ces soldes ont produit sur l'Allemagne eu 1848.

L'Allemagne n'a pas été à l'abri des révolutions et je ne sais pas si elle a fait grande attention aux marchandises françaises qu'on lui envoyait à cette époque ; mais quant à la Suisse qui possédait des institutions libérales et qui à cause de cela a été exempte de mouvements révolutionnaires, je crois que la Suisse a fait une très bonne affaire ; elle a acheté à des prix de 50 p. c. au-dessous de leur valeur, des marchandises françaises qui sont généralement des articles de goût, bien faits ; elle a envoyé probablement ces soldes sur les marchés transatlantiques et elle en a tiré un très bon parti.

L'honorable membre avait dit que la France avait aussi déversé les soldes de ses marchandises sur la Belgique en 1848. Je ne sais pas pour quel chiffre ces soldes sont entrés dans les produits manufacturés qu'elle nous a envoyés dans cette année ; mais je vois qu'en 1845 la France nous a envoyé des objets manufacturés pour 17,546,415 fr. et qu'elle ne nous en a envoyé que pour 12,323,829 francs en 1848, c'est-à-dire que l'importation de 1848 est inférieure de 5 millions à celle de 1845 ; mais si la concurrence a été diminuée de 5 millions pour les produits fabriqués dans notre pays, le solde français n'a pas dû exercer une grande influence sur le travail national, dans le système de l'honorable M.T Kint... (Interruption.)

Je sais que l’année 1848 a été généralement une mauvaise année pour les affaires dans tous les pays ; c'est pour cela même que je ne pense pas que les soldes français aient exercé sur nous une influence quelconque. Je n'en ai pas même entendu parler en Belgique.

L'honorable membre a dit aussi qu'avant de livrer le marché intérieur à la concurrence étrangère, nous devons chercher à nous rendre les marchés étrangers plus accessibles et qu'avant d'acheter il faut vendre.

Je répondrai que je suis de son avis : avant d'acheter, il faut vendre ; mais avant de vendre, il faut se mettre dans de bonnes conditions de production, et c'est pour cela que je demande la libre entrée des matières premières : c'est là une logique pour ainsi dire irrésistible.

Si donc nous voulons vendre, nous devons d'abord produire dans de bonnes conditions ; or, c'est ce que nous demandons, et c'est, je crois, ce que nous pouvons faire sans danger.

L'honorable M. Dechamps a dit qu'il avait fait valoir un argument auquel on n'a pas répondu et qui est celui-ci : si la politique commerciale qui a été suivie jusqu'à présent avait été mauvaise, elle n'aurait pas produit les résultats qu'on a obtenus et l'industrie n'aurait pas fait les progrès qu'elle a réalisés.

Messieurs, la politique commerciale qui a été suivie jusqu'aujourd'hui a beaucoup varié ; nous avons eu différentes lois plus ou moins restrictives ; nous avons fait des efforts, car enfin il faut bien vivre ; mais ainsi que je l'ai déjà dit dans une séance précédente, nous avons eu à soutenir, pour nos charbons en France, la concurrence anglaise, el en Hollande, la concurrence anglaise et la concurrence prussienne.

C’est ce qui nous a portés à perfectionner nos moyens d'exploitation, c'est ce qui a amené les progrès de l'industrie. Si nous n'avions eu que le marché intérieur pour l'écoulement de nos produits ou des marchés privilégiés, je ne dis pas qu'il ne se fût fait aucun progrès ; mais les progrès eussent été beaucoup plus lents, car quand il faut mener une entreprise à bonne fin en présence de la concurrence, on fait plus d'efforts que quand on a la certitude de vendre ses produits quels que soient les procédés qu'on emploie. Je crois que c'est élémentaire.

L'honorable membre a dit qu'il ne voulait pas de protection exagérée ou inutile ; il s'est déclaré réformiste. J'ai entendu cet aveu de la part de l'honorable M. Dechamps avec le plus grand plaisir.

Quand un homme de la valeur de l'honorable M. Dechamps revient à des opinions modérées, progressives en fait de commerce, nous devons tous nous en réjouir, parce que nous croyons que les faits ont exercé leur influence sur l'opinion de l'honorable membre, et que désormais, plus il étudiera cette question, plus il verra que la protection n'est pas une chose aussi efficace qu'il se l'était imaginé d'abord.

Il est partisan, dit-il, d'une réforme sage, progressive ; c'est aussi ce que nous voulons ; nous ne voulons porter le trouble nulle part ; nous sommes certains que quand nous demandons la libre entrée pour les houilles, l'industrie houillère ne court aucun danger.

On a cherché à développer le commerce d'exportation du charbon par la construction de canaux et de chemins de fer.

Ces constructions ont produit les effets qu'on en attendait. C'est depuis que ces voies de communication ont été ouvertes que nos exploitations houillères se sont développées ; c'est grâce à ces voies de communication que la prospérité du pays a augmenté dans une proportion si considérable. Toutes les fois que l'occasion se présentera d'en augmenter le nombre, je serai toujours un des premiers à souscrire à ce progrès.

L'honorable membre demande si le droit de 1 fr. 40 c. est suffisant ; il n'en sait rien, ni nous non plus, dit-il. D'abord il s'agit de savoir ce qu'on entend par ce mot suffisant. Est-ce suffisant pour empêcher l'entrée des charbons étrangers, ou suffisant pour qu'il en entre seulement une quantité limitée ?

Le charbon est encore aujourd'hui à un prix assez élevé ; je crois que s'il baissait quelque peu, si on abaissait le droit de péage sur les canaux, comme je suis dispose à y donner les mains quand on le proposera, la concurrence des charbons étrangers deviendrait difficile, sinon impossible.

L'honorable M. Dumortier a déclaré que la liberté commerciale était morte et enterrée. Il a suffi que quelques personnes intéressées dans les industries du pays s'associassent et fissent valoir leurs arguments dans différents journaux pour que la liberté commerciale fût définitivement morte.

Messieurs, je ne sais pas si la protection, comme l'entendait naguère l'honorable membre, est bien portante ; mais je ne la vois défendue par personne dans cette enceinte, pas même par l'honorable membre. Il nous a parlé de l'état dans lequel se trouvait l'industrie en 1838. Il paraît que les affaires allaient très mal alors ; nous perdions 60 millions tous les ans, la balance commerciale était en notre défaveur.

Je ne sais où le pays serait allé s'il avait continué à éprouver une perte semblable annuellement ; mais il a suffi de dix années d'échelle mobile pour les céréales et de trois ou quatre années de droits différentiels pour que les affaires pussent être remises en bon état.

Il est vrai que pendant ce temps l'industrie des Flandres était en souffrance, les députés de ces provinces venaient dans cette enceinte faire un tableau affligeant de l'état dans lequel se trouvaient les populations des Flandres.

L'industrie des toiles principalement, au lieu d'augmenter, allait en décroissant, son commerce d'exportation diminuait tous les ans malgré l'effet de ces lois bienfaisantes.

Je pense que l'expérience qu'on en a faite n'a pas été favorable ; car quand on en est revenu à la liberté du commerce pour les denrées alimentaires et à l'abolition des droits différentiels, le commerce alors a pris une bien plus grande extension, l'industrie a fait de bien plus grands progrès, et je crois que, toute balance à part, les affaires en ont été beaucoup mieux.

Messieurs, je ne crois pas avoir besoin de réfuter ici ce que l'on a dit de la balance commerciale, ce système qui consistait à vendre beaucoup el à recevoir très peu. Je crois que ce système est démontré ce qu'il est, une espèce d'aberration inventée par ceux qui n'ont jamais été dans les affaires, qui n'ont jamais su comment elles se font. Il est certain que si on vend de la marchandise pour mille francs et qu'on n'en reçoive que pour 800 francs, on perd deux cents francs. Mais si vous vendez (page 1155) pour mille francs de marchandises et que vous en receviez pour douze cents francs, vous gagnez 200 fr.

Voilà, je crois, la balance réduite à sa plus simple expression, facile et intelligible pour tout le monde.

Je terminerai par une observation relative à ce qu'a dit l'honorable ministre des finances dans une séance précédente. J'ai vu avec peine l'honorable ministre venir produire, pour combattre la libre entrée des charbons, l'argument du remboursement des péages sur l'Escaut. Cet argument a été reproduit par ceux qui demandent rétablissement d'un droit à l'entrée. Mais j'ai vu avec peine le gouvernement le présenter. C'est la condamnation de tout ce qui a été fait pour développer le commerce du port d'Anvers. Ainsi vous avez déclaré les engrais libres à l'entrée. Ou fait venir du guano d'Amérique. Il y a des fabriques d'engrais artificiel. Ces fabricants qui prétendent que leur engrais est aussi bon que le guano n'auraient qu'à dire : Chaque tonne de guano vous coûte 3 fr. 20 c. C'est utile pour l'agriculture. Mais nous pourrions lui procurer un engrais équivalent et vous épargner une somme de 3 fr. 20 c. que vous payez au gouvernement des Pays-Bas.

Ainsi c'est la condamnation du transit. Vous avez fait des sacrifices pour attirer dans le port d'Anvers le transit vers l'Allemagne. Chaque navire qui nous arrive paye 3 fr. 20 cent, par tonne. Si l'honorable ministre des finances avait réfléchi aux conséquences de son argument, il ne l'aurait pas produit. Celui qui arrive avec son navire, et à qui l'on rembourse le péage sur l'Escaut ne réalise aucun bénéfice.

On a dit que c'était une prime.

Mais c'est simplement un droit qu'il paye et qu'on lui rembourse. Le fret de Newcastle à Anvers n'en est pas moins de 10 à 11 schellings. Or, le péage sur le canal de Charleroi est de 4 fr. 80 c. Vous voyez la différence qui reste en faveur des charbons belges.

Je pense donc qu'on pourrait sans inconvénient admettre la libre entrée des charbons. Je pense que l'industrie charbonnière n'en souffrirait pas, que cela n'influerait pas à la vérité sur les prix. Mais dans les moments de rareté le consommateur belge aurait une source de plus pour se procurer le charbon dont il aurait besoin.

M. Loos. - Après les paroles presque menaçantes qui ont été adressées à ceux qui ont l'honneur de représenter, dans cette enceinte, l'arrondissement d'Anvers, j'ai pensé que je ne pouvais me dispenser de justifier mon vote, d'autant plus que je vais beaucoup plus loin dans l'abaissement des droits sur les houilles que le seul de mes honorables collègues qui, jusqu'à présent, a parlé sur la question.

Comme, aux yeux de ceux qui nous ont menacés, mon opinion peut donc paraître beaucoup plus téméraire, j'ai pensé que je ne pouvais me borner à voter en silence, et qu'il était de mon devoir de faire connaître à la Chambre les motifs qui me feront adopter la libre entrée des charbons.

Une grande calamité a pesé sur le pays. Le manque de récoltes répété a fait augmenter le prix des céréales à un taux qui a répandu la misère parmi les populations.

La Chambre, pour venir en aide à ces malheureuses populations, décréta la libre entrée des céréales étrangères qui exista pendant trois ans.

L'année dernière un adoucissement s'étant produit dans la situation, nous avons pensé qu'on pouvait envisager avec sang-froid la question des céréales et fixer définitivement notre régime commercial pour cet article.

La Chambre alors a voté un droit permanent de 50 c. par cent kil., ce qui revient en définitive à une protection d'environ 2 p. c.

Dès ce moment, messieurs, j'étais résolu à voter le régime le plus libéral possible pour les charbons parce que, en souffrant de la faim, nos compatriotes avaient en même temps souffert du froid, à tel point que nous avions jugé devoir décréter aussi la libre entrée provisoire des charbons.

Messieurs, nous devons examiner les causes qui ont produit pour le pays cette double calamité : le haut prix des céréales et le haut prix des charbons.

Je n'ai pas besoin d'indiquer les causées du prix élevé des céréales. Les récoltes avaient manqué non seulement dans nos provinces, mais dans les pays où nous avions l'habitude de nous approvisionner. A ce manque de récoltes est venue se joindre la guerre, et les greniers qui nous fournissaient le plus abondamment, nous ont été fermés.

Cependant ce fâcheux état de choses n'était pour nous qu'une situation temporaire, dont la cause devait nécessairement venir à cesser, et nous pouvions prévoir que dans peu d'années une situation meilleure devait se produire. La situation, en effet, s'est améliorée, et malgré cela, nous avons pensé l'année dernière que dans l'intérêt du pays, sans inconvénient, sans préjudice notable pour l’agriculture, nous pouvions réduire d'une manière définitive à 50 centimes par 100 kilog. le droit d'entrée sur les céréales étrangères.

Messieurs, j'avoue très franchement que si à l'époque où nous avons proclamé la libre entrée des charbons, il s'était agi de décider cette libre entrée d'une manière définitive, je n'aurais pas osé la voter. Je le déclare très nettement, le droit de 1 fr. 40 m'eût paru extrêmement modéré et j'eusse su beaucoup de gré à ceux qui se posent comme les défenseurs de cette industrie, d'accepter un droit aussi peu prohibitif. Mais depuis lors nous avons fait une expérience qui ne peut être perdue. Nous avons eu trois années de liberté, nous avions espéré qu'avec cette liberté, le combustible qui nous est indispensable pourrait nous arriver d'une manière plus économique que nous ne pouvions le recevoir du pays. Malheureusement ces circonstances ne se sont pas réalisées. Le prix du charbon est resté à un taux exorbitant et pèse encore aujourd'hui très lourdement sur le régime des classes pauvres, d'une manière extrêmement nuisible sur l'industrie. Avant de prendre un parti, nous devons donc rechercher, messieurs, quelles sont les causes de cette cherté et si, en décidant aujourd'hui qu'il y aura un droit de 1 fr. 40 ou de 83 cent, nous avons l'espoir de voir revenir le prix du charbon à un taux raisonnable.

Puisque avec la liberté les prix n'ont fait que s'accroître, avons-nous l'espoir qu'avec 1 fr. 40 ou 83 cent, de droits, nous verrons s'améliorer la situation ? Pour ma part, je ne le pense pas, et si, il y a trois ans, j'aurais cru ne pas pouvoir voter la libre entrée du charbon, aujourd'hui je le fais en toute sécurité. Je suis convaincu que je ne porte pas un préjudice à mon pays, et principalement à la grande industrie de l'extraction du charbon.

Quelles sont, messieurs, les causes qui ont exercé une influence sur les prix ? Ces causes, sommes-nous à la veille de les voir disparaître ?

On a dit : Le fret de l'Angleterre vers le continent est à un prix très élevé. Ce fret a été provoqué par la guerre de Crimée. Mais attendez, le fret baissera et le charbon anglais va provoquer la baisse des prix.

Messieurs, la guerre de Crimée est terminée depuis assez longtemps et le fret est encore aujourd'hui très élevé. Il est à 11 schellings (13 fr.) de Newcastle à Anvers, plus l'assurance. Cette cause donc qui a agi sur le prix du charbon, non seulement ne tend pas à disparaître, mais peut s'accroître tous les jours. Pour moi, c'est une conviction que le fret ne baissera dans des proportions importantes.

La cherté du charbon est produite par le développement considérable des chemins de fer, des usines, de toutes les industries qui emploient le charbon.

Pour ne pas aller plus loin chercher des exemples que nous pouvons tous apprécier, voyons seulement ce qui se passe dans notre pays. Il y a trois ans, il n'existait, entre Anvers et les pays étrangers qu'une ligne de bateaux à vapeur, c'était la ligne d'Anvers à Londres. Depuis lors vous avez concédé et patronné trois lignes de bateaux à vapeur : une ligne vers les Etats-Unis, une autre vers le Brésil, une troisième vers le Levant, avez-vous calculé la consommation de charbon que vont amener ces trois lignes en activité ? En outre, et ainsi que nous avons eu l'honneur de le dire à la Chambre, en décrétant ces lignes de paquebots à vapeur, on devait être bien certain de voir s'établir d'autres lignes à côté de celles-là ; et ce que je présumais alors est déjà une réalité. A côté de ces trois lignes concédées par le gouvernement, nous voyons déjà figurer aujourd'hui dans les journaux une nouvelle ligne vers le Brésil, dont l'exploitation commence le 1er juin.

Dès à présent aussi, une autre ligne est établie entre Anvers et le Levant, indirectement, il est vrai, par les bateaux à vapeur qui partent régulièrement pour Marseille. J'ose prédire une chose : c'est qu'avant la fin de l'année, vous verrez une compagnie concurrente s'établir aussi entre Anvers et les Etats-Unis.

De tous les côtés donc, tant dans notre pays qu'à l'étranger, la consommation du charbon augmente.

Qu'on ne dise donc pas que l'abaissement du fret va produire l'abaissement du prix de la houille, que l'augmentation n'était due qu'à des causes momentanées, n'était due qu'à la guerre de Crimée.

Pour ma part, je le répète, je crois que le fret ne tend pas à s'abaisser.

Le mouvement commercial augmente dans tous les pays. La rareté des équipages est moins grande que pendant la guerre de Crimée, mais elle existe encore à un haut degré ; ce qui me fait présumer que le fret ne baissera pas de sitôt.

Si je devais chercher une autre preuve, je la trouverais dans ce fait que tous les chantiers de construction sont occupés et que dans notre pays même ce fait se produit exceptionnellement.

En Angleterre, en France, en Hollande, les chantiers de construction sont occupés, des navires se construisent partout.

Ainsi je ne crois pas, messieurs, qu'il y ail chance de voir réduire les frets.

Quant à la consommation, il n'est personne, je crois, dans cette enceinte, qui prétendra que la consommation du charbon tende à diminuer.

D'après tout cela, messieurs, je suis convaincu d'une chose, c'est qu'on réclame le droit de fr. 1-40 non pour se garer de la concurrence anglaise, mais pour pouvoir augmenter le prix dans la même proportion. Eh bien, ce serait là une véritable calamité pour le pays, une véritable calamité pour nos principales industries qui doivent, par le bas prix de leurs produits, soutenir la concurrence de nos rivaux sur les marchés étrangers et qui, sans le charbon à bon marché, ne peuvent soutenir la lutte.

Je dis, messieurs, que la loi qu'on nous propose aurait pour effet certain d'augmenter le prix du charbon de fr. 1-40 par 1,000 kilog. (Interruption.) Pourquoi ne le ferait-il pas ? Les charbonnages ne se sont-ils pas constamment entendus pendant le régime de liberté pour régler leurs prix sur ceux de Newcastle ? Ne se sont-ils pas toujours (page 1154) demandé : Jusqu'où, pouvons-nous aller sans rencontrer la concurrence anglaise ?

Mais, messieurs, le charbon belge se vend aujourd'hui à plus bas prix sur les marchés étrangers que sur le marché intérieur, pourquoi ? Parce que l'on rencontre à l'étranger la concurrence des charbons anglais.

Ainsi en France nos charbons se vendent à meilleur marché qu'en Belgique. On a tenté quelques exportations vers les Indes et pour y réussir on avait aussi consenti à réduire les prix à un taux inférieur à celui qu'on obtient en Belgique. Mon Dieu, messieurs, cela est fort naturel et il est loin de ma pensée de le reprocher à personne ; chacun vend sa marchandise aussi cher qu'il le peut, aussi cher que la concurrence lui permet de le faire.

Messieurs, j'aurais voulu, avec les convictions que j'ai sur le sort futur du charbon, et en présence des craintes que j'ai entendu manifester dans cette enceinte, j'aurais voulu trouver une autre solution que celles qui nous sont proposées. On vient toujours nous parler de la diminution du fret, de l'augmentation de l'extraction à l'étranger.

Je suis convaincu que ce sont là des craintes chimériques, mais j'aurais voulu trouver le moyen de donner une garantie à ceux qui les manifestent. J'ai rédigé un amendement qui me semble de nature à atteindre ce but et je le soumettrai à la Chambre. Il est ainsi conçu :

« A dater du 1er janvier 1858 le gouvernement pourra, dans des circonstances particulières, établir un droit d'entrée sur les houilles, lequel, dans aucun cas, ne pourra dépasser 1 fr. 40 c. par mille kilogrammes. »

Je ne sais pas si le gouvernement envisagerait comme trop difficile la mission que lui donnerait cette disposition ; quant à moi, je crois que cette mission est bien moins difficile qu'elle ne peut le paraître au premier abord. Ainsi j'admettrais volontiers que si le fret entre Newcastle et Anvers devait retomber au prix où nous l'avons vu, à 7 schellings par exemple, le gouvernement fût autorisé, dans ce cas, à établir le droit de 1 fr. 40 c.

D'après quelques orateurs, messieurs, il est une autre cause pour laquelle il faut établir le droit de 1 fr. 40 c. sur l'importation des charbons anglais, c'est que les charbons anglais jouissent d'une prime, en ce qu'on rembourse, pour les navires qui les apportent, le péage de l'Escaut.

Ainsi, messieurs, si on ne remboursait pas le péage de l'Escaut, si le charbon anglais ne jouissait pas d'une prime, oh ! alors on pourrait le laisser entrer librement !

Eh bien, messieurs, dans ce cas, le fret serait de 3 schellings plus élevé qu'il ne l'est aujourd'hui, il serait de 14 schellings, tandis qu'il est aujourd'hui de 11 schellings.

Messieurs, j’ai beaucoup regretté, quant à moi, que pour les besoins de la cause, on soit venu soulever cette grave question du péage de l'Escaut. J’étais bien résolu à ne pas répondre à l'honorable membre qui l'a mise en avant, et cela avec des menaces pour Anvers, en disant que les représentants d'Anvers jouaient avec le feu, qu'ils s'exposaient à produire un incendie, dont Anvers pourrait être victime.

Il est triste, messieurs, d'entendre ainsi menacer une localité dans la personne de ses représentants qui sont, en définitive, appelés ici pour émettre consciencieusement et librement leur opinion dans l'intérêt du pays. Si vous n'êtes pas de notre avis, nous dit-on, nous sommes capables de tout, même de commente une injustice à l'égard de votre localité, et cette injustice, vous la verrez se produire, si vous osez dire franchement votre opinion dans la question des houilles. Voilà, messieurs, ce qu'on nous dit en d’autres termes.

Eh bien, pour ma part, j'aurais considéré comme une lâcheté de ne pas relever cette menace. Comment ! parce que les représentants d'Anvers, dans l'intérêt de toutes les industries du pays, industries qui s'exercent beaucoup plus ailleurs que dans l'arrondissement d'Anvers, parce que les représentants d'Anvers trouveront qu'il faut abaisser le prix de la matière première afin que l'industrie nationale puisse lutter avec succès contre la concurrence étrangère, parce que les représentants d'Anvers sont de cet avis, vous voudriez commettre une injustice non seulement à l'égard d'Anvers, mais à l'égard du pays tout entier !

Je sais très bien, messieurs, qu'Anvers serait le premier à ressentir les effets de la mesure dont on semble le menacer, mais en définitive, elle frapperait rudement toutes les industries.

L'industrie cotonnière, par exemple, payerait 3 fr. de plus par mille kilog. la matière première, qu'elle tire exclusivement des pays transatlantiques.

On parlait tout à l'heure des engrais destinés à fertiliser nos terres ; ces engrais payeraient également 3 fr. de plus par 1,000 kilog.

Ainsi, messieurs, toutes les matières premières que nous devons tirer de l'étranger et qui sont indispensables à notre industrie et à notre agriculture, on les frapperait d'une augmentation de prix de 3 fr. par 1,000 kilog.

Comment voudrez-vous alors que les produits de l’industrie belge pussent se produire sur les marches étrangers, si leurs matières premières devaient en général subir une surtaxe de 3 francs par 1,000 kilogrammes ?

Ensuite le premier effet de la mesure à laquelle je fais allusion, l'effet le plus direct, ce serait la perte la plus complète du transit ; les lignes des bateaux à vapeur transatlantiques qui sont venues se placer à côté des nôtres, ne pourraient plus venir dans nos ports ; ces navires qui sont généralement d'un très fort tonnage, ne pourraient, à cause de cela même choisir un autre port dans notre pays ; ils seraient dès lors obligés de se réfugier dans des ports étrangers.

Le transit, qui fait la vie de notre chemin de fer, se déplacerait au profit de l'étranger. En définitive, je crois qu'en faisant beaucoup de mal à Anvers, on ne s'en ferait pas moins à soi-même ; que le pays, en général, n'aurait pas à s'applaudir de la ruine d'Anvers.

J'aime à croire aussi que le pays s'intéresse trop au sort du commerce pour vouloir, à propos d'une question de charbon, compromettre toutes nos industries.

Comme je l'ai dit, je n'aurais pas répondu à cette provocation, si je n'avais pas entendu M. le ministre des affaires étrangères s'en préoccuper à son tour, et redresser une erreur dans laquelle semblait avoir versé mon honorable ami M. Osy.

Il est de fait que le rachat du péage de l'Escaut est une mesure que nous avons prise sans l'étranger ; elle a été prise par le pays et dans l'intérêt du pays ; je ne pense pas que nous ayons à en répondre vis-à-vis de l'étranger. Mais cette rectification même de M. le ministre des affaires étrangères me prouve que le gouvernement se préoccupe de la question ; le traité avec le Danemark qui nous a été soumis, il y a quelques jours, y a peut-être donné lieu. (Interruption.)

La question du traité avec le Danemark sera portée devant la Chambre, je le sais bien ; mais je préfère parler de la question de l'Escaut ici tout haut que d'en parler seulement dans les couloirs de la Chambre.

Je crois qu'on doit se prémunir contre toute expérience qu'on voudrait tenter sur ce point et qu'on aurait à se repentir amèrement des essais imprudents qu'on aurait pu faire.

J'engage beaucoup le gouvernement à réfléchir avant de rien tenter, à réfléchir mûrement avant d'aborder la question et à s'assurer de l'effet qu'une mesure qu'il serait dans le cas de proposer pourrait produira tant à l'étranger que dans le pays.

Si le gouvernement vient produire un jour devant nous la question du rachat du péage de l'Escaut, je me réserve de faire valoir alors des arguments qui, je le crois, seront de nature à établir la nécessité de ne résoudre cette grave affaire qu'après qu'elle aura été mûrement méditée. Cette question est grosse de périls, non pas seulement pour le port d'Anvers, mais pour la plupart de nos industries.

Je remarque que j'ai oublié de relever un argument, en ce qui concerne la prime qu'on accorde à l'importation des charbons étrangers.

On a toujours raisonné comme s'il entrait beaucoup de charbon étranger à Anvers. Messieurs, faites-y attention, l'importation du charbon étranger à Anvers, c'est l'exception ; il n'est entré dans ce port qu'une douzaine de navires avec du charbon étranger ; toute la quantité restante a été débarquée à Ostende, à Bruges, à Gand et même à Nieuport, si je ne me trompe.

Ainsi cette prime, puisqu'on veut que prime il y ait, n'a été accordée jusqu'ici que d'une manière exceptionnelle, le charbon entré par Ostende n'en a pas joui et c'est par ce port que la majeure partie des cargaison sont entrées.

Je bornerai là pour le moment mes observations.

M. T'Kint de Naeyer. - Ayant déjà pris la parole deux fois dans cette discussion, je m'efforcerai d'être aussi bref que possible.

L'honorable M. Lesoinne, revenant sur mes discours antérieurs, a contesté de nouveau la nécessité de la protection contre les pléthores industrielles des pays voisins. Il a cherché à démontrer que le chiffre des importations avait baissé en 1848 et en 1849, mais il voudra bien reconnaître que la production en général avait diminué dans une proportion plus forte encore. Ce résultat est infaillible en temps de crise ; toutes les consommations sont plus restreintes et les comptes du trésor sont là pour le démontrer.

Mais on ne saurait en conclure que des produits étrangers vendus à vil prix, j’ai cité notamment les cotons de Mulhouse, ne soient pas venus nous faire une concurrence ruineuse.

Le malaise a été tellement grand à diverses époques, j'en appelle à vos souvenirs, messieurs, que le gouvernement s'est vu dans la nécessité d'intervenir et de faire des avances pour maintenir le travail. J'avais donc raison de demander si aux crises intérieures, il fallait encore ajouter le contrecoup des crises extérieures.

Croyez-vous que si le tarif était basé seulement sur les circonstances normales, il serait possible de parer à toutes les éventualités ? Qui veut la fin veut les moyens. Si vous reconnaissez que le maintien d'une certaine protection est nécessaire, elle doit être efficace et certaine. Il ne faut pas laisser de grandes industries et des milliers d'ouvriers exposés aux chances du chômage qui pourrait provenir du fait de l'étranger.

Le Zollverein, dont le tarif est cependant si éminemment protecteur, n'a point été rassuré contre l'effet des mesures exceptionnelles prises en France en 1848 et contre l'impérieux besoin qu'elle avait d'exporter ses produits. Un ordre du cabinet prussien a ajouté immédiatement au tarif des surtaxes équivalentes aux primes extraordinaires de sortie décrétées par le gouvernement républicain.

L'Angleterre hésiterait-elle à venir en aide à une grande industrie si elle était menacée ? D'après les antécédents, il est permis de croire le contraire. C’est ainsi que le droit de 10 p. c. du tarif anglais de 1854, sur les ouvragée de terre, c'est-à-dire nommément sur les faïences, a été (page 1155) reporté à 10 schellings par centweight ou à fr. 24,60 par 100 kilog., ce qui équivaut, pour la faïence fine, à environ 20 p. c., pour la faïence commune à 41 p. c. et pour la poterie à 64 p. c.

Et cependant le droit ad valorem est une réalité en Angleterre, comme je l'ai déjà expliqué ; de plus c'est l'un des pays les plus avancés pour la fabrication des ouvrages en terre, car on m'a assuré que dans le Staffordshire seul il y a plus de 200 fabriques.

L'honorable M. Lesoinne nous a conviés à voter avec lui la libre entrée permanente des houilles. Améliorez vos conditions de production, dit l'honorable membre, et vos exportations ne tarderont pas à compenser les importations que vous redoutez. Nous tenons avant tout au marché intérieur, d'autant plus précieux que nos voisins ne semblent guère disposés à nous admettre chez eux. Notre tarif en général est plus modéré que ceux de la France et du Zollverein.

Quand il s'agit d'une industrie aussi importante que celle de la houille, dont la production, doublée en dix ans, est arrivée au chiffre de 104 millions de francs, qui emploie 71,000 ouvriers, il ne faut rien aventurer et agir avec la prudence que de pareils intérêts commandent. Il y a solidarité entre toutes les grandes industrie du pays, et il est impossible que l'une d'elles se mette dans de bonnes conditions aux dépens de l'autre.

En résumé, le vœu de la plupart des industries est de ne point précéder les grands Etats du continent dans l'adoption d'une quasi-liberté de commerce ; de les suivre ou même de émarcher de front avec eux ; mais de ne pas leur ouvrir bénévolement nos frontières, quand ils conservent leurs barrières de douane. En d'autres termes, elles veulent une réforme étendue à tous les pays industriels, c'est-à-dire basée sur la réciprocité.

M. Wautelet. - Messieurs, je serai très bref ; je ne rencontrerai que les arguments présentés par MM. Loos et Lesoinne.

A entendre ces honorables orateurs, on croirait qu'il existe entre tous les charbonnages de la Belgique une coalition au moyen de laquelle on a établi un prix fixe et uniforme.

Pour ma part, je déclare formellement qu'il n'existe aucune coalition soit entre les divers bassins houillers, soit entre les houillères de l'un ou l'autre bassin.

La concurrence existe entre eux ; si le prix des charbons est toujours élevé, cela tient à ce que des circonstances qui ont provoqué la mesure contre laquelle nous réclamons aujourd'hui, existent encore jusqu'à un certain point.

L'honorable M. Loos a indiqué les motifs qui pour les céréales et les houilles ont amené la libre entrée de ces produits ; messieurs, quant aux céréales, le principal motif qu'on a invoqué, vous devez vous le rappeler, puisque ces discussions ne sont pas éloignées de nous, est que la Belgique n'en produisait pas assez pour son alimentation, qu'elle devait en faire venir de l'étranger pour compléter son approvisionnement, et que le meilleur moyen d'avoir ce solde au prix le plus bas était la liberté complète du commerce des céréales.

Messieurs, ce qui est vrai pour les céréales, l'est-il également pour la houille ? Evidemment non ; la Belgique produit cette matière au-delà de ses besoins ; ce qui le prouve, c'est que nos exportations à l'étranger s'élèvent à plus de trois millions de tonnes.

Je conçois que s'il existait, en effet, un prix de coalition en Belgique et qu'au lieu de la libre entrée des houilles on établît un droit de 1 fr. 40 c. par tonne, je conçois qu'on pourrait supposer, comme l'a fait l'honorable M. Loos, que le prix de la houille devrait augmenter aussi d'un franc 40 c. Mais c'est là une erreur. Car si l'on doit se rendre un compte exact des faits, on reconnaîtra que ce n'est pas à l’intervention de la houille étrangère qu'il faut demander la réduction des prix, mais que c'est à la concurrence intérieure et au développement de la production nationale qu'il faut demander ce résultat. La libre entrée des houilles ne produira aucun résultat dans les circonstances où elle serait nécessaire.

Quand en effet le prix de la houille s'élève-t-il ? C'est lorsque l'industrie prend un grand développement. Mais les mêmes circonstances qui produiront cet effet en Belgique, ne se produiront-elles pas en même temps en Angleterre où elles amèneront les mêmes résultats. Dès lors, la houille anglaise ne viendra pas faire baisser le prix de nôtres. Si au contraire un moment arrive, et je crains qu'il se soit plus proche qu'on ne le suppose, si un moment arrive où un ralentissement se manifeste dans l'industrie et dans nos exportations, un encombrement existera bientôt à l'intérieur, et les prix baisseront naturellement sans que la concurrence étrangère y intervienne le moins du monde.

Si le même fait se produit à l'étranger, la concurrence du dehors viendra déverser sou trop-plein sur vos marchés, non seulement quand elle ne sera pas nécessaire, mais encore quand elle sera nuisible et dangereuse, elle viendra enlever a l'industrie nationale les débouchés qui lui sont indispensables pour maintenir l'activité du travail dans le pays.

Messieurs, l'honorable M. Loos vous a dit que si, il y a deux ans, on lui avait demandé d'établir un droit d'entrée de 1 fr. 40 c, il l'aurait voté parce qu'il le considérait alors comme très modéré ; mais il ne le votera plus aujourd'hui, dit-il, parce que l'expérience de trois années de liberté d'entrée lui ont prouvé que les houilles étrangères ne pouvaient pas entrer dans le pays ; rien de plus facile, me semble-t-il, que de répondre à cet argument et de remettre l'honorable M. Loos dans les dispositions où il était il y a trois ans.

En effet, si la liberté d'entrée n'a pas produit d'effet jusqu'ici, cela tient à ce que les circonstances spéciales qui ont motivé cette disposition n'avaient pas entièrement cessé. Aujourd'hui, si je ne me trompe, nous sommes arrivés à ce point où cette liberté d'entrée produira ses effets, mais en même temps causera un préjudice considérable à la production du pays.

Il y a déjà en ce moment un trop-plein résultant du grand développement de l'extraction de la houille dans le pays, et de l'extension que l'exploitation prend chaque jour dans certaines parties de la France où nous avions nos principaux débouchés.

Il me paraît évident que si ces faits continuent à se produire de la même manière, il y aura avant peu un encombrement considérable et par suite réduction naturelle des prix dans le pays, sans qu'il soit nécessaire de recourir à l'entrée des houilles étrangères, d'enlever à la production du pays une partie de ses débouchées à l'intérieur du pays.

Nous avons parlé du remboursement du péage de l'Escaut ; il est vrai, mais c'est pour le comparer avec le péage sur les lignes de navigation intérieure. Nous avons demandé s'il serait juste que les produits du pays, pour arriver sur les lieux de consommation, payassent un droit fiscal très élevé, alors qu'avec l'argent du trésor public vous rembourseriez les droits que doivent payer les produits étrangers pour venir nous faire concurrence sur le même marché. Nous faisions cette comparaison parce qu'il nous paraissait impossible qu'on se servît des deniers du trésor pour faciliter aux produits étrangers les moyens de faire concurrence aux produits du travail national, qui eux-mêmes sont grevés de droits considérables pour le transport à l'intérieur.

Messieurs, on a rappelé l'époque où le charbon a effectivement manqué sur certaines places du pays, mais on doit se le rappeler, ce n'est pas aux producteurs que ce fait peut être reproché. Le développement constamment progressif qui a été donne aux exploitations les met à l'abri de toute récrimination à cet égard ; ces faits, veuillez-vous le rappeler, se sont surtout produits alors que les moyens de communication manquaient, et que le matériel de transport par le chemin de fer était insuffisant ; ce fait a été la principale cause, la cause déterminante des plaintes très vives et très fondées, je les reconnais, qui se sont produites à cette époque.

Quant au prix exagéré qui a été payé sur les lieux de consommation, il est dû surtout aux exigences des personnes interposées qui ont profité de ces circonstances pour faire payer des prix exagérés pour le charbon qui était vendu sur les lieux de production à des prix relativement modérés.

C'est à ces circonstances indépendantes du fait et de la volonté des producteurs qu'il faut surtout attribuer les récriminations dont l'industrie charbonnière a depuis lors été l'objet. J'ai dit.

- Plusieurs membres. - La clôture !

M. de Brouckere. - Il s'agirait de décider en ce moment si, lorsque nous aurons clos la discussion générale, il y aura discussion sur les articles.

M. le président. - Il y a plusieurs orateurs qui sont déjà inscrits sur l'article 8.

M. de Brouckere. - C'est bien, M. le président ; mais permettez-moi de dire qu'il y aura double emploi.

M. le président. - C'est évident.

M. de Brouckere. - J'en appelle au souvenir de chacun de vous. On n'a pas discuté autre chose que la question des houilles. Toute la discussion générale a porté sur cette seule question. Vous allez clore pour la forme la discussion générale, et commencer, à l'occasion de l'article, une seconde discussion sur les houilles Peu m'importe que je parle à présent ou dans un autre moment. Si la Chambre le préfère, je remettrai ce que j'ai à dire à la discussion sur l'article 8.

- La discussion générale est close.

M. Verhaegen. - Je soumets à la Chambre la question de savoir s'il ne convient pas de commencer la discussion des articles par l'article houilles, la discussion étant déjà assez avancée sur cet article.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Je propose de suivre l'ordre des articles. Les articles qui précèdent l'article charbon ne sont pas très importants. Je pense que la Chambre n'aura pas à délibérer longuement sur ces articles.

M. le président. - M. Verhaegen insiste-t-il ?

M. Verhaegen. - Si on ne le veut pas, cela m'est indifférent.

Discussion des articles du tarif

Articles 1 et 2

« Art. 1". Acier non ouvré (comprenant l'acier en feuilles, planches et barres, et le fil d'acier) : 100 kil., 80 centimes. »

- Adopté.


« Art. 2. Anes : mêmes droits que les. animaux non spécialement tarifés. »

- Adopté.

Article 3

« Art. 3. Bois divers (comprenant les pièces de bois en grume ou non scié ayant moins de 60 centimètres de circonférence au gros bout, les cercles et cerceaux, le bois feuillard, les gaules, perches et échalas, les mâts et espars, les rames, les saules pour cerceaux, le bois de chauffage, el les osiers, houssines et verges) : base 100 fr., droits d’entrée 5 fr.

(page 1156) M. le président. - Voici l'amendement qui a été présenté par MM. Osy, Van Iseghem et Loos.

« Bois, mâts et espars, base : fr. 100, droits d’entrée 1 p. c.

« Supprimer dans la note les mots : les mâts et espars. »

M. Van Iseghem. - Les droits d'entrée sur les mâts et espars sont actuellement fixés à 1 p. c. à la valeur. Le gouvernement propose d'élever le droit à 5 p. c. L'année passée nous avons admis au droit de 5 fr. par tonneau les navires étrangers entièrement construits avec l'inventaire complet, el d'un autre côté, nous continuons à percevoir des droits d'entrée très élevés sur un grand nombre de matériaux nécessaires à la construction et à l'armement des navires.

Voyez la différence, le droit de 5 fr. par tonneau pour le navire construit de 200 tonneaux de jauge, fait 1,000 fr., et avec les 16 centimes additionnels, 1,160 fr., tandis que pour les matériaux nécessaires à la construction d'un navire, lorsqu'on veut le faire venir de l'étranger séparément, il faut payer des droits qui se montent ensemble à 7,000 fr. C'est là une véritable prime accordée à la construction étrangère.

Je crois réellement que nous devons maintenir le droit de 1 p. c. et continuer le système que nous avons commencé en 1856. Nous avons modifié le tarif l'année dernière, nous avons supprimé les droits d'entrée sur les ancres et sur les chaînes, afin de conserver dans le pays l'industrie de la construction des navires. Les importations de mâts et bois ronds se montent annuellement à 150,000 francs. La proposition du gouvernement sera un nouvel impôt de 6,000 à 7,000 à charge des constructeurs maritimes.

Pour commencer à supprimer la prime que le gouvernement veut donner à l'industrie étrangère, j'ai proposé avec l'honorable M. Loos et avec l'honorable M. Osy un amendement pour maintenir le droit actuel sur les mâts et les espars.

On pourra répondre qu'on a proposé le droit de 5 p. c. pour simplifier le tarif. Mais avec ce raisonnement on pourrait dire aussi qu'il faut établir un droit uniforme sur tous les tissus.

J'espère que M. le ministre des finances se ralliera à notre amendement et que la Chambre voudra bien l'adopter.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, l'article en discussion n'a pas une grande importance. Mais si l'on admet l'amendement proposé par les honorables MM. Van Iseghem et Osy, on déviera des principes qui ont été admis pour la révision du tarif. Cette révision est subordonnée à trois conditions : qui sont l'abaissement des droits, la simplification du tarif et le maintien du produit actuel.

Déjà pour le bois de chêne servant aux constructions maritimes, les Chambres ont voté une réduction considérable des droits ; c'est là l'objet essentiel ; le bois nécessaire pour les mâts de navires est un objet tout à fait secondaire.

Je n'insisterai pas sur la portée de la mesure ; mais je fais observer que nous nous écartons, en adoptant l'amendement, du principe de la simplification du tarif ; qu'en outre, nous sacrifions un produit de 3,000 fr. environ, et que déjà par l'article bois divers, qui est en discussion, on fait essuyer au trésor une perte de 2,500 fr. Si nous ajoutons ces deux sommes, nous arrivons à une perte de 5,000 à 6,000 fr. Mais j'insiste particulièrement sur cette considération que, dès les premiers pas, nous dérogeons au principe de la simplification du tarif.

Après ces explications, je m'en rapporte à la décision de la Chambre.

M. Osy. - M. le ministre des finances nous dit que si nous adoptons la proposition de l’honorable M. Van Iseghem, il y aura une perte pour le trésor. C'est une erreur ; d'après la législation actuelle, le droit sur les mâts et les espars est de 1 p. c. à la valeur. Nous demandons le maintien du statu quo, nous adoptons pour les autres bois le droit de 5 p. c.

Messieurs, il y a un motif pour lequel on n'a établi que le droit de 1 p. c. sur les mâts et les espars, c'est que nos forêts de sapin ne produisent pas de bois pour les mâts, on est obligé de le faire venir de l'étranger.

Si vous voulez l'augmentation des constructions maritimes il faut réduire autant que possible les droits sur les objets qui sont nécessaires à ces constructions et que nous devons forcément faire venir de l'étranger.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Lorsque j'ai dit que par l'amendement proposé, il y aurait une perte pour le trésor, ce n'est pas relativement aux droits existant actuellement sur la catégorie de bois qui fait l'objet de l'amendement sur l'ensemble du projet que cette perte est évaluée. Nous avons calculé la perte totale que ferait le trésor sur tous les droits que nous avons proposés, en tenant compte des dispositions qui peuvent atténuer cette perte. C'est dans ce sens que j'ai fait ressortir le préjudice qui résulterait pour le trésor de l'amendement déposé. La diminution totale du produit des articles que renferme le projet de loi a été appréciée ; elle est connue ; toutes les réductions nouvelles que l'on votera aggraveront cette perte.

M. Sinave. - Lorsqu'il a été question de supprimer les primes en faveur des constructions maritimes, non seulement il a été convenu que l'on n'augmenterait pas les droits d'entrée sur les matières servant à ces constructions, mais le gouvernement a formellement promis que ces matières seraient libres de tous droits. Sans cela, il est impossible de construire en Belgique.

Ce que l'honorable M. Van Iseghem a dit, je l'ai dit et j'ai produit un état des droits que l'on est obligé de payer sur toutes les matières servant à des constructions maritimes. Cela s'élève à au-delà de 7,000 fr. par navire de 200 tonneaux.

M. le ministre, au lieu de diminuer les droits, au lieu de proposer la liberté d'entrée, augmente les droits sur certains articles. Et sous quel prétexte ? De simplifier le tarif. Quel est ce système ? Je n'oserais pas le qualifier ici comme il le mérite ; mais réellement c'est un système grippe-sou.

- L'amendement de M. Van Iseghem est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

L'article est adopté.

Articles 4 à 7

« Art. 4. Boissons fermentées autres que bière et vin (comprenant le cidre, l'hydromel, le poiré, le verjus, et les vinaigres de vin ou de bière et de fruits) en cercles, l'hectolitre, 5 fr. ; en bouteilles ou en cruchons, l'hectolitre, 7 fr. 50 c. »

- Le gouvernement a proposé de retrancher les mots bière et après : autres que, et d'ajouter dans la note entre parenthèses les mots : la bière après : comprenant.

L'article est adopté avec ces modifications.


« Art. 5. Borax (comprenant l'acide borique), libre. »

- Adopté.


« Art. 6. Cendres non spécialement tarifées (comprenant les cendres de foyers, de salines et de savonneries), libres.

- Adopté.


« Art. 7. Chaux (non compris le plâtre). »

- Le gouvernement a proposé de supprimer les mots : (non comprit le plâtre).

L'article ainsi modifié est adopté.

Article 8

« Art. 8. Charbons de bois et tourbes, libres ; de terre (houilles), 1,000 kil., 83 centimes. »

- Le gouvernement a proposé le chiffre de 1 fr. 40 c.

M. Loos a proposé un amendement ainsi conçu ;

« A dater du 1er janvier 1858, le gouvernement pourra, dans des circonstances particulières, établir un droit d'entrée sur les houilles, lequel, dans aucun cas, ne pourra dépasser 1 fr. 40 c. les 1,000 kilogrammes. »

(page 1161) M. Allard. - Messieurs, je serai très court, cette question des houilles ayant déjà été discutée par un grand nombre d'orateurs.

L'honorable M. Dechamps nous disait hier que, sur certains canaux les droits sont énormes, tandis que sur d'autres on paye très peu, et l'honorable M. Frère l'a interrompu en disant : Si l'on paye très peu, tout le monde jouit de cet avantage. Messieurs, c'est là une erreur : il existe en Belgique un canal sur lequel les nationaux payent tandis que les navires qui viennent de l'étranger ne payent pas, c'est le canal de Gand à Ostende.

Nous payons, messieurs, pour les houilles belges qui vont à Ostende, 23 centimes par tonneau, tandis que les houilles de Newcastle ne payent aucun droit sur le canal pour arriver à Gand.

Ce canal, messieurs, a une longueur de 70,000 mètres, 4,000 mètres de moins que le canal de Charleroi, sur lequel nous payons 2 fr. 65 c par tonneau en parlant des charbonnages du Centre.

Voyez, messieurs, quelle position les péages sur les canaux et rivières font à l'industrie houillère.

Sur tous les canaux que les produits de cette industrie doivent parcourir, en partant des points de production, ils payent des droits énormes, tandis que les houilles étrangères qui arrivent par mer payent des droits très minimes sur les canaux et rivières qui les amènent sur les grands centres de consommation de Gand et de Bruxelles. Ainsi les charbons de Newcastle peuvent arriver d'Anvers à Bruxelles par le Rupel et le canal de Willebroeck en payant, pour l'aller et le retour, environ 31 centimes, tandis que les charbons des houillères du Centre, qui sont à 7 ou 8 lieues de Bruxelles, doivent payer 2 fr. 65 c. D'Ostende à Gand, les charbons anglais, comme je viens de vous le dire, ne payent rien. Je demande si c'est là protéger l'industrie du pays.

L'honorable M. David nous a parlé de la manière dont les charbonnages sont exploités en Belgique. Ce sont, dit-il, des ouvriers qui sont directeurs-gérants ; ils ne savent même pas aligner quelques chiffres, ce sont des hommes incapables ; mais dans 10 ou 15 ans il y aura à la tête des houillères des jeunes gens sortis de l'école des mines de Liège, et alors l'exploitation se fera dans de meilleures conditions. Mais, messieurs, les jeunes gens qui sortiront de l'école des mines ne pourront jamais donner à nos veines une puissance de deux ou trois mètres. (Interruption.) Nous avons des hommes très intelligents, très capables à la tête de nos houillères et nous exploitons aussi bien que les Anglais ; mais nous n'avons que des veines de 40, 60 ou 80 centimètres et lorsque nous en avons exceptionnellement une d'un mètre, l'exploitation devient onéreuse parce qu'il faut trop de bois et des bois plus forts. Pour établir nos galeries nous avons besoin de percer la roche, de faire des travaux très pénibles, très dispendieux et d'employer de grandes quantités de bois.

Les Anglais n'ont rien à faire de tout cela. Allez visiter les établissements houillers de Newcastle, vous n'y verrez pas une perche ; on n'y a pas besoin de bois, on y dédaigne les veines qui n'ont qu'un mètre, on n'y exploite que des veines de deux ou trois mètres. Les galeries sont percées en veine, le charbon qui en provient paye tous les frais.

On exploite en laissant des piliers et quand l'exploitation est terminée on revient sur soi-même, en les abattant ; enfin on ne dépense pas un centime pour du bois, tandis qu'en Belgique on en emploie considérablement.

On nous parle toujours des zones qui existent en France, mais ces zones sont établies dans l'intérêt du département du Nord, puisque l'exploitation est la même qu'en Belgique.

L'honorable M. Lesoinne nous disait, il y a quelque temps : Voyons ce qu'on a fait à Liège. En 1830, nous avions perdu le marché hollandais, eh bien, nous l'avons repris aussitôt que la paix a été conclue. Messieurs, c'est absolument comme si Tournai ne pouvait plus envoyer ses chaux à Lille, parce que la France les aurait prohibées, venait vous dire après la levée de la prohibition : Nous avons reconquis le marché de Lille. (Interruption.) Après la paix, le bassin de Liège n'a rien reconquis, la position topographique a tout fait. Du reste, le bassin houiller n'est pas ici en cause ; et c'est pour cela qu'il reste bien muet ; il n'a rien à craindre de l'introduction des houilles anglaises, il conservera son marché, il le sait fort bien.

Je n'entrerai pas, messieurs, dans de plus longues considérations pour motiver mon vote qui est favorable à la proposition du gouvernement. Je crois que tout a été dît pour engager la Chambre à ne pas sacrifier une industrie aussi considérable que l'exploitation des houilles pour accorder un avantage à certaines autres industries qui sont menacées, qu'elles y prennent garde, d'être sacrifiées à leur tour.

(page 1156) M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, avant d'entretenir de nouveau la Chambre de l'article qui est en discussion, je lui demanderai la permission de rectifier un fait qui a été allégué dans une de nos précédentes séances.

Un honorable membre, en parlant des frais occasionnés par l'administration des douanes, les a évalués à 7,892,000 francs, la recette nette, d'après cet honorable membre, ne devant, après déduction des frais d'administration, s'élever qu'à 3,258,000 francs.

Il importe, messieurs, de rétablir ces chiffres, à cause de l'impression que cette allégation pourrait produire au dehors.

Messieurs, le montant apparent du revenu de la douane est de 11,845,000 francs ; mais cette administration sauvegarde bien d'autres produits.

Ainsi, les droits d'accises ne pourraient, en grande partie, pas être perçus si nous n'avions pas à la frontière une douane pour empêcher la fraude.

Cette observation s'applique notamment aux vins et aux eaux-de-vie étrangères, en grande partie aussi à l'accise sur les sucres et à l'accise sur le sel.

Ces différents produits, ajoutés à celui de la douane, s'élèvent ensemble à 21,370,000 francs ; si l'on retranche de ce chiffre les frais de l'administration des douanes, destinée à en assurer la perception, il reste un revenu net de 17,395,000 francs.

Il y a, d'ailleurs, d'autres droits encore qu'on ne percevrait pas complètement si la douane n'était pas là pour empêcher la fraude. Je citerai entre autres l'accise sur l'eau-de-vie indigène, qui, par la fraude de l'eau-de-vie étrangère, serait considérablement amoindrie ; la fabrication du sucre de betterave resterait également en souffrance. L'action de la douane s'étend donc indirectement bien plus loin qu'on ne le suppose.

Messieurs, il se passe dans cette discussion un fait assez étrange ; on admet en théorie, la prudence, la modération, l'abaissement graduel des droits ; chacun proteste contre la pensée qu'on lui prêterait de vouloir immédiatement une réforme radicale.

Dans la pratique, au contraire, on provoque, on propose des mesures extrêmes, radicales, et j'ajouterai imprudentes.

Ainsi j'entends d'honorables orateurs exprimer le regret que la libre entrée du fer et de la fonte ne soit pas décrétée ; solliciter la suppression de tous droits sur les produits chimiques et notamment sur le sulfate de soude.

Huit honorables membres de cette Chambre repoussent tout droit d'importation sur le charbon de terre ; d'autres n'acceptent qu'un droit illusoire de 83 centimes, sans aucun souci des conséquences qui (page 1157) doivent résulter de cette mesure pour le travail national et pour le trésor public.

Le gouvernement, fidèle au système de prudence et de modération qu'il a adopté, propose d'abaisser à fr. 1 40 c. le droit actuel qui est de fr. 14-80 ; c'est la dixième partie de celui qui existe actuellement.

Ce droit de fr. 14 80 c. a-t-il été introduit dans notre tarif depuis peu de temps, dans un moment d'entraînement inconsidéré vers une protection exagérée ?

Nullement, il y a plus de trente ans que ce régime existe ; et c'est le tarif des Pays-Bas, si souvent cité comme modèle, qui l'a établi et conservé.

C'est un droit prohibitif, j'en conviens ; aussi voulons nous réduire ce droit à un taux raisonnable, taux qui était évalué, par. mon honorable prédécesseur, après une enquête, à 10 p. c. en moyenne.

J'ai droit de m'étonner que d'honorables membres ne trouvent pas ce taux modéré et veuillent aller plus loin encore dans les circonstances actuelles.

Si l'on repousse après cela la qualification de radical, que faut-il donc faire pour la mériter ?

Il ne faut pas, messieurs, fermer les yeux devant les différents symptômes assez menaçants qui se manifestent ; j'en ai déjà indiqué plusieurs. Il est constant que les exportations de houille diminuent dans une proportion très considérable ; que pour les deux premiers mois de cette année elles sont restées de 240,000 tonneaux au-dessous de celles des deux mêmes mois de 1856 ; qu'au contraire l'importation a augmenté ; j'avoue avec l'honorable M. Loos que l'importation n'est pas encore considérable ; mais elle le deviendrait infailliblement, s'il y avait ralentissement dans la demande sur le marché étranger ; nous aurions alors à souffrir à la fois d'une diminution dans nos exportations et d'une plus forte importation.

Il se produit un autre fait significatif : Il y a 5 ou 6 ans, nous étions en possession de la moitié environ du marché des Pays-Bas ; la consommation de charbon étranger dans ce pays était en 1851 de 636,000 tonneaux ; nos houilles y entraient pour 265,000 tonnes ; aujourd'hui que cette consommation s'élève à 876,000 tonnes, nos exportations dans ce pays sont réduites à 165,000 tonnes, c'est-à-dire qu'elles ont diminué de moitié et ne forment plus que la cinquième partie de la consommation du charbon étranger dans ce pays.

Différentes circonstances semblent donc menacer, en ce moment, la prospérité de l'industrie houillère. J'espère que les faits ne deviendront pas trop graves, mais on ne peut pas se dissimuler qu'il y a des symptômes peu rassurants.

L'honorable M. de Brouckere en a cité un autre qui peut dans un avenir prochain porter une forte atteinte à nos exportations vers la France.

Divers bassins houillers du pays prennent un tel développement que dans peu d'années peut-être leur production suffira aux besoins de la consommation française.

Le droit de 1 fr. 40 c. est loin d'être une protection dans l'état actuel des choses ; ce n'est qu'une compensation insuffisante, une atténuation des avantages que nous offrons à l'étranger. J'appuie fortement sur cette observation. On le repousse cependant et l'on veut que nous privions le trésor public d'une recette de 2 fr. 31 c. par tonneau pour permettre au charbon étranger d'aller sur les marchés de Gand et de Bruges, remplacer les produits de notre industrie ; je me trompe, c'est 2 fr. 54 c. qu'il faut dire, en y ajoutant les 23 centimes perçus sur le canal de Bruges, dont a parlé tout à l'heure l'honorable M. Allard, et dans quel but enlèverons-nous au trésor le revenu de nos canaux ? nos populations en recueilleront-elles les avantages ? Nullement, il suffira d'une faible partie de cette prime pour que le marché belge ne puisse plus soutenir la concurrence étrangère sur les marchés que je viens de citer.

Une Chambre belge ne posera pas un pareil acte.

Le droit de 1 fr. 40 c. ou de 1 fr. 65 c. y compris les centimes additionnels, est lui-même illogique et défectueux sous ce rapport, car il laisse encore subsister une perte pour le trésor et crée une prime de 89 centimes en faveur de l'importation du charbon étranger. Il faudrait donc supprimer tout péage, alors le droit d'un franc 40 centimes deviendrait une protection ; mais nous ne sommes pas en position de sacrifier ce produit.

Si j'envisage le marché d'Anvers, les importations auraient, relativement au travail national, une prime de 5 fr. 48 centimes environ en l'absence de tout droit ; une prime de 4 fr. 48 c. avec le droit de 83 c.

La Chambre n'adoptera pas un système aussi destructif de l'intérêt national.

Si nous voulons accorder des primes, que ce soit au moins pour l'industrie nationale el non pas contre elle, que ce soit pour nos ouvriers et non contre eux.

Si le trésor doit être privé d'une partie de ses ressources, que ce soit au profit de nos populations et non à celui de l'étranger.

J'espère qu'en présence des faits que je viens de rappeler et des conséquences déplorables qui résulteraient du système contraire à celui que nous proposons, la Chambre, avec sa prudence et sa modération habituelle, se prononcera en faveur du droit de fr. 1.40 par mille kilog. proposé par le gouvernement ; j'en doute d'autant moins que par une disposition spéciale nous maintenons la libre entrée jusqu'au 1er janvier 1858, et que si à cette époque les circonstances sont les mêmes qu'au moment où cette mesure a été prise, le gouvernement, ainsi que je l'ai déjà annoncé, sera tout disposé à provoquer la continuation de cette mesure pour un temps à déterminer de commun accord avec les Chambres.

M. Dumortier. - Messieurs, je maintiens les chiffres des recettes de douane, tant à l'entrée et à la sortie, que j'ai cités dans une séance précédente. J'ai pris ces chiffres dans les budgets que vous avez votés ; Vous ne pouvez pas les prendre ailleurs ; je sais fort bien que la douane sert aussi aux accises, comme l'a. dit M. le ministre des finances ; mais en citant ces chiffres, je voulais uniquement répondre à ceux des honorables membres de la Chambre qui demandent que le tarif des douanes n'établisse que des droits fiscaux. Eh bien, j'ai prouvé que les droits de douane qu'on appelle droits fiscaux ne produisaient en Belgique qu'une faible recette.

On a répondu que s'il n'entrait plus du tout de matières fabriquées, on aurait encore cette recette de moins ! C'est clair ; mais au moins le travail national n'en pâtirait pas. Si vous aviez moins de recettes, vous auriez plus de travail dans le pays.

La richesse publique se compose de tous les capitaux qui entrent dans la circulation, et qu'est-ce qui fait la valeur de ces capitaux ? C'est le travail. La houille, située à 100, 200, 300 mètres sous terre, n'a pas de valeur par elle-même ; c'est le travail seul qui lui en donne, en la mettant au jour.

Mais toute valeur créés consiste exclusivement dans le travail.

L'Etat a-t-il intérêt à laisser improductives au fond de la terre les valeurs dont la Providence a gratifié notre pays ? Et cela pourquoi ? Pour faire entrer chez nous des produits étrangers.

Ce système, je ne puis l'admettre.

Je voterai pour le chiffre présenté par le gouvernement ; mais je le déclare dès à présent insuffisant, parce qu'il ne met pas l'industrie indigène sur le pied d'égalité avec l'industrie étrangère. Les chiffres énoncés par M. le ministre le prouvent à la dernière évidence ; il vous a dit que sur le marché de Gand la houille anglaise, en payant 1 fr. 40 c. de droit, reviendrait encore à 66 centimes meilleur marché que la houille belge.

C'est de toute vérité ; j'avais eu l'honneur d'indiquer cela il y a trois jours. La houille étrangère étant taxée à 1,40, avec les additionnels cela fait 1,65 ; la même houille arrivant des bassins houillers aura payé fr.2,50 à l'Etat, el vous appelez cela de l'égalité ! Il est évident que vous avez accordé une prime à l'industrie étrangère sur l'industrie nationale.

Commencez donc par diminuer les droits sur les canaux jusqu'à concurrence du droit que vous percevez sur les produits anglais ; vous n'aurez rien fait encore pour la protection de l'industrie nationale, vous aurez établi la libre entrée pure et simple ; la libre entrée qu'on propose est un privilège sur l'industrie nationale accordé à l'industrie étrangère ; le droit de douane qu'on propose n'est pas la compensation des péages que le gouvernement perçoit sur la navigation intérieure.

Reviendrais-je sur la question du traité avec la Hollande ? Chaque navire de 300 tonneaux qui arrive à Anvers coûte mille francs au trésor public. (Interruption.)

Je signale les faits ; je ne veux pas que la ville d'Anvers attire les articles similaires de notre industrie au détriment du trésor public pour opérer la vente.

Si Anvers veut avoir des navires qu'elle les paye. Ce n'est pas à nous à payer pour qu'Anvers ait le commerce des houilles étrangères au détriment des houillères de la Belgique.

Je le répète, un navire de 300 tonneaux arrivant d'Angleterre à Anvers coûte mille francs à l'Etat. Vous donnez mille francs à un navire arrivant à Anvers pour qu'Anvers ait la houille à meilleur marché que si elle la prenait dans le pays.

A Gand, c'est la même chose, vous donnez mille francs chaque fois qu'un navire de 300 tonneaux y arrive et pourquoi ? Pour faire concurrence à vos produits.

Est-ce qu'il est sage de donner l'argent du trésor public pour aider l'étranger à venir nous faire concurrence ?

Si la houille anglaise est si avantageuse pour ses prix et sa qualité, qu'on l'introduise sans prime et sans avantage. Dans mon opinion, ce qui serait juste, ce serait de dire que le droit quel qu'il son sera réglé de telle manière que sur les centres de consommation, la houille étrangère n'arrive pas à meilleur marché que les houilles du pays qui payent à l'Etat des droits de navigation. Vous seriez dans l'égalité. Vous payez un million et demi pour le rachat de l'Escaut et un demi-million pour le rachat des eaux intérieures, ce qui fait deux millions que vous payez tous les ans pour le port d'Anvers.

Que le commerce de la houille prenne de l'extension, que cent navires, ils sont ordinairement de 300 tonneaux, apportent de la houille, voilà cent mille francs de plus que vous aurez à payer ; qu'il en vienne 200, ce n'est pas grand-chose que 200 navires de houille, vous aurez à payer au profit de la Hollande 200 mille francs de plus ; il arrivera de la houille anglaise de plus, on sera bien prêt du moment où l'on dira : Nous ne voulons plus rembourser le péage de l'Escaut. L'intérêt de la ville d'Anvers est diamétralement opposé au système qu'elle défend ; si elle a intérêt à conserver la loi qui autorise le remboursement du péage de l'Escaut, il ne faut pas qu'elle cherche à amener des circonstances telles qu'on ne puisse plus le payer. Je désire qu'on le sache à Anvers, je désire qu'on y soit averti qu'on ne gagne pas tout à faire la guerre à toutes les industries nationales.

(page 1158) Je le répéterai en terminant, si je vote le droit proposé par le ministre, je le fais, quoique le trouvant insuffisant en ce qu'il n'établit pas entre la Belgique et l'Angleterre l'égalité.

Je reconnais que nous sortons d'un régime qui a duré quelques années, d'un régime de liberté d'entrée ; je voterai provisoirement les chiffres proposés par le gouvernement, Mais j'espère que nous aurons occasion d'y revenir, et que si les importations au moyen des primes deviennent une ruine ou un embarras pour l'industrie, nous aurons soin de relever le droit afin que le trésor soit indemne et l'industrie dans une position de parfaite égalité vis-à-vis de l'étranger.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Lorsque j'ai rectifié un fait exposé par l'honorable membre qui vient de se rasseoir, mon intention n'a pas été d'infirmer la force de son argumentation, mais principalement de faire observer que la somme de 7,898,000 fr. qu'il présentait comme montant de la dépense occasionnée par l'administration de la douane, est le montant de l'allocation générale de l'administration des contributions directes, des douanes, des accises, de la garantie et de la conservation du cadastre, et non la dépense de la douane seulement.

Voilà le fait que j'ai cru devoir rectifier.

M. Lange. - Après les nombreux et remarquables discours que nous avons entendus, je n'ai pas la prétention de vouloir répandre quelques lumières nouvelles dans ce débat. Aussi, n'ai-je demandé la parole que pour motiver brièvement mon vote et mes réserves.

En décembre 1853, un projet de loi tendant à autoriser temporairement le gouvernement à abaisser, à suspendre entièrement, ainsi qu'à rétablir les droits d'entrée sur les charbons de terre, fut soumis à la sanction de la législature.

Je disais alors, et je le répète aujourd'hui, systématiquement, je ne suis, ni protectionniste, ni libre-échangiste.

Je suis un de ceux qui défendent à la fois, et l'intérêt du producteur et l'intérêt du consommateur. Tels étaient alors, tels sont encore mes principes.

Depuis quelque temps, que voyons-nous en Belgique ? D'une part une cherté excessive de presque tous les objets de première nécessité. D'autre part, heureusement, une activité prodigieuse dans la plupart des branches de notre industrie. Dans cet état de choses l'équilibre entre les divers intérêts dont je viens de parler se trouve donc momentanément rompu.

Le projet de loi soumis à notre examen, en 1853, et maintenant en vigueur, devait à mon avis, contribuer au maintien de cet équilibre. J'y donnai mon assentiment, mais sous certaines réserves, réserves que je crois devoir reproduire à l'occasion du projet actuel.

Aujourd'hui, non plus comme mesure temporaire et avec faculté d'abaisser, de suspendre entièrement et de rétablir les droits d'entrée pour les charbons de terre, mais comme mesure permanente, le gouvernement propose un droit d’entrée de 1 fr. 40 c. les 1,000 kil., droit qui, selon lui, est de nature à sauvegarder tous les intérêts ; j'en accepte l'augure, et je voterai pour le projet de loi soumis à nos délibérations.

Mais, si les prévisions du gouvernement venaient à ne pas se réaliser, si l'importation des houilles étrangères devenait telle que nos charbonnages dussent en éprouver un préjudice trop considérable, et que le travail à l'intérieur dût forcément en souffrir, oh ! alors je compte sur toute la sollicitude du gouvernement, à l'effet d'apporter un remède prompt, efficace à un pareil état de choses, et si contre toute attente, le gouvernement en pareille occurrence restait inactif, partageant l’opinion que vient d'exprimer notre honorable collègue M. Dumortier, force me serait d'user de mon droit d'initiative et de provoquer le retrait d'une aussi désastreuse disposition législative.

Et pourquoi en-agirais je ainsi ? Pourquoi ? Pace que fidèle à mes principes je ne voudrais pas sacrifier au profit exclusif du consommateur l'intérêt du producteur, parce que je ne voudrais pas que le Hainaut, par exemple, se trouvât dans la position pénible où se sont trouvées les Flandres il y a plusieurs années, parce que je ne voudrais pas que notre nombreuse et intéressante population houillère vînt à manquer de pain ; et pour lui assurer du pain, nous devons lui conserver le travail national.

M. Orts. - Je viens appuyer par quelques mots l'amendement que j'ai signé avec d'honorables collègues. Je demande comme règle permanente la libre entrée de la houille. Je la demande avec autant d’autorité qu’on en a mis à réclamer la libre entrée des denrées alimentaires. On a dit et répété, et l'on a eu raison de le répéter ; car les vérités méconnues doivent être répétées bien souvent avant d'être acceptées, on a dit et répété que le pain et la houille sont des besoins impérieux pour les populations, des besoins impérieux au même degré.

Je ne veux pas appuyer l’amendement par des considérations théoriques. Chaque fois que, dans cette Chambre, j’ai abordé l’examen d’une question économique, on me rendra cette justice que je me suis toujours renfermé dans le domaine des faits. C’est à ce point de vue que je vais examiner exclusivement la question.

Je ferai même plus. Un honorable membre, dans la séance d'hier, divisait la Chambre, par rapport à la discussion qui nous occupe, en trois catégories. D'après lui, d'un côté se trouvent rangés ceux qu'il appelle les protectionnistes.

C'est la dénomination la plus aimable qu'il ait pu trouver, lui qui nous a toujours habitués aux formes aimables et séduisantes du langage.

Ces protectionnistes sont ceux qui ne marchent pas.

Les radicaux, ceux qui veulent aller vers le progrès par convoi de grande vitesse.

Puis au milieu se posent les hommes sages, les hommes prudents,, les hommes pratiques, les réformistes, parmi lesquels l'honorable membre s'est rangé, et il en avait le droit.

Les réformistes, en matière économique, sont donc ces esprits prudents, ces esprits sages qui demandent la liberté des échanges pour toutes les industries qui ne peuvent souffrir du contact de cette liberté, pour les industries fortes qui peuvent défier la concurrence étrangère, les industries qui ont des racines solides établies depuis longtemps dans le sol du pays ; les industries, en un mot, qui peuvent soutenir la lutte et certaines de triompher.

A ces industries, les réformistes, en générai, et l'honorable M. Dechamps en particulier, ne refusent pas d'appliquer le régime de la liberté la plus complète des transactions commerciales.

Je me déclare réformiste comme l'honorable M. Dechamps, mais pour la question spéciale que nous avons à examiner. Je fais bon marché de toute espèce de foi de croyance économique que je pourrais avoir. En règle générale, je suis avec les radicaux. Mais je consens à n'être que réformiste pour la question des houilles ; et je dis : S'il est une industrie au monde, s'il est une industrie en Belgique pouvant soutenir sur le marché national la libre concurrence de l'industrie étrangère, s'il est une industrie forte et prospère, c'est l'industrie de la houille, c'est celle qui, depuis trois ans, vit sous le régime que nous voulons maintenir.

Ce que j'affirme, je veux le prouver. Avant de le prouver, je me félicite d'une circonstance qu'hier l'honorable M. Dechamps déplorait. Il regrettait vivement, disait-il, que la question de la houille fût abordée aujourd'hui seule, isolée et non pas simultanément avec la question douanière concernant les cotons, concernant les fils, concernant les fers, concernant d'autres grands intérêts industriels du pays.

J'avoue que si la question s'était compliquée, au désir de l'honorable membre, la thèse que je défends aurait rencontré dans cette enceinte des chances plus nombreuses de succomber. Je me félicite donc, messieurs, du hasard ou de la volonté ministérielle qui me vaut le moyen d'aborder la question des houilles seule, et voici pourquoi : d'abord parce que je suis débarrassé du danger des coalitions, et puis, parce que l'industrie des houilles offre sur toute autre industrie de notre pays un énorme avantage pour la discussion.

Cette industrie est pour ainsi dire publique. Ses bénéfices, ses allures, ses difficultés d'exploitation, ses chances de gain et de perte, tout cela est connu et contrôlé ; connu et contrôlé par l'autorité publique. Les chiffres destinés à appuyer les arguments sont empruntés à des autorités impartiales, indépendantes des intérêts particuliers, parfaitement placées pour contrôler ces intérêts particuliers qui, lorsqu'elles produisent des résultats, sont elles-mêmes contrôlées par ces intérêts. Grâce à l'impôt de la redevance sur les mines, nous savons ce qui se passe quant à l'industrie de la houille, mieux que ce qui se passe pour toutes les autres industries.

L’industrie de la houille, du reste, était celle que, dans la réforme douanière, on devait aborder la première, et pourquoi ? Mais parce que cette industrie forme la base de la plupart des autres.

Si vous amenez cette industrie, par les réformes de tarif, à offrir ses produits à toutes les autres industries dans de meilleures conditions, à meilleur marché, cette réforme première amènera pour conséquence des reformes ultérieures qui seront alors légitimes.

Pour la houille, dit-on, repousser le droit de 1 fr. 40 c, alors qu'il existe un droit de 14 fr., c'est révolutionner, et l'honorable ministre des finances reproduisait tout à l'heure cet argument. Il parlait de mesure radicale, de mesure devant laquelle une Chambre belge devait reculer.

Mais l'honorable M. Dechamps. mais l'honorable ministre des finances oublient une chose, c'est que nous sommes en possession. La liberté d'entrée que nous réclamons, c'est le maintien du statu quo, et si quelqu'un fait ici quelque chose qui puisse se comparer à ce qui se fait en politique, je dirai que ce n'est pas nous qui faisons de la révolution ; c'est vous qui faites de la contre-révolution et de la réaction en demandant un droit de douane, alors que depuis trois ans nous avons la libre entrée.

Qui réclame, dit-on, contre la proposition d'un droit d'entrée sur la houille ? Aucune voix ne s'est élevée pour demander le maintien du statu quo, pour appuyer la libre entrée des houilles étrangères en Belgique.

Qui réclame ? Mais je pourrais dire tout le monde, sauf les producteurs de houille, et encore y a-t-il parmi eux d'honorables exceptions. Je n'ai pas entendu le bassin houiller de Liège protester par l'organe d'un seul de ses représentants.

M. Dumortier. - Il est désintéressé dans la question.

M. Orts. - Il est désintéressé dans la question. Permettez. La concurrence de la houille anglaise n'est pas la seule qu'on puisse avoir à craindre. A l'est de nos frontières comme à l'ouest, il y a concurrence pour cette industrie. Les houilles de l'Allemagne, les houilles du Zollverein, les houilles de la Ruhr peuvent arriver, dans des conditions données, à faire concurrence au bassin houiller de Liège, et je crois qu'elles entrent pour une bonne part dans cette concurrence que nous (page 1159) signalait tantôt M. le ministre des finances en nous montrant la diminution de nos exportations sur le marché des Pays-Bas.

Qui réclame ? Mais tous vos grands intérêts, mais le travail national tout entier réclame, et par la bouche d'organes que vous ne suspecterez pas.

Si j'allais demander des témoignages à l'appui de ce que j'avance à la chambre de commerce de Verviers ou à la chambre de commerce de Liège, ces témoignages vous paraîtraient peut-être suspects ; on a à Verviers et à Liège des idées de libre-échange qui peuvent déteindre sur les témoignages des chambres de commerce de ces villes importantes.

Je ne prendrai pas ces témoins suspects ; je vais en invoquer que vous ne répudierez pas, que les plus grands partisans de la protection ne répudieront pas.

Et par exemple, j'entendais tout à l'heure avec étonnement l'honorable M. T'Kint de Naeyer insinuer que la réforme qui consiste à maintenir le statu quo (bien faible réforme, convenez-en) n'était demandée par personne. Mais l'honorable membre oublie que dans la ville qu'il représente, les organes de l'industrie la plus importante de la localité, les organes d'une industrie fortement protégée, les organes de l'industrie linière affirment que si l'industrie linière souffre, c'est à la cherté du combustible qu'il faut en partie l'attribuer. La députation permanente de la province que l'honorable M. T'Kint de Naeyer représente, dans son rapport de 1856 au conseil provincial, proclamait que ces réclamations de la chambre de commerce de Gand contre le haut prix du combustible cause, selon elle, d'affaiblissement de l'industrie linière, étaient appuyées par toutes les chambres de commerce de la province.

Voilà pour l'industrie linière.

L'industrie métallurgique qui craint, elle aussi, la suppression des droits protecteurs qui la couvrent, avoue que son impuissance à soutenir la concurrence étrangère sur le marché intérieur réside dans ce fait que la houille n'est pas à sa disposition dans des conditions de bon marché suffisant. Et qui le dit, messieurs ? Ce n'est pas un représentant de l'industrie métallurgique, corrompu par le contact des hommes ou la fréquentation des prêches du libre-échange, c'est M. Dupont du Fayt, dans une lettre insérée au Courrier de la Sambre, journal de Charleroi, en date du 23 mars 1857 et que vous avez tous reçue.

« Le charbon, dit-il, cette matière principale dans le travail du fer, sera toujours à un prix plus élevé pour le fabricant belge... Comment la forgerie belge pourrait-elle dans les conditions normales, rivaliser avec l'industrie similaire de la Grande-Bretagne ?... La situation de nos charbonnages au milieu des pays de plus grande consommation, assure la vente des charbons à des prix bien supérieurs à ceux auxquels ils sont vendus en Angleterre et en Ecosse. »

Et c'est parce qu'il en est ainsi, parce que le charbon n'est pas à la disposition des maîtres de forge, dans des conditions tolérables, que notre forgerie s'avoue incapable, sur le territoire belge, de soutenir la concurrence de l'étranger !

Parlerai-je maintenant du commerce ? de la chambre de commerce d'Anvers ? Parlerai-je de l'agriculture, qui par l'organe d'une foule de chambres de commerce de nos arrondissements agricoles, par l'organe de nombreux conseils communaux, par l'organe de 8,000 pétitionnaires, ont demandé le maintien du statu quo ?

Le travail national sous toutes ses formes, sous toutes ses faces, réclame la libre entrée des houilles comme tous les travailleurs réclamaient, il y a peu de mois, la libre entrée des subsistances.

M. Dumortier. - Et la prohibition à la sortie !

M. Orts. - Voulez-vous la prohibition à la sortie pour les houilles ? Proposez-la donc aux honorables membres que je combats, et ils vous répondront. Pour moi, ici comme là, je veux la liberté.

Et quel fait, ajoutait l'honorable M. Dechamps, s'adressant aux auteurs de l'amendement, quel fait justifierait cette demande exorbitante ? Oh ! bien exorbitante en effet le maintien du régime douanier sous lequel nous vivons depuis 3 années ! Quel fait ? question aussi imprudente que celle à laquelle je répondais à l'instant !

Un fait d'abord que personne ne peut nier, un fait parlant si haut que, fût-il tout seul, il suffirait à justifier le maintien de la législation actuelle. Ce fait, c'est l'incontestable cherté du combustible, l'incontestable et permanente cherté du combustible.

Voilà le fait que je pourrais élever très haut, avec lequel je pourrais éblouir ou effrayer la Chambre, si je ne cherchais simplement vous convaincre. Si je voulais, à mon tour, employer ces paroles dangereuses, autant qu'injustes, dont on s'est servi hier, je dirais : La colère du peuple qui a froid est aussi redoutable, aussi peu réfléchie que la colère du peuple à qui le travail manque, du peuple qui a faim. Je ne veux pas, moi, raviver ce pénible souvenir, et je passe.

Un second fait, messieurs, c'est l’expérience. Depuis trois années l'industrie au nom de laquelle on parle, a-t-elle souffert ?

La concurrence étrangère, depuis trois ans, s'est-elle produite sur le sol belge ? Où sont les navires affluant dans nos ports, nous apportant ces riches cargaisons de houilles anglaises que vous craignez tant ? Où sont les navires profitant de ces prétendues primes que vous faites miroiter devant nous ? Quelles flottes ont-elles attirées ? Où sont, sur notre marché, depuis trois ans, les houilles anglaises ? Je vais vous le dire.

Elles sont dans l'imagination de ceux qui s'effrayent d'un mot, d'une chimère, mais elles ne sont pas dans la réalité.

Troisième fait. Votre prospérité assurée, permanente, inébranlable, votre prospérité, la force de votre industrie sont-elles contestables ? Cette prospérité, cette force qui nous donnent à la fois l'éclat et la solidité, mais elles sont connues de tout le monde.

Tous ceux qui, impartialement, ont pu étudier la situation de l'industrie charbonnière en Belgique, qui ont pu l'étudier en dehors de toute préoccupation, de toute inquiétude, si naturelle, j'en conviens, à l'intérêt privé, tous ceux-là ont avoué que la concurrence étrangère n'est pas à craindre chez nous, qu'elle n'est peut-être même pas plus à craindre sur les marchés étrangers. Qui l'a proclamé ? Dans une circonstance solennelle, au nom du pays tout entier, un homme d'abord dont nous ne contesterez pas la compétence, le rédacteur de la partie du rapport sur l'exposition universelle de Paris de 1855 concernant les produits minéraux, le chef de l'administration des mines dans notre pays, M. Devaux. La position de l'industrie dont cet éminent fonctionnaire s'occupait pour la comparer à l'industrie étrangère, pour la juger au nom de la Belgique, en face de l'Europe, est celle que vous allez entendre définir en quelques lignes que je vous demande la permission de lire. M. l'inspecteur Devaux disait dans son rapport :

« Nous avons pu dire sans vanité que, sous bien des rapports, l'art de l'exploitation des mines était relativement fort avancé en Belgique, et nous en retrouverions au besoin la preuve dans nos résultats commerciaux.

« Nous voyons, en effet, par l'importance que nos voisins de l'Ouest et de l'Est attachent à se soustraire par des droits de douane à notre concurrence, que nos prix de revient sont généralement inférieurs aux leurs ; ce qui dans les circonstances similaires où nous opérons, suppose une supériorité dans notre système général d'aménagement, d’administration et d'exécution des travaux. Le Hainaut surtout, il faut le reconnaître, se distingue depuis quelques années par ses perfectionnements et par l'importance de ses opérations. »

Et c'est le Hainaut qui réclame ! L'inspecteur des mines de cette province, M. Gonot, dont personne ne révoquera en doute la compétence en cette matière, confirmait cette appréciation en 1856. S’adressant à l'autorité provinciale, qui plus tard s'est approprié ces paroles et les a insérées comme siennes dans le rapport de la députation permanente au conseil provincial du Hainaut, M. Gonot dans un travail des plus remarquables, auquel je me réserve de faire encore plus d'un emprunt, M. Gonot décrivant la situation de l'industrie qu'il surveille, après avoir constaté entre autres faits curieux, qu'en 1853 et 1854 le prix moyen du tonneau de charbon anglais avait été supérieur de fr. 1.55 et 1.61 au prix du charbon du Hainaut, M. Gonot ajoutait :

« J'en conclus, naturellement, que nous n'aurons pas beaucoup à craindre la concurrence anglaise sur le marché français, ni à plus forte raison, sur le marché de notre propre pays. »

Voilà, dis-je à mon tour aux charbonniers, voilà l'avis des hommes impartiaux qui vous connaissent, et ce témoignage suffit à ma cause. Il n'est pas isolé. Les faits, les faits extérieurs, confirment ces appréciations. Une industrie dans laquelle les capitaux engagés produisent de grands et gros bénéfices, une industrie où les salaires sont plus élevés qu'ils ne l'ont jamais été, où les salaires sont plus élevés que dans aucune autre industrie, une industrie où les salaires suivent une progression ascensionnelle non interrompue depuis vingt années sans augmentation de travail pour l'ouvrier, où chaque jour augmente la production et la valeur des produits, où diminuent chaque jour les frais de production ; une telle industrie n'est-elle pas faite pour oser, enfin, regarder la liberté en face ?

Cette industrie, c'est la vôtre.

J'ai cité les salaires. Le rapport de la chambre de commerce de Mons, adressé à l'autorité provinciale en 1856, va nous les faire connaître. Je ne puise pas, vous le voyez, messieurs, à des sources suspectes ; je prends les charbonniers à témoin contre eux-mêmes. Voici, d'après ce document, quels étaient pour les différents bassins les salaires annuels des ouvriers employés aux charbonnages : Mons, 806 fr., Centre, 707 fr., Charleroi 739 fr., Liége 630 fr.

Et le même document ajoute que dans le Hainaut les salaires de l'ouvrier houilleur ont doublé depuis 20 ans.

La production ? Elle s'est développée non seulement en lançant dans le commerce une plus grande quantité de produits, mais en produisant avec moins de frais. La production des houilles dans le Hainaut était par puits d'extraction : en 1838 de 7,437 tonnes et en 1853 de 25,266 tonnes.

Pour l'exploitation par ouvrier le résultat est plus magnifique encore. Il démontre plus précisément combien les frais ont diminué combien la puissance productive a grandi.

La production par ouvrier était en 1838, de 96 tonnes et en 1853, de 139 tonnes.

Voulez-vous connaître maintenant, messieurs, d’après les documents émanés de l'administration des mines, documents contrôlés par les exploitants, car ils ont intérêt à les contrôler, puisque ces documents servent de base à la perception de la redevance, voulez-vous connaître le bénéfice net de tons les exploitants du Hainaut ? Ce calcul est reproduit comme calcul exact et comme calcul que l'on s'approprie dans (page 1160) le rapport de la députation permanente de 1856, déjà cité par moi. Le voici :

En 1855, les houilles extraites représentaient une valeur de 103,955,949 fr. ; les dépenses faites pour obtenir ce résultat s'élevaient à 85,223,680 fr.

Reste donc un bénéfice net, toute dépense déduite, de 18,732,269 fr.

Est-ce là une situation prospère, une situation qui permette à ceux qui s'y trouvent, de regarder sans trembler leurs concurrents et leurs adversaires ?

Descendons aux détails : creusons cette situation.

Voulez-vous savoir, messieurs, quel est le bénéfice net, toute dépense d'exploitation déduite, le bénéfice par tonne de charbon, c'est-à-dire combien après chaque tonneau de charbon vendu, il reste clair et net dans la poche du vendeur ?

En 1855, à Mons, 2 fr. 37 c.

Au Centre, 4 fr. 56 c.

Au Centre, vous l'entendez ! et cela malgré les difficultés de péage, dont on parlait tout à l'heure, difficultés que, du reste, je n'approuve pas et que je concourrai volontiers à faire disparaître ou à atténuer aussitôt que j'en aurai l'occasion.

A Charleroi 1 fr. 39 c.

En moyenne pour la province, 2 fr. 39 c.

Ce chiffre inférieur pour Charleroi quoique accusant un bénéfice sérieux est un accident. Si je passe à l'année 1856, un document non moins officiel que ceux que j'ai cités jusqu'à présent, un rapport de la chambre de commerce de Charleroi, rapport signé par notre honorable collègue M. Wautelet, affirme que le bénéfice au tonneau s'est élevé en 1856 pour Charleroi à 2 fr. 10 c. au lieu de 1 fr. 39 c. qu'il était en 1855.

Voilà la position nette de l'industrie charbonnière du Hainaut, la seule qui se plaigne ainsi. Voilà ses dépenses, voilà ses sacrifices, voilà son capital moral et son capital matériel, car je vous ai fait connaître aussi l'intelligence avec laquelle cette grande industrie a perfectionné ses moyens d'action de 1838 à 1855.

Mais, disait tout à l'heure l'honorable M. Wautelet, cette situation prospère, temporaire, anomale, va finir. Depuis trois ans, il est vrai, nous avons marché à pas de géant, nous avons progressé ; mais nous sommes à la veille de voir le progrès s'arrêter ; l'honorable M. Dechamps tenait hier le même langage.

Et pourquoi, s'il vous plaît, messieurs, ce progrès s'arrêterait-il ? Les capitaux se retirent-ils par hasard de. l'industrie houillère ? les actions des sociétés charbonnières ont-elles baissé à la bourse ? les hommes qui dirigent les exploitations charbonnières sont-ils devenus moins intelligents, vos ouvriers moins laborieux ? Personne ne répondra que par une dénégation complète à chacune de ces questions.

Pourquoi ce changement alors ? pourquoi ce coup de théâtre ?

La guerre, dit-on, avait amené des chances de ventes et des besoins plus considérables. Elle a fait augmenter les prix, en augmentant la demande ; de là, une progression ascensionnelle dans l'extraction de la houille. La guerre a cessé ; la demande étrangère va cesser avec elle. Plus d'exportation désormais vers les pays voisins. Tout va refluer sur le marché intérieur, l'encombrer, et vous voulez, imprudents que vous êtes, décréter la libre entrée des houilles étrangères.

Messieurs, l'argument n'est pas neuf ; on l’a introduit ailleurs, et en l'appuyant même sur une bien faible diminution dans le chiffre de nos exportations vers la France, en 1856, pour soutenir que la paix devra nous faire vendre moins de charbon que la guerre.

Mais, messieurs, les hommes spéciaux, les hommes du métier, les intéressés eux-mêmes, ne se sont pas laissé prendre à cet argument ; ces hommes n'ont pas cru à ce que nous prédisait l'honorable M. Wautelet ; je lis, en effet, dans un écrit qui ne sera contesté par personne, qui ne le sera certes pas par l'honorable M. Wautelet, je lis ce qu'il faut penser de l'influence que la conclusion de la paix doit exercer, au dire de certains membres, sur la situation future de l'industrie charbonnière.

« En supposant, dit cette pièce, que la paix si heureusement conclue ait pu avoir momentanément un effet fâcheux sur les affaires charbonnières, elle aura dans l'avenir un effet contraire et tout favorable, en rendant aux capitaux une sécurité nouvelle, qui les appellera à concourir au développement des grandes entreprises et de l'industrie en général. »

Ainsi l'honorable M. Wautelet peut être rassuré, la paix sera un bienfait pour l'industrie houillère ; elle augmentera la consommation et la vente ; et qui donne à l'honorable membre cette assurance ? C'est la chambre de commerce de Charleroi dans un rapport signé Wautelet.

Mes honorables contradicteurs se méfient outre mesure de l'énergique et bienfaisante influence de la paix sur le travail.

Ne croyez pas, messieurs, que si les escadres ne sillonnent plus les mers pour aller guerroyer aux pays lointains, il sera dépensé moins d'argent en charbons dans le monde.

Non, non, messieurs, disons-le bien haut à l’honneur de la paix, la consommation des machines de guerre, en fait de charbons, n'est rien auprès de la consommation des machines de la paix. Messieurs, vous vous souvenez tous de cette magnifique flotte de navires à vapeur que l'Angleterre avait rassemblée au port de Spithead ; vous vous souvenez de cette exhibition formidable à laquelle présida la reine Victoria, fière de montrer au monde étonné la puissance navale britannique transformée par la science moderne. La quantité de charbon nécessaire pour faire marcher ce nombre prodigieux de navires à vapeur a frappé toutes les imaginations. Eh bien, sachez-le, messieurs, dans la seule province de Hainaut au 31 décembre 1855, 9,600 chevaux-vapeur de plus que le nombre employé par la gigantesque flotte de Spithead, faisaient mouvoir les grandes machines de la paix.

Cet élément de prospérité stable assure le retour des capitaux que la guerre détourne ou effraie pour donner une impulsion nouvelle à cette industrieuse et magnifique province dont je crois défendre ici l'honneur et l'intérêt mieux que ceux qui la veulent étouffer à jamais dans les langes de la protection.

Voilà pour le marché intérieur. Jetons les yeux au-delà des frontières. Le marché principal de l'industrie charbonnière du Hainaut, c'est la France. La France, dit-on, va diminuer considérablement sa demande de houille par suite de la conclusion de la paix. Mais pourquoi la paix exercerait-elle cette influence sur la demande de la houille en France ?

On a cité hier la consommation que fait la France en houille par habitant, on l'a comparée d'après les mêmes bases à l'Angleterre et à la Belgique ; ce calcul, établi d'une manière très exacte par l'honorable M. Prévinaire, a montré l'infériorité de la France. Cette infériorité, la France ne la subira plus, la bienfaisante activité de la paix, l'énergique impulsion qu'elle imprimera aux industries de cette grande nation, la volonté persistante et réfléchie de l’homme qui dirige ses destinées saura la mener au but et rapidement.

Que pour ses usines la France emploie un jour, et pourquoi ne le ferait-elle pas, qu'elle emploie une quantité de charbon égale à la consommation de l'Angleterre, qu'un Français arrive à consommer autant qu'un Anglais, et il faudra à la France un approvisionnement, non plus de 10,200,000, chiffre actuel, mais de 73,000,000 de tonnes, c'est-à-dire qu'il lui faudra plus de houille que n'en peuvent produire aujourd'hui l'exportation belge et l'exportation anglaise réunies !

Voilà l'avenir en perspective de l'industrie charbonnière au point de vue de l'exportation. Et croyez-vous sérieusement un seul instant qu'en présence d'une pareille perspective, les misérables travaux de recherches qu'exécutent certains départements voisins, notamment le Pas-de-Calais, puissent arriver à compter pour quelque chose dans cet immense approvisionnement futur ? Poser cette question, c'est la résoudre.

Les exploitations charbonnières nouvelles du Pas-de-Calais et du département du Nord combleront-elles cet énorme déficit de la France ? Evidemment non.

Qu'on ne s'effraye pas de l'autorité invoquée hier pour établir que cette nouvelle exploitation française doit créer à la Belgique une lutte dangereuse. Où l'a-t-on puisée cette autorité ? Dans un mémoire de la compagnie d'Anzin ; doléances d'exploitants redoutant la concurrence, et demandant la prohibition ou l'élévation des droits sur l'entrée des houilles étrangères ? Plaisante autorité vraiment et qui doit être mise de côté sans discussion.

Est-ce un argument plus sérieux que de dire : maintenir la libre entrée des houilles étrangères, c'est nous désarmer, vis-à-vis de la France, quand nous aurons à régler avec cette puissance nos relations de commerce internationales. Messieurs, soyez-en convaincus, notre législation intérieures ne peut exercer ici la moindre influence. Pour assurer le maintien des conditions existantes à l'importation de nos houilles en France, nous avons mieux que nos propres lois, nous avons l'intérêt français. Aussi longtemps que la France se verra obligée de nous demander les deux tiers de son importation de houille, et elle n'est pas près de pouvoir s'en passer, soyez-en persuadés, ce ne sera pas notre législation intérieure que l'on consultera pour savoir ce qu'il faut faire.

Rappelez-vous, messieurs, l'effet produit en France par une surtaxe imprudente dont on avait jadis frappé nos houillères. Qui a subi le mal qu'on voulait nous faire ? Le consommateur français ; et c'est parce que, sur le consommateur français et non sur nous est tombée la surtaxe, que la surtaxe a disparu lors du dernier traité.

Prenez garde, disait encore un honorable membre, vous ne savez pas l'effet désastreux d'une réduction de quelques francs sur un droit de douane.

A une époque récente nous avons vu diminuer la faveur douanière dont nous jouissions sur les marchés de France ; on a abaissé de quelques francs le traitement différentiel qui nous était accordé ; immédiatement nous avons perdu le marché de Rouen et de Paris...(Interruption.) Nous l'avons perdu en partie, si vous voulez, sans cela je ne comprends pas l'argument.

Et je l'ai bien retenu ; vous l'avez dit, M. Dechamps, nous avons perdu sur ces deux marchés. L'honorable M. Dechamps s'est trompé, je le sais ; et son interruption prouve qu'il reconnaît son erreur, mais il l'a dit.

Or, je le répète, c'était une évidente erreur. Si, par suite de la réduction de ce traitement de faveur, nous avions perdu des marchés aussi importants que ceux de Rouen et de Paris, voire même en partie, comment se ferait-il que le chiffre général de nos importations eût constamment progressé jusqu'à ce jour ?

M. Dumortier. - Par suite de l'ouverture des chemins de fer.

M. Orts. - Que vaut l'argument alors, si les chemins de fer, (page 1161) malgré le changement de traitement, au lieu d'être préjudiciables, sont favorables à notre exportation de houille ?

En 1852 nos exportations de houille vers la France ont, été de 1,866,097 tonnes : en 1853, de 2 millions ; en 1854, de 2 millions 300 mille ; en 1855, de deux millions 800 mille, chiffres ronds, et pour les dix premiers mois de 1856, de 2 millions 200 mille tonnes environ.

Peut-on prétendre après cela que le changement de régime a exercé une influence fâcheuse sur nos exportations de houille vers la France ? Si nous étions chassés des marchés français par les modifications introduites au régime dont nous profitons, un second fait se serait produit, la diminution du fret vers Paris et Rouen.

Quand les transports diminuent sur une ligne de navigation, les bateliers viennent s'offrir au rabais ; or, le fret de Mons sur Paris ou Rouen est-il diminué ?

J'ouvre le tableau officiel du fret du Couchant de Mons sur Paris et Rouen en 1856, et j'y lis que vers la première de ces villes il était à 80 centimes les 80 kilogrammes au commencement de l'année et le 7 décembre à 90 centimes.

Il avait donc augmenté de 10 centimes.

Le fret sur Rouen, lui, n'a pas varié de toute l'année. Il est resté d'un franc de janvier à décembre.

Vos facilités d'exportation par eau, en France, loin de décroître, augmentent et s'améliorent.

Ecoutons les explications.

La chambre de commerce de Mons, dans son rapport de 1856, démontre que les voies navigables sont tellement perfectionnées en France qu'on arrive de Mons sur tous les marchés français avec des facilités infiniment plus grandes que jamais. D'après elle, tout est pour le mieux en fait de communications sur le sol français.

On se plaint uniquement que les canaux ne soient pas aussi bons et les péages aussi modérés en Belgique.

Aujourd'hui le voyage de Mons à la Villette est diminué de moitié quant à la durée ; le tirant d'eau, qui autrefois était de 1 m,20 sur les canaux français, est aujourd'hui de 1 m. 80 ; la charge moyenne, jadis de 141 tonneaux par navire, est aujourd'hui de 183. Pourquoi craindre après cela que nos exportations par eau vers la France viennent à vous manquer ?

Voilà la position extérieure.

Maintenant, pour la consommation intérieure, vous craignez de la perdre par l'arrivée des charbons anglais. Pourquoi ne vous arrivent-ils pas aujourd'hui ? Tous les avantages qu'on a signalés existent depuis trois ans ; depuis un an le commerce anglais pouvait en profiter, il n'en profile pas.

Un exemple que je vais citer, vous prouvera que la concurrence du charbon anglais est presque impossible, môme sous le régime de la liberté. Récemment l'administration du chemin de l'Etat a fait des contrats à Anvers pour des livraisons de charbons.

Le fournisseur a essayé de satisfaire à ses engagements avec du charbon anglais, un fournisseur va au meilleur marché possible. Arrive ce charbon anglais ; l'administration du chemin de fer l'a trouvé tellement détestable qu'elle l'a refusé, et où a-t-on été chercher le charbon pour exécuter la fourniture ? En Angleterre ? Non. Au Couchant de Mons : les conditions de qualité exigées par l'administration du chemin de fer, ne se trouvaient pas à égalité de prix, dans les charbons anglais rendus à Anvers. Le chemin de fer veut être bien servi ; or, c'est pour les qualités supérieures que vous craignez précisément la concurrence du charbon anglais.

Reste l'objection tirée des péages intérieurs et du péage de l'Escaut. Je ne reviendrai pas sur cette question, l'honorable M. Loos a suffisamment répondu à tout ce qui avait été dit sur ce point. Mais, je le répète, comment se fait-il que malgré tous ces avantages qu'on se plaint devoir faire aux houilles anglaises existant en 1856, il ne vous soit arrivé que des quantités insuffisantes de charbons anglais ? Je demande le statu quo d'une manière absolue, et devant le présent ; je ne le demande pas en vue d'éventualités avec lesquelles je me réserve de compter ; je donnerai les mains dès aujourd'hui, dans le pays comme à la frontière, à tout ce qui tendra à améliorer les moyens de production et de transport, à fournir ainsi le pain de l'industrie à bon marché.

Il faut, messieurs, pour les batailles de la paix, pour les luttes de la concurrence, il faut des armes et des munitions, comme il en faut à la guerre.

Les armes de l'ouvrier sont le fer avec lequel se font les outils et les machines : les munitions, la poudre de l'industrie, c'est la houille.

La situation que vous voulez faire à nos travailleurs serait intolérable vis-à-vis de la concurrence étrangère ; elle amènerait la ruine de toutes nos industries manufacturières les plus importantes, si vous les forciez à combattre dans des conditions inégales.

Le fer et le charbon à bon marché sont les conditions d'existence de toutes les industries ; si vous les leur refusiez, les calamités imaginaires dont on vous a tracé le tableau hier, ne seraient rien auprès des désastres réels.

Réfléchissez, messieurs, et votez ensuite sur l'amendement que j'ai eu l'honneur de proposer.

- La discussion est continuée à demain.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.