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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 1 février 1858

Séance du 1 février 1854

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1857-1858)

(page 173) (Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Crombez procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

Il est procédé au tirage au sort des sections de février.

M. de Moor lit le procès-verbal de la séance précédente.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Crombez présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Des meuniers et huiliers à Lootenhulle demandent la révision du droit de patente auquel ils sont assujettis. »

« Même demande de meuniers et huiliers à Desselghem et Vynckt. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des cultivateurs et commerçants à Florenville prient la Chambre de donner cours légal aux pièces d'or de France. »

- Même renvoi.


« Le sieur Weis demande que les employés qui, pendant un certain nombre d'années, ont été placés à la tête de la besogne, dans une direction du trésor, puissent obtenir le titre de surnuméraire ou être préférés pour les places d'employés qui deviendraient vacantes à la trésorerie générale et qu'ils soient admis à contribuer à la caisse de retraite. »

- Même renvoi.


« Le sieur Jacques présente des observations concernant la loi sur les successions en ligne directe. »

- Même renvoi.


« Des habitants d'Uytbergcn demandent la réforme de la loi sur la milice dans le sens des enrôlements volontaires.

« Par cinquante et une pétitions, des habitants de Spa, Tirlemont, Muysen, Couckelaere, Amonines, Sibret, Dinant, Ghoy, Marcke, .Zoerleparwys, Oisquercq, Flone, Ruette, Grandmenil, Beauraing, Kerniel, Brusseghem, Zellick, Seloignes, Villers-la-Tour, Bas-Warneton, Bilsen, Villers-la-Tour, Brye, Caneghem, Montignies-Saint-Christophe, Saint-Remy Geest, La Gleize, Muno, Hansinelle, Verlée, Noirefontaine, Warempaye, Habaye-la-Vieille, belles, Henripont, Strée, Cortessem, Langdorp, Glabais, Maffe-en-Condroz, Liernu, Teralphene, Dour, Visé, Keyem, et les membres du conseil communal de Muysen et d'Aerseele font la même demande. »

- Renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.


« Des habitants de Péronne demandent une loi qui fasse disparaître les distinctions existantes dans l'étendue du ressort des notaires. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Collard, ancien garde, forestier, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir une augmentation de pension et les arriérés. »

- Même renvoi.


« Le sieur Boudens, ancien militaire, congédié par suite d'une blessure qui l'a rendu incapable de servir, demande une pension. »

- Même renvoi.


« Des propriétaires de carrières de pierres blanches dites de Gobertange, se plaignent de la préférence qui est accordée par le gouvernement à la pierre de France. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal d'Aerseele propose des modifications à la loi sur la milice, eu attendant la réforme du système du tirage au sort. »

- Même renvoi.


« Les membres du conseil communal de Hannut demandent la réduction de l'effectif de l'armée et, par suite, celle du budget de la guerre. »

- Renvoi à la section centrale du budget de la guerre.


« Des habitants de Saint-Nicolas prient la Chambre de ne pas donner suite à la demande des marchands de charbons et propriétaires de bateaux, qui a pour objet l'abolition du prix réduit auquel la houille est actuellement transportée à Zele et à Lokeren par le chemin de fer de Dendre et-Waes. »

M. Van Overloop. - Je demande le renvoi de cette requête à la commission permanente de l'industrie par les motifs que j'ai exprimés dans une séance précédente.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi prorogeant la loi sur les concessions de péages

Rapport de la section centrale

M. Pirmez. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi portant prorogation de la législation sur les concessions de péages.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1858

Rapport de la section centrale

M. A. Vandenpeereboom. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le budget de l'intérieur.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ces rapports et les met à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi rendant applicable à la session de Pâques 1858 une disposition transitoire de la loi sur les jury d’examen universitaire

Dépôt

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, le Roi m'a chargé de vous présenter un projet de loi tendant à rendre applicable à la session de Pâques 1858, la disposition transitoire contenue dans l'article 58 de la loi du 1er mai 1857, sur les jurys d'examen pour les grades académiques.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi. La Chambre en ordonne l'impression et la distribution.

M. le président. - La Chambre veut-elle renvoyer ce projet aux section ou à une commission ?

- Des membres. - Aux sections.

- D'autres membres. - A une commission.

M. Coomans. - En ce qui me concerne personnellement, il m'est assez indifférent que ce projet de loi soit examiné en sections ou par une commission spéciale. Mais vraiment nous abusons un peu des commissions spéciales, et si nous continuons sur ce pied, nous n'aurons bientôt plus qu'à supprimer les articles du règlement qui règlent le travail en sections.

En faisant examiner les propositions de loi dans les sections, nous avons eu l'intention de fournir à tous les membres de cette assemblée l'occasion, non seulement d'examiner leur opinion sur ces projets de loi, mais aussi celle de s'éclairer eux-mêmes par le choc des opinions d'où jaillit, dit-on, la lumière.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - La question ne mérite pas ces observations. Il s'agit d'un projet très simple, et je ne m'oppose nullement à ce qu'il soit renvoyé aux sections.

M. Coomans. - J'ai eu un principe en vue. Du reste nous voilà d'accord.

- Le renvoi de ce projet aux sections est ordonné.

Projet de loi augmentant le personnel des tribunaux d’Anvers et de Namur

Discussion générale

- La discussion est ouverte sur l'article unique du projet.

M. de Liedekerke. - Je n'ai à présenter que des observations très courtes, très concises, appuyées sur quelques données de statistique, qui seront, je l'espère, de nature à pouvoir fixer l'attention de M. le ministre de la justice.

La Chambre a été saisie de trois projets de loi concernant l'augmentation du personnel du tribunal de Liège (ce projet a été voté) et concernant celui des tribunaux d'Anvers et de Namur.

C'est surtout l'accroissement du personnel du tribunal de Namur qui m'a déterminé à soumettre quelques observations.

Les motifs qui, sans doute, ont amené la présentation de ces divers projets de lois, c'est de permettre de rendre une justice plus prompte aux justiciables et, d'autre part, d'alléger le fardeau qui pèse d'un poids souvent très lourd sur les membres des tribunaux. Eh bien, messieurs, ces mêmes considérations militent en faveur de l'augmentation du personnel de Dinant ; je dirai même qu'elles sont peut-être plus concluantes pour Dinant que pour Namur.

L'une des premières raisons qui s'élèvent en faveur de l'augmentation du personnel du tribunal de Dinant consiste dans l'arriéré qui existe, qui s'accumule d'année en année et dans l'impossibilité de le vider avec le nombre de juges actuel.

Ainsi l'arriéré constaté au 15 août 1857 se résume en un total de 607 affaires, dont 548 affaires civiles et 59 affaires commerciales (voir le compte annuel rendu à M. le ministre de la justice par le greffier.)

Cet arriéré va toujours en augmentant. Ainsi, au 15 août 1855, le nombre des affaires civiles pendantes était de 484 et celui des affaires de commerce de 46, en tout 550.

Au 15 août il était de 607. Il y a donc eu augmentation de l'arriéré de 77 affaires, en deux ans. Cet accroissement a été de 35 affaires pendant l'année 1855-1856 et de 42 pendant l'année 1856-1857. II en sera de même pour l'avenir, par la raison que le chiffre des affaires nouvelles que l'on inscrit chaque année, est supérieur à celui des affaires que le tribunal peut terminer par jugements.

Cette accumulation des affaires s'est produite malgré l'activité déployée et les efforts faits par le tribunal. On peut juger du zèle qu'il a apporté dans l'accomplissement de ses devoirs en établissant le parallèle entre les affaires jugées à Namur et celles jugées à Dinant, pendant l'année judiciaire de 1855 à 1856.

(page 174) Namur a un tribunal composé de deux sections. Il a, en outre, un tribunal de commerce et la cour d'assises.

Ces tribunaux ont jugé ensemble 129 affaires civiles, 906 affaires correctionnelles, 105 affaires commerciales et 11 affaires criminelles. Total : 1,151.

Le tribunal de Dinant, qui n'a qu'une chambre et dans les attributions duquel sont placées les affaires de commerce, a jugé 127 affaires civiles, 914 affaires correctionnelles et 117 affaires commerciales. Total : 1,158.

Il a donc jugé 7 affaires de plus que le tribunal ou plutôt que les quatre tribunaux de Namur. Tous ces chiffres sont puisés dans un document officiel : l'exposé de la situation de la province de Namur du mois de juillet 1857, pages 197, 198 et 199.

En présence de cet arriéré et de l'impuissance où est le tribunal, tel qu'il est composé, de le faire disparaître et même de juger les affaires qui se reproduisent chaque année, que reste-t-il à faire ? Evidemment augmenter son personnel.

L'accroissement du nombre des affaires judiciaires, dans notre arrondissement, est dû à l'essor qui y ont pris le commerce et l'industrie et aussi à la création des voies ferrées, qui fait surgir une grande quantité de contestations relatives à l'expropriation des terrains empris.

Du reste, le tribunal de Dinant, par l'étendue de sa circonscription et le grand nombre de ses justiciables, a une importance qui le place au niveau des tribunaux de deuxième et de première classe ; en effet, il exerce sa juridiction sur deux arrondissements administratifs, ceux de Dinant et de Philippeville ; la population de l'arrondissement de Dinant est de 71,596 habitants, et celle de l'arrondissement de Philippeville s’élève à 55,719. Total : fr. 127,315.

Sous ce rapport encore il l'emporte sur Namur, qui n'a qu'un arrondissement administratif et dont la population n'est que de 118,506 habitants.

Je crois, messieurs, que les chiffres que je viens d'indiquer et les considérations dans lesquelles je suis entré sont de nature à engager M. le ministre de la justice à entrer dans un système de générosité qui s'étendrait au tribunal de Dinant. C'est évidemment une question d'intérêt public. Je n'élève pas la voix ici en faveur d'un étroit intérêt local. Je n'adresse ni adulation ni flatterie aux besoins locaux ; c'est un intérêt essentiel, un intérêt urgent ; car la justice, n'importe dans quel ordre d'idées, est toujours une question d'intérêt public et un bienfait social.

M. de Baillet-Latour. - Messieurs, les réclamations fort légitimes qui s'élèvent à propos de l'encombrement des affaires au tribunal de Dinant, me fournissent l'occasion de réclamer de nouveau en faveur des justiciables de l'arrondissement de Philippeville. L'encombrement dont ou se plaint avec raison, puisqu'il est cause qu'un nombre considérable d'affaires sont en souffrance, a pour cause principale la trop vaste étendue de la circonscription judiciaire de Dinant. Comme elle se compose de deux arrondissements administratifs, qui, tous deux, prennent chaque jour plus d'importance par les progrès de la population, de l'agriculture, de l'industrie et du commerce, on conçoit aisément que, le nombre des affaires s'accroissant, le nombre des contestations ne peut qu'augmenter en proportion. Déjà, il y a 17 ans, en 1841, je signalais ici les besoins et les vœux de l'arrondissement de Philippeville, alors que Dinant, de son côté, faisait valoir la surcharge des rôles de son tribunal pour solliciter une augmentation du personnel de la magistrature.

Ce qui existait à cette époque n'a pas cessé d'exister et n'a fait que prendre de plus grands développements durant la période de 17 ans que nous venons de parcourir. Les justiciables de l'arrondissement de Dinant se plaignent plus que jamais des lenteurs qui éternisent les procès et font péricliter les intérêts des familles et du commerce.

Les justiciables de l'arrondissement de Philippeville continuent à s'élever avec énergie contre une organisation qui les oblige à faire des voyages de 8 à 12 lieues, des absences de plusieurs jours pour soigner le moindre de leurs procès, ou pour remplir l’office de témoins. Or, pour les gens d'affaires, le temps c'est de l'argent. On peut ajouter que l'absence de chez soi, c'est de la perte d'argent.

En un mot, le vrai remède serait la création d'un tribunal à Philippeville. Et que Dinant ne se récrie pas ! D'abord, de quel droit prétendait-il au monopole de l'administration de la justice, dans deux arrondissements, lorsque dans tous les pays du monde, les gouvernements ont à cœur de diviser cette administration de manière à multiplier le plus possible les sièges et de les rendre de plus en plus abordables aux plaideurs en économisant pour eux les frais de route et les pertes de temps ? En second lieu, il n'y a pas lieu, ce me semble, de sacrifier un arrondissement à l’autre. En vérité, au train rapide qui précipite le progrès de la richesse publique, la division des propriétés, la multiplication des opérations industrielles et commerciales, il y a, et il y aura des procès pour tout le monde. Qu'on augmente le personnel du tribunal de Dinant, qu'on crée en même temps un tribunal à Philippeville, et l'on ne tardera pas à voir se vérifier, au profit des deux sièges, ce vieil adage qui dit : « Il faut que tout le monde vive. »

Depuis 1841, messieurs, les habitants de l'arrondissement de Philippeville n'ont cessé de pétitionner d'année en année pour obtenir un tribunal. Le conseil provincial, je l'ai dit à une autre époque, a cru devoir appuyer à l'unanimité, moins les membres dinantais, ce pétitionnement. Ce qui était un besoin ainsi publiquement exprimé est devenu une nécessité plus vivement sentie à mesure que le pays progresse et que les intérêts se froissent en plus grand nombre.

Le pétitionnement dont je viens de parler n'a point passé inaperçu. Il a fixé l'attention de divers cabinets. Mais, en matière d'administration, il paraît que c'est chose éternellement difficile d'innover pour faire mieux. Les gouvernements, quelquefois si prompts à dépenser pour des objets d'un intérêt passager, reculent devant une modeste allocation au budget pour rendre à tout un arrondissement une justice moins onéreuse et plus prompt.

J'espère que M. le ministre de la justice voudra bien examiner d'une manière toute particulière la question locale qui lui est signalée. Un bon gouvernement doit avoir l'œil aux intérêts des plus petits centres comme à ceux des plus grands. En perpétuant le statu quo, quant à la circonscription, il perpétuera les griefs d'une partie notable des justiciables qui ont à se plaindre d'autres choses que de la lenteur de la justice. L'octroi d'une seconde chambre au tribunal de Dinant ne remédiera pas aux distances et aux frais dont les plaideurs de l'arrondissement de Philippeville ont tant à souffrir en sus des lenteurs et de l'encombrement des procès. En plaçant cette seconde chambre à Philippeville, on ferait justice, sans beaucoup plus de dépenses, à des populations négligées depuis leur annexion à la Belgique, pour lesquelles on n'a rien fait et qui ont le mérite rare de n'en être pas moins chaleureusement dévouées à notre nationalité et à nos lois constitutionnelles et civiles.

Je n'insisterai pas davantage, pour le moment, sur l'intérêt local qui m'a fait prendre la parole. Je sais que pareille mission obtient peu de faveur. Je plaide toutefois une cause exceptionnelle. L'arrondissement que je représente, et la ville de Philippeville particulièrement, ont été traités avec une indifférence bien cruelle par les ministères précédents. J'ai été on ne peut plus malheureux dans mes appels à la sollicitude du gouvernement. Le temps est-il venu ou justice enfin nous sera rendue ? Si j'osais l’espérer aussi fermement que je le désire, j'aurais une bonne nouvelle à donner à mes commettants. Tout ce que je requiers maintenant de la bienveillance de M. le ministre de la justice, c'est de prendre en sérieuse considération les paroles que je viens de lui adresser, c'est de penser à la malheureuse cité qui a tant à se plaindre des ministres de la guerre, c'est de saisir l'occasion de l'organisation judiciaire pour donner à Philippeville la juste compensation des pertes que le gouvernement lui a fait subir. Il sera ainsi doublement bienfaisant ; car il fera le bien à l'acquit de sa propre conscience, et ii réparera le mal fait par les autres.

M. Ch. Lebeau. - Messieurs, la commission qui a été chargée d'examiner le projet de loi sur l'augmentation du personnel des tribunaux de première instance d'Anvers et Namur, a été unanimement d'avis de vous proposer l'adoption de ce projet.

Les motifs qui ont guidé la commission sont énoncés dans son rapport ; ils sont, du reste, conformes aux motifs donnés par M. le ministre de la justice en présentant le projet de loi.

Le motif principal qui a déterminé M. le ministre de la justice et partant la commission, c'est qu'il faut que le personnel des tribunaux, chargé de faire le service des audiences, soit toujours tenu au complet et qu'on ne puisse pas en distraire un seul de ses membres pour faire les fonctions de juge d'instruction.

Il ne s'agit donc pas pour les tribunaux d'Anvers et de Namur d'une augmentation de personnel pour vider l'arriéré ; mais il s'agit de compléter le personnel de ces deux tribunaux, de manière à ne devoir plus recourir, à chaque instant, à l'adjonction d'un juge suppléant ou d'un avocat assumé, pour compléter le siège, comme cela se pratique habituellement.

Car il y a toujours quelque inconvénient à prendre pour compléter le personnel d'un tribunal, soit un juge suppléant soit un avocat assumé qui peuvent avoir dans leur cabinet des affaires de même nature que celles qu'ils seraient appelés à juger momentanément comme juges.

Puisque j'ai la parole, je saisirai cette occasion pour recommander également à la bienveillance de M. le ministre de la justice l'augmentation du personnel du tribunal de Charleroi.

Le personnel de ce tribunal est depuis longtemps insuffisant. Ce n'est pas seulement un arriéré, comme à Dinant ; il existe, au tribunal de Charleroi, un arriéré de 857 affaires civiles et commerciales.

Cet arriéré qui va toujours en augmentant, est tel qu'on ne peut guère obtenir de plaider une cause qu'au bout de trois années d'attente. Vous comprenez que, dans l'intervalle, les intérêts des particuliers qui sont soumis à la juridiction du tribunal de Charleroi doivent être considérablement compromis.

En présence de cet état de choses, votre commission, messieurs, a cru (page 175) devoir émettre le vœu que le gouvernement présentât, dans un bref délai, un projet de loi tendant à augmenter le personnel du tribunal de Charleroi, en instituant une troisième chambre.

Mais, dans l'intervalle, M. le ministre de la justice a déposé un projet de loi ayant pour objet de proroger le terme fixé par la loi de 1858 pour l'institution de la seconde chambre temporaire au tribunal de Charleroi, et d'une seconde chambre temporaire au tribunal de Tournai. Quant au tribunal de Tournai, il ne peut pas s'élever la moindre contestation. Il est évident qu'on doit y maintenir la deuxième chambre temporaire et même qu'on peut la rendre définitive, puisqu'il est acquis aujourd'hui que réellement cette seconde chambre deviendra nécessaire.

Quant au tribunal de Charleroi, il n'est pas douteux que non seulement il y a lieu de maintenir la seconde chambre, mais qu'on doit même la déclarer définitive et créer en outre une troisième chambre devenue nécessaire pour vider l'arriéré ; car il y a, comme je l'ai dit tout à l'heure, 857 affaires qui n'ont pas encore été plaidées.

M. le ministre de la justice, en présentant ce projet de loi, vous a dit ce qui suit : (L'orateur donne lecture de ce passage.)

Eh bien, je crois que ce que demande M. le ministre de la justice devrait être résolu d'une manière affirmative et immédiatement en présence de l'arriéré qui existe maintenant au tribunal de Charleroi ; arriéré qui existait déjà, à peu de chose près, en 1847. J'ai en mains une pétition adressée à la Chambre à cette époque par les président et membres du tribunal de Charleroi, et par laquelle ces magistrats sollicitaient alors la création d'une troisième chambre au tribunal. Cette pétition aura été renvoyée à M. le ministre de la justice.

Au lieu de faire droit à cette demande, M. le ministre s'est borné à faire proroger pour cinq ans l'existence de la chambre temporaire. En 1852, la même mesure a été prise ; nous arrivons en 1858, et M. le ministre veut encore faire proroger le terme fixé pour la seconde chambre, sans demander qu'il en soit institué une troisième pour vider l'arriéré qui existe depuis plus de dix ans et qui va toujours en augmentant. Or, en présence de cet état des choses, il est évident qu'il y a lieu de maintenir la deuxième chambre comme définitive, et qu'il faut de plus créer une troisième chambre.

La question n'est donc pas de savoir s'il faut augmenter le tribunal, ce qui ne peut être douteux, mais s'il faut que cette augmentation se fasse en créant une troisième chambre civile ou en instituant un tribunal de commerce ? Depuis 1858 le tribunal de Charleroi se compose de deux sections. A partir de 1847 l'arriéré s'accroît tous les jours, et il ne se videra jamais si le personnel du tribunal reste aussi insuffisant qu'il l'est aujourd'hui.

Nous avons été étonnés qu'après les faits qu'il avait lui-même constatés dans les tableaux joints à son exposé des motifs, M. le ministre soit arrivé à se demander s'il fallait créer une troisième chambre ou un tribunal de commerce. Cette demande devait être suivie d'une réponse affirmative et immédiate. Je lis dans l'exposé des motifs : (L'orateur donne lecture de ce passage.)

Je crois que c'est la retarder la solution de la question. M. le ministre possède tous les renseignements désirables ; ils se trouvent, d'ailleurs, dans le tableau joint à l'appui de son projet, ils sont dans tous les tableaux statistiques qui ont été faits depuis 1847. La chambre de commerce a été consultée et les membres qui la composent ont été unanimes pour demander la création d'une troisième chambre, faisant fonctions de tribunal de commerce.

Il serait en effet difficile de créer un tribunal de commerce à Charl-roi, car je pense qu'on ne trouverait pas sur les lieux assez de négociants qui voulussent se charger de remplir les fonctions de juge.

M. le ministre termine : (L'orateur continue la lecture.)

C'est-à-dire qu'on nous renvoie à cinq ans, de sorte que dans la pensée de M. le ministre, après avoir prorogé le terme de la durée de la deuxième chambre temporaire, il faudra attendre la discussion du projet de loi d'organisation judiciaire pour savoir de quelle manière on pourvoira à l'insuffisance du tribunal de Charleroi.

M. le ministre nourrit l'espoir, il est vrai, que la discussion de ce projet de loi aura lieu endéans le terme de cinq ans. Or, ce terme est beaucoup trop long.

Tous les justiciables du royaume et même de l'étranger sont intéressés à ce qu'il y ait à Charleroi un personnel de tribunal suffisant pour que la justice puisse y être promptement rendue ; ce qui est impossible dans l'état actuel des choses. On pourrait même dire qu'il y a une espèce de déni de justice, non pas légalement, puisqu'il faudrait pour cela qu'il y eût négligence de la part des juges ; mais ici il n'y a pas de négligence, car à Charleroi comme partout ailleurs les magistrats redoublent de zèle et d'efforts pour rendre la justice aussi prompte qu'il dépend d'eux.

Ce n'est donc pas par leur faute si, nonobstant tout le zèle, toute l'activité et tout le dévouement qu'ils ont déployés, ils n'ont pu vider l'arriéré, et si cet arriéré s'est encore considérablement accru depuis quelques années.

M. Orts. - En présence des réclamations qui se produisent de toutes les parties du pays, à peu près, pour obtenir de M. le ministre de la justice des augmentations de personnel pour les différents tribunaux, je ne crois pas pouvoir m'abstenir d'attirer, à mon tour, l'attention de M. le ministre de la justice sur la situation faite au tribunal de Bruxelles, situation qui mérite d'autant plus d'être prise en considération par le gouvernement et par les Chambres, qu'au tribunal de Bruxelles on a accordé une augmentation de personnel dans des termes tels, qu'on a fait un sacrifice pour atteindre un but utile et que ce but n'a nullement été atteint.

Voici comment on a décrété en principe une mesure devenue indispensable ; mais dans l'exécution on n'a consacré qu'une demi-mesure.

On a établi près du tribunal de Bruxelles une chambre de plus, augmentation devenue indispensable de l'aveu de tout le monde ; et au lieu d'instituer une chambre complète, on n'en a établi qu'une demie, et cela parce qu'on ne l'a composée que de deux magistrats, tandis qu'elle doit en réunir trois pour pouvoir fonctionner d'une manière permanente. Il est résulté de là que cette quatrième chambre ne peut siéger que lorsqu'elle parvient à se compléter par l'adjonction soit d'un avocat, soit d’un magistrat appartenant à une autre chambre. Cependant, messieurs, cette quatrième chambre a été constituée pour doubler la chambre correctionnelle, où la besogne était telle, qu'il était devenu absolument impossible à une chambre unique de l'accomplir consciencieusement. '

Voici, en effet, le chiffre des affaires correctionnelles qui ont été appelées en 1850 devant le tribunal de Bruxelles. En 1856, le tribunal de Bruxelles a jugé 2,291 causes correctionnelles, parmi lesquelles il y avait, ni plus ni moins, que 265 crimes correctionnalisés, c'est-à-dire 265 affaires excessivement graves qui, sous l'ancienne législation eussent été du ressort de la cour d'assises. Je dis qu'il est matériellement impossible à des magistrats consciencieux de juger convenablement 2,291 affaires correctionnelles en une année. Il faut ou bien qu'ils n'accordent pas toute l'attention nécessaire à l'examen d'affaires qui touchent à l'honneur et aux intérêts les plus graves des citoyens, ou bien qu'ils prolongent indéfiniment la durée de la détention préventive, ce qui est une atteinte portée à un intérêt non moins sérieux, celui de la liberté des citoyens ; la justice criminelle surtout n'est bonne qu'à la condition d'être prompte.

La progression des affaires a du reste suivi une marche constante et normale de 1852 à 1856, et rien ne démontre que le nombre des crimes et des délits doive diminuer à l'avenir, dans une capitale surtout où la population augmente constamment.

Il y a donc impossibilité de rendre la justice d'une manière convenable, à Bruxelles, si l'on ne permet à la seconde chambre correctionnelle de fonctionner d'une manière permanente.

Or, pour cela il faut qu'elle soit complète, qu'elle compte 3 juges et non pas seulement 2 ; d'où la conclusion qu'il est nécessaire, si l'on veut que les deux juges actuels soient utilement à charge du trésor public, de compléter la quatrième chambre par l'adjonction d'un troisième juge ou président, quel que soit le titre qu'on lui donne, juge ou président peu m'importe, parce que je tiens à la chose, je ne tiens pas à la forme. M. le ministre de la justice est, je crois, parfaitement informé de l'état des choses. Il sait parfaitement aussi que, quelle que soit la solution que recevra plus tard la question de savoir si les cours d'assises resteront composées, comme elles le sont aujourd'hui, ou si elles seront composées de magistrats de cours d'appel, la situation du tribunal de Bruxelles ne changera pas, le nombre des crimes et délits ne diminuera pas. Si le système des cours d'assises est modifié, il en résultera seulement que les chambres civiles du tribunal auront un peu plus de temps à consacrer à la solution des procès civils ; les chambres correctionnelles, la quatrième surtout, sont ici hors de cause.

M. de Luesemans/ - Messieurs, je ne crains pas d'augmenter le nombre des orateurs qui ont réclamé en faveur du tribunal établi au chef-lieu de l'arrondissement qui les a envoyés dans cette enceinte. Il est, en effet, avéré que si les intérêts locaux n'arrivaient pas à la Chambre et au gouvernement par l'intermédiaire des députés de ces arrondissements, ils courraient grand risque de ne pas y arriver du tout.

Messieurs, la question qui se débat ici, quoique resserrée dans certain cadre étroit, c'est-à-dire quoique étant portée devant vous par les représentants de certaines circonscriptions, n'en a pas moins, et précisément à cause du grand nombre de réclamations qui sont élevées, un intérêt que je puis appeler, avec les orateurs qui m'ont précédé, un intérêt véritablement social. En effet, il n'y a peut-être pas dans les pays civilisés un objet d'une importance plus considérable que l'administration de la justice, et cet intérêt n'est réellement sauvegardé qu'à la condition que la justice soit bonne ; elle ne peut être bonne qu'à la condition d'être prompte.

Car si, sans qu'il y ait négligence aucune de la part des magistrats du siège qui remplissent leurs fonctions consciencieusement et convenablement, si, malgré le zèle qu'ils déploient, il y a un arriéré considérable,, je dis, avec l'honorable M. Lebeau qui m'a précédé, que c'est là un véritable déni de justice déguisé.

Messieurs, membre de la commission qui a eu à examiner le projet de lui qui vous est soumis, je ne viendrai certes pas le combattre ; au contraire je l'appuie de toutes mes forces. Mais si je parviens à établir que le tribunal de l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter plus spécialement dans cette enceinte, se trouve dans des conditions plus défavorables que celles des tribunaux d'Anvers et de Namur, pour lesquels une augmentation de personnel est demandée, je crois que M. le ministre de la justice, dans sa haute équité, ne manquera pas de reconnaître que ce qui est vrai pour l'un est vrai pour l'autre. Car je n'admets pas et il n'admet pas plus que moi, qu'il puisse y avoir deux poids et deux mesures.

page 176) Eh bien, : l'impossibilité de parvenir à vider l'arriéré, pour me servir d'un terme de palais, est l'état normal du tribunal de Louvain depuis plus de vingt ans. Cependant ce tribunal consacre à l'expédition des affaires quatre audiences par semaine.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Trois.

M. de Luesemans. - Je demande pardon à M. le ministre de la justice, il y en a quatre et quelquefois cinq. J'ai eu l'honneur d'appartenir au barreau de Louvain pendant dix-neuf ans. Il y a dix ans que je n'en fais plus partie, mais il y a ici un de mes honorables confrères qui continue, je crois, à y exercer sa profession. Il vous dira avec moi qu'il y a quatre audiences par semaine, deux audiences civiles et deux audiences correctionnelles, et j'ajouterai qu'il n'y a pas une seule année où une cinquième audience ne soit nécessaire, ou bien le tribunal est obligé de transporter les affaires civiles aux jours fixés pour les audiences correctionnelles et vice versa.

Je dis qu'un pareil état de choses est intolérable. Je ne me place pas seulement au point de vue des magistrats, quelque satisfaction que j'aie à les défendre ; mais je me place au point de vue des justiciables, et je dis que quand on doit attendre deux ou trois ans avant d'avoir son tour pour plaider, il est temps qu'on prenne des mesures. Or c'est ce qui se présente tous les jours. Il y a des procès commencés depuis plusieurs années et qui n'ont pu être terminés parce qu'on n'a pas trouvé de jours pour plaider. Qu'en résulte-t-il ? C'est que si l'on pouvait faire la statistique des certes considérables qu'éprouvent les justiciables à la suite d'une justice tardivement rendue, on arriverait à reconnaître que ce n'est pas le sacrifice de quelques milliers de francs qui devrait arrêter devant l'accomplissement d'un aussi grand devoir et établir dans tout le pays, s'il le faut, une justice qui soit régulière, bonne et prompte.

Messieurs, la commission dont j'ai l'honneur de faire partie aura à examiner incessamment une seconde question, c'est celle dont l'honorable M. Lebeau vous a entretenus tout à l'heure. Je saisirai cette occasion pour remettre à cette commission quelques données statistiques, quelques chiffres qui, je crois, mis sous les yeux du gouvernement, le convaincront davantage de la nécessité de se préoccuper enfin de l'état des choses au point de vue de l'administration judiciaire dans l'arrondissement de Louvain. Pour le moment, je me borne à prendre date, afin qu'on ne puisse inférer de mon silence que je renonce aux prétentions légitimes que je crois devoir élever, et à présenter quelques chiffres que je crois saisissants et que je considère comme d'autant plus concluants, qu'ils sont puisés dans le tableau des affaires vidées par les tribunaux pour lesquels on demande une augmentation de personnel.

Vous savez, messieurs que les deux tribunaux pour lesquels cette augmentation de personnel est demandée sont composés l'un et l'autre de deux chambres ; si chacune de ces deux chambres ne siège, ni en nombre de séance ni en nombre d'heures, autant que la seule chambre du tribunal de Louvain, vous reconnaîtrez avec moi qu'il y a lieu de faire pour le tribunal de Louvain ce qu'on fait pour les tribunaux d'Anvers et de Namur, et si la différence en faveur du tribunal de Louvain est considérable, cette nécessité devient d'autant plus évidente. Eh bien, voici, puisé dans les chiffres communiqués par le gouvernement lui-même, l'état comparatif des choses.

La première chambre d'Anvers a eu, en 1856-1857, 92 audiences civiles. La chambre unique du tribunal de Louvain a eu, dans la même période, 80 audiences civiles et 96 audiences correctionnelles ; total, 176 audiences. Différence en faveur de Louvain, 84 audiences dans le courant d'une année.

M. Dolez. - De combien d'heures ?

M. de Luesemans. - Je vais comparer les nombres d'heures et vous aurez, je crois, vos apaisements sur ce point, comme vous l'avez, je l'espère, pour le nombre de séances.

La deuxième chambre du tribunal d'Anvers, qui s'occupe des affaires correctionnelles et qui délègue quelques-uns de ses magistrats pour la cour d'assises, a eu 136 séances correctionnelles et 28 séances de cour d'assises ; total 164. Je viens de vous dire que le tribunal de Louvain a eu 176 séances. Il y a donc, en faveur du tribunal de Louvain, une différence de 12 séances.

Mais les séances ne doivent pas seulement se compter, elles doivent aussi se peser. On sait que les séances civiles se prolongent dans les délibérations, tandis que, quand les séances correctionnelles sont finies, il n'en est plus question. Néanmoins le tribunal de Louvain a eu 12 séances, civiles et correctionnelles réunies, de plus que la seconde chambre du tribunal d'Anvers qui ne s'est occupée que d'affaires correctionnelles et d'affaires criminelles.

Maintenant, messieurs, quant aux heures de travail dont parlait tout à l'heure mon honorable ami, M. Dolez, la première chambre d'Anvers a eu 243 heures de travail ; la seule chambre de Louvain en a eu 628 ; différence en faveur de Louvain 385.

La deuxième chambre d'Anvers a eu 599 heures de travail ; Louvain 628, différence en faveur de Louvain 29.

J'arrive à la comparaison avec le tribunal de Namur :

Première chambre de Namur 119 séances. Louvain 176. Différence : 57.

Deuxième chambre de Namur 164 séances. Louvain 176. Différence : 12.

J'ai fait le même travail pour les heures, et je trouve :

Première chambre de Namur 378 heures. Louvain 628. Différence : fr. 250.

Deuxième chambre de Namur 336 heures. Louvain 628. Différence : 292.

Je ne prolongerai pas, messieurs, ces comparaisons ; ainsi que j'ai eu l'honneur de le dire, je soumettrai un travail plus complet à la commission lorsqu'elle aura à examiner s'il y a lieu, oui ou non, de maintenir à Charleroi et à Tournai les chambres provisoires qui y sont établies.

J'ai cependant une autre observation à présenter à la Chambre au sujet d'une magistrature digne de toute sa sollicitude, c'est celle du juge d'instruction. Le juge d'instruction de Louvain est tellement absorbé par les affaires de son ressort d'abord, qu'il ne peut jamais songer un seul jour à siéger au tribunal, mais qu'il est obligé de passer jusqu'à 12 ou 14 heures par jour dans son cabinet, et cela, pendant presque toute l'année. C'est à ce point vrai que dans presque tous les tribunaux de la classe à laquelle appartient le tribunal de Louvain, les fonctions du juge d'instruction sont, en quelque sorte, convoitées. Il y a quelques avantages matériels qui y sont attachés, il y a environ 600 fr. d'augmentation de traitement et, je le répète, ces fonctions sont généralement convoitées.

Eh bien, messieurs, à Louvain c'est précisément le contraire qui arrive. On considère, permettez-moi l'expression, comme une horrible corvée d'être désigné pour ces fonctions, qui sont triennales, comme vous le savez. Cela est tellement vrai, qu'un magistrat des plus honorables, des plus zélés, mais qui n'a pas une santé très forte, plutôt que d'accepter les fonctions de juge d'instruction, a, par cela seul que son tour était arrivé, donné sa démission et abandonné une carrière de son choix, qu'il parcourait avec honneur depuis un grand nombre d'années.

Je crois, messieurs, en avoir dit assez pour le moment et j'espère que M. le ministre de la justice examinera avec tout le soin que la matière comporte, je ne dirai pas seulement la réclamation de Louvain, mais toutes les réclamations qui se sont produites. Je suis persuadé que dans les actes de son administration il n'en fera pas un plus utile que de mettre en rapport avec les besoins du service le personnel des tribunaux.

M. de Naeyer, rapporteur. - Mon intention, messieurs, n'est pas de prolonger beaucoup cette discussion. Dans ma manière de voir, il n'est pas de dépense mieux justifiée que celles qui ont pour objet la bonne administration de la justice, que je considère comme le devoir le plus essentiel du gouvernement. Cependant, j'ai l'avantage de pouvoir recommander à la bienveillance de M. le ministre de la justice une amélioration qui ne doit entraîner pour ainsi dire aucune dépense.

La ville d'Alost, messieurs, se trouve, quant à l'administration de la justice, dans une position tout à fait exceptionnelle et anomale ; elle n'a ni tribunal de première instance, ni tribunal de commerce. Cependant sa population est de près de 20,000 âmes ; elle possède un marché des plus considérables, et son importance industrielle n'est certainement révoquée en doute par personne.

La chambre de commerce et l'administration communale ont demandé depuis longtemps d'obtenir au moins un tribunal de commerce. Vous savez, messieurs, qu'un tribunal de commerce n'entraîne d'autres dépenses pour le gouvernement que le traitement du greffier, qui est de 980 francs, dépense qui serait amplement compensée par l'accroissement des droits de timbre et d'enregistrement et autres.

Cette demande, adressée au gouvernement, a été soumise au conseil provincial de la Flandre orientale, qui l'a appuyée d'un avis favorable depuis 5 ou 6 ans. J'ai eu l'honneur de faire à différentes reprises des démarches auprès des prédécesseurs de M. le ministre de la justice pour obtenir une solution favorable, et je dois dire que les honorables MM. Nothomb et Faider étaient très bien disposés en faveur de notre réclamation ; ils n'ont fait qu'une seule objection, c'est qu'on s'occupait d'un travail général sur toutes les modifications à apporter à l'organisation judiciaire et qu'ils désiraient comprendre l'érection projetée d'un tribunal de commerce à Alost dans ce travail d'ensemble.

Je demanderai maintenant, si cette réforme générale devait éprouver encore quelque retard, que M. le ministre voulût bien faire, pour la ville d'Alost, ce qu'il fait aujourd'hui pour d'autres localités, en présentant aussi un projet de loi spécial.

J'ajouterai, messieurs, quelques considérations très courtes pour démontrer combien la demande de la ville d'Alost est juste et légitime.

Il y a en Belgique vingt-six tribunaux de première instance et parmi les vingt-six villes où ils existent, il y en a au moins treize qui n'ont pas une importance aussi grande que la ville d'Alost, ni sous le rapport de la population, ni sous le rapport de l'industrie, ni sous le rapport du commerce.

(page 177) J'ajouterai, messieurs, qu'anciennement la ville d'Alost était le siège d'une juridiction très considérable, qui s'étendait sur tout l'ancien pays d'Alost, comprenant 5 villes et 172 communes. Certainement depuis cette époque Alost n'a point perdu de son importance commerciale et industrielle ; au contraire cette importance a pris un grand développement, et ne fait que grandir chaque jour grâce à l'activité et à l'intelligence de nos populations et aussi grâce à notre admirable situation au cœur du pays et au centre du réseau de nos voies ferrées ; or, c'est surtout pour le jugement des affaires commerciales que notre ville se trouve dans une position tout à fait anomale, et pour ainsi dite incroyable.

Ainsi, pour la justice civile Alost, est du ressort du tribunal de Termonde qui n'est qu'à 2 lieues et 1/2 de distance, et pour la justice consulaire, qui exige une expédition plus prompte des affaires, nous appartenons au ressort de Saint-Nicolas qui est à 6 ou 7 lieues de distance.

M. Van Overloop. - Je demande la parole.

M. de Naeyer, rapporteur. - Voilà une anomalie qu'il conviendrait de faire cesser, alors surtout qu'on peut le faire, ainsi que j'ai eu l'honneur de le constater, sans entraîner le gouvernement dans aucune dépense réelle.

En effet, toutes les dépenses un peu importantes que pourra nécessiter l'établissement de cette nouvelle juridiction devront être supportées par la ville d'Alost, qui déclare formellement accepter l'obligation d'y faire face, signe évident qu'il y a là une utilité évidente au point de vue de la bonne administration de la justice.

Je ferai remarquer, en outre, que notre demande ne tend à froisser aucune position acquise. La ville de Termonde conservera le tribunal civil dont elle est dotée ; Saint-Nicolas ne sera pas dépossédé de son tribunal de commerce.

J'espère donc que des considérations d'égoïsme local ne viendront pas nous faire une opposition qui n'aurait réellement pas de raison d'être.

En conséquence, j'ai l'honneur de recommander cet objet à la bienveillance de M. le ministre de la justice.

M. Vervoort. - Messieurs, les nombreuses réclamations qui s'élèvent dans cette enceinte prouvent que l'administration de la justice laisse beaucoup à désirer dans le pays et qu'elle doit fixer d’une manière très sérieuse l'attention du gouvernement.

Mais je ne puis pas admettre, avec l'honorable M. de Luesemans, que M. le ministre de la justice eût pu faire un meilleur choix et qu'il n'a pas examiné assez mûrement la position des divers tribunaux. Je dois déclarer qu'en signalant en premier lieu l'insuffisance du personnel du tribunal d'Anvers, il a fait preuve de toute la maturité de son examen. Je félicite M. le ministre de la justice de s'être préoccupé d'un état de choses sur lequel j'avais vainement appelé l'attention du ministère précédent, au mois de décembre 1856.

Il ne s'agissait pas pour le gouvernement de savoir quels sont les tribunaux qui consacrent le plus d'heures à rendre la justice et qui tiennent le plus de séances ; mais il s'agissait avant tout d'examiner quels sont les tribunaux qui peuvent ou ne peuvent pas se constituer.

Or, malgré la position consacrée par l'organisation judiciaire de 1810 et, par celle de 1832, malgré les efforts fars par l'honorable M. Orts en 1849 pour combattre la diminution des membres du tribunal d'Anvers, en avait réduit ce personnel à 6 juges, y compris le président et le vice-président.

A l'aide de ce nombre de magistrats, il faut organiser une chambre civile, une chambre correctionnelle, le service de la cour d'assises et l'instruction des affaires criminelles et correctionnelles ; de sorte que lorsque le président et le vice-président siègent à la cour d'assises, et que le juge d'instruction et un juge délégué en cette qualité se livrent à leurs fonctions, il reste deux jugés pour former les deux chambres.

Aussi quelle a été la conséquence de la mesure décrétée en 1849 ? C'est que des juges suppléants ont siégé en permanence ; cela se voit aussi à Bruxelles, à Malines, à Namur, à Charleroi et dans d'autres sièges. C'est un véritable abus. D'après la loi du 27 ventôse an VIII, les juges suppléants n'ont pas de fonctions habituelles et ne peuvent pas prendre la place que devraient occuper des juges effectifs. Ils sont nommés dans le seul but de les remplacer momentanément.

Le décret de 1808, limite l'intervention du juge suppléant ou de l'avocat assumé comme juge, au cas d'empêchement d'un titulaire.

Ces lois organiques supposent l'existence du nombre de juges requis pour siéger et former les chambres civiles et correctionnelles.

Quand il en est autrement, on voit le juge suppléant ou l'avocat assumé descendre de son siège, faire place à un confrère et, après avoir paru à la barre, reprendre son fauteuil pour juger le client de l'avocat qui vient de juger le sien.

Quelle autorité morale peuvent exercer des jugements rendus de la sorte ?

Tous les justiciables indistinctement ont le droit constitutionnel d'être jugés par des magistrats effectifs et inamovibles. C'est ce droit que les honorables membres qui out pris la parole avant moi, ont invoqué à juste titre. Si ce droit constitutionnel est une vérité, il faut que le gouvernement veille à ce que les tribunaux soient composés de juges effectifs en nombre suffisant. Il est nécessaire que l'abus disparaisse, et je suis persuadé que le gouvernement sentira toute l'importance de mon objection.

L'autorité judiciaire forme un des grands pouvoirs de l’État. Nous devons être soucieux de sa dignité ; nous devons vouloir que nulle part sa marche ne soit ni entravée, ni embarrassée ; nous devons avoir à cœur de donner à l'administration de la justice la plénitude de son action et de son autorité.

Je ne puis donc qu'approuver hautement le projet de loi présenté par M. le ministre de la justice, et je verrais avec une vive satisfaction cette mesure s'étendre à tous les tribunaux du pays où l’insuffisance du personnel se fait sentir.

M. Van Overloop. - Messieurs, si la ville d'Alost avait à se plaindre de la manière dont se rend la justice au tribunal de Saint-Nicolas, je me joindrais aux observations de l'honorable M. de Naeyer ; mais sous ce rapport, on n'articule aucun grief. Se plaint-on de la marche de la justice consulaire de Saint-Nicolas ? Aucunement. L'état actuel des choses existe depuis 1810 ; depuis 1810, Alost est justiciable du tribunal de commerce de Saint-Nicolas. La ville d'Alost aurait-elle à se plaindre aujourd'hui qu'elle est reliée à Saint-Nicolas par un chemin de fer, ce qui rend les déplacements bien moins difficiles et moins coûteux ?

A quel titre viendrait en détacher la ville d'Alost du ressort du tribunal de commerce de St-Nicolas ?

Quel serait le ressort du tribunal d'Alost ?

Serait-ce le canton ? Je doute que l'étendue du commerce et de l'industrie de ce canton soit suffisante pour motiver l'érection d'un tribunal spécial.

Serait-ce l'arrondissement administratif ?

Dans ce cas, on bouleverserait le ressort du tribunal de commerce de St-Nicolas et surtout le ressort du tribunal d'Audenarde.

II y a plus : je me permettrai de faire observer à mon honorable contradicteur que ce serait, si je ne me trompe, rendre un mauvais service à une partie des justiciables de son arrondissement que de provoquer l’institution d'un tribunal de commerce à Alost, qui aurait pour ressort tout l'arrondissement administratif.

En effet, aujourd'hui, quatre cantons, ceux de Grammont, de Sotteghem, d'Herzeele et de Ninove ressortissent au tribunal d'Audenarde pour les affaires civiles et consulaires. Or, si un tribunal de commerce était établi à Alost, il en résulterait que les justiciables des quatre cantons dont je viens de parler devraient se rendre pour les affaires civiles à Audenarde et pour les affaires consulaires à Alost, ce qui serait un inconvénient.

Au reste, c'est une question à examiner par le gouvernement. Je n'en fais pas une question d'égoïsme de clocher ; M. le ministre verra si, au point de vue de la bonne administration de la justice, il y a lieu de modifier un état de choses qui existe depuis 1810, et contre lequel on n'articule aucun grief sérieux.

Un fait qui prouve qu'il n'y a pas de retard dans l'administration de la justice au tribunal de Saint-Nicolas, c'est que les autres tribunaux de commerce sont composés de cinq juges, tandis que celui de Saint-Nicolas n'en a que quatre. Il y a donc assez de juges pour rendre une justice prompte et régulière. Si la justice éprouvait quelque retard, qu'arriverait-il ? C'est qu'on demanderait l'adjonction d'un cinquième juge. Or, on ne fait pas semblable demande.

Aussi, je crois pouvoir espérer que le gouvernement persistera à maintenir l'état de choses actuel.

En 1852-1853, cet état de choses a donné lieu à des réclamations de la part de l'honorable député d'Alost. Alors, comme aujourd'hui, j'ai cru devoir prendre la parole en faveur de droits acquis. Les réclamations n'ont pas eu de suites. A moins qu'on ne fasse des objections que nous n'avons pas eu à examiner, j'espère que les paroles que nous venons d'échanger, n'auront pas plus de suite que les précédentes.

M. de Luesemans. - L'honorable dépité d'Anvers m'aura mal compris, car je n'ai pas dit qu'en choisissant de préférence les tribunaux d'Anvers et de Namur, pour leur donner une augmentation de personnel, le ministre avait fait un mauvais choix. Je crois avoir commencé mon discours en disant que, loin de réclamer contre les conclusions du rapport, je les appuyais, et les appuyais de toutes mes forces.

Voici d'ailleurs toute la synthèse de mes paroles. M. le ministre a parfaitement fait en choisissant les tribunaux d'Anvers et de Namur, pour leur accorder une augmentation de personnel ; mais je crois qu'il eût aussi bien fait en y ajoutant le tribunal de Louvain.

Puisque j'ai la parole, je ferai encore une révélation que j'ai oublié de faire tout à l'heure. J'ai dit que les fonctions de juge d'instruction étaient tellement pénibles, qu'on ne trouvait pas de juges pour s'en charger volontairement.

Ce que je n'ai pas dit, c'est qu'il est presque aussi difficile de compléter le nombre des juges suppléants ; à l'heure qu'il est, il n'y est pas pourvu.

Je termine en demandant la permission de faire imprimer dans les Annales parlementaires un petit tableau qui donnera d'une manière synoptique tous les chiffres sur lesquels j'ai appuyé mes observations. (Note du webmaster : ce tableau n’est pas repris dans la présente version numérisée.-

M. de Naeyer, rapporteur. - L'honorable M. Van Overloop vient d'examiner la question au point de vue de la ville de Saint-Nicolas, et il trouve que l'état actuel des choses est parfait. Je l'en félicite et je voudrais qu'il en fût de même pour Alost. L'honorable membre prétend que nous avons tort de nous plaindre ; mais il me permettra de lui dire qu'en ce qui concerne les intérêts et les besoins de la ville d'Alost, il y a des (page 178) personnes plus compétentes que lui ; je citerai notamment notre chambre de commerce et l'administration communale de la ville d'Alost.

Cette administration a adressé, il y a six à sept ans, un mémoire à l'autorité provinciale, dans lequel elle fait ressortir les graves inconvénients résultant d'une juridiction consulaire à Alost ; elle fait remarquer que le déplacement auquel les justiciables sont contraints les détermine, la plupart du temps, à renoncer à faire valoir leurs droits. Vous voyez qu'il a été répondu d'avance aux observations de l'honorable M. Van Overloop.

Alost ne se plaint pas que la justice soit mal rendue, mais qu'il soit trop difficile d'arriver au tribunal, que la justice soit trop dispendieuse à cause de tous les frais de voyage, de correspondance et autres qu'il faut faire pour obtenir un jugement.

Permettez-moi, encore une fois, de faire observer la position dans laquelle se trouve la ville d'Alost. Sa position, sous le rapport de l'administration de la justice, est unique dans le pays ; une ville de 20 mille âmes, possédant des éléments d'industrie et de commerce considérables, n'ayant ni tribunal de commerce ni tribunal de première instance, est une chose sans exemple en Belgique.

Il me semble que l'honorable M. Van Overloop s'amuse un peu à embrouiller une affaire qui est des plus simples ; ainsi, il trouve toutes sortes de difficultés pour la circonscription du ressort de la nouvelle juridiction que nous réclamons, pourquoi cela ? Parce que l'arrondissement administratif d'Alost appartient en partie au tribunal civil de Termonde et en partie au tribunal civil d'Audenarde. Si la juridiction du nouveau tribunal de commerce ne s'étend qu'au canton d'Alost, c'est trop peu, dit-il, et si elle s'étend à d'autres cantons, par exemple, à celui de Grammont ou de Ninove, alors on entame le ressort du tribunal d'Audenarde ; mais ces difficultés sont véritablement chimériques ; d'abord le nouveau tribunal, limité pour la juridiction au canton d'Alost, aurait encore dans son ressort une population de près de 50,000 âmes, et si les juges n'étaient pas trop surchargés de besogne, où serait le grand mal, puisque en définitive, il n'en résulterait aucune dépense pour le trésor ? Mais aucune raison plausible ne s'opposerait à ce que l'on donnât au nouveau tribunal un ressort plus étendu et, à cet égard, je ferai observer que la juridiction du conseil des prud'hommes, institué à Alost, par arrêté royal du 26 février 1844, s'étend sur tout l'arrondissement administratif d'Alost.

M. Van Overloop se félicite que des observations échangées entre nous antérieurement à ce sujet n'aient pas eu de suite et il semble en induire que celles-ci aboutiront au même résultat. Je ferai observer que nos précédentes réclamations avaient été prises en sérieuse considération par les prédécesseurs de l'honorable ministre actuel, et il est résulté de conversations que j'ai eues avec M. Faider et M. Nothomb que le gouvernement était très bien disposé à accueillir la demande d'Alost et que la solution n'a été différée que parce qu'on désirait faire un travail d'ensemble ; j'espère donc que l'honorable M. Tesch daignera faire droit à notre réclamation dont la justice est évidente.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, la multiplicité de réclamations qui viennent de surgir doit démontrer avec quelle circonspection le gouvernement agit quand il est question d'augmenter le personnel de tribunaux ; nous pourrions être amenés à doubler le personnel actuel et à élever ainsi considérablement les charges de l'Etat sans assurer peut-être ni une meilleure ni une plus expéditive administration de la justice.

Les causes de l'arriéré qu'on signale peuvent être permanentes ou accidentelles ; elles peuvent être tout à fait locales. En présence de la statistique qui est dressée et que j'ai sous les yeux, je suis tenté de croire que c'est de faits auxquels il est possible de remédier sans augmenter le personnel que proviennent en grande partie les retards qu'on signale dans l'expédition des affaires. Je prie du reste la Chambre de remarquer que l'augmentation du personnel proposée par la loi en discussion n'a pas pour objet de créer des Chambres nouvelles près des tribunaux d'Anvers et de Namur ; elle n'a d’autre but que de combler en quelque sorte une lacune par suite de laquelle les chambres existantes de ces tribunaux se trouvaient dans l'impossibilité de tenir séance et de vaquer à l'expédition des affaires.

C'est ce qui a été très bien expliqué par MM. Lebeau et Vervoort.

Les tribunaux d'Anvers et de Namur sont composés chacun de six juges, y compris les président et vice-président ; c'est-à-dire que l'un et l'autre tribunal a le nombre de magistrats rigoureusement nécessaire pour constituer deux chambres. Mais il faut, dans chaque tribunal, au moins un juge d'instruction.

A Anvers un juge re suffit même pas ; on a dû déléguer un deuxième juge pour remplir ces fonctions, de sorte que le nombre de magistrats nécessaire pour former deux chambres n'existe pas dans la réalité. Le juge d'instruction étant occupé par les affaires sur lesquelles il doit enquérir, le nombre des juges se trouve en fait réduit à quatre ou à cinq et une des chambres ne peut pas siéger.

A Anvers, pendant plusieurs semaines, la chambre correctionnelle n'a pu se constituer, et des affaires ont dû être renvoyées d'audience en audience avant d'avoir pu recevoir une solution.

Par suite de l'impossibilité de siéger où se trouve le juge d'instruction, le tribunal s'adjoint un juge suppléant ou assume un avocat ; mais, comme l'a fort bien dit l'honorable M. Vervoort, cette justice n'inspire guère de confiance : un avocat siégeant remplacé immédiatement par un autre avocat, cela ressemble un peu à un prêté rendu ou à rendre.

Cet état de choses n'est pas admissible, et c'est pour y mettre un terme que j'ai présenté le projet de loi soumis à votre examen.

Les réclamations qui surgissent aujourd'hui n'ont pas pour objet de satisfaire à des nécessités de cette espèce ; ce sont de nouvelles chambres qu'on demande, c'est-à-dire une augmentation de trois juges pour chaque tribunal. Tel est l'objet des demandes faites par les honorables MM. de Liedekerke, de Luesemans et Lebeau.

En ce qui concerne le tribunal de Dinant, je reconnais qu'il y a là un arriéré considérable ; ainsi que l'a dit l'honorable M. de Liedekerke, cet arriéré était, au mois d'août 1857 de 607 affaires. Mais, messieurs, ainsi que je le demandais tout à l'heure, à quelles causes cela tient-il ? C'est la chose à rechercher. Si j'en crois la statistique, je suis amené à dire qu'il n'a pas été fait de bien grands efforts à Dinant pour faire disparaître l'arriéré dont on se plaint.

Ainsi, je trouve que le nombre des séances du tribunal a été, en moyenne, pendant les cinq dernières années, de 163, c'est-à-dire trois séances à peu près par semaine, et chaque séance a duré un peu moins de trois heures. Eh bien, je crois que le nombre des séances pourrait être plus grand, et leur durée plus longue. Cela semble d'autant plus possible, que la moyenne des jugements rendus en matière civile par le tribunal n'est que de 121 ; que le nombre des contraventions au Code pénal n'est pas très élevé non plus ; qu'il n'y a de très nombreuses que les contraventions à des lois spéciales, c'est-à-dire les délits forestiers, et autres de même nature qui, comme on le sait, donnent principalement lieu à des jugements par défaut.

Il y a donc à examiner si le tribunal de Dinant ne pourrait pas siéger plus souvent et consacrer plus de temps à chacune de ses audiences ; ou si les affaires qu'il est appelé à juger soulèvent des questions si difficiles et si nombreuses qu'elles exigent un examen qui absorbe plus de temps que les affaires qui se présentent dans les autres tribunaux.

Messieurs, ce que je viens de dire est applicable au tribunal de Louvain et à bien plus forte raison encore. A Louvain, la moyenne des séances est de 167 pendant les cinq dernières années ; c'est encore à peu près trois audiences par semaine. Le nombre des jugements rendus en matière civile n'est que de 43 par an.

Je trouve que cela est très peu ; le nombre des affaires correctionnelles est plus élevé ; mais je crois que le tribunal pourrait siéger plus souvent ; les affaires correctionnelles ne présentent guère que des questions de fait et ne donnent pas lieu à de longs délibérés ; de sorte qu'il suffirait peut-être d'un peu plus de diligence pour parer aux inconvénients qu'on vient de signaler.

L'honorable M. de Luesemans a comparé le nombre d'affaires qui ont été introduites devant le tribunal de Louvain, avec le nombre d'affaires introduites devant le tribunal d'Anvers ; mais il eût pu prendre d'autres points de comparaison.

II aurait pu comparer le nombre d'affaires introduites à Nivelles avec le nombre d'affaires introduites à Louvain, et il aurait pu se convaincre qu'à Nivelles, sans y mettre le même nombre d'heures, on expédie bien plus de procès. Si à Louvain le tribunal laisse abuser de la parole, si les plaidoiries s'y prolongent outre mesure, il faut y porter remède. Ce qui me porte à croire qu'il en est ainsi, c'est que, d'après la statistique que j'ai sous les yeux, le tribunal de Nivelles, composé du même nombre de juges, a rendu 146 jugements en matière civile, alors que Louvain n'en a rendu que 43 ; jugements par défaut, jugements contradictoires, etc., etc., le tribunal de Nivelles expédie par an 338 affaires lorsque Louvain n'en expédie que 1035, différence 255. Il y a donc moyen de hâter l'expédition des affaires sans recourir à une augmentation continuelle du personnel.

Quant à l'observation présentée par l'honorable M. Orts, je crois que le personnel du tribunal de Bruxelles ne pourra être fixé que quand l'on aura pris une décision sur le système à adopter pour la formation des cours d'assises. Il est évident que si les cours doivent fournir à l'avenir le personnel judiciaire des coûts d'accises, deux juges du tribunal de Bruxelles seront rendus exclusivement aux occupations qui rentrent dans les attributions du tribunal de première instance.

Il serait alors possible de former une chambre qui s'occupât des affaires sommaires et des affaires correctionnelles, de manière à rendre inutile une nouvelle augmentation de personnel à Bruxelles.

Le tribunal de Charleroi, ainsi que l'a dit l'honorable M. Lebeau, a également un arriéré considérable. Je reconnais que ce tribunal fait de très grands efforts pour vider cet arriéré et qu'il a des affaires extrêmement importantes qui, par leur nature même, doivent absorber beaucoup de temps. Je parle des affaires de charbonnages, affaires très longues et très difficiles de leur nature. Mais M. Lebeau me semble avoir plutôt discuté le projet de prorogation de la loi qui institue des chambres provisoires à Tournai et à Charleroi que le projet actuellement en discussion. D'ailleurs, il se présente, à propos du tribunal de Charleroi, une question spéciale, celle de savoir s'il faut y constituer un tribunal de commerce ou bien y ajouter une troisième chambre civile. Cette question est en instruction.

L'honorable M. Lebeau dit que la chose est très simple, très claire, qu'à Charleroi on est de ce dernier avis ; mais quelle que soit ma confiance dans les paroles de l'honorable M. Lebeau, il me permettra de ne prendre de décision qu'après un examen complet.

Quant au tribunal de commerce, dont l'honorable M. de Naeyer demande la création à Alost, c'est une affaire dont jusqu'ici je n'ai pas eu le temps de m'occuper. Je veux bien croire que les raisons (page 179) produites à l'appui de cette demande sont très bonnes ; je le crois d'autant plus, que l'honorable membre nous a dit que sa demande avait été favorablement accueillie par mes honorables prédécesseurs ; mais cette question aussi a besoin d'un examen auquel je ne me suis pas encore livré.

M. Ch. Lebeau. - J'ai demandé la parole une seconde fois, messieurs, pour rappeler un point de mon premier discours qui a été négligé par M. le ministre de la justice. Je veux parler des diverses réclamations qui ont surgi dans cette enceinte à propos du projet de loi relatif à l'augmentation du personnel des tribunaux d'Anvers et de Namur.

Ce projet, messieurs, n'est combattu par personne, ne rencontre aucune objection, et je suis persuadé que la Chambre le votera. Mais, à l'occasion de ce projet, surgit une discussion.

Je sais que cette discussion se présente d'une manière tout à fait incidente et qu'elle trouvera mieux sa place, en ce qui concerne le tribunal de Charleroi, lors de l'examen du projet de loi qui nous a été soumis par M. le ministre de la justice. Je répondrai seulement à un seul point.

M. le ministre de la justice a dit qu'il fallait être circonspect sur les demandes d'augmentation de personnel, parce qu'on pourrait grever le trésor public en créant de nouvelles chambres auprès des tribunaux existants. Eh bien, en ce qui concerne le tribunal de Charleroi, je crois pouvoir rassurer complétement M. le ministre de la justice. Ainsi, en 1847, à l'appui d'une requête adressée à la Chambre par les membres composant le tribunal de Charleroi, a été jointe une statistique du greffe, qui atteste que, pendant le cours de l'année 1846,le tribunal de Charleroi a produit en enregistrement, mise au rôle, etc. des droits payés au trésor pour une somme de 59,000 fr. Or les traitements du personnel du tribunal de Charleroi ne s'élèvent qu'à 43,000 fr., de telle manière qu'il y a eu un bénéfice fait par le trésor public, de 16,000 fr. Si le personnel était plus nombreux, s'il y avait une troisième chambre, il est évident que cette troisième chambre engendrerait de nouveaux droits d'enregistrement et de greffe, et que ces nouveaux droits équivaudraient, dépasseraient même les traitements des magistrats qui composeraient cette troisième chambre.

Que M. le ministre de la justice ne s'effraye donc pas de ce que pourrait coûter l'augmentation du personnel des tribunaux. Et n'en fût-il pas ainsi, il est évident que si des tribunaux sont insuffisants pour rendre convenablement la justice, il y a lieu, et d'urgence, de les compléter.

M. de Liedekerke. - Je n'ai qu'un mot à dire. Je constate que M. le ministre de la justice n'a pas écarté d'une manière péremptoire les observations que j'ai eu l'honneur de vous faire à l'égard du tribunal de Dinant, qu'il a dit seulement qu'il fallait examiner si l'on ne pouvait pas amener plus de promptitude dans l'examen des causes et dans le prononcé des jugements.

Je saisis cette occasion pour rendre hommage au zèle et à l'assiduité du tribunal de Dinant. Je crois que s'il y a quelques lenteurs, que s'il y a impossibilité de vider l'arriéré, cela tient à la difficulté des causes et non au défaut de zèle ou à l'indifférence des magistrats.

Je recommande donc cette affaire à l'examen approfondi de M. le ministre de la justice, J'ai la confiance qu'il reconnaîtra que mes observations ne sont pas dénuées de fondement, qu'elles reposent sur des raisons solides et péremptoires.

- La discussion est close.

Vote de l’article unique et vote sur l’ensemble

L'article unique du projet est ainsi conçu :

« Le personnel des tribunaux de première instance d'Anvers et de Namur, tel qu'il a été fixé en dernier lieu par la loi du 15 juin 1849, est augmenté, pour le premier de deux juges, et pour le second d'un juge. »

- Il est procédé au vote par appel nominal sur ce projet qui est adopté à l'unanimité des 65 membres présents.

Ces membres sont : MM. Crombez, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Boe, Dechentinnes, de Haerne, de Liedekerke, de Luesemans, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Paul, de Perceval, de Pitteurs-Hiegaerts, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, d'Hoffschmidt, Dolez, Dubus, H. Dumortier, d'Ursel, Frère-Orban, Frison, Jacquemyns, M. Jouret, Landeloos, Lange, Laubry, le Bailly de Till-ghem, C. Lebeau, J. Lebeau, Lesoinne, Malou, Mascart, Moncheur, Notelteirs, Orban, Orts, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Sabatier, Tesch, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Overloop, Vervoort, Veydt, Ansiau, Anspach, Coomans et Verhaegen.

- La séance est levée à quatre heures et demie.