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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 23 février 1859

Séance du 23 février 1859

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1858-1859)

(page 632) (Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Boe procède à l'appel nominal à 3 heures et un quart.

M. de Moor donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Boe communique l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur de Molinari demande qu'il soit fait des démarches pour que tous les imprimés puissent être expédiés en Espagne et en Portugal, par la voie de la poste. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« M. le ministre de la justice transmet à la Chambre, avec les pièces de l'instruction, la demande en naturalisation ordinaire du sieur Onen (Georges), employé au chemin de fer de l'Etat. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« M. Quetelet fait hommage à la Chambre, au nom de l'Académie, de 110 exemplaires de son Annuaire pour 1859. »

- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.

Rapports sur des demandes en naturalisation

M. Lelièvre. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la commission sur trois demandes de naturalisation.

M. Savart. - J'ai l'honneur de déposer plusieurs rapports sur des demandes en naturalisation.

M. Thienpont. - J'ai l'honneur de déposer les rapports de la commission sur trois demandes en naturalisation.

M. de Paul. - J'ai l'honneur de déposer les rapports sur plusieurs demandes en naturalisation.

- Ces rapports seront imprimés, distribués et misa la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi approuvant le traité d’amitié, de commerce et de navigation conclu avec la république de Nicaragua

Rapport de la section centrale

M. de Luesemans. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le traité d'amitié, de commerce et de navigation conclu avec la république de Nicaragua.

- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi approuvant la convention conclue par le gouvernement pour l’établissement d’un service régulier de bateaux à vapeur entre la Belgique et le Levant

Discussion générale

M. Lelièvre. - J'ai examiné le rapport de la section centrale et je crois devoir appeler l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la question de savoir s'il n'y a pas lieu d'observer certaines formalités vis-à-vis du sieur Spilliaerdt avec lequel une première convention a été arrêtée. Les contrats ne sont pas résiliés de plein droit. Il pourrait donc arriver qu'il y eût certaines précautions à prendre afin de sauvegarder les intérêts de l'État. C'est l'examen de cette question que je recommande au gouvernement.

- Personne ne demandant plus la parole, la discussion est close.

Vote des articles et vote sur l’ensemble

La Chambre passe à la discussion des articles.

« Art. 1er. La convention conclue le 28 janvier 1859 entre le gouvernement, d'une part, les sieurs Van Vlissingen et Van Heel, d'autre part, pour l'établissement d'un service régulier de bateaux à vapeur entre la Belgique et le Levant, est approuvée. »

- Adopté.


« Art. 2. Les sommes restées disponibles sur les fonds alloués au budget du département des affaires étrangères, pour l'encouragement de la navigation entre la Belgique et les ports étrangers et successivement reportées depuis 1853 inclusivement, pourront être affectées, jusqu'à due concurrence, au payement du subside accordé par la convention mentionnée à l'article précédent. »

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.

68 membres répondent à l'appel nominal.

66 votent pour le projet.

2 (MM. Coomans et de Naeyer) s'abstiennent.

En conséquence, le projet de loi est adopté ; il sera transmis au Sénat.

Les membres qui ont voté pour le projet sont : MM. Laubry, le Bailly de Tilleghem, J. Lebeau, Lelièvre, Loos, Manilius, Mascart, Moncheur, Moreau, Muller, Nélis, Notelteirs, Orban, Orts, Pirson, Rogier, Sabatier, Savart, Tack, Thiéfry, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Leempoel, Vermeire, Vilain XIIII, Wala, Allard, Ansiau, Coppieters 't Wallant, David, de Baillet-Latour, de Bast, de Boe, de Breyne, de Bronckart, Dechentinnes, de Decker, De Fré, de la Coste, de Liedekerke, de Luesemans, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, de Terbecq, de Theux, de Vrière, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Frère-Orban, A. Goblet, L. Goblet, Grosfils, J. Jouret, M. Jouret, Landeloos, Lange et Verhaegen.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à en faire connaître le motif.

M. Coomans. - Je n'ai pas repoussé le projet, parce que le but en est louable. Mais je n'ai pas cru pouvoir le voter, parce que nous avons essuyé tant de malheurs et de mécomptes dans divers actes de ce genre, que je ne veux plus en assumer ma part de responsabilité.

M. de Naeyer, rapporteur. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs.

Projet de loi accordant un crédit au budget du ministère de l’intérieur, pour amélioration de la voirie vicinale et de l’hygiène publique

Discussion générale

La discussion générale est ouverte.

M M. Nélis. - Le gouvernement, en demandant à la Chambre un crédit de deux millions pour l'amélioration de la voirie vicinale et de l'hygiène publique, a montré tout l'intérêt qu'il porte aux communes rurales, toute sa sollicitude pour la conservation de la santé des populations. Je l'en félicite et j'appuierai ce projet de mon vote.

Aujourd'hui que les chemins de fer sont venus donner une si grande activité aux relations des populations, qu'ils forment les grandes artères de la vie commerciale et industrielle des peuples, il faut compléter le système, en construisant les ramifications ; il faut faire pénétrer cette activité dans les campagnes en construisant des chemins dits de grande communication. Ces routes communales seront des affluents aux chemins de fer, aux canaux, aux routes, qui augmenteront considérablement le trafic sur ces voies.

Il est inutile de s'étendre sur l'utilité, je dirai même la nécessité de procurer aux campagnes les moyens d'apporter leurs produits avec facilité et en toutes saisons. Il n'y a qu'une voix sur ce point.

Mais il n'en est pas de même lorsqu'il s'agit de l'exécution de ce vaste projet.

L'année dernière, j'ai eu l'honneur d'exposer à la Chambre un système qui, s'il était adopté, aurait pour résultat l'achèvement, en peu d'années, d'un vaste réseau de chemins de grande communication. Ce système consistait à appliquer les sommes votées annuellement pour la voirie vicinale, à couvrir les arrérages d'une rente qui aurait permis d'emprunter la somme nécessaire pour couvrir la part que l'Etat prend à sa charge dans l'exécution de ces travaux. Les provinces et les communes auraient probablement suivi cet exemple, et en peu d'années les communes rurales auraient été reliées au vaste système de voies de communication du pays.

Rien de plus rationnel que de recourir à l'emprunt pour l'exécution de travaux publics qui doivent favoriser le commerce, l'agriculture et l'industrie, qui doivent par conséquent augmenter la fortune publique et les profits des populations. Rien de plus juste ni de plus équitable que d'engager l'avenir et de faire payer la dépense par ceux-là mêmes qui profitent des travaux effectués. C'est d'ailleurs le système qui a été suivi par l'Etat, dans l'exécution des grands travaux publics, tels que les chemins de fer, les canaux, etc.

Pourquoi ne l'adopte-t-on pas lorsqu'il s'agit de travaux qui produiraient sur la prospérité des campagnes, des effets comparables à ceux qu'ont produits les chemins de fer sur la prospérité des villes et des grands centres de population ? C'est probablement parce que, dans les travaux dont il s'agit, l'Etat n'intervient que pour une part, les provinces et les communes pour l'autre part et qu'il est difficile de mettre les intéressés d'accord.

Mais en supposant que l'on doive persister dans le système commencé en 1841, malgré les nombreuses imperfections qu'il présente, il est utile de rechercher les moyens de l'améliorer. En reconnaître et signaler les défauts, c'est en quelque sorte se mettre sur la voie pour les corrige.

En jetant les yeux sur la carte dressée par M. l'inspecteur général Bidaut, on doit reconnaître :

1° Que les chemins ont été déclarés de grande communication sans plan d'ensemble bien arrêté ni bien coordonné des lacunes regrettables existent, surtout dans certaines parties du pays, tandis que des chemins déclarés de grande communication ne se trouvent pas dans les conditions qui doivent les faire considérer comme tels.

J'ajouterai que ces chemins améliorés étant destinés à remplacer les routes, sont en général construits avec trop peu de soins et que beaucoup de travaux seront à recommencer.

2° Qu'un trop grand nombre de chemins sont en construction, ce qui fait disséminer les subsides, sur un trop grand nombre de points. La (page 633) construction traîne en longueur et par cela même, la bonne exécution en souffre. La dépense s'augmente des intérêts des capitaux employés, les habitants des campagnes se fatiguent de supporter des sacrifices considérables sans en profiler.

Depuis longtemps le département de l'intérieur a reconnu les inconvénients que devait produire l'organisation incomplète des agents chargés de dresser les plans, de surveiller l'exécution des travaux et l'entretien des chemins vicinaux. Ses nombreuses circulaires aux gouverneurs de province le démontrent à l'évidence.

En effet, messieurs, cette organisation diffère pour ainsi dire dans chaque province ; quelques-unes ont établi des commissaires voyers d'arrondissement et des agents voyers par canton de justice de paix ; d'autres ont des commissaires voyers par canton, d'autres enfin n'ont pas d'agents voyers spéciaux.

Il est évident qu'une pareille organisation ne peut produire des résultats avantageux lorsqu'il s'agit de dresser et de faire exécuter un plan général de bonnes routes communales. Les agents voyers, où il en existe, n'ont pas de chef pour surveiller leur gestion, pour examiner les plans qu'ils soumettent à l'administration, pour mettre de l'ensemble et de l'uniformité dans les travaux d'amélioration qu'ils proposent.

Pour remédier à ce défaut d'organisation, le département de l'intérieur a recommandé aux administrations provinciales un plan proposé par M. Heuschling. Ce plan se composait d'un chef supérieur attaché au ministère de l'intérieur, d'un sous-chef par province, de commissaires voyers cantonaux et de surveillants des travaux.

Cette organisation satisfaisante n'aurait exigé qu'une faible augmentation de dépenses, cependant elle est demeurée à l'état de projet.

Il faut reconnaître, messieurs, que sans une bonne organisation des agents chargés du service de la voirie vicinale, on ne peut parvenir à donner à l'exécution des travaux l'unité de direction et la vigoureuse impulsion si nécessaires pour mener à bonne fin une entreprise de laquelle dépend, en grande partie, la prospérité des campagnes.

Je fais donc des vœux pour que les administrations provinciales et communales, dans l'intérêt de l'amélioration de la voirie, finissent par reconnaître tous les avantages attachés à une bonne organisation d'agents voyers.

Il est inutile d'insister sur les inconvénients que présente l'exécution partielle, chaque année, des travaux des chemins de grande communication, chacun les comprend. Il faut donc rechercher les moyens d'améliorer cette partie du service, pour que chaque année une ou plusieurs de ces routes communales, dans chaque province, puissent être livrées à la circulation dans toute leur étendue.

C'est dans ce but que je me permets de soumettre à l'honorable ministre de l'intérieur le projet d'établir, par province, une caisse spéciale dans laquelle seraient versés tous les fonds destinés à l'exécution des chemins de grande communication. Les communes qui verseraient des fonds avant le commencement des travaux au chemin qui les intéresse, jouiraient des intérêts des sommes versées. Ces intérêts seraient ajoutés au capital. Celles, au contraire, qui, au moment de l'exécution des travaux, n'auraient pas la somme nécessaire pour couvrir la part de la dépense qu'elles doivent supporter, emprunteraient à la caisse, et elles devraient payer les intérêts des sommes empruntées jusqu'à l'extinction de leur dette. Un exemple vous fera mieux comprendre mon projet : un chemin qui intéresse plusieurs communes est déclaré de grande vicinalité. Les communes ont voté les fonds destinés à couvrir la dépense qui incombe à chacune d'elles. L'une pourra accumuler les capitaux nécessaires à couvrir sa part dans la dépense en cinq années ; une deuxième aura besoin de dix années, une troisième devra même aller jusqu'à quinze années.

Ces trois communes verseront chaque année les sommes votées pour l'exécution du chemin qui traverse leur territoire.

Les intérêts seront ajoutés au capital. La députation permanente de la province fixera le moment oh les travaux pourront être commencés et continués jusqu'à l'achèvement du chemin.

Je suppose que le commencement des travaux ait lieu cinq années après que le chemin a été déclaré de grande communication. La première des communes aura les fonds nécessaires, la deuxième devra emprunter à la caisse la moitié de la somme dont elle a besoin, la troisième devra emprunter les trois quarts.

Ces deux dernières communes devront payer à la caisse les intérêts des sommes empruntées jusqu'à l'entière extinction de leur dette.

De cette manière, le chemin pourra être construit dans de bonnes conditions, les travaux ne seront pas interrompus, les capitaux ne seront pas improductifs, les habitants de ces communes profiteront beaucoup plus promptement du chemin amélioré et des sacrifices que son exécution leur a imposés.

En soumettant ce projet à l'honorable ministre, je n'ai pas la prétention d'avoir fait un travail complet, c'est une idée que je lui soumets parce que je crois qu'elle peut donner lieu à une proposition réalisable et qui aurait les résultats les plus avantageux.

Un dernier mot sur la répartition des fonds de l'Etat dans les travaux d'amélioration de la voirie vicinale. Lorsqu'il s'agit de travaux aussi importants dans l'exécution desquels l'Etat, les provinces et les communes entrent chacun pour une part, il importe que la répartition des subsides alloués par l'Etat pour couvrir une partie de la dépense, se fasse d'après des bases fixes, pour ne rien laisser dans le vague ni à l'arbitraire. Chacun doit avoir dans les faveurs du gouvernement, une part proportionnelle aux charges qu'il supporte. Les règles générales n'empêchent pas les exceptions en faveur des communes pauvres ou qui n'ont pas des ressources proportionnées aux dépenses qu'elles doivent supporter dans l'amélioration de la voirie.

Si l’on examine le tableau qui se trouve à la page 6 du rapport de 1858, présenté à la Chambre des représentants par l'honorable ministre de la justice, on trouve, par un calcul facile, que les fonds de l'Etat ont contribué à couvrir la dépense des travaux exécutés pendant les années 1851 à 1855, dans chaque province, dans la proportion suivante :

Provinces d'Anvers 35 p.c., de Brabant 15 p. c., de Flandre occidental 26 p. c., de Flandre orientale 28 p. c., de Hainaut 16 p. c., de Liège 23 p. c., de Limbourg 28 p. c., de Luxembourg 26 p. c. et de Namur 26 p. c.

Je fais remarquer aux honorables membres qui voudraient vérifier ces calculs, que j'ai négligé les fractions.

Ainsi donc la proportion des fonds de l'Etat varie de 15 à 35 p. c. La province d'Anvers a été la plus favorisée et celle de Brabant a eu la plus petite part.

Je vous avoue, messieurs, que je ne comprends pas une répartition de subsides qui favorise ceux qui font le moins, en leur accordant une part proportionnelle beaucoup plus forte, et qui ne laisse à ceux qui font les plus grands sacrifices, qu'une part minime. C'est agir, non dans le but d'exciter l'émulation dans les communes, mais au contraire pour porter le découragement dans celles disposées à faire les plus grands efforts pour se créer des débouchés qui leur manquent.

Il me semble que le gouvernement doit placer tous les Belges sur la même ligne et adopter une règle générale qui fixe la part pour laquelle il intervient dans la dépense de tout chemin déclaré de grande communication, sans distinction de province ni de commune. Une base générale, je le répète, n'empêche pas les exceptions en faveur des communes dont l'état financier bien constaté exige que l'Etat vienne à leur secours.

Je ne veux pas abuser de la bienveillance de la Chambre en lui parlant des mesures hygiéniques ; je nie bornerai à recommander au gouvernement comme étant les plus salutaires, le pavage des chemins dans les parties agglomérées des habitations et l'établissement de fontaines et de puits pour que les habitants puissent avoir de la bonne eau potable dont le besoin s'est fait vivement sentir dans les années de sécheresse que nous venons de traverser.

M. Vander Donckt. - Messieurs, j'ai examiné le projet de loi qui est soumis à nos discussions avec une sérieuse attention ; j'aurais voulu ce que plusieurs sections ont demandé, c'est-à-dire la division entre les deux objets pour lesquels le crédit de deux millions est demandé ; je l'aurais préférée nonobstant les observations du gouvernement en réponse à la section centrale.

Cependant l'absence de cette division ne sera pas pour moi un motif de refus. Je suis tout disposé à adopter le projet de loi. Mais j'ai quelques observations à présenter au sujet du système que le gouvernement est dans l'habitude de suivre dans la répartition des subsides pour la voirie vicinale.

Messieurs, il y a des localités qui, depuis nombre d'années, sont dotées de l'avantage d'être parcourues par le chemin de fer ou de se trouver dans le voisinage du réseau de la voie ferrée. Il en est d'autres et de très importantes qui sont encore entièrement privées de cet avantage par suite de circonstances que je n'examinerai pas ici et qui en seront encore longtemps privées. Parmi ces localités il en est qui ont réellement joué de malheur.

Je citerai la commune de Sotteghem, commune très importante d'ailleurs, qui a été, à plusieurs reprises, sur le point d'être traversée par un chemin de fer. Cette commune est peut-être pour longtemps encore privée des avantages de la voie ferrée.

Il en est encore une autre, c'est celle de Cruyshautem qui a plus de 6,000 habitants et qui se trouve sur la ligne droite de Gand à Courtrai ; à vol d'oiseau le chemin de fer devait y passer. Eh bien, messieurs, par des circonstances toutes indépendantes de la volonté du gouvernement, telles que l'existence de hauteurs, d'accidents de terrains, la réalisation de ces projets a été rendue impossible jusqu'ici.

Voilà encore une localité qui se trouve réduite à l'état de paria.

C'est cette considération que je recommande spécialement à l'honorable ministre de l'intérieur et à l'honorable ministre des travaux publics. Je demande que, dans la répartition des subsides, on tienne compte de la circonstance qu'une localité est ou n'est pas favorisée par un chemin de fer. Nous voyons dans l'exposé des motifs que les fonds demandés seront employés à l'exécution, non seulement des nouveaux ouvrages que l'on va construire, mais qu'on aura soin surtout (page 634) d'achever les travaux commencés. C'est certainement là ce qu'il y a de plus urgent.

Or, messieurs, parmi les travaux en voie d'exécution, il en est un que j'ai déjà eu l'honneur de signaler à l'honorable ministre de l'intérieur ; c'est la nouvelle commune qui a reçu le nom de feu notre bien-aimée reine Marie-Louise. Dans cette commune, le gouvernement a établi une église et une école communale ; il ne s'agit plus que de créer le moyen d'en approcher. Tous les hivers, il arrive encore des malheurs dans ces environs par suite du mauvais état des chemins.

Le chemin de Renaix à Sotteghem, qui passe par cette commune, devait être achevé et le gouvernement avait fait amener à pied d'œuvre des grès et des bordures et il avait fait préparer le lit de la route. Tout à coup les travaux ont été arrêtés et aujourd'hui les bordures disparaissent, elles sont volées, pour le dire franchement. Quel est le motif de cette interruption des travaux ?

Je ne le sais pas, mais ce que je sais, c'est que la province de Flandre orientale s'était engagée à accorder pour ces travaux une somme de 12,000 francs qui est restée dans la caisse provinciale, et jusqu'à présent aucune suite n'a été donnée à cette route qui doit rendre utiles les établissements que le gouvernement a créés, c'est à-dire l'église et l'école communale. Ce que j'ai eu l'honneur de dire à M. le ministre de l'intérieur, dans une séance précédente, n'était pas de mon crû ; je l'avais littéralement extrait du rapport de la chambre de commerce d'Audenarde.

L'honorable ministre a bien voulu, à cette époque, s'engager à faire examiner cette affaire ; mais jusqu'à présent les choses sont restées au même point; les grès disparaissent ; les bordures sont enlevées, et la route est toujours dans le même état impraticable.

Je recommande de nouveau cette affaire à M. le ministre de l'intérieur ; je lui demanderai s'il se propose de comprendre ce travail dans les travaux à achever dans la province de Flandre orientale.

Je bornerai là pour le moment mes observations.

M. Lelièvre. - Je ne puis qu'applaudir aux dispositions du projet de loi ayant notamment pour objet l'amélioration de l'hygiène publique.

Déjà, pendant la session dernière, la chambre a adopté dans le même but la loi sur l'expropriation pour cause d'assainissement, mesure qui, surtout dans les grandes cités, procurera des avantages importants aux classes inférieures de la société et réalisera des améliorations importantes dans l'intérêt général.

Je crois devoir signaler au gouvernement un projet de loi propre à produire les mêmes résultats, c'est celui concernant les cours d'eau.

Il importe également que, dans l'intérêt de l'hygiène publique, cette matière importante soit réglée convenablement par la législature.

J'appelle donc sur ce point l'attention du gouvernement qui n'oubliera pas que le projet dont il s'agit est réclamé et attendu depuis longtemps. Il existe sous ce rapport dans nos lois une lacune qu'il est indispensable de combler.

Quant à la répartition du crédit entre les diverses provinces, je prie M. le ministre de l'intérieur de veiller à ce que l'on se conforme aux vues qu'il a exposées dans la dépêche qu'il a transmise à la section centrale.

L'arrondissement de Namur a eu quelquefois à se plaindre des répartitions de subsides. J'espère que le ministère actuel se fera un devoir de redresser les griefs dont, sous ce rapport, notre province a souvent réclamé la réparation. Il est certain qu'en général, notre arrondissement n'a pas été traité comme il aurait dû l'être. J'espère qu'à l'avenir, cet état de choses cessera, et je compte, à cet effet, sur la justice du ministère actuel.

M. Coomans. - Messieurs, je ne comptais pas prendre la parole sur ce projet de loi, mais le discours de l’honorable M. Nélis m'oblige à rompre le silence. Ce discours renferme des principes erronés et des vues dangereuses, que je crois devoir signaler à l'attention de la Chambre.

L'honorable orateur a cité des chiffres officiels d'où il résulterait que de grandes injustices se commettent par le gouvernement dans la distribution des subsides que nous votons annuellement pour l'amélioration de la voirie vicinale.

Je dois faire remarquer à l'honorable M. Nélis, que si les chiffres qu'il cite sont exacts, ce que je veux bien admettre, les conséquences qu'il en tire sont radicalement fausses.

L'honorable membre a signalé un écart de 15 à 35 p. c. dans la distribution des subsides entre les provinces ; mais l'honorable membre, pour tirer une conclusion exacte de ces données numériques, aurait dû citer les chiffres des diverses périodes quinquennales depuis 1841 : c'est ce qu'il n'a pas fait.

M. M. Nélis. - Pardon ; j'ai donné les chiffres de 1841 à 1855.

M. Coomans. - N'importe; mon argument n'en subsiste pas moins ; en admettant donc que l'honorable M. Nélis ait compris dans ses calculs les diverses périodes quinquennales depuis 1841, il n'en résulterait pas encore que de grandes injustices auraient été commises.

En effet, pourquoi parler d'injustices, en comparant les provinces ? pourquoi ne pas comparer les arrondissements, et même les villages entre eux ?

D’accord avec les divers ministres de l'intérieur qui se sont succédé au pouvoir depuis onze ans, j'ai toujours soutenu qu'en cette matière, l'égalité scrupuleuse, le summum jus serait le summa injuria.

Eh quoi! messieurs, ne devons-nous pas avoir en vue le bien général, et non le bien local, dans la distribution des crédits que nous votons ? Ne devons-nous pas employer les deniers publics là où ils peuvent fructifier le plus, là où l'on peut en obtenir les meilleurs résultats ? L'honorable M. Nélis ne voit-il donc pas que s'il exige des provinces et des communes une part contributive égal pour le payement des dépenses à faire en faveur de la voirie vicinale, il commettra des injustices flagrantes tout en affichant l'intention louable de les prévenir ou de les réparer ? Cela a été reconnu par tous les orateurs qui se sont le plus spécialement occupés de la voirie vicinale ; il est clair que les communes qui ont le plus besoin de bous chemins vicinaux sont les plus pauvres. Je citerai un fait à l'appui de ces observations : pendant sept ans, l'arrondissement de Turnhout n'avait pas reçu un sou.

Je ne m'en suis pas plaint beaucoup, parce que je savais que les projets étaient à l'étude et qu'on finirait par rendre justice à ce district, ce qui a été fait il y a cinq à six ans ; depuis lors le district de Turnhout a reçu une bonne part dans les deniers de l'Etat, qu'on a employée en travaux fort utiles et assez importants.

C'est ainsi que l'équilibre se rétablit au bout d'un certain temps.

Je m’en rapporte pour cela à la justice de tous les gouvernants. Ce qui me choquerait, ce serait l'application du principe posé par M. Nélis. Je pourrais citer des communes qui seraient condamnées à la boue à perpétuité, si elles ne pouvaient obtenir de chemin vicinal qu'à la condition de payer une forte part de la dépense, comme font les communes riches.

Pourquoi le Hainaut a-t-il eu une si forte part dans les fonds de l'État ? Par une raison très simple : le Hainaut est une province plus riche que la plupart des autres et il a pu offrir une plus forte part contributive ; l'administration, se préoccupant peut-être trop du principe rappelé par M. Nélis, donnait la préférence aux communes qui fournissaient la plus forte part. Il est impossible de demander en cette matière une égalité absolue, scrupuleuse.

Le gouvernement n'a pas appliqué ce principe à la construction des grandes routes, des grandes chaussées, des chemins de fer, pourquoi le ferait-il pour la voirie vicinale ? Il n'y a pas plus de raison pour l'appliquer à la petite voirie qu'à la grande.

On n'a rien demandé aux localités qui ont le plus gagné à la construction des chemins de fer, elles ont eu l'avantage d'obtenir sans concours la plus grande part des travaux exécutés dans un intérêt général, mais qui en définitive doivent leur profiter.

II est vrai de dire que les communes en général se montrent trop avares de leurs deniers pour les travaux véritablement utiles ; il est nécessaire que le gouvernement les invite à se montrer plus intelligentes, mais il ne faut pas cependant faire du concours une condition sine qua non de la construction de la voirie vicinale.

Je pourrais, comme l'honorable M. Vander Donckt citer des faits ; des faits particuliers ne font rien quant au principe, je m'abstiens de le faire m'en rapportant à l'étude approfondie que le gouvernement doit faire de tout ce qui se rapporte à cet objet.

Puisque j'ai la parole, je demanderai la permission de faire une remarque quant à la meilleure application à faire des fonds. Quant au principe, il ne rencontrera aucune espèce d'objection dans cette enceinte ; je voudrais, tout en recommandant une grande bienveillance pour les communes pauvres, que le gouvernement tînt grand compte du chemin de fer dans la construction des chemins vicinaux; je voudrais que le gouvernement fît de grandes libéralités aux communes sans qu'il lui en coûte un sou ; ce qui est très facile.

Si le gouvernement s'applique à exécuter d'abord les chemins vicinaux qui conduisent à des stations soit du chemin de fer de l’Etat, soit des chemins de fer concédés, ce serait un moyen d’attirer vers les chemins de fer un public plus nombreux que celui qui les fréquente aujourd'hui. En favorisant ainsi les sociétés privées, le gouvernement augmentera les bénéfices du chemin de fer de l’Etat, car il y a solidarité entre les chemins de fer.

C'est ce qu'on n'a pas assez fait jusqu'à présent. La plupart des chemins vicinaux sont situés à une assez grande distance du chemin de fer.

C'est une grande anomalie dans l'état de notre voirie ferrée ou pavée que l'extrême difficulté qu'éprouvent des populations nombreuses d’avoir accès au chemin de fer. Je pourrais citer des faits particuliers. Les honorables membres qui veulent bien m'écouter pourraient en citer à leur tour. Nos chemins de fer rapporteraient beaucoup plus si les populations rurales pouvaient en profiter. Quelques communes en profitent dans une certaine mesure ; celles qui sont à portée en font grand usage ; pour les autres, elles payent autant pour un transport de deux ou trois lieues pour gagner le chemin de fer que pour un parcours de 25 à 30 lieues sur la voie ferrée.

Je prie le gouvernement de ne pas perdre ceci de vue. Il faut achever les chemins de fer et ils ne le seront pas tant que les stations ne seront pas convenablement reliées par des centaines d'artères qui doivent y apporter le public et les marchandises.

Un honorable membre vous a entretenu des cours d'eau, je regrette (page 635) que l'important projet de loi relatif à cet objet n'ait pas encore été soumis à nos délibérations.

M. B. Dumortier. - Je regrette de ne pas pouvoir adopter en totalité la proposition de mon honorable ami qui vient de parler avant moi de la voirie vicinale. Les travaux de ce genre ne peuvent pas être soumis à une règle fixe ; mais vouloir que le gouvernement dispose d'abord des fonds en faveur des localités qui se rapprochent du chemin de fer, ce serait ajouter une seconde faveur à celle dont ils jouissent déjà ; je ne pourrais donner mon assentiment à un pareil système, car les localités éloignées du chemin de fer seraient encore privées pour un temps des chemins vicinaux qui leur manquent, et comme elles sont déjà privées du voisinage du chemin de fer, elles seraient privées de toute espèce de communication. Je dis ceci pour vous prouver qu'il est impossible d'établir des règles absolues en matière de distribution de subsides pour la voirie vicinale, non pas tant en nature qu'en argent fourni réellement.

Il faut s'en rapporter aux besoins de chaque localité.

Je trouve l'observation de l’honorable M. Nélis plus sérieuse à certains points de vue ; je crois comme lui que la justice distributive veut que l'on accorde des avantages aux localités en raison des sacrifices qu'elles s’imposent. Cependant, il me permettra une réflexion, c'est que les dépenses pour un même objet sont bien plus considérables dans une province que dans une autre. Ainsi, dans les provinces où se trouvent des carrières qui fournissent les pavés, il est évident que la construction des routes coûte beaucoup moins que dans celles qui n'ont pas de ces carrières. Ainsi, dans la Flandre occidentale, par exemple, il en coûte bien plus pour paver une lieue de route que dans le Hainaut, dans les provinces de Liège, de Namur et de Luxembourg.

Or, si vous vouliez appliquer les principes de la justice distributive, en ne tenant compte que des dépenses faites, il en résulterait que les provinces possédant des carrières posséderaient déjà tous leurs chemins vicinaux, tandis que dans les autres il y aurait à peine un commencement d'exécution.

Ces considérations doivent, me semble-t-il, être prises en très sérieuse considération par le gouvernement.

Il n'est pas possible d'établir des règles absolues en pareille matière ; dans les questions de ce genre il faut nécessairement que, par voie administrative, on recueille tous les éléments de la solution à donner à chaque cas particulier.

Je ferai cependant remarquer qu'il est très important de tenir compte, dans une certaine limite, de la distribution des deniers publics. Je suis tout à fait d'accord avec l'honorable M. Nélis qui voudrait qu'on en tînt compte, non pas seulement pour les chemins vicinaux, mais pour toutes les dépenses qu'on fait dans le pays pour travaux publics.

Ainsi, notre budget se trouve grevé d'emprunts à concurrence d'environ 300 millions du chef de travaux publics. Eh bien, certaines localités ont été largement partagées sous ce rapport, tandis que d'autres n'ont pas eu la moindre part au bénéfice de ces emprunts.

Je citerai, par exemple, le district de Roulers, que j'ai l'honneur de représenter dans cette enceinte ; ce district a deux représentants ; il forme, par conséquent, la cinquantième partie du pays au point de vue de la population ; il aurait donc dû obtenir environ 6 millions dans les fonds provenant de ces emprunts.

Eh bien, on n'y a jamais dépensé un denier, en fait de travaux exécutés par l'Etat. Il est vrai qu'un chemin de fer passe dans cette localité, mais il a été construit par une société particulière. De sorte qu'on peut dire que ce district supporte sa part dans les charges générales sans en retirer aucune compensation.

J'appelle de nouveau sur ce point la sérieuse attention du gouvernement, et si l'honorable M. Rodenbach n'était retenu chez lui par une indisposition, je suis bien certain qu'il aurait joint sa voix à la mienne pour appuyer ma réclamation.

Il est encore un point qui appelle de la manière la plus impérieuse la sollicitude du gouvernement ; je veux parler de la situation si fâcheuse, au point de vue de l'hygiène publique, dans laquelle se trouve la Mandel. J'ignore si c'est à M. le ministre de l'intérieur ou à son collègue de la justice que je dois m'adresser à cet égard ; mais je dois dire que, par suite de l'insalubrité de ce cours d'eau, le typhus y règne en permanence et certes il n'en faut pas davantage, je pense, pour justifier la nécessité de porter un prompt remède à cet état de choses, abstraction faite de toutes les autres considérations que je viens de présenter en faveur de cette partie du pays qui n'a pour ainsi dire rien obtenu depuis 29 ans en compensation de la part qu'elle supporte dans les charges publiques.

Il y a quelques années, nous avions sollicité la canalisation de la Mandel ; je prie de nouveau le gouvernement de porter sa sérieuse attention sur ce point. (Interruption.)

M. le ministre de l'intérieur me fait remarquer que la question a été étudiée ; je l'en remercie et je compte que nous connaîtrons bientôt le résultat de cette étude.

L'industrie flamande a deux centres de manufacture principaux, deux centres dans lesquels cette industrie s'est le plus développée au point de vue des machines à vapeur ; c'est Gand et Roulers. Cette dernière localité mérite donc, à cet autre point de vue encore, les encouragements du gouvernement.

J'appelle donc sur ce point son attention : j'espère qu'il fera droit â notre juste réclamation et quand viendra la discussion du budget des travaux publics, nous verrons, mes honorables amis et moi, si nous ne devons pas déposer une proposition formelle, car il ne serait pas juste de perpétuer un état de choses contre lequel protestent les règles les plus élémentaires de l'équité et de la justice distributive.

M. Van Leempoel. - Je me permettrai d'appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le chemin de grande communication de Froid-Chapelle à Thuin. Cette voie décrétée depuis longtemps et qui est indispensable à la populeuse et industrieuse commune de Froid Chapelle, qui compte près de 3,000 habitants, raccourcira le trajet au chef-lieu de moitié, c'est-à-dire de près de 20 mille mètres. Ce projet est laissé en suspens depuis plusieurs années. Des propriétaires riverains et voisins ont souscrit des sommes importantes, montant à plusieurs milliers de francs pour son exécution et afin d'y contribuer activement ; la contrée a fait de grands progrès en agriculture et eu instruments perfectionnés, des constructions nombreuses se sont élevées de toutes parts et l'élan ne s'arrête pas, mais il faut impérieusement des communications avec le siège administratif de l'arrondissement. M. le gouverneur du Hainaut, j'aime à le reconnaître, a fait de grands efforts pour les chemins de grande communication et la voirie vicinale en général. J'espère que cette ligne importante obtiendra la continuation de son dévouement à l'exécution de ces puissantes artères de la prospérité publique et que le département de l'intérieur y donnera son concours.

La commune de Sivry, dont Santin est un hameau, est bien en retard dans l'achèvement du chemin empierré vers Eppe-Sauvage (France) ; le conseil communal d'Eppe-Sauvage et les habitants de cette commune prétendent qu'ils n'ont fait leur route vers la frontière belge, qu'à la condition d'être reliés au village de Santin.

Ils prétendent qu'ils ont été trompés ; on ne peut, pour notre honneur, laisser propager ces rumeurs et surtout si elles ont quelque chose de fondé.

M. Muller. - Je ne parlerai à la Chambre ni de ma province, ni de mon arrondissement, ni d'aucune des localités qui peuvent l'intéresser. Je désire seulement lui soumettre quelques considérations qu'on perd, me semble-t-il, un peu de vue.

Ainsi, on s'imagine que le gouvernement distribue ses subsides sans prendre conseil de personne ; on s'imagine que les intéressés n'ont pas des avocats très chaleureux, des défenseurs zélés pour faire valoir leurs droits auprès du gouvernement.

Ne perdons pas de vue, messieurs, que c'est l'administration provinciale, composée de représentants électifs, qui a la direction ou la haute surveillance de la voirie vicinale.

On critique certains chemins de grande communication ; on se plaint de certaines dépenses faites pour la voirie ; mais il y a pourtant en cette matière de sérieuses garanties. En effet, comment procède-t-on ? Tous les ans, nous avons au mois de septembre une assemblée cantonale, à laquelle les chefs d'administration sont convoqués, et l'on y délibère sur les voies de communication auxquelles il importe dans chacune des communes d'affecter les fonds de la voirie. C'est ainsi que l'on procède d'après l'esprit de la loi et d'après les règlements qui en ont déterminé l'exécution. C'est ainsi, du moins, que cela se pratique dans la province de Liège, et si ce système de garantie n'existait pas dans d'autres, je les engagerais instamment à suivre cet exemple. Les règlements doivent avoir été, je le suppose, calqués sur le modèle qui avait été élaboré par le gouvernement, de sorte qu'ils ne doivent pas offrir de bien grandes différences.

M. Coomans. - Cela n'existe pas dans la province d'Anvers.

M. Vander Donckt. - Ni dans la Flandre occidentale.

M. Muller. - Vous ne trouverez donc pas mes observations inutiles, puisque je vous indique une amélioration à introduire.

Maintenant, abstraction faite de ce point, comment procède-t-on pour décréter un chemin de grande vicinalité ? Sous ce rapport les règles sont uniformes : on recourt à des enquêtes ; on entend les administrations communales intéressées, on discute les plans dressés par les agents voyers, et c'est la députation qui décrète la construction de la voie, sauf l'approbation du gouvernement.

Voilà, messieurs, quant à la direction de ces chemins.

Quoique je reconnusse la justesse de quelques observations présentées par l'honorable M. Coomans, au fond je ne crains pas qu'elles soient perdues de vue par les administrations communales et provinciales. Les administrations communales sentent elles-mêmes l'intérêt de se relier aux stations de chemin de fer qui sont établies ; elles demandent, en prenant l'initiative, que des chemins de grande communication soient construits dans ces directions, et dans la province de Liège nous en avons eu plusieurs construits à la requête même des administrations communales.

Quant à la répartition des subsides, voici, si ma mémoire ne me trompe pas, comment les choses se passent. Le gouvernement, après avoir examiné l'ensemble des demandes des provinces, fait savoir aux administrations provinciales qu'il pourra consacrer une somme approximative de.....pour être affectée aux chemins vicinaux de la province.

(page 636) La députation lui fait ensuite ses propositions de répartition détaillées et motivées. Et à ce propos, il faut qu'on s'explique sur ce qu'on appelle une commune pauvre. Il y a des communes dites pauvres, en ce sens qu'elles viennent vous montrer leurs budgets et leurs comptes et vous dire : Nous n'avons rien pour exécuter tel ou tel travail de voirie vicinale, mais ces communes, prétendument dénuées de ressources, ne le sont que parce qu'elles refusent obstinément de s'imposer au-delà du minimum des prescriptions de la loi pour l'amélioration de leurs chemins. Pour apprécier donc si une commune est réellement dans la gêne ou si elle ne l'est pas, il faut apprécier l'ensemble de ses ressources, de son budget, de ses comptes, des cotisations personnelles, des terrains et propriétés qu'elle peut posséder. Et, messieurs, je crois pouvoir déclarer que partout les députations permanentes se livrent à ce travail consciencieusement lorsqu'il s'agit de procéder à la répartition des subsides.

Il ne faut pas croire qu'il y ait une quotité fixe, déterminée, proportionnellement invariable, pour qu'une commune ait droit aux subsides de la province et de l'Etat.

On prend en considération son état de fortune tel que je viens de l'expliquer.

Maintenant, ce que font, en cette circonstance, et l'administration provinciale et le gouvernement, ce sont des actes d'équité, de bonne foi, tels qu'en poseraient de bons pères de famille.

Vouloir limiter l'action du gouvernement d'une manière absolue quant aux chiffres de répartition ce serait, de la part de la législature, faire de l'administration, et de la très mauvaise administration, parce que vous n'êtes pas en état de tenir compte de ces mille et une circonstances qui se présentent à propos de chaque affaire.

Voilà, messieurs, les observations que j'avais ù présenter.

Quant aux tableaux sur lesquels l'honorable M. Nélis a étayé ses moyennes, tendant à démontrer des inégalités de répartitions de subsides entre les provinces, il y a aussi une observation qui ne doit pas vous échapper. Il importe, pour apprécier ces tableaux, de voir quelles sont en réalité les charges que se sont imposées les communes.

J'ai pu remarquer que généralement les prestations en nature sont évaluées à un taux exagéré. Sous ce rapport, il faut quelque peu rabattre des chiffres qui sont énoncés dans la colonne où elles figurent.

La base la plus sûre pour apprécier si une commune est pauvre ou riche, si elle fait de très grands sacrifices ou si elle en fait d'insuffisants, c'est surtout le contingent qu'elle vote en argent, non pas que l'autre ne doive être pris en sérieuse considération, mais il est sujet à réduction.

Je ne pourrais pas, messieurs, abonder dans le sens des observations présentées par l'honorable M. Nélis, en ce qu'il voudrait l'établissement d'une caisse centrale par province, dans laquelle les communes se prêteraient mutuellement, les unes payant des intérêts, les autres en recevant. Je ne crois pas qu'il y aurait à ce système grand avantage, et je ne suis pas convaincu qu'il soit d'une réalisation facile. Il présenterait même une complication que l'on n'a pas aujourd'hui.

Je n'admets pas davantage qu'il faille centraliser entre les mains du gouvernement le régime de la voirie vicinale, qu'il faille des agents relevant directement de lui et que l'on doive enlever tant aux communes qu'aux députations permanentes les attributions qui leur appartiennent aujourd'hui de ce chef.

Nous avons fait beaucoup depuis 1841. On se plaint parce qu'on est pressé de jouir, et cela se conçoit. Mais si l'on mesure, et l'espace que l'on a parcouru et le bien-être que l'on a obtenu, on reconnaîtra que ce dernier est inappréciable.

Toutefois, j'attirerai sérieusement l'attention du gouvernement sur la nécessité de veiller à ce que ces bienfaits que nous possédons ne soient pas perdus. Je pense qu'il y a une mesure législative à prendre en ce qui concerne l'entretien des chemins vicinaux ; que notamment pour les chemins de grande communication, il faudrait une direction uniforme pour l'entretien; qu'on ne peut pas laisser, comme cela existe aujourd'hui d'après la loi, le soin de leur réparation aux communes dont plusieurs manquent trop souvent de sollicitude.

Avec les formalités qu'il faut remplir, d'après le régime actuel, pour opérer de petites réparations d'office, il y a réellement préjudice pour l'entretien de la voirie vicinale, et je me demande si un système d'abonnement à régler par les députations ne serait pas préférable. Une petite détérioration survient à tel endroit ; la commune fait acte de négligence ; il faut des mois avant que la réparation soit faite et la dépense, qui d'abord n'aurait été que de 50 fr., s'élève, le mal s'empirant, jusqu'à 300 ou 500 fr.

Je ne précise pas davantage ce qu'il y aurait à faire sous ce rapport. Mais évidemment la législation actuelle laisse une lacune qu'il importe de combler pour que le bien qu'on a produit ne soit pas détruit d'ici à quelques années.

M. de Theux. - Si nous devions discuter tous les principes qui doivent servir de guide au gouvernement et aux provinces pour la répartition des subsides destinés à l'amélioration des chemins vicinaux, nous pourrions y consacrer plusieurs séances ; car c'est une question très compliquée. Mais je pense que depuis le vote de la loi sur les chemins vicinaux, depuis que le gouvernement et les provinces allouent des subsides pour la construction et l'entretien des chemins vicinaux, l'administration doit être suffisamment éclairée sur la meilleure marche à suivre.

Cette marche, d'ailleurs, varie souvent suivant les provinces et les localités.

Dans la province de Limbourg, par exemple, on a adopté pour système de s'occuper d’abord des chemins de grande communication. C'est à ceux-là qu'on a donné en général la préférence, parce qu'ils servent d'artères à d'autres chemins qui doivent être construits ultérieurement et venir s'y rattacher.

Cependant on n'a pas suivi ce système d'une manière absolue, pas plus que dans la province de Brabant, où l'administration semble s'être surtout attachée à réparer dans chaque commune les parties les plus défectueuses des chemins, notamment dans le centre des communes. C'est un moyen d'intéresser presque simultanément toutes les communes à faire des travaux. Sous ce rapport, il y avait avantage dans le système adopté par l'administration provinciale du Brabant.

Mais un principe qui semble ne pas devoir être négligé, c'est de rattacher tous les chemins vicinaux à quelque grande communication déjà existante, non seulement à des chemins de fer, mais à des canaux, à des routes et à d'autres chemins vicinaux. Vient ensuite la plus grande utilité des chemins au point de vue agricole et commerciale, et puis les ressources dont les communes peuvent disposer.

Je ne veux pas m'étendre sur ces matières ; comme je l'ai dit, cela exigerait plusieurs séances de discussion. Je me bornerai à recommander à M. le ministre de l'intérieur de prendre sur le crédit de 2 millions la part la plus considérable pour les chemins vicinaux. Les travaux de salubrité sont certainement utiles, mais il est difficile de faire des crédits que l'on y affecte une répartition aussi équitable, aussi généralement utile que celle du crédit que l'on affecte aux chemins vicinaux.

Ensuite, pour les travaux de salubrité, l'administration supérieure est souvent mal renseignée. On a vu souvent recommander comme travaux de grande utilité au point de vue de la salubrité, des travaux qui, de l'aveu de beaucoup de personnes, n'avaient pas un caractère important.

J'engage M. le ministre de l'intérieur à se faire bien renseigner sur les demandes de ce genre qui lui seraient adressées pour que les fonds soient bien appliqués, mais surtout, je le répète, à employer la plus grande partie du crédit à la construction des chemins vicinaux.

- La séance est levée à quatre heures trois quarts.