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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 2 décembre 1859

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859-1860)

(page 131) (Présidence de M. Orts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Moor, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Boe, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Moor, secrétaire, présente l'analyse des pétitions suivantes.

« Le sieur Sepulchre, administrateur délégué de la société anonyme de Vezîn-Aulnoy, présente des observations contre la pétition des maîtres dé forge demandant le retrait de la loi du 2 août 1856, qui permet la sortie de certains minerais de fer. »

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.


« Plusieurs habitants de Bruxelles présentent des observations contre les dépositions du Code pénal relatives aux coalitions. »

« Même demande d'un grand nombre d'habitants de Gand. »

- Renvoi à la commission du Code pénal.

Composition des bureaux de section

Les sections de décembre se sont constituées comme suit :

Première section

Président : M. Faignart

Vice-président : M. Nothomb

Secrétaire : M. Hymans

Rapporteur de pétitions : M. Thienpont


Deuxième section

Président : M. Savart

Vice-président : M. Goblet

Secrétaire : M. J. Jouret

Rapporteur de pétitions : M. de Lexhy


Troisième section

Président : M. Deliége

Vice-président : M. David

Secrétaire : M. de Moor

Rapporteur de pétitions : M. Vander Donckt


Quatrième section

Président : M. Sabatier

Vice-président : M. de Paul

Secrétaire : M. Frison

Rapporteur de pétitions : M. Julliot


Cinquième section

Président : M. M. Jouret

Vice-président : M. Nélis

Secrétaire : M. Royer de Behr

Rapporteur de pétitions : M. Jamar


Sixième section

Président : M. de Liedekerke

Vice-président : M. d’Ursel

Secrétaire : M. Snoy

Rapporteur de pétitions : M. Van Overloop

Projet de loi portant le budget du ministère de la justice de l’exercice 1860

Discussion du tableau des crédits

Chapitre Ier. Administration centrale

Articles 1 à 5

« Art. 1er. Traitement du Ministre : fr. 21,000. »

- Adopté.


« Art. 2. Traitement des fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 200,800. »

- Adopté.


« Art. 3. Matériel : fr. 26,000. »

- Adopté.


« Art. 4. Frais d'impression de recueils statistiques : fr. 6,000. »

- Adopté.


« Art. 5. Frais de route et de séjour : fr. 6,000. »

Chapitre II. Ordre judiciaire

Article 6

« Art. 6. Cour de cassation. Personnel. Charges ordinaires : fr. 215,600.

« Charges extraordinaires : fr. 3,500. »

M. Julliot. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour émettre quelques considérations à propos du chapitre II.

Au chapitre II, la section centrale a posé à M. le ministre de la justice la question suivante :

« Quels moyens le gouvernement compte-t-il prendre pour remédier à l'abus que présente le maintien en fonction des magistrats que l'âge et les infirmités rendent impropres au service ? Cet abus existe dès maintenant. »

Cette question a été soulevée par moi dans ma section, et je suis heureux «te voir que la section centrale y a donné suite. Je faisais partie de la section centrale, mais une indisposition m'a empêché d'assister à ses séances.

Je trouve la réponse de l'honorable ministre satisfaisante quant au fond ; elle est réservée et je comprends que le gouvernement ne peut trancher des questions aussitôt qu'elles se présentent.

Je vais donc développer en peu de mots l'idée, que j'ai émise en section.

De toutes les institutions sociales, une bonne administration de la justice est la principale, elle, est la plus indispensable ; la justice et la police sont les pierres angulaires d'une société, et de tout temps on a pu juger du degré de civilisation d'un peuple par le plus ou moins de perfection dans sa justice et sa police.

Que le gouvernement se préoccupe de faire progresser les sciences et les arts, l'industrie et le commerce, je n'y vois que du bien, à condition cependant qu'il ne s'adresse pas trop à l'impôt de tous pour faire du bien à quelques-uns.

Mais qu'il s'attache surtout à perfectionner autant que possible la distribution d'une bonne justice forte et impartiale.

Quand ou a décrété l'inamovibilité des juges, on a voulu les soustraire à l’action du gouvernement, et on a bien fait. Mais quand on a inféré de la loi qu'on avait créé des magistrats à vie, de manière que le gouvernement n'eût pas le droit de les mettre d'office à la pension quel que fût leur âge et leurs infirmités, on a dépassé le but.

C'est ainsi qu'on a soulevé la question constitutionnelle, que des scrupules en sont nés et qu'on est arrivé à donner plus de garantie au public par l'inamovibilité, en même temps qu'où a amoindri la garantie par la demeure, tardive, en place d'hommes les plus honorables, mais décrépits et n’étant plus à la hauteur de leur mission.

La loi, à côté d'un crédit, a inscrit un débit pour le public ; je désire voir renforcer le crédit et faire disparaître le débit. Voilà ma pensée.

Car, j'ai connu un conseiller à une cour qui soutenait qu'il devait rester sur son siège jusqu'au dernier souffle de sa vie, sous peine d'être un mauvais citoyen ; que s'il demandait sa pension il violait la Constitution.

Ce qui me semble prouver que ce conseiller aurait dû quitter son siège depuis longtemps, et d'autres cas pareils se présenteront.

Selon moi, il y a deux choses à faire pour imprimer un progrès réel à la distribution de la justice :

1° Conserver à tous les magistrats âgés de 70 ans révolus, le titre qu'ils ont dans l'activité de leurs fonctions et leur accorder l'éméritat, c'est-à-dire, leur traitement tout entier, mais les dispenser de siéger et ne plus les comprendre dans la composition des chambres.

Il me semble évident qu'une pareille loi concilierait les scrupules de ceux qui en ont, et je n'en suis pas, avec les intérêts d'une bonne justice, car le magistrat resterait ce qu'il est à vie et le public échapperait à la nuisance d'être jugé par des hommes dont la force d'esprit pourrait être mise en doute.

D'autre part il se trouve souvent des jurisconsultes des plus capables qui après quinze ou vingt ans de travail laborieux voudraient offrir leur talent au service d'un parquet, mais qui en sont empêchés par la perspective d'une chétive pension au bout de leur carrière.

Or, dans l'espoir d'attirer dans la magistrature des hommes de grand talent, mais fatigués des travaux de leur cabinet, je voudrais inscrire dans la loi, pour cette catégorie de magistrats, qu'à ceux qui entrent dans le ministère public après l'âge de 35 ans, il sera compté dix ans de plus pour la liquidation de leur pension.

Messieurs, j'ai la conviction que ces deux combinaisons organiques présenteraient une grande amélioration dans la justice du pays, et au poiut de vue financier le sacrifice à faire est si peu important que nul de vous ne s'y arrêterait.

Vous allez le voir.

A la cour de cassation il y a 6 magistrats dépassant l'âge de 70 ans.

Dans les 3 cours d'appel il n'en est que 7.

Dans les tribunaux réunis il y en a 9.

Et parmi les 204 juges de paix, il s'en trouve 24 qui ont dépassé l'âge mentionné.

Or, en admettant que les magistrats pour la plupart conservent leur siège jusqu'au moment où ils ont droit aux 3/4 de leur traitement sous (page 132) forme de pension, il en résulterait, dans l’état actuel des choses, un surcroît de dépense pour la cour de cassation de 18,000 fr., pour les cours d'appel de 10,500 fr., pour les tribunaux de première instance de 7,875 fr. et pour les juges de paix, en évaluant leur traitement et leurs émoluments combinés à une moyenne de 2,500 fr., la somme de 15,000 fr. Formant un total de 51,375 fr.

Ces calculs sont exacts.

Or, cette somme modique peut être trouvée sans aggravation de dépense, car je suppose qu'on pourrait annuellement la prendre en réduisant un peu du luxe que l'on met dans la construction de nos prisons.

Selon moi, c’est déjà trop qu'alors que le juge fait ses courses à pied, le coquin est transporté en voiture sur des ressorts moelleux et trouve en sortant de l'audience l'occasion d'éclabousser son juge s'il est mécontent de ses arrêts. Il n'est donc pas nécessaire en sus, que le second habite un hôtel de forme romane ou gothique alors que le premier souvent se contente d'une sombre et triste demeure.

Cette amélioration dans la position de la magistrature, assez mai rétribuée pour la mission qui lui est confite, surtout en ce qui concerne les juges de paix, serait un grand bien pour l'administration de la justice.

Et pour complément nous avons une magistrature qui apprécie le dépôt sacré qui lui est confié, elle évite de mettre sa robe en contact avec les passions populaires qu'elle est appelée à réprimer.

Elle conserve avec soin ce caractère neutre et impartial qui fait son honneur et sa force.

Elle se refuse à se jeter dans ces mêlées passionnées où l'on trouve, dit-on, des corrupteurs et des corrompus, de crainte d'être confondue avec les uns ou avec les autres.

Et si un jour, ce qui ne sera pas, il en était autrement, le principe de l'inamovibilité exhiberait une plaie dont on ne se doutait pas quand on l'a décrété, on aurait remplacé la pression d'en haut par la pression d'en bas, plus mauvaise encore, car alors toute responsabilité disparaît.

Dans cette situation qui n'est pas à prévoir, beaucoup de partisans de l'inamovibilité déserteraient ce principe parce qu'elle créerait une vénalité nouvelle où l’on vendrait la justice non pas contre écus, comme au Maroc, mais contre des complaisances et des services politiques. Mais je répète que cela ne sera jamais parce que l'opinion publique en ferait justice.

M. le ministre, qui tient à cœur de renforcer la justice, saura s'il convient qu'il émette son appréciation sur chacune de ces considérations dans l'intérêt de la cause même que je plaide.

Quand on a la conscience de bien faire, on ne doit pas trop tarder. Car les jours se suivent et les vies ministérielles ne sont pas démesurément longues. Un examen approfondi de ces questions me semble très désirable. J'ai dit.

- L'article 6 est mis aux voix et adopté.

Article 7

« Art. 7. Cour de cassation. Matériel : fr. 5,250.

« Charges extraordinaires : fr. 500. »

- Adopté.

Article 8

« Art. 8. Cours d'appel. Personnel : fr. 595,000.

« Charges extraordinaires : fr. 16,000. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Le chiffre des charges extraordinaires, qui est de 16,000 fr., peut être réduit à 10,000 fr., par suite de la mise à la retraite d'un conseiller de la cour d'appel de Gand.

- L'article 8 ainsi modifié, est mis aux voix et adopté.

Article 9

« Art, 9. Cours d'appel. Matériel : fr. 18,000.

« Charges extraordinaires : fr. 14,000. »

- Adopté.

Article 10

« Art. 10. Tribunaux de première instance et de commerce : fr. 1,122,410.

« Charge extraordinaire : fr. 14,316 »

M. Lebeauµ. - Messieurs, si j'avais à présenter, dans une discussion de ce genre, la défense de quelques intérêts purement locaux, j'aurais peut-être de la répugnance à interrompre pour cela une discussion de budget.

Il y aurait cependant une véritable faiblesse à déserter la défense d'un intérêt local, quand on le croit légitime et qu'on reconnaît son importance. Le législateur constituant, en fractionnant l'élection par arrondissements administratifs, nous a enseigné, par cela même, que pour remplir convenablement le mandat qui nous est confié, nous devions être initiés à la connaissance des intérêts mêmes que l'on cherche quelquefois ici à rabaisser en les appelant des intérêts de clocher.

Les intérêts locaux, pris dans leur ensemble, constituent en réalité l'intérêt général, quand surtout ils se rattachent à un important service public.

C'est par ces motifs que je viens présenter quelques réflexions à la Chambre et surtout à M. le ministre de la justice, sur la position qui est faite à une partie très intéressante de la magistrature.

Les membres des tribunaux de la quatrième classe se trouvent aujourd'hui, par rapport à leur traitement, dans une situation qui est devenue intolérable. Obéissant à un esprit de réaction, naturel dans les premiers temps d'une révolution, on avait fixé, lors de la première organisation judiciaire, les traitements de notre magistrature avec une parcimonie dont une expérience assez courte fait apercevoir les inconvénients.

Aussi, dès la discussion même de la loi de 1832, qui fixait les traitements de l'ordre judiciaire, comme à peu près tous les services public-, sous la pression de cet esprit de réaction dont je parle, des protestations s'étaient produites dans cette Chambre contre la parcimonie avec laquelle on rétribuait les membres de l’ordre judiciaire.

D'année en année des réclamations se sont élevées, et enfin en 1845, treize ans après la première organisation, on a fait partiellement droit aux réclamations ; l'on a, par une loi, élevé de 350 fr. le traitement si modique des juges de première instance (4ème classe).

Treize ans se sont donc écoulés avant qu'on fît droit à des réclamations qui s'étaient élevées dès le lendemain même de la fixation des premiers traitements.

Il s'est écoulé quinze autres années depuis qu'on a augmenté dans une proportion modeste les traitements des juges de première instance (4ème classe). Si, après une période de treize ans d'essai, on s'est résolu à augmenter les traitements de la magistrature, aujourd'hui, que depuis ce premier acte, il s'est écoulé quinze autres années, il y a, messieurs, de plus fortes raisons pour prendre de nouveau en sérieuse considération la situation des magistrats de cette catégorie.

La décroissance de la valeur monétaire fut un des principaux arguments qu'on mit en avant pour appuyer la première demande d'augmentation des traitements tels qu'ils avaient été fixés en 1832. Eh bien ; messieurs, cette seule considération pèse aujourd'hui du même poids pour prescrire une nouvelle augmentation du traitement des juges de la 4ème classe. Car cette dépréciation monétaire, loin de s'arrêter, n'a fait que s'accroître.

Je pense que cette dépréciation a été plus considérable depuis 1845 jusqu'aujourd'hui qu'elle ne l'avait été de 1832 à 1845 ; de sorte que cette raison, qui a exercé une assez grande influence sur les délibérations de la Chambre, s'est fortifiée aujourd'hui d'une manière tellement évidente, qu'il est inutile d'insister là-dessus.

Je ne me dissimule pas, messieurs, que le budget de l'ordre judiciaire peut paraître déjà assez considérable. Il constitue déjà une charge assez lourde pour les contribuables. Mais cela tient beaucoup moins à la quotité du traitement qu'au système en lui-même, qui exige, à la différence de certains pays, un personnel extrêmement nombreux. C'est le système français, et je crois qu'on aurait mauvaise grâce à chercher à en introduire un autre en Belgique ; je crois que les mœurs et la situation sociale de notre pays rendent impossible toute constitution de l'ordre judiciaire qui se rapprocherait plus ou moins de la constitution de l'ordre judiciaire anglais.

C'est donc le système français, avec quelques modifications, qui est réellement approprié aux mœurs et à la situation sociale de la Belgique. Eh bien, ce système est cher ; il est cher par le nombreux personnel qui constitue, en Belgique, l'ordre judiciaire.

On a cherché à faire réduire le chiffre de ce personnel. On y a réussi sans alléger de beaucoup le fardeau qui pèse sur la Belgique du chef de la rémunération de l'ordre judiciaire. Mais, messieurs, ce remède, on n'en veut même plus. On proteste aujourd'hui contre la réduction du personnel, et la Chambre est saisie d'une proposition qui aurait pour résultat de revenir au système qui a précédé la dernière loi d'organisation.

Je crois donc qu'on ne peut venir demander de se rapprocher quelque peu du système anglais, alors que tout diffère si profondément dans la constitution sociale des deux pays, et que, loin de pouvoir diminuer le personnel de la magistrature, nous serons très probablement sollicités de plusieurs parts à l'augmenter.

J'ai sous les yeux (elle reste déposée sur le bureau) une pétition qui a été rédigée par les membres du tribunal de l'arrondissement qui m'a fait l'honneur de m'envoyer dans cette Chambre. Cette pétition est appuyée d'une autorité moins intéressée dans le débat, l'administration communale de qui j'ai reçu une déclaration dign .de toute confiance, que je crois devoir aussi mettre sous vos yeux.

Ces deux documents contiennent, je dois le dire, des renseignements dignes de toute confiance. Comme ils sont assez étendus et que l'un de ces documents appartient déjà à la Chambre, je lui demanderai la permission, pour épargner ses moments, d'insérer ces documents aux Annales parlementaires.

La seule objection que l'on pourrait faire contre la suppression de la 4ème classe, c'est qu'elle entraînerait la rupture de l'équilibre qu'on a cru établir par la division en quatre classes.

La crainte de cette rupture ne me paraît pas devoir arrêter la Chambre, s'il est démontré que le minimum est aujourd'hui devenu absolument insuffisant par suite de la progression constante, évidente, que personne ne nie, du prix de presque toutes les choses nécessaires à la vie. Car enfin, messieurs, il s'agit d'un minimum ; or, il est évident que le minimum qui pouvait se justifier il y a 13 ans, ne peut plus se justifier aujourd'hui, en présence, je le répète, de l'accroissement visible du prix des objets les plus strictement nécessaires à la vie.

Remarquez, messieurs, que tout à enchéri dans les villes de second et de troisième ordre, comme dans les grandes villes.

Cela est vrai surtout pour les familles de magistrats qui sont soumises dans les petites villes, où elles sont des notabilités, à des exigences auxquelles elles échappent dans uns grandes cités. Il y a aussi pour les magistrats qui habitent les grandes villes des page 133) compensations qui n'existent point pour la magistrature qui habite les petites villes. Dans les grandes villes il y a des moyens d'éducation qui n'exsitent point dans les petites.

Dans les grandes cités les magistrats peuvent envoyer leurs enfants sans déplacement, dans les universités, dans d'excellents athénées. Dans les petites villes, il n'y a rien de semblable ; les magistrats sont obligés d'envoyer leurs enfants dans les villes où il existe soit des universités, soit des athénées constitués sur de larges bases.

Il y a donc de ce chef des charges toutes spéciales pour les familles des magistrats qui n'habitent pas des villes de premier ou de second ordre.

II est certain que, sous le rapport de l'éducation des jeunes gens, il y a un avantage marqué pour les magistrats qui habitent la plupart des grandes villes, Bruxelles, Anvers, Gand, Liége, Bruges, Louvain, Mons. etc. Il y a ceci d'évident, c'est que, dans une petite ville, si le magistrat n'a pas une fortune personnelle, il lui est impossible de vivre de son traitement, c'est-à-dire de faire face au plus impérieux de ses devoirs, celui de donner une solide éducation à ses enfants.

Cela lui est impossible ; cela lui serait tout au plus possible, si dans ces localités le magistrat se condamnait systématiquement au célibat : ce qui assurément n'est pas le but des lois que vous avez votées et qui constituent l'organisation judiciaire.

J'appelle donc la sérieuse attention de M. le ministre de la justice sur la position des magistrats de l'ordre judiciaire du quatrième degré ; je l'engage à vouloir bien examiner mûrement la question de savoir si, sans rompre d'une manière notable l'équilibre qu'a voulu établir la loi de 1845, il lui est possible d'améliorer la position des tribunaux de la quatrième classe, en les faisant passer dans la troisième, si nul autre moyen ne paraît plus juste et plus pratique.

Messieurs, ce je que demande aurait pour résultat matériel, l'énorme allocation au budget, d'environ 15,000 fr. de plus, c'est-à dire l'intérêt annuel d'un des plus minces travaux publics que vous avez votés naguère ou que vous vous disposez vraisemblablement à voter bientôt.

Je désire beaucoup que dans des questions de cette nature, l'initiative ministérielle vienne, avant tout, se produire ; parce qu'il est plus facile à un ministre, qui voit l'ensemble des intérêts qu'il a mission de défendre, de formuler une semblable proposition, qu'à un membre de la Chambre. Il est moins exposé que nous à n'embrasser qu'une partie de la question, à se laisser influencer, soit par des considérations locales, soit en appréciant d'une manière moins large que nous l'ensemble de la situation à laquelle il s'agit d'apporter des réformes salutaires.

Si toutefois M. le ministre de la justice ne croyait pas pouvoir, dans un délai moral, prendre une initiative qui, je pense, doit être dans ses intentions, ou du moins dans ses dispositions, je verrais alors à m'entendre avec quelques honorables collègues qui ont des intérêts analogues à défendre, pour user de notre devoir d'initiative et pour présenter en commun une proposition à la Chambre.

(page 134) M. Rodenbach. - Messieurs, je sais que la magistrature en Belgique n'est pas trop payée. Si toutefois nous comparons les traitements des membres de nos tribunaux de première instance et des cours d'appel, aux traitements dont jouissent les magistrats du même ordre en France, je pense que, proportion gardée, nous trouverons que la somme totale est plus considérable en Belgique qu'en France. Je ne prétends pas pour cela que la rémunération de la magistrature belge soit exagérée.

Mais, messieurs, j'entends rarement le mot « économie » dans cette enceinte. Le budget de la justice pour 1859 ne s'élevait qu'à 12,500,000 francs ; le budget pour 1860 s'élève à la somme de 13,200,000 francs, augmentation de 700,000 fr. (chiffre rond).

Je remarque qu'il y a une majoration de 80,000 fr. pour le traitement du personnel des tribunaux de première instance.

Il y a, pour les frais de justice de toute espèce, une autre augmentation de 80 mille francs. Je crois que le moment n'est pas opportun pour proposer une nouvelle élévation de traitement quand déjà le budget présente une augmentation de 700 mille francs. Au reste l'honorable M. Lebeau n'a pas fait de proposition ; c'est une idée qu'il a jetée en avant.

Je dirai à cet égard à M. le ministre qu'il doit être circonspect.

Puisque j'ai la parole et qu'il est question de frais de justice, je dirai que je suis étonné que ces frais aillent toujours en augmentant. Il paraît que le nombre des délits s'accroît en Belgique ; on a fait d’immenses frais dans les prisons, «n a créé des maisons cellulaires, on a employé tous les moyens d'amélioration, il paraît que cela n'aboutit pas.

J'ai jeté un coup d'œil sur ce qui se passe en France.

J'ai trouvé que les crimes et les délits en général y augmentent, que les délits de filouterie surtout arrivent à un chiffre assez considérable ; mais pour les grands crimes, le nombre diminue. Je vois le contraire en Belgique.

J'ai encore deux mots à dire, une recommandation à faire à M. le ministre sur un autre objet : on charge les gardes champêtres de porter les avis pour comparaître devant les tribunaux ; ces avis sont rédigés en langue française, même dans nos Flandres ; ou pourrait les faire en flamand pour le pays flamand, où beaucoup d'habitants ne connaissent pas le français.

J'attire l'attention de M. le ministre principalement sur ce que j'ai dit pour l'engager à faire beaucoup d'économies et à ne pas songer constamment à des augmentations : La parcimonie bien comprise est une qualité, l'économie doit être une de nos principales vertus. En Belgique, le pays est petit, nous avons d'immenses frais à supporter, il s'agit donc d'être très économe.

M. Vermeire. - Ce serait une mauvaise économie que de vouloir diminuer les traitements des magistrats. Il y a une question d'équité d'un ordre élevé à résoudre, celle de savoir si ceux qui doivent administrer la justice sont en position de le faire avec toute l'impartialité qui doit caractériser leur action.

Il est certain que si dans certains tribunaux les juges ne sont pas suffisamment rétribués pour donner une éducation convenable à leurs enfants et tenir le rang qui leur appartient, la justice perd le prestige dont elle doit, en toute circonstance, être entourée.

Quant à moi, par les considérations si bien développées par l'honorable M. Lebeau, j'engagerai M. le ministre à examiner si sous te rapport il n'y a pas quelque chose à faire et s'il n'a pas à nous faire des propositions dans ce sens.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - La question soulevée par l'honorable M. Lebeau pourra, je pense, être convenablement discutée quand la Chambre aura à s'occuper du projet de loi d'organisation judiciaire, qui sera présenté prochainement. Ce sera là la place d'examiner toutes les questions qui se rattachent à la classification des tribunaux et aux traitements des membres de l'ordre judiciaire.

L'honorable M. Rodenbach, à l’encontre de ce qu'avaient demandé avant lui M. Lebeau et après lui M. Vermeire, recommande au gouvernement beaucoup d'économie, même de la parcimonie ; cela vous prouve combien il est difficile au gouvernement de contenter les uns et les autres.

L’honorable membre pense que le moment serait mal choisi pour proposer une augmentation au budget, parce qu'il contient déjà une augmentation de 700,000 fr. Je lui répondrai que cette augmentation n'est que nominale, apparente.

La Chambre, à toutes les époques, a recommandé au gouvernement d’éviter les demandes de crédits supplémentaires. C’est pour éviter ces demandes que le budget a été augmenté ; les sommes qui y sont comprises aujourd’hui n’ont pas moins été payées les années précédentes sous forme de crédits supplémentaires, au lieu de l’être sur les crédits ordinaires du budget. Au reste, il y a des dépenses qui ne sont véritablement que momentanées.

La dépense la plus forte est une somme demandée pour la construction de l’église de Laeken ; elle est de 450,000 francs. Pour le surplus, comment le chiffre se décompose-t-il ?

D’abord, il y a 80,000 francs demandés pour payer différents membres de la magistrature nommés par suite de la loi qui a augmenté le personnel de différents tribunaux.

La Chambre se rappelle que cédant aux réclamations de divers arrondissements, de Liège, de Dinant, de Charleroi, de Termonde, la législature a augmenté tous ces tribunaux d’une chambre ; qu'il en a été de même de la cour d'appel de Liège.

La conséquence naturelle, inévitable de cette résolution était l'augmentation du budget. Cette augmentation était donc indépendante de la volonté du ministre, puisque c'est le résultat de dispositions votées par la Chambre elle-même. Quant aux autres augmentations, on est venu tous les ans demander des crédits supplémentaires pour les payer.

D'autres dépenses qu'il ne dépend pas du gouvernement de réduire, ce sont les frais en matière répressive qui ont pour objet la sûreté de la société.

M. Rodenbach. - La criminalité augmente en Belgique.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est une erreur ; et avant de venir affirmer devant la Chambre des faits d'une semblable gravité, il faudrait s'entourer de renseignements certains. Les frais de police judiciaire augmentent, cela est vrai ; mais c'est que tous les jours la recherche, la poursuite des délits se fait avec plus de soin, et que tous les jours vous élevez à la hauteur des délits, des faits qui jusque-là n'étaient pas incriminés.

Tout cela augmente les dépenses et ne peut pas servir à apprécier quelle est la moralité du pays, si la criminalité augmente ou n'augmente pas. Ce qui prouve au surplus que la criminalité n'augmente pas, c'est qu'au 1er novembre dernier la population des prisons était inférieure à ce qu'elle était depuis 1839.

Le 1er novembre dernier, la population de nos prisons était de 6,180 individus. Eh bien, je dois remonter, pour trouver une population plus faible, jusqu'en 1838 où elle était de 6,104 individus. En 1839, elle était, de 6,200 ; et depuis lors, elle a été en augmentant. Ce n'est que depuis trois ans qu'elle va de nouveau en diminuant quoique la population du pays augmente au point que le nombre des représentants qui était, il y a à peu près 20 ans, après la séparation du territoire, de 95, est aujourd’hui de 116. Je crois que c'est là une preuve évidente que la criminalité n'augmente pas. C'est une réponse péremptoire, je crois, à ce qu'a dit l'honorable M. Rodenbach.

L'honorable M. Rodenbach a fait une observation relativement aux avertissements que sont portés par les gardes champêtres, précisément pour éviter les frais de justice. Il nous dit que ces avertissements sont imprimés en français. Je veillerai à ce que cela soit changé. Il aura suffi de me signaler ce fait, pour qu'il soit fait droit à cette réclamation.

M. Rodenbach. - Dans le rapport de la section centrale, on voit que M. le ministre du la justice lui-même a répondu que les affaires criminelles, correctionnelles et de police augmentent d'année en année. . Ce sont les propres expressions de M. le ministre ; je me suis borné à les reproduire ; j'ai cru que nous pouvions nous fier aux renseignements qu'il nous avait lui-même donnés. Du reste le fait ne me paraît pas pouvoir être nié, puisqu'on nous demande pour frais de justice une augmentation de 80,000 francs.

M. le ministre de la justice nous dit qu'il veut éviter les crédits supplémentaires. Je suis charmé d'apprendre qu'on ne nous en demandera plus. Souvent on nous a fait des promesses à cet égard ; j'espère que cette fois on tiendra parole.

Quant à ce qu'on dit que j'aurais demandé la réduction des traitements de la magistrature, cela n'est pas exact. J'ai dit que la magistrature n'était pas trop payer, mais qu'on ne pouvait augmenter sans cesse les traitements. On a parlé des tribunaux de 4ème classe. Les juges de ces tribunaux ont, je crois, 2,800 fr. et le président 4,200. Ces traitements sont plus forts qu'en France. Je n'ai pas les documents pour le prouver, mais j'en suis convaincu. M. le ministre doit savoir lui-même que la magistrature est mieux rétribuée en Belgique qu’en France.

On est d'accord que les jugements sont bien mieux rendus dans notre pays et que nous avons des magistrats intègres et capables. La justice fonctionne bien, pourquoi vouloir dans ce moment des modifications ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je suis parfaitement d'accord que notre magistrature est parfaitement intègre, parfaitement honorable. Mais cela n'empêche pas qu'il y ait dans la vie des nécessités, des besoins et qu'à mon avis, le gouvernement doit toujours chercher à mettre les traitements des fonctionnaires à la hauteur de ces besoins.

Maintenant deux mots de réponse à l'honorable M. Rodenbach sur un autre point.

Si l'honorable M. Rodenbach s'était contenté de dire que le nombre des affaires criminelles, correctionnelles et de simple police augmentait, e ne l'aurais pas contredit. Mais il a fait une distinction entre les affaires de simple police et les affaires criminelles. Il a dit que la criminalité augmentait.

M. Rodenbach. - C'était une interruption, cela ne se trouvait pas dans mon discours.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Pardonnez-moi, cela s'y trouvait.

(page 135) Vous avez parlé de la France ; vous avez dit qu'en France le nombre des affaires criminelles diminuait et que le nombre des affaires de filouterie augmentait : vous avez ajouté qu'il n'en était pas de même en Belgique. C'est à cette partie de votre discours que je répondais. Je disais moi-même que le nombre des affaires augmentait, parce que la police judiciaire devenait chaque jour plus vigilante, qu'elle poursuivait plus de délits, la législature ayant élevé à la hauteur de délits des faits qui n'en étaient pas auparavant.

Mais je constatais que les affaires du grand criminel n'augmentaient pas et je l'ai établi d'une manière péremptoire, en donnant connaissance à la Chambre du nombre des détenus au 1er novembre dernier.

Quant aux crédits supplémentaires, à entendre l'honorable M. Rodenbach, on croirait réellement que c'est pour les ministres une partie de plaisir que de venir demander à la Chambre des crédits supplémentaires. Messieurs, le ministre est le premier à regretter de devoir venir devant la Chambre pour cet objet. Mais, lorsque contrairement à ses prévisions, le chiffre de certaines dépenses qu'il est impossible de fixer au commencement, d'un exercice, est dépassé, que voulez-vous qu'il fasse ? Ainsi j'ai demandé une augmentation sur les frais de justice. Mais je suppose que néanmoins le chiffre qui sera voté soit dépassé. Le gouvernement en sera-t-il la cause ? Est-ce lui qui ordonne ces dépenses ? Celles-ci ne sont-elles pas payées par tout le pays, n'ont-elles pas leur source dans les méfaits qui se commettent, et le gouvernement doit-il arrêter la répression pour ménager les frais ?

Ainsi si je viens demander des crédits supplémentaires, il ne faut pas l’attribuer au ministre, il fait l’attribuer à la nécessité des choses. Je m'étonne donc que l'honorable M. Rodenbach vienne dire : J’espère que vous n’en demanderez, plus. Si nous pouvons nous en dispenser nous en serons heureux. Mais si nécessité se présente, l'honorable membre sera assez raisonnable pour comprendre que nous n'y pouvons rien.

Je ferai une observation qui se rapporte au chiffre en discussion. Le chiffre des charges extraordinaires et temporaires est de 14,316 fr. Ce chiffre peut être réduit de 7,875 fr. par suite de la retraite du président du tribunal de Bruges et du décès d’un des juges du même siège.

De plus, le traitement du vice-président du tribunal de Tongres doit également disparaître. Le chiffre peut donc être ramené à la somme de 6,441 fr.

- L'article, réduit comme le propose M. le ministre, est adopté.

Chapitre III. Justice militaire

Articles 12 et 13

« Art. 12. Cour militaire. Personnel : fr. 16,550.

« Charge extraordinaire : fr. 4,235. »

- Adopté.


« Art. 13. Cour militaire. Matériel : fr. 2,000. »

- Adopté.

Article 14

« Art. 14. Auditeurs militaires et prévôts : fr. 30,659.

« Charge extraordinaire : fr. 212. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Le chiffre de 212 fr. peut disparaître, par suite du décès de la personne à qui était allouée cette somme.

M. Moncheur. - Messieurs, depuis quatre ou cinq ans, je ne manque pas de réclamer ici que justice soit faite aux auditeurs militaires en ce qui touche leur traitement. J’ai prouvé à diverses reprises que le traitement de cette classe de magistrats n’est pas en rapport avec l’importance de leurs fonctions et avec la position qu’ils occupent dans la société.

Les auditeurs militaires n’ont pas, depuis vingt-cinq ans, vu augmenter leur traitement comme ceux de tous les autres magistrats ; et cependant l’importance de leurs fonctions réclamait hautement cette augmentation.

Chose étonnante, messieurs, tout le monde est d'accord sur ce point.

Les sections centrales ne manquent pas l'occasion d'interpeller le gouvernement sur la nécessité d'améliorer le sort des auditeurs militaires, le gouvernement lui-même déclare, comme il l'a fait l’année dernière, que si l'organisation de la justice militaire se fait encore quelque peu attendre, il présentera un projet de loi spécial sur le traitement des auditeurs ;' et cependant rien ne se fait. M. le ministre oppose cette année une fin de non-recevoir et prétend que ce serait préjuger l’organisation définitive de la justice militaire que d’augmenter le traitement des auditeurs militaires.

Eh bien, je dis que ce ne serait là rien préjuger du tout. Et en effet, lorsque, en 1834, on a fixé les traitements des auditeurs militaires à un taux qui est aujourd’hui très insuffisant, a-t-on préjugé la question de l’organisation de la justice militaire ? Pas le moins du monde. On a seulement fait une chose que l’on considérait comme juste et bonne pour le moment où m’on se trouvait, mais on a laissé intactes toutes les questions de l’organisation future de la justice militaire.

De même aujourd’hui, rien n'empêcherait qu'on déposât un projet de loi par lequel on statuerait en dix lignes que, provisoirement, les auditeurs militaires recevront telle ou telle somme à titre de traitement.

Si plus tard il n'y avait plus d'auditeurs militaires, cette loi viendrait à tomber, mais je suis convaincu, quant à moi, que cette institution restera, parce qu'elle est vraiment nationale, et qu'elle produit d'excellents résultats.

Messieurs, je suis las de reproduire en vain mes réclamations à ce sujet, et je protesterai par mon vote négatif au budget contre l'état des choses. Si donc je n'avais pas d'autres motifs plus graves encore, motifs puisés dans les tendances du ministère, pur voter contre le budget, celle-là suffirait ; ce vote négatif, je le donnerai.

- L'article est adopté.

Article 15

« Art. 15. Frais de bureau et indemnité pour feu et lumière : fr. 3,540. »

- Adopté.

Chapitre IV. Frais de justice

Article 16

« Art. 16. Frais de justice en matière criminelle, correctionnelle et de police : fr. 650,000. »

M. C. de Brouckereµ. - Messieurs, la section centrale, demandant à M. le ministre si la loi du 18 février 1852, s'exécute également partout, M. le ministre a répondu que l'exécution était parfaite dans les ressorts des cours de Gand et de Liège, mais qu’il devait ajouter qu'il n'en est pas toujours de même dans le ressort de la cour de Bruxelles, i Je regrette vivement d'avoir trouvé cette espèce de blâme, dans la réponse de M. le ministre à la question que lui adressait la section centrale.

Je ne parle ici que des crimes et des délits ordinaires. Eh bien, messieurs, je ne comprends pas qu'on veuille établir une espèce de niveau, et je comprends encore moins comment on s'y prendrait pour l'établir.

Il y a à Bruxelles une agglomération de population de 300,000 âmes, dans laquelle indépendamment de la partie nomade de plusieurs milliers de personnes, il y a annuellement 40,000 mutations, car c'est à ce chiffre que s'élèvent les mutations dans la population de Bruxelles et de ses faubourgs. Eh bien, je dis que la sûreté publique exige, dans une ville comme celle-là, des mesures dont on peut se passer dans les localités où la surveillance est plus facile.

Mais comment veut-on arriver à ce niveau ? L'emprisonnement préalable est prononcé par le juge. Probablement ce n'est pas au juge qu’on fera la leçon, ce sera au parquet ? Mais toutes les fois que le parquet n'est pas d'accord avec le juge d'instruction, la chambre des mises en accusation de la cour d'appel prononce. Cette chambre des mises en accusation n'est pas composée de juges au criminel.

Chaque année, elle est formée par de nouveaux magistrats. Tous les conseillers de la cour, à tour de rôle, forment cette chambre. C'est donc bien une chambre civile qui n'a aucun de ces préjugés qu'ont les vieux juges criminels.

Si habituellement la cour donnait tort au procureur général, si elle ordonnait régulièrement la mise en liberté de ceux contre lesquels il demande l'arrestation préalable, je comprendrais un blâme. Je comprendrais ce niveau qu'on veut mettre sur tous les parquets.

Mais, messieurs, permettez-moi de vous le dire, s'il y a trop de rigueur à Bruxelles, la faute en doit tomber sur moi. Voici les faits comme ils se sont passés.

Au mois d'octobre 1852, six mois après la mise à exécution de la loi de février 1852, je relevais certains faits qui s’étaient passés entre le 1er mars et le 30 septembre, et je disais au conseil communal :

« Le nombre des vols s'est accru de 60, mais par contré nous trouvons une diminution de 163 dans le chiffre total des autres délits.

« L'augmentation du nombre des vols est, en partie, l'une des conséquences inévitables de l’application du principe posé par la loi du 18 lévrier 1852. Cette loi ne permet ta détention préventive, en matière de délits, que dans les cas graves et exceptionnels.

« Hors de là, la liberté est la règle. Ainsi des individus arrêtés par la police en flagrant délit de vol sont mis en liberté après leur interrogatoire, et commettent souvent plusieurs autres vols avant de pouvoir être retenus définitivement en vertu d'un jugement ; quelques-uns aussi parviennent à se soustraire aux condamnations dont ils deviennent l'objet et cherchent dans une vie vagabonde un abri contre les poursuites de la justice.

« Nous ne voulons pas faire la critique de la loi ; nous n'en aurions d'ailleurs pas les moyens. Le législateur a dû peser toutes les conséquences de ses mesures libérales. L’autorité judiciaire peut dire le nombre des victimes d'une détention qui n'a d'autres motifs qu'une prévention ; nous croyons devoir citer des faits d'une autre nature, au point de vue de la sécurité publique.

« Depuis le 1er mars donc, sept individus qui avaient été arrêtés pour vols et relâchés par le juge d'instruction après interrogatoire, ont, soit le même jour, soit peu après, été arrêtés pour de nouveaux vols.

« Un huitième qui a été prévenu de deux vols a été repris pour deux autres vols, le lendemain.

« Deux individus, condamnés pour vols, avant de subir leur peine, ont été prévenu de nouveaux vols.

(page 136) Enfin, une femme qui n'en était pas à ses débuts, fut condamnée, le 12 août dernier, à 7 mois de prison, pour vol, et le surlendemain 14, elle fut prévenue de récidive, et le 24 arrêtée un troisième fois. »

Voilà les faits déplorables que je signalais à M. le procureur général qui a eu ce rapport dans son parquet pendant 18 mois, et c'est parce qu'après cet espace de temps, il a été lui-même convaincu qu'il y avait des abus, qu'il a engagé les membres de son parquet à être rigoureux dans deux cas seulement ; quand il y avait récidive ou bien quand il s'agissait d'un individu sans aveu, de vagabonds n'ayant ni feu ni lieu.

Eh bien, je dois le dire, messieurs, les crimes ont diminué beaucoup à Bruxelles et dans les environs.

Pour ne citer qu'une seule catégorie, je dirai que depuis 12 ans il n'y a eu que 8 vols avec effraction extérieure. Que l'on compare ce chiffre à celui des années antérieures et on sera convaincu de la vérité de mes assertions.

Je dis donc, messieurs, que les grands crimes qui annoncent la noirceur et la bassesse de l'âme, ont considérablement diminué à Bruxelles et je l'attribue en grande partie au dévouement des membres du parquet, au tribunal et à la cour de Bruxelles.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'honorable préopinant a pris, ce me semble, pour une critique à son adresse, un passage d'une réponse à une question de la section centrale.

Messieurs, quand une section centrale demande des renseignements au ministre, c'est probablement pour qu'il réponde selon sa conscience, pour qu'il dise les choses comme il les croit vrais. Cet ce que j'ai fait et je ne me doutais guère que j'aurais blessé la susceptibilité de l'honorable préopinant.

Dans la réponse que j'ai faite, je ne me suis pas occupé de la ville de Bruxelles, j'ai parlé des ressorts des cours d'appel et je n'avais pas même en vue les faits dont vient de parler l'honorable préopinant. Je sais parfaitement qu'il y a des vols, des filouteries qui exigent une arrestation instantanée et qui sont de nature à ne pas permettre la mise en liberté provisoire.

Il est évident que les individus qui dans les foules, par exemple, se livrent à ces industries, doivent de toute nécessité être tenus sous les verrous, sous peine de les voir recommencer immédiatement leurs méfaits. Ce n'est pas, messieurs, à des faits de cette nature que je voulais faire allusion.

Mais, messieurs, il est arrivé que l'emprisonnement préventif a été appliqué et maintenu dans des circonstances où, selon moi, il constituait une rigueur inutile, et où l'on eût pu sans inconvénient accorder la liberté provisoire. Pour n'en citer qu'un exemple, j'ai vu un individu détenu préventivement pendant trois mois, qui après cela a été acquitté en appel. Sa mise en liberté au moins après le jugement de première instance n'eût présenté, à mon sens, aucun inconvénient.

Je ferai donc, malgré les observations de l'honorable préopinant, tous mes efforts pour que la loi sur la détention préventive soit appliquée, d'une manière aussi modérée que possible et que partout où il n'y a pas nécessité de tenir les individus en prison, la liberté provisoire soit accordée avec ou sans caution.

M. Rodenbach. - Je n'ai nullement voulu contester l'exactitude des affirmations de l'honorable M. de Brouckere, au sujet de la diminution de la criminalité dans la capitale ; ce que j'ai prétendu, c'est que la criminalité générale, pour tout le pays, augmente et je maintiens cette allégation, malgré ce que vous disait tout à l'heure l'honorable ministre de la justice ; je viens encore d'examiner la note qui figure en tête de l'exposé des motifs et j'y lis ces paroles qui sont de M. le ministre de la justice lui-même.

« Pour l'année 1858 les comptes sont loin d'être rentrés. Cependant il conste de la statistique que le nombre des affaires criminelles suit une marche ascendante et avec le nombre d'affaires augmente le chiffre des frais. »

Si maintenant on jette un coup d'œil sur l'état qui fait suite à cette remarque, consignée dans l'exposé des motifs, on verra que le nombre d'affaires devant les assises a été en 1850 de 155 et s'est élevé en 1857 à 221.

En présence de ces faits, n'ai-je pas raison de dire que la criminalité augmente ?

-L'article est adopté.

Article 17

« Art. 17. Traitement des exécuteurs des arrêts criminels et des préposés à la conduite des voitures cellulaires : fr. 10,280.

« Charges extraordinaires : fr. 14,328. »

- Adopté.

Chapitre V. Palais de justice

Article 18

« Art. 18. Construction, réparation et entretien de locaux. Subsides aux provinces et aux communes pour les aider à fournir les locaux convenables pour le service des tribunaux et des justices de paix : fr. 35,000.

« Charges extraordinaires : fr. 40,000. »

M. Guilleryµ. - Je demanderai à M. le ministre de la justice de vouloir bien nous dire où en est le projet de construction du palais de justice de Bruxelles, je lui demanderai notamment s'il ne serait pas possible à présent de faire un appel aux architectes et de mettre le projet au concours ?

Je n'ai pas besoin d'insister sur l'urgence qu'il y a de remplacer le local actuel qui est devenu tout à fut inhabitable ; cela est parfaitement connu et reconnu.

Je désirerais seulement avoir de M. le ministre de la justice des renseignements sur ce qui a été fait et sur ce qu'il compte faire. Je crois que la mise au concours serait une chose très heureuse ; les plans devront nécessairement prendre beaucoup de temps ; il faudra laisser aux architectes un délai assez long et peut-être pourrait-on, dès à présent, déterminer les conditions du concours et fixer le délai dans lequel les plans devront être faits.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, la première chose à faire c'est de se mettre d'accord sur l'emplacement où le palais de justice devra être construit. Je n'ai pas perdu de temps pour arriver à ce résultat et l'honorable bourgmestre de Bruxelles sait qu'il ne dépend pas de moi que ce point ne soit définitivement arrêté.

M. Ch. de Brouckere. - Le conseil communal statuera demain.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il paraît que demain le conseil communal arrêtera définitivement l'emplacement du nouveau palais de justice. C’est la première chose qui doit être faite : avant de mettre au concours le plan des constructions, il faut indiquer le terrain sur lequel les constructions doivent s'élever ; après cela, il sera fait un appel aux architectes, il y aura un concours. Entre-temps, messieurs, on prendra toutes les mesures pour obtenir les terrains nécessaires.

M. Ch. de Brouckere. - Messieurs, la question est fort grave au point de vue de Bruxelles ; il faut nécessairement exproprier à la fois les terrains pour le palais de justice et pour tous les abords. La ville doit donc se prononcer et se prononcera probablement demain sur tous les abords du palais de justice.

- Personne ne demandant plus la parole, l'article 18 est mis aux voix et adopté.

Chapitre VI. Publications officielles

Article 19

« Art. 19. Impression du Recueil des lois, du Moniteur et des Annales parlementaires, pour laquelle il pourra être traité de gré à gré : fr. 150,000. »

M. J. Jouret. - Messieurs, lorsque le prix d'abonnement aux Annales parlementaires a été réduit à une somme modique, on a eu pour but de multiplier les abonnements à ce recueil, et de le faire lire par le plus grand nombre possible de nos concitoyens. C'était un excellent moyen de compléter l'éducation politique du pays.

Pour que cette bonne mesure pût produire son effet, il était nécessaire que les Annales parlementaires fussent imprimées et surtout distribuées avec le plus grand soin. Malheureusement c'est le contraire qui a lieu.

La distribution se fait, principalement dans les provinces, avec tant de négligence, qu'il est à craindre que dans un temps rapproché les abonnements aux Annales parlementaires ne disparaissent d'une manière complète. Il arrive que plusieurs fois en une seule semaine les livraisons des Annales n'arrivent pas régulièrement aux abonnés ; il arrive qu'un numéro ne leur est remis que plusieurs jours après celui où ils auraient dû le recevoir. Et ce qui est remarquable, et ce que ceux de nos honorables collègues qui habitent, comme moi, la province, ont pu constater, c'est que ces irrégularités se produisent presque toujours, lorsqu'une discussion intéressante a eu lieu dans la Chambre.

Du reste, je n'accuse personne ; je ne sais si cela dépend de la direction du Moniteur ou de l'administration des postes. Je signale le fait à M. le ministre de la justice. Si c'est à la modicité du prix d'abonnement que ces négligences sont dues, eh bien, qu'on l'augmente ; on ne manquera pas pour cela d'abonnés aux Annales parlementaires, qui se lisent tous les jours davantage.

Cette question me paraît présenter un grand intérêt. En effet, multiplier les abonnements aux Annales parlementaires, et veiller à ce que la distribution s'en fasse avec régularité, c'est le seul moyen d'offrir à nos concitoyens un compte rendu exact de nos séances. Je recommande cet objet à l'attention de M. le ministre de la justice.

Puisque j'ai la parole, je demanderai à l’honorable ministre s'il ne serait pas possible de faire confectionner des tables décennales des Annales parlementaires depuis 1830. Tous, nous avons eu occasion de constater que les recherches dans les Annales sont assez difficiles. La confection de tables décennales nous serait d'un grand soulagement pour les recherches que nous avons à faire.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, les plaintes que vient de faire entendre l’honorable M. J. Jouret se sont déjà produites plusieurs fois dans cette enceinte ; chaque fois je les ai fait parvenir à la direction du Moniteur, et chaque fois il m'a été répondu que lorsque des retards avaient lieu, ils devaient être attribués aux orateurs qui ne (page 137) remettaient pas leurs discours en temps utile. Voilà ce que le directeur du Moniteur m'a écrit encore avant-hier, en réponse aux reproches que la section centrale adressait à la direction.

Maintenant je dois déclarer que quand les Annales parlementaires ne sont pas remises en temps utile à Bruxelles et dans les faubourgs, c'est toujours par la cause qu'indique le directeur du Moniteur.

Je n'ai pas vérifié si la même cause explique les négligences qui peuvent être commises pour les envois en province. Si l’honorable M. Jouret voulait signaler les faits qui se sont produits ; s'il était établi, par exemple, que les Annales parlementaires ont été distribuées à Bruxelles en temps utile et que le même jour, elles n'ont pas été expédiées en province, ce serait pour moi une occasion de faire justice des négligences qui auraient eu lieu sous ce rapport.

Quant à la question de savoir s'il serait possible de faire confectionner des tables décennales, je promets à l'honorable M. J. Jouret de l'examiner.

Je ne sais quelles difficultés peuvent se rattacher à l'exécution de ce projet ; je ne sais pas non plus quelle dépense ce travail occasionnerait. Je dois être fixé sur ces deux points avant de prendre une décision.

M. Vermeire. - Messieurs, ainsi que l'a rappelé l'honorable M. J. Jouret, le prix d'abonnement aux Annales parlementaires a été réduit d'une manière considérable pour que le plus grand nombre de citoyens belges pût souscrire à cette publication et qu'ainsi l'éducation politique du pays devînt plus complète. Qu'entendons-nous souvent dans cette enceinte ? Que l'éducation politique des Flandres est tellement arriérée, qu'elle fait, en quelque sorte, tache dans l'éducation politique de l'ensemble du pays. S'il en était ainsi, il serait à désirer qu'on traduisît et publiât toutes nos séances en flamand et qu'on permît à ceux de nos concitoyens, qu'on dit être si arriérés en fait d'éducation politique, de s'instruire aux leçons que nous leur donnons ici.

M. J. Jouret. - Messieurs, en entendant les premières paroles qu'a prononcées M. le ministre de la justice, j'avais cru qu'il n'avait pas saisi l'objet de mon observation ; mais les dernières paroles qu'il a proférées, m'ont prouvé, au contraire, qu'il m'avait très bien compris, que c'était à la distribution qu'on devait imputer les irrégularités commises dans l'envoi des Annales en province. J'ai la certitude que si cette distribution continuait de se faire avec la même inexactitude, on verrait disparaître tous les abonnements aux Annales parlementaires.

- Personne ne demandant plus la parole, l'article 19 est mis aux voix et adopté.

Articles 20 à 22

« Art. 20. Abonnement au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation : fr. 3,000. »

- Adopté.


« Art. 21. Publication d'un recueil des anciennes lois des Pays-Bas autrichiens, de la principauté de Liège et d'autres pays, dont le territoire est compris dans le royaume de Belgique ; publication d'un recueil d'instructions-circulaires émanées du département de la justice, depuis la réunion de la Belgique à la France, en 1795 ; impression d'avant-projets de lois et autres documents législatifs ; frais de route et autres des membres des commissions de législation : fr. 15,300. »

- Adopté.


« Art. 22. Traitement d'employés attachés à la commission royale de publication des anciennes lois, nommés par le gouvernement : fr. 2,940. »

- Adopté.

Chapitre VII. Pensions et secours

Articles 23 à 26

« Art. 23. Pensions civiles : fr. 10,000. »

« Art. 24. Secours à des magistrats et à des employés près des cours et tribunaux, ou à leurs veuves et enfants mineurs qui, sans avoir droit à une pension, ont des titres à un secours, par suite d'une position malheureuse : fr. 11,800. »

« Art. 25. Secours à des employés ou veuves et enfants mineurs d'employés de l'administration centrale du ministère de la justice, ou des établissements y ressortissant, qui se trouvent dans le même cas que ci-dessus : fr. 1,700. »

« Art. 26. Secours à des employés ou veuves et enfants mineurs d'employés des prisons, se trouvant dans le même cas que ci-dessus : fr. 3,000. »

Chapitre VIII. Cultes

Article 27

« Art. 27. Clergé supérieur du culte catholique, personnel enseignant et dirigeant des grands séminaires, à l'exception de celui de Liège : fr. 311,700. »

M. de Renesse. - Messieurs, depuis notre régénération politique, l'Etat, les provinces et les communes se sont imposé des sacrifices très notables pour la construction et surtout pour la restauration des églises et monuments religieux, dont l'entretien, sous les gouvernements précédents, avait été grandement négligé ; il était temps, surtout, de restaurer les anciennes églises monumentales, si l'on voulait remédier aux dégradations successives qu'elles avaient subies, non seulement par l'intempérie des saisons, mais encore par suite des dévastations, par incendies ou par les faits de guerre.

Chaque année, l'Etat porte à son budget une somme assez importante, pour subsides aux communes, pour les édifices servant au culte catholique, etc. ; cette allocation qui, au budget de 1859, était de 444,000 francs, est augmentée pour l'exercice 1860, de 75,000 francs, et, néanmoins, d'après l'annexe F, jointe au rapport du budget de la justice de l'année dernière, fait par l'honorable collègue et ami M. J. Jouret, il y a eu encore insuffisance pour l'Etat, d'intervenir, pour sa part, dans certaines restaurations d'églises monumentales, dont les travaux sont déjà commencés depuis nombre d'années.

Dans la province de Limbourg, l'ancienne église collégiale de Notre-Dame de Tongres est l'un des plus beaux monuments du style ogival pur. D'après la légende immémoriale, elle fut fondée par saint Materne, dans la première ère de la chrétienté ; cette église, à peine agrandie par saint Servais, son dernier évêque, qui, en 374, transféra son siège à Maestricht, eut beaucoup à souffrir par l'invasion des hordes germaines ; en 799, sous l'impulsion de Charlemagne, Ogier le Danois releva l'église de Tongres de ses ruines. Mais peu après elle fut de nouveau ravagée et pillée en 882 et 885 par les Normands ; ensuite, en 1213, les Brabançons s'emparèrent de la ville de Tongres, et l'église fut mutilé de manière que l'on dût renoncer à la réparer ; le seul cloître fut conservé.

Les travaux de reconstruction commencèrent en 1240, et ne furent achevés qu'en 1286 ; c'est donc du milieu du XIIIème siècle que date la reconstruction de cette belle et antique église ; il paraît cependant que la belle tour ne fut pas comprise dans cette restauration ; elle ne fut commencée qu'en 1440 et terminée en 1502.

Après avoir déjà subi tant de vicissitudes, la ville de Tongres et sa belle église collégiale, éprouvèrent en 1677 un nouveau désastre, par l'invasion de la garnison française, occupant la ville de Maestricht. La ville, l'église et la tour, devinrent la proie des flammes. Le chapitre employa alors tous ses efforts pour restaurer l'église en 1684 et années suivantes, des grands dégâts occasionnés par le feu ; aussi, le roi Louis XIV, touché de la situation si pénible de la ville de Tongres, accorda un subside de 20,000 fr. pour exécuter les réparations à ce vieux monument religieux.

Voilà, messieurs, un court résumé historique de cette ancienne église qui est l'un des plus beaux bâtiments religieux de la Belgique, et qui a résisté à tant de désastres, depuis plusieurs siècles ; elle devait attirer l'attention particulière de tous ceux qui par leurs connaissances archéologiques savent apprécier le beau et pur style ogival, et naturellement la commission royale des monuments, chargée par le gouvernement de visiter nos anciennes églises monumentales, dut reconnaître déjà en 1844, que cette antique cathédrale de Tongres, la plus ancienne de la Belgique, le berceau du christianisme dans le pays, méritait une prompte restauration, si l'on voulait éviter de plus grandes dégradations. En conséquence, les plans de cette restauration furent dressés par feu M. Dumont, dont l'art, et tous ceux qui ont eu des relations avec cet architecte si distingué ont vivement déploré la mort prématurée.

L'arrêté royal du 23 juin 1846 approuva les plans de cette restauration, (page 138) promit en outre une intervention efficace de l'Etat, afin de sauver un monument aussi remarquable par son ancienneté qu'intéressant au point de vue de l'art, de l'histoire et des anciens souvenirs religieux. La province, la commune de Tongres et la fabrique de l'église Notre-Dame, promirent également leur intervention pécuniaire, pour une période de 16 à 18 années, jugée nécessaire pour cette restauration, et des souscriptions particulières fournirent chaque année plus de 3,000 fr. de sorte que ces différents concours contribuèrent, annuellement, pour une somme d'au-delà de 9,272 fr.

L'Etat accorda, à la fin de 1846, son premier subside.de 11,000 fr. continué en 1847 ; cette part de l'Etat fut réduite au taux de 10,000 fr. pour les années 1848, 1849 et 1850. En 1851, par suite d'une nouvelle visite et inspection de la commission royale des monuments il fut reconnu qu'il y avait à ce cintre, notamment à la tour, des réparations urgentes nécessitées par son état de délabrement, non prévues à la première visite ; et qu'à cette fin le gouvernement augmenterait son subside et allouerait 12,000 fr. par an. Ce subside fût effectivement continué jusqu’à l’exercice de cette année, où il fut réduit à 6,000 fr., et le tableau F renseigné au budget de 1859, indiquait que le département de la justice ne pourrait accorder aucun subside pour la restauration de l'église Notre-Dame de Tongres, avant 1866 ou 1867, parce que le crédit pour la réparation des églises monumentales avait été engagé jusque-là par les honorables prédécesseurs de M. le ministre actuel de la justice.

Contre une pareille détermination, la province de Limbourg, la commune de Tongres et le conseil de la fabrique de Notre-Dame, ont des objections sérieuses à faire valoir et peuvent réclamer avec raison connue cette non-intervention de l'Etat, lorsque, par le fait même du gouvernement, cette restauration a été provoquée, et qu'il paraissait de prime abord que cette intervention de dépense pour un aussi grand et ancien monument religieux ne pouvait être laissée seule à la charge du Limbourg et de la ville de Tongres.

La province de Limbourg, notamment, par suite du morcellement de la plus belle et de la plus riche partie de son territoire, a vu ses ressources financières se réduire considérablement, et néanmoins, ses dépenses tant ordinaires qu'extraordinaires, se sont augmentées hors de proportion avec les moyens de son budget ; pour y faire face il a fallu faire des emprunts et créer des ressources nouvelles au moyen d'un certain nombre de centimes additionnels aux contributions foncières, personnelles et de patentes ; en outre, un autre impôt sur les chiens a été établi, et certes, en accordant annuellement un subside de 2,000 francs, pour son intervention dans la restauration de l'antique collégiale de Tongres, cette province a fait tout ce que ses ressources financières lui permettaient : elle devait espérer que l'Etat continuerait encore pendant quatre ou cinq années son allocation de 12,000 francs afin de terminer les réparations de cette belle et antique église, et cela d'autant plus, que cette province ne reçoit que peu de subsides sur le budget de l'Etal, pour la restauration d'autres monuments, sauf un léger subside pour l'ancienne église d'Alden-Eyck, près de Maeseyck, ni de fortes allocations pour les lettres, sciences et arts, tandis que d'autres provinces sont| sous ce rapport grandement favorisées ; aussi en 1839, lors de l'exécution du traité avec la Hollande, le gouvernement promettait formellement aux provinces mutilées de tenir compte des pénibles sacrifices qui leur étaient imposés dans l'intérêt général, et que l'Etat interviendrait activement pour améliorer leur position morale et matérielle.

Sous ce rapport, la ville de Tongres, et la plus grande partie de son arrondissement sont encore à attendre la bienveillance gouvernementale ; jusqu'ici cette partie du Limbourg, restée en dehors de tous les grands travaux d'utilité depuis 1830, est dans un isolement complet, faute d'être reliée jusqu'ici au système général de nos chemins de fer. Cette situation déplorable occasionne le plus grand préjudice, surtout à la ville de Tongres, dont le marché, qui es le principal du Limbourg, tend à s'amoindrir, et néanmoins la ville de Tongres, comparativement à d'autres villes phis importantes, contribue pour une plus large part à la restauration de son ancienne église monumentale ; elle alloue chaque année 2,000 fr., quoique son budget ordinaire, qui se monte à un peu de plus de 74,000 fr., supporte d'autres charges très notables, surtout, pour l'instruction publique ; son collège, l'école moyenne, les écoles primaires et l'école gardienne, lui coûtent chaque année, près de 32,000 fr., environ la moitié de ses ressources ordinaires ; on devrait donc tenir compte à Tongres de sa position tout exceptionnelle, et ne pas retirer l'allocation indispensable pour terminer en peu d'années la restauration de son antique église collégiale.

Quant à la fabrique de l'église Notre-Dame, elle a contribué jusqu'à l’année dernière pour un subside annuel de 2,000 fr., et a organisé une souscription, rapportant chaque année au-delà de 3,000 fr. ; depuis 1853, elle s'est engagée à augmenter son allocation de 2,000 fr., en sorte qu'elle donnerait dorénavant, 4,000 fr. ; sous ce rapport je crois devoir faire remarquer à la Chambre et au gouvernement, que cette fabrique contribue actuellement pour plus que la riche fabrique de l’église Sainte-Gudule à Bruxelles, qui n’intervient, par an, que pour 3,000 fr. ; il est encore d’autres villes plus riches et plus populeuses, dont les fabriques ne s’imposent pas autant de sacrifices que celle de Tongres ; cela prouve tout l’intérêt qu’elle attache à la restauration d’un des plus antiques monuments religieux de la Belgique.

Il est constaté, par les comptes, que depuis 1846 jusqu'en 1857, la fabrique et les paroissiens ont fourni un contingent de 56,758 fr/ ; la province et la commune celui de 46,000 fr., soit une somme totale de 102,758 fr. sur celle de 228,121 fr. qui a été dépensée.

Il résulte, en outre, de la correspondance administrative, comme des procès-verbaux du conseil provincial, qu'il a été positivement dans les intentions des divers corps intervenant, que chacun d'eux s'engageait pour toute la durée des travaux échelonnés sur une période de 16 années ; et certes, la province de Limbourg, la ville de Tongres et la fabrique de l'église de Notre-Dame, ne se seraient pas exposées à s'imposer des charges si considérables, pour un certain nombre d'année, si l'on avait pu prévoir que l'Etat, un jour, retirerait son intervention pécuniaire, avant l'achèvement des travaux de restauration ; c'est, en conséquence de ces engagements, que le conseil de fabrique a réglé les travaux et la dépense annuelle, et aujourd'hui, que cette belle restauration touche à sa fin, qu'il y a notamment à refaire l'ancien cloître qui est du plus beau style roman, l'Etat voudrait, par sa non-intervention pécuniaire, retarder, peut-être, pendant de longues années, cette restauration qui est admirée par tous ceux qui viennent, voir ce beau monument de l'antiquité ; aussi, lorsque cette année-ci, au mois de septembre, l'honorable ministre de l’intérieur, M. Rogier, a bien voulu venir voir et présider l'exposition agricole de l'Est de la Belgique, section de Tongres-Juprelle, il a pu juger par lui-même, étant à Tongres, que cette belle restauration méritait d'être activement continuée ; j'espère que l'honorable ministre voudra intervenir auprès de son honorable collègue de la justice, pour que l'Etat ne retire pas son intervention pécuniaire, afin de terminer, dans un avenir très rapproché, la réparation de cette église monumentale.

Je crois que c'est, sous le premier ministère de M. Rogier, lorsque la Belgique était à peine sortie des combats de la révolution, qu'il a fait décréter la restauration de nos anciens monuments, et qu'à cet effet, un subside a été porté au budget de l'Etat ; aussi, depuis ce temps, les provinces et les communes, inspirées par cette belle idée du gouvernement de pousser à la réparation de ces anciens édifices, témoignages de nos anciennes libertés et de nos richesses, se sont efforcées de concourir avec l’Etat à leur restauration.

Une autre considération assez importante, qui doit militer en faveur d'une plus active restauration de l'église de Notre-Dame, à Tongres, c'est qu'elle s'effectue au moyen de la pierre de sable qui s’extrait à proximité de cette ville ; cette pierre est d’une composition si délicate qu'il faut des ouvriers maçons très experts, non seulement pour la tailler, mais surtout pour la mettre en place ; afin qu’elle ne puisse se détériorer ; il a donc fallu créer un certain nombre de bons ouvriers, dont une partie devrait être certes renvoyée si l'Etat n'intervient plus pour sa part dans cette dépense. En outre, beaucoup de ces pierres doivent être artistement travaillées, et sous ce rapport, un très habile sculpteur y a été attaché, ainsi qu'un architecte ; enfin, l'entrepreneur des travaux a dû créer un matériel assez considérable, il a dû compter que la restauration se poursuivrait avec activité, et s'il en avait été autrement, il est probable que l'entreprise se serait adjugée à un taux beaucoup plus élevé.

Sous peu de temps, le conseil de fabrique aura à régler avec l'architecte les travaux de l'hiver et ceux de 1860 ; il est donc indispensable que l’Etat intervienne, si pas pour le crédit antérieur de 12,000 fr., du moins pour une somme d'une certaine importance, afin que les principaux travaux, encore à faire, ne soient pas suspendus jusqu'en 1867 ; laisser en souffrance la restauration si bien commencée, et si bien exécutée jusqu'ici, ce serait compromettre celles des restaurations non encore achevées, et permettre aux dégradations existantes de se poursuivre, et probablement par après, il faudrait y contribuer, pour une somme encore plus importante que celle qui paraît devoir suffire pour terminer cette belle œuvre, en faveur d'un de nos plus anciens monuments religieux.

Cette manière d'agir ne serait pas celle d'un bon père de famille qui, lorsqu'il commence une reconstruction tâche de la terminer le plus tôt possible, et il serait vraiment déplorable de faire actuellement en grande partie stater ces travaux de restauration lorsqu'ils touchent à leur fin.

D'après le tableau F annexé au rapport sur le budget de 1859, il y a différents travaux indiqués pour lesquels le gouvernement n’a pas pris d'engagement formel ; l'on pourrait, en ajournant l’une ou l'autre de ces demandes de restauration dont les travaux ne sont pas commencés, ou par d'autres économies à faire sur cet article du budget, trouver la somme nécessaire, pour allouer le crédit ordinaire accordé depuis 1846 pour achever tout à fait dans 4 à 5 ans l'église collégiale de- Notre-Dame à Tongres.

J'ai donc l'honneur de prier avec instance M. le ministre de la justice de ne pas retirer le subside accordé jusqu’ici à la restauration de cette antique église collégiale de la plus ancienne cité de la Belgique, et de vouloir prendre en considération que, si l’Etat s’abstient d’y intervenir pendant plusieurs années pour une certaine somme, il cst ; craindre que les autres concours feront aussi défaut, car ils n'avaient été accordés en grande partie que dans la prévision que le budget du département de la justice supporterait une juste part dans les frais de ces travaux.

Aussi, la position tout exceptionnelle de la ville de Tongres mérite (page 139) bien que le gouvernement accueille avec faveur la demande de la continuation et de l'intervention pécuniaire de l'Etat dans les frais de réparation de cette antique église, qui, par son beau style monumental appartient au pays tout entier.

M. de Naeyer. - Messieurs, je voulais faire remarquer que les travaux de restauration que réclame l'église primaire d'Alost, présentent une situation absolument analogue à celle que vient de signaler l'honorable M. de Renesse, relativement à l'église de Tongres.

II s'agit également ici d'un beau monument du pays, appartenant au style ogival.

Je n'ai pas besoin d'insister sur ce point ; car, si je suis bien informé, il n'y a pas bien longtemps que l'église d'Alost a été visitée par les honorables ministres de l'intérieur et de la justice, qui ont payé un juste tribut d'admiration à cette construction réellement monumentale et qui renferme des objets d'art du plus haut prix.

Or, l'édifice remarquable dont je parle était tombé dans un état de grand délabrement ; des réparations considérables ont été reconnues non seulement nécessaires, mais urgentes ; d'abord, parce que plusieurs parties de l'édifice sont menaçantes pour la sûreté publique, ensuite parce que les dégâts déterminés par les influences atmosphériques font chaque année des progrès très fâcheux, auxquels il importe de mettre un terme dans l'intérêt même d'une économie bien entendue. Des travaux de restauration ont donc été entrepris depuis quatre à cinq ans, et à la fin de l'année 1859 on aura dépensé environ 50 mille francs : le gouvernement y aura contribué pour dix-huit mille francs y compris les quatre mille francs imputés sur le budget de l'exercice courant. Malheureusement il reste encore beaucoup à faire.

J'ai ici sous les yeux un devis estimatif comprenant les travaux indispensables qui devront encore être exécutés. Ce devis élève la dépense faire après l'expiration de l'année 1859, à cent mille francs. Or, cette évaluation est loin d'être exagérée.

L'administration de l'église avait fait faire un devis estimatif qui s'élevait moins haut, et c'est sur les observations et sur les instances de la commission des monuments qu'on a reconnu la nécessité de porter la dépense à près de cent mille francs ; il est évident que les ressources locales sont absolument insuffisantes pour couvrir cette dépense, d'autant plus qu'elles sont déjà fortement entamées par les travaux exécutés jusqu'à ce jour.

Comme il s'agit d'un monument national, le gouvernement devra nécessairement supporter la plus forte partie de la dépense restant à faire, je suis convaincu, messieurs, que l'honorable ministre de la justice n'élèvera pas le moindre doute à cet égard, et cependant il résulte du tableau de répartition, qui a été communiqué à la section centrale le mois dernier, et qui se trouve annexé à son rapport, que le gouvernement ne pourrait rien accorder pour la restauration de l'église d'Alost sur les exercices 1860, 1861, 1862 1863, 1864 et 1865 ; les travaux ne pourraient donc être repris qu'en 1866. La situation actuelle, compromettante pour la sûreté publique, serait maintenue ; les ravages qu'il est urgent de réparer prendraient des développements qu'il est impossible de calculer, et les dépenses considérables faites pour monter les échafaudages seraient frappées en grande partie de stérilité ; il s'agirait de les renouveler en 1866. Il est évident, messieurs, qu'une pareille situation est inadmissible.

Cela serait absolument contraire aux notions les plus élémentaires en matière d'administration, puisqu'il s'agit de dépenses indispensables, urgentes et qui iraient nécessairement en grossissant si on les ajournait jusqu’en 1866 ; il faut nécessairement y pourvoir le plus tôt possible. Je prends donc la liberté d’engagement formellement l’honorable ministre à demander une majoration de crédit, afin qu'il puisse faire face aux dépenses urgentes qui viennent de lui être signalées et qui ne peuvent être ajournées sans les inconvénients les plus graves et sans aggraver les charges qui pèseraient plus tard sur le trésor public.

J'ajouterai que les dépenses dont il s'agit ont moins pour objet de pourvoir aux besoins du culte proprement dit, que de conserver des monuments qui sont une de nos gloires nationales et qui font l'admiration des étrangers qui visitent notre beau pays.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il me serait très agréable de pouvoir faire droit à toutes les réclamations qui surgissent dans cette Chambre au sujet des monuments qu'il s'agit de restaurer dans les différentes localités du pays.

Mais avec la meilleure volonté du monde, il est impossible de dépasser les limites des crédits.

La Chambre sait que le crédit pour construction et réparation d'églises se divise en deux parties qui s'appliquent l'une à la restauration des monuments, l'autre à la réparation et à la construction d'églises communales proprement dites.

La partie du crédit destinée aux constructions et réparations d'églises communales est dépensée en subsides qui sont toujours accordés dans la proportion de ce que les provinces allouent, c'est-à-dire que quand une province accorde un subside de 2,000 francs, l'Etat accorde la même somme.

M. Muller. - Pas toujours !

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Toujours.

M. Muller. - Il n'en a pas été ainsi pour le Limbourg.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il est vrai qu'on lui donne le double de ce qu'accorde la province jusqu'à concurrence de 10,000 fr. Le conseil provincial ayant augmenté son allocation a demandé que le subside de l'Etat fût aussi augmenté dans la même proportion ; j« n'ai pas pu le faire, et en ce qui concerne cet excédant, je me suis borné à accorder une somme égale à celle fournie par la province elle-même.

Par suite de l'élévation des allocations que les provinces ont portées à leur budget, je demande cette année une augmentation de 75 mille francs, qui profitera à la part du subside affectée aux réparations et constructions des églises communales.

Je reconnais qu'il serait très utile de pouvoir continuer les travaux à l'église d'Alost et à l'église de Tongres. Si la Chambre est du même avis que moi, elle accordera une allocation de 25 mille francs, ce qui portera l'augmentation que je demande à 100 mille francs, dont 75 mille pour construction et réparation d'églises communales et 25 mille pour réparation des monuments.

Il me sera impossible d'accorder un subside si la Chambre ne vote pas la somme que je viens d'indiquer.

La partie du crédit affectée aux monuments est engagée jusqu'en 1866 ; vous savez qu'il est impossible de ne pas engager d'avance ces crédits, les subsides devait se répartir sur le nombre des années nécessaires pour exécuter les travaux.

Je demande non seulement pour l'église d'Alost, mais pour plusieurs autres que la Chambre, veuille bien augmenter le crédit de 25 mille fr. Cette somme sera affectée aux églises monumentales.

M. Magherman. - Je viens appuyer la demande d'augmentation de crédit pour réparations aux églises monumentales. Nous avons beaucoup d'églises monumentales qui réclament des réparations urgentes, impérieuses ; il serait fâcheux qu'on les ajournât jusqu'à l'exercice 1865 ; ce serait une économie fatale qui entraînerait de grands frais dans l'avenir.

L'honorable M. de Renesse a signalé la nécessité de réparer l'église de Tongres, M. de Naeyer celle d'Alost ; je suis informé qu'il se présentera sous peu d'autres réclamations, notamment de l'église ci-devant collégiale de Saint-Hermès à Renaix ; c'est une église qui présente un caractère monumental et qui nécessitera, sur une grande échelle, l'intervention du gouvernement.

J'appuie donc de toutes mes forces la demande de M. le ministre de la justice d'augmenter le crédit alloué pour réparations aux églises monumentales.

M. Coppieters ’t Wallant. - Je pense, messieurs, à en juger par les dispositions qui se manifestent dans la Chambre, que la majoration de crédit proposée par M. le ministre de la justice, pour permettre la continuation des travaux de restauration des églises monumentales, ne rencontrera guère d'opposition dans cette enceinte. Aussi, messieurs, en ajoutant un exemple à ceux qui viennent d'être cités pour prouver la nécessité de cette augmentation de crédit, me bornerai-je, au lieu d'insister sur les considérations que je me proposais de développer devant vous, à exposer brièvement les faits que je crois utile de faire connaître. La tour de l'église de Notre-Dame à Bruges, citée à juste titre comme une des tours les plus remarquables de la Belgique, tant à cause de son élégance que de l'élévation de sa flèche, a dû subir de notables réparations

Sa flèche a dû être entièrement reconstruite. La fabrique de cette église, assurée du concours de l'Etat, de la province et de la commune, a entrepris l'exécution des travaux, sous les auspices de la commission royale des monuments. Comme il arrive toujours lorsqu'il s'agit de travaux de cette nature, les devis ont été considérablement dépassés. L'Eta après avoir payé sa part d'intervention, calculée sur le devis primitif, a refusé de continuer son intervention, faute de ressources disponibles, alors que la province et la commune, convaincues de l'urgente nécessité déterminer les travaux commencés, n'ont pas cessé d'intervenir dans les dépenses supplémentaires. Cette abstention inattendue de l'Etat met la fabrique de l'église en présence d'un déficit de 50,000 fr., non compris une somme de 50,000 fr. jugée nécessaire pour compléter la restauration de cette tour par la reconstruction des quatre tourelles latérales. Dénuée de toutes ressources la fabrique qui a agi avec la plus entière bonne foi se trouve dans le plus grand embarras, et est menacée par les entrepreneurs de poursuites judiciaires. Il importe de mettre prompte ment fin à un pareil état de choses, si l'on ne veut décourager toutes les administrations qui s'imposent de si lourds sacrifices pour la restauration de monuments qui sont l'honneur et la gloire du pays.

Je félicite M. le ministre d'avoir pris l'initiative de cet amendement et je convie la Chambre de vouloir s'y rallier, bien persuadé que M. le ministre fera un usage judicieux et éminemment utile des nouvelles ressources qu'il aura à sa disposition.

M. Muller. - Je ne viens pas faire l'article en faveur des monuments religieux de la province de Liège ; l'observation que j'ai à présenter, a un caractère général : c'est à propos d'un privilège dont jouit la province de Limbourg, qui obtient chaque année pour ses églises paroissiales et ses presbytères un subside double de celui qui est accordé aux autres provinces.

On a déjà réclamé à différentes reprises auprès du gouvernement contre cet état de choses, et il a été invariablement répondu que cela avait toujours été ainsi. Il semble, néanmoins, que ce qui n’est pas juste devrait subir des modifications. Pourquoi l'Etat accorderait-il aux (page 140) communes du Limbourg un subside double de celui qui leur est donné par la province, alors que la même faveur est refusée aux autres parties de la Belgique ?

Le Limbourg ne s'impose pas plus que le reste des provinces en centimes additionnels sur la contribution foncière et sur la contribution personnelle, et il frappe généralement moins les patentes.

L'honorable M. de Renesse a invoqué la taxe sur les chiens qu'on y paye ; mais elle existe également ailleurs. Si vous remonte à la situation financière, aux richesses des unes et des autres provinces, vous reconnaîtrez qu'il n'est pas surchargé de contributions.

Le gouvernement devrait adopter une règle fixe, applicable à tous ; puisqu'il ne statue pas pour les autres provinces d'après leurs besoins, il n'est pas admissible qu'il donne continuellement à l'un le double de ce qu'il accorde aux autres.

Lorsqu'on lui dit qu'il y a des églises malheureuses dans le Brabant, à Liège, dans le Hainaut et partout, il répond qu'il ne peut octroyer strictement que la même somme que la province alloue, et il enfreint lui-même cette règle annuellement et toujours au profit de la même province.

Je ne trouve pas que cet état de choses soit satisfaisant, et il y a lieu, scion moi, de le réformer.

M. de Renesse. - Messieurs, ce n'est qu'en 1839, après l'exécution d'un fatal traité, que le gouvernement a pris en considération la positon tout exceptionnelle de la province de Limbourg, qui. alors, a dû subir de durs sacrifices par la cession de la plus belle et de la plus riche partie de son territoire ; alors, le gouvernement avait promis aux deux provinces mutilées, de leur tenir compte de leur position extraordinaire et de leur accorder des subsides, d'une certaine importance, pour améliorer leur position morale et matérielle ; c'est ainsi que la province de Limbourg avait obtenu pendant quelques années un double subside pour la construction ou la réparation des églises, et quelques autres subsides extraordinaires pour d'autres besoins de cette province qui a un assez grand nombre de petites communes n'ayant pas beaucoup de ressources, pour pouvoir largement intervenir dans ces sortes de dépenses.

M. Julliottµ. - Messieurs, je suis stupéfait d'entendre un organe de la province de Liège faire irruption dans le Limbourg, pour nous reprocher que nous prenons une trop forte part dans le budget.

Ne dirait-on pas que les habitants et les représentants de cette province manquent d'appétit à l'occasion ? Je vous le demande à tous, qu'en pensez-vous ?

Comment ! quand on cédait nos frères, on nous promettait des choses fabuleuses dont on n'a rien tenu ; il fallait nous endormir et tout ce qui nous est resté de bénéfice, c'est un subside un peu plus fort dans les bâtisses d'église et d'école ; un grand mal, n'est-ce pas ? C'est réellement trop fort.

Du reste, le Luxembourg a joui des mêmes avantages et si cette province de Liége, qui paraît nous envier ce faible subside, devait compter et établir son bilan avec le Limbourg de tout ce que respectivement nous produisons à l'Etat et ce que nous lui coûtons, la province de Liège pourrait nous restituer une bonne somme pour liquider le bilan. Ce ne serait pas difficile à prouver ; mais nous en resterons là, nous serons généreux !

M. Muller. - Je n'ai pas soulevé cette question au point de vue des intérêts de la province de Liège, qui, quoi qu'on en dise, n'a pas plus d'appétit que les autres, qui n'a obtenu que ce qu'on ne pouvait lui refuser sans injustice, et qui paye beaucoup plus que le Limbourg, en ayant même égard aux populations respectives.

Cette question, je l'ai soulevée au point de vue de l'égalité de répartition. J'ai dit qu'alors que le gouvernement déclarait en toutes circonstances qu'il n'entendait pas, en fait de subsides attribués aux églises paroissiales, dépasser ceux des provinces, je ne m'expliquais pas que les communes du Limbourg reçussent le double de la subvention provinciale.

Il n'est pas question ici d'invoquer une prétendue compensation résultant du traité de 1839, qui n'a en rien contribué à cette inégalité. En effet, si l'on y avait eu égard, le Luxembourg serait dans la même position, et l'on aurait donc été injuste envers lui.

Il faut bien que je rappelle que ce traitement de faveur a pris naissance sous une administration antérieure à 1839, qui accordait toute sa sympathie au Limbourg, et je n'ai pas besoin, je pense, d'insister sur cette origine.

Du reste, mon observation a été déjà signalée au sein de presque tous les conseils provinciaux qui trouvaient avec raison peu rationnel que le gouvernement eût deux poids et deux mesures ; c'est en m'appuyant sur eux que je proteste contre une inégalité de répartition injustifiable.

- L'article 27 est adopté.

Articles 28 à 36

« Art. 28. Bourses et demi-bourses affectées aux grands séminaires, à l'exception de celui de Liège : fr. 62,011. »

- Adopté.


« Art. 29. Clergé inférieur du culte catholique, déduction faite de 8,014 fr., pour revenus de cures : fr. 3,418,852. »

- Adopté.


« Art. 30. Subsides aux provinces, aux communes et aux fabriques d'église pour les édifices servant au culte catholique, y compris les tours mixtes et les frais du culte dans l'église du camp de Beverloo : fr. 450,000. »

M. le président. - M. le ministre de la justice a proposé à cet article une augmentation de 25,000 fr. qui en porte le chiffre à 475,000 fr.

- L'article est adopté avec ce dernier chiffre.


« Art. 30bis. Monument en commémoration de la Reine Marie-Louise. (Continuation des travaux.). Charges extraordinaires : fr. 450,000. »

- Adopté.


« Art. 31. Culte protestant et anglican. Personnel : fr. 52,446. »

- Adopté.


« Art. 32. Subsides pour frais du culte et dépenses diverses : fr. 7,524. »

- Adopté.


« Art. 33. Culte israélite. Personnel : fr. 9,350. »

- Adopté.


« Art. 34. Frais de bureau du consistoire central et dépenses imprévues : fr. 300. »

- Adopté.


« Art. 35. Pensions ecclésiastiques. Payement des termes échus avant l'inscription au grand-livre : fr. 8,000. »

- Adopté.


« Art. 36. Secours pour les ministres des cultes ; secours aux anciens religieux et religieuses : fr. 21,400. »

- Adopté.

Chapitre IX. Etablissements de bienfaisance

Articles 37 à 43

« Art. 37. Frais d'entretien et de transport d'indigents dont le domicile de secours est inconnu ou qui sont étrangers au pays : fr. 160,000. »

« Art. 38. Subsides : 1° à accorder extraordinairement à des établissements de bienfaisance et à des hospices d'aliénés ; 2° aux communes, pour l'entretien et l'instruction des aveugles et sourds-muets indigents, dans le cas de l'article 131, n°17, de la loi communale ; 3° pour secours aux victimes de l'ophtalmie militaire, qui n'ont pas droit à une pension ou à un secours à la charge du département de la guerre : fr. 146,000.

« Charges extraordinaires : fr. 50,000. »

- Adopté.


(page 141) « Art. 39. Frais de route et de séjour des membres des commissions spéciales pour les établissements de charité et de bienfaisance ; des médecins chargés de rechercher et de traiter les indigents atteints de maladies d'yeux, ,suite de l'ophtalmie militaire ; des membres et secrétaires de la commission permanente et de surveillance générale des établissements pour aliénés, ainsi que des comités d'inspection des établissements d'aliénés. Traitement du secrétaire de la commission permanente d'inspection ; traitement du secrétaire de la commission d'inspection de l'établissement de Gheel, ainsi que de l'employé adjoint à ce secrétaire : fr. 12,000. »

- Adopté.


« Art. 40. Impressions et achat d'ouvrages spéciaux concernant les établissements de bienfaisance et frais divers : fr. 2,000. »

- Adopté.


« Art. 41. Subsides pour les enfants trouvés et abandonnés, sans préjudice du concours des communes et des provinces : fr. 145,000. »

- Adopté.


« Art. 42. Subsides pour le patronage des condamnés libérés : fr. 20,000. »

- Adopté.


« Art. 43. Etablissement des écoles de réforme pour mendiants et vagabonds âgés de moins de 18 ans : fr. 220,000. »

- Adopté.

Chapitre X. Prisons

Section I. Service domestique
Article 44

« Art. 44. Frais d'entretien, d'habillement, de couchage et de nourriture des détenus. Entretien du mobilier des prisons : fr. 1,300,000.

« Charges extraordinaires : fr. 300,000. »

- Adopté.

M. Hymans. - Messieurs, à propos de ce chapitre, je crois de mon devoir déposer à M. le ministre de la justice une simple question, et j'espère qu'il voudra bien y répondre.

Je désirerais savoir de M. le ministre de la justice à quelles conditions l'administration des prisons admet dans ses établissements les frères des différents ordres qui y donnent l'instruction.

Il y a quelque temps, messieurs, un grand scandale s'est produit dans une des prisons de l'Etat. Je n'ai pas besoin de vous dire quelle profonde émotion ce scandale a produite dans le pays. Cette émotion a été d'autant plus grande que, s'il faut en croire des bruits qui ont couru, des lettres qui ont été publiées dans les journaux et qui n'ont pas été démenties, ces attentats ont été connus longtemps avant d'être réprimés.

Messieurs, je n'aurais pas demandé la parole pour signaler ce fait, isolé peut-être, à l'attention de M. le ministre de la justice, si des faits analogues et beaucoup plus nombreux ne s'étaient produits ailleurs, ne s'étaient produits dans des établissements d'instruction privée, dans des établissements d'instruction dirigés par le clergé, dans des établissements que malheureusement la Constitution met à l'abri de tout contrôle de la part de la législature et de l'Etat ; dans des établissements où tous les scandales peuvent se produire sous l'égide des libertés dont nous jouissons depuis 1830.

C'est parce que nous n'avons pas le droit de demander des explications au sujet de ce qui se passe dans ces établissements d'instruction, que je profite de la discussion du budget de la justice pour poser à M. le ministre la question que j'ai formulée en commençant.

J'ai le droit de demander, j'ai même le devoir de demander quelles garanties l'administration des prisons possède de la moralité des religieux qui sont admis à donner l'enseignement dans les prisons et qui sont appelés à moraliser les détenus.

J'aime à croire, je terminerai par l'expression de ce vœu, qu'à la suite des faits qui se sont produits et qui ont causé dans le pays, je le répète, une émotion si profonde, M. le ministre de la justice a pris les mesures nécessaires pour en empêcher le retour. J'aime à croire qu'il a fait tout ce qui était eu son pouvoir pour prévenir le retour de scandales qui n'ont pu exister qu'à l'abri d'une tolérance et d'une confiance que rien ne justifie aujourd'hui.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il m'est impossible de répondre en ce moment à la question que vient de poser l'honorable M. Hymans. L'introduction des frères dans les prisons date d'une époque assez éloignée. Les conditions auxquelles ils sont admis se trouvent consignées et dans une correspondance et dans différentes conventions qui sont intervenues entre le chef de la congrégation et le gouvernement. La Chambre comprend que je n'ai pas toutes ces conditions présentes à la mémoire. Si la discussion continue demain, je donnerai à l'honorable M. Hymans tous les renseignements qu'il peut désirer à ce sujet.

- Plusieurs membres. - A demain !

Projet de loi de naturalisation

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Vrière). - Le Roi m'a chargé de vous présenter un projet de loi accordant la naturalisation ordinaire au sieur Salamé, Michel, vice-consul de Belgique à Damiette.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi ; la Chambre en ordonne l'impression et la distribution et le renvoie à l'examen de la commission des naturalisations.

La séance est levée à 4 heures et demie.