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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 25 janvier 1860

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859-1860)

(page 548) (Présidence de M. Orts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Florisone procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

M. de Boe donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Florisone présente l'analyse des pétitions suivantes.

« Des habitants de Termonde demandent des modifications aux articles du Code pénal, relatifs aux coalitions. »

- Renvoi à la commission du Code pénal.


« Des habitants de Tillet demandent la construction d'une route de la barrière Hinck à la station de Libramont, par Amberloup, Tillet, Remagne, Froux et Sainte-Marie. »

« Même demande des membres du consul communal de Tillet. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

Rapports de naturalisation

M. de Paul. - Messieurs, j'ai l’honneur du déposer sur le bureau divers rapports sur des demandes en naturalisation ordinaire.

- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.

Vérification des pouvoirs

Arrondissement de Louvain

M. Magherman, rapporteur. - Messieurs, j'ai l'honneur de présenter à la Chambre un supplément de rapport sur les élections de l'arrondissement de Louvain.

Il résulte d'un extrait du registre aux actes de naissance de la ville de Tirlemont que M. François Van Dormael y est né en l'an VI de la république française ;

D’un autre extrait du registre aux actes de naissance de la ville de Termonde, que M. Joseph-Adrien Beeckman, fils de Joseph-Adrien, y est né le 12 avril 1819. .

Les honorables élus ont donc produit la justification exigée par la loi, quant à l'âge et l'indigénat, et rien ne semble plus devoir s'opposer à leur admission, d'autant plus que l'un et l'autre ont déjà exercé des fonctions publiques. M. Van Dormael a été bourgmestre de Tirlemont ; M. Beeckman a siégé dans le conseil de sa province.

- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées. En conséquence, MM. Van Dormael et Beeckman sont proclamés membres de la Chambre des représentants.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1860

Discussion générale

M. Carlier. - Messieurs, parmi les différents travaux d'utilité publique qui ont été votés dans la session extraordinaire, figure le canal qui doit relier le bassin du Couchant à la Dendre vers Ath.

Dans le projet qui nous a d'abord été présenté, ce canal avait Blaton pour point de départ.

Depuis, et à la suite de différentes explications fournies à l'honorable ministre des travaux publics, il a été entendu que la Chambre ne fixerait pas immédiatement quel serait le point de départ de ce canal, mais que de nouvelles études seraient faites, à l'effet de reconnaître s'il était plus utile de faire partir le canal de Blaton vers Ath, ou, au contraire, de le faire partir d'un point intermédiaire entre Mons et Blaton, point d'où il serait plus facile d'opérer l'embarquement de nos charbons.

Jusqu'ici, que je sache, les études qui étaient à faire, afin de déterminer telle fixation, n’ont pas été complétées, aussi je prends la parole pour prier instamment M. le ministre des travaux publics de vouloir bien activer ces études de façon que la Chambre puisse être saisie sans retard et qu'elle puisse délivrer aux délibérations qu'elle aura à prendre à cet égard.

Puisque j'ai la parole, et à propos de canaux, je demanderai également à M. le ministre des travaux publics où en sont les études qui ont été pareillement promises par lui et qui doivent être faites au sujet du canal qui doit relier la Lys à l'Yperlée. Nous savons tous que cette partie de canalisation est de la plus haute importance pour les intérêts du bassin de Mons, car elle doit compléter l’ensemble des voies navigables qui uniront le couchant de Mons à la mer du Nord.

L'état actuel de nos relations commerciales avec nos voisins, fait naître des préoccupations sérieuses et bien naturelles, à propos de certains de nos débouchés. On se demande si ces débouchés continueront à se maintenir et surtout s'ils continueront à présenter désormais à nos exploitants les mêmes avantages que ceux qu'ils leur présentent aujourd'hui.

II y a là pour le gouvernement des motifs puissants d'apporter une sollicitude particulière à l'exécution des différents projets destinés à créer des débouchés nouveaux et à faciliter l'écoulement de nos produis.

J'ai à appeler l'attention du gouvernement sur un dernier point, la station de Mons. Je sais que depuis longtemps les devis ont été faits pour exécuter certains changements, peu importants d'ailleurs, qui doivent rendre plus facile l'approche des guichets de distribution des billets et plus commodes les locaux destinés aux voyageurs.

Il reste donc peu de chose à faire pour qu'on puisse commencer les travaux. ; ce peu de chose, je prie M. le ministre d'y pourvoir sans retard afin de donner satisfaction aux nombreux voyageurs qui fréquentent cette station.

Là se bornent les observations que j'avais à présenter à l'occasion de la discussion générale du budget des travaux publics.

M. Thibaut. - Messieurs, dans la séance d'hier, j'ai prié M. le ministre, des travaux publics de nous donner des explications relativement au chemin de fer de Namur à la frontière de France vers Givet.

J'ai signalé trois points à son attention ; j'ai demandé quand expirent les délais accordés à la compagnie concessionnaire pour achever la ligne. En second lieu si le gouvernement pouvait donner l'assurance que les travaux seraient exécutés dans le délai prescrit, et troisièmement, dans le cas où la compagnie se serait mise dans l'impossibilité de remplir ses obligations quelles étaient les mesures auxquelles le gouvernement se proposait de recourir.

La réponse de M. le ministre des travaux publics ne m'a pas complètement satisfait. L'honorable ministre, après avoir déclaré qu'il n'était pas préparé à donner les explications que je lui demandais, a dit qu'il croyait que la loi accordait à la compagnie concessionnaire trois ans pour l'exécution de la première section de Namur à Dinant et que la deuxième section de Dinant à la frontière française devait être exécutée pour l'époque où la compagnie des Ardennes aurait elle-même exécuté la ligne française.

L'honorable ministre ajouta que la compagnie n'avait pas perdu de temps, que les plans définitifs, produits par elle, étaient approuvés, sauf quelques réserves. C'est à peu près en ces termes, je pense, que M. le ministre, s'est exprimé. Je n'ai pu consulter que mes souvenirs, parce que le discours de l'honorable ministre n'a pas paru aux Annales parlementaires. Mais M. le ministre n’a pas parlé d'un point très important, celui de savoir quand le délai pour l'exécution de la ligne a commencé et quand il doit finir. Ce chemin de fer, messieurs, est extrêmement important au point de vue de l'intérêt général du pays ; il est la question capitale pour l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter plus spécialement.

Permettez-moi donc, messieurs, d'entrer dans quelques détails.

L’obligation pour la compagnie de Liège à Namur de prolonger le chemin jusqu'à Givet résulte de l'article 63 du cahier des charges dont la date remonte au 19 juin 1845.

Cette obligation était à la vérité conditionnelle, mais la condition a été réalisée par un décret impérial du 10 juin 1857 qui a concédé à la compagnie des Ardennes la ligne de Charleville à la frontière belge par Givet. Peu après cette époque, M. Dumon, ministre des travaux publics, mit la compagnie de Namur à Liège en demeure de reconnaître cette situation et de l'accepter ; c'est ce qui permit au gouverneur de la province de Namur, dans la séance d'ouverture de la session du conseil provincial de 1857, de faire la déclaration suivante :

M. le gouverneur après avoir parlé des divers lignes qui sillonnent la province de Namur, ajoute : « Seul, l'arrondissement de Dinant se trouve déshérité ; mais tout nous donne lieu d'espérer que, dans un avenir prochain, la seconde ville de la province se trouvera reliée au chef-lieu et à la frontière française par un railway dont la compagnie concessionnaire de la ligne de Liége à Namur a été mise en demeure de la doter dans un délai de trois ans, aux termes de son contrat de concession. »

C’est, je le répète, à l'ouverture de la session du conseil provincial de 1857, que M. le gouverneur de la province de Namur s'exprimait en ces termes.

Messieurs, si, en 1857, il n'y avait pas eu de changement de cabinet, il est probable que l'espoir du premier fonctionnaire de la province de Namur n'aurait pas été déçu, et au moment où je parte la section du chemin de fer de Namur à Dinant serait ouverte. Mais la compagnie concessionnaire qui, quoi qu'en ait dit hier M le ministre des travaux publics, ne se hâte pas de remplir ses obligations et cela pour des motifs mystérieux que je ne puis deviner, la compagnie concessionnaire, dis-je, profita de ce changement de ministère et de l’absence momentanée du titulaire du département des travaux publics pour ajournerl.es travaux.

Plus d'une année s'écoule depuis que les obligations de la compagnie sont devenues exigibles, depuis qu'elle est mise en demeure, sous le (page 549) nom de société du chemin de fer de Namur à Liège, de remplir ses obligations ; et elle reste dans l’inaction, et le gouvernement, de son côté, laisse la compagnie complètement en repos. Ce n'est que le 10 juin 1858 que le conseil d'administration de la compagnie du Nord conclut avec la société du chemin de fer de Namur à Liège, une convention provisoire, pour prendre à sa charge l'exécution du prolongement de la ligne de Namur à Givet. C'est le 20 juillet qu'il soumet cette convention à la ratification d'une assemblée générale extraordinaire.

Quelle était la cause de ces retards ? Je l'ignore ; mais la compagnie du Nord ne peut dire qu'elle trouvait la ligue mauvaise, car, dans le rapport du conseil d'administration de cette compagnie à la séance extraordinaire du 20 juillet 1858, on peut lire, entre autres passages sur la question, celui-ci qui est très significatif :

« Un examen attentif nous a bien vite démontré qu'il importe à la compagnie du Nord de ne pas le laisser passer en d'autres mains, et qu'il ne peut y avoir pour elle que des avantages à s'en réserver la construction et l'exploitation, en se substituant à cet effet à la société de Namur à Liège. »

Il ne pouvait, messieurs, en être autrement ; cette ligne nouvelle ouvre, en effet, une grande voie de communication entre la Belgique (Liège principalement) et la Hollande d'une part, de l'autre avec l'intérieur de la France, Lyon, Reims et les villes du département des Ardennes, Mézières, Sedan, Charleville, Fumay, etc. Elle parcourt en outre en Belgique une vallée où les produits industriels sont excessivement abondants. L'avenir financier de cette ligne est donc brillant : cette ligne est bonne, la compagnie du Nord l'a reconnu, et elle restera bonne quand même la Chambre et le gouvernement consentiraient à concéder la ligne que demandait hier l'honorable M. Sabatier, celle de Châtelineau à Givet par Morialmé.

Et à cette occasion, je dirai, messieurs, que cette nouvelle ligne ne me paraît pas avoir une aussi grande utilité qu'on se l'imagine, surtout après la déclaration que M. le ministre des travaux publics a faite hier en réponse à l’honorable M. Jacquemyns. En effet, le motif principal pour lequel le bassin de Charleroi réclame la ligne de Châtelineau à Givet, c'est l'élévation du droit fixe que doivent supporter les marchandises transportées à petites distances sur les lignes de l'Etat. Or, j'i' cru comprendre que M. le ministre des travaux publics est disposé à modifier les errements de son département sous ce rapport, et qu'il consentira à diminuer considérablement, dans certains cas, les droits fixes. De sorte que les charbonnages, auxquels l'honorable M. Sabatier s'intéresse, pourront exporter leurs produits soit par la ligne de Namur à Givet, soit par l'Entre-Sambre-et-Meuse, à de bonnes conditions.

Quoi qu'il en soit, messieurs, la compagnie du Nord s'est donc substituée en juillet 1858 à la société du chemin de de fer de Namur à Liège pour prolonger sa ligne jusqu'à la frontière de France vers Givet. Il semblait, à cette époque, qu'elle allait mettre immédiatement la main à l'œuvre. Il n'en fut rien.

La société entama avec le gouvernement des négociations pour modifier son cahier des charges et ce ne fut que le 21 avril 1859 qu'une convention fut signée, à ce sujet, entre la société d'une part et l'honorable ministre des travaux publies, représentant l’Etat, d'autre part.

C'est cette convention que vous avez approuvée, messieurs, en votant ia loi du 27 mai 1859.

Ainsi se sont passées à peu près deux années, les deux tiers du délai accordé à la société par son cahier des charges pour achever toute la ligne.

Ce temps avait-il été au moins utilisé pour lever les plans ? M. le ministre des travaux publics l’affirmait dans l'exposé des motifs de la loi du 27 mai 1859.

Il disait : « Déjà la compagnie a soumis à l'approbation du gouvernement les plans du tracé d’une partie de la ligne, et elle compte pouvoir commencer les travaux très incessamment. »

Mais ces plans étaient loin d’être complets.

Le 27 août 1859, trois mois après la promulgation de la loi, deux mois après les élections auxquelles je dus l'honneur de rentrer dans cette Chambre, M. le ministre des travaux publics répondant à mes interpellations, disait encore : « a compagnie a déjà soumis ses plans, quant au tracé. Ils lui ont été renvoyés pour certaines modifications à y apporter, pour certaines études complémentaires à faire. Je pourrai au premier jour approuver les plans définitifs, et je ne doute pas que la compagnie ne mette aussitôt la main à l'œuvre.»

Les plans définitifs, messieurs, n'ont été approuvés qu'au commencement de cette année et encore pour une partie seulement. Quant à mettre la main à l’oeuvre, je n'ai pas appris que la société y soit encore préparée.

Vous comprenez, messieurs, que dans de telles conjonctures les populations riveraines de la Meuse et la ville de Diuant surtout peuvent faire entendre des plaintes légitimes. Ces populations et cette ville de Dinant peuvent se plaindre du peu d'empressement de la compagnie à remplir ses obligations et jusqu'à certain point de l'indifférence que le gouvernement a montrée dans cette affaire. Car de graves inconvénients résultent de tous ces retards pour le commerce et l'industrie.

Il n'est pas jusqu'au batelage qui n'ait à en souffrir. En effet on n'achève pas les parties du chemin de halage que le chemin de fer pourrait rencontrer et il arrive, par exemple, qu'entre Bouvignes et Dinant, sur une distance d'à peu près deux kilomètres, les bateliers doivent, pour la remorque des bateaux, traverser deux fois la Meuse. Vous comprenez quelle perte de temps et quels frais sont la conséquence de cet état de choses. On ne pourrait pas dire cependant pour la défense de la compagnie et à la décharge aussi du gouvernement, que les délais ne soin pas près d'expirer. L'article 63 du cahier des charges qui stipule l'obligation de la compagne a déterminé aussi le délai endéans lequel elle doit la remplir.

Le paragraphe 2 de cet article est ainsi conçu : « Le délai accordé à cet effet, aux concessionnaires serait de trois ans, à dater de l'acte du gouvernement français qui aurait assuré l'exécution du chemin de fer sur son territoire. »

Or, cet acte du gouvernement français, je vous l'ai rappelé tout à l'heure, messieurs, c'est le décret impérial du 10 juin 1857.

Donc le délai de 3 ans expire le 10 juillet 1860. Cela est évident et c'est ce qui a permis à M. le gouverneur de la province de Namur ouvrant la session de 1857 du conseil provincial, de faire la déclaration que j'ai rappelée tantôt.

Le gouvernement, messieurs, a eu, selon moi, le tort d'oublier quel était le délai fatal accordé à la compagnie, et cette première faute l'a entraîné dans une seconde. Il n'a pas insisté auprès de la compagnie, il ne lui a pas rappelé quelles étaient ses obligations. Ainsi, à la première question que j'ai posée hier, à savoir quand expire le délai accordé par la loi à la compagnie concessionnaire de la ligne de Namur à Givet, il n'y a qu'une seule réponse à faire : Non, les travaux ne seront pas achevés à cette époque.

A la seconde question : Les travaux seront-ils achevés à cette époque ? il n'y a, non plus qu'une seule réponse à faire : Non, les travaux ne seront pas achevés à cette époque.

Dans cette situation, messieurs, qu'y a-t-il à faire ? Certes en droit strict le gouvernement, lorsque le délai sera expiré, pourrait prononcer la déchéance de la compagnie pour toute la ligne depuis Liège jusqu'à la frontière française ; mais je conviens que cette mesure serait trop rigoureuse et je me garde de demander à M. le ministre de se montrer aussi sévère. Il faut cependant que l’on sorte de cette fausse position.

Je ne sais pas si M. le ministre y a réfléchi, s'il a un projet qu'il serait prêt à nous faire connaître.

Quant à moi, messieurs, je dirai franchement monopinion. Je crois que la compagnie devra être relevée de la déchéance qu'elle va encourir et je serais disposé à accorder pour la première section, celle de Namur à Dinant, une prolongation de délai jusqu'au 31 décembre 1860, et pour la deuxième section, celle de Dinant à la frontière française, une prolongation jusqu'au 31 décembre 1861.

Ce laps de temps est suffisant pour construire toute la ligne et la seconde époque coïncidera avec l'ouverture de la ligne française, car la compagnie des Ardennes s'est engagée à terminer le chemin de fer de Charleville à la frontière pour l 31 décembre 1861 ; je suis persuadé que M. le ministre en est informé. Je ne consentirais pas, messieurs, à donner à la compagnie du Nord un seul jour de plus.

Les observations que j'ai présentées, messieurs, engageront, j'espère, M. le ministre des travaux publics à apporter, dans une question qui intéresse si vivement l'arrondissement de Dinant, l'intelligence, l'activité et la bienveillance dont il donne des preuves à d'autres parties du pays. Je compte aussi que la proposition que j’ai faite en terminant, obtiendra l'adhésion de la Chambre, du gouvernement et de la compagnie du Nord elle-même.

- MM. de Man d’Attenrode, Landeloos, Van Dormael et Beekman, admis comme membres de la Chambre, dans une séance précédente, prête serment.

M. Rodenbach. - Messieurs, un honorable député de Mons a demandé qu'on augmentât les débouchés des charbonnages et il a engagé M. le ministre à s'occuper de canalisation. Je regrette qu'il n'ait pas songé à la canalisation de la rivière la Mandel, qui est de la plus haute importance aussi bien pour Mons que pour l'arrondissement de Roulers.

Les charbons arriveraient ainsi à beaucoup meilleur marché dans une localité considérable où il y a beaucoup de manufactures et d'usines.

L'année dernière, au mois d'août, mon honorable ami M. Dumortier et moi avons insisté pour que M. le ministre des travaux publics voulût bien s'occuper de cette question qui est du plus haut intérêt pour le centre de la Flandre occidentale ; le charbon, en effet, y est plus cher qu'en France, tandis que si la Mandel était canalisée, on obtiendrait le combustible à des conditions beaucoup meilleures.

En 1840, et bien avant, il y a plus d'un quart de siècle, j’ai demandé avec instance que ce canal fût étudié et on l'a fait en 1841. Je désirerais savoir ce qu'est devenu le travail de M. l’ingénieur Detreux, travail qui a été contrôlé par M. de Block. Ces deux hommes d'un grand mérite ont constaté que la première section, jusqu'à Roulers, ne devrait coûter que 436,000 fr. Il paraît que ces études restent dans les cartons. Voilà des années et des années que nous n'avons cessé d'élever des réclamations à cet égard.

Il est des localités qu'on oublie. Et cependant, le répète, la ville de Roulers ainsi que celle d'Iseghem sont le centre d'un commerce de la plus bute importance ; c'est là où l'on a commencé à tisser la toile avec du fil à la mécanique. Il y manque des moyens de transport. La canalisation dont il s'agit ne doit pas occasionner une dépense considérable. Pourquoi donc reculer devant ce travail ?

A la vérité, au ministère de l'intérieur, on a commencé à examiner (page 550) la question de la jonction de la Mandel avec le Saint-Amand, dans le but de donner de l'eau aux nombreuses fabriques et d'assainir et de rendre potables les eaux corrompues.

M. le ministre de l'intérieur nous a fait, l'année dernière, une promesse formelle. Une somme de 80,000 fr. a été votée pour ce travail. Puisque des fonds sont faits à l'intérieur, pourquoi le ministre des travaux publics à son tour ne s'occuperait-il pas de la canalisation de la Mandel, qui doit doter une contrée intéressante d'une voie de communication dont elle a plus grand besoin ?

A l’articles « Routes », je me réserve de parler du pavé à construire entre Roulers et Passchendaele.

L'année dernière j'ai appelé l'attention du ministre sur les télégraphes e les compagnies concessionnaires. J’ai dit que ces télégraphes ne sont pas toujours à la disposition du public. Cela peut cependant être très nécessaire dans certaines circonstances, par exemple au moment des élections L'année dernière, M. le ministre des finances a pris l’engagement de présenter une loi : je veux bien qu'on fasse une loi ; mais je pense qu’en attendant il y a d'autres moyens que le gouvernement peut employer pour arriver au but que nous avons en vue.

Messieurs, je ne parlerai pas maintenant de la taxe uniforme de 10 centimes ; car on a discuté cette question, à l'occasion du budget des voies et moyens. Du reste, il est entendu qu'on y reviendra l'année prochaine.

Messieurs, il me reste à dire quelques mots de la poste rurale. J'appuie l'augmentation de 188,000 fr. que M. le ministre des travaux publics demande ; j'appuie surtout la partie de cette augmentation, savoir 70,000 fr., qui est destinée à l'amélioration de la poste rurale ; il s'agit de nommer 150 facteurs de plus pour le plat pays et 50 pour les villes.

J'appuie, je le répète, cette augmentation, et en l'appuyant, je dois rendre justice à M. le ministre des travaux publics et à ses fonctionnaires qui ont introduit des améliorations dans ce service.

Les précédents ministres n'avaient pas parlé de l'idée d'avoir des brigadiers qui contrôlent les facteurs, on demande un crédit pour en nommer.

J'applaudis à cette mesure et prie M. le ministre de bien vouloir nommer promptement un facteur de plus dans la ville de Roulers qui desservirait en même temps la commune d'Ardoye.

Je bornerai là pour le moment mes observations en me réservant de présenter d'autres considérations lors de la discussion des articles spéciaux du budget.

M. H. Dumortier. - Messieurs, à la séance d'hier, un honorable député de Gand a cru utile de soulever, quoiqu'avec une certaine circonspection fort prudente, la question de la corruption des eaux de la Lys. Je ne crois pas que le moment soit venu de discuter à fond cette grave question, à moins que la députation gantoise ne désire cette discussion. Pour nous, nous l'attendons depuis longtemps sur ce terrain, nous accepterions le débat de tout cœur.

Mais je crois que le moment de discuter à fond cette question n'est pas venu, parce que le gouvernement n'est pas resté inattentif aux réclamations de la ville de Gand ; des mesures ont été prises et avant d'avoir constaté le résultat, l'effet de ces mesures, c'est montrer beaucoup d'impatience que d'en réclamer de nouvelles qui viendraient apporter des entraves à une industrie considérable.

L'honorable M. Jacquemyns attribue les faits dont il se plaint à deux cau.es : la première cause est l'industrie, la deuxième le rouissage du lin ; et quand il vient à indiquer les remèdes à apporter à la corruption des eaux, il a soin d'écarter la première, la plus considérable de ces causes et il se rabat exclusivement sur le rouissage du lin ; il demande que pour l’année prochaine on prenne des mesures réglementaires qui seraient essentiellement différentes de celles que le gouvernement a prises pour l’année qui vient de finir.

Quand en présence de mesures considérables, qui peuvent amener des résultats fort utiles, nous voyous l'industrie gantoise élever constamment de nouvelles réclamations, on ne peut nous faire un reproche d'user de notre droit de légitime défense.

Nous devons faire voir que ce n'est pas le rouissage de lin, mais l'industrie et surtout l'industrie gantoise, qui contribue plus que quoi que ce soit à la corruption de la Lys à Gand.

Rien ne corrompt les eaux de la Lys à Gand comme les fabriques et les usines de tout genre. Qui voudra se rendre à Gand et examiner l'eau aux enviions de certaines fabriques, verra que ce n'est plus là de l'eau, mais un liquide de toutes les couleurs qui teint jusqu'aux bords de la rivière et de telle nature que l'usage de cette espèce d'eau devient impossible pour les hommes comme pour les animaux. Mais peu importe la situation de ceux qui habitent en aval de ces fabriques, il faut bien avant tout que les usines marchent.

Il en est à peu près de même dans cette autre question : Les inondations de l'Escaut. Dans l'intérêt de l'industrie gantoise, de la navigation intérieure de la ville et du canal de Terneuzen ; on n'a que trop souvent retenu les eaux malgré les nombreuses plaintes des riverains du haut Escaut ; dès que l’industrie gantoise est satisfaite, tout le monde doit être satisfait.

Il faut qu'on le sache, chaque fois qu'au nom d'un intérêt respectable sans doute, mais d'un intérêt local, la députation gantoise viendra se faite l'organe de plaintes et de récriminations exagérées et provoquer des mesures qui frapperaient au cœur une de nos grandes industries non gantoises, nous élèverons ici d'énergiques protestations.

De plus, il n'est pas hors de propos de faire remarquer qu'il existe, paraît-il, à Gand, un nombre assez considérable de fabriques qui ne se conforment pas aux lois et règlements. Je soumets cette observation au gouvernement pour l’éclairer dans les enquêtes qui se font et se feront sur cet objet.

Il est important qu'on prenne des mesures à ce sujet. Le gouvernement n'est pas resté sans rien faire pour porter remède à la corruption des eaux de la Lys. On devait se contenter en ce moment de cette marque de sollicitude qu'il a donnée, en attendant qu'on puisse en constater les résultats.

M. le ministre a dit que la question de la corruption des eaux de la Lys était encore une question plus ou moins douteuse. Je ne pense pas qu'il puisse affirmer que c'est le rouissage du lin qui contribue le plus à cette corruption. Puisque M. le ministre n'a pas encore une conviction complète à cet égard, qu'l me permette de lui indiquer certains documents qui pourront été d'un grand secours pour l'étude de cette question.

Parmi ces documents figurent :

Un rapport fait au conseil provincial de la Flandre orientale et un discours de M. le ministre des affaires étrangères quand il était gouverneur de la Flandre occidentale.

Je demanderai à la Chambre la permission de lire quelques passages de ces documents.

Le rapport au conseil provincial s'exprime comme suit :

« Si l'intérêt général exigeait de certaines limites au rouissage dans la Lys, il serait juste de tenir compte de l'importance que cette branche de travail a acquise depuis quelques années. D'ailleurs, l'entraver en Belgique, ce serait déplacer le rouissage en France, avec les mêmes inconvénients et sans les bénéfices considérables, à moins qu'il ne fût convenu, au préalable, avec le gouvernement français, d'arrêter des dispositions communes aux deux pays qui seraient applicables à la Lys dans tout son parcours. »

J'arrive maintenant au discours très remarquable de l'honorable baron de Vrière ; ce document a une importance toute particulière, la question est traitée à fond.

« Pendant cette dernière moitié du siècle où l'industrie linière a pris dans notre pays un développement immense, le rouissage semble avoir conquis une liberté complète, grâce sans doute au bien-être que le travail du lin répandait dans toute la Flandre. Nous ne trouvons plus aucune trace de plaintes ou de réclamations qui auraient surgi pendant ce long intervalle : il n'était plus question ni d'odeur infecte et malsaine, ni d'industries paralysées ; ces eaux sales étaient un Pactole qui roulait de l'or à travers les deux Flandres, le fléau d'autrefois ne troublait plus personne.

« Ceci me rappelle une dissertation que j'ai lue récemment et dans laquelle l'auteur d'un journal agricole déconseille l'emploi des matières fécales dans la culture des céréales et des racines, en soutenant que le pain et les légumes contractent la saveur de ces matières.

« C'est probablement aussi parce que nous savons que l'emploi de ces engrais nous donne de bonnes récoltes, là où nous en aurions de mauvaises, que nous avons le sens du goût moins délicat que l'auteur dont je parle. »

Un peu plus loin, dans le même discours, M. le gouverneur de la Flandre occidentale émettait les considérations décisives que voici :

« Mais, messieurs, ce que je crois aussi, et c'est, je l'espère, ce qu'une enquête viendra démontrer, c'est que dans ces inconvénients actuels et futurs, le rouissage est et sera toujours le plus petit coupable, si petit, peut-être, qu'une instruction minutieuse le renverra des fins de la plainte ; et qui sait si l'on ne pourra pas dire encore que tel a crié au voleur qui était surpris la main dans la poche de son voisin !

' « Le grand coupable, messieurs, c'est, je crois, l'industrie en général, l'industrie qui se développe sous mille formes et dans des proportions gigantesques. Quant à la Lys supérieure, c'est surtout l'industrie du département du Nord, ce sont les teintureries, les fabriques de sucre de betterave, les distilleries de riz, etc. ; pour la Lys inférieure, c'est notre propre industrie, c'est celle de Roulers qui jette dans la Lys les eaux infectes de la Mandel : c’est l’industrie gantoise elle-même qui contribue pour une bonne part à la corruption de la rivière.

« Permettez-moi, messieurs, de vous citer quelques faits à l'appui de cette opinion : vous savez que le traitement du lin, tel qu'il se pratique dans la Lys, exige de l'eau limpide et en abondante ; lorsque les mauvaises eaux descendent, ce qui arrive surtout à l'époque des rigolades, les rouisseurs se hâtent de retirer leurs lins et attendent de nouvelles eaux ; cette année, c'est ce qui a eu lieu, m'assure-t-on, après la Pentecôte, tout le long de la Lys ; il paraît même qu'un rigolage de la Deule, ayant eu lieu à l'improviste, des rouisseurs ont été surpris et ont subi des pertes considérables par la détérioration qu'éprouve le lin au contact de ces eaux corrompues.

« Les eaux à cette époque ont été gâtées à Bruges aussi bien qu'à Gand ; les poissons y mouraient en masse, le bétail refusait de boire l’eau des canaux, mais un seul de ces canaux pourtant n'était pas en ce moment en communication avec la Lys, c'était le canal de Damme ; les eaux dans ce canal sont restées pures et claires, le poisson n'y est point devenu malade, et c'est, remarquez ceci, le seul canal de la banlieue de Bruges où le rouissage se pratique ; le lin y a séjourné et les (page 551) opérations s'y sont continuées pendant tout l’été sans qu'il se soit élevé aucune réclamation, pas même de l'entrepreneur de la pêche. »

Il est utile de faire connaître à la Chambre et au pays la vérité sur cette question, afin que les exagérations auxquelles elle a déjà donné naissance soient réduites à leur juste valeur.

« Eh bien, disait encore l'honorable M. de Vrière, ce qui n'est pas arrivé dans le canal de Damme est arrivé au-dessus de Warneton. Je tiens d'un de vos honorables collègues qui est adjudicataire de la pêche du quartier en amont de Warneton, que dans ce quartier les eaux de la rivière ont été gâtées cette année ; or, chacun sait qu'en amont de Warneton il ne se fait aucun rouissage ; voilà bien la preuve que le rouissage n'est pas, comme on le croit, la principale cause de la corruption des eaux de la Lys.

« Le rouissage ne se pratique pas dans les environs de Lille, et pourtant j'ai la preuve en mains que, depuis plusieurs années, des doléances ont aussi là surgi, tant au nom de l’agriculture, dans l'intérêt du bétail qu'au nom de la salubrité publique. C’est ainsi que le comice de Lille ne cesse point ses réclamations. L'administration française s’occupe activement des moyens de parer aux inconvénients résultant de la corruption des eaux, ou de les atténuer ; c'est dans ce but qu'elle exige dans les distilleries des betteraves, la saturation de l'acide sulfurique des vinasses résidus, par la chaux, et la construction de puits absorbants, ou de bassins successifs de gradation où les vinasses laissent leur dépôt noirâtre.

« Quoi qu'il en soit, ce que je veux établir seulement, c'est que de nos jours, et dans cet immense volume d’eau sans cesse renouvelé qui constitue la Lys moderne, le rouissage ne présenterait aucun inconvénient qui méritât d'être signalé, si des causes d'altération bien autrement puissantes et dont le rouissage souffre lui-même, ne venaient corrompre les eaux.

« J'ai cité des faits, qu'on veuille les examiner et les discuter avant de songer à porter des entraves à un usage qui fait vivre 50,000 Belges, et qui est la base de l'une de nos grandes industries nationales. »

Il me semble, messieurs, que ce document doit avoir une valeur toute particulière pour M. le ministre des travaux publics et pour le gouvernement, car il émane d'un haut fonctionnaire parfaitement compétent, d'un homme, je me plais à le déclarer, qui, dans cette circonstance comme dans d'autres, a rendu à la Flandre occidentale des services dont le souvenir n'est pas oublié.

Au reste, je n'ai nullement l’intention de traiter aujourd'hui cette question à fond ; je me borne à ces courtes observations, pour que l'opinion publique soit éclairée sur la véritable situation des choses.

M. J. Jouret. - En demandant la parole lorsque l'honorable M. Carlier faisait son observation relativement au canal de Blaton, je n'avais nullement l’intention de le combattre sur ce point ; mon intention, au contraire, était d’appuyer ses paroles. Seulement il m'a paru qu'il était nécessaire d'y ajouter quelques réflexions parce qu'en restreignait son observation, comme il l'a fait, l'honorable M. Carlier m'a paru ne tenir aucun compte de sa position qui avait été faite à la Dendre lors du vote du grand projet de travaux publics.

Vous vous rappelez, messieurs, que, lors du vote de ce projet de loi, un crédit de 2,500,000 fr. a été affecté spécialement à la Dendre.

Mais comme sous ce crédit, qui était, je le répète, principalement affecté à la Dendre, puisqu'il avait été compris déjà dans le grand projet de 1848, le gouvernement a jugé convenable de venir glisser un autre travail, travail national, sans doute et dont je suis loin de contester l'utilité, le canal de Blaton, auquel l’honorable M. Carlier a fait allusion tout à l'heure, j'ai, à cette époque fait quelques observations qui avaient pour but de maintenir au crédit son caractère spéciale et son affectation exclusive à la Dendre. M. le ministre des travaux publics me répondit, avec une bienveillance dont je le remercie/

« Quant à l'interpellation faite par l'honorable M. Jouret, disait-.il, voici ce que j'ai à répondre : le crédit de fr. 2,500,000 doit rester affecté par privilège à la canalisation et à l'amélioration de la Dendre. Les plans n'étant pas achevés, il est impossible de dire quel sera le chiffre exact de la dépense. Lorsque les plans seront achevés, si je n'ai pas de demandeurs en concession pour le canal, le gouvernement mettra lui-même la main à l'œuvre pour la Dendre.

Vous voyez, messieurs, qu'il était nécessaire que j'ajoutasse quelques observations à celles de l'honorable M. Carlier, parce que, en ne parlant que du canal de Blaton, il ne tenait aucun compte de ce qui avait été décidé à cette époque, au point de vue des travaux à opérer à la Dendre et au point de vue des travaux à effectuer au cana de Blaton, simultanément.

Il est donc rester entendu, et j'espère que M. le ministre des travaux publics n'hésitera pas à déclarer qu'il en est ainsi, c’est-à-dire que lorsqu’il sera constaté qu’il n’a pas trouvé de concessionnaires pour le canal de Blaton ou qu’il a perdu l’espoir d’en trouver, il se hâtera, pour me servir de ses propres expressions, de mettre énergiquement la main à l’œuvre pour exécuter les travaux spéciaux de canalisation de la Dendre.

M. le ministre doit comprendre combien les populations intéressées aux travaux de la Dendre désirent qu'ils se fassent, car il ne peut pas ignorer que l’état actuel des choses, signalé à diverses reprises déjà, cause un préjudice notable à l'industrie et au commerce des riverains.

Je saisirai cette occasion pour faire une autre observation à M. le ministre des travaux publics.

It a été créé, il y a peu de temps, dans la capitale, une association qui a pour titre : Conférence des chemins de fer belges. Cette association est composée de membres et secrétaires des conseils d’administration, de directeurs-gérants et de directeurs ou chefs d’exploitation des chemins de fer exploités en Belgique. Le but que l’association se propose est déterminé d’une manière claire dans le paragraphe premier du règlement que je tiens en main. Ce paragraphe s’exprime ainsi :

« Cette association a pour but :

« 1° De s'occuper des intérêts généraux des chemins de fer ;

« 2° D'étudier les questions générales se rattachant à l’industrie des transports et aux voies de communication par chemin de fer, par terre et par eau ;

« 3° De rechercher et de recommander l’adoption des mesures propres à améliorer l'exploitation des chemins de fer, tant au point de vue technique qu'au point de vue administratif, commercial et contentieux ;

« 4° De réunir, pour les tenir à la disposiiton des membres de l’association, les publications, les documents et les renseignements de toute nature, relatifs à l’exploitation des chemins de fer. »

Comme vous le voyez, le but que se propose à cette association est extrêmement vaste et utile. Elle a pour but de se livrer à des discussions dans lesquelles elle aborde tout ce qui concerne l’exploitation et la bonne administration des chemins de fer. Pour que cette association ait pu se constituer, les compagnies ont dû intervenir dans les frais de premier établissement, pour des sommes en rapport avec la longueur des lignes exploitées par elles.

J'ai l'honneur d'attirer l’attention de M. le ministre des travaux publics sur cette association, en le priant de voir s’il ne serait pas utile que le gouvernement y fût représenté par un certain nombre de fonctionnaires de l’administration du chemin de fer. Pour moi, je crois que cela ne pourrait qu’être bon et utile au point de vue des connaissances que doivent posséder les fonctionnaires de l’administration, comme ceux qui s’occupent de l’exploitation des chemins de fer et leur bonne administration dans notre pays.

L’association du reste en témoigne le désir dans l’article final de son règlement, qui est conçu en ces termes : « Le but que poursuit la conférence étant d'un grand intérpet pour tous les chemins de fer exploités en Belgique, mes fondateurs du cercle espèrent pouvoir compter sur l’appui du gouvernement et des compagnies concessionnaires. »

Je me borne à signaler l'existence de cette association à M. le ministre des travaux publics, laissant à sa sollicitude éclairée pour tout ce qui concerne la bonne administration du chemin de fer qu'il dirige avec tant d’intelligence le soin de décider ce qu'il y aurait le bon et utile à faire dans cette occasion.

Puisque j'ai la parole, j'adresserai encore une question à M. le ministre des travaux publics

A quoi en sont les négociations qui ont dû avoir lieu entre le gouvernement et les demandeurs en concession du chemin de fer de Braine-le-Comte vers Gand ? On s'étonne généralement que ce projet, que nous avons déjà eu deux fois à notre ordre du jour, tarde tant à revenir et à donner à la Chambre l'occasion de voter un chemin de fer qui évidemment sera d'une utilité incontestable pour le centre houiller que je représente dans cette enceinte, ainsi que pour notre grand chef-lieu industriel, la ville de Gand.

M. Magherman. - L'exposé de motifs de la loi du 8 septembre dernier (exécution de divers travaux d’utilité publique), en ce qui concerne les travaux à exécuter à l’Escaut supérieur, a jeté quelque inquiétude parmi les propriétaires riverains du haut Escaut ; ils sont peu rassurés sur les intentions du gouvernement quant à l’établissement du chemin de halage pour faire la traction des bateaux au moyen de chevaux.

Jusqu’ici cette traction s’est toujours faite à bras d’hommes. Comme le gouvernement le reconnaît, le halage au moyen de chevaux est aujourd’hui impossible ; il n’y a, le long des bords de l’Escaut, que de simples sentiers établis au même niveau que le reste des propriétés riveraines, sentiers qui se submergent avec les prairies et n’opposent aucun obstacle au retour des eaux dans le fleuve.

Cet état de choses était consacré par les anciennes coutumes locales. En effet, on lit dans la coutume d’Audenaerde, dont l(action ne s’étendait que sur la rive gauche de l’Escaut, ce qui suit :

« De traghels van Audenaerde op Ghent moeten hebben de breedde van vyf voeten, ende van Audenaerde op Doornick, daer ‘t martchipketsen mag metten peerde, taien voeten. »

Ce que le traducteur des coutumes de Flandre, Legraadl, rend de la manière suivante :

« Les traghels ou chemins (sur les bords de la rivière ou l’on tire les bateaux), d’Audenarde à Gaud, doivent avoir la largeur de cinq pieds, et d'Audenarde à Tournai, où le bateau du marché peut chasser avec le cheval, dix pieds. »

On ne trouve aucune autre trace d'un bateau de marché ayant voyagé entre Audenarde et Tournai hâlé par chevaux ; et en fait ce halage est (page 552) impossible. En tout cas, le texte de la coutume précisée ne pourrait concerner que la rive gauche de l'Escaut entre Audenarde et Tournai.

Quant à la rive droite, on y suivait la coutume d'Alost qui est muette sur ce point. Mais les livres terriers des communes situées sur la rive droite ne donnent à es sentiers qu'une largeur de cinq pieds.

Cet état de choses existait ainsi légalement, et le fait était conforme au droit, lorsque la législation française est venue bouleverser cette situation.

Un décret impérial du 4 prairial an XIII a ordonné la publication partielle, dans ces provinces, de l'ordonnance française des eaux et forêts de 1669

Cette ordonnance porte à son article 7 du titre 28 ce qui suit :

« Les propriétaires des héritages aboutissant aux rivières navigables, laisseront, le long des bords, vingt-quatre pieds au moins de place en largeur, pour chemin royal et trait de chevaux, sans qu'ils puissent planter arbres. ni tenir clôture ou haie plus près que trente pieds du côté où les bateaux se tirent, et dix pieds de l'autre bord, à peine de 500 livres d'amende, confiscation des arbres, et d'être les contrevenants obligés à réparer et mettre les chemins en état et à leurs frais. »

On se demande si le gouvernement, pour l'établissement des chemins de halage en question, est intentionné d'appliquer cette législation dans toute sa rigueur, sans indemniser les propriétaires riverains de l'Escaut ?

Quant à moi, j'estime que le gouvernement ne pourrait agir ainsi, sans contrevenir au droit et à l'équité.

Tant qu'il ne s'est agi que de frapper les propriétés riveraines de I Escaut d'une servitude purement négative, qui empêche les riverains de ce fleuve de planter des arbres, des haies, de construire des bâtiments dans la zone atteinte, on pourrait à la rigueur soutenir que l'indemnité n'était pas due. Cependant il ne s'agit pas ici, comme en matière de servitudes militaires, d’un droit supérieur qui, comme la défense du pays, doit dominer toute autre considération ; il ne s'agit ici en définitive que de l'intérêt de la navigation et du commerce, lequel intérêt, si respectable qu'il soit, ne l’emporte pas sur celui de la propriété et de l'agriculture, qui est tout aussi respectable. Lors donc qu'on veut améliorer une branche de l’intérêt public, aux dépens d'une autre branche qui a les mêmes droits à la sollicitude du gouvernement, il faut que celui qu'on exproprie soit indemnisé. Cela est conforme à l'équité, à l'esprit et même au texte de notre Constitution.

Je dirai plus : dans le cas actuel, cela est conforme à notre doit civil.

L'ordonnance de 1669 et le décret impérial qui en ordonne l'application dans ce pays, ne frappent les propriétés riveraines des fleuves et rivières que d’un droit de servitude.

Cette servitude de passage en faveur des haleurs de bateaux n'a pas empêché jusqu'ici les propriétaires riverains de faire la récolte des herbages jusqu'aux bords du fleuve ; elle n'a mis aucun obstacle à l'irrigation des prairies ; la servitude de sa nature n'impose au fonds servant que l'obligation de souffrir la chose qui en est l'objet. Le Code civil défend à celui au profit duquel existe la servitude de rien faire qui tende à l'aggraver (Code civil, article 702). Or si le gouvernement à l'intention d'établir des chemins de halage propres à la traction des chevaux, il faut qu'il les établisse de manière à les mettre à l'abri des inondations ; il devra donc en quelque sorte construire des digues le long de la rivière. Ce n'est plus là l'usage de la servitude tel qu'il existe jusqu'à ce jour, mais c'est une véritable aggravation qui prive le propriétaire de ses récoltes et qui établit entre la prairie et le fleuve un obstacle qui empêchera l'irrigation et le retour des eaux dans l'Escaut, quand le moment opportun sera venu.

J'estime donc que le gouvernement devra indemniser les propriétaires riverains, et cette opinion est conforme à celle de plusieurs auteurs français, qui quoique ayant écrit plus spécialement en vue de leur pays où l'ordonnance de 1669 st en vigueur depuis près de deux siècles, admettent cependant le principe de l'indemnité.

Voici ce que dit à ce sujet Garnier, régime des eaux, tome premier, page 83 :

« Suivant le décret du 22 janvier 1808, il doit être alloué aux riverains une indemnité proportionnée au dommage qu'ils éprouvent, dans le cas où le besoin de la navigation oblige d'établir sur leurs fonds des chemins de halage. »

Et plus loin, page 115 :

« D'après le principe qu'une indemnité est due aux riverains, lorsque l'Etat rend navigable une rivière qui, précédemment ne l'était pas, il nous semble que si la largeur du chemin était antérieurement restreinte à moins de 24 pieds, parce que la navigation ne s'opérait pas à trait de chevaux, et que par la substitution de ce mode au précédent, on vînt à exiger un supplément de largeur, il y aurait lieu à raison de cette innovation, à une indemnité, malgré la jurisprudence de l'administration qui nous paraît, comme on l'a vu, fort contestable. »

Pardessus, Traité des servitudes, tome 1, page 535, exprime la même opinion.

« S'il résulte, dit-il, pour le propriétaire quelque perte de l’établissement de la servitude de halage, il ne peut s'adresser qu'au gouvernement pour être indemnisé, s'il y a lieu. »

S'il y a lieu, c'est-à-dire en cas de dommage matériel.

En effet, messieurs, l'indemnité devra être considérable ; car les prairies de l'Escaut ont une grande valeur ; elles se vendent de 10,000 à 15,000 fr. l'hectare.

Mais il ne suffira pas que l'Etat indemnise les propriétaires pour les terrains qu'occuperont les chemins de halage ; il devra encore ménager aux prairies les moyens d'irrigation et d'évacuation convenables ; sinon il réduirait à la stérilité ces magnifiques prairies qui font la richesse de la vallée de l'Escaut. Il devra donc construire un nombre considérable d'aqueducs, et cela entraînera encore une grande dépense.

Tous ces travaux ne pourront être entrepris qu'après une étude sérieuse par des ingénieurs ayant une connaissance approfondie du régime de l'Escaut ; sinon on s'exposerait à détériorer considérablement les propriétés riveraines, et indépendamment de ce que l’Etat mettrait en péril une portion de la fortune publique, il se créerait une source d'embarras et de procès.

Je prie donc M. le ministre des travaux publics de ne s'engager dans cette voie qu'après le plus mûr examen. Je le prie de ne commencer ces travaux qu'après avoir acquis la certitude que les intérêts respectables des propriétaires riverains seront sauvegardés sous tous les rapports ; je le prie encore de considérer que l'intérêt de l'industrie et des consommateurs de charbon se trouvera bientôt dans une situation à sentir moins le besoin d'une navigation qui ne soit sujette, à aucune interruption, par suite de la prochaine ouverture du chemin de fer qui doit mettre le bassin du couchant de Mons en relation directe avec la ville de Gand et les principaux centres de consommation qui avoisinent l'Escaut.

Enfin je prie l'honorable ministre de bien vouloir prononcer quelques paroles qui soient de nature à rassurer les justes alarmes des propriétaires riverains de l’Escaut.

M. Manilius. - Messieurs, j'avais demandé la parole au moment où l'honorable député de Waereghem a derechef soulevé la question usée du rouissage ; j'ignorais qu'il y avait d'autres orateurs inscrits, je prie donc la Chambre de vouloir bien comprendre que je reprends mon discours au moment où finissait de parler l'honorable député.

Je répondrai à l'honorable membre que j'ai prêté la plus grande attention à la discussion qui a eu lieu dans la séance d'hier et j'ai entendu avec plaisir le discours de mon honorable collègue M. Jacquemyns. J'ai compris qu'il a traité la question du rouissage dans la Lys, avec connaissance de cause et avec l'appréciation du moment opportun pour en parler.

J'ai prêté la même attention aux répliques de l'honorable M. de Haerne, ainsi qu’au discours de l'honorable M. Tack ; tous deux ont exposé d'une manière lucide tous les intérêts qui se rattachent à cette grande et belle rivière.

J'avais aussi l'intention de prendre part à ce débat, car je prends à cœur le maintien, en bon état, de nos rivières ; mais dès que j'eus entendu la déclaration faite par M. le ministre des travaux publics, j'ai cru que nous pouvions en rester là.

M. le ministre des travaux publics nous a donné l'assurance, assurance qu'a même confirmée l'honorable M. Tack qui a rappelé une publication récente du Moniteur, l'honorable ministre nous a donné l'assurance, dis-je, qu'un barrage allait être adjugé pour détourner les eaux de la Lys, autant que faire se pourrait, par la nouvelle voie directe créée vers la mer du Nord.

Ces choses nous étaient connues ; elles ne pouvaient donc nous surprendre ; mais ce qui ne nous était pas connu, et c'est que l'honorable ministre des travaux publics nous a appris en même temps, qu'il ferait en sorte qu'un ouvrage aussi important s’exécutera et avec la plus grande célérité possible ; il a ajouté que dans l’intervalle, quelques mesures pourraient encore être prises, de nature à ne pas nuire aux différents intérêts qui sont aujourd’hui en jeu sur cette importante matière pour les habitants des deux rives de la Lys.

Eh bien, messieurs, après cette apparence de clôture sur cette question, car dans la séance d'hier on a en quelque sorti fermé la discussion générale, j'ai vu avec quelque étonnement un honorable député de Courtrai venir s'en prendre aux fabriques de Gand, signaler nue espèce de malveillance de la part de ceux qui défendent leurs intérêts légitimes pourtant.

Rien de semblable n'existe. Depuis quelques années, tout la monde se plaint d'un mal dont on apprécie les causes de toutes façons ; mais tout le monde concourt, autant que faire se peut, à faire disparaître ces causes.

Ainsi, nous ne trouvons pas mauvais que les intérêts de Courtrai soient bien défendus ; nous répondons à cela que nous aussi nous avons un grand intérêt à défendre et que nous en prenons volontiers la défense. Mais nous sommes amateurs de la conciliation et nous cherchons à concilier les divers intérêts.

Messieurs, on a parlé des fabriques de Gand ; eh bien, ces fabriques sont les seules qui n'aient pas encore produit leurs plaintes dans cette Chambre ; je vais dire pourquoi.

Il y a dans la ville de Gand ou plutôt dans un de ses faubourgs une très grande fabrique. Cette fabrique est une fabrique de gants.

Cette introduction dans le pays a été faite par des Français qui fabriquent des gants et qui en même temps ont érigé une très grande usine pour la préparation de la peausserie.

Cette usine se trouve sur la rive droite de la Lys ; eh bien, depuis un an, ces étrangers qui ont apporté en Belgique une partie de leur (page 553) fortune pour la convertir en bâtiments, ont dû se retirer de là et ont été forcés de vendre leur usine à vil prix ; ils ont dû l'abandonner, uniquement à cause de l’état des eaux qui venaient de l'amont.

Voilà la seule chose que j'ajoute à ce qui a déjà été dit ; car je ne veux pas rentrer dans le débat relatif aux effets du rouissage ; ce serait rentrer dans une vieille histoire de trois ou quatre ans. Il y a trois ou quatre ans, on a nommé des commissions, on a fait des enquêtes ; tous les ans on a répété ce qu'est venu dire aujourd'hui l'honorable député de Courtrai ! S'il veut grossir son dossier pour la question, je me permettrai de lui donner un bon conseil ; qu'il parle à l'ancien bourgmestre de Gand, qui pourra parfaitement l'éclairer à cet égard, qui pourra lui dire que nous nous sommes toujours défendus avec modération, que nous avons toujours cherché, tant dans le conseil communal de Gand que dans cette Chambre, à concilier les intérêts des deux parties de la rive, l'amont et l'aval. Voilà comment nous continuerons à défendre nos intérêts, quoi que vous disiez de Gand et de ses fabriques de ganteries. J'ai dit.

M. A. Vandenpeereboom. - Messieurs, la question du rouissage qu'on a soulevée est extrêmement ancienne ; et si, dans ces derniers temps, elle a fait plus de bruit qu'antérieurement, il faut l'attribuer à une cause bien naturelle, la grande sécheresse des deux dernières années. Voilà la grande cause. Nous remarquons, en effet, dans l'histoire des calamités publiques, que chaque année de sécheresse est suivie de réclamations de riverains de la Lys, du chef du rouissage. Nous avons dans nos archives d'Ypres de nombreuses réclamations, concernant le même objet, et remontant à une époque déjà reculée.

Dans des temps de sécheresse, on nomme des commissions, on examine la question à fond ; chacun attribue l’incommodité qu'on ressent à divers motifs ; pendant ce temps, la Providence envoie de l'eau, et ordinairement les calamités dont on se plant viennent à disparaître.

Cette année-ci, à l'époque où nous sommes, l'abondance des eaux aura nettoyé les fonds de la rivière beaucoup mieux que nous ne pourrions le faire par les mesures qui ont été prises jusqu'ici ou qu'on se propose de prendre.

Je n'examinerai donc pas les causes, mais si un jour la question était agitée dans cette enceinte, les études de plusieurs membres qui ont fait partie de la commission dont M. de Naeyer était président, pourraient fournir des lumières à la discussion ; il ne sera pas difficile alors de montrer à la Chambre qu'il sera impossible de porter remède au mal aussi longtemps qu'on n'aura pu détourner le résidu des fabriques qui nous vient de France.

Je m'étonne que la question du rouissage ait été soulevée encore aujourd'hui et qu'on soit venu la remuer dans cette enceinte. Les deux Flandres qui ont été en hostilité sur cette question, sont parvenues, sous le haut patronage de M. le ministre des travaux publics, à s'entendre temporairement.

La Flandre occidentale qui est très conciliante en toute circonstance s'est soumise avec une certaine humilité aux exigences de la Flandre orientale, qui a demandé que pendant un certain temps de l'année, le rouissage fût interdit, quoiqu’elle pût prétendre qu'elle avait le droit d'user du haut des eaux. On a fixé de commua accord l’époque pendant laquelle le rouissage serait interdit ; c'était une transaction ; en attendant les grands moyens préconisés par le ministre des travaux publics, il serait bon de s'en tenir là ; c'est une trêve ; pendant cette trêve nous pourrons voir quelles sont les mesures à prendre ; il sr ait bon de laisser dormir en paix les riverains de la Lys, en attendant que le barrage ait été ouvert.

Quand la question se présentera, nous la discuterons ; en attendant il est bon de maintenir la paix entre les riverains de la haute et de la basse Lys.

Comme nous sommes encore dans la discussion générale, je demanderai à appuyer l'interpellation faite par l'honorable M. Carlier au commencement de cette séance en ce qui concerne le canal de la Lys à l'Yperlée. M. le ministre a dû faire faire des études ; j'ai lieu de croire qu'elles sont fort avancées, et que M. le ministre pourra nous en dire quelque chose.

Je constate avec plaisir que l’honorable M. Rodenbach qui en cette circonstance comme à toute ses autres, défend avec le plus grand zèle les intérêts de sa localité, s'est borné à demander la jonction de l'arrondissement de Roulers à la Lys ; sur ce terrain les députés de Roulers auront l’appui dévoué de leurs collègues de la Flandre occidentale.

Du moment qu'on voudrait établir une concurrence entre deux directions par Ypres et par Roulers nous ne pourrons plus être d'accord ; nous ne nous opposons pas à la canalisation de la Mandel ; mais nous demandons qu'un projet conçu depuis fort longtemps, destiné à relier le Hainaut à la mer du Nord, reçoive avant tout son exécution.

M. Jacquemyns. - Après ce que vient de dire mon honorable collègue M. Manilius relativement au rouissage, je n'ai que peu de chose à en dire Je dois demander pardon à la Chambre d'avoir involontairement appelé la discussion sur une question qui est plutôt du ressort d'une commission spéciale que de la Chambre. Je ne m'attendais pas à ce que j'eusse, en parlant de la corruption des eaux de la Lys, porté ombrage aux honorables membres de la députation de Courtrai. Il est reçu qu'il y a deux causes de l'altération des eaux de la Lys : les résidus des fabriques des environs de Lille et le rouissage du lin ; je n’ai pas examiné, dans mon discours d’hier, quelle était l’importance relative de ces causes, je les ai signalées comme existant l’une et l’autre ; je crois que c’est à l’abri de toute contestation.

A la vérité, l'honorable M. de Haerne soutient que les eaux de la Lys du rouissage sont un moyen préservatif contre le choléra.

M. de Haerne. - Je n'ai pas dit cela. J'ai dit que les eaux de la Lys, après le rouissage, ne contenaient aucun principe malsain ou contagieux.

M. Jacquemyns. - Vous avez appuyé sur le fait que le choléra qui s’était manifesté le long de l'Escaut, n'avait pas paru le long de la Lys.

J’en conclus que les eaux du rouissage sont un moyen préservatif du choléra ; je l'accepte très volontiers, mais je ne tiens pas à prendre de préservatif contre des maladies dont je ne suis pas menacé ; je demande qu'on ne nous force pas à user indéfiniment de ce moyen préservatif.

J'ai très peu parlé d'insalubrité, j'ai signalé le rouissage non seulement comme cause d'insalubrité mais aussi comme nuisible à certaines industries.

Or, les recherches qui ont été faites n'ont en rien constaté quelle est l'action des eaux du rouissage dans ces industries. Cette question est restée intacte ; je crois inopportun de la discuter ici.

M. H. Dumortier prétend que les fabriques de Gand sont une cause d'altération pour les eaux de 1 Escaut.

M. H. Dumortier. - C'est l'opinion de M. le ministre des affaires étrangères que j'ai citée.

M. Jacquemyns. - Mais à Gand, quand cela arrive, nous avons une police, elle intervient, elle prévient les industriels qu'ils aient à changer leur mode de fabrication et elle empêche qu'isl ne continuent à corrompre les eaux.

Je m'étonne que les représentants de l'arrondissement de Courtrai se plaignent de la corruption des eaux de l'Escaut à Gand, je ne pense pas que les eaux de l'Escaut aillent de Gand à Courtrai ; ii me semble qu'elles se dirigent vers Anvers.

M. H. Dumortier. - Nous sommes les représentants de tout le pays.

M. Jacquemyns. - Cela concerne avant tout la police de Gand.

Quant à l'honorable M. Alphonse Vandenpeereboom, il a porté bien haut l'esprit conciliant de la Flandre occidentale ; je ne sais si c'est par suite de cet esprit de conciliation, que le rouissage a été permis tant qu'il est possible et a été interdit aussitôt qu'il devient impossible. Si c’est là la transaction que la Flandre occidentale a offerte, je trouve qu'elle n'est guère à notre avantage.

Il me semble que si les travaux annoncés n'étaient pas exécutés en temps opportun, il faudrait en venir à une transaction un peu différente, car les termes d'une transaction dans laquelle une partie réclame tout sans accorder rien à l'autre, ne me paraissent pas très accommodants.

La Flandre orientale s'est montrée tout au moins aussi accommodante, sous ce rapport, que la Flandre occidentale ; elle a cherché un moyen qui fût propre à détourner les eaux putrides de la ville de Gand, sans nuire en aucune manière au rouissage. Eh bien, messieurs, ce moyen a été indiqué ; c'est grâce aux études qui ont été faites à Gand au sujet de cette question que ce moyen a été trouvé ; et M. le ministre des travaux publics nous a promis qu'il mettrait toute l'activité possible à en introduire l'application ; de manière que nous pouvons espérer que bientôt ni l'une ni l'autre des provinces intéressées n'aura plus rien à désirer sous ce rapport.

M. H. Dumortier. - On nous fait, messieurs, une singulière position dans cette question. Nous sommes attaqués dans cette enceinte, nous sommes attaqués dans la presse, nous sommes attaqués au sein du conseil communal de Gand ; et chaque fois que nous voulons user du droit de légitime défense, nos adversaires jettent les hauts cris, ils se posent pour ainsi dire en victimes, ils se disent, eux, des hommes à l'esprit éminemment conciliant ; à les entendre, c'est nous qui sommes les agresseurs.

Eh bien, messieurs, pour vous montrer, sans entrer dans de plus longs détails, à quel point la ville de Gand s'est montrée conciliante, je citerai ce seul fait qu'au moment où cette question a été soulevée, le conseil communal de Gand a commencé par demander à la députation permanente l'autorisation de poursuivre en masse tous les cultivateurs qui se livreraient au rouissage du lin dans la Lys.

Il y a plus, c'est que lorsqu'on faisant au conseil provincial de la Flandre orientale cette observation très sensée : que si l'on défendait le rouissage du lin dans la Lys sur le territoire belge seulement, on n'obtiendrait d'autre résultat que de nous priver d'une industrie importante sans détruire ce mal, puisque cette industrie passerait en France, M. le rapporteur au conseil communal de Gand et je recommande cela, messieurs, à votre attention, s'exprimait ainsi :

« Pour ce qui concerne la question internationale, elle ne doit pas retarder les mesures à prendre sur le territoire belge. Ce n'est qu'après avoir interdit le rouissage chez nous, que nous avons le droit de solliciter des mesures analogues de la part de nos voisins. »

Voilà, messieurs, jusqu'à quel point on allait ; et je laisse maintenant (page 554) à la Chambre le soin d'apprécier la valeur de ce mot de conciliation que les honorables MM Manilius et Jacquemyns viennent de prononcer.

L'honorable M. Jacquemyns vient de dire que selon l'honorable M. de Haerne, les eaux de la Lys seraient un remède contre le choléra. On aime toujours à faire ce que l’on fait bien et je reconnais que l'honorable membre plaisante très agréablement ; mais tout le monde a compris que tel n'était pas le sens de l'observation de l'honorable M. de Haerne. L'honorable membre a constaté et l'état civil des communes riveraines de la Lys est là pour justifier cette assertion, que la mortalité, dans les moments d'épidémie, est moins considérable dans ces communes que dans les autres localités de la Flandre occidentale. (Interruption.)

Quant au fond du débat, je suis entièrement de l'avis de l'honorable M. A. Vandenpeereboom ; et si quelqu'un a lieu d'être surpris que cette question se produise, c'est certainement nous, car il aurait été au moins tacitement entendu que, puisque le gouvernement faisait preuve de bonne volonté, il convenait de lui laisser toute liberté d'action pour vider cette question.

C'est un honorable député de Gand qui, le premier, a soulevé la question ; et si un député de Tournai lui a répondu, ce n'a été que pour défendre le sort des intérêts qui nous sont confiés et qui nous sont chers.

L'honorable M. Jacquemyns a posé cette question d'une manière fort ingénieuse, dans la discussion qui a eu lieu hier.

Il a dit que M. le ministre des travaux publics, par un arrêté royal du 20 juillet 1859, avait décidé que le rouissage serait interdit du 10 octobre au 31 décembre 1859 ; c'est déjà un préjudice assez grave pour un intérêt aussi vivace ; mais M. le ministre a déclaré, en outre, qu'un barrage serait conscrit à Astene et à Aeltre, et ici, qu'il me soit permis de faire une observation. Je prie mes honorables collègues de remarquer qu'il n'est pas possible de détourner les eaux de la ville de Gand sans les faire passer par d'autres localités de l'arrondissement de Gand. Or, si ces eaux sont tellement nuisibles qu'elles peuvent occasionner des maladies, croyez-vous que les communes par lesquelles on les ferait passer ne méritent pas au même titre que la ville de Gand toute la sollicitude du gouvernement ?

Le gouvernement a promis de faire établir un barrage à Aeltre ; mais cela ne suffit pas à l'honorable M. Jacquemyns et, dans la prévision où ces travaux ne seraient pas exécutés l'été prochain avant l'époque de la corruption des eaux, ce qui serait fort difficile, il demande qu'il soit pris des mesures essentiellement différentes de celles que le gouvernement a dû prendre l'année dernière. Qu'est-ce à dire ? C'est demander évidemment que le gouvernement vienne frapper au cœur une de nos grandes industries en défendant d'une manière plus ou moins complète le rouissage du lin. Eh bien, messieurs, c'est cette demande que je ne puis pas laisser passer sans protestation. Il n'y avait aucune nécessité d'agiter maintenant cette question ; mais il était de notre devoir de faire une courte réponse aux honorables députés de Gand qui ont cru utile de soulever ce débit.

M. B. Dumortier. - Il ne faut pas, messieurs, qu'il y ait erreur au sujet de la jonction possible entre les bassins houillers du Hainaut et ]a Flandre occidentale.

A entendre l'honorable M. Vandenpeereboom, il semblerait qu’il n’y a plus qu’une jonction possible ; c'est par le canal qu'il projette de Menin à la Sambre. Mais un autre système existe qui est incontestablement plus facile et moins dispendieux ; c'est le canal par le Mandel. Et ce canal offrirait encore cet avantage sur l'autre qu'il desservirait une ville manufacturière qui est éminemment en progrès et qui ne réclame qu'une chose, c'est d'avoir de la houille à bon marché.

Ainsi que le disait tout à l'heure l'honorable M. Rodenbach, la houille belge revient plus cher rendue à Roulers que rendue à Lille.

M. A. Vandenpeereboom. - A Paris même.

M. B. Dumortier. - Je n'ai pas fait ce calcul, mais quant à Lille je puis l’affirmer.

Eh bien, dans un moment où nous avons besoin plus que jamais de songer à procurer des débouchés à nos houillères du Hainaut, il me semble qu'il faut d'abord s'occuper des débouchés possibles en Belgique. Or, qu'est-ce qui consomme le plus de houille ? Evidemment ce sont les centres manufacturiers, là où vous avez un grand nombre de machines à vapeur, là où vous avez une grande consommation de houille. Comment se fait-il que la ville de Roulers qui est, sans compte, la plus manufacturière de la Flandre occidentale et une des plus manufacturières du pays...

M. H. Dumortier. - Après la ville de Courtrai.

M. B. Dumortier. - Enfin celle qui a, si vous le voulez, le plus de machines à vapeur de la Flandre occidentale, et cela vous ne le contesterez pas ; comment se fait-il qu'une pareille localité soit sans moyens de communication par eau, sans moyens de transporter ses produits pondéreux ?

C'est pourtant là une des choses les plus indispensables et la création de bons moyens de transport serait une des choses les plus avantageuses aux houillères du Hainaut. Le Hainaut trouverait là un débouché considérable. Car, veuillez-le remarquer, malgré les droits qui existent à l'entrée sur les houilles anglaises… (Interruption.)

Si M. Henri Dumortier veut parler, je l’écouterai ; mais quand je parle je désire qu'il m'écoute. (Nouvelle interruption.)

Je ne m'arrêterai pas aux mauvaises plaisanteries des députés de Courtrai.

M. le président. - N'écoutez pas les interruptions. C'est le meilleur moyen d'avancer.

M. B. Dumortier. - Vous avez bien raison, M. le président.

Je dis donc que dans un moment où nous avons à nous occuper d'une manière très sérieuse de la condition de ms établissements houillers dans le Hainaut, la chose essentielle évidemment, c'est de leur procurer des débouchés. Or, lorsqu'on a en Belgique un débouché considérable, c'est là surtout qu'il faut aller, et, à cet égard, j'avais l'honneur de vous faire remarquer que malgré les droits qui existent sur les houilles anglaises, la ville de Roulers consomme encore aujourd'hui presque toutes houilles anglaises. Pourquoi ? Parce que les houilles belges y arrivent à des prix tels, que les houilles anglaises sont à infiniment meilleur marché. Je demande si l'intérêt de Mons, si l'intérêt du Centre, n'exige pas que leurs établissements houillers s’emparent de ce marché important.

J'ajouterai d'ailleurs que la ville de Roulers est située au centre de la Flandre occidentale et qu’en faisant dans cette direction le canal que l'on projette, il est évident que vous servez non seulement cette ville, mais toute la Flandre occidentale, les villes d’Iseghem, Ingelmuster et autres localités importantes. D’ailleurs, en prolongeant ce canal jusqu’à Handzaeme, on arrive exactement au même résultat.

C'est-à-dire qu'il y a deux moyens possibles de faire le canal à travers les Flandres occidentale pour arriver de la Lys à Furnes, à Dixmude et de là à Dunkerque. Le premier moyen, c'est d aller par Ypres, le second c'est d'aller par Roulers.

Voyons maintenant quelles seraient les conditions de ces deux canaux.

Si vous allez par Ypres, vous devez faire un tunnel excessivement considérable, et vous avez vu que l’honorable M. Vandenpeereboom a demandé que l’Etat votât pour ce canal un grand nombre de millions.

M. A. Vandenpeereboom. - Moi ?

M. B. Dumortier. - Oui, vous avez proposé un amendement dans ce but.

En outre, ce canal aurait un immense inconvénient, ce serait de faciliter sur notre propre marché un accès beaucoup plus avantageux aux houillères de France qu'aux houillères de Belgique, ce serait de ne pas servir à la consommation des houilles du Hainaut dans les localités qui les demandent, qui en ont besoin, dans les localités manufacturières.

Au contraire, si vous faites le canal par Roulers, alors vous desservez les intérêts du Hainaut au double point de vue de la grande navigation et de la possibilité d'arriver en France, et en second lieu, vous servez les intérêts du Hainaut en vous emparant du marché national, du marché du pays. Car il est certain qu'il n'y a rien de plus facile que d'aller rejoindre le canal de Handzaeme ; et si les projets présentés par l’honorable M. Vandenpeereboom sont anciens, le projet de la canalisation de la Mandel est aussi excessivement ancien. Ainsi les études de ce projet avaient été ordonnées par le gouvernement hollandais. En 1841, le gouvernement belge fit faire des études de la section de Roulers à la Lys. Ces faits ne peuvent être contestés.

On a fait aussi en même temps les études du canal de Menin à Ypres ; mais il a été reconnu alors que ce canal était inexécutable.

L'honorable M. Vandenpeereboom vous dit : Nous sommes prêts à appuyer le canal de Roulers, pourvu qu'on nous donne en même temps le canal d'Ypres. Si la Chambre veut voter les deux canaux, nous ne nous y opposerons pas.

Messieurs, je crois qu'il n'y a pas grand espoir de voir la Chambre voter les deux canaux. Je crois qu'elle en votera un seul, et naturellement je défends le district duquel je tiens mon mandat, parce que je trouve qu’il est complètement dans son droit. Je ne me laisse donc pas prendre à la belle phrase de l'honorable M. Vandenpeereboom, lorsqu'il dit : « Nous voulons bien de votre canal, pourvu qu'on fasse le nôtre, » parce que j'ai la conviction profonde que la Chambre ne fera pas l'un et l'autre. Si l’honorable membre veut me donner l'assurance que les deux canaux s'exécuteront, je ne ferai pas opposition au sien, bien qu'il ne servira pas à grand-chose. Car la ville d'Ypres est une ville très respectable sans doute ; mais elle ne fait pas une grande consommation de houille. C’est une ville où l’on fabrique e la dentelle, et vous savez bien que la dentelle ne consomme pas de la houille. Il ne faut pas de machines à vapeur pour faire de la dentelle. Si vous faites, au contraire, le canal dans notre direction, vous desservez un grand nombre d’industries.

Mais considération plus importante, je maintiens que le canal de Menin à l’Yser par Ypres serait très praticable à la navigation française, mais serait impraticable à la navigation du Hainaut. Voici pourquoi : nous arrivons par le canal de Bossuyt à Courtrai ; de Courtrai il faut suivre la Lys pendant quelques lieues, soit par aller à Vive-Saint-Eloy, à l’embouchure de la Mandel, soit pour aller à l’embouchure du canal projeté. Si vous allez vers Ypres, dans quelle condition vous trouvez-vous ? Vous allez en remonte du fleuve. Or, toutes les personnes qui connaissent la navigation des rivières où l’on procède par rame, savent qu’un vaisseau chargé ne peut remonter dans ces rivières.

Ainsi tous les députés de Gand savent, comme moi, qu’un navire chargé venant de Gand ne peut arriver à Tournai parce qu’il marche (page 555) en remonte ; tandis qu'il peut très bien aller de Tournai à Gand, parce qu'il marche en descente, qu'il marche avec le bond d'eau. Si, au contraire, nous allons rejoindre le canal par Roulers, nous y arrivons en descente de fleuve, et on peut avoir une navigation à pleine charge. C'est là un fait incontestable et qui prouve jusqu'à la dernière évidence que la préférence doit être accordée au canal de Roulers. Si vous voulez rendre service au Hainaut, offrez-lui les moyens de naviguer à pleine charge. En remonte de fleuve, vous ne pourrez charger vos navires qu'au tiers ou au quart, tandis qu'en descente de fleuve, vous pourrez avoir charge pleine.

M. Tack. - Il faudra remonter la Mandel.

M. B. Dumortier. - Elle sera canalisée. La Lys, au contraire, n'est pas canalisée. (Interruption.) On y navigue par rame comme sur l'Escaut. La Lys n'est pas plus canalisée que l'Escaut. Or, sur l'Escaut ou sur toute rivière où l'on navigue par rames, la rame descendante doit avoir le pas sur la rame montante, et dans ce cas la navigation en remonte devient impossible à charge pleine. C'est là un fait que connaissent tous ceux qui s'occupent de navigation.

Or, messieurs, dans l'intérêt du Hainaut comme dans l'intérêt de la Flandre occidentale, c'est vers Roulers que le canal doit se diriger.

Ce n'est pas tout, messieurs ; cette ville de Roulers qui prend des développements si inattendus, qui possède les premiers éléments de toute industrie : des industriels capables qui s'occupent avec ardeur de leurs affaires et des ouvriers de premier ordre ; cette ville est dépourvue de tout moyen économique de transport. Le trésor n'a jamais dépensé un centime pour l'arrondissement de Roulers, sauf quelques chaussées communales qui ont été faites là comme partout. Roulers a un chemin de fer, mais ce chemin de fer a été fait par voie de concession et sans garantie d'intérêt. Or, messieurs, vous ne pouvez pas déshériter un district aussi industriel que celui-là. Roulers est à la Flandre ce que Verviers est aux provinces wallonnes.

Déjà M. le ministre de l'intérieur a compris l'importance de cette localité lorsqu'il a présenté un faible crédit pour le service des eaux. Le district de Roulers forme la 50ème partie de la population totale du royaume, puisqu'il envoie dans cette enceinte 2 députés sur 100.

Nous payons la 50e partie des impôts, la 50e partie des dépenses faites dans toute la Belgique ; et vous ne nous donneriez rien, précisément parce que nous avons une industrie florissante, parce que nos populations sont intelligentes, parce qu'elles ont du courage, parce qu'elles progressent, parce qu'elles font ce que personne ne fait dans ce pays-là.

Je maintiens, messieurs, que l'intérêt bien entendu de tout le monde est de mettre Roulers eu communication par eau avec Mons, Gand, Tournai et tous les grands centres de production et qu'il y aurait une souveraine injustice à ne pas le faire.

Mon honorable ami, M. Rodenbach, vient de faire remarquer que la première section du canal que nous demandons, ne coûterait que 432,000 ou 433,000 fr. (Interruption.) Vous demandez, vous, un canal qui coûterait 15 millions et qui ne serait d'aucune utilité réelle.

Je dirai cependant, messieurs, que ce n'est pas un canal à petites sections qu'il faut faire ; il ne faut pas que les bateaux soient obligés de rompre charge. Il importe que les matières premières que nous tirons d'Anvers, de Gand, de Tournai, de Mons, etc., puissent arriver à peu de frais à Roulers.

A cette condition, messieurs, vous vivifierez le centre de la Flandre occidentale.

J'entends souvent parler d'agriculture ; eh bien, autrefois la Flandre occidentale employait beaucoup la chaux pour l'amendement des terres. Cette chaux venait de Tournai, mais elle coûtait tellement cher, à cause des frais de transport, qu'on a dû y renoncer. On emploie maintenant le guano, mais l'expérience démontre que l'emploi trop prolongé du guano affaiblit la terre et qu'il est indispensable, au bout de quelque temps, de recommencer le chaulage. C'est ce que reconnaissent tous les agriculteurs de la Flandre occidentale. Eh bien, messieurs, c'est encore là un élément de succès pour ce canal, dont l'exploitation sera très lucrative.

Je pense donc, messieurs, qu'il est impossible de ne pas prendre en considération des intérêts de cette importance. On fait beaucoup pour certaines localités et on ne fait rien pour d'autres. On disait autrefois : Aux gueux la besace ; j'espère bien qu'on ne traitera pas Roulers comme on traitait les gueux.

M. Tack. - Messieurs, je dirai d'abord quelques ; mots relativement au rouissage ; je serai très bref.

Je ne prétends pas innocenter complètement le rouissage, et aucun de ceux qui ont défendu les intérêts de cette grande industrie n'a élevé une semblable prétention ; le rouissage peut présenter certains inconvénients, j'en conviens, mais je crois que l'insalubrité des eaux de la Lys provient, pour ainsi dire, exclusivement des eaux infectes que la Deule y déverse. Ce qui le prouve, c'est que le mal dont se plaint la ville de Gand, est beaucoup plus intense sur le parcours de la Deule que sur le parcours de la Lys. Or on ne rouit pas une botte de lin dans la Deule.

Malheureusement, si mes renseignements sont exacts, la position doit encore s'aggraver ; car il s'agit en ce moment à Lille de répéter plus souvent ce qu'on appelle le rigolage, opération qui consiste à chasser brusquement dans la Deule au moyen d'un jeu d'écluse, les immondices accumulées dans les égouts de a grand centre de population.

Notez que c'est aux époques du rigolage que l'infection dans la Lys devient chaque fois insupportable. Des rapports ont été faits par des chimistes désignés par le gouvernement et il a été constaté notamment par M. Depaire, que la principale cause des altérations des eaux de la Lys est bien celle que je viens de signaler.

Messieurs, on nous a reproché de ne pas avoir voulu de transaction, de n'avoir pas voulu adopter des mesures de conciliation au point de vue de la ville de Gand.

Je dois protester contre cette allégation. Voici ce qui a été proposé au sein de la commission d'enquête par les hommes appelés pour y représenter les intérêts de la Flandre occidentale. Ils ont positivement émis l'idée d'autoriser le gouvernement à interdire pendant un temps déterminé le rouissage dans la haute Lys sauf à s'entendre sur l'époque. Mais c'est ce que n'a pas voulu la ville de Gand. Ceux qui défendaient ses intérêts voulaient armer le gouvernement de pouvoirs tels qu'il se serait vu exposé, en appliquant les mesures qu'on lui conseillait de prendre, à frapper au cœur l'industrie du rouissage, la plus vitale de la Flandre. Qu'on ne vienne donc pas dire que nous avons repoussé toute pensée de transaction.

Nous avons consenti à ce que le rouissage fût défendu à l'époque où l'infection des eaux présente les plus grands inconvénients, c'est-à-dire à l'époque des grandes chaleurs. Nous avons même fixé le laps de temps pendant lequel cette interdiction pourrait sous certaines conditions se prolonger.

La durée était de six semaines consécutives, mais tout en faisant gratuitement cette concession, par esprit de modération, nous avons demandé naturellement que le gouvernement belge s'entendît au préalable avec le gouvernement français pour que celui-ci prît les mêmes mesures. Car enfin, interdire le rouissage en Belgique seulement, ne fût-ce que d'une manière temporaire, c’est le faire émigrer en France ; il ne s'agit en effet, pour cela, comme vous l'a dit l'honorable M. Henri Dumortier, que de transporter le centre de cette industrie à trois quarts de lieue de distance des localités où elle s'exerce actuellement et à la faire passer d'une rive à l'autre de la rivière.

Maintenant dans l'état où la question se présente aujourd'hui, l'infection des eaux de la Lys importe fort peu à la ville de Gand ; car, comme nous l'a annoncé hier M. le ministre des travaux publics, le barrage d'Astene va incessamment être construit.

L'exécution de cette œuvre d'art aura pour effet de détourner les eaux de la Lys par le canal de Schipdonck et de les dériver directement vers la mer. Dès lors quel inconvénient pourrait encore ressentir la ville de Gand par suite de l'altération de ces eaux qui ne passeront plus par ses murs ?

C'est pourquoi ce qu'il y a de plus sage, c'est d'attendre les résultats des travaux qui doivent être entrepris dans le cours de cette année, avant de s'occuper encore ici dans cette enceinte de cette difficile question du rouissage. Au sujet du barrage d'Astene, je tiens à fixer tout particulièrement l'attention de l'honorable ministre des travaux publics sur cette considération qu'il importe d'ordonner que les études soient faites de façon que le barrage qu'il s'agit de construire réponde à un triple but ; le premier but qu'il faut atteindre, c'est de faciliter la navigation sur la Lys ; le second, c'est de rendre possible la navigation sur le canal de Schipdonck.

Et enfin le troisième, c'est de permettre d'opérer en été la dérivation des eaux de la Lys par le même canal.

Depuis longtemps nous demandons que le canal de Schipdonck soit ouvert à la navigation ; aucune objection sérieuse ne saurait être faite à cette demande. Il serait infiniment regrettable que la construction du barrage projeté ne se fî pas de manière que le canal de Schipdonck pût complètement servir à cette destination.

J'appelle sur ce point toute la sollicitude de M. le ministre des travaux publics. Un dernier mot sur le rouissage.

L'honorable M. A. Vandenpeereboom a fait observer avec raison que si des plaintes vives ont retenti à Gand, au sujet du rouissage et de l’infection des eaux de la Lys, il faut attribuer principalement ce fait à la sécheresse excessive que nous avons pu constater depuis 2 ans. Partout des plaintes analogues ont surgi. A Londres on s'est plaint de l'infection des eaux de la Tamise. Ailleurs les fleuves, les rivières, les cours d'eau ont été également infectés ; il existe dans l'arrondissement que je représente un ruisseau appelé l’Espierre qui reçoit les eaux de fabrique provenant de la ville de Roubaix. Eh bien, les eaux ont été tellement altérées qu'en se répandant sur les prairies, elles ont détruit les herbages et qu'actuellement ces prairies ont perdu considérablement de leur valeur. Ces dégâts ont eu lieu parce que le ruisseau l’Espierre ne trouve pas son écoulement naturel dans l'Escaut et cela par suite de la construction de deux barrages, établis, l'un, dans la commune d'Autryve, l'autre dans la commune d'Espierres.

J'ai demandé que M. le ministre des travaux publics fixât son attention sur cet objet, qu'il fît en sorte que les eaux du ruisseau de l’Espierre fussent évacuées en aval d'Autryve : ce qui peut facilement se faire au moyen d'une rigole maîtresse, pour le creusement de laquelle il ne faudrait qu'une bien mince dépense.

(page 556) Je répondrai à présent quelques mots aux observations présentées par l'honorable M. B. Dumortier au sujet de la canalisation de la Mandel. L'honorable membre ne veut pas de la construction de deux canaux ; il repousse la construction du canal de jonction de la Lys à l’Yser ; deux canaux, c'est de trop ; et tout en disant cela, il demande deux canaux pour lui seul ; il lui faut la canalisation de la Mandel dans la direction de la Lys, et ensuite une voie navigable reliant la ville de Roulers à celle d'Ypres ; je soutiens que la seconde section est tout à fait inutile pour Roulers et qu'elle mettrait obstacle au creusement du canal de jonction de la Lys à l'Yser.

Nous avons dit à l'honorable membre que nous nous intéressions avec lui de grand cœur à la canalisation de la Mandel ; au moyen de ce travail la ville de Roulers sera rattachée par voie navigable à la Lys ; l'intérêt de ses fabriques ne réclame pas autre chose ; mais venir prétendre ici que la ville d'Ypres doit être reliée, malgré elle, à la Lys par Roulers et lorsqu'elle insiste pour arriver à cette rivière par une voie plus courte et moins dispendieuse, c'est soutenir un projet peu rationnel.

La canalisation de la Mandel est une chose d'une haute utilité, nous le reconnaissons ; nous ne disconvenons pas non plus que l'industrie de Roulers s'est grandement développée depuis quelques années ; mais nous trouvons que l'honorable M. B. Dumortier a tort, tout en exaltant les merveilles de l'industrie de Roulers, de chercher à rapetisser celle d'autres villes et de s'en prendre spécialement à la ville de Courtrai pour lui demander compte des progrès qu'elle a réalisés. Quant à cela, nous renvoyons l'honorable membre aux succès remportés par nos industriels à l'exposition universelle de Paris. « Quelles sont vos industries ? nous dit l'honorable membre. Vous vous occupez de blanchissage et vous ne faites pas autre chose. »

D'abord un fait positif qu'on ne peut récuser, c'est la quantité de houille consommée par la ville de Courtrai ; elle est beaucoup plus considérable que celle qui se consomme à Roulers. C'est au point qu'il n'y a pas de comparaison. Cette observation répond à toutes les critiques de l'honorable député de Roulers. Cependant puisqu'il ignore quelles sont nos industries, je lui dirai, qu'à part l'industrie dentellière et le commerce des toiles qui ne consomment pas, comme il l'a très bien dit, beaucoup de charbon, nous avons des filatures de coton, des filteries, des fabriques de céruse, des fabriques de tissus, des usines pour l'apprêt, des teintureries, des fonderies, des fabriques pour le teillage, pour le blanchissage de la toile, des tordoirs, des meuneries, des brasseries, tous établissements mus par la vapeur.

Messieurs, l'honorable M. A. Vandenpeereboom a fait observer avec raison que la construction du canal qui doit relier la Lys à l'Yperlée n'est que le complément d'un grand travail commencé depuis très longtemps. De quoi s'agit-il ? De compléter cette belle voie de communication qui traverse de l'Est à l'Ouest le bassin houiller, pour aboutir à la mer du Nord.

La grande objection qu'apporte l'honorable M. B. Dumortier à la construction du canal d'Ypres, est tirée de la concurrence qu'au moyen de ce canal les houillères du Pas-de-Calais pourraient faire à celles du Couchant de Mons.

Messieurs, cette crainte est au moins prématurée.

Aujourd'hui les houillères du Couchant de Mons font encore concurrence aux charbonnages du Pas-de-Calais jusque sur le carreau des fosses françaises.

Du reste, si une concurrence doit un jour s'établir de la part des exploitations françaises, n'irait-elle pas s'exercer sur le marché de Paris ? Les charbonnages du Pas-de-Calais ne chercheront-ils pas avant tout leurs débouchés de ce côté bien plutôt que di côté de la Belgique ?

La ville d'Ypres, dit l'honorable M. Dumortier, n'est pas une ville industrielle ; il n'y a donc pas lieu à la doter d'un canal.

Je répondrai moi : Donnons à Ypres de la houille, donnons-lui le pain de l'industrie, et la ville d'Ypres deviendra industrielle, comme elle le fut jadis.

L'honorable M. B. Dumortier ne s'aperçoit pas qu'en disant que le canal de l'Espierre favoriserait les houillères du Pas-de-Calais, au détriment des exploitations du Couchant de Mons, il fait le procès à son propre enfant, à la canalisation de la Mandel ?

Supposez, par impossible, que les exploitants du Pas-de-Calais parviennent à rivaliser avec Mons, et que la Mandel soit canalisée ; les bateaux venant de Lille descendront la Deule et arriveront par la Lys à Courtrai ; toujours en descente ce qui, d'après l'honorable M. Dumortier, est un immense avantage ; parvenu à Courtrai, point de réunion du canal de Bossuyt avec la Lys, ils y rencontreront les bateaux venant de Mons, avec lesquels ils navigueront de conserve jusqu'à Roulers. Il y aura cette différence, c'est que d'après les calculs de l'honorable membre, les premiers auront eu à fournir un moindre parcours que les seconds avant d'être à Courtrai.

Heureusement la concurrence que redoute l'honorable membre n'est pas à prévoir et partant son objection ne saurait être regardée comme sérieuse.

L'honorable membre vous a parlé aussi du coût excessif des travaux du canal de jonction de la Lys à l'Yser, voire même des difficultés topographiques qui s'opposent à son exécution. Je lui ferai remarquer que les devis auxquels il fait allusion sont déjà anciens, qu'on a fait de nouvelles études et qu'il paraît qu'on pourra éviter la construction d'un tunnel ; chose qui, du reste, s'il faut en venir là, ne serait point un obstacle puisqu'on vient d'en achever un sur une grande étendue pour le service du canal de Bossuyt.

- Plusieurs voix. - A demain ! à demain !

M. Manilius. - L'honorable M. Henri Dumortier a cité des extraits de la discussion qui a eu lieu au conseil communal de Gand, pour prouver qu'on n'avait pas été conciliant. On voulait, dit-il, poursuivre tout le monde. Je dois dire que cette demande a été faite avec beaucoup de réserve, parce qu'on ne voulait que constater le droit ; cette demande de poursuivre a été sanctionnée par la députation permanente de la province de Flandre orientale.

Des poursuites ont eu lieu contre un seul individu, je pense, et le tribunal a prononcé en notre faveur ; en condamnant, il a constaté qu'il y avait là un fait punissable, et à réprouver en droit ; voilà tout.

M. H. Dumortier. - Je demande si le rapporteur n'a pas dit en termes formel qu'il fallait entièrement interdire le rouissage sans se préoccuper de ce qui pouvait se faire en France.

M. Manilius. - C'est une phrase pour constater la nécessité d'avoir un jugement ; ce jugement nous l'avons et le tribunal nous a donné raison.

M. H. Dumortier. - Je ne sache pas que ce soit autrement qu'avec des phrases qu'on exprime des pensées.

- Plusieurs voix. - A demain ! à demain !

- La discussion est renvoyée à demain.

La séance est levée à 5 heures.