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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 26 janvier 1860

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859-1860)

(page 557) (Présidence de M. Orts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

. M. de Moor procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Moor communique l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants d'Anlier demandent que cette commune fasse partie du canton de Fauvillers. »

« Même demande des habitants de Velessart et de Behomme, sections de la commune d'Anlier. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« L'administration du Progrès international fait hommage à a Chambre de cent vingt exemplaires d’une brochure intitulée : Observations sur le projet de loi organique d'une caisse d’épargnes sous la garantie du gouvernement. »

- Dépôt à la bibliothèque et distribution aux membres de la Chambre.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1860

Discussion générale

M. A. Vandenpeereboom. - Messieurs, à la fin de la séance d'hier, j'avais demandé la parole pour répondre quelques mots à l'honorable M. B. Dumortier, que je regrette beaucoup de ne pas voir à son banc.

Les deux honorables représentants de Roulers ont défendu hier avec beaucoup d'ardeur les intérêts de leurs commettants ; mais il faut bien le reconnaître, l'un d'eux, l'honorable M. Rodenbach a suivi une marche beaucoup plus utile aux intérêts qu'il veut sauvegarder, que celle qui a été adoptée par l'honorable M. D. Dumortier.

L'honorable M, Rodenbach s'est contenté de reproduire dans cette enceinte le projet de canalisation de la Mandel projet qui n'est pas nouveau et qu'il a défendu à plusieurs reprises depuis un quart de siècle.

Je désire qu'il vive encore pendant un quart de siècle, mais que cependant il obtienne satisfaction avant l'expiration de ce laps de temps. Il peut être certain que je me joindrai à lui quand je pourrai amener ce résultat.

Mats l'honorable B. Dumortier, non content d'exalter avant tout l'arrondissement de Roulers, a cru devoir, pour faire triompher sa cause, attaquer d'autres arrondissements de la province ; ici je ne suis pas d'accord avec l’honorable membre, et il est évident que cette manière de faire ne peut que jeter la discorde parmi les députés des Flandres et nuire ainsi aux intérêts de Roulers et d'Ypres, deux localités qui ont de nombreuses et amicales relations. Je vois donc avec peine qu'un honorable député de Roulers ait cherché à exciter la rivalité entre es villes.

L'honorable M. Dumortier n'a pas même été juste dans les attaques qu'il a dirigées contre le canal destiné à joindre la Lys à l'Yperlée ; il a proclamé d’abord que ce canal est inexécutable ; or, messieurs, c'est jà une très grande erreur : le projet est fait, divers tracés ont été étudiés et le corps des ponts et chaussées qui en pareille matière est, je pense, plus compétent que l'honorable M. Dumortier, a reconnu que le projet de jonction est parfaitement praticable.

L'honorable membre a ajouté que l'exécution de ce projet entraînerait une dépense de 15 millions. Messieurs, c'est là une exagération incroyable qu'il importe de relever. 15 millions pour un canal de 3 lieues ou 3 lieues et demie, ce serait exorbitant ; aussi les devis ont constaté que la dépense s’élèverait non pas à 15, mais à 5 millions.

Enfin l'honorable M. Dumortier a une peur très grande des tunnels.

Mais, messieurs, chaque fois que le besoin d'un tunnel se fait sentir (page 558) on en fait un, on en a même fait qui étaient parfaitement inutiles, dans le seul but de prouver qu'on pouvait faite des tunnels en Belgique. Il est vrai qu'on tes a démolis ou plutôt qu'ils se sont démolis eux-mêmes.

On pourrait donc, sans aucun inconvenant, faire un tunnel qui aurait un objet utile.

Du reste, messieurs, il est probable que les études nouvelles prouveront qu'il n'est pas nécessaire de construire le tunnel dont on fait tant de bruit.

Messieurs, si le projet que préconise l'honorable M. B. Dumortier était exécuté, il est incontestable qu'une partie importante du pays serait complètement abandonnée.

Mais, dit l'honorable membre, vous irez rejoindre la Lys en passant par Roulers.

Messieurs, tout chemin conduit à Rome, nous le savons ; mais généralement on ne va pas à Rome en passant par St-Pétersbourg. Or, c'est un détour de ce genre que l'honorable membre veut nous faire faire, pour avoir le plaisir de nous voir passer par Roulers.

Je le demande, messieurs, dans la situation où se trouve aujourd'hui l'industrie, est-il possible qu'il y ait encore en Belgique une localité où le charbon, pour arriver du bassin le plus voisin, soit obligé de faire un voyage de deux mois à peu près ? Un bateau de charbon, partant de Mons qui est le bassin le plus rapproché d'Ypres, passe par Tournai, Audenarde, Gand, Bruges, Ostende, Nieuport, Dixmude, et arrive enfin à Ypres, il fait un voyage de deux mois, c'cst-à-dire qu'un navire partant du port d'Anvers, et allant en Amérique, en serait revenu plus tôt qu'un bateau venant de Mous, se rendant à Ypres.

Vous comprenez que, dans de pareilles conditions de transport, le prix du fret doit être extrêmement élevé. On paye parfois 10 francs par tonne de charbon ; et en moyenne de 7 à 8 francs. C'est là un fret exorbitant. Si on ne parvient pas à relier cette partie du pays au centre houiller, nous aurons, certes, le droit de réclamer à cor et à cris la libre entrée des charbons anglais.

L'honorable M. B. Dumortier dit encore que le canal qu'il préconise nous serait beaucoup plus utile que celui que nous demandons. Je prie l'honorable membre de vouloir bien nous permettre d'être juges de nos propres intérêts. Au reste, les juges les plus impartiaux sont les producteurs du Hainaut. Or, vous avez entendu hier l’honorable M. Carlier s'associer à nous pour demander l'exécution du canal de jonction de la Lys à l'Yperlée. La chambre de commerce de Mons reconnaît que c'est là le seul canal praticable et utile à tous.

M. Allard. - C'est vrai !

M. A. Vandenpeereboom. - Je remercie l’honorable M. Dumortier du cadeau qu'il veut nous offrir, mais je le prie de nous permettre de faire nos affaires nous-mêmes.

Je crois pouvoir me borner à répondre ce peu de mots à ce qu'a dit M. B. Dumortier. J'espère qu'à l'avenir, les députés des Flandres pourront s'entendre quand ils auront à demander l'exécution de travaux d'utilité publique.

Je suis pour ma part disposé à voter les fonds nécessaires pour la canalisation de la Mandel ; mais je demande en retour qu'on ne s'oppose pas à la construction du canal d'Ypres dont l'utilité et la possibilité sont incontestables.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - En répondant aux observations qui ont été présentées dans la séance d'hier, il est deux points que je passerai sous silence. Ce sont précisément ceux qui ont donné lieu aux débats les plus étendus : la question du rouissage et celle que vient de traiter l'honorable préopinant.

Quant au rouissage, la Chambre comprendra que ma position me commande une grande circonspection.

Je ne crois d'ailleurs, devoir rien ajouter aux considérations dans lesquelles je suis déjà entré à ce sujet ; le gouvernement ne peut pas se borner à discuter la question en théorie, il doit agir. Il a expliqué dans quel sens il se proposait d'agir. Personne n'ayant recommandé aucune mesure nouvelle ni critiqué celles que le gouvernement se propose de prendre, il devait provisoirement croire que ce qu'il projette de faire sera bien fait, et qu'il n'y a pour le moment pas autre chose à faire que ce qu'il a annoncé.

Dans cette situation, je ne pense pas devoir prolonger la discussion sur ce point.

Quant à la canalisation de la Mandel et à la construction du canal de jonction entre la Lys et l'Yperlée, la question n'a pas changé de face depuis le débat qui a eu lieu au sujet du grand projet de travaux publics. Il y avait Concurrence et vous voyez que cette concurrence existe encore entre deux projets : la jonction par un canal direct, travail complètement nouveau, et la jonction par la canalisation de la Mandel.

J'ai dit, à cette époque, que la Chambre, pour être à même d'apprécier avec sûreté la situation, devait être édifiée sur la praticabilité et l'utilité relatives de chacun de ces projets ; que la question devait subir une étude préalable ; cette étude, je l'ai ordonnée.

Ce que je puis ajouter aujourd'hui, c'est que cette étude se fait de la manière la plus sérieuse ; la Chambre en connaîtra ultérieurement le résultat ; pour prouver combien est sincère la déclaration du gouvernement sur ce point, je puis dès à présent faite connaître que j'ai récemment reçu un rapport extrêmement développé de l'ingénieur en chef de la Flandre occidentale sur cet objet.

Je viens aux questions que je dois examiner de plus près ; parmi elles se trouve une recommandation faite à la séance d’hier par l'honorable M. Carlier et que je ne puis pas prendre en considération ; c'est celle de hâter la confection des plans du canal destiné à relier Blaton ou un autre point du Couchant de Mons à la Dendre, à Ath.

La raison en est que le gouvernement n'est pas chargé de faire ces études.

Voici lâ situation faite au gouvernement à cet égard par la loi du 7 septembre 1859 : il est autorisé à concéder la construction d'un canal de Blaton à Ath, et en même temps l'exécution des travaux de la canalisation de la Dendre.

Or, quant à ces derniers travaux, ils doivent toujours être exécutés, qu'il se présente ou qu'l ne se présente pas de concessionnaire. La preuve en est qu'un crédit de 2,500,000 francs a été porté à cet effet dans la loi de 1859. Leur exécution n'est pas subordonnée à la soumission d'un demandeur en concession. Le gouvernement est obligé de les faire exécuter lui-même si un concessionnaire ne se présente pas. Par conséquent, en présence de cette obligation, le gouvernement doit ordonner les études nécessaires en ce qui concerne la Dendre.

Quant au canal de Blaton, le gouvernement ne doit pas l'exécuter ; il est tout simplement autorisé à le concéder ; rien de plus. S'il ne trouve pas de concessionnaire, ce canal ou tout autre, ayant pour but d'opérer la jonction du Couchant de Mons avec Ath, ne pourra point se faire à charge du trésor public, du moins, suivant les termes rigoureux de la loi de 1859.

Ainsi, messieurs, d'un côté, le gouvernement doit attendre un concessionnaire ; d'un autre côté, il n'en doit pas attendre ; mais là où il doit attendre un concessionnaire, il doit évidemment aussi attendre les plans du concessionnaire, attendu que, dans aucune circonstance, le gouvernement ne se charge de dresser les plans d'un travail qui ne peut se faire que par voie de concession. Voilà la situation.

Maintenant, messieurs, voici cependant comment les deux travaux se lient et ce que le gouvernement peut faire et fera, aux termes de la même loi de 1859, il est loisible au gouvernement de remettre au concessionnaire qui se présenterait pour l'exécution du double travail dont il s'agit, le montant de la somme allouée pour l'exécution de la canalisation de la Dendre. S'il y a, sur cette somme, un excédant, il est entendu (cela résulte de la loi et cela a, au surplus, été surabondamment déclaré) que cet excédant pourra être accordé à titre de subside au concessionnaire qui se présenterait pour l'exécution des deux ouvrages. Eh bien, jusqu'à ce que les plans aient été dressés pour la canalisation de la Dendre, jusqu'à ce que l'on sache s'il y a ou s'il n'y a pas d'excédant de ce chef, je crois que nous n'aurons pas de concessionnaire pour le canal de Blaton ; je crois au contraire que lorsque l'on sera fixé à cet égard, et, s'il est vrai, comme c'est possible, qu'un excédant existe du chef des travaux de la Dendre (excédant qui pourra servir de subside pour la construction du canal de Blaton), je crois que nous trouverons plus facilement un concessionnaire.

M. J. Jouret. - Le chiffre est insuffisant.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - C'est une simple hypothèse que je pose, et je dis que cette hypothèse suffit pour engager le gouvernement à faire dresser, dans le plus bref délai possible, les plans relatifs à la canalisation de la Dendre. Voilà ce que je pourrai faire, voilà ce que je ferai.

Quand les plans seront dressés, comme je l'ai déclaré dans le temps, s'il n'y a pas de concessionnaire, le gouvernement exécutera lui-même et sans retard les travaux de la Dendre ; si un concussionnaire se présente, il examinera les propositions qui lui seront faites. S'il n'y a pas d'excédant et si finalement, par suite de ce fait, il ne se présente pas de concessionnaire pour le canal de Blaton, le gouvernement avisera suivant les circonstances.

J'arrive, messieurs, à la question du chemin de fer de Namur à Givet, débattue hier de nouveau par l'honorable M. Thibaut.

Je dois, messieurs, quelques mots d'explication à cet égard à la Chambre.

L'honorable M. Thibaut a semblé reprocher au ministère actuel le retard qu'a souffert l'exécution de ce chemin de fer. Il n'en est rien, messieurs ; le gouvernement a fait ce qu'il a pu et il n'est pas exact de dire, comme l'a insinué et affirmé même l'honorable membre, que si le ministère précédent était resté aux affaires, non seulement cette question aurait été résolue plus tôt ; mais qu'à l'heure qu'il est probablement, le chemin de fer de Givet serait exécuté. Non, messieurs, il n'en est absolument rien.

Lorsque l'honorable M. Dumon a quitté les affaires, il n'y avait avec la compagnie du Nord, chargée effectivement de l’exécution du chemin de fer de Namur à Givet, ni avec la compagnie de Namur à Liège qui a contracté ostensiblement avec le gouvernement, aucun engagement prochain.

M. Thibaut. - Il y avait une mise en demeure.

page 559) M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Evidemment il y avait une mise en demeure ; mais une mise en demeure n’est pas encore une convention. Je vais vous faire connaître la mise en demeure et vous verrez s'il est exact de dire que dans le discours prononcé à l'ouverture de la session du conseil provincial de 1857, M. le gouverneur de Namur fût autorisé (dans le sens qu’attache l'honorable M. Thibaut aux paroles de ce haut fonctionnaire) à déclarer que prochainement l'arrondissement de Dinant serait mis en possession de cette importante voie de communication.

Voici d’abord l'obligation de la compagnie de Namur à Liège. Elle résulte de l'article 63 du cahier des charges de 1843. Cet article 63 porte : « Si, endéans les dix premières années de la concession, l’on construisait en France, dans la vallée de la Meuse, un chemin de fer de la frontière à Vireux ou à tout autre point supérieur de cette ville, les concessionnaires seraient tenus d'y rattacher celui de Liége Namur, en le prolongeant, par Dinant, jusqu'à la frontière. »

« Le délai accordé à cet effet aux concessionnaires serait de trois ans à partir de l'acte du gouvernement français qui aurait assuré l'exécution du chemin de fer sur son territoire.

Un acte de cette nature de la part du gouvernement français est intervenu, ainsi que t'a rappelé l'honorable M. Thibaut, le 10 juin 1857.

A la suite du décret impérial concédant une ligne de Charleville à notre frontière, le gouvernement belge s'est immédiatement mis en relation avec la compagnie de Namur à Liège et l'a, en effet, mise en demeure, comme vient de le dire l'honorable membre, de s'exprimer sur le point de savoir si elle entendait exécuter l'obligation résultant de l'article 63 dont je viens de vous donner lecture.

La première lettre adressée par le gouvernement à la compagnie de Namur à Liège est du 27 juin 1857. Il faut reconnaître que le gouvernement belge, dans la personne de l'honorable M. Dumon, n'avait pas perdu de temps ; c'est une justice à lui rendre et je la lui rends bien volontiers. Voici donc ce qu'il écrivait à la compagnie : « Un décret impérial du 10 juin courant concède à la compagnie des chemins de fer des Ardennes et de l'Oise une ligne de chemin de fer de Charleville à la frontière belge par Givet. C’est la réalisation du cas prévu par l'article 63 du cahier des charges de la concession du chemin de fer de Namur à Liège, et, par conséquent, votre société est tenue de prolonger sa ligne depuis Namur jusqu’à la frontière française vers Givet. Veuillez, je vous prie, en m'accusant réception de la présente dépêche, me faire connaître dans un bref délai quelles sont les dispositions que vous jugerez convenable de prendre pour assurer la construction du prolongement de chemin de fer dont il s'agit. »

Eh bien, messieurs, le conseil provincial s’est ouvert quelques jours après, et il n’y avait pas d’autre communication entre le gouvernement de Namur à Liége que celle que je viens de faire connaître à la Chambre. Evidemment cette communication ne constituait pas un résultat assez précis pour autoriser qui que ce fût à prétendre que l’exécution du chemin de fer de Namur à Givet était prochaine.

Le 10 septembre 1857, l'honorable M. Dumon a rappelé purement et simplement à la compagnie de Namur à Liège la lettre dont je viens de vous donner lecture. Une seconde lettre de rappel, encore conçue dans les mêmes termes, a été envoyée le 9 octobre, et c'est la dernière signée par l'honorable M. Dumon. La question n'avait pas fait un pas.

Au mois de décembre, c'est-à dire peu de jours après l'entrée au pouvoir du nouveau cabinet, l’honorable M. Partoes écrivit à la société la lettre que je vais faire connaître à la Chambre et qui prouve combien il serait injuste de dire que le ministère actuel a négligé les intérêts de la province de Namur. Voici cette dépêche :

« Les lettres des 27 juin, 10 septembre et 9 octobre dernier, par lesquelles je vous ai invités à me faire connaître les dispositions que vous jugerez convenable de prendre pour assurer l’exécution du chemin de fer de Namur à la frontière française dans la direction de Givet, sont restées sans réponse.

« Je viens, pour une dernière fois, vous prier de me faire connaître vos intentions.

« Si je ne reçois pas de réponse avant le 15 du mois de janvier prochain, je considérerai voire silence comme un refus d'accomplir vos obligations et j'aviserai aux mesures à prendre en conséquence. »

Que résulte-t-il de cette lettre ? D'abord que l'honorable M. Dumon n'avait rien obtenu et qu'il n'y avait aucune apparence que la compagnie du Nord s'exécutât prochainement. Il en résulte encore que le ministère actuel, à peine arrivé aux affaires, s'est mis en devoir de poursuivre l'affaire dans les termes où l'avait laissée l’honorable M. Dumon.

Ainsi, messieurs, vient à tomber l'allégation de l'honorable M. Thi haut.

Voyons maintenant quels sont effectivement les délais accordés à la compagnie du Nord.

J'ai fait dernièrement, sous toutes réserves, une déclaration qui n'était pas exacte. Comme j'en avais prévenu la Chambre, je n'avais pas sous la main les pièces nécessaires.

D'après les termes de l'article 63 du cahier des charges réglant les obligations de la compagnie de Namur à Liége, cette compagnie devait exécuter le prolongement de la ligne de Namur à Givet, si dans les dix ans il intervenait un arrêté en France, assurant l'exécution d'une ligne des Ardennes à la frontière belge. Cet acte, je viens de le rappeler, est intervenu le 10 juin 1857, et j'appelle encore votre attention sur le paragraphe 2 de l'article 63 du cahier des charges. « Le délai accordé aux concessionnaires (pour opérer la jonction à Givet) sera de trois ans à dater de l'acte du gouvernement français qui aura opéré l'exécution du chemin de fer sur son territoire. »

Il s'ensuit qu'en tenant pour certaine l’obligation de la compagnie de Namur à Liége de construire le prolongement, ce prolongement devait être achevé le 10 juin 1860, c’est-à-dire le 10 juin prochain.

Vous avez présent à la mémoire, messieurs, le projet de loi que vous avez voté l’année dernière, portant quelques modifications au cahier des charges de la compagnie de Namur à Liége pour l’exécution de ce prolongement.

Ces modifications portent-elles sur le délai laissé à la compagnie pour l’exécuter ? Nullement ; mais la loi étant du 27 mai, la compagnie n’avait dès lors qu’un an et un mois pour construire plusieurs lieues de chemins de fer, et comme il était, par conséquent, tout à fait certain que la compagnie ne pourrait pas s’exécuter dans le délai prescrit par le cahier des charges, qu’avait-il été entendu, qu’avait-il été stipulé tacitement ? Je dis « tacitement » ; mais c’est à la connaissance et de l’aveu de tout le monde, l’impossibilité matérielle de l’exécuter dans le délai fixé de la part de la compagnie était flagrante.

La compagnie avait demandé à n'exécuter la section de Namur à Dinant que dans un délai de trois ans, et la section de Dinant à la frontière dans un délai indéterminé.

Voilà quelle était la prétention de la compagnie ; le gouvernement n'y a pas accédé. L'arrondissement de Dinant a fait les démarches les plus actives pour obtenir que le délai, du reste inévitable, fût le plus court possible et tandis que la compagnie se mettait peut-être à un extrême, l'arrondissement de Dinant se mettait, on pouvait le croire, à l'autre extrême. Pour ne pas laisser emporter le fond par la forme, le gouvernement a engagé la compagnie du Nord, qui est le traitant sérieux, à renoncer à toute prolongation de délai, lui promettant (et certainement je pouvais le faire) que puisqu’un délai était absolument inévitable, ce délai serait accordé sans difficulté par la Chambre, si la compagnie faisait preuve d’énergie dans l’exécution de ses travaux.

La compagnie, se fiant à la parole du gouvernement, lui a écrit, sous la date du 11 avril 1859, c'est-à dire à une époque antérieure à la loi, qui est du 27 mai, ce qui suit :

« Nous renonçons à demander une nouvelle fixation des délais d'exécution ; la compagnie, qui a déjà présenté le projet d'une des sections de la ligne et fort avancé l’étude de la deuxième section, est résolue à poursuivre les travaux avec vigueur : elle a la confiance que le gouvernement rendra justice à ses efforts. »

Je viens de vous dire, messieurs, dans quelles circonstances cette lettre a été écrite. La situation est donc parfaitement claire. Voici le droit strict dans cette affaire.

Le gouvernement est en droit d'exiger que la ligne soit exécutée le 10 juin 1860, mais la compagnie n'ayant reconnu ses obligations qu'an mois de mai 1859, alors qu'il était parfaitement évident que les lignes à construire ne pouvaient être exécutées pour le 10 juin 1860, il allait de soi qu'une prorogation de délai devrait être accordée à la compagnie.

Quelle sera, messieurs, cette prorogation ? Conformément aux déclarations que le gouvernement a faites avant la loi de 1859 et conformément à la lettre dont je viens de donner lecture, cette prorogation devra être calculée sur la somme d'énergie que la compagnie apportera dans l'exécution des travaux. Si la compagnie travaille avec vigueur, le gouvernement agira envers elle avec bienveillance, mais il est évident que le gouvernement ne peut rien faire sous ce rapport que de l’assentiment les Chambres.

Maintenant, messieurs, la compagnie s'est-elle exécutée commis elle avait promis de le faire ?

J'ai eu l'honneur de dire à la Chambre que la compagnie avait procédé avec beaucoup d'activité. Il est vrai que déjà antérieurement à la loi de 1S59, elle avait déposé des plans qui ont dû être l'objet d’une série de modifications importantes. Il est de fait que sous ce rapport la compagnie a fait preuve de zèle.

L'honorable membre a parlé de je ne sais quelle cause mystérieuse qui aurait retardé l'exécution des travaux ; je ne connais pas cette cause, et je suis donc excusable de ne pas la connaître, puisqu'elle est mystérieuse.

Mais on peut assigner au retard apporté à la formation du capital et par conséquent à la non-exécution des travaux une cause qui n'est pas mystérieuse, qui malheureusement est trop patente, trop réelle : je veux parler des événements politiques qui ont pesé sur toutes les entreprises de cette nature. La compagnie du Nord n'est pas la seule en Belgique qui soit en retard sous ce rapport ; plusieurs autres compagnies ont dû laisser s'écouler le délai de déchéance...

- Un membreµ. - L'argent est très commun aujourd'hui.

(page 560) M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Bien ; mais il ne l'était pas, il y a quelque temps. Aussi, je reconnais qu'aujourd'hui la compagnie n'a plus d'excuse légitime pour ne pas commencer les travaux sur le terrain, et j'entends que, conformément à la réclamation élevée par l'honorable membre, la compagnie s'exécute également sous ce rapport. Comment puis-je l'obliger à s'exécuter ? Je l'ai déjà dit : en la déclarant déchue... de quoi ? Non pas seulement de son droit sur la ligne de Namur à Givet, mais encore, éventuellement, de son droit sur la ligne de Namur à Liège.

Le moment est donc venu pour la compagnie de s'exécuter ; l'honorable membre et moi nous sommes d'accord sur ce point. Mais je persiste à penser que le gouvernement n'aura nullement à user des armes puissantes qu'il trouve dans le cahier des charges. Je crois, et c'est ma conviction qui se fonde sur des raisons sérieuses, je crois que la compagnie ne se laissera pas mettre en demeure, qu’elle s’exécutera loyalement et spontanément.

Telles sont les explications que j'avais à donner ; je pense qu'elles sont de nature à satisfaire l'honorable membre et toutes les localités intéressées à la continuation du chemin de fer.

J'ai une réponse beaucoup plus satisfaisante encore à faire à l'honorable M. Rodenbach. L'honorable membre s'étonne que le télégraphe des lignes concédées ne soit pas mis à la disposition du public ; eh bien ; ce que l'honorable membre demande, est un fait accompli depuis quelques semaines.

M. Rodenbach. - Tant mieux.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Sans doute. Voici comment nous en sommes arrivé là : le gouvernement s'est toujours opposé et il devait s'opposer à ce que le public fût admis purement et simplement à user des lignes télégraphiques des compagnies privées ; pourquoi ? Parce que la transmission des dépêches télégraphiques doit constituer un véritable service public. La transmission des dépêches par le télégraphe exige des précautions encore beaucoup plus minutieuses que le transport des dépêches par la poste. En effet, une dépêche télégraphique, c'est une lettre ouverte.

On ne peut donc pas admettre que les compagnies soient autorisées à se substituer au gouvernement qui a la police de ces choses dans ses attributions inaliénables et à admettre les dépêches privées. Il y avait une mesure transactionnelle à prendre ; elle consistait à utiliser au profit du public les lignes moyennant certaines précautions déjà établies par les compagnies. C'est cette mesure que j'ai mise en pratique, et à l'heure qu'il est les lignes télégraphiques des compagnies sont appropriées au service du public dans des conditions de sécurité et de secret que je crois tout à fait suffisantes.

Depuis mon entre au département, des conventions ont été payées avec toutes les compagnies possédant un télégraphe pour leur service d'exploitation, ou leur ont été offertes. Je dis « ou leur ont été offertes », parce que je tiens à constater que là où la télégraphie des compagnies n'est pas déjà mise en fait à la disposition du public, cette omission n'est pas imputable au gouvernement.

Voici sur quelles bases reposent ces conventions : les compagnies se servent de leur télégraphe pour leurs dépêches de service ; mais défense absolue leur est faite de s'en servir pour des communications privées. Le service public n'est permis que lorsque le gouvernement a agréé les agents auxquels la compagnie se propose de confier la transmission de ses propres dépêches.

La taxe est la même que pour les dépêches transmises par le télégraphe de l'Etat. Enfin, 30 centimes d'indemnité sont attribués aux agents des compagnies, agrées par l'Etat, par dépêche qu'ils transmettent ou reçoivent.

Voici maintenant dans quelle mesure le gouvernement a réussi à traduire en fait ce qui avait été décile, en principe, depuis quelques mois.

Les services qui fonctionnent déjà sont les suivants : Turnhout à Herenthals, Audenarde à Gand, Gand à Beveren par Saint-Nicolas. Les services qui vont fonctionner sont : Bruxelles, station du Luxembourg à la station du Nord ; toutes les stations du chemin de fer du Luxembourg ; de Charleroi à Louvain ; de Lichtervelde à Furnes.

La Flandre occidentale est sur le point de signer.

Enfin, ai-je dit, des conventions ont été offertes, et ne sont pas encore acceptées. Elles concernent l’Entre-Sambre et Meuse, Manage à Wavre, Anvers à Rotterdam.

Si l'entente avec ces compagnies n'a pas encore pu s'établir, ce n'est pas la faute du gouvernement il ne demande pas mieux que de traiter.

Je pense avoir démontré que ce qui a été fait correspond à ce que l'honorable M. Rodenbach recommandait au gouvernement et qu'il s'agit bien d'un fait accompli.

L'honorable M. Magherman a soulevé une question de droit très délicate ; il s'est enquis de ce que le gouvernement comptait faire relativement à l'établissement de chemins de halage sur les rives de l'Escaut ; il a demandé si le gouvernement se croyait le droit d'exproprier les riverains sur un certain nombre de mètres pour l'établissement des chemins de halage, et si, croyant posséder ce droit, il comptait en user.

Il a contesté le droit : et quant à l'usage à en faire, s'il existait, il a recommandé au gouvernement d'apporter des tempéraments dans la pratique.

Je regrette de ne pas pouvoir faire à l'honorable membre une réponse aussi favorable qu'aux autres membres à qui je viens de répondre. Le gouvernement n'éprouvé aucune hésitation sur son droit en cette matière, et il ne peut pas s'engager à user d'autre tempérament que de celui qu’il apporte d'ordinaire dans ces sortes d'affaires, attendu qu'il se croit en droit d'exiger que les riverains cèdent une lisière de leur terrain pour l'établissement des chemins de halage ; cette lisière est de 9 mètres 75 pour les chemins de halage proprement dits, et 5 mètres 25 pour ce qu'on appelle le marchepied.

Le gouvernement fonde sa conviction, à cet égard, sur la jurisprudence qui s'est établie à la suite des procès qu'il a eu à soutenir, notamment lors de la construction des chemins de halage sur la Meuse ; il n'y a plus de contestation possible sur le droit que l'honorable membre semble lui dénier.

Quant à payer des indemnités pour l'exercice que le gouvernement ferait de ce droit, c’est inadmissible ; il se soumettrait au payement d'indemnités considérables, là où la loi s'arme d'une manière complète ; il ne peut pas, par complaisance, s'obliger au payement de sommes importantes.

Le seul tempérament qu'il puisse apporter dans la pratique est celui dont il a déjà usé envers les riverains de la Meuse, et qui consiste à ne pas prendre pour le chemin de halage plus de terrain que les besoins ne commandent. Il peut prendre aux riverains jusqu'à 9 m 75 ; là où il ne faudra que 5 à 6 mètres, il ne prendra pas davantage.

Je ne puis pas aller au-delà dans les concessions que demande l’honorable préopinant, car poussées plus loin, elles coûteraient trop cher au gouvernement.

Enfin, l'honorable M. J. Jouret a demandé où en était la question du chemin de fer de Braine-le-Comte à Gand. Le gouvernement a présenté un projet de loi tendant à autoriser la concession pure et simple de cette ligne. Des propositions lui ont été faites par l'un des demandeurs en concession, tendantes à l'exploitation de la ligne par l'Etat, moyennant certaines garanties. Le gouvernement a trouvé ces propositions sérieuses et très dignes d'être prises en considération ; je me suis donc mis en rapport avec le demandeur ; la Chambre comprendra que pour une convention sortant de toutes les combinaisons usitées jusqu'ici, il devait inévitablement se présenter de grandes difficultés, le concessionnaire cherche à s'assurer le plus d'avantages possible ; et je n’y trouve rien d’illégitime. ; mais le gouvernement, de son côté, est obligé de veiller avec soin à ce que les intérêts publics, l'intérêt du trésor en particulier, soient sauvegardé, sous peine de ne pas voir ratifier son contrat par la Chambre.

Beaucoup de difficultés se sont donc présentées de part et d'autre ; mais comme de part et d'autre il y avait désir sincère de conclure, toute ces difficultés, à l'exception d'une seule, ont été résolues. Je pourrai, je pense, présenter à la législature une convention définitive sous peu de jours. S'il en était autrement, la Chambre sera juge du point qui aura rendu l'arrangement impossible et prononcera en connaissance de cause.

En dernier lieu, l’honorable M. Jouret a pu le d'une association entre les compagnies de chemins de fer concédés, et il a recommandé cette association à la bienveillance du gouvernement.

Je connais cette association. Je crois excellent, en principe, qu'il s'établisse un lien étroit entre les chemins de fer concédés, et j'espère qui cette sorte de fusion morale sera suivie, avec le temps, d'une fusion plus complète, d'une fusion matérielle du moins entre quelques-unes de ces lignes Je pense que là est l'avenir pour plusieurs d'entre elles. Qui luttent si péniblement aujourd'hui contre la charge accablante des frais généraux. Les lignes trop courtes supportent mal ce fardeau, et l’intelligence des administrations ne suffit pas toujours à triompher des obstacles qui naissent d'une situation forcée. Je n'ai pas à m'appesantir là-dessus aujourd'hui, quelque entière que soit ma conviction. Je puis me borner à déclarer que je considère les lignes concédées comme les alliées du chemin de fer de l'Etat, et qu'à ce titre elles ont droit à toute la bienveillance du gouvernement. Le concours sympathique du gouvernement est donc acquis à l’institution dont a parlé l’honorable M. Jouret.

(page 565) M. B. Dumortier. - Je dois deux mots de réponse aux honorables membres qui veulent accorder la préférence au canal de Menin à Ypres sur le canal de la Lys à la mer par Roulers et Handzaeme.

Vous allez voir combien la thèse des députés d'Ypres et de Courtrai est faible, puisque pour la soutenir on a été obligé de chercher à ridiculiser mes paroles. Cela ne prouve qu'une chose, c'est qu'on n'avait pas de bons arguments à produire.

Courtrai, a-t-on dit, est plus industriel que Roulers. Cela ne fait rien à la question en elle-même, je n'ai pas soulevé cette question ; j'ai articulé un fait que chacun peut vérifier : du chemin de fer, on peut voir combien il y a de cheminées à vapeur dans les deux localités ; votre prétention est une illusion de l'amour-propre courtraisien ; ce sont de si pauvres arguments, qu'il faut qu'ils ricanent.

Je sais bien que l'amour-propre courtraisien est tellement sensible, tellement susceptible, qu'il ne peut entendre dire qu'il se forme à Roulers un grand centre d'activité industrielle. Cela le gêne profondément ; il semble que la naissance de cette activité soit le signal de la décadence de Courtrai ; et l’on jette des cris de désespoir en entendant dire que Roulers s'élève et prospère. Voilà où est le nœud de tous ces arguments.

Quant à ce qu'a dit l'honorable M. A. Vandenpeereboom qui prétend que Roulers a le monopole du génie, je laisse cela pour ce que cela vaut.

En fait de génie, je suis prêt à admettre que le chef-lieu de l'arrondissement que l'honorable membre représente dans cette enceinte a le monopole d'un génie fort admirable sans doute, le génie de la fabrication de la dentelle ; je reconnais que les produits de la ville d’Ypres font merveille dans les salons ; mais malheureusement cette industrie me consomme pas de houille, n'emploie pas de produits pondéreux. Or, c'est précisément pour le transport des produits pondéreux que vous demandez un canal ! Quel intérêt, je vous le demande, peut donc avoir le Hainaut à envoyer ses produits pondéreux à Ypres, de préférence à Roulers, alors que vous n'avez pas un seul établissement à vapeur, alors que vous n'avez pas de consommation de combustible, et que vous avez déjà un canal pour transporter ce qui vous est nécessaire ?

Vous voulez le monopole du génie et, Dieu merci ! cette prétention ne serait pas contestable s'il fallait la juger d'après les faveurs que vous avez obtenues.

Voyons ce qu'on a fait depuis 20 ans pour l'arrondissement de Courtrai. Je suis fâché de devoir faire à mes honorables adversaires leur examen de conscience en public ; je le regrette, parce que j'ai ici affaire à des amis, mais enfin, puisqu'ils attaquent mon arrondissement, ils ne peuvent pas trouver mauvais que je dresse en peu de mots le bilan du leur.

Qu'a-t-on fait pour vous ? Tous les deux ou trois ans on a entrepris quelque grand travail pour Courtrai : ou a commencé par le mettre sur la grande ligne de l'Etat entre Gand et Lille. (Interruption.)

C'est égal, on l'a fait et c'est une grande faveur. On a donné plus tard à Courtrai un chemin de fer vers Ypres avec garante d'un minimum d'intérêt. Ce chemin de fer aurait dû évidemment être dirigé par Roulers. (Interruption.)

Mais, messieurs, il suffit de jeter les yeux sur la carte pour en être convaincu. Comment ! quelqu'un qui va d’Ypres à Bruges, le chef-lieu de la province, doit passer par Courtrai ! Mais c'est stupide ! C'est absolument comme si l'on allait à Paris par Rome.

M. H. Dumortier. - C’est précisément ce que vous voudriez pour vous.

M. B. Dumortier. - Oh ! je sais parfaitement que je mets ici le doigt sur la plaie, et c’est précisément ce qui explique vos rumeurs.

Ce n’est pas tout : il a fallu à Courtrai le canal de Bossuyt ; et non seulement ce cana a été accordé, mais on y a encore attaché la garantie d’un minimum d’intérêt. Vous voyez donc bien, messieurs, que Courtrai est bonne partie prenante au trésor public. Il a fallu à Courtrai la navigabilité du canal de Schipdonck. Il faut toujours quelque chose à Courtrai, tandis que la district de Roulers n'a absolument obtenu aucun travail d'utilité publique à charge de l'Etat depuis 1830.

Et maintenant encore on vient faire opposition à quelque chose qui est cependant tout aussi utile au district de Courtrai. Mais, messieurs, veuillez jeter les yeux sur une carte des Flandres et vous verrez tout de suite la différence des tracés. On veut faire un canal entre la Lys et la mer, à partir de Menin ou de Comines ; car il paraît qu'on n'est pas encore fixe sur ce point.

Eh bien, qu'cst-ce que c’est que Comines ? C'est la frontière de France. La Lys, à son entrée en Belgique, est moitié française et moitié belge ; c’est donc un canal contre la France, en face de la frontière française qu’on veut faire et non pas un canal au cœur même de la Belgique. Qu’on me réponse à cela !

Le système que nous proposons, nous, est un canal au cœur de la Belgique, dans l’intérêt, par conséquent, de la Belgique ; c'est un canal qui traverserait le centre des Flandres. Et c'est à ce canal qu'on vient opposer un autre projet de canal dont il a été question déjà il y a quelques mois, lors de la discussion du projet de loi de travaux publics et pour lequel l'honorable M. A. Vandenpeereboom demandait alors un crédit, je pense, de 6 millions.

M. A. Vandenpeereboom. - Et vous avez prétendu qu’il coûterait 15 millions.

M. B. Dumortier. - Je ne sais pas ce qu'il coûtera ; mas je dis que vous avez proposé par amendement, pour le canal dont je parle, un crédit de six millions.

M. A. Vandenpeereboom. - Vous êtes dans l'erreur.

M. B. Dumortier. - C'est au Moniteur. Et je me souviens que quand vous proposiez un crédit, ce n'était pas même pour le canal tout entier ; ce que vous demandiez n'était qu'à titre de subvention. Vous disiez qu'il fallait à ce canal une subvention de 6 millions.

M. A. Vandenpeereboom. - Je vous répète que c'est une erreur.

M. B. Dumortier. - C'est possible, mais l’erreur a été commise.

M. A. Vandenpeereboom. - Vous me faites dire le contraire de la vérité.

M. B. Dumortier. - Enfin, avez-vous, oui ou non, demandé une allocation de plusieurs millions ?

M. A. Vandenpeereboom. - Non !

M. B. Dumortier. - Eh bien, je demande qu'on aille chercher les procès-verbaux des séances pendant lesquelles cette question a été discutée ; on y verra que l'honorable membre a présenté un amendement tendant à l'allocation d'un crédit comme subvention par l'Etat, et qu'il a retiré cet amendement au moment du vote, en déclarant qu'il ajournait sa proposition à la session suivante.

M. A. Vandenpeereboom. - Erreur !

M. B. Dumortier. - Le Moniteur est là. L'amendement dont je parle a été présenté, imprimé et distribué ; on peut donc le retrouver dans les documents de la Chambre.

Eh bien, à côté de tous ces millions, que devait coûter, d'après les devis primitifs, le canal à petites sections de la Lys vers Roulers ? La minime somme de 436,000 francs ; et ce canal servirait aux deux Flandres ; il amènerait au cœur des deux Flandres les produits pondéreux du Hainaut. Aussi, l'importance de ce canal et tellement sentie, que nos honorables adversaires eux-mêmes sont forcés d'avouer qu'il faut l'exécuter. Je prends acte de cette déclaration ; mais je répète ce que j'avais l'honneur de dire hier, que je n'ai pas l'espoir de voir jamais la Chambre consentir à l'exécution de deux canaux parallèles, l'un qui longerait la frontière française, l'autre qui se dirigerait au centre de la Flandre.

II faut opter, et c'est pour cela que je défends de préférence les intérêts de mon district ; et, en prenant cette position, je défends les véritables intérêts des deux Flandres et du Hainaut, car, encore une fois, ce n'est pas un canal à la frontière qu'il leur faut pour obtenir la vente de la houille, de la chaux, des pierres du Hainaut Comment ! si à Roulers on veut bâtir, on doit aller chercher les pierres et la chaux dans le Hainaut par axe, et vous ne voulez pas accorder une voie de communication pour le transport de ces produits ! Veut-on donc qu'il y ait en Belgique une localité déshéritée ? J'ai trop de confiance dans l'esprit de justice de la Chambre pour croire qu'elle puisse être disposée à consacrer une pareille iniquité et cela pour favoriser une autre localité qui a été déjà si largement dotée à charge di trésor public.

En fait de distribution des ressources publiques, il y a un principe de justice répartitive auquel il est impossible se soustraire ; il n'est pas possible d'accorder tout à certains districts et rien aux autres. Comme je le disais hier, le district de Roulers constitue, sous le rapport de la population, plus de la 50ème partie du pays tout entier ; il a donc payé la 50ème partie des impôts depuis 1830, il a payé la cinquantième partie des emprunts ; il a contribué pour la 50ème partie dans les travaux qui ont été exécutés partout, et aujourd'hui on voudrait encore le priver de la seuls chose qu'il soit possible de faire en sa faveur, alors que des nécessites impérieuses, l'intérêt de l’industrie de Roulers, d’une part, l'intérêt des houillères et des carrières du Hainaut d’autre part, exigent cette satisfaction ! Je dis que ce serait là une injustice criante, et je suis convaincu que la Chambre ne consentira jamais à accumuler toutes les faveurs sur un district eu déshéritant complètement un district voisin.

(page 560) M. Magherman. - Je suis fâché que M. le ministre des travaux publics n'ait pas cru devoir donner une solution satisfaisante à la question très grave que j'ai soulevée hier, à la question d'un chemin de halage à établir sur les bords de l'Escaut.

M. le ministre nous a dit, si je ne me trompe, que la jurisprudence avait été établie pour le chemin de halage le long de la Meuse. Je ne crois pas qu'il y ait la moindre analogie à établir entre la Meuse et l’Escaut. Le long de la Meuse, si mes renseignements sont exacts, la traction se fait au moyen de chevaux. Sur l’Escaut, la traction se fait par hommes.

La coutume d'Audenarde consacre ce principe que le chemin de halage sur les bords de l'Escaut ne doit avoir que cinq pieds. Or, on ne (page 561) peut, en vertu d'une ordonnance émanant d'un pays étranger, en vertu d'une disposition de 1669, rendre applicable à une rivière un système légal tout opposé à celui qui l'a régie jusqu'ici. Certainement l'équité doit combattre cette application.

Messieurs, je ne pense pas que ce qui a été décidé pour les bords de la Meuse soit applicable au régime de l'Escaut. Je le répète, le long de l'Escaut, la traction s'est toujours exercée par hommes. Est-il juste dès lors qu'on prenne 5, 7 ou 8 mètres de terrain aux propriétaires riverains sans indemnité ?

Dans tous les cas, cette indemnité me paraît due. Le principe de l’indemnité se trouve consacrée par le décret impérial du 22 janvier 1808. Ce décret s’exprime ainsi : « Art. 3. Il sera payé aux riverains de fleuves ou rivières, où la navigation n’existait pas et où elle s’établira, une indemnité proportionnée au dommage qu’ils éprouveront, et cette indemnité sera évaluée conformément aux dispositions de la loi du 16 septembre dernier. »

Messieurs, le législateur de 1800 a consacré le principe de l'indemnité en faveur des riverains des rivières où la navigation n'existe pas. Alors que le gouvernement veut y établir postérieurement la navigation, il est évident qu’il y a lieu aussi d’indemniser le long des rivières où la traction se faisait au moyen d’hommes et où l’on veut changer le système en introduisant la traction au moyen des chevaux.

Je prie donc M ? le ministre des travaux publics de bien vouloir examiner avec bienveillance cette question au point de vie particulier de la situation des riverains de l’Escaut. Je crois qu’il n’y a aucune analogie entre la situation des bords de la Meuse et des bords de l’Escaut.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, la question a été résolue dans les conditions les plus défavorables pour le gouvernement. La jurisprudence a établi que le gouvernement, quand le chemin de halage se trouvait établi, par exemple, sur la rive gauche, pouvait, sans indemnité, le transporter sur la rive droite, là où il n'y avait jamais eu de halage. Vola ce que la jurisprudence a établi d'une manière définitive, tellement les solutions qui sont intervenues sont précises et nombreuses.

Je dis que c'est là certainement le cas le plus défavorable qui peut se présenter, et qu'il l'est infiniment plus que celui qui existe par rapport aux chemins de halage à établir sur les rives de l'Escaut. En effet, on me dit que le halage s’effectue déjà par chevaux sur les rives de 1 Escaut et vous prétendez que non.

M. Allard. - D Audenarde à Tournai on emploie des chevaux.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Du reste, te point est indifférent. Toujours est-il qu'en ce qui concerne l'Escaut, il ne s'agît que de compléter, d'approprier un chemin existant. Quoi qu'il en soit, la jurisprudence qui a été établie, c'est que le gouvernement porter discrétionnairement le halage d'une rive sur l'autre, de prendre sur la rive nouvelle les 9 m. 75 dont parle l’ordonnance de 1669, sans être soumis à la prestation d'aucune indemnité.

(page 561) M. A. Vandenpeereboom (pour un fait personnel). - Que l'honorable M. Dumortier défende avec ardeur les intérêts de ses commettants, rien de pilus juste.

Quant à moi, je ne m'apposerai jamais à ce que la ville de Roulers, comme je l'ai dit, soit reliée à la Lys. Mais je demande aussi, par réciprocité, que l’honorable M. Dumortier- ' n’entrave pas un projet utile à la ville d'Ypres.

Ce que je demande surtout, c'est que l’honorable membre ne me prête pas des pensées que je n’ai jamais exprimées. L’honorable membre a une manière particulière de discuter. Il affirme un fait, on a beau lui dire : Vous êtes dans l’erreur. IL reprend : « Je ne suis pas dans l’erreur ! », et il continue.

L'honorable M. Dumortier me fait dire des choses que je n'ai jamais dites. Ainsi le Moniteur est là. L'honorable M. Dumortier a dit que le canal d'Ypres devait coûter 15 millions. Cela est imprimé au Moniteur. J'ai dit que ce travail devait coûter, non pas 15 millions, mais d'après tous les devis 6 millions, non pas pour une partie du canal, mais pour le canal tout entier. Eh bien, malgré les devis faits par les ingénieurs, l’honorable M. Dumortier soutient que le canal coûtera 15 millions.

Quand il s'agit d'actes que j'ai posés moi-même, je dois les connaître cependant. L'honorable M. Dumortier vient de vous dire avec une assurance incroyable que j'ai proposé l’année dernière le vote d'une somme de 6 millions à titre de subside à la compagnie concessionnaire qui se chargerait de l'exécution du canal d'Ypres.

J'étais certain que je n'avais pas fait une semblable proposition, l'allocation d’une somme de 6 millions devait nécessairement entraîner l'exécution par l'Etat.

Mais voici ce que j'ai proposé. Je l'ai dit tout à l'heure en interrompant l’honorable M. Dumortier.

Mais il m'a répondu : Cela est inexact ; il a couvert ma voix et ne m'a pas permis de me faire entendre. Il a fait un appel aux procès-verbaux.

En bien, voici ce que portent les procès-verbaux : « M. A. Vandenpeereboom présente, avec dix autres membres de la Chambre, une proposition ainsi conçue :

« Nous avons l'honneur de proposer d'ajouter après le § 7 de l'art. 8, une disposition ainsi conçue :

Voilà la vérité, j'espère que l'honorable M. Dumortier sera convaincu que j'étais dans le vrai et que sa mémoire lui a fait défaut. Je le prie, à l’avenir, lorsque nous disons des choses que nous connaissons d'une manière positive, de ne pas nous donner des espèces de démentis, et de ne pas nous obliger à lire les procès-verbaux pour le convaincre que ce n'est pas nous qui sommes dans l'erreur, mais que c'est lui qui a erré profondément.

(page 566) M. H. Dumortier. - Je ne me proposais nullement de prendre la parole dans cette discussion. Mais l'honorable M. Barthélémy Dumortier, pour défendre les intérêts de Roulers, semble éprouver constamment le besoin de nous attaquer et de chercher même à jeter un certain ridicule, tantôt sur la ville d'Ypres, tantôt sur la ville de Courtrai.

D'après l'honorable membre, la ville de Roulers est le grand et l’unique centre de l'industrie de la Flandre occidentale. Dans le domaine industriel, toutes les autres villes de cette province ne sont rien en comparaison de Roulers.

Messieurs, je ne veux pas prolonger la discussion pour faire le (page 562) classement des villes de la Flandre occidentale, au point de vue de l'industrie ; mais pour aider à rectifier les erreurs qui existent sous ce rapport, dans l'esprit de notre honorable collègue, je l'engage beaucoup à lire le rapport sur l'exposition universelle de Paris, il pourra utilement s'y renseigner sur l'importance et le progrès de l’industrie et du commerce dans la Ville de Courtrai.

Cette discussion, messieurs, présente un caractère assez étrange.

Les honorables représentants d'Ypres déclarent qu'ils ne s'opposent utilement à la canalisation de la Mandel.

Nous, représentants de Courtrai, nous faisons la même déclaration ; nous sommes disposés à appuyer et à voter tout ce que le gouvernement voudra proposer pour mettre Roulers en communication avec la Lys, et c'est dans cette situation que l’honorable M. Barthélémy Dumortier, non content de défendre les intérêts de Roulers, ne peut s'abstenir d'invectiver contre la ville de Courtrai.

Il l'accuse d'avoir accaparé toutes les faveurs gouvernementales, même celles qu'elle tient de sa situation topographique ; et pour que ce réquisitoire soit complet, il ne reste plus à l'honorable membre que d'accuser la Providence d'y avoir fait passer la Lys.

Pour que la Chambre puisse bien exactement se rendre compte du système soutenu par I honorable membre pour Roulers, qu'elle me permette de faire une comparaison.

Je suppose qu'il soit reconnu utile de relier les bassins de la porte de Flandre à la porte de Schaerbeek ; cette donnée représente dans ma pensée le canal de jonction de la Lys à l’Yperlée.

Eh bien, l'honorable M. B. Dumortier vient nous dire :

Mais, messieurs, il serait également nécessaire de relier la porte de Hal aux bassins de la porte de Flandres ; commençons à creuser notre canal de la porte de Flandre à la porte de Hal, et après cela nous creuserons un canal de la porte de Hal à la porte de Schaerbeek. C'est le cas de dire que tous les chemins conduisent à Rome et à Ypres aussi.

La position que prend l'honorable M. B. Dumortier, dans ce débat, est très ingénieuse.

Tout le monde est convaincu qu'un canal de la Lys à Ypres compléterait une grande ligne de navigation, que c'est là un projet sérieux, important, et devant nécessairement se réaliser dans un temps donné.

L'honorable M. Dumortier trouve cette occasion excellente pour venir demander que nous le prenions en croupe (passez-moi ce mot peut-être un peu vulgaire, mais qui dépeint ici toute la situation). Le canal de Menin à Ypres est une excellente chose, dit-il, mais ce qui est bien plus important, c'est la canalisation de la Mandel de Roulers vers Vive-Saint-Eloi. Or il y a une connexion nécessaire entre ces deux objets. Exécutons donc la canalisation de la Mandel, les bateaux descendront de Courtrai vers Vive-Saint-Eloi, c'est plus facile que de remonter la Lys jusqu'à Menin ; de Saint-Eloi i s se dirigeront sur Roulers et de là par le canal de Handzaeme on arrivera à Ypres.

Est-il nécessaire de répéter, messieurs, que le canal de Menin à Ypres et la canalisation de la Mandel sont deux objets essentiellement distincts ?

Au reste, je ne sais si les attaques de M. B. Dumortier contre la ville de Courtrai servent bien les intérêts de Roulers en cette circonstance, mais ce que je puis affirmer, c'est que ces attaques ne resteront jamais sans réponse.

L'honorable député de Roulers a déjà répété plusieurs fois dans cette enceinte que depuis très longtemps l'arrondissement de Roulers n'a rien obtenu du gouvernement eu matière de travaux publics.

Messieurs, j'ai eu l'honneur d'être pendant dix ans rapporteur de Roulers à la députation permanente et j'ai la prétention de connaître aussi quelque peu la situation de cette partie de la Flandre occidentale.

Je me permettrai d'ajouter que je porte un très vif intérêt à Roulers. J'aime à suivie les progrès qui s'y réalisent dans l'industrie, je désire pouvoir contribuer à encourager et à stimuler ce mouvement progressif.

Mais si l'honorable M. B. Dumortier m'y provoque sans cesse en attaquant, sans nécessité pour la défense de sa cause, la ville de Courtrai, je lui déclare que je ferai un jour le compte de ce que l'arrondissement de Roulers a obtenu du gouvernement pour l'exécution de travaux publics et je prouverai ainsi à la Chambre et au pays que l'honorable membre tombe, sous ce rapport, dans des exagérations manifestes.

Comment ! vous viendrez prétendre que l'arrondissement de Roulers n'a pas obtenu un sou du gouvernement en fait de travaux d'utilité publique ?

Mais oubliez-vous donc que cet arrondissement, d'une étendue relativement restreinte, est sillonné par trois ou quatre chemins de fer qui tous, à l'exception de la ligne de Bruges à Courtrai, reçoivent un minimum d'intérêt à charge du trésor public ?

La ligne de Lichtervelde à Furnes ; la ligne d'Ingelmunsier par Thielt à Deynze ; sans compter qu'au midi de ce district il y a la ligne d'Ypres à Courtrai, jouissant également de la garantie d'un minimum d'intérêt.

Jetez les jeux sur la carte de la Flandre occidentale et voyez si cette localité a tant à se plaindre pour ce qui concerne les routes de tout genre.

Et l'on vaudra dire après cela que depuis très longtemps toutes les faveurs gouvernementales, dans cette partie de la Flandre, ont été emportées par Courtrai !

Pour discréditer le projet de construction d'un canal de Menin à Ypres, notre honorable collègue a même été jusqu'à nous menacer d'une invasion de houilles françaises.

Il paraîtrait que l'on a récemment découvert dans le département du Nord, dans quelque endroit situé le long de la Deule, je crois, des mines de houille.

Ce danger, messieurs - si danger il y a, car pour moi, je n'y verrais qu'un avantage pour l'industrie en général - n'est pas imminent, et cela pour deux motifs très sérieux. Le premier, c'est que ces charbons français pourront être arrêtés tout court à leur entrée par la Lys sur le territoire belge.

La convention faite entre la Belgique et la France relative aux canaux de Bossuyt à Courtrai et de l'Espierre renferme à ce sujet des dispositions très rassurantes.

D'un autre côté, si l'on trouvait, le long de la Deule, des mines de houille de quelque importance, soyez persuadé, que la grande industrie du département du Nord saurait, parfaitement se les approprier. C'est une précieuse matière première dont elle aura besoin aujourd'hui plus que jamais, et je suis persuadé que le Hainaut n'éprouve pas de grandes craintes relativement à la concurrence qui lui viendra de ce côté.

Je me bornerai provisoirement à ces simples observations.

M. B. Dumortier. - Messieurs, je dois quelques mots de réponse à l'honorable préopinant et à l'honorable M. Vandenpeereboom.

II est possible que, quant au chiffre de 6 millions, ma mémoire ait été en défaut, mais il est toujours certain que l’honorable membre a demandé une subvention de 1,500.000 francs, pour la concession du canal ; or le chiffre est ici un point secondaire.

En second lieu, messieurs, le devis primitif du canal était réellement très élevé ; était-il de 15 millions ? Je ne saurais l'affirmer ; mais quand j'ai fait connaître ce chiffre dans la dernière session, je l'avais sous les yeux et je l'ai, par conséquent, cité avec exactitude.

On a trouvé, dit l'honorable membre, le moyen d'éviter le tunnel, mais c'est en accumulant les écluses. Or, messieurs, de cette manière le canal ne peut pas servir à la grande navigation.

Les honorables membres s'imaginent toujours que le canal de Roulers doit aller jusqu'à Ypres. Or, ce n’est pas là ce que nous demandons, nous demandons que le canal de Roulers aille rejoindre le canal de Handzaeme et déjà sous le gouvernement hollandais il avait été question de prolonger le canal de Handzaeme jusqu'à Roulers.

Depuis la révolution, il a été question, dans les conseils provinciaux, du canal de Handzaeme, de le prolonger jusqu'à Roulers, de former ainsi un complément à cette grande ligne de navigation, du Hainaut jusqu'à la mer, de la même manière que le canal d'Ypres, mais avec cette différence que le canal que nous demandons, se trouvant dans la plaine, n'ayant pas des écluses accumulées les unes sur les autres, permettra une navigation constante, tandis que l'autre canal ne présente pas cet avantage. Ce sera une dépende réellement perdue.

Voilà les faits, nous ne demandons pas mieux que d'aller à Ypres ; mais au fond, cela ne nous est pas utile. C'est une transaction que nous avons offerte à ces messieurs d'Ypres ; ils la repoussent, et puisqu'ils la repoussent, nous n’insistons pas.

Messieurs, aussi longtemps qu'il y avait en France une zone maritime dans l'étendue de laquelle les houilles anglaises payaient un droit plus considérable, il est évident que les charbons du Hainaut devaient aller rejoindre l'écluse de Plasschendaele pour se rendre de là par l'écluse de Furnes jusqu'à Dunkerque, afin d'emprunter la côte maritime ; mais par suite du traité qui vient d'être convlu entre la France et l'Angleterre, cet importante débouché nous échappe ; cette grande ligne perd son utilité. Mais ce qui est utile, c'est de mettre le district industriel et manufacturier de Roulers en communication avec le Hainaut, avec la Flandre orientale, avec Anvers, pour les produits pondéreux.

Voilà ce qui sera une mesure véritablement utile, tandis qu'au contraire, je le répète, par le traité auquel je viens de faire allusion, la zone maritime échappe pour toujours au commerce des houilles belges. On ne peut pas se le dissimuler : le Hainaut devra chercher d'autres débouchés.

L'honorable M. H. Dumortier a dit que j'avais été très maladroit dans la défense des intérêts de l'arrondissement de Roulers. Libre à l'honorable membre d'avoir cette opinion ; mais mon droit est de défendre cet intérêt de la manière la plus avantageuse à mes commettants.

Si j'avais l'espoir de voir la chambre voter deux canaux parallèles, je n'aurais pas besoin d'examiner si les intérêts d'Ypres et de Courtrai doivent avoir la préférence sur ceux de Roulers ; mais comme je n'ai pas cette espérance et que mes honorables contradicteurs ne peuvent me donner aucune garantie à cet égard, il est tout naturel que je défende ici contre eux l'intérêt de mes commettants.

(page 567) Ah ! je le comprends ; j'ai mis le doigt sur la plaie ; j'ai montré les nombreux avantages qui ont été accordés à l'arrondissement de Courtrai. A cela, que me répond l'honorable M. Henri Dumortier ? « On a fait, dit-il, une masse de travaux dans votre district ; on a construit le chemin de fer de Courtrai à Bruges. »

Oui, on a construit le chemin de fer de Courtrai à Bruges ; mais qu'est-ce que ce chemin de fer a coûté à l’Etat ? Rien, absolument rien. C'est une compagnie particulière qui la construit, et sans la garantie d'un minimum d'intérêt.

« Mais, dit-on, on a fait un chemin de fer de Lichtervelde à Furnes. »

Oui, mais ce chemin de fer est-il dans le district de Furnes ou dans celui de Roulers ?

Le chemin de fer d'Ingelmunster, on l'a encore fait partir de Courtrai. En toutes choses, nous sommes sacrifiés à Courtrai. (Interruption.)

Lisez la discussion qui a eu lieu sur le chemin de fer concédé, et vous verrez que mon honorable ami, M. Rodenbach, et moi avons toujours demandé que ce chemin de fer passât par Roulers.

L'honorable M. Devaux soutenait la même thèse et avec raison : c'était le moyen de se rapprocher du cœur de la province. Or, l'honorable M. Henri Dumortier, qui aime beaucoup les amplifications et qui connaît si bien mon district, voudrait-il bien me dire sur quelle partie du territoire du district de Roulers passe ce chemin de fer ?

Ne venez-donc pas nous dire que ce chemin de fer a été fait pour Roulers ; vous l'avez enlevé à Roulers, et vous venez prétendre ensuite que c'est pour nous qu'il a été fait !

On vient nous dire sérieusement que dans l'arrondissement de Roulers on a construit quelques routes pavées. Mais quel est donc l'arrondissement du pays qui n'a pas obtenu de routes pavées ?

Dans une autre circonstance, j'ai fait le détail des routes pavées qui ont été construites dans le pays ; j'ai établi, notamment, que dans le Luxembourg en en avait construit pour 6 millions, ensuite pour 2 millions. L'honorable M. H. Dumortier prétendrait-il, par hasard, qu'on n'aurait pas dû en construire du tout dans le district de Roulers ?

Messieurs, il faut de la justice en tout. Il ne faut pas que des districts qui n'ont pas à se plaindre, qui ont reçu beaucoup du trésor public, viennent ici, par une demande de procureurs, s’opposer indirectement à l’exécution d’un travail dont ils reconnaissent eux-mêmes la haute utilité.

Or, je dis que le projet qu'ils présentent amènera nécessairement la Chambre à rejeter la demande que nous faisons, et qui, dans notre conviction, est fondée sur la justice.

Je ferai d'ailleurs remarquer à l'honorable député de Courtrai que le canal dont nous réclamons la construction se dirige sur le district de Courtrai tout comme l'autre canal.

Je pense que la partie septentrionale de ce district est aussi intéressée que sa partie méridionale. Je sais bien qu’à Menin et à Comines, on voudrait avoir un canal à sa portée ; mais c’est une utilité de fantaisie : car Menin et Comines reçoivent déjà par la Lys les produits pondéreux. N’est-ce pas assez ? Pourquoi ne point consentir à ce que les autres parties du district reçoivent un avantage ? Pourquoi ne pas consentir à ce que le canal de grande communication maritime se fasse ? Alors vous auriez un grand avantage à recueillir ; le district de Thielt viendrait prendre ses chaux ainsi que le district de Dixmude qui en a tant besoin pour ses chaulages, les districts de Furnes et d’autres encore y trouveraient aussi leur intérêt.

(page 561) M. de Breyneµ. - Messieurs, nous assistons à un spectacle bien étrange, nous voyons les représentants de la même province, au lieu de se réunir pour obtenir des avantages, se chamailler, quand il leur serait si facile de s’entendre sur les moyens de servir les intérêts de la province.

Hier, mon honorable ami le représentant d’Ypres a fait un appel à la conciliation ; je viens aujourd’hui en faire autant, et j’espère que dans cette question comme dans beaucoup d’autres, la conciliation s’opérera et que les honorables représentants de la Flandre occidentale s’entendront pour atteindre un but utile, dans l’intérêt de la province.

Quant à moi, je reconnais que pour la ville et l’arrondissement d’Ypres et toute la partie ouest de la Flandre occidentale la jonction de la Lys au bassin d’Ypres est de la plus grande utilité ; d’un autre côté, je reconnais aussi que la canalisation de la Mandel, que nous demandent depuis 25 ans les représentants de Roulers serait une chose utile.

Il est vrai que j’ai longtemps douté qu’on pût voir un jour la canalisation de la Mandel ; depuis plus de 20 ans j’entends des réclamations nombreuses pour l’obtenir ; et j’avais toujours cru que c’était une utopie ; mais aujourd’hui la question change de face.

Vous avez au centre de la Flandre occidentale une localité qui depuis 10 ou 12 ans prospère, c'est le chef-lieu de l’arrondissement de Roulers qui devient une ville manufacturière de premier ordre. Cette ville est dotée d'un chemin de fer, mais elle manque d'une voie navigable qui vienne faire baisser le fret actuel des charbons et matières pondéreuses.

L'honorable M. B. Dumortier demande la canalisation de la Mandel et la jonction de la Lys à l’Yser par le canal de Handzaeme. Ce projet doit sourire à tous ceux qui connaissent la partie intérieure de la Flandre occidentale, cette canalisation formerait une voie navigable au centre même de la province.

Aujourd’hui toutes nos rivières, tous nos canaux coulent du sud au nord, cette voie navigable couperait transversalement tous ces canaux et rivières dans la direction de l’est à l’ouest.

Aussi, messieurs, en appuyant les projets recommandés par l'arrondissement d’Ypres et par la ville et l’arrondissement de Roulers, je crois rendre service à ma province, et j'espère que je serai appuyé par tous mes honorables collègues de la Flandre occidentale.

- La discussion générale est close.

Discussion du tableau des crédits

Chapitre I. Administration centrale

Article premier

« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000. »

- Adopté.

Article 2

« Art. 2. Traitement des fonctionnaires et employés : fr. 538,810. »

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Dans l'intérêt de l'administration, j’ai cru devoir créer une place d’inspecteur générale. En conséquence de cette création, je prie la Chambre d'opérer un transfert à l'article 2 des articles 40 et 41. La création de la place d'inspecteur général m'a permis de supprimer celle d’ingénieur en chef près de l'administration centrale. Je propose, pour régulariser ce changement, d'augmenter l'article 2 de 4,600 fr. et de diminuer l'article 40 de 2,800 fr. et l'article 41 de 1,800 fr. Ainsi la création dont il s'agit se fera sans grever le budget d'un centime.

M. d'Hoffschmidt. - La proposition de M. le ministre des travaux publics ne consiste que dans un transfert, il n'en résultera pas d'augmentation du chiffre total du budget. Je crois qu’elle ne peut pas rencontrer la moindre opposition. Mais si j'ai bien compris ce qu'a dit M. le ministre dans la discussion générale, c'est sur cet article qu'on a prélevé, depuis plusieurs années, le traitement du commissaire du gouvernement près de la compagnie du chemin de fer du Luxembourg. Le payement de ce traitement a cessé l'année dernière, il devrait en résulter une diminution sur le chiffre porté à l'article 2.

Le traitement de M. Hauman a été prélevé sur l’article 2 pendant plusieurs années et pendant le dernier exercice jusqu'au mois d'août ; quand M. le ministre a présenté le budget au mois de mars dernier, il a dû comprendre le traitement du commissaire près de la compagnie du Luxembourg ; ce traitement est maintenant supprimé, il doit résulter de cette suppression une diminution de 4 mille fr. Je demande si c'est ainsi qu'on doit l'entendre.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, l'observation de l'honorable rapporteur prouve combien, en fait, la situation créée par l'imputation du traitement de M. Hauman sur mon budget, était fâcheuse. Le crédit de 25 mille francs pour la surveillance des chemins de fer concédés, qui fait partie de l'article 2, existait avant que le traitement de M. Hauman fût imputé sur mon budget. C'est en 1857 que l'imputation a eu lieu et le crédit n'a pas été augmenté. Sur quoi donc le traitement de M. Hauman a-t-il été pris ?

Evidemment sur l'allocation des fonctionnaires et employés de (page 562) l’administration centrale ; c'est à leur détriment que M. Hauman a été payé.

Que faisons-nous aujourd’hui, par suite du retrait de cette imputation ?

Nous rentrons dans la situation qui existait avant l’imputation ; nous rentrons dans une situation normale.

Il est donc évident, messieurs, qu'il n'y a pas lieu de diminuer l'allocation de l'article 2. Il y aurait eu lieu de l'augmenter quand l'imputation des 4 000 fr. a été décidée ; mais comme ou ne l'a pas fail, nous ne faisons que rentrer dans la situation existante avant la création de cette dépense.

- Le chiffre de 538,810 fr., porté à 543,410 fr., par suite du transfert de 4,600 fr. demandé par M. le ministre, est mis aux voix et adopté.

Articles 3 à 6

« Art. 3. Frais de route et de séjour du ministre, des fonctionnaires et employés de l’administration centrale : fr. 35,200. »

- Adopté.


« Art. 4 Traitements et salaires des huissiers, messagers, concierges et gens de scrvice : fr. 50,985. »

- Adopté.


« Art. 5. Matériel, fournitures de bureau, impressions, achats et réparation de meubles, chauffage, éclairage, menues dépenses : fr. 50,000. »

- Adopté.


« Art. 6. Honoraires des avocats du département : fr. 30,000. »

- Adopté.

Chapitre II. Ponts et chaussées. Bâtiments civils

Section I. Ponts et chaussées
Article 7

« Art. 7. Entretien ordinaire et amélioration de routes, et construction de routes nouvelles : fr. 2,651,370. »

M. David. - Plusieurs orateurs, messieurs, vous ont entretenus, dans la discussion générale, de différents objets spéciaux ; j'aurais pu en faire autant ; mais comme j'ai à parler de routes, j'ai attendu que l'article spécial fût en discussion pour présenter mes observations.

Je veux parler, messieurs, d'une route commencée depuis longtemps et dont il ne reste plus à construire qu'une seule section, à défaut de laquelle la route reste à l'état de véritable impasse. Cette route part de Visé et doit relier les rives de la Meuse avec Aix-la-Chapelle en passant par Vaels. Je crois savoir que cette route serait depuis longtemps achevée si elle n'avait fait naître quelques difficultés entre les gouvernements belge et hollandais au sujet du parcours qu'elle doit faire sur le territoire néerlandais pour aboutir à Vaels.

Il paraîtrait que le parcours sur le territoire hollandais pourrait être évité en donnant à la route une direction directe sur Aix-la-Chapelle ; dès lors la difficulté semble pouvoir être facilement aplanie et je serais satisfait que M. le ministre des travaux publics pût nous faire connaître à quoi en sont les négociations ouvertes à propos de cette affaire.

It s'agit, messieurs, d'une voie de communication extrêmement importante, destinée à relier le canal latéral à la Meuse, quand le pont de Visé sera achevé, avec Aix-la-Chapelle. Nous avons aux environs de cette route un immense plateau qui ne possède aucune espèce de voie de communication, de la Meuse vers l’Allemagne. A partir de la frontière hollandaise jusqu'à la route de Liège par Battice à Aix-la-Chapelle, il reste un vaste pays, très important sous le rapport de l'agriculture et qui n'est desservi par aucune route.

J'aime donc à croire, eu égard surtout à l'avancement des travaux de construction de la route dont je parle, que les difficultés très secondaires sans doute qui en empêchent l’achèvement seront incessamment aplanies.

M. de Gottal. - Mon intention, messieurs, n'est pas de présenter des observations concernant cet article ; je veux simplement appeler l'attention bienveillante de M. le ministre des travaux publics sur la partie septentrionale de la province d'Anvers qui me semble avoir été bien négligée pendant ces dernières années sous le rapport de la répartition du crédit destiné aux routes.

Je crois pouvoir élever avec d’autant plus de raison une réclamation à ce sujet que, d'après des renseignements qui me sont parvenus, les difficultés incessantes avec le gouvernement hollandais relativement aux prises d’eau, difficultés dont il a été question lors de la discussion du grand projet de travaux publics, empêchant pour le moment encore la présentation du projet de loi qui a été si vivement recommandé par la section centrale.

Je veux parler du complément du canal de la Campine, qui serait un des plus grands bienfaits dont on pût doter cette partie du pays.

La Campine, messieurs, a également droit aux sympathies du gouvernement à raison des importants essais agricoles qui viennent d’y être faits et de leurs heureux résultats, constatés par les fonctionnaires du gouvernement.

J'espère donc que M. le ministre tiendra bonne note de mon observation et qu'il y aura égard dans une juste mesure lors de la répartition des fonds qui seront votés aux budget de 1860 pour les routes.

M. Magherman. - J'ai sous les yeux le tableau, annexé au rapport de la section centrée, indiquant, par province, les dépenses faites par I Etat pour construction de routes, depuis 1830 jusqu'à 1858 ; et je remarque que le montant des subsides accordés est en raison inverse de l'importance des provinces, principalement au point de vue de leur population et de leur étendue.

C'est ainsi que la province d'Anvers, qui a une population de 44,181 habitants, d'après le recensement de 1855, y figure seulement pour une somme de 2,926,189 fr. ; la province de Brabant, qui contient la capitale et qui a une population de 786,378 habitants, n'y figure que pour 3,231,039 ; la Flandre occidetlale, dont la population est de 640,582, n'y est comprise que pour 2,674,5 58 ; la Flandre orientale, la province la plus populeuse, puisqu'elle compte 701,881 habitants, y figure pour le chiffre le plus bas, fr. 2,445,011 ; le Hainaut, qui est à coup sûr une des trois provinces les plus imposantes au point d« vue de la population et de l'industrie, le Hainaut qui compte 771,413 habitants, a reçu en subsides 2,992,592 ; la province de Liège, à la vérité, est aussi une province très importante au point de vue industriel, mais qui ne compte qu'une population de 497,648 habitants, cependant elle a reçu en subsides pour construction de routes 5,264,075 fr., plus du double de la Flandre orientale ; le Limbourg, qui n'a qu'une population de 195,550 habitants, le quart de celle de la Flandre orientale, y figure pour 4,267,530 fr., presque le double des provinces les plus importantes que je viens de citer ; le Luxembourg, qui a une population qui n'excède guère celle de Limbourg, 197,177 habitants, emporte la somme la plus forte, 6,336,109 fr., mais je reconnais que cette province s'est trouvée jusqu'à présent dans une position exceptionnelle et qu'il a été reconnu qu'elle avait droit à une faveur spéciale ; enfin la province de Namur, qui a une population de 287,889 habitants, est portée au même tableau pour une somme de 907,309 fr., à peu près celle qu'a reçue le Limbourg.

N'avais-je pas, raison, messieurs, de dire en commençant qu’on semblait avoir pris la proportion inverse de l’importance de la population pour la répartition des subsides. Je ne fais aucun grief à M. le ministre actuel, attendu que cette situation a été successivement créée par les divers ministères qui se sont succédé depuis 1830 jusqu’en 1858 ; mais je m’en prévaux pour solliciter en faveur de la Flandre orientale, de la province d’Anvers et des autres provinces, qui ont été le plus négligées jusqu’à présent, une part un peu plus large dans la répartition du crédit affectés à la construction de routes nouvelles.

(page 567) M. H. Dumortier. - J'ai demandé la parole pour appuyer par quelques mots les observations très judicieuses que vient de faire l’honorable %. De Gottal.

Parmi les recommandations qui seront faites à M. le ministre des travaux publics pendant la discussion de son budget, il en est peu qui seront aussi fondées ci aussi dignes de fixer son attention. En effet, messieurs, presque toutes les localités du pays ont été dotées de grands travaux d'utilité publique. Dans presque tous nos arrondissements, le gouvernement et les provinces ont fait exécuter des voies de communication : des routes pavées, des canaux, des chemins de fer sillonnent en tout sens notre territoire : de nombreuses localités sont traversées journellement par 10 et 15 convois de chemin de fer.

Il est, au contraire, une partie du pays qui semble condamné à un éternel état d’isolement et d’oubli ; qui jusqu’ici n’a pour ainsi dire obtenu aucune faveur pour construction de voies de communication ; c’est la partie septentrionale de la Campine anversoise ; ce sont quelques communes situées sur la ligne de séparation entre la Hollande et la Belgique.

Il est évident, pour celui qui a parcouru cette partie du territoire belge, qu'en accueillant favorablement le vœu exprimé par l'honorable M de Gottal, le gouvernement ne posera pas seulement un acte de bonne justice distributive, mais qu'il fera en même temps un acte d'humanité.

Les populations dont je parle ne participent pas, à coup sûr, dans une proportion équitable aux bienfaits que le gouvernement répand en général sur les autres localités du pays.

Depuis quelques années le gouvernement a fait de grands efforts ; il s'est imposé de grands sacrifices pour donner une impulsion nouvelle au progrès agricole ; son intention a été constamment fixée sur les travaux de défrichement de nos terres incultes, mais comment l'agriculture pourrait-elle réaliser des progrès dans les localités qui manquent des premières conditions nécessaires pour réaliser des améliorations ? Comment les cultivateurs du nord de la Campine anversoise pourraient-ils se procurer des engrais à bon marché ; comment pourraient-ils écouler avec avantage leurs produits, si les communications pavées continuent à leur faire défaut ?

J'appuie donc de grand cœur les observations présentées par M. de Gottal et j'espère qu'à l'avenir le gouvernement, par des subsides largement distribués à ces communes, réparera le préjudice qu'elles ont éprouvé jusqu'ici par l'état d'isolement et d'oubli dans lequel elles ont été laissées trop longtemps.

(page 567) M. d’Hoffschmidt, rapporteurµ. - L’honorable M. Magherman a fait la comparaison des subsides qui ont été accordés aux diverses provinces pour leurs voies de communication. Il trouve que certaines provinces ont été mieux partagées que d’autres.

Je crois qu’il n’y a pas lieu de faire la moindre récrimination à cet égard. L’honorable ministre des travaux publics disait il n’y a pas longtemps, que le réseau de toutes construites par l’Etat était bien près d’être complet en Belgique, ce qui signifie que toutes les parties du pays ont reçu leurs apaisements à cet égard.

L’honorable M. H. Dumortier vient de dire, à la vérité, que certaines parties de la province d’Anvers n’ont pas encore toutes les routes qui leur seraient nécessaires. Eh bien, je n’hésite pas à dire que s’il en est ainsi, on doit s’occuper le plus tôt possible de les doter de ces routes.

Mais l’honorable M. Magherman, dans les observations qu’il a présentées, n’a pas fait attention que dans certaines provinces, des routes ont été concédées. Ainsi, dans le Hainaut, cette riche et belle province, l’Etat n’a pas eu à faire d’aussi grands sacrifices, d’aussi grands efforts qu’ailleurs, par la raison toute simple, qu’à cause de la richesse même de la province, il s’est trouvé des concessionnaires pour exécuter les routes les plus utiles.

Ainsi, l'on peut dire que la Belgique a eu le bonheur, depuis 1830, de voir construire un réseau admirable de voies de communication. ;, d’abord, en routes dont le réseau est bien près d'être complet, ensuite en chemins de fer, et enfin en voies navigables.

Nous avons déjà dépensé, pour les voies navigables seules, environ 100 millions de francs depuis 1830, et s'il m'était permis de faire ici une comparaison entre les diverses provinces, je ferais remarquer que la province de Luxembourg n'a pas eu un denier de cette somme.

Ce n'est pas un reproche que j'adresse au gouvernement ; mais cela devrait peser dans la balance si l'on voulait calculer, ce que je crois inutile, quelles sont les provinces qui ont reçu le plus de bienfaits de l'Etat en ce qui concerne les voies de communication.

J'ajouterai un mot en ce qui concerne la province à laquelle j'ai l'honneur d'appartenir ; c'est que ‘ abord les routes concédées n'y sont pas nombreuses, et qu'en second lieu l’étendue de la province est très considérable. On n’y a fait de routes que là où elles étaient le plus utiles pour les intérêts locaux, sans doute, mais les intérêts locaux réunis forment bien l’intérêt général. La province de Luxembourg forme encore, malgré le morcellement qu’elle a éprouvé, la sixième partie du territoire du royaume.

On pourrait faire des observations analogues pour d'autres provinces. Mais je crois un pareil débat inutile. Le gouvernement n'a qu'un soin à cet égard : c'est de satisfaire aux besoins réels, aux besoins légitimes qui existent encore en fait de voies de communication. C'est là qu'il doit porter ses efforts. Ce dont il doit tenir compte, ce n'est pas que telle province aurait reçu plus que telle autre, mais c'est que les (page 563) besoins sont plus impérieux dans telle localité que dans telle autre. On a fait presque tout ce qu’on devait faire pour les grands centres de population et même pour les grands centres industriels. On peut porter ses regards vers des localités secondaires, dont plusieurs sont encore privées des voies de communications nécessaires.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Article 8

« Art. 8. Plantations nouvelles sur les routes : fr. 41,000. »

M. de Montpellier. - Il me semble que si l'Etat faisait des plantations avec plus de discernement, l'on pourrait diminuer considérablement ce crédit. Je sais bien que l'Etat retire un revenu considérable des plantations, mais il est fâcheux que cet avantage ne s'obtienne souvent qu'au détriment de l'agriculture. Les arbres plantés le long des routes occasionnent, comme je viens de le dire, un grand tort à l'agriculture ; c'est facile à comprendre. En effet, ces arbres privent les terrains situés auprès d'eux de l'action bienfaisante du soleil ; ces terrains restent humides ; les racines des arbres se prolongeant fort loin et souvent jusqu'au niveau de la terre, empêchent le cultivateur de bien travailler son champ. Je trouve qu'à notre époque où l'on enlève impitoyablement à l'agriculture ses meilleures terres pour y faire passer des chemins de fer, il n'y aurait pas de luxe à ce que l'on accordât aux cultivateurs le plus de protection possible. Les plantations ne sont pas nuisibles seulement aux voisins des routes, et es sont préjudiciables aux routes elles-mêmes, en empêchant l'air d'y circuler librement, en y entretenant l'humidité.

Je le sais, il y a des circonstances où il faut bien, malgré tout le tort qui en résulte, faire des plantations ; c'est par exemple le long des routes qui parcourent un pays très plat, afin que, à l'époque des neiges, le voyageur ait quelque chose pour le guider ; c'est fort bien.

Je ne demande qu'une chose, c'est qu'on ne plante des arbres que là où les intérêts des particuliers ne puissent en recevoir de dommage. En agissant ainsi, l'Etat ne s'enrichira pas ; c'est possible ; mais il sera moins injuste, ce qui est une compensation.

M. Gobletµ. - Certes il est bon de recommander à M. le ministre des travaux publics de faire surveiller les plantations de manière qu'on emploie de bonnes essences. Je connais des routes où ces arbres ne croissent pas, où les plantations ont coûté fort cher et rapportent très peu.

Mais je ne puis admettre d'une manière absolue ce que vient de dire l'honorable M. de Montpellier, qu'il ne faut plus planter le long des routes afin de ménager l’agriculture. En faisant une route, on a donné une plus grande valeur aux propriétés qu'elle traverse. Au moyen de cette route, l'agriculteur a plus de facilité pour transporter ses engrais, ses récoltes ; il économise, en un mot, beaucoup plus que le tort minime que lui occasionnent les arbres. N'est-il plus juste que ceux qui ont eu le profit en supportent aussi les charges ? Le gouvernement fait bien, dans une sage limite, de se préparer pour l'avenir des ressources dont il peut profiter en toute justice.

M. Julliot. - Messieurs, il est évident pour tous ceux qui se connaissent en fait de plantations, que le gouvernement est peu fait pour ce métier ; il n'y a pas d'ensemble dans cette opération ; chacun émet un avis quelconque ; sur ce qu’il y a à faire, puis viennent les les ordres et on exécute.

Les arbres sur les roues font tort aux voisins, mais quand l’Etat use du droit commun, il n'y a pas à dire.

On vient de nous apprendre qu'on devrait remplacer les mauvaises essences par de bonnes, mais selon moi ce n'est pas cela. Ce qu'il faut faire quand on fait une plantation, c'est d'approprier l’essence que l’on plante au sol destiné à la recevoir. En dehors de cette combinaison il n'y a rien de bon à faire, et pour connaître l’essence la plus convenable, il faut consulter la vigueur relative des plantations qui se trouvent dans le voisinage de la route, et donner la préférence à celles qui vont le mieux.

Voulez-vous un exemple de la capacité de l’Etat en fait de culture forestière ? Allez voir la plantation de la route de Maestricht à Maeseyck ; on s’y est servi de cinq ou six espèces différentes régulièrement entremêlées, une d’elles va bien et tout le reste se rabougrit tous les jours davantage. En voyant ce gâchis, on se demande quel est celui qui a eu l’audace de tourmenter la nature à tel point.

Sur la route de Liége à Tongres on a planté des ormes qu’on a éduqués de manière à en faire des têtes de pommiers dont le tronc à trois mètres d’élévation, au lieu d’en avoir huit ou neuf. Ces arbres gagnent une bonne circonférence, mais ne vaudront jamais que le quart de ce qu’ils auraient valu s’ils avaient été bien conduits.

Messieurs, dans le temps j'ai émis une idée que je vais reproduire, et je demande pourquoi on n adjugerait pas le droit de plantation sur les routes pour une période d'années, en conservant toute la rigueur des lois répressives qui existent à cet égard, les entrepreneurs planteraient et éduqueraient les arbres avec intelligence et profit et procureraient au gouvernement un revenu bien plus considérable que celui qu'il sait se procurer lui-même.

J'insiste sur cette considération, car son application serait utile en général et dégagerait le gouvernement d'un de ces détails pour lesquels il est si peu apte.

M. Faignart. - Messieurs, j’ai demandé la pirole quand j'ai entendu l’honorable M. Goblet dire que les plantations le long des routes ne font pas un grand tort aux propriétés riveraines. C’est une erreur complète. Il n'est pas d'arbres qui fassent plus de tort aux terrains que ceux qui croissent le long des routes.

Ils font d'autant plus de tort, que souvent ils ne sont pas à la distance exigée par la loi. Il en est ainsi dans plusieurs localités que je connais parfaitement. Si le gouvernement veut que les particuliers respectent les lois, il devrait bien commencer par les inspecter lui-même.

Le dommage que causent les plantations le long des routes, est incalculable ; bien qu'on engraisse plus fortement les parties de terre qui éprouvent ce dommage, il est facile de voir jusqu'où s'étendent les racines, et elles s'étendent souvent sur une zone de dix mètres ; ce sont les plantations en peupliers du Canada qui font le plus de mal.

Je pense qu'aux termes de la loi on ne peut planter qu'à deux mères de la propriété riveraine ; or je connais des plantations où cette distance n'est pas observée.

J'engage M. le ministre des travaux publics à se faire remettre un rapport sur l'état des plantations en ce qui concerne les plaintes que les riverains auraient à élever. Il est beaucoup de localités où ils auraient le droit de faire abattre les arbres, mais on n'aime pas à avoir des procès, surtout avec le gouvernement ; les procès sont déjà assez désagréables quand on n'a affaire qu'à des particuliers. Il est du devoir du gouvernement de prendre l'initiative quand il s'agit de rendre justice aux populations.

L'honorable M. Julliot a dit une chose très vraie, c'est que pour faire les plantations convenablement, il fait connaître les essences qui conviennent au sol où il s'agit de planter ; mais cela ne suffit pas, il faut encore savoir diriger les plantations. J'ai quelquefois l'occasion de parcourir la province de Luxembourg et certes je ne ferai pas l'éloge de la manière dont les arbres y sont traités. Je sais que les espèces productives y viennent très difficilement, mais il n'est pas douteux qu'il y aurait là de grandes améliorations à introduire.

J'appelle toute l'attention de M. le ministre des travaux publics sur la manière dont les plantations sont dirigées et surtout sur le choix des essences et la nécessité de les approprier aux terrains où l'on veut planter.

(page 567) M. Vander Donckt. - Messieurs, j'appuie ce que vient de dire l'honorable préopinant. Il est incontestable que les plantations le long des routes font un tort considérable aux terres arables ; cela et tellement connu du gouvernement lui-même que sous l'honorable prédécesseur de M. le ministre actuel, il a été décidé, si je ne me trompe, qu'on ne planterait plus de peupliers du Canada le long des routes qui traversent des terres cultivées. L'honorable M. Dumon nous a dit : Déjà nous avons supprimé les pépinières le long des routes pour ne plus planter l’essence du Canada.

Je me rappelle parfaitement qu'à cette époque l'honorable M. Lelièvre et moi nous avions appelé sur ce point l'attention du gouvernement. Je lui avais signalé une pépinière dans la Flandre orientale que nous avons vue disparaître depuis lors.

Il est bien certain, messieurs, que comme l’ont dit les honorables membres, M. Faignart et M. de Montpellier, le dommage causé par les plantations s'étend souvent jusqu'à une distance de 10 mètres de leur pied. Vous verrez, par exemple, des champs semés de navets où rien ne croît sur une zone de 10 mètres le long des plantations ; vous ne trouverez pas dans cette zone un navet de la grosseur d'une grosse noix. Est-ce à dire qu'on veut engager le gouvernement à ne pas planer ? Nullement, messieurs, mais le gouvernement doit tenir compte des lieux et des essences dont il fait choix pour nuire le moins possible à l'agriculture et planter les arbres qui conviennent aux terrains dans lesquels ils doivent croître et se développer, et à cet égard il me semble qu'on n'a pas trop à se plaindre des plantations récentes qui sont beaucoup meilleures que précédemment.

(page 563) M. Gobletµ. - Messieurs, quand j'ai dit qu'il fallait choisir de meilleures essences, j'ai entendu naturellement aussi parler d'essences mieux appropriées à la nature du sol.

En ce qui concerne le droit de planter, le gouvernement doit évidemment observer la règle commune. S’il plante trop près des propriétés riveraines, c'est un abus qui doit être réprimé.

Ce n'est pas de l'abus, du reste, que nous devons nous occuper ici, mais du droit ; or, le gouvernement a le droit de faire sur les routes tout ce qu'un particulier a le droit de faire sur sa propriété. Le gouvernement cause, il est vrai, un certain préjudice aux propriétés riveraines ; mais ce préjudice a une compensation, comme je l'ai déjà dit, dans le bénéfice que le propriétaire tire de l'usage de la route.

J'ajoute que de la manière dont sont construites les routes, le tort est moins grand que si le champ était bordé d'arbres plantés selon les conditions ordinaires.

Le fossé ou la berge protège le terrain du voisin. Cela est tellement vrai que vous pouvez empêcher les racines d'aller sur un terrain voisin en formant une rigole d'une certaine profondeur.

Je crois, du reste, qu'il ne faut exagérer ni dans un sens, ni dans un autre. Ainsi, j'engagerai le gouvernement à planter les arbres à une assez grande distance les uns des autres afin qu'ils nuisent moins aux propriétés ; mus je ne puis admettre qu'il faille ne pas faire sur nos routes des plantations utiles et bien raisonnées.

- La suite du débat est remise à demain.

La séance est levée à 4 heures 3/4.