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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 29 février 1860

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859-1860)

(page 783) (Présidence de M. Orts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Florisone procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

M. de Boe donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Florisone présent l’analyse des pétitions suivantes :

« Des habitants de Gand demandent l'abrogation des articles 414, 415 et 416 du Code pénal. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du titre V, livre II du Code pénal.


« Le sieur Coutelier, ancien sous-officier, demande une augmentation de pension. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Gregoir demande une loi qui déclare obligatoire l’enseignement du chant dans les écoles primaires. »

- Même renvoi.


« Les secrétaires communaux du canton de Hal prient la Chambre de s'occuper, pendant la session actuelle, des réclamations des secrétaires communaux. »

- Renvoi à la section centrale du projet de loi qui établit une caisse de prévoyance pour les secrétaires communaux.


« Le sieur Gravet, ancien préposé des douanes, demande qu'il lui soit fait application de l'article 50 de la loi sur les pensions. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Liège demandent une modification à l'arrêté de clôture de la chasse, qui excepte la province de Liège de la faculté accordée aux autres provinces, de chasser à cor et à cri jusqu'au 15 avril. »

- Même renvoi.


« Le sieur Schupert, ancien employé à l'atelier générai du timbre, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir un emploi ou un traitement d'attente. »

- Même renvoi.


Il est fait hommage à la Chambre, par M. Durant, de 118 brochures sur la profession médicale et la charité publique.

- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.


« M. le gouverneur de la Banque nationale adresse à la Chambre 120 exemplaires du compte rendu des opérations de cet établissement pendant l'année 1859. »

- Même décision.


« M. le ministre des finances communique à la Chambre le compte rendu publié par la commission administrative de la caisse générale de retraite sur les opérations de la caisse pendant l'exercice 1858 et la situation de l'institution au 1er janvier 1859. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet d« loi sur l'institution d'une caisse d'épargne.

Rapports de pétitions

M. Jacquemyns, rapporteur. - Des habitants de Cruybeke demandent qu'il soit donné cours légal en Belgique à la monnaie d'or de France.

Diverses pétitions tendantes aux mêmes fins ont été adressées à la Chambre dans le même but : dans sa séance du 22 novembre dernier, elle a adopté le dépôt au bureau des renseignements ; aucun fait nouveau n'ayant surgi depuis lors, vt're commission a cru devoir vous proposer également le dépôt de la pétition des habitants de Cruybeke au bureau des renseignements.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Jacquemyns, rapporteur. - Le sieur Charlier demande une augmentation de pension, ou du moins d'être mis en jouissance de la pension qu'il avait obtenue en France, et que tous les arriérés lui en soient payés.

Les éminents services rendus à la révolution par le sieur Charlier, dit la Jambe de Bois, en septembre 1830, sont connus de tous.

Un arrêté du gouvernement provisoire, du 7 décembre 1830, porte ce qui suit :

« Le gouvernement provisoire,

« Considérant que J.-J. Chalier, dit la Jambe de Bois, canonnier liégeois, a rendu des services éminents pendant les journées de septembre ;

« Sur la proposition des comités de l'intérieur et de la guerre ;

« Arrête :

« Art. 1er. La patrie reconnaissante accorde à M. J.J. Charlier, dit la Jambe de bois, à titre de récompense civique, le grade et les émoluments de capitaine d'artillerie en retraite.

« Art. 2. Ses fils seront placés à l'école militaire d'artillerie, tu frais de l'Etat, jusqu'à ce qu'ils puissent entrer dans l'armé active.

« Art. 3. Les comités de l'intérieur, de la guerre et des finances, sont chargés, etc. »

Le sieur Charlier obtint le maximum de la pension accordée au grade, qui lui fut déféré par ce décret, soit fr. 1,700 par an environ, mais il perdait ses droits à la pension, d'ailleurs modique, qu'il avait touchée jusque-là, du chef de blessures reçues au service de France, la loi sur les pensions militaires ne permettant pas ce cumul. Il reçoit une pension annuelle de fr. 250, comme décoré de la croix de Fer.

Il convient d'ajouter toutefois que l'article 2 du décret du 7 décembre 1830 est demeuré sans application, parce que les fils du sieur Charlier n'ont pu justifier de capacités suffisantes pour pouvoir suivre les cours de l'école militaire et que leur admission eût dès lors été sans but.

Le sieur Charlier s'est adressé à Sa Majesté, par requête en date du (page 784) 15 octobre 1858, à l'effet d'obtenir l'augmentation de sa pension de retraite dans la proportion de la loi du 26 mai 1856.

Il se fonde notamment sur le motif qu'il a été privé de h pension militaire gagnée au service de France, « après la retraite du gouvernement provisoire, lorsqu'il s'est agi de mettre à exécution la mesure patriotique que ce gouvernement avait prise. »

M. le ministre de la guerre répondit à cette requête que la pension du sieur Charlier ne pouvait être augmentée, à moins d'une loi spéciale et tel est évidemment le cas, le sieur Charlier jouissant du maximum de la pension attachée à son grade.

En conséquence votre commission vous propose le dépôt au bureau des renseignements.

M. Rodenbach. - Messieurs, le sieur Charlier de Liège, dit la Jambe de bois, a été récompensé par le gouvernement provisoire ; mais la récompense qu'il a reçue n'était pas trop considérable. Tout le monde sait les éminents services qu'il a rendus au pays dans les combats du Parc.

Cet homme mérite que sa requête soit examinée d'une manière approfondie. Je regrette de ne pas avoir entendu parfaitement le rapport par suite du bruit qui se faisait dans la Chambre.

J'ai cependant écouté attentivement, et si j'ai bien compris, le sieur Charlier déclare qu'ayant perdu la jambe au service de la France, il avait obtenu de ce pays une pension ; il demande que le montant de cette pension soit ajouté à cette dont il jouit en Belgique, ou bien qu'on lui compte 10 années de service.

- Plusieurs membres. - Non ! non !

M. Rodenbach. - Je n'affirme rien, mais vu les services incontestables que Charlier a rendus, je demanderai, au lieu du dépôt de sa requête au bureau des renseignements, le renvoi à M. le ministre des finances, afin de s'assurer si les droits du pétitionnaire sont réels.

M Jacquemyns, rapporteurµ. - Je pense que l'honorable M. Rodenbach est dans l'erreur quant à l'importance de la pension dont le sieur Charlier jouissait en France. D'après la communication qui m'a été faite à cet égard au département de l'intérieur, la pension dont le sieur Charlier jouissait en France était très modique, et il est évident que lorsque le gouvernement provisoire a fixé la pension du pétitionnaire à 1.700 fr., il savait parfaitement que la collation de cette pension ôtait au sieur Charlier les droits à la pension dont il jouissait eu France.

Le sieur Charlier s'étant déjà adressé à Sa Majesté et au ministre de la guerre, la commission des pétitions a cru ne pouvoir mieux faire que de vous proposer le dépôt de sa requête au bureau des renseignements où chaque membre pourra en prendre communication et proposer un projet de loi, s'il le juge convenable. Car il est évident qu'il faut une loi spéciale pour que te pension du sieur Charlier soit augmentée.

M. Rodenbach. - Il paraît qu'il y a opposition au renvoi à MM. les ministres des finances et de l'intérieur. Plusieurs honorables députés de Liége viennent de me dire que le sieur Charlier n'avait pas en France une pension plus forte que celle qu'il a maintenant et qu'il a obtenu le maximum de la pension de capitaine, en Belgique. Dès lors je ne m'oppose pas au dépôt de la pétition au bureau des renseignements. Nous pourrons nous assurer par nous-mêmes de la véritable situation des choses.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Jacquemyns, rapporteur. - Le sieur Fontaine propose la création de facteurs inspecteurs à l'administration des postes.

Frappé des plaintes que reçoit l'administration des postes, au sujet de lettres remises tardivement ou par personnes interposées, ou de lettres égarées, le sieur Fontane, ancien facteur démissionné, par requête datée de Ligny, 5 décembre 1859, propose de nommer seize facteurs inspecteurs, qui seraient chargés de surveiller le service de la conduite privée des facteurs. »

Les motifs allégués par le sieur Fontaine n'étant pas de nature à justifier la complication administrative et la dépense qu'il propose, votre commission a l'honneur de vous proposer de passer à l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Jacquemyns, rapporteur. - Le sieur Van Hoobrock, ouvrier à Gand, demande le remboursement de ce qu'il a versé dans la caisse des pensions et secours en sa qualité d'ouvrier mécanicien à l'administration des chemins de fer de l'Etat.

Le sieur Van Hoobrock a travaillé pendant plusieurs années dans les ateliers de la station de Gand, sans avoir été immatriculé, et il fut congédié dans un miment où le nombre d’ouvriers fut réduit par suite d’une mesure générale. Il aurait subi, pendant qu’il fut employé dans les ateliers de la station de Gand, une réduction indue sur son salaire, en faveur de la caisse des pensions et secours, et demande la restitution de la somme pour laquelle il aurait contribué à cette caisse.

Persuadée que M. le ministre des travaux publics s'empressera de faire droit à cette demande, si elle est fondée, votre commission vous propose de lui renvoyer la requête du sieur Van Hoobrock.

- Adopté.


M. Jacquemyns, rapporteur. - La dame Squilier, dont le mari se trouve depuis plusieurs mois dans l'impossibilité de travailler, par suite de la maladie dont il est atteint, demande un secours. »

La requête n'énonce aucun motif qui soit de nature à décider la Chambre ou le gouvernement à allouer une somme quelconque à l'épouse Squilier, et votre commission vous propose en conséquence l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Jacquemyns, rapporteur. - Le sieur Cierkens, ancien sergent au 6e régiment de ligne, demande une pension ou un emploi équivalant à la position qu'il a occupée dans l'armée.

Le sieur Cierkens, renvoyé du service militaire en congé de réforme simple, à cause d'une lésion devenue incurable, a déjà sollicité de M. le ministre de la guerre un emploi quelconque, et il a été informé que sa demande ne pouvait être prise en considération. Il serait donc inutile de renvoyer la demande à ce haut fonctionnaire, en tant qu'elle a pour but l'obtention d'un emploi, mais elle a cru convenable, sans rien préjuger, de renvoyer la requête du sieur Cierkens à M. le ministre de la guerre, en tant qu'elle tend à l'obtention d'une pension de réforme.

- Adopté.


M. Jacquemyns, rapporteur. - Le sieur Labouchière, soldat à la deuxième compagnie sédentaire, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir son congé définitif ou son retour à son ancien régiment.

Les motifs sur lesquels le sieur Labouchière appuie sa demande ont paru si peu fondés que la commission n'a pu vous proposer que l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Jacquemyns, rapporteur. - Des habitants de Kessenick demandent que le bureau des douanes établi à Ophoven soit transféré à Kessenick.

Cette demande se base sur des considérations toutes locales, qu'il a été impossible à votre commission d'apprécier : celle-ci vous propose en conséquence le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances.

- Adopté.


M. Jacquemyns, rapporteur. - Des cultivateurs, négociants et autres industriels de Saint-Genois demandent l'établissement d'un bureau de poste aux lettres dans cette commune. »

Cette demande se fonde sur les retards que subit la distribution des lettres et sur les irrégularités que nécessite l’insuffisance du service. Votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi à M. le ministre des travaux publics, persuadée que ce haut fonctionnaire avisera aux moyens de parer aux inconvénients signalés.

- Adopté.


M. Jacquemyns, rapporteur. - Des distillateurs à Saint-Symphorien demandent des modifications à la loi du 26 août 1822, relativement à la décharge de l'accise.

Les pétitionnaires demandent que les distillateurs obtiennent la décharge de l'accise dès l'instant que leurs produits sont à bord d'un navire en partance pour l'étranger.

Les raffineurs de sucre obtiennent en effet cette décharge aussitôt que leurs marchandises destinées à l'exportation sont à bord du navire, tandis que la décharge n'est imputée aux comptes ouverts des distillateurs qu'après la rentrée des permis d'exportation au bureau de leur délivrance, qui, au dire des pétitionnaires, peut se faire attendre plusieurs mois.

Cette demande nous a paru fondée en équité, et, s'il nous paraît utile d'encourager les distilleries, dans l'intérêt de l'agriculture, il nous paraît plus utile encore de favoriser l'exportation de leur principal produit.

Nous pensons en conséquence qu'il y aurait lieu de leur accorder à l'exportation les mêmes facilités qu'aux raffineurs de sucre, si toutefois l'observation démontre qu'ils sont disposés à en user.

Les pétitionnaires demandent également que la remise des droits leur soit accordée, s'il arrivait qu'un permis d'exportation ne reviendrait au bureau de sa délivrance qu'alors seulement qu'il ne serait plus rien dû au trésor.

Il devient évidemment inutile de faire droit à cette demande, si la remise des droits est due par le fait même que la marchandise est à bord d'un navire en partance, et nous comprenons difficilement que même dans l'état actuel de la législation, un retard dans le retour du permis d'exportation puisse entraîner la perte du droit aune exemption de l'accise.

Ces motifs ont porté votre commission à vous proposer le renvoi à M. le ministre des finances.

- Adopté.


M. Jacquemyns, rapporteur. - Le sieur Avé, négociant en vins à Louvain, présente des observations contre une décision prise par M. le ministre de la justice, au sujet de la nomination d'un administrateur receveur de la fondation De Baye.

Cette pétition se fonde sur une interprétation de testament et sur divers faits que votre commission n'est en aucune manière à même de vérifier. Elle propose en conséquence le renvoi à M. le ministre de la justice.

- Adopté.


M. Julliot, rapporteur. - Par pétition datée d'Herstal, le 24 mars 1857, les membres (page 785) de l'administration communale dHerstal demandent que le gouvernement soit autorisé à concéder à la compagnie de Bruyn-Hautain un chemin de fer de Bilsen à Achel, avec station à Herstal.

- Renvoi à M. le ministre des travaux publics.


M. Julliot, rapporteur. - Par pétition datée de Rebecq, le 20 mars 1837, le sieur Delwart réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir le payement d'une créance à charge du département des travaux publics.

- Renvoi à M., le ministre des travaux publics.


M. Julliot, rapporteur. - Par pétition datée de Bailloeul, le 3 mai 1857, le sieur Delplanque demande de pouvoir soumettre à la Chambre un moyen de procurer au trésor un revenu de 200,000 francs.

- Ordre du jour.


M. Julliot, rapporteur. - Par pétition datée de Lanaeken, le 4 mai 1857, les membres du conseil communal de Lanaeken demandent l'établissement d'un bureau de poste dans cette commune.

- Renvoi à M. le ministre des travaux publics.


M. de Smedt, rapporteur. - Par pétition datée de Marche, le 28 septembre 1859, le sieur Cerfontaine, commissaire de police à Marche, demande qu'il lui soit accordé, ainsi qu'à ses collègues, une indemnité pour les fonctions d'officier du ministère public qu'ils remplissent près le tribunal de simple police de leur canton.

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


M. de Smedt, rapporteur. - Par pétition datée de Dour, le 4 décembre 1859, la veuve Thullier demande qu'il soit accordé successivement un congé à son fils Léopold, milicien de 1857 et à son fils Vincent, milicien de 1858.

Par pétition datée de Dour, le 29 avril 1859, les sieurs Thullier demandent un congé illimité en faveur de leur frère Vincent, soldat au 2ème régiment d'artillerie à Gand.

- La commission propose le renvoi de ces deux pétitions à MM. les ministres de l'intérieur et de la guerre.

Elle renferme des faits qui peuvent être utiles pour l'élaboration de la nouvelle loi sur la milice.

M. Allard. - Je ne m'oppose pas dans ce cas au renvoi à M. le ministre de l'intérieur. Mais je combats le renvoi à M. le ministre de la guerre. Il s'agit de demandes de congé ; les pétitionnaires n'ont qu'à s'adresser directement à M. le ministre de la guerre.

M. de Smedt, rapporteur. - Je n'insiste pas sur le renvoi à M. le ministre de la guerre.

- Les pétitions sont renvoyées à M. le ministre de l'intérieur.


M. de Smedt, rapporteur. - Par pétition datée de Vogencé, le 11 avril 1859, le sieur Cornet prie la Chambre de faire réviser la décision de la députation permanente de la province de Namur, qui réforme définitivement le milicien Jacques Henri.

- Ordre du jour.


M. de Smedt, rapporteur. - Par pétition datée de Zolder, le 10 avril 1859, des cultivateurs et négociants à Zolder demandent qu'on établisse à Viverselle un quai de chargement et de déchargement.

- Renvoi à M- le ministre des travaux publics.


M. de Smedt, rapporteur. - Par pétition datée de Saint-Hubert, le 15 août 1859, le sieur Huberty prie la Chambre d'améliorer la position des commissaires de police qui remplissent les fonctions d'officier du ministère public près le tribunal de simple police.

La loi du 1er mai 1849, en donnant une extension plus grande aux attributions des tribunaux de simple police, a, par ce fait, considérablement augmenté la besogne des commissaires de police faisant fonction d'officiers du ministère public près des tribunaux. Votre commission espère donc, messieurs, que l'honorable ministre de la justice ne perdra pas de vue les justes réclamations des pétitionnaires à l'occasion de la nouvelle loi sur l'organisation judiciaire ; elle a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre de la justice

- Adopté.


M. de Smedt, rapporteur. - Par pétition datée de Namur, le 27 août 1859, le sieur d'Ornon, sous-lieutenant au 1er chasseurs à cheval, prie la Chambre de l'exempter du droit d'enregistrement auquel se trouve assujettie la naturalisation qui lui a été conférée, ou du moins de lui accorder une prolongation de délai pour lui faciliter le payement de ce droit.

- Renvoi à la commission des naturalisations.


M. de Smedt, rapporteur. - Par pétition datée de Jauchelette, le 27 septembre 1859, la veuvec, réduite à l'indigence, par suite des soins qu'elle a donnés à son fils, ancien préposé des douanes, qui a été pensionné pour infirmité contractée au service, demande un secours.

- Ordre du jour.


M. de Smedt, rapporteur. - Par pétition datée d'Ostende, le 18 septembre 1859, le sieur Van Poucke demande l'établissement en Belgique d'un diapason musical uniforme.

Cette pétition renferme, messieurs, des considérations savantes sur l'utilité qu'il y aurait d'abaisser en Belgique le diapason musical et d'en établir un uniforme comme en France.

Les diverses considérations que le pétitionnaire fait valoir à l'appui de sa demande peuvent se résumer en quelques mots : c'est que l'élévation toujours croissante du diapason présente des inconvénients dont l'art musical, les compositeurs de musique, les artistes et les fabricants d'instruments ont également à souffrir ; et que la différence qui existe entre les diapasons des divers pays, des divers établissements musicaux et des divers maisons de facteurs est une source constante d'embarras pour la musique d'ensemble et de difficultés dans les relations commerciales.

C'est pour ces motifs, messieurs, que la commission propose le renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur.

- Adopté.

Projet de loi révisant le code pénal (livre II, titre VII)

Discussion des articles

Titre VII. Des crimes et des délits contre l’ordre des familles et contre la moralité publique

Chapitre Ier. De l’avortement
Article 410

M. Pirmez, rapporteur. - L'article 410 a été renvoyé à la commission uniquement pour qu'elle examinât si, à la suite des amendements introduits dans d’autres articles, celui-ci ne devait pas, à son tour, subir quelques modifications. La commission a constaté que le sort de cet article ne dépendait en aucune façon des modifications apportées à d'autres parties de la loi. Elle propose, en conséquence, à la Chambre de considérer son vote comme définitif.

Il n'y a donc pas lieu de remettre cet article aux voix.

Chapitre II. De l’exposition et du délaissement d’enfants
Article 413

M. Pirmez, rapporteur. - A l'article 413, la commission propose la rédaction suivante :

« Ceux qui auront exposé et ceux qui auront délaissé en un lieu non solitaire un enfant au-dessus de sept ans accomplis ; celui qui auront donné la mission de l'exposer ou de le délaisser ainsi, si ce mandat a été exécuté, seront punis d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de vingt-six francs à cent francs. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je me rallie à la modification proposée par la commission.

M. Guilleryµ. - Messieurs, dans la dernière séance consacrée par la Chambre à l'examen de l'article 413, l'honorable M. Savart a présenté des observations sur l'innovation introduite par cet article au Code pénal actuel.

En cette matière, comme malheureusement en beaucoup d'autres, le nouveau Code pénal est plus sévère que l'ancien ; il introduit des délits là où le Code pénal de 1810 n'en avait pas vu.

L'article 349 du Code pénal actuellement en vigueur ne punit que l'exposition et le délaissement d'enfants ; il faut que l'exposition soit accompagnée de délaissement. Le projet punit l'exposition seule.

Le rapport de la commission nous apprend qu'un membre a proposé le maintien du système consacré par le Code actuel, mais que la majorité a adopté celui qui se trouve soumis aux délibérations de la Chambre.

L'article proposé est ainsi conçu :

« Ceux qui auront exposé et ceux qui auront délaissé en un lieu non solitaire un enfant au-dessous de l’âge de sept ans accomplis ; ceux qui auront donné la mission de l'exposer ou de le délaisser ainsi, si ce mandat a été exécuté, seront punis d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de vingt-six francs à cent francs. »

Il me semble qu'alors surtout qu'on punit l'exposition d'enfant jusqu'à l'âge de 7 ans, âge où les enfants peuvent souvent se conduire et se guider eux-mêmes, car il y a des enfants au-dessous de cet âge qui vont seuls à l'école, exposer un enfant sans le délaisser, et l'exposer dans un lieu non solitaire (car c'est là le cas prévu par l'article 413), c'est un fait qui, par lui-même, ne compromet pas la vie ou même la santé de l'enfant.

De plus, c'est atteindre l'exposition dans les tours. Vous n'ignorez pas que, dans beaucoup de communes, on a malheureusement supprimé les tours. Ces communes, guidées par des motifs d'économie, effrayées des dépenses toujours croissantes occasionnées par les enfants trouvés, ont vu un remède radical dans les suppressions des tours. Mais enfin toutes les communes n'ont pas agi ainsi. Usant de la liberté que leur donne notre législation, plusieurs les ont conservés. Or, l'article 413 viendrait punir l'exposition d'un enfant dans un tour, c'est-à-dire qu'incidemment, par un article du Code pénal, la Chambre résoudrait une des plus graves questions de charité agitées dans notre siècle.

En France, la question a été débattue très longuement depuis un certain nombre d'années ; une commission, nommée par le gouvernement, en 1849, je pense, sous le ministère de M. Dufaure et présidée par M. Victor Lefranc, a fait un travail considérable et très consciencieux sur ce point dont les conseils généraux et la législature se sont plusieurs fois occupés.

En Belgique, on ne l'a traitée qu'incidemment, plusieurs conseils communaux l'ont discutée, elle a été portée devant les Chambres, mais jamais elle n'a été l'objet d'un examen approfondi

Je demanderai que cette question soit réservée et ne soit pas tranchée par l'article 413 du Code pénal. Nous voyous ici, messieurs, ce que nous verrons dans beaucoup d'articles du projet, c'est que si nous ne renforçons pas les peines du Code pénal actuel, nous introduisons des délits là où il n'y en avait pas eu jusqu'ici .Si l'on a désiré la révision du Code pénal, c'est parce qu'on le trouvait trop sévère, on l'a appseé un Code sanguinaire.

Or, le nouveau projet, tout en diminuant certaines peines qui, du reste, sont réduites aujourd'hui dans la pratique par l'admission de circonstances atténuantes, et par l'exercice du droit de grâce, le nouveau projet, dis-je, tout en réduisant certaines peines, consacre souvent des principes beaucoup plus sévères que le Code de 1810.

(page 786) J'aurai plusieurs fois l'occasion de le démontrer, je me borne à présenter des observations sur l'article 413. Je me rallie à ce qu'a dit 1 honorable M. Savart. Je demande qu'on revienne au Code pénal de 1810, et qu'on ne punisse que l'exposition avec délaissement.

M. Pirmez, rapporteur. - L'honorable préopinant a présenté des observations sur deux points ; il a fait une critique générale de la révision du Code pénal, et la critique d'un point particulier.

Je demanderai à h Chambre la permission de présenter d'abord quelques observations sur la critique générale.

L'honorable membre a prétendu que le Code révisé aggrave les pénalités d'une quantité de délits et consacre des principes plus sévères que ceux de la législation actuelle.

C'est là, messieurs, une profonde erreur. Quant aux principes généraux, ils sont tous beaucoup moins rigoureux que ceux du Code pénal actuel.

J'en citerai deux exemples pris dans des dispositions d'une application constante : celles qui concernent la tentative et la complicité.

D'après la législation actuelle, la tentative de crime est punie comme le crime consommé ; d'après le nouveau Code, la tentative est toujours punie d'une peine d'un degré inférieur. Voilà une différence d’une portée immense dans la pratique et qui porte sur l'ensemble de tout le projet de Code révisé.

En matière de complicité, c'est la même chose : d'après la législation existante, le complice est puni comme l'auteur principal ; d'après le Code révisé, il sera puni d'une peine d'un degré inférieur.

Voilà pour les principes.

Quant au grand nombre de matières sur lesquelles on a renforcé les peines…

M. Guilleryµ. - J'ai dit le contraire, j'ai dit que si, dans certains cas on a réduit les pénalités, on avait augmenté le nombre des délits.

M. Pirmez, rapporteur. - Je demanderai à l'honorable membre d'indiquer les nouveaux délits introduits par la commission.

M. Guilleryµ. - En matière de calomnie, par exemple.

M. Pirmez, rapporteur. - Nous n'avons pas encore discuté ce titre, attendez qu'il soit en discussion pour présenter vos observations ; mais nous avons discuté plusieurs centaines d'articles ; l'honorable membre devrait nous citer des exemples parmi ces articles avant de dire que, dans beaucoup de matières, on a aggravé la rigueur du Code de 1810.

Sur cinquante articles que nous examinons, il y en a peut-être trente dont nous diminuons les pénalités, dix-neuf dont nous maintenons les pénalités telles qu'elles sont et, un seul, je doute même fort qu'il y en a un sur cinquante, dont la pénalité soit aggravée.

Messieurs, quel but se propose-t-on en révisant un Code ? Un seul : c'est de faire un bon Code. Le Code de 1810 a pour principal défaut, nous le reconnaissons et nous appliquons les conséquences qui résultent de cette connaissance, a, dis-je, pour principal défaut d'être beaucoup trop sévère. Mais le Code de 1810 a d'autres défauts encore, souvent la gravité des faits est mal échelonnée.

Quand nous trouvons que des pénalités ne sont pas en harmonie avec l'ensemble du système, nous changeons ces pénalités. Si le Code pénal de 1810 a omis un fait qui doit nécessairement être puni, nous proposons une peine contre ce fait.

Et pourquoi ne le ferions-nous pas ?

J'indiquerai à la Chambre un fait qui n'est pas puni aujourd'hui, mais pour lequel des exemples récents ont indiqué, de la manière la plus impérieuse, la nécessité d'une répression.

Bien que ce fait rentre dans la matière traitée par le titre qui nous occupe, je ne présenterai pas d'amendement parce que la Chambre n'est saisie aujourd'hui que d'articles renvoyés à la commission ; mais cependant comme la discussion est portée sur des termes généraux j'en dirai un mot.

D'après la législation actuelle, l'attentat à la pudeur sans violence commis sur un enfant de plus de 14 ans, même lorsqu'il est commis par des personnes qui ont autorité sur cet enfant, n'est pas puni. Ainsi, si un instituteur, si un père ou une mère commettent sans violence un attentat de cette espèce sur un enfant de plus de 14 ans, ces personnes n'encourent pas de peine.

Voilà ce qui existe dans la législation actuelle. Eh bien, je dis qu'il y a là une lacune que personne ne peut méconnaître et qu'il faut nécessairement combler. Je dis que quand un père confie à un instituteur son enfant âgé de quinze ou seize ans et lorsque cet instituteur abuse de cet enfant pour satisfaire les plus viles et les plus infâmes passions, ce fait doit être puni et sévèrement puni. Aussi lorsque nous reverrons tous ces titres du Code, je proposerai de punir ce fait. Viendra-t-on me dire : Vous créez un nouveau délit que le Code actuel n'a pas prévu ? Mais je demanderai à mon tour : Conteste-t-on qu'il y ait là matière à délit, conteste-t-on que l'intérêt de la morale et que les exigences d'une bonne loi réclament une peine ? Et si on ne le conteste pas, pourquoi n'édicterions-nous pas cette peine ?

Dans l'article qui donne lieu à ces observations, le Code, probablement par un vice de rédaction, ne punit pas l'exposition simple d'enfant et ne punit pas le délaissement commis sans exposition.

Ainsi, si une personne exposé un enfant sur la voie publique, tout en surveillant cet enfant et en ne le quittant que lorsqu'un passant l'a relevé, il n'y a là qu'une exposition sans délaissement qui n'est pas aujourd'hui punie. D'un autre côté, si une personne laisse dans une auberge, dans une voiture, ou dépose dans le vestibule d'une maison un enfant, il n'y a pas là exposition puisqu'on confie pour ainsi dire l'enfant à une personne déterminée qu'on force à le recueillir ; il y a un simple délaissement qui n'est pas puni. Il faut, pour qu'il y ait punition, le cumul des deux circonstances : l'exposition et le délaissement.

Or, ne faut-il pas punir chacun des deux faits que je viens d'indiquer, doit-il être permis à des parents de prendre leur enfant, de se dégager des obligations naturelles qui leur incombent, de le mettre à la charge de la charité publique, et d'en faire un malheureux sans état civil et isolé dans la société ?

Ne faut-il pas, au contraire, punir ce fait ?

Si vous pensez qu'il y a matière à délit, il faut adopter le système de la commission ; si vous trouvez que le fait est à l'abri de tout reproche, il est très logique de ne pas le punir.

Mais, remarquez-le bien, c'est là tout le point à décider et ce n'est pas parce que le Code de 1810, par un vice de rédaction, parce qu'il a employé, comme cela arrive souvent, la conjonctive pour la disjonctive, et ainsi n'a pas puni ce fait, qu'il faut proscrire le système proposé par la commission.

L’honorable M. Guillery fait un autre reproche au système de la commission, c'est de décider, par la rédaction proposée, toute la question des tours.

L'honorable membre est ici dans une complète erreur. Le dépôt d'un enfant dans un tour ne constitue jamais, ni une exposition ni un délaissement.

Il ne constitue pas une exposition, puisque l'exposition réclame comme caractère essentiel cette circonstance de mettre pour ainsi dire l'enfant à la disposition du public, de l'exposer aux regards pour qu'une des personnes que le hasard amènera le relève.

Il ne constitue pas un délaissement puisqu'il n'y a pas abandon et que dans les tours vous trouvez une personne physique ou morale qui déclare tacitement, rien que par l'existence du tour, qu'elle est disposés à prendre l'enfant.

Il n'y a donc ni exposition ni délaissement, il y a dépôt, ce qui est tout différent.

Du reste, le rapport de la commission avait déjà constaté ce résultat de manière que tout doute soit impossible.

Je crois avoir, messieurs, répondu aux observations de l'honorable M. Guillery.

Si l'honorable membre veut préciser ses critiques générales, j'y répondrai de plus près.

Quant au point spécial qui nous occupe, je ne crois pas que la Chambre puisse décider autrement que la commission la question de moralité qui lui est soumise.

M. Guilleryµ. - Messieurs, il n'entre pas dans mes intentions de provoquer une discussion générale. Mais il me semble qu'il était assez naturel, en reprochant au projet d'avoir, dans l'article 413, aggravé le système actuel, de constater que c'est une tendance générale du projet. Je l'ai fait sans sortir, comme me l'a reproché l'honorable M. Pirmez, des articles soumis en ce moment à vos délibérations ; je n'ai pas fait, comme lui, une excursion dans les articles d'un autre titre, relatifs aux attentats à la pudeur. J'ai pris les articles qui font l'objet du rapport sur lequel nous délibérons, et c'est dans ces articles que j'ai trouvé partout des aggravations sur le système actuel.

J'ouvre le rapport et je trouve sous l'article 495 :

« Cet article concernant le duel aggrave la législation en vigueur. » Ce n'est pas moi qui le dis ; c'est le rapport.

Je vois dans les articles relatifs à la calomnie que l'on introduit tout un système nouveau de calomnies ; qu'alors que le Code de 1810 avait soigneusement limité la calomnie aux accusations publiques, attendu qu'en dehors de la publicité, on se trouve exposé à faire des excursions dans la vie privée, dans les conversations privées, qu'alors que le Code de 1810 avait soigneusement respecté les sociétés, par exemple aujourd'hui on punit, par le projet en discussion, une conversation qui n'a rien de public.

Je dis donc qu'il y a aggravation, qu'il y a multiplication des délits. Mais je n'ai pas l'intention d'anticiper sur ces points. Ces articles seront soumis dans un instant à vos délibérations et nous pourrons les examiner plus attentivement.

Quant au point actuel, je ne sais si c'est par une distraction que le législateur de 1810 n'a pas puni l'exposition non accompagnée de délaissement ; mais je crois que la loi à cet égard est parfaitement juste et raisonnable.

Ainsi, l'enfant exposé n'est pas abandonné. Il est surveillé jusqu’à ce qu'un passant le prenne et le secoure. Il y a là une contravention, si vous le voulez ; il y a un fait répréhensible ; il y a le fait d'imposer à la charité publique un enfant dont les parents devraient avoir soin, mais souvent sans le pouvoir.

Les expositions dans les tours ou sur la voie publique ne se font pas de gaieté de cœur. Ce ne sont pas ceux qui ont une position brillante qui exposent leurs enfants même sans délaissement.

Messieurs, le rapport que j'ai sous les yeux met dans la bouche d'un membre de la commission ce que j'ai dit relativement aux tours et c'est pour cela que je l'ai rejeté, parce que je ne vois pas que, dans la réfutation qu'en fait la majorité, on ait relevé cette assertion.

(page 787) Quoi qu'il en soit, je prends acte de la déclaration de l'honorable rapporteur que l'exposition dans un tour ne tombe pas sous l'application de l'article 413.

Le rapport de la commission insiste beaucoup sur ce qu'on prive l'enfant de son t'at civil et sur ce qu'on l'impose à la charité publique : « D'un autre côté, y est-il dit, le délaissement, même non accompagné d'exposition, porte atteinte à des obligations sacrées, dont la violation est de nature à troubler l'ordre social. Il a pour résultat d'imposer illégalement des charges onéreuses aux communes, et, à ce point de vue, il existe un fait répréhensible qu'il est important de prévenir par des peines publiques. »

Sans doute il est fâcheux qu'on impose à une commune des charges qu'elle ne devrait pas avoir. Mais est-ce là un délit qui doit être puni comme l'exposition d'un enfant, accompagnée du délaissement ? Est-ce là un fait qui doit être puni d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de 26 à 100 fr. ? Cette peine ne me paraît destinée qu'à réprimer le délit qu'avait prévu le Code de 1810.

L'exposition de l'enfant est encore un fait regrettable en ce qu'elle constitue une contravention aux lois qui régissent la tenue des registres de l'état civil ; mais veuillez remarquer que cette privation de l'état civil ne s'appliquera jamais qu'à des enfants qui n'ont pas à regretter l'état qu'ils perdent, et que d'ailleurs un enfant de six ans et demi est inscrit depuis longtemps à l'état civil.

M. Dolez. - Je n'ai demandé la parole que pour protester à mon tour contre cette assertion que vient de répéter l'honorable M. Guillery, que la tendance générale du projet que discute la Chambre est d'aggraver le système du Code pénal actuel. Je ne comprends en vérité pas que l'honorable M, Guillery insistes sur une semblable assertion.

Le caractère du Code pénal de 1810, c'était la sévérité. Le caractère du projet que vous discutez, au contraire, c'est la mansuétude, je n'hésite pas à le dire, et je suis convaincu que quiconque examinera l'ensemble de ses dispositions, reconnaîtra avec moi que tel est le véritable caractère du projet.

Au lieu d'examiner l'ensemble du projet, d'en apprécier les bases fondamentales, on cite quelques dispositions, et encore ne les choisit-on pas avec bonheur. On cite, par exemple, les propositions relatives au duel et l'on vous dit que les proposions de la commission aggravent la législation actuelle. Eh bien, c'est une erreur, c'est le contre-pied de ce que propose la commission. La commission, mène en matière de duel, ne touche à ce qui est que pour diminuer en certains points les peines, et le gouvernement, si je ne me trompe, se rallie aux propositions de la commission.

Ainsi, ni dans son caractère général, ni même dans les faits particuliers que signale l'honorable M. Guillery, le projet que la Chambre discute et, je l'espère, le projet que la Chambre acceptera, ne mérite le reproche qu'on lui adresse.

Il n'est pas bon, quand une œuvre aussi importante s'élabore, de la discréditer ainsi par des reproches vagues et que rien ne justifie. L'immense majorité du public n'étudie pas des matières aussi importantes et aussi difficiles qu'un Code pénal. Souvent on accepte sans examen les critiques d'un membre de cette Chambre ; en sorte qu'un travail digne de respect, digne d'applaudissements, se trouve discrédité à l'avance par des accusations lancées à la légère.

C'est pour que le discrédit ne s'établisse pas sur une œuvre qui fera, je n'hésite pas à le dire, honneur à la législature, que j'ai senti le besoin de protester contre cette assertion injustement proférée qu'il y aurait une tendance à la sévérité dans les propositions de h commission.

Je ne vous parlerai pas longuement de l'article en discussion, l'honorable rapporteur de la commission a justifié d'une manière complète la proposition qui vous est faite sous ce rapport. Et en définitive, messieurs, ce n'est qu'une question de cœur que celle que nous tranchons par cette proposition. N'est-ce pas un fait qui mérite d'être puni, que celui d’exposer, sur la voie publique, une malheureuse petite créature qui ne peut se défendre ? Est-ce que vos cœurs ne répondent pas déjà qu'il y a là un fait qui mérite d'être puni ? Ah ! si le projet aboutissait, comme le disait l’honorable M Guillery, à punir le dépôt d'une enfant dans un tour.je comprendrais que l'on hésitât. Mais on vient de vous dire, et le rapport en faisait anticipativement foi, que telle n'est pas la portée de la proposition de la commission L'enfant qu'on met au tour y est déposé, il n'est pas exposé. C'est un dépôt que l’on confie à des mains préparées à le recevoir. Qu'est-ce, en définitive, que le tour ? N'est-il pas lui-même l'indication qu'il y a là un préposé d'une institution charitable pour recevoir l'enfant qu'on vient y déposer ? Et dès lors la vie de l'enfant court-elle un péril quelconque ? L'enfant est-il exposé a un danger ? Non, au lieu de la tutelle de la mère qui, par un but profondément regrettable sans doute, cesse de protéger l'enfant, il y a la tutelle de la charité publique et 1'enfant ne périra pas. Dès lors, dans ce cas, il n’y a pas délit et la commission ne propose pas de peine.

Ce que la commission propose, j'ai la conviction que l'immense majorité de la Chambre l'acceptera, et que ce n'est que par une lacune de rédaction que le Code de 1810 n'a pas prévu ce cas. Je me joins donc complétement, et sur la question générale et sur l'article en discussion, aux observations que l'honorable M. Pirmez a si bien déduites il n'y a qu'un instant.

M. Guilleryµ. - Je regrette de devoir prolonger cette discussion. Mais je regretterais encore plus d'avoir mérité le reproche de légèreté qui m'est adressé, en appréciant une œuvre aussi considérable que le projet de Code pénal qui vous est soumis. Personne, plus que moi, ne rend hommage au talent des rédacteurs de ce projet. Mais il m'est permis de ne pas partager leurs opinions en droit criminel. Il m'est permis de ne pas croire, qu'alors même qu'on adoucit les peines, et je répète pour la troisième fois ce que j'ai dit tout d'abord, que l'on adoucit les peines, multiplier les délits ne constitue pas un progrès. C'est suivant moi, une idée germanique ; c'est une idée qui a cours dans d'autres pays que dans le nôtre, mais qui ne doit pas trouver cours sous l'empire de notre législation. Je le démontrerais, si je ne craignais de prolonger outre mesure ce débat.

Je me borne à relever le reproche qui m'a été fait. Ce que j'ai dit est écrit dans le rapport même qui vous est soumis. Loin de moi l'idée de vouloir faire des excursions en dehors du point actuellement en discussion, et, par le désir de me justifier, de me porter accusateur. Je me borne aux amendements qui font l'objet du rapport de l'honorable M. Lelièvre et je trouve dans ce rapport les mots suivants : « Cet article aggrave la législation en vigueur. »

Je sais que la commission de la Chambre a adouci cet article et je rends hommage à tous les efforts qu'elle a faits, aux progrès qu'elle a fait faire au projet de Code pénal. Je dirai plus : c'est que les rapports émanés de la commission sont la preuve de ce que j'avance. Prenez les amendements introduits par le gouvernement, depuis que le projet de loi est présenté, notamment sur le livre II, prenez les rapports de la commission, les amendements qu'elle a introduits et fait adopter, et vous verrez que le projet primitif était infiniment trop sévère.

Il m'est donc permis, en l'appréciant dans son ensemble, de dire que nous ne devons pas nous laisser entraîner dans la voie qu'ont suivie ses auteurs.

La commission a adouci certaines peines, elle a simplifié certaines dispositions ; il doit bien être permis d'aller un peu plus loin qu'elle tout en l'approuvant.

On vous dit, messieurs, que l'article 413 soulève une question de cœur, et on vous dépeint un pauvre petit enfant abandonné sans secours. Mais s'il est abandonné, il y a exposition et délaissement, il y a le fait puni par le Code pénal actuel. Et veuillez remarquer d'ailleurs que ce pauvre petit être peut avoir 6 ans et 1/2.

Je connais des enfants de 5 ou 6 ans qui vont seuls à l'école. C'est un fait de notoriété publique ; chacun voit cela tous les jours. Or, vous puniriez l'exposition de ces enfants, sans qu'il y ait délaissement, l'exposition dans un lieu non solitaire, vous le puniriez d'une année d'emprisonnement et d'une amende ! Eh bien, messieurs, si c'est une question de cœur, mon cœur se refuse à approuver une sévérité semblable.

M. Pirmez, rapporteur. - L'honorable membre reconnaît que nous avons souvent tempéré la rigueur des pénalités du Code pénal actuel ; mais il prétend que par la multiplication des délits nous l'avons aggravée.

M. Guilleryµ. - Pas vous, mais le projet primitif.

M. Pirmez, rapporteur. - Que discutons-nous ? Est-ce le projet primitif ou le projet de la commission ? Presque partout, le gouvernement s'est rallié aux propositions de la commission, et c'est ce projet qui est en discussion.

Il est possible que dans le travail préparatoire, il existe des délits qui ont ensuite été supprimés, mais ce qu’il faut apprécier c'est le projet en discussion ou ce qui a déjà été admis par la Chambre.

Mais, messieurs, les reproches de l'honorable M. Guillery peuvent-ils s'adresser raisonnablement même au projet primitif ?

Bien loin de multiplier les délits, le projet tel qu'il a été déposé par le gouvernement, simplifie considérablement la législation criminelle. Si pour quelques matières très rares, pour trois ou quatre genres d'infraction peut-être, on a établi de nouvelles distinctions, pour la plus grande partie des matières et pour des matières de la plus haute importance pratique, ce projet a des dispositions dont la simplicité contraste avec la complication du Code de 1810.

J'engage l'honorable membre à comparer le projet du gouvernement au Code pénal en vigueur, pour tout ce qui concerne le vol. délit si fréquent ; il verra que ce projet, auquel il reproche des distinctions germaniques, a infiniment simplifié notre législation qui comminait contre le vol des pénalités variant depuis un court emprisonnement jusqu'à la mort. Dans le projet actuel, il y a deux ou trois classifications et quelques articles au lieu d’une longue série de distinctions dont la complication effraye autant que la rigueur.

Mais je ne cite le vol que comme exemple, et je ne puis trop répéter que presque partout le nombre des délits a été diminué comme la rigueur de peines.

Nous ne serions pas justes envers les auteurs du projet que votre commission a amendé, si nous ne reconnaissions qu'il a réalisé une partie très considérable des améliorations que l'on peut constater.

(page 788) M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, si j'avais pu m'attendre à ce qu'une discussion générale sur le Code pénal fût soulevée à propos de quelques articles renvoyés à la commission et sur lesquels la Chambre délibère en ce moment, je me serais appliqué à résumer toutes les modifications que le projet du gouvernement apporte au Code actuel, et je ne pense pas que l'honorable M. Guillery eût pu persister à maintenir les reproches qu'il adresse au projet du gouvernement.

Ainsi que l'a dit l'honorable M. Pirmez, quant aux principes, il est incontestable que le projet du gouvernement est une atténuation des principes du Code actuel.

Quant aux peines, que l'honorable M. Guillery veuille bien compter tous les cas où la peine de mort est comminée par le Code en vigueur, tous les cas où il prononce la peine des travaux forcés à perpétuité, celle des travaux forcés à temps ou la réclusion ; qu'il examine les peines proposées par le projet pour les mêmes faits, et il pourra apprécier la différence. Or si en ce qui concerne les principes, si quant àla complicité et quant à la tentative nous sommes d'une sévérité moins grande, si contre les auteurs des crimes et délits nous prononçons des peines moins fortes, comment les reproches de l'honorable M. Guillery peuvent-ils se justifier ?

L'honorable M. Guillery parle de certains faits que ne punit pas le Code actuel et que le projet fait tomber sous l'application de la loi pénale ; mais jamais personne n'a prétendu que la révision du Code ne dût avoir d'autre objet que de réduire les peines ; c'est certainement là un des buts de la révision, mais ce n'est pas le seul, et nous n'avons pas renoncé à l'idée d'élever certaines peines dont l'insuffisance serait reconnue, ni d'incriminer des faits coupables qui jusqu'à présent n'avaient pas été prévus.

L'honorable M. Pirmez vient de faire une observation extrêmement juste : le procédé de M. Guillery consiste en ceci : il prend quelques articles qui introduisent des délits nouveaux, des distinctions qui n'existaient pas dans l'ancien Code ; et il laisse de côté toutes les simplifications que le projet introduit, il néglige de parler des atténuations de la peine, ainsi que de tous les faits qui désormais ne seront plus réprimés.

En d'autres termes, il fait une balance où il néglige toutes les améliorations, toutes les atténuations et où il ne tient compte que des très rares aggravations qui sont proposées. Il est extrêmement facile de nous faire ainsi le procès.

Messieurs, quant au point spécial qui donne lieu à cette discussion, l'honorable M. Guillery trouve que l'exposition et le délaissement pris isolément constituent bien des faits répréhensibles, mais qu'il ne faut pas les élever à la hauteur d'un délit. Je ne puis partager cette opinion, ce sont là des faits que la loi doit atteindre pour un double motif.

D'abord c'est, comme on le dit, mettre à la charge de la charité publique un enfant de l'entretien duquel on est charge par la nature. C'est, d'un autre côté, porter une véritable atteinte à l'état civil de l'enfant ; et quelle serait la logique d'un code qui comminerait des peines contre ceux qui compromettent l'état civil d'un enfant en négligeant de déclarer sa naissance, et qui, d'un autre côté, ne punirait pas le fait de celui qui, en exposant l'enfant, en le délaissant, cherche à détruire son état civil que la loi a voulu assurer ?

Cet enfant exposé, délaissé, sera dans la société un enfant trouvé, un enfant sans état civil. Est-ce là un fait indifférent ? Est-ce un fait moins grave que l'absence de déclaration de naissance à l'officier de l'état civil ?

Je pense que le système de M. Guillery serait en opposition manifeste avec les principes que le Code consacre en telle matière et qu'il ne peut être accueilli par la Chambre.

- La discussion est close.

Chapitre III. Des crimes et délits tendant à empêcher ou à détruire la preuve de l’état civil de l’enfant
Article 420

M. Pirmez, rapporteur. - « Art. 420. (Nouvelle rédaction proposée par la commission.)

« Toute personne qui, ayant assisté à un accouchement, n'aura pas fait la déclaration à elle prescrite par les articles 55, 56 et 57 du Code civil, sera punie d'un emprisonnement de huit jours et d'une amende de vingt-six francs à deux cents francs, ou de l'une de ces deux peines seulement. »

Dans la séance du 29 mars 1859, M. Orts a proposé le paragraphe additionnel suivant :

« La déclaration de naissance faite par un autre que le père sera considérée comme régulière quoiqu'elle ne contienne pas le nom de la mère, si elle est accouchée hors de son domicile et a imposé le secret aux témoins. »

La commission n'a pas adopté ce paragraphe additionnel.

M. Guilleryµ. - Messieurs, je crois qu'il y a lieu de supprimer dans le paragraphe additionnel les mots « est accouchée hors de son domicile » ; ce qui doit être pris en considération, ce n'est pas la question de savoir si la femme est accouchée hors de son domicile, c'est la circonstance que la mère a imposé le secret aux témoins.

Je demande donc que les mots dont il s'agit soient supprimés.

- M. Dolez remplace M. Orts au fauteuil.

M. Orts. - Messieurs, la question que mon amendement soulève n’est pas réellement une question de droit, une question de jurisprudence ; c'est une question que tout homme peut trancher sans études judiciaires préalables ; c'est une question de raison, c'est aussi un peu, pour me servir du langage qu'employait tout à l'heure M. Dolez, une question de cœur.

Messieurs, le but de l'article proposé par le gouvernement est d'assurer la régularité des déclarations de naissance prescrites par les articles 55, 56 et 57 du Code civil. Ces articles, comme chacun le sait, imposent au père, et subsidiairement à d'autres personnes, l'obligation de faire dans les trois jours à l'état civil la déclaration de naissance d'un enfant nouveau-né.

D'après le Code civil, la déclaration de naissance doit indiquer, pour assurer l'état civil de l'enfant, le nom de son père et le nom de la mère dont il est né.

En règle générale, lorsqu'il s'agit d'un enfant né en légitime mariage, rien n'est plus indispensable que la régularité de la déclaration de naissance ; c'est elle qui fixe l'état de l'enfant ; elle détermine le lien qui le rattache à telle famille plutôt qu'à telle autre. Aussi, jamais personne ne songerait à diminuer les prescriptions du Code civil, le nombre des déclarations qu'il faut faire, lorsqu'on va à l'hôtel de ville, annoncer la naissance d'un enfant et que cet enfant est né en légitimé mariage.

Mais les situations ne sont pas toujours aussi régulières dans le monde que l'établissent, d'une manière générale, la loi et la morale : il y a des exceptions à ces situations, et il faut compter avec elles, parce que quand on est législateur et surtout quand on crée des dispositions pénales, il faut compter avec les mœurs, avec l'humanité, avec ses faiblesses.

Le projet du gouvernement et de la commission place, au point de vue de la déclaration de naissance, les naissances légitimes et les naissances illégitimes sur la même ligne. On nous demande de punir la déclaration faite par un autre que le père, sans indication du nom de la mère, en cas de naissance illégitime par exemple, alors même que la mère, en réclamant le service d'un homme de l'art ou d'autres personnes dont les secours lui sont indispensables dans les circonstances ou elle se trouve, aurait imposé le secret sur son nom aux témoins deson accouchement.

Je crois, et c'était aussi en premier lieu la pensée de la commission qui a examiné le projet, je crois que c'est aller trop loin. De cette façon on manque complètement le but que le législateur veut atteindre, eu prenant des garanties pour la conservation de l'état de famille ; je crois que l'on fera ainsi un mal beaucoup plus grand, en voulant empêcher un mal moindre.

Il est hautement dangereux d'empêcher une femme qui a commis une faute, qui a mis au monde un enfant hors de mariage ou adultérin, d'empêcher, dis-je, une femme de cacher sa faute, en imposant le secret à des complices nécessaires, dont le concours est indispensable, dont le concours est une question d'humanité.

Si vous maintenez des peines pour les personnes qui assistent à un accouchement clandestin, et qui ne font pas connaître le nom de la mère, qui se bornent à déclarer le fait de la naissance et le sexe de l'enfant ; si vous forcez ces personnes, à l'aide de peines, à trahir la confiance nécessaire qu'on doit avoir en elles ; dans ce cas, vous faites de deux choses l'une : ou vous forcez ces personnes à refuser tout secours à la mère qui les réclame et ne peut s'en passer, ou vous les excitez à exiger un prix de ce concours, proportionné au risque qu'elles vont courir, en promettant un secret dont la violation est ordonnée par la loi pénale.

Messieurs, je laisse de côté toute considération relative à la malheureuse mère que ce débat concerne ; j'en fais durement bon marché, pour simplifier le débat. Je n'invoque pas la pitié en faveur de la femme qui se trouve dans la situation que nous examinons ; et pourtant il y aurait gros à dire sur ce côté de la question

Mais je me place à un autre point de vue, je me demande s'il n'est pas plus utile, au point de vue social, que les fautes de ce genre soient cachées autant que possible, que tout éclat soit étouffé ? Lorsqu'une faute de cette espèce devient publique, le châtiment infligé par l'opinion ne vient-il pas frapper injustement, je l'admets, immédiatement toutefois les personnes les plus innocentes ? Que la faute d'une jeune fille ou d'une femme mariée soit rendue publique, sur qui le déshonneur va-t-il tomber par contre-coup ? Dans le premier cas, sur la famille d'abord tout autant que sur l'auteur de la faute ; s'il s'agit d'une femme mariée, c'est pis encore, le premier atteint c'est le mari ; c'est lui qu'un ridicule injuste, mais trop réel, rend directement victime de la conduite de sa femme ; la divulgation de l’infidélité conjugale, nos mœurs railleuses sont telles, reporte la responsabilité de la faute sur le mari. En vain voudrait-il pardonner si le monde ignorait : le scandale est patent ; le pardon, l'oubli, devient une lâcheté et l'amour-propre blessé le rend impossible. Allons plus loin. Par vos exigences, vous détruirez le lien de famille tout entier ; vous faites retomber le déshonneur non seulement sur le mari, mais sur les enfants légitimes issus du mariage en divulguant peut-être la faute d'une mère, longtemps vertueuse, momentanément égarée.

Et pourquoi ? Dans quel but ? Quelle utilité y a-t-il à divulguer la faute de la mère quand elle a imploré le secret des témoins ? Je conçois que quand une naissance régulière assure un état social, un état de famille que ni père ni mère ne peuvent enlever à l'enfant, on exige un acte de naissance constatant la filiation, montrant la famille à laquelle cet enfant appartient et a droit d'appartenir.

Aussi quand il s'agit d'enfant né régulièrement, l'acte de naissance fait preuve authentique de filiation. Mais en cas de naissance illégitime, qu'il s'agisse de l'enfant d'une fille non mariée ou du fruit de l'adultère, (page 789) est-ce que l'acte de naissance, sur lequel on aura mentionné le nom de la mère, va produire des effets civils quelconques ? Nullement.

Le Code civil exige que les actes de reconnaissance au cas de filiation naturelle soient volontaires pour valoir quelque chose. Si la mère n'a pas signé l'acte de naissance de son enfant, ce qui est, sinon physiquement impossible, au moins exceptionnel, et ce que mon amendement n'empêche pas, toutes les déclarations étrangères ne feront aucund espèce de preuve de l'état de l'enfant. Pareil acte est un chiffon de papier sans valeur juridique, (Interruption.)

M. le ministre de la justice fait un signe négatif ; je lui demanderai où il a trouvé que l'indication du nom de la mère sur l'acte de naissance sans sa signature signifie quelque chose au profit de l'enfant. J'attends la preuve de sa dénégation.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Ce n'est pas sur le point de droit que je faisais un signe négatif.

M. Orts. - Aussi j'étais étonné de la dénégation. Ainsi donc il est bien acquis que l'indication du nom de la mère naturelle dans l'acte de naissance, que vous voulez obtenir au prix d'une pénalité, ne peut rien produire pour prouver la filiation, à l'inverse de l'enfant légitime. Allons plus loin.

Vous obligez d'indiquer le nom de la mère dans toutes les circonstances, sans exception aucune. Et, s'il s'agit d'enfant adultérin, voire exigence est une violation de la loi ; la loi défend de rechercher en sa faveur ou contre lui. L'état d'enfant adultérin fût-il prouvé, on ne peut en tirer aucun profit pour lui, on ne peut pas en argumenter contre lui. La filiation adultérine est un fait qu'au nom de la morale publique le législateur ne permet pas de vérifier.

J'ajoute que vous sortez en cette matière, par l'article proposé, de la règle partout imposée dans la loi pénale quand il s'agit de délits qui se rattachent à cette violation de la loi morale, de la loi de famille. Vous êtes inconséquent autant que cruels. S'agit-il d'adultère, vous n'autorisez la poursuite, l'éclat que quand la partie intéressée à cacher le fait recherche cet éclat ; sur la plainte de l'époux seulement, vous autorisez la poursuite de l'adultère. S'agit-il d'enlèvement, encore une violation des obligations de la famille, vous ne poursuivez le ravisseur, si le mariage a suivi, qu'après annulation du mariage par la justice à la requête des intéressés, jamais d'office. Vous établissez donc, pour un cas spécial de moindre gravité, des principes tout à fait contraires à ceux que vous proclamez dans des cas analogues et plus graves, et dans quel intérêt ? Pour procurer à l'enfant un chiffon de papier inutile, qui pourra tout au plus devenir plus tard l'aliment de mauvais procès, un prétexte à chantage et servir à trouver le bonheur des familles.

Il n'y a pas d'utilité sociale, disait l'empereur Napoléon en conseil d'Etat, à ce que l'état des enfants nés hors mariage soit constaté. Ce n'est pas dans une autre pensée qu'ont été rédigés les articles 55, 56 et 57 pour l'exécution draconienne desquels on vous demande aujourd'hui une sanction.

Au conseil d'Etat on avait proposé en 1804 de mettre dans le Code civil une sanction pinale contre ceux qui ne satisferaient pas à ces prescriptions ; qu'a fait le conseil ? Il a rejeté la pénalité.

Mais plus tard, dans le Code pénal de 1810, pourquoi a-t-on introduit des peines qu'on avait rejetées du Code civil ? Il est presque puéril de l'avouer, c'est parce qu'en 1810,1a valeur matérielle d'un homme de plus dans la société était prisée plus haut qu'en 1804. Après une série de guerres, les populations cherchaient à se soustraire au recrutement militaire et elles avaient de très bonnes raisons pour cela.

Le conseil d'Etat de 1810 a cru qu'en forçant à faire la déclaration des naissances par des peines, il empêcherait les Français de se soustraire à la conscription par le défaut de déclaration.

Voilà le motif donné en 1810 ; il n'en a pas été donné d'autre. Si c'est là l'abus que vous voulez atteindre en 1860, dans un pays de perpétuelle neutralité comme la Belgique, il n'est pas nécessaire de sacrifier à ce but l'honneur des familles. Pour avoir toute satisfaction au point de vue de la milice, il vous suffit que la naissance et le sexe soient déclarés à l'état civil.

La déclaration faite et le sexe vérifié, ce que j'admets, on ne pourra pas soustraire l'enfant au recrutement, soit en ne déclarant rien, soit en faisant passer un garçon pour une fille. L'officier de l'état civil a le droit de vérifier. Vous avez donc toute garantie par mon amendement. Je force à accomplir toutes les formalités de la déclaration du Code civil, sauf la seule indication de la mère et dans le cas seulement où elle aura supplié les témoins nécessaires de son accouchement de garder son secret, dans le cas seulement encore où elle aura obtenu la promesse de ceux dont le concours ne saurait être refusé sans inhumanité par le législateur comme par l'individu.

Je pense donc que ces explications suffiront à la Chambre pour lui faire comprendre le but et la portée de mon amendement. Je n'ajouterai qu'un seul mot. Dans le pays d'où nous vient la législation civile sur les déclarations de naissance, à laquelle il s'agit de donner comme sanction une modification à la législation pénale, l'obligation pour les témoins nécessaires de l'accouchement, de déclarer le nom de la mère, pour le médecin, la sage-femme, le chirurgien, a été considérée par la jurisprudence comme n'étant pas imposée par la loi.

En France par une jurisprudence presque unanime, constante à la cour de cassation, il a été établi que lorsque la mère avait recommandé le secret de son nom aux témoins de son accouchement, au médecin, à la sage-femme, au chirurgien, ces témoins n'étaient pas tenus de le révéler à l'officier de l'état civil.

Dans notre pays, à une époque toute récente, a surgi un revirement de jurisprudence auquel, je dois le reconnaître, la cour de cassation belge a donné son appui, revirement que condamnait l'éminent jurisconsulte qui remplit avec tant de distinction et d'autorité auprès de cette cour les fonctions de procureur général, l'honorable M. Leclercq. Jusqu'à cette époque toute récente, en 1854, si je me rappelle bien, les choses s'étaient passées comme en France et elles se passeront désormais ainsi si vous adoptez l'amendement que je vous propose d'introduire dans le nouveau Code pénal.

M. Pirmez, rapporteur. - Messieurs, la question que soulève l'amendement de l'honorable M. Orts est tout à la fois très grave par son importance pratique et très difficile à résoudre par les intérêts opposés qui sont eu jeu.

Plusieurs systèmes ont été soumis à la commission et examinés par elle.

Le premier, celui dont elle vous propose l'adoption, impose la déclaration du nom de la mère dans tous les cas et à toutes les personnes indiquées par le Code civil.

Le second système, qui s'écarte le plus du précédent, est celui de l'honorable M. Orts ; il permet à la mère de faire taire son nom quand elle le juge convenable.

Le troisième consiste à exiger l'indication du nom de la mère de toutes les personnes à qui incombe la déclaration, excepté toutefois de l'homme de l'art qui a donné ses soins à l'accouchement, et cela pour sauvegarder le respect du secret professionnel.

Ces trois systèmes se retrouvent dans divers monuments de la jurisprudence, mais les décisions rendues ne peuvent jeter de lumière dans ce débat, parce qu'elles ne font qu'interpréter des textes. L'article 56 du Code civil prescrit aux personnes qui ont assisté à l'accouchement d'en faire la déclaration. L'article 57 indique les énonciations que doit contenir l'acte de naissance. Or, le Code pénal, en comminant une peine contre le défaut de déclaration, n'a rappelé que l'article 56 du Code civil, sans parler de l'article 57, en sorte qu'on s'est partagé sur le point de savoir si les énonciations indiquées dans le dernier article sont ou non essentielles à la déclaration prescrite.

Mus avez-vous, non à interpréter le texte existant, mais à en faire un nouveau, qui consacre clairement la solution que vous donnerez à la question pendante ?

La jurisprudence peut donc et doit même être écartée du débat.

Quand on réduit le débat à ses termes le 'plus simples, on peut poser aussi la question à résoudre : Faut-il que toujours il existe d'une naissance un acte sérieux, c'est-à-dire, un acte qui rattache l'enfant à une famille ou au moins à la femme qui lui a donner le jour ?

La commission résout cette question affirmativement. L'honorable M. Orts veut que la mère puisse par l'imposition du secret faire que l'acte de naissance porte seulement : Un enfant de tel sexe est né dans telle ville tel jour, à telle heure.

M. Orts. - Avec les noms.

M. Pirmez, rapporteur. - Le nom qu'on lui donnera, c'est-à-dire Pierre, Paul ou Jacques et voilà tout. La déclaration ne contiendra rien qui puisse faire penser que l'enfant est né d'un Belge ou d'un étranger, d'une femme mariée ou d'une jeune fille.

Dans cette question il y a trois intérêts en présence : l'intérêt de la mère, l'intérêt de l'enfant, l'intérêt de la société. La commission, autant dans l'intérêt de l'enfant que dans l'intérêt du public, pense qu'il faut toujours exiger un acte de naissance sérieux qui rattache l'enfant à quelqu'un. L'honorable M. Orts, dans l'intérêt de la mère, pense que l'acte de naissance peut ne contenir que des indications moins précises.

Mais tout d'abord je dois constater une très grave erreur de l'honorable membre, qui paraît admettre que son amendement n'aura d'effet que sur la déclaration des naissances d'enfant naturel. S'il reconnaît que le nom de la mère légitime doit nécessairement être indiqué dans l'acte de naissance, il conteste l'utilité de cette indication pour l'enfant naturel, et surtout pour l'enfant adultérin ; ces derniers n'ont pas d'état civil, dit l'honorable membre, la reconnaissance de ces enfants est même prohibée, quel intérêt peuvent-ils avoir à ce que le nom de leur mère figure dans leur acte de naissance ? Aucun. M. Orts me paraît oublier qu'un enfant adultérin naît presque toujours légitime, puisque le caractère d'adultérin ne peut guère être constaté que lorsqu'il naît d'une femme mariée.

Comment voulez-vous que l'officier de l'état civil, le médecin, les témoins, sachent si c'est un enfant adultérin ou non ? Pour eux c'est un enfant légitime. Il ne devient adultérin que lorsque l'action en désaveu lui a fait perdre sa qualité d’enfant légitime.

M. Orts. - Vous voulez donc provoquer des procès en désaveu, c'est-à-dire les procès les plus scandaleux et qui troublent le repos des familles !

(page 790) M. Pirmez, rapporteur. - Je constate seulement la contradiction de votre système. Vous reconnaissez que l’acte de naissance d'un enfant légitime doit contenir le nom de la mère parce qu'il est d'un intérêt immense de connaître la filiation de cet enfant, et vous voulez exempter les témoins de l'obligation de déclarer le nom de la mère d'un enfant adultérin.

Or,' je demande comment vous voulez que l'on sache si l'enfant est adultérin ? Il faut pour cela une action en désaveu ; jusque-là l'enfant est légitime. Les témoins ne peuvent pas décider que tel enfant est adultérin. Cela serait extrêmement dangereux. Je reconnais bien volontiers que le système que je combats est plus avantageux pour la fille qui a commis une faute et pour la famille de cette fille. Mais remarquez que vous portez atteinte au principe plus fondamental de toute législation criminelle, je dirai même au principe le plus essentiel de toute législation, le principe de la responsabilité.

Chaque fois que la répression d'un délit quelconque est poursuivie, cette poursuite a de très grands inconvénients d’abord pour le coupable et même pour la famille du coupable, qui peut être très honorable. Mais un vol, ce délit si infamant dans nos mœurs, le cacherez-vous pour protéger la considération de son auteur ? Notre Constitution veut même qu'il soit jugé publiquement !

Tout le système de M. Orts consiste à vouloir affranchir la mère des conséquences de sa faute ; il l'exonère de la responsabilité de cette faute. Il faut y prendre garde ; la responsabilité et la liberté sont deux choses intimement liées. On n'est responsable que parce qu'on est libre et l'on ne peut être libre que parce qu'on est responsable. Or, l'amendement tend à mettre à mettre à la charge de tous ce qui incombe à un seul.

L'enfant dont la mère ne sera pas indiquée dans l'acte de naissance, va exister dans la société dans un état d'isolement complet. Ne l'exposez-vous pas à être mis à la charge de la charité publique ?

Mais votre système, nous dira-t-on, conduira souvent à l'avortement et à l'infanticide.

Je fais la même objection au système que je combats, non pour l'avortement, mais pour l'infanticide et l'exposition ou le délaissement. Quelle protection l'autorité pourra-t-elle donner à cet enfant qu'il est impossible de rattacher à une personne connue ?

L'enfant est né, mais que devient-il après la déclaration de naissance ? On l'ignore, et le but de l'amendement est même que l'on ne sache pas que la mère est accouchée. N'y a-t-il pas dans cette impunité probable un appât à faire disparaître un enfant compromettant pour l'honneur de la mère ?

Remarquez bien que cette crainte de l'avortement et de l'infanticide ne s'applique qu'aux mères qu'on suppose dépourvues de toute moralité ; or ce serait pour des femmes que l'on croit capables de semblables crimes, qu'on relâcherait, par la protection du secret de l'accouchement, la surveillance de l'autorité ? Cela n'est pas possible.

Mais, messieurs, à côté de l'intérêt de la mère, il y a l'intérêt bien plus respectable de l’enfant ; le vice de sa naissance ne lui est pas imputable ; s'il est né, malheureusement, de relations illégitimes, il n'a pas moins de droit à avoir sa place dans la société, à n'être pas un enfant trouvé, destinée bien différente de celle d'un enfant naturel.

Je me rappelle que notre ancien collègue M. de Luesemans a, dans la discussion de ce titre du Code pénal, insisté avec beaucoup de raison sur cette différence, en nous signalant l'embarras qu'éprouvent toujours à exhiber leur acte de naissance, lors du mariage surtout, ceux dont la filiation n'est reconnue par personne. Or, l'amendement conduit à avoir des enfants abandonnés au lieu de simples enfants naturels.

Mais, dit M. Orts, l'acte de naissance d'un enfant né hors mariage n'est qu'un chiffon sans valeur, il ne prouve pas la filiation.

Cet acte ne fait pas pleine foi de la filiation naturelle, je le reconnais, mais n'est-il pas un renseignement de la plus haute importance et pour l'enfant et pour la justice. Je n'hésite pas à dire que l'acte de naissance aura presque toujours plus de valeur qu'aucun autre document, qu'aucun autre mode de preuve.

Je crois du reste que l'honorable M. Orts a été trop loin en affirmant comme une chose hors de doute que l'acte de naissance n'a aucune valeur juridique. Les auteurs ne sont pas d'accord sur ce point. J'avoue que je ne crois guère fondée cette opinion émise qu'il constituerait un commencement de preuve écrite, mais il est une autre opinion qui admet que si l'acte de naissance ne fait pas preuve de la filiation, il fait preuve d'un des deux faits qui constituent la filiation.

Pour prouver la filiation, il faut établir deux choses, que la mère est accouchée, que l'enfant dont il s'agit est celui dont elle est accouchée ; preuve de l'accouchement, preuve de l'identité. Or, des auteurs estimés, Merlin, entre autres, si je ne me trompe, soutiennent que si l'acte de naissante ne prouve pas la filiation, c'est-à-dire les deux circonstances nécessaires à établir la filiation, il prouve au moins le premier des deux faits instituant la filiation, le fait de l'accouchement.

J'ajouterai à ces observations dans l'intérêt de l'enfant, qu'il ne faut pas perdre de vue l'intérêt de l'Etat, l'intérêt des communes, j'ai indiqué que d'après le système de l'honorable M. Orts des charges plus lourdes doivent nécessairement incomber à la bienfaisance publique ; ce point n'est pas contestable.

Si, ce que je ne crois pas, l'intérêt de la mère qui doit répondre de son fait pouvait entrer en comparaison avec l’intérêt de l'enfant qui a un droit sacré à revendiquer, l'intérêt public en se joignant à celui de ce dernier doit nécessairement faire pencher la balance en sa faveur, et entraîner l'adoption du projet de la Commission.

M. Savart. - Messieurs, il y a dans la société actuelle trois espèces de personnes qui, par état, sont dépositaires des secrets d'autrui : les prêtres, les avocats et les médecins, .

Notre religion, nos mœurs, nos habitudes leur font un devoir impérieux de garder le silence sur tout ce qui leur est confié à raison de leurs fonctions.

Une loi qui les obligerait à se faire dénonciateurs viendrait se briser impuissante contre le silence que garderaient les prêtres, les avocats, les médecins.

Les prêtres ne dénonceront pas leurs pénitents. Ils répondraient même aux interrogations de la justice : Nous ne révélerons rien, non possumus.

Les avocats, interrogés sur ce qui leur a été confié par leurs clients, dans leur cabinet, répondraient également : Non possumus.

Enfin, les médecins ont observé, depuis Hippocrate jusqu’à nos jours, une règle qui s'exprime énergiquement en ces termes : Aegrorum arcana visa, audita, intellecta eliminet nemo.

Ce que les médecins ont vu, su, entendu ou compris de leurs malades ne sera pas divulgué malgré toutes les obligations qui leur seront imposées par la loi de se faire dénonciateurs. Mieux vaut payer une amende et même subir un emprisonnement que d'encourir le mépris et la haine des citoyens, que de ruiner son honneur et sa clientèle et, par une conséquence inévitable, ses espérances de fortune.

Entre deux maux on choisit le moindre.

C'est avec raison que Montesquieu fait observer dans son esprit des lois que les peines édictées sont inutiles, les dispositions législatives inopérantes, quand elles vont à l’encontre des mœurs et de l’opinion générale.

La question de savoir si l'article 546 du Code pénal est applicable à ceux qui, ayant assisté à un accouchement ne font pas leur déclaration, dans toute l'étendue prescrite par l'article 57 du Code civil, et avec tous les détails que cet article comportera été vivement controversée, et diversement interprétée.

Il résulte de nombreux arrêts de la cour de cassation de France, arrêts fortement motivés, étayés par la logique et la science, qu'il suffit de se conformer aux articles 55 et 86 du Code civil et de déclarer que la naissance d'un enfant a eu lieu tel jour pour être à l'abri des peines parlées par l'article. 430, pour qu'il n'y ait pas infraction délictueuse à la loi.

A la vérité, la cour de cassation de Belgique n'a pas toujours partagé la manière de voir des tribunaux français, mais ces décisions doivent avoir plus d’influences sur nous ; la raison en est qu'il ne s'agit pas aujourd’hui d'interpréter une loi faite, il s'agit de créer une loi nouvelle.

Pour moi, il n'est pas douteux que, dans le cas de création d’une loi nouvelle, plusieurs honorables conseillers pencheraient pour un système qui n'obligerait pas les médecins à se faire dénonciateurs.

Le médecin est appelé à exercer une haute mission ; le faire descendre au rang d'agent de police ou vulgairement dit de mouchard, serait anéantir une partie des services qu'il est appelé à rendre à la société. Prêtres, avocats et médecins sont liés par une espèce d’intérêt solidaire. S'ils comprennent bien leur avenir, ils combattront tout système qui aurait pour résultat de pouvoir les obliger à la révélation des secrets. Dans la voie où on s'engage, on veut que le médecin viole le secret qui lui est confié par une patiente en mal d'enfant ; peut-être ira-t-on plus loin encore, et demain exigera-t-on de l'avocat des révélations que son honneur lui défend de faire ; et s'arrêtera-t-on toujours au seuil du confessionnal ?

Suivant moi, puisque nous avons à créer une disposition légale, mettons-la en harmonie avec les idées généralement reçues, et ne froissons pas l'esprit public, ne risquons pas de faire beaucoup de mal dans l'espoir douteux d'un peu de bien.

Je me demande à quoi peut conduire l'obligation imposée au médecin de déclarer les noms, prénoms et profession de la femme qui vient de donner le jour à un enfant, naturel ou adultère.

Ce n'est pas dans l’intérêt de la société, puisque, comme le disait avec une énergie toute militaire au conseil d'Etat Napoléon Ier, l'Etat n'a pas d'intérêt à ce que la filiation des bâtards soit connue.

C'est pourquoi les actes de l'état civil dressés conformément aux articles 55, 56 et 57 ne prouvent rien quant à la situation des enfants naturels.

Il faut que la mère souscrive. Les actes non souscrits par la mère ne peuvent même former un commencement de preuve par écrit, et ils révèlent un scandale, ils impriment une flétrissure.

La reconnaissance d'un enfant naturel ne peut avoir lieu que par acte authentique quand la mère n'a pas souscrit la déclaration de naissance, ou dans l'acte de mariage. La reconnaissance même du père ne peut avoir d'effet qu'à l’égard du père si la mère ne s'est pas jointe à lui.

L'acte dressé sur la dénonciation d'un médecin ou d'un accoucheur contenant le nom de la mère d'un nouveau-né sera pour celle-ci une tache. Elle lui enlèvera l'honneur qui est souvent toute sa richesse, tout son patrimoine.

(page 791) N'étant plus assurée de l'inviolabilité du secret confié à l'accoucheur on médecin, l'accouchement aura lieu sans les soins des hommes de l’art. Par suite il y aura souvent mort de l'enfant ou de la mère, peut-être de tous deux. Ou bien, pour cacher une faute, un crime sera commis. Les infanticides, déjà si nombreux, se multiplieront encore.

Et nous n'avons que trop de cette espèce de crimes ; il y en a à chaque session des assises. Il y a encore deux accusations d'infanticide aux assises du Brabant.

Enfin l'enfant adultérin ne peut mène être admis à preuve de la maternité.

Le fait que l'enfant même ne peut pas prouver, vous allez le faire dénoncer par le médecin ; la flétrissure sera imprimée par la déclaration du médecin, et le voile prudent dont les articles 342 et 345 ont couvert certains faits sera soulevé, déchiré.

Quant à l'enfant, la déclaration lui est inutile ; elle est insuffisante pour prouver son état civil.

Et à quoi lui servirait d'établir sa filiation ?

Cet établissement peut lui occasionner, suivant les circonstances, plus de mal que de bien.

Si la mère, au dernier moment, veut tester en faveur de l'enfant naturel, elle ne pourra disposer en sa faveur de tout son bien, et cependant si elle n'a pas d'héritier en réserve, elle pourrait disposer de tout son bien en faveur d'un étranger. Si les parents ont envie d'adopter l'enfant naturel, ils ne pourront pas le faire. La question est très douteuse et donnerait naissance à de graves procès.

Si l'enfant est adultérin, la possibilité de lui faire du bien sera même enlevée aux auteurs de ses jours. Dans les deux cas, il y a toujours pour l'enfant une flétrissure morale et la faute d'une mère est un pesant fardeau.

Enfin, parfois il y aura lésion possible dans les intérêts matériels de l'enfant.

Que j'envisage donc la loi au point de vue des intérêts de la société, de la mère, ou des enfants, je ne vois pas de grand bien à résulter de la dénonciation des médecins. Je vois au contraire des dommages possibles qui l'emportent, dans la balance, sur ses avantages.

Pour ces motifs, je voterai en faveur de l'amendement de M. Orts.

- La séance est levée à quatre heures et trois quarts.